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Chronique

Les métamorphoses du politique en Occident

En politique, l’axe gauche-droite ne permet plus aujourd’hui d’expliquer le positionnement des électeurs aussi bien que par le passé. Pour décrire plus exactement l’offre politique, il faut prendre en compte, dans une deuxième dimension, d’autres références politiques qui se superposent à cet axe. En collaboration avec la Chaire intelligence spatiale et Chôros.
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1. Au-delà du rapport gauche-droite

Les trois graphiques ci-après (figures 1, 2 et 3) proposent une méthode pour classer l’offre politique selon trois principes: le placement, l’horizon, la portée.

Figure 1. Dynamique de l’offre politique en France (1981–2017)

Orientations des quatre candidats arrivés en tête au premier tour de l’élection présidentielle (1981 et 2017)

Figure 2 Dynamique de l’offre politique aux États-Unis (1992–2020)

Orientations des deux principaux candidats arrivés en tête de l’élection présidentielle (1992 et 2020)

Figure 3. Enjeux de la nature, conceptions de la société et scène politique

Le premier principe, le plus classique, est le « curseur » de placement sur l’axe gauche-droite autodéfini par les mouvements politiques et par leurs électeurs. Dans les graphiques, il correspond à la projection d’une offre politique sur un axe supposé lui préexister.

Le deuxième critère définit la portée du projet. D’un côté, on trouve les single-issue politics qui approchent l’ensemble des choix à effectuer à partir d’une matrice monothématique (comme le pouvoir d’achat, le changement climatique ou la sécurité), De l’autre, apparaissent des propositions systémiques qui prétendent à une cohérence entre des orientations présentées comme également importantes (comme la société des individus ou le développement durable).

1.1. Quatre horizons

La troisième dimension des schémas, le spectre, totalement indépendante de la première, distribue les offres en quatre horizons : progressiste, conservateur, réactionnaire, totalitaire selon des demi-anneaux concentriques, une offre politique pouvant couvrir un ou plusieurs horizons. Ces termes ne contiennent pas de jugement de valeur mais classent les projets politiques du point de vue du rapport au changement souhaité ou redouté. Et, contrairement à ce que peuvent laisser croire les noms de certains mouvements ou les classements habituels, ces horizons ne constituent nullement un redoublement des positions sur l’axe gauche-droite, mais explorent d’autres logiques. Un des effets pratiques de cette grille d’analyse est qu’elle permet de rendre visible une situation où l’on peut être en même temps, par exemple, de gauche et conservateur.

La longueur des rectangles qui symbolisent une offre donne donc une information sur son « étendue » : certains projets se concentrent sur un seul registre tandis que d’autres présentent un large éventail qui traverse plusieurs anneaux, avec ce que cela impose d’agilité, parfois de funambulisme, pour tenir ensemble des postures potentiellement incompatibles. La présentation de ce principe de classement sous forme d’un demi-cercle d’anneaux emboîtés permet de rendre plus facilement comparables des offres politiques proches à certains égards et qui pourraient, selon un autre mode de visualisation, apparaître comme totalement opposées.

Elle ne consiste pas non plus en un classement d’éléments de programme qui seraient étalonnés selon une grille préétablie. À quoi correspondent alors les différences d’horizon ? Elles définissent les différentes positions, du progressisme au totalitarisme, sur la base de ce qu’on peut savoir sur le rapport entre un état actuel de la société et un état futur désiré. À cet égard, les progressistes se situent précisément dans le prolongement des Lumières : aller vers le mieux est possible si les citoyens le décident et s’y engagent. Cela suppose aussi de reconnaître l’historicité de ce mieux et de se demander en permanence quelle en est la substance. Les conservateurs craignent que des changements, imposés de l’extérieur, mal construits et mal négociés ne soient pires que l’existant et ils valorisent un riche patrimoine civilisationnel qu’il s’agit de défendre. Les réactionnaires avancent le projet d’une bifurcation brutale permettant d’échapper à un destin funeste, tant face au progressisme qu’au conservatisme. Leur démarche part du constat qu’un gouvernement « au fil de l’eau » conduit au pire et qu’un coup d’épaule énergique est nécessaire pour éviter la catastrophe. Faute de pouvoir obtenir des majorités, ils préconisent l’action de « minorités agissantes » intervenant aux limites de la légalité et s’attribuant la responsabilité d’orienter la société, y compris sans le consentement initial des citoyens, trop faibles pour prendre ou soutenir spontanément des décisions courageuses. En ce sens, l’extrême gauche et l’extrême droite classique de l’Europe du XXe siècle sont assez comparables comme mouvements réactionnaires. Si cela ne suffit pas, seule une violence « accoucheuse », visant la destruction des mécanismes sociaux stabilisateurs, tels que la république (état de droit, séparation des pouvoirs, libertés publiques), la démocratie et l’existence autonome d’une société civile et des individus qui la composent, peut permettre une refondation : c’est le totalitarisme. Là encore, le rapport gauche-droite n’est pas prédictif du positionnement sur ce plan. De fait, les deux grands totalitarismes du XXe siècle sont issus l’un de l’extrême gauche et l’autre de l’extrême droite. On peut même dire que le placement initial sur l’axe gauche-droite a constitué pour eux une ressource et permis de justifier, au nom de « valeurs communes », des alliances provisoires avec des progressistes, des conservateurs ou des réactionnaires du même « camp ».

1.2. Le totalitaire aujourd’hui

Cela étant posé, cette liste peut tout de même surprendre. On pourrait objecter que, si les trois premiers horizons (progressiste, conservateur et réactionnaire) dessinent un paysage cohérent portant sur le contenu de possibles politiques publiques, le totalitarisme porte sur l’organisation de la société dans son ensemble. Il n’appartiendrait pas au même monde et fait figure d’intrus dans la liste. Face à trois attitudes qui évoluent à l’intérieur d’un cadre, celui de la république et même de la république démocratique, qui n’est pas fondamentalement mis en cause par l’une ou l’autre des trois propositions, tandis que le totalitarisme viserait à briser ce cadre. Il serait donc fondamentalement étranger à la vie politique contemporaine de l’Europe occidentale et même de l’ensemble de l’Occident. Ces objections se tiennent mais butent sur une réalité historique consistante : les mouvements totalitaires, qui visent à détruire simultanément les individus en tant qu’acteurs et les sociétés en tant que systèmes d’acteurs multiples, ont d’abord prospéré à l’intérieur des systèmes politiques du xixe et du xxe siècles, en réussissant ou non à prendre le pouvoir. Même après la Deuxième Guerre mondiale, lorsque l’Occident était moins directement menacé par un basculement direct dans des régimes totalitaires, la guerre froide (1945–1989) a mis en scène des mouvements qui font de la brutalisation du social leur credo, qu’ils soient communistes ou, comme aux États-Unis avec le maccarthysme, adeptes d’une chasse aux sorcières radicale. On découvre alors que le totalitarisme – parlons plutôt alors dans ce cas d’orientation totalitaire – n’est pas seulement le régime politique d’annulation de la politique mais qu’il existe en son sein comme une offre politique parmi d’autres.

