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Note

Normes comptables : un outil de l’autonomie stratégique européenne

Le sujet des normes comptables est au cœur du système financier. Celles-ci modèlent largement la représentation des entreprises et façonnent leur stratégie, leurs interactions et leurs axes de développement. Elles ont donc ultimement une influence sur l’économie et notamment sur des sujets qui sont au centre de la réflexion politique actuelle tels que les investissements de long terme ou les dépenses en recherche et développement. Le thème ne doit pas être accaparé par les techniciens, mais remis au centre de la réflexion européenne. Or l’Europe délègue en grande partie sa souveraineté comptable, à la différence d’autres puissances mondiales. Terra Nova propose d’envisager la comptabilité comme une infrastructure clé de la politique d’autonomie stratégique de l’Union Européenne. Pour y contribuer, nous avançons des mesures concrètes, d’ordre juridique et institutionnel, permettant de recouvrer la souveraineté européenne en matière comptable et de faciliter l’investissement de long terme et ultimement l’autonomie et la résilience européennes.

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Le commissaire européen au marché intérieur a déclaré récemment que « la crise du coronavirus pousse l’Europe à repenser sa position dans le monde, et ce en particulier à un moment où la géopolitique mondiale évolue face aux tensions croissantes entre les États-Unis et la Chine [1]  ». L’Europe souhaite donc renforcer sa résilience et se dirige vers une autonomie stratégique plus marquée : autonomie de décision, capacités propres et, enfin, autonomie d’action. Une Europe passive pourrait devenir une variable d’ajustement entre les mains des deux grandes puissances et un « somnambule stratégique [2]  ».

Plusieurs outils peuvent contribuer à décliner opérationnellement cette autonomie stratégique en Europe (fonds européen de défense, fonds d’investissements stratégiques, plan de relance, contrôle des investissements étrangers, application des droits anti-dumping, etc.). Celle-ci se joue aussi sur le plan des normes comptables, une matière d’apparence technique qui est pourtant au cœur du système financier, car elle modèle largement la représentation des entreprises et façonne leur stratégie, leurs interactions et leurs axes de développement. Elle a donc ultimement une influence sur l’économie et notamment sur des sujets qui sont au centre de la réflexion politique actuelle tels que les investissements de long terme ou les dépenses en recherche et développement. Il nous apparaît essentiel que le sujet ne soit pas accaparé par les techniciens mais remis au centre de la réflexion européenne. Or l’Europe délègue en grande partie sa souveraineté comptable [3] , à la différence d’autres puissances mondiales.

Nous proposons d’envisager la comptabilité comme un objet régalien et une infrastructure clé de la politique d’autonomie stratégique de l’Union européenne. Pour y contribuer, nous avançons trois mesures concrètes, d’ordre juridique et institutionnel, permettant de recouvrer la souveraineté européenne en matière comptable et de faciliter l’investissement de long terme et ultimement l’autonomie et la résilience européennes.

D’abord, pour regagner notre souveraineté et autonomie de décision et d’action en matière de normes comptables, nous proposons de permettre à la Commission européenne de rejeter ou modifier tout ou partie des normes lorsqu’elle estime que les intérêts fondamentaux européens sont en jeu.

Ensuite, nous suggérons de réarmer les instances européennes intervenant sur les sujets comptables financièrement et intellectuellement en créant une agence européenne. Ceci permettrait de renforcer les capacités propres de l’Europe sur le sujet et ainsi sa capacité d’action.

Enfin, nous recommandons de préciser le critère de bien public européen dans le processus d’adoption des normes comptables, afin que l’adoption des normes IFRS ne contrarie pas les grands objectifs de politique publique européenne tels que la transition écologique et climatique. Ces objectifs devraient a minima faire l’objet d’une vérification systématique.

La combinaison de la nouvelle capacité juridique européenne que nous préconisons, avec la création d’une nouvelle agence européenne sur le sujet, permettra aussi à l’Europe d’augmenter son influence dans les débats et négociations aboutissant à l’élaboration des normes IFRS.

1. Dans un contexte d’internationalisation des normes, une Europe dépossédée de sa souveraineté comptable

1.1. Les normes comptables se sont internationalisées par le biais des normes IFRS

La comptabilité permet d’informer le public et les investisseurs sur la situation financière d’une entreprise, par exemple ses rentrées et dépenses, le matériel à sa disposition ou ses flux commerciaux. Tel que l’expliquent Nicolas Véron et Philippe Crouzet [4] , « le capitalisme naît de la séparation entre l’épargne et la gestion des entreprises, le lien entre elles étant assuré par la sphère financière. Cette séparation rend nécessaire un langage commun, pour comparer les entreprises entre elles et permettre la bonne allocation de l’épargne. Ce langage commun, c’est la comptabilité ».

Ces informations comptables permettant la bonne allocation de l’épargne sont synthétisées dans ces documents : le bilan, qui renseigne sur la situation patrimoniale [5] de l’entreprise, le compte de résultat, qui restitue les flux économiques de l’entreprise et ses bénéfices sur une période donnée, ainsi qu’un tableau de flux de trésorerie [6] et une annexe. Ces éléments et données chiffrées permettent d’évaluer la santé économique et financière de l’acteur économique qu’est l’entreprise.

La normalisation comptable encadre l’élaboration de ces documents et a pour but d’établir un référentiel et un langage commun de règles permettant d’uniformiser la représentation comptable d’entreprises, facilitant ainsi la comparabilité de leur situation financière et la bonne allocation de l’épargne.

1. Histoire des normes comptables et capitalisme Sur le plan historique, l’évolution des normes comptables est un bon indicateur de l’évolution du capitalisme. Jacques Richard [7] distingue ainsi trois phases du capitalisme, desquelles ont découlé différentes méthodes de valorisation comptable. Dans la première phase du capitalisme, au XIX e siècle, les entrepreneurs devaient en cas de faillite répondre de leurs propres biens, ce qu’on appelle un régime de responsabilité « illimitée ». La valorisation des entreprises se fondait alors sur les « valeurs de liquidation », soit les montants récupérables en cas de faillite de l’entreprise. La deuxième phase découle de l’institutionnalisation du concept des entreprises à responsabilité limitée, marquant la séparation du patrimoine familial de l’entrepreneur (personne physique) et de celui de son entreprise (personne morale). L’époque est également caractérisée par la volonté d’attirer les épargnants pour accompagner le développement des grandes sociétés de chemin de fer, et ce en permettant la distribution de dividendes. On passe alors d’une comptabilité de liquidation à une comptabilité basée sur le principe de continuité, prenant en compte les prix d’acquisition et l’usure au cours du temps afin de calculer les profits et la distribution de dividendes. Elle correspond au passage du capitalisme de « valeur liquidative » à un capitalisme de « valeur réalisée ».La troisième phase a lieu au tournant des années 1970, dans le cadre de la mondialisation financière et des cotations transfrontalières d’entreprises. Les actifs ne sont plus valorisés sur la base de leur coût historique, mais comme une somme actualisée de flux financiers futurs. On passe alors d’un capitalisme de « valeur réalisée » à un capitalisme de « valeur actualisée ».

L’ancêtre de la Fondation IFRS [8] , l’IASC [9] , fut fondé en 1973 par des organisations professionnelles comptables issues de neuf pays [10] . Il est à l’origine du premier corps de normes comptables internationales et vise notamment à faciliter les cotations transfrontalières d’entreprise et à permettre aux investisseurs de comparer plus facilement les performances d’entreprises entre différents pays et à l’échelle mondiale. La Fondation IFRS est créée en 2000, et l’IASC se restructure en un organisme à temps plein, l’IASB [11] , supervisé par la Fondation IFRS et qui affiche un objectif de développement d’un jeu unique et global de normes comptables de haute qualité. Depuis sa création en 2000, l’IASB s’est appliqué à édicter, amender et interpréter un ensemble de normes comptables appelées normes IFRS. Elles constituent un modèle comptable harmonisé qui s’est imposé comme référentiel international pour les entreprises cotées en Bourse. Le soutien européen a constitué un élément fondamental afin de favoriser une position dominante des normes IFRS : l’Union européenne a, en effet, choisi d’imposer notamment aux entreprises cotées sur les marchés financiers de produire leurs comptes consolidés au format IFRS à compter de 2005 [12] . Depuis, plus de cent pays requièrent ou permettent l’utilisation des normes IFRS dans l’élaboration des états financiers de leurs entreprises. L’Europe est cependant l’utilisateur principal des normes IFRS en termes de capitalisation boursière et, fait moins connu, est le premier financeur de la Fondation IFRS [13] .