Les totalitarismes du xxe siècle ont marqué une rupture, du fait du rôle central de l’État comme acteur unifié de la destruction de toute autonomie du monde social.
Hannah Arendt (1972 [1951]) a relié cette nouveauté à l’affaiblissement des allégeances communautaires préexistantes et a repris la notion durkheimienne d’anomie. Ces « sociétés de masse » présentent une vulnérabilité aux idéologies totalitaires qui a été analysée par des auteurs tels que José Ortega y Gasset, Karl Mannheim, Emil Lederer ou Herman Broch, et qui ont servi d’arrière-plan à la réflexion d’Arendt. L’identité nationale tout comme l’identité de classe portée au pouvoir deviennent alors des machines de guerre entre les mains de l’État pour recommunautariser une société de plus en plus atomisée. La convergence profonde entre stalinisme et nazisme, en dépit de principes apparemment opposés, a été magistralement éclairée par Vassili Grossman (1980 [1960]). Ce processus n’exclut pas la relecture en termes de totalitarisme de situations où ce sont justement d’autres communautés qui pénètrent en profondeur dans l’intimité de leurs membres. Celles-ci peuvent se révéler des contre-pouvoirs face à la communauté dominante qui vise l’exclusivité. C’est le cas, par exemple, des musulmans en Inde, des chrétiens en Chine. Cependant, lorsqu’elles accèdent à un pouvoir sans partage, leur attitude est similaire à celles des États-partis du xxe siècle. Ainsi, l’Église catholique, là où elle en a eu le pouvoir, a bien répondu à ces critères pendant plusieurs siècles et notamment dans la période de déclin, à partir du xviiie siècle, quand l’émancipation des individus devenait peu à peu légitime et que l’institution religieuse mobilisait toutes ses ressources pour répondre à la menace, une attitude qu’on peut observer encore aujourd’hui en Amérique latine ou en Pologne. Les radicalismes religieux contemporains, chrétiens, musulmans, hindouistes et juifs entrent dans la même catégorie. Plus généralement, ce sont les institutions totales, une notion proposée par Ervin Goffman, (1979 [1961]) qu’on peut enrichir de la famille patriarcale autoritaire, qui développent une telle orientation totalitaire. La réduction du totalitarisme à des phénomènes historiques circonscrits et caducs, comme le nazisme et au stalinisme, n’est donc pas justifiée.

Les versions épurées du totalitarisme sont certes devenues improbables en Occident car les sociétés ont tenu compte de l’expérience et surtout parce qu’elles ont évolué vers des sociétés d’individus beaucoup plus résilientes. Mais cela ne signifie pas que le terme lui-même soit devenu obsolète. On peut aisément reconnaître des ressemblances avec le totalitarisme nazi ou stalinien dans la Chine et l’Iran contemporains, qui ne sont pas que des régimes autoritaires mais des systèmes de pouvoir qui pénètrent dans l’intimité des personnes et vise à empêcher toute autonomie de la société civile. Il existe aussi des versions atténuées dans les régimes autoritaires qui, dans le sillage de Carl Schmitt, donnent le primat de la géopolitique sur la politique comme dans la Russie de Vladimir Poutine ou la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan.  Encore un cran au-dessous, on trouve l’« illibéralisme » polono-hongrois.

Autrement dit, le totalitarisme n’est pas une référence abstraite qui serait devenue dans les sociétés contemporaines une ligne de fuite hors d’atteinte : c’est une orientation politique qui tend à détruire la dimension politique d’une société. La dérive de Donald Trump, de sa candidature de 2016 à la fin de son mandat en 2021, invite à fixer des seuils : dans les républiques démocratiques, la « post-vérité » et l’émeute ne font pas partie des ressources légitimes des mouvements conservateurs ou réactionnaires. Lorsque, par ailleurs, il est possible de faire publier dans une revue universitaire reconnue le texte exact de Mein Kampf où l’on a seulement remplacé « Juifs » par « Blancs » (Pluckrose & Lindsay, 2021), on voit bien que, même si ces phénomènes sont minoritaires, ils ont pignon sur rue et peuvent se montrer en pleine lumière sans que cela les fasse disparaître.

On peut donc rencontrer un totalitarisme de croisière au sein des républiques démocratiques en Europe comme en Amérique du Nord. Cette orientation se situe en général dans l’opposition mais qui peut aussi contaminer la pratique du pouvoir.

La vie politique française montre des fragilités spécifiques dans ce domaine, puisque l’événement fondateur de sa vie politique contemporaine, la Révolution de 1789–1793 est une combinaison de toutes les orientations évoquées ici. Le progressisme, comme application directe du programme des Lumières, y côtoie  le conservatisme (celui du centralisme « jacobin », venant de la monarchie absolue repris ensuite dans la filiation bonapartiste, ou celui des revendications paysannes de la protection des leurs droits traditionnels), tandis que, au nom de la défense des acquis de la révolution, émerge un nationalisme agressif accompagné de l’invention de la guerre de masse qui ne peut être caractérisé que de réactionnaire puisqu’il s’attaque aux valeurs proclamés par les révolutionnaires eux-mêmes. Enfin, la pratique de la « terreur » a consisté à détruire tout pluralisme politique mais aussi toute autonomie de la société civile et constitue l’esquisse d’un système totalitaire étatique qui inspirera les bolcheviks. Dans le contexte de la résistance d’un siècle à l’instauration d’une république démocratique, une culture de la violence s’est installée dans la vie politique française. À droite, elle a donné naissance à un culte des chefs de guerre et à une légitimation des coups d’État. À gauche, elle a fusionné, après 1917, avec le projet léniniste de destruction violente non seulement des opposants déclarés au communisme mais de tout ce qui, dans la société (traditions, modes de vie, croyances, connaissances), pouvait contrarier son instauration. Pendant la période stalinienne, les partis communistes ouest-européens, situés « ni à gauche, ni à droite, mais à l’Est », selon les socialistes Édouard Depreux et Guy Mollet, ne soutenaient pas seulement le régime soviétique, ils avaient aussi pris l’habitude de vivre comme une contre-société communautaire semi-clandestine et de considérer l’état de droit comme une arme illégitime aux mains de la bourgeoisie. Encore aujourd’hui, l’idée que l’on peut contester par la violence le pouvoir légitimé par la démocratie, en saccageant un ministère ou en bloquant les examens pour soutenir une grève des cheminots, reste présent tant au sein des syndicats agricoles, sans réaction de la droite, et dans les syndicats ouvriers, sans réaction de la gauche montre que le rapport à l’état de droit, qui peut être vu comme une ligne rouge séparant une république (même non démocratique) d’un despotisme destructeur de toute vie politique demeure un enjeu en France.

Non seulement le totalitarisme comme orientation politique n’a pas disparu, mais en outre il se situe dans un cadre de débat commun qui, de proche en proche, va jusqu’au conservatisme le plus « modéré ». Les mouvements concernés ne sont pas confinés dans un coin isolé, séparé du reste de la sphère publique par un sas hermétique. Ils bénéficient de multiples porosités. Ils sont partie intégrante du système intégré d’offre politique, chaque élément interagissant en permanence avec tous les autres et par ailleurs ils sont une composante d’un marché des idées dont aucune, même extrême, n’est totalement déconnectée de celles qui semblent à ses antipodes.

1.3. Un continuum, du conservatisme au totalitarisme

Le conservatisme n’est pas une demande de conservation spécifique. Certaines de ces demandes deviennent inutiles lorsqu’un consensus est suffisamment large et profond pour occlure d’avance un débat, comme le droit de vote ou la scolarité obligatoire. Il y a conservatisme lorsque le mouvement de la société qui résulte de son insertion dans l’histoire est contesté dans son principe ou dans ses conséquences.

1.3.1. Le conservatisme comme bifurcation active

La réforme des retraites présentée par le gouvernement en 2019 a suscité trois grands types de positions : les partis de gauche et d’extrême-gauche et la plupart des syndicats se sont opposés à tout changement de la situation actuelle ; la droite a demandé des changements « paramétriques » portant sur l’âge d’accès à une retraite à taux plein ou sur la durée de cotisation ; le gouvernement et la CFDT ont demandé un passage à la « retraite à points » assortie d’une garantie d’un niveau minimum de pension pour tous, avec une divergence entre ces deux acteurs sur la nécessité d’accompagner cette réforme d’une élévation de l’âge d’accès.

Le caractère conservateur des positions de la droite et de la gauche ne fait guère de doute. Dans le « paquet » dont la gauche, explicitement, et la droite, de facto, revendiquent la survie, il y a les régimes spéciaux qui donnent à certaines catégories des avantages spécifiques dont l’ensemble des contribuables doit payer les surcoûts. La justification donnée à la défense de ces « acquis » est que ce serait une anticipation de droits qui, un jour, devraient s’appliquer à tous. Or, cette extension très généreuse n’est, en réalité, nullement à l’ordre du jour, y compris dans les projets des partis de gauche. L’idée que l’extension illimitée des droits-créances (entitlements) rendrait absurde le reproche de « privilèges » renvoie au vestige du « grand récit » téléologique dont le point d’arrivée serait connu, seul le chemin pour l’atteindre restant encore à préciser. C’est là une digue bien fragile à l’encontre d’une autre approche : celle de l’égalité entre tous, mesurée avec précision et recherchée avec les moyens d’aujourd’hui, non avec ceux d’une histoire mythique. Cette vision est largement partagée aujourd’hui, ce dont témoigne que l’argument de la « préfiguration » par les régimes spéciaux de droits universels a été très peu utilisée dans les débats de 2020. Dans le débat public, les opposants de gauche ont plutôt joué sur le fait que les chiffrages gouvernementaux n’étaient pas toujours clairs, pour avancer l’idée que tout le monde perdrait à la réforme. En dépit de sa fidélité discursive au passé, le conservatisme de la gauche s’écarte chaque jour davantage de la dynamique sociale et des leviers comme des défis qu’elle invite à saisir (Lévy, 2019).

La gauche renonce donc à défendre le principe d’égalité devant la loi. Elle se retrouve avec la droite pour s’attaquer à la liberté d’inventer sa propre vie. La réforme proposée, fondée sur l’accumulation de points, a été proposée dès 2006 en France et s’applique déjà à certains régimes et en Suède. Elle correspond à l’idée que dans la pratique des individus, les cycles de vie rigides de l’ère fordiste se diversifient, que la relation entre travail, formation et non-travail s’individualise de plus en plus et qu’il ne serait donc pas juste qu’un seul modèle soit privilégié, pénalisant ceux qui ne le suivraient pas. En s’opposant à cette démarche, la droite et la gauche ont montré que leur opposition participait d’un conservatisme, qui n’est pas de nature statique : ce n’est pas l’inertie du présent face à un futur inquiétant qui le caractérise. Il s’agit d’une dynamique de bifurcation : le mouvement de la société invite à procéder à des ajustements et ceux-ci sont refusés au nom de la continuité de l’existant et, soit du risque inhérent à toute réforme d’envergure (droite), soit de la création d’un groupe de perdants (gauche). Dans les deux cas, le refus entraîne une réplique plus ou moins marquée, qui se distingue d’une attitude franchement réactionnaire, dans laquelle la rupture avec le présent conduit à des positions alternatives plus marquées. Il existe cependant une continuité entre postures conservatrice et réactionnaire. La différence porte sur le niveau de résistance que l’on appelle de ses vœux face à un changement jugé néfaste.

Ainsi, sur les questions de sécurité, les conservateurs et les réactionnaires partagent le même constat d’un affaiblissement de la police et un laxisme de la justice face à la délinquance, mais les conservateurs se contenteront de proposer des renforts policiers et d’exiger une application plus stricte de la loi tandis que les réactionnaires sont prêts à remettre en cause l’indépendance des juges et l’autonomie du pouvoir judiciaire.

Un conservatisme pragmatique (ou un progressisme faible) pourrait être envisagé pour s’adapter aux rythmes effectifs du changement social et prendre en compte la dureté des oppositions, en renonçant à anticiper les mutations à venir.

C’est ce même type de lenteur adaptative qu’avait proposé le gouvernement à la fin des négociations en acceptant que, pendant des décennies, l’ancien et le nouveau système cohabitent. En refusant tout évolution des principes, la droite et la gauche ont montré la dérive réactionnaire d’un conservatisme apparent. En effet, elles ont clairement indiqué qu’elles préféraient l’aggravation des injustices et l’affrontement direct vis-à-vis des aspirations émergentes et déjà très nettes des citoyens. On notera enfin que, même si en apparence, le projet du gouvernement et celui de l’opposition de droite contenaient tous deux des mesures paramétriques, celles-ci n’ont pas tout à fait le même sens. Pour la majorité, ce sont des mesures d’accompagnement qui permettent la viabilité de la retraite par points et des minima garantis. Pour la droite, c’est simplement la duplication de mini-changements ne portant que sur l’équilibre financier du système.

1.3.2. Réactionnaires jusqu’au bout

Si l’on regarde le cas des forces aux prises dans le cadre des conflits actuels en Pologne, le parti PiS et l’Église catholique, on voit comment la volonté d’un retour en arrière en matière des droits individuels, en particulier ceux des femmes, a conduit les dirigeants actuellement au pouvoir à engager des changements qui porte sur l’état de droit, la séparation des pouvoirs et la liberté d’informer. Ce glissement s’explique par le fait que, face à une dynamique sociale qui ne peut pas être inversée et qui, comme ailleurs en Europe, se profile comme irréversible, la démarche réactionnaire conduit à utiliser les fondements de la république démocratique comme une variable d’ajustement. On trouve la même logique dans les tentatives de mouvements politiques dans l’Union européenne ou en Suisse de remettre en cause le principe juridique fondamental de la prééminence des traités internationaux sur le droit national préexistant simplement parce que le contenu de ces traités ne leur convenait pas. Lorsque, après la Révolution de 1917, la démocratie était traitée de « formelle », et donc illégitime, par les partis communistes européens, on se trouvait dans le même cas de figure, ce qu’on a vu aussi plus récemment au Venezuela d’Hugo Chávez et de Nicolás Maduro : les choix de politiques publiques ne sont pas séparés par un cordon infranchissable des cadres institutionnels et la glissade des projets réactionnaires vers les pratiques totalitaires, sans être inévitable, est loin d’être exceptionnelle.