1.2. Au jeu de l’internationalisation des normes, l’Europe a perdu sa souveraineté en matière comptable

Le développement du cadre comptable IFRS et son adoption en Europe ont eu un impact très positif qu’il ne s’agit pas de remettre en question. Les normes IFRS constituent un référentiel comptable d’une grande qualité et permettent une plus grande transparence et une meilleure comparabilité de l’information financière. Elles ont constitué un réel progrès au niveau européen par l’harmonisation et l’amélioration des référentiels comptables. Cette note vise cependant à apprécier avec un œil critique les modalités d’adoption de ces normes en Europe et la capacité d’influence de cette dernière sur le contenu des normes IFRS qui sont élaborées par l’IASB.

Dans le cadre de la construction du marché de capitaux européen au début des années 2000, l’Union européenne a dû se doter d’une réglementation commune en matière comptable. Elle a fait le choix d’abandonner l’idée d’une normalisation propre devant la difficulté de développer un cadre commun en adoptant en 2002 les normes IFRS, confiant ainsi la prérogative de normalisateur comptable à l’IASB, organisme international de droit privé. Ce choix européen a probablement été motivé par l’espérance de voir l’émergence de standards mondiaux qui aurait aidé l’Europe à faire jeu égal avec les États-Unis [14] .

L’IASB étant un organisme indépendant, les normes IFRS doivent faire l’objet d’un processus de validation codifié avant d’intégrer le corpus juridique de l’Union européenne ( cf . encadré n° 2). Celui-ci permet uniquement d’accepter ou de rejeter en bloc une norme émise par l’IASB (l’acceptation implique qu’elle respecte certains critères techniques, ainsi que la poursuite du bien public européen). Il repose en outre largement sur l’expertise de l’EFRAG, comité technique de la Commission européenne. Cet organisme d’experts est lui-même un organisme privé et dispose de moyens modestes qui ne lui permettent pas de rivaliser avec la profondeur des compétences techniques de l’IASB (le budget de EFRAG étant d’environ 5 millions d’euros [15] alors que celui de la fondation IFRS dépasse les 31 millions de livres [16] ). Il rend d’ailleurs un avis quasi systématiquement positif concernant l’adoption des normes IFRS, quelquefois entouré de réserves pour des considérations de mise en œuvre technique.

En Europe, notre système politique a ainsi doublement délégué sa compétence comptable, en confiant à des instances techniques privées [17] à la fois l’élaboration et une partie de la validation des normes comptables. Cette délégation, couplée d’une capacité juridique limitée à l’adoption ou au rejet en bloc des normes élaborées par l’IASB, s’apparente à une renonciation à sa souveraineté comptable [18] . Cette stratégie se démarque de celle adoptée par l’ensemble des grandes puissances, alors même que cette matière technique est au cœur du fonctionnement des marchés de capitaux. Cette « décision européenne est préoccupante en ce qu’elle marque un accroissement net du recours au privé dans la fabrication du droit [19]  ». Ainsi, le mécanisme d’adoption des normes IFRS revient à l’enregistrement par les pouvoirs publics européens de décisions prises par un organisme privé international hors de son contrôle. Or, il y a très peu d’autres cas similaires dans le processus de normalisation européen.

2. Processus de validation des normes IFRS en Europe Le processus de validation des normes IFRS en Europe repose sur deux instances spécifiques : l’EFRAG, comité technique de la Commission européenne constitué d’experts et issus du secteur privé, et l’ARC [20] , constitué de représentants des États membres. La validation des normes IFRS inclut les étapes suivantes : à l’issue du processus d’élaboration d’une norme par l’IASB, auquel l’EFRAG participe par l’expression de ses commentaires, avis et recommandations, l’EFRAG exprime un avis positif ou négatif sur son adoption, qu’il adresse ensuite à la Commission européenne, laquelle, si elle décide d’adopter la norme, prépare une proposition de réglementation d’adoption ou de rejet qu’elle adresse à l’ARC. Si ce document est validé par ce dernier, la Commission soumet la proposition de norme au Parlement et au Conseil, pour incorporation finale dans la législation comptable européenne.Les normes IFRS sont homologuées par la Commission selon un « mécanisme d’adoption » au regard de trois principes : conformité globale avec les directives européennes existantes en matière comptable, contribution au « bien public européen » et capacité à donner lieu à une information financière de haute qualité. Ainsi, la Commission s’en remet à l’IASB pour la préparation des normes mais conserve « théoriquement » le pouvoir d’approuver au cas par cas les normes IFRS pour leur donner valeur de règlement applicable dans toute l’Union.