Il existe donc bien un continuum entre conservateurs, réactionnaires et totalitaires. Une proposition fortement hétérochrone est inévitablement réactionnaire car elle détruit les éléments de la société qui contribuent à mettre la société en mouvement. Soit par l’exclusion politique directe, soit par la mise à l’écart des processus de changement qui n’entreraient pas dans le cadre des changements décidés.

Inversement, tout conservatisme généraliste, c’est-à-dire portant sur l’ensemble du monde social dérive presque automatiquement vers la brutalisation de la société, tandis qu’un projet réactionnaire porte inévitablement atteinte au cadre républicain du régime.

1.3.3. Le populisme comme variante de la démarche réactionnaire

Enfin, les mouvements « populistes », et plus généralement tribunitiens (Lavau, 1981), sont toujours, in fine, réactionnaires. Le style populiste classique, qui s’appuie plutôt sur un supposé bon sens partagé par tous sauf par les gouvernants. C’est la ligne qu’on trouve de manière épurée dans l’émission quotidienne « L’heure des pros » sur la chaîne CNews et nous permet de comprendre la logique du passage au complotisme : pour expliquer que le bon sens des personnes ordinaires ne parvient pas à s’imposer dans les lieux de pouvoir, c’est que ceux-ci sont pilotés de manière occulte par un petit nombre d’acteurs surpuissants.

L’attitude tribunitienne inclut ces mouvements mais est plus générale. Elle consiste à n’assumer que la voie de la représentation : un mouvement venant « de la base » de la société politique vers la scène politique, qui ignore le cheminement inverse, celui de la légitimation, par lequel une action gouvernementale est validée par les citoyens. Pour cette raison, les mouvements tribunitiens prospèrent dans l’opposition et sont à la peine au gouvernement. Cependant depuis les années 1990, on voit apparaître en Suisse, en Italie, en Hongrie au Royaume-Uni et, bien sûr, aux États-Unis, des équations gagnantes, en tout cas à moyen terme, pour des populistes au pouvoir.

Les tribunitiens ne peuvent pas être progressistes car ils se focalisent sur un petit nombre d’enjeux jugés vitaux et récusent la transformation des urgences absolues qu’ils mettent en avant en priorités relatives, soumises à la commensuration et à l’arbitrage avec d’autres priorités. C’est un moyen pour eux de se dérober au débat public contradictoire et de refuser toute combinaison entre une thématique et toutes les autres. Ainsi, supposons qu’une organisation écologiste exige des décisions portant sur l’énergie décarbonée ou l’agriculture biologique qui s’écartent radicalement et immédiatement des politiques publiques actuelles. À la suite de négociations, la décision du parlement ou du gouvernement consiste à procéder à ce changement mais en réduisant un peu la visée : par exemple, abaisser les objectifs dans ce domaine de 20% au lieu de 30% ou en allongeant un peu le délai de mise en œuvre, par exemple en se donnant quatre ans au lieu de deux. Le mouvement écologiste va alors affirmer que rien n’est fait, que l’immobilisme est criminel et la catastrophe, inévitable. Tel est le point de vue de l’ensemble des mouvements de la gauche et des écologistes sur les suites données par le gouvernement et le parlement à la Convention citoyenne pour le climat : il suffit qu’une minorité des propositions soit refusée et que pour certaines de celles qui ont été acceptées, l’application soit légèrement différée pour que tombe un jugement négatif, global et radical. Au bout du compte, le message émis par ces mouvements n’est pas la nécessité de préserver les environnements naturels mais l’idée que cette préservation n’est par nature pas compatible avec d’autres objectifs légitimes. Ce type d’approche peut s’appliquer à toute attitude maximaliste, Elle consiste à considérer que ne pas faire tout, c’est ne rien faire. Ces affirmations sont très courantes dans la vie politique française de ces dernières années, à droite comme à gauche (par exemple, outre sur l’écologie, à propos de la lutte contre la délinquance ou de l’égalité femmes-hommes). Les approches maximalistes sont doublement tribunitiennes : d’une part, elles sont monothématiques  (voir 1ère partie) et se polarisent sur un enjeu en ignorant les autres ; d’autre part, elles définissent l’horizon de l’action sans se soucier de gouvernementalité, la légitimité de la demande faisant automatiquement légitimité pour l’action.

Ainsi, les mouvements tribunitiens négligent-ils les dégâts collatéraux qu’engendreraient la satisfaction de leurs exigences. Par exemple, une fiscalité jugée trop lourde est contestée et une baisse d’impôts réclamée ; les effets de la diminution des recettes de l’État qui en résulte sur le financement des services publics est négligée au nom d’un « De l’argent, il y en a ». Arrivé au pouvoir, un tel mouvement devra soit aller chercher cet argent par tous les moyens en créant des problèmes nouveaux (inflation, dette, fuite des contribuables, etc.) non abordés donc non discutés par les citoyens, soit changer les règles du jeu en isolant le pays ou en prenant des dispositions autoritaires, soit encore essayer de faire oublier le programme qu’il défendait dans l’opposition. Dans tous les cas, le résultat est similaire : la société régresse par rapport à ses propres standards et à ses propres horizons.

C’est clairement le cas avec la thématique européenne. En 1965, puis à nouveau en 1995, 2002, 2007 et 2012 les présidents français se sont fait élire en utilisant dans la campagne une rhétorique nationaliste anti-européenne puis ils ont changé d’avis une fois élus. En gros : « “Bruxelles” essaie de nous imposer ses décisions irrespectueuses de notre identité mais je vais y mette bon ordre ». L’élection d’Emmanuel Macron marque à cet égard une rupture nette. Les conséquences de cette pratique sont triples : le projet de construction d’un espace politique transnational – un enjeu progressiste possible – est abîmé au lieu d’être discuté ; les citoyens comprennent qu’on leur a, au moins une fois, menti ; l’Europe devient l’un des domaines privilégiés du populisme complotiste : « technocrates de Bruxelles », déni de démocratie, néolibéralisme, destruction du tissu industriel national, etc. Ce recul réactionnaire de la pensée politique a été d’autant plus alimenté par les partis traditionnels qu’ils pensaient avoir tout à perdre à délaisser les clientèles électorales se situant à gauche ou à droite et s’employaient à éviter par tous les moyens d’activer d’autres lignes de clivages. En France, les deux grands partis de gouvernement (1974–2017) ont volontairement nourri en leur sein des courants pro- et anti-européens, chargés de ratisser au plus large par addition des contraires. Au Royaume-Uni, la montée en ligne des anti-européens conservateurs et travaillistes a pris à contre-pied les deux partis et a rendu possible le Brexit. Ces mensonges et ces incohérences font au bout du compte reculer la capacité de la société à se penser comme politique et à se projeter dans l’avenir.

1.4. Le progressisme comme ligne de crête

Pour sa part, le progressisme contient une contradiction apparente. Aller le plus loin possible dans la concrétisation d’un développement auto-organisé de la société (autopoïésis) suppose que ce mouvement volontaire et explicite soit engagé par et pour les citoyens eux-mêmes, ce qui veut dire que ce qui permet son déploiement audacieux peut aussi constitue un frein. L’orientation progressiste suppose que, au bout du compte, cette contradiction est bénéfique et que les avancées seront d’autant plus solides que c’est le mouvement de la société qui les portent.

1.4.1. Homochronie

Les progressistes s’opposent donc intrinsèquement à ceux qui considèrent le mouvement vers le mieux est absurde, soit en raison de l’impossibilité objective d’un développement, soit parce que, subjectivement, l’accord pour s’y lancer ne sera pas obtenu. D’où, d’un autre côté, la contrainte d’une correspondance entre le temps des acteurs et le temps de l’action, ce qu’on peut appeler l’homochronie. On a vu plus haut que, à l’inverse, le conservatisme est toujours une hétérochronie : un décrochage du temps du politique par rapport à la résultante des multiples temporalités de la société.

La démocratie représentative constitue une mesure imparfaite de traduire la vie de la société dans la vie politique.

Par ailleurs, une politique progressiste est conçue par les mêmes que ceux auxquels elle s’applique. Ce qui signifie que seule une société d’acteurs peut être vraiment progressiste. Lorsque le débat sur les choix se restreint aux leaders de communautés, corporations ou de clientèles inamovibles, il est peu probable que ce processus opère. Les politiques effectives résulteront au contraire d’un compromis statique entre les demandes antinomiques des différentes parties prenantes.

Si être dans l’opposition prédispose, à des positions à dominante hétérochronique qui se déconnectent du mouvement d’ensemble de la société, toujours contradictoire et toujours difficile à décrire, mais qui reste une boussole irremplaçable. De fait, tous les gouvernements des républiques démocratiques sont contraints à un haut niveau d’homochronie s’ils veulent conserver quelque popularité et que, par ailleurs, ils doivent offrir quelques améliorations tangibles à la société pour pouvoir présenter un bilan positif au moment de leur réélection. Ainsi ces gouvernements possèdent-ils presque toujours une composante progressiste, qu’ils cherchent souvent à situer à l’écart des plans de conflit principaux et à ne pas y jouer leur légitimité (c’est le sens d’« enjeux sociétaux » en langue de bois politicienne), de manière à ne pas mettre en danger leur base électorale. C’est ce qu’on a vu en Europe dans la gestion de la Pandémie en 2020–2021 : les gouvernements ont dans l’ensemble représenté une approche à dominante cognitive, suivant le rythme de progression de la recherche médicale, tandis que les oppositions multipliaient les messages contradictoires et faisaient flèche de tout bois en jouant sur l’ignorance et l’émotion. Ces deux années ont représenté dans l’ensemble une conquête par les progressistes de la majorité de l’opinion, les populistes de la scène politique (les prises de position systématiquement opposées, en suivant des arguments contradictoires, aux mesures gouvernementales) et de la société civile (les différents mouvements antivax) étant peu à peu marginalisés par leurs positions aberrantes.

On comprend aussi immédiatement que cette disposition progressiste des gouvernements peut être minimaliste. C’est ce qui s’est passé en France entre 1988 et 2017, avec quelques exceptions courtes et contradictoires. Dans le contexte de la difficulté pour de nouveaux acteurs d’entrée dans le cercle restreint des présidentielles entre 1962 et 2017, ce progressisme faible pouvait se révéler très proche d’un conservatisme lui-même faible, c’est-à-dire incohérent et inconstant, où le pouvoir appartenait à une dynastie de rois fainéants dont Jacques Chirac, qui a été un acteur politique de premier plan de 1962 à 2011, fut la figure tutélaire.

À ce progressisme faible, on peut opposer le progressisme fort, dont la substance est peu affectée par l’exercice du pouvoir et qui se tient constamment sur la ligne de crête de l’homochronie et de la projection vers le mieux.

L’accord de coalition SPD-Grünen-FDP du 24 novembre 2021 s’intitule : « Mehr Fortschritt wagen. Bündnis für Freiheit, Gerechtigkeit und Nachhaltigkeit » (« Oser plus de progrès. Alliance pour la liberté, la justice et le développement durable »). Chacun des mots-clés du titre et du sous-titre s’éloigne du noyau dur idéologique d’au moins l’un des partis. Les Libéraux n’utilisent guère le terme de justice (dans le sens, ici, de justice sociale). Les Sociaux-démocrates mettent plus volontiers en avant l’égalité que la liberté (sans déterminant). Les Grünen ne sont pas friands du mot « progrès ». Cependant, l’énoncé porté par cette entrée en matière et confirmé par le contenu du contrat porte une projection vers l’avenir assez cohérente, qui permet à chaque parti de dépasser ses propres limites en créant un objet nouveau.

De fait, deux des propositions-phares du programme de la coalition, la construction d’un État fédéral en Europe et la légalisation du cannabis ne sont centrales dans aucun des projets des partis qui la composent, mais pourraient bien pourtant marquer l’histoire si ce gouvernement se les approprie et cherche à les mettre en œuvre.

Cet événement montre aussi que, en Occident, le nom des partis n’est pas forcément prédictif de leur contenu. Contrairement à ce qu’on observe en France, notamment avec la droite gouvernementale, les partis changent rarement de nom car ils considèrent qu’ils possèdent un capital de « marque » qu’ils auraient tort de négliger. Cela ne les empêche pas d’évoluer. En Europe, dans un contexte où les systèmes électoraux conduisent souvent à des coalitions, les noms des partis constituent une composante patrimoniale qui constitue une information parmi d’autres pour la construction d’un contrat de gouvernement. Il faut donc se garder de l’illusion que peut porter l’apparente permanence des désignations partisanes. Ainsi, en Allemagne, les deux derniers mandats d’Angela Merkel (2013–2021) peuvent être qualifiés de progressistes modérés, tandis que, depuis Gerhard Schröder (chancelier de 1998 à 2005), on ne peut plus considérer le SPD comme social-démocrate car il a, dans la douleur, accepté l’idée que l’expansion de l’État-providence pouvait entrer en collision avec les logiques de développement de la société, dont une partie dépendait de la compétitivité mondiale du système productif. Plus généralement, si l’on observe les discours et les pratiques de la  CDU très souvent classé comme conservatrice et le SPD, qui bénéficie de l’ancienne association mécanique entre socialisme et progressisme, on constate que les deux partis qui se sont partagé l’essentiel du pouvoir fédéral depuis 1949 présentent une combinaison comparable de progressisme et de conservatisme, la différence portant davantage peu sur les politiques publiques concrètes depuis le tournant du siècle, mais plutôt sur le type de conservatisme (traditionalisme sociétal, d’un côté, corporatisme syndical, de l’autre) choisi. Ensemble, dans un style différent, ils ont inventé un modèle d’État-providence (la soziale Marktwirtschaft) et une politique étrangère caractérisée par une forte continuité dans la durée malgré la volatilité des configurations géopolitiques.