Cette organisation s’inscrit donc formellement dans la continuité des traditions institutionnelles de la plupart des pays d’Europe continentale (dont l’Allemagne et la France). Toutefois, force est de constater que la portée du mécanisme d’adoption des normes au cas par cas sera limitée dans la mesure où la Commission n’a pas la possibilité de modifier ces normes ou de les adopter partiellement, mais seulement de les accepter ou de les rejeter en bloc [21] .

1.3. Concilier souveraineté, internationalisation et démocratie des normes, est-ce possible ?

L’internationalisation des normes comptables peut être analysée à l’aune du triangle d’incompatibilité de Dani Rodrik [22] , selon lequel une nation ne peut simultanément être pleinement intégrée à la mondialisation, maintenir un système démocratique et préserver sa souveraineté nationale. La position d’un pays est nécessairement le fruit d’un compromis entre ces trois options. Appliqué au cas des normes comptables, cela signifie qu’un pays ne peut théoriquement à la fois appliquer des normes comptables fixées dans le cadre d’un processus garantissant la représentativité des pouvoirs publics (démocratie), conserver un système de normes comptables propre ou a minima une certaine capacité d’influence « stratégique » (souveraineté) et être pleinement intégré dans un marché de capitaux mondial avec des normes comptables harmonisées et uniques pour faciliter les comparaisons et investissements (mondialisation).

Dans le cadre de l’internationalisation des normes comptables, l’élaboration des normes a été, de fait, confiée à un organisme privé et indépendant. Ceci implique un compromis dans l’aspect démocratique de l’élaboration des normes comptables.

D’autres puissances économiques ont opté pour un compromis accordant une plus grande place à leur souveraineté comptable. Le Japon ou la Chine, tout en s’engageant sur la voie de la coopération et de la convergence comptable avec les normes IFRS, se réservent la possibilité de s’en écarter au besoin. La Chine présente de fait une convergence des normes chinoises et IFRS estimée autour de 90 % à 95 %, tout en ayant écarté ( carve-out ) ou modifié ( carve-in ) les normes IFRS qui entraient en conflit avec ses intérêts fondamentaux.

Les États-Unis jouent un rôle particulier dans ce panorama car, tout en conservant leur souveraineté, ils constituent une des principales forces d’influence sur le contenu des normes comptables édictées par l’IASB, ce qui leur permet de mieux concilier démocratie et internationalisation. Tout d’abord, les États-Unis ont conservé leur pleine souveraineté comptable : le FASB, équivalent américain de l’IASB, répond devant la Securities and Exchange Commission (SEC) et au Congrès. Ce dernier peut aller jusqu’à lui retirer la délégation d’autorité comptable. La crise financière de 2008 a de nouveau illustré que le Congrès est bien le décideur ultime aux États-Unis en matière comptable en imposant en quelques jours des changements de méthode de valorisation (passage du mark-to-market au mark-to-model [23] ). Ainsi, un membre du Congrès avait déclaré au Chairman du FASB dans un langage plutôt direct et peu diplomatique : « Si les autorités comptables n’agissent pas maintenant pour améliorer les normes, alors le Congrès n’aura d’autre option que de le faire lui-même. » Si les États-Unis ont semblé avoir envisagé dans un premier temps l’adoption des normes IFRS, ils y ont aujourd’hui renoncé.

Inversement, le FASB vise à influencer en amont l’élaboration des normes IFRS. Il est intéressant de noter que la Fondation IFRS et l’IASB sont inspirés du système institutionnel américain. Cependant, à la différence des États-Unis, l’IASB n’est responsable devant aucune autorité publique ni aucune institution représentative. La Fondation IFRS et l’IASB sont en dehors du système de gouvernance et de pouvoirs européens. Par ailleurs, le FASB, affiche ouvertement sa volonté d’influence sur l’IASB, en indiquant « participer activement à l’élaboration des normes IFRS [24]  ». Ce qui ne l’empêche pas d’évaluer systématiquement si ses propres normes seraient améliorées par l’implémentation des standards IFRS. Les normes IFRS sont évaluées au cas par cas, sans aucune obligation pour le FASB.