Ainsi la démarche progressiste consiste-t-elle à construire des légitimités dans la combinaison dynamique de demandes au départ contradictoires entre elles. L’unification suppose une commensuration : toutes les priorités, présentées comme urgences absolues par les différents acteurs du processus, seront re-hiérarchisées et intégrées dans une cohérence qui dépasse chacune d’elles. Le progressisme fort produit ses Plus petits commun multiples (PPCM) qui oblige à inventer des énoncés nouveaux et non de Plus grands communs dénominateurs (PGCD) qui se contentent de filtrer les contenus existants.

Un horizon, un projet ou un programme progressiste se construit donc sur une ligne de crête qui satisfait à la fois au critère d’invention d’un changement vers le mieux et d’une disposition de la société à produire cette invention. Il ne s’agit pas de définir un idéal abstrait qui serait ensuite soumis à la « réalité » faite de « contraintes extérieures » ou d’« acceptabilité » par la société : tel a été le schéma classique de la trahison des électeurs par les hommes politiques, en particulier par la gauche qui se réclamait d’utopies toujours mises de côté au moment de gouverner. Au contraire, la démarche progressiste cesse d’exister lorsque l’imposition à la société de bifurcations brutales qui auraient pour conséquence de déchirer le lien politique et d’imposer un régime qui dégraderait le caractère républicain ou démocratique du régime. À l’échelle mondiale, le soutien d’une partie du Monde, au nom de valeurs à vocation universelle, à des sociétés dans lesquelles les forces qui soutiennent ces valeurs sont très faibles pour devenir légitimes, même avec un coup de pouce extérieur, produit des effets indésirables parfois encore pires que la situation de départ. Il n’y avait, de fait, rien de progressiste à renverser Saddam Hussein par la force d’une invasion étrangère en 2003 alors que les citoyens irakiens n’avaient pas la capacité de proposer une alternative apportant un changement perçu comme légitime par leurs compatriotes., pour l’essentiel prisonniers d’allégeances communautaires puissantes. Inversement, le soutien occidental à la révolution de Maïdan dans l’Ukraine de 2014 relevait bien de la logique du catalyseur, qui permet d’activer des forces déjà présentes mais incomplètement capables spontanément de donner leur pleine mesure. Autrement dit, le progressisme n’est pas l’utopie rectifiée par la faisabilité, mais la construction simultanée d’un horizon et de sa légitimité.

La contradiction  entre l’audace de la visée et le pragmatisme de l’action n’est, en effet, qu’apparente dès lors que l’on a admis que le changement social n’est fondamentalement pas l’œuvre d’acteurs extérieurs mais de la société elle-même Cela n’empêche pas la contradiction et le conflit car il n’existe pas d’instrument de mesure simple qui permette de vérifier si la combinaison entre homochronie et changement atteint son optimum. L’homochronie n’est pas une politique au fil de l’eau, ce n’est pas une synchronie mécanique, mais la recherche d’une résonance dynamique entre la société et le politique. Elle peut passer par des légitimités non majoritaires (comme avec l’abolition de la peine de mort dans de nombreux pays), surtout si l’autonomie de la scène politique permet des décalages temporaires entre consentement et accord. L’impopularité d’un gouvernement fait partie des ressources possibles pour aller de l’avant, à condition que la légitimité revienne dans la séquence suivante. Par ailleurs, la liberté d’expression et de manifestation ou les pas-de-côté qu’offrent les pouvoirs indépendants (comme les comités d’éthique) et la démocratie interactive (comme avec les assemblées citoyennes) permettent à l’élastique entre société politique et gouvernement de se tendre sans se casser lorsque l’intensité et la portée du changement créent le trouble. Cependant, au bout du compte, la vérification consiste à répondre à la question : est-ce bien la société, avec ses contradictions internes, qui a défini ce changement ? est-ce bien elle qui a défini un progrès prospectif (voici ce qu’il faudrait faire pour produire du mieux) ? est-ce bien elle qui l’a validé rétrospectivement comme progrès réalisé (ce qui a été fait a apporté une amélioration) ? L’homochronie signifie que la dimension politique et les dynamiques sociales, faite de mouvements contradictoires mais pas pour autant chaotiques, tout en étant partiellement autonomes l’une par rapport à l’autre, sont bien contemporaines.

1.4.2. Le progressisme au temps de la société des individus

Ainsi défini, le progressisme n’est pas associé à des propositions politiques mais à une méthode pour les construire. Dans les sociétés contemporaines, où l’on peut néanmoins repérer quelques traductions logiques.

D’abord, on suppose que, pour l’essentiel, les grands clivages socio-politiques tels qu’ils ont fonctionné dans la première partie de la vie politique démocratique en Occident (Lipset & Rokkan, 1967 ; Rokkan, 1970) sont dépassés, bousculés par le désaffiliation et l’affranchissement progressif des citoyens vis-à-vis des allégeances communautaires ou corportatistes (Lévy, 2022).

Dans le cadre de ces anciens clivages, le rapport gauche-droite consistait à valoriser l’un de ces clivages – l’opposition de « classe » entre ouvriers et patrons – et à satelliser les autres. Le plan de conflit supposait acquis que tous les acteurs intervenaient dans un jeu à somme nulle pour obtenir une répartition plus avantageuse des richesses monétaires. En attendant une éventuelle révolution ou contre-révolution, tel était l’environnement du débat public. Si le couple gauche-droite perd du terrain, c’est parce que, fondamentalement, l’idée que ce modèle constituait une bonne approximation des logiques sociales a beaucoup reculé. L’enjeu de l’augmentation ou de la diminution, à la marge, du niveau de la redistribution publique de biens privés, n’a pas disparu mais il s’est décentré. Ce n’est plus là que se décide l’avenir de la société et cela commence à se savoir si l’on en juge par la baisse d’intensité des conflits de ce type et l’affaiblissement de ce domaine dans les programmes politiques qui recueillent le plus de suffrages. Depuis 2007, la droite a pris la gauche à revers en se proclamant le parti de la « feuille de paie » et les débats sur le pouvoir d’achat sont de moins en moins indépendants de ceux qui portent sur la fiscalité, sur les prestations sociales et sur le rapport au travail à l’échelle de la vie. Plus aucun parti politique ne propose directement le démantèlement de l’État-providence ou l’étatisation du système productif. C’est sans doute d’abord parce que, au niveau actuel de prélèvements obligatoires, chacun peut facilement prendre conscience qu’une diminution ou une augmentation aura des conséquences secondaires mais notables sur son bien-être. Cela conduit les citoyens à adopter une approche systémique et à ne pas se contenter de proposer de déplacer la pression d’un secteur à un autre de cette immense machinerie.

Par ailleurs, non sans relation avec ce premier aspect, la société actuelle est devenue, fondamentalement, une société d’individus entrant dans des groupes choisis, ouverts et transitoires (Lévy, 2021). Cela a notamment pour conséquence une explicitation concrète des enjeux, avec une analyse beaucoup plus concrète des inégalités et une imbrication toujours renforcée entre l’objectif de justice et l’idée de développement (Lévy, Fauchille & Póvoas, 2018), qui sont l’une et l’autre une manière de lire les projets de changement vers le mieux.

Cette association se trouve renforcée par le fait que, en pratique, justice et développement s’expriment tous deux, au-delà de la diminution solidaire du risque que procure la redistribution publique de biens privés (État-providence), par la coproduction de biens publics créant des environnements favorables (république, démocratie, sécurité, nature) ou des accès garantis à la construction de capacités personnelles (santé, éducation, culture, habiter). Or ces biens publics supposent une implication de la société dans son ensemble et de leurs bénéficiaires, ce qui a des effets sur la tonalité de la vie politique : l’offre de politiques publiques est toujours à la fois une prise (vous pourrez faire ce que vous souhaitez) et une invite (votre liberté suppose un engagement).

En conséquence, la rencontre entre citoyens-émetteurs et les individus-récepteurs de ces politiques, qui s’effectue à l’intérieur des mêmes personnes crée une psychopolitique exigeante : tout écart est sévèrement puni car les individus sont devenus redoutables pour endosser vite et fort leur rôle de citoyen quand ils le jugent nécessaire et pas seulement en votant. En sens inverse, il n’y a plus guère de décision politique dont les effets désirés par les électeurs soient inconditionnels. Ils vont devoir mettre la main à la pâte comme patients, comme élèves (ou parents d’élèves) ou comme habitants. La fatigue, une notion qui semblait jusqu’ici à la fois personnelle et objective, se distribue inégalement selon les choix de sociétés (CFDT-Fondation Jean Jaurès, 2021), confirmant, après les travaux fondateurs d’Alain Ehrenberg (1998), qu’assumer ou refuser d’être soi, avec le mélange indissociable de liberté et de responsabilité est aussi un acte politique. Les sociétés d’individus donnent un sens particulièrement concret à l’idée d’homochronie.

2. Un nouveau référentiel des enjeux

Les trois principes utilisés dans les figures 1, 2 et 3 se combinent en donnant une forme particulière aux figures représentant les projets politiques. Elles peuvent être longues et étroites, ce qui correspond à un mouvement à large spectre mais concentré sur un petit nombre de thèmes, comme on le voit, typiquement, avec les communautarismes d’extrême droite ou d’extrême gauche. Ils peuvent au contraire être compacts : focalisation sur un horizon donné avec des ambitions multidimensionnelles. Les projets « carrés » (registre unique et large portée) se trouvent plutôt dans la mouvance progressiste, tandis que les offres trans-registres sont plus souvent étroits en portée. Inversement, on retrouve ce grand écart dans la pré-campagne (automne 2021) de Yannick Jadot et de Valérie Pécresse, qui cherchent à associer à un profil généraliste, lisse et bonasse, de progressistes modérés, des postures lourdement réactionnaires appliquées à des thématiques limitées, avec même parfois un zeste de pensée totalitaire porté par leurs bad cops Sandrine Rousseau (qui développe un projet comparable par son contenu et son style à celui de Jean-Luc Mélenchon) et Éric Ciotti (qui se revendique d’une  proximité avec les candidats d’extrême droite).

2.1. Des mouvements tectoniques

Le moment contemporain marque-t-il le point d’arrivée provisoire d’un processus de longue durée. En Europe, depuis 1789, quand gauche et progressisme semblaient structurellement synonymes, les choses ont beaucoup changé. Pendant plus d’un siècle (1848–1968), l’alliance stratégique entre les mouvements généralistes préconisant la démocratie et la solidarité pour tous et ceux qui exigeaient une désexclusion et une mobilité ascendante spécifiques pour les communautés ouvrières et paysannes, a réussi à établir la démocratie et à construire l’État-providence. Le ralliement graduel de la droite à une version modérée de ce projet a permis une convergence « républicaine » qui a atténué les différences fondatrices entre « camps ». Désormais, le succès même de la séquence précédente engendre des « acquis » dont la défense corporatiste s’oppose inévitablement à la mise en mouvement de la société et de ses membres vers de nouveaux objectifs. Simultanément, les groupes sociaux démunis ne montrent pas d’ouverture significative à chaque fois qu’un nouvel enjeu politique ou éthique émerge dans la société. De pléonasme, le couple gauche-progressisme tend à devenir un oxymore (Lévy, 2019b), c’est-à-dire à souffrir d’antinomies internes à son discours. Elle se trouve désormais dans une situation comparable et convergente avec celle de la droite. Certaines de ses composantes sont moins conservatrice que précédemment, mais toujours aussi peu capable de définir un futur désirable lisible à la fois pour les citoyens et pour la société dans son ensemble.

Ainsi, la transformation que la vie politique française a connue lors de la Présidentielle de 2017 (figure 1) se caractérise à la fois par un affaiblissement des positionnements très contrastées sur l’axe gauche-droite et par l’apparition d’une proposition à spectre étroit qui traverse peu les lignes séparant les anneaux. Le phénomène nouveau, c’est que les spectres larges, qui dominaient dans les années 1980 ont tendance à être rejetés pour leurs incohérences et le décalage qu’ils imposent entre un discours électoral et des choix de gouvernement, entre les deux flux dont la combinaison fonde la légitimité, du « bas » vers le « haut » (représentation) et du « haut » vers le « bas » (légitimation).

Indépendamment de la longue liste de décisions concrètes de son quinquennat, dont certaines mériteraient davantage d’attention, voire de reconnaissance, mandat de François Hollande a fonctionné comme un moment de bascule où les antinomies entre le candidat et le président ont été vécues comme insupportables. Cependant, les offres « traversantes » n’ont pas disparu et Jean-Luc Mélenchon (2017) apparaît comme un héritier logique de Georges Marchais ou de François Mitterrand (1981). Toutefois, ce type de positionnement s’est trouvé déporté vers la périphérie. Une des origines de la déconfiture de François Hollande est venu du fait qu’il a fait un début de mandat dans un secteur du tableau (avec son hostilité foncière pour la « finance ») et et l’a fini dans un autre (avec la loi El Khomri). Ce qui est reproché aux « populistes », c’est moins le fait qu’ils soient trop à gauche ou trop à droite – et d’ailleurs, Marine Le Pen comme Jean-Luc Mélenchon récusent ces classements –, mais bien plutôt qu’ils assument une démarche tribunitienne définie par la critique de l’adversaire et par des propositions audacieuses mais jugées inapplicables ou dangereuses par une grande partie de l’électorat. De leurs côtés, les intellectuels qui constituaient un bastion du conservatisme de gauche se sont clivés entre une gauche immobiliste, une extrême gauche néo-communautaire et un progressisme transgressif des anciennes classifications.

Ce basculement a été rendu spectaculaire en France par le long blocage que le système institutionnel favorisait : une prédominance de l’exécutif national incarné dans un seul homme et qui donnait l’avantage aux entreprises politiques capables de manier une rhétorique sophistiquée en parvenant à rassembler les contraires au moment de l’élection et à gérer leur inévitable inaction ensuite. Dans les autres républiques démocratiques européennes, le processus a été plus lent, mais il est plus précoce et les résultats sont similaires : la tripartition entre progressistes, conservateurs et réactionnaires a pris la place du clivage gauche-droite.