Quelles conclusions en tirer pour l’Europe ? Celle-ci pourrait s’inspirer des stratégies adoptées par les autres pays du monde en matière d’adoption des normes IFRS et d’influence dans leur élaboration afin d’opter pour un équilibre qui accorde une plus grande place à la souveraineté et à la démocratie européenne dans le cadre du triangle d’impossibilité de Rodrick. Cette démarche s’ancre dans la continuité du récent Sommet européen extraordinaire d’octobre 2020, centré sur la notion d’autonomie stratégique, qui a consacré la vision partagée d’une Union européenne plus souveraine en matière économique et industrielle. L’Union européenne, ont alors précisé les dirigeants, doit « renforcer sa capacité à définir ses propres règles et à faire des choix stratégiques autonomes ».

2. Les règles comptables : une influence sur les agents économiques, un enjeu essentiel des pouvoirs publics

2.1. Les normes comptables ont des conséquences économiques multiples

Parmi les postulats qui sous-tendent l’élaboration des normes comptables figure la neutralité de la comptabilité. Dans ce cadre, l’harmonisation mondiale des normes comptables, en atténuant les différences de réglementation nationale, permettrait de réduire le coût du capital, favorisant ainsi croissance et développement.

Nous défendons inversement ici que la comptabilité est un langage qui influe sur la perception des agents économiques et donc sur leurs comportements et décisions. Les normes techniques ont ainsi des conséquences sur le fonctionnement des marchés de capitaux, et plus globalement sur l’ensemble des économies. La comptabilité n’est pas une science exacte ; elle requiert des choix et arbitrages qui sont inspirés par une conception déterminée de l’économie ou de la société [25] . La construction comptable actuelle suppose l’acceptation d’une mission centrale de la Fondation IFRS : des normes construites pour répondre essentiellement aux besoins des investisseurs (qui n’ont pas toujours un horizon de long terme).

Tout d’abord, les normes comptables peuvent avoir un impact sur la façon dont les entreprises se financent (notamment en définissant les critères de distinction entre dette et capitaux propres des entreprises). En l’occurrence, la norme IASB suscite des critiques à cet égard : elle ne permet pas que soient classifiés en capitaux propres des instruments qui se dénouent par la livraison d’actions, alors qu’elle permet que des instruments qui se comportent économiquement comme de la dette – dette hybride perpétuelle notamment – le soient [26] .

Ensuite, les normes relatives à la valorisation des instruments financiers détenus par une entreprise ont été dénoncées comme source de volatilité et de procyclicité des marchés financiers. La réglementation IFRS incite à valoriser les actions détenues au prix de marché ( mark- to-market). Ce principe suscite des débats depuis le début des années 2000, car il peut être source de forte volatilité des capitaux propres. Ces débats ont ressurgi au moment de la crise financière de 2008, le principe du mark-to-market étant pointé comme source de pro-cyclicité [27] . Aux États-Unis, le Congrès a requis que le FASB modifie les normes afférentes ( cf . ci-dessus), tandis que l’Europe a certes réagi dans le même sens mais plus tard en demandant la suppression des différences de règles avec celles résultant du communiqué commun de la SEC et du FASB du 30 septembre 2008. L’IASB publiait ainsi le 13 octobre 2008 des modifications de ses normes permettant dans certains cas la suspension de l’application du mark-to-market .

Les normes comptables orientent également la nature et l’horizon des investissements des entreprises, ce qui peut notamment avoir des répercussions en matière de politique industrielle.

Les normes comptables peuvent avoir une influence sur les dépenses de recherche et développement (R&D). Une étude récente [28] a démontré que la méthode de comptabilisation détermine en partie le montant investi en R&D par une firme. Ces dépenses peuvent être amorties (cette option étant exigée dans le cadre des normes IFRS) ou passées en charges (option autorisée dans le cadre des normes UK GAAP). Les travaux ont démontré que les entreprises anglaises, lors du passage des normes UK GAAP vers IFRS, ayant changé de méthode comptable pour leurs investissements en R&D ont bien modulé à la hausse le montant investi en lien avec cette modification. Cette étude, même si son champ reste limité et centré sur le Royaume-Uni et le passage des UK GAAP aux IFRS, démontre également que l’application des normes IFRS peut avoir des impacts