C’est aussi ce jeu de placement à deux paramètres qui permet de comprendre la dynamique des élections américaines entre 1992 et 2020 (figure 2) : la force de Donald Trump est d’avoir réussi à être élu en 2016 en dégonflant l’attractivité d’un centre plus ou moins à gauche (« liberal ») ou à droite (« conservative ») en remobilisant des catégories qui attendaient une rupture réactionnaire avec le courant « modéré » des Républicains. En fait, le processus a commencé avec Ronald Reagan, qui a privé Jimmy Carter d’un second mandat en 1980 en développant des idées disruptives qui contrastent avec la recherche d’équilibres de son prédécesseur. Le couple George H. Bush-Bill Clinton est une sorte de revival provisoire de l’ancien système tandis qu’avec George W. Bush (2000 et 2004), qui voit dans le 11-Septembre un encouragement à adopter une posture irrationnellement agressive face au monde extérieur, la recherche d’un populisme à spectre large sert de socle pour une nouvelle tentative encore plus radicale de franchir les lignes en associant une petite part de progressisme, toujours teinté de nationalisme, à des actions à forte coloration despotique.

Enfin, différents enjeux peuvent également être situés sur ce même repère. On y reconnaît les « vieilles » gauches et droites, qui clivent leurs propositions sur des enjeux de plus en plus symboliques avec les couples individu/collectif ou liberté/égalité mais sans parvenir à se distinguer dans l’action tant leur dominante conservatrice les rapproche. Sur les bords, les mouvements communautaristes, présentent un large spectre car, surtout réactionnaires, ils sont tentés par des postures totalitaires tout en utilisant parfois, d’un côté, un discours d’apparence progressiste féministe ou écologiste, et de l’autre un style plutôt conservateur fondé sur la nostalgie d’un passé heureux, avec de chaque côté une forte tentation de trouver dans le nation la communauté qui fédère les autres, comme on l’a vu clairement dans le cas du Brexit. Les enjeux liés à la nature (la conscience écologique ou son refus) se trouvent présents dans de nombreux compartiments du graphique (figure 12), ce qui confirme que l’ensemble de la scène politique s’en est emparée.

2.2. Construire une analyse contemporaine des ressources politiques

On peut alors pousser la démarche un peu plus loin. Dans les schémas 4, 5 6 et 7, le curseur gauche-droite a été supprimé. Le premier propose un cadre général qui reprend les horizons analysés plus haut et les situe selon un repère à deux axes, la possibilité/volonté d’un changement vers le mieux, la relation homochronique/hétérochronique entre temps du politique et temps de la société.

Figure 4. Horizons et imaginaires du politique dans l’Occident contemporain

Il propose aussi quatre imaginaires de référence, qui caractérisent chacun des quadrants du repère : utopie/progrès/nostalgie/âge d’or. Ces polarités caractérisent chacun des quadrants du graphique et leur donnent leur cohérence, permettant de distinguer le passé proche enjolivé (nostalgie) d’un mythe plus autonome situé dans une histoire fictive (âge d’or). De même, elles permettent de bien séparer une définition du mieux ancrée sur les attentes sociales contemporaine (progrès) de celle d’un monde idéal construit à partir des seules idées de son concepteur (utopie).

Les deux suivants font de la gauche et de la droite en France des unités historiquement mobiles. La périodisation a été construite en fonction des moments d’inflexion les plus significatifs dans chaque cas. On constate que les choses ne cessent de bouger, rendant absurde l’essentialisme implicite de ceux qui parlent de la Gauche et de la Droite comme s’il s’agissait de grandeurs métaphysiques. En fait, ces entités doivent naviguer, sans toujours, maîtriser leur cap, sur la mer de l’historicité et, au bout d’un certain temps, on ne parle plus vraiment de la même chose. D’où l’idée d’inverser l’approche habituelle. Au lieu de considérer la gauche et la droite comme des essences inoxydables à l’histoire, observant leur variabilité en les plaçant dans un cadre plus stable qu’elles. C’est ce que proposent les figures 5 et 6.

Figure 5. La gauche en France comme parcours historique

Figure 6. La droite en France comme parcours historique

On constate alors que l’histoire des deux mouvances n’est pas linéaire : il y a des coups de barre et des rebroussements. Pour la droite, l’impossibilité de tenir une ligne de rejet de tout changement a modifié le positionnement en deux temps, avec Charles de Gaulle puis avec Valéry Giscard d’Estaing. Toutefois, l’émergence d’une extrême droite populiste a perturbé cette dynamique et l’hésitation entre un progressisme modéré et un raidissement réactionnaire est toujours là. Du côté de la gauche, l’alliance des libéraux et des républicains du xixe siècle avec le mouvement ouvrier a donné des perspectives électorales, ouvert une brèche dans le progressisme, avec le risque de bascule totalitaire. Dans la phase actuelle, où les progressistes ont pour une large part cessé de se sentir représentés par les organisations de gauche, un glissement confus s’opère au sein de ce qui reste de la gauche et de l’extrême gauche en direction d’un conservatisme de plus en plus réactionnaire, organisé autour de la figure nostalgique d’un État tutélaire dirigiste et nationaliste, compliquée par la tentative d’intégrer d’autres communautarismes.

Pour la gauche comme pour la droite et pour les deux ensemble, les parcours marquent un abandon de plus en plus marqué du quadrant progressiste, laissant son exploration et son occupation à d’autres.

Le dernier graphique (figure 7) propose un positionnement des pré-candidats à la présidentielle française de 2022, saisis à la fin 2021. On voit alors tout l’intérêt qu’il y a à s’affranchir du curseur gauche-droite pour dessiner la scène et comprendre ce qui s’y déroule. La réalité des enjeux des projets et des plans de conflits y apparaît plus simplement.

Figure 7. Les principaux pré-candidats à la présidentielle française de 2022

En Europe, les sociétés rurales ont disparu mais les imaginaires de la ruralité ont été réinventés dans ce nouveau contexte ; ils peuvent opérer comme une ressource politique paradoxale. Il en est de même du rapport gauche/droite, butte-témoin d’un escarpement effacé par l’érosion. La « question migratoire » est le type-idéal d’un système d’antinomies à la fois passionnelles et discursives, où l’angoisse obsessionnelle d’une invasion submersive affronte une culpabilité inguérissable, mécaniquement produite par la morale de la charité – sans que ni d’un côté, ni de l’autre, une démarche de problématisation permettant aux citoyens de faire usage de leur raison soit proposée. Pendant ce temps, dans leur débat du 23 septembre 2021, Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour exhibaient leurs profondes convergences nationalistes à propos de l’Europe et du Monde, deux échelons dont les migrations sont pourtant partie prenante. C’est aussi cette manière de faire de la politique qui indispose de plus en plus de citoyens.

Face à ces régimes de vérité incompatibles et pourtant articulés les uns aux autres, les observateurs et les chercheurs sont invités à prendre au sérieux tout ce qui se dit et se fait, en exerçant leur capacité à décrire, classer, prendre du recul et reconstruire. Ce n’est plus l’archétype mythifié gauche-droite qui peut les y aider. Sa « persistance rétinienne » dans une partie de la société est une complexité à considérer. Cela cesse en revanche d’être une ressource interprétative de premier plan pour comprendre l’évolution des lignes de force de la vie politique.

Le chantier intellectuel visant à se représenter au mieux les enjeux et les rythmes du politique dans leurs relations avec le mouvement des sociétés reste ouvert.

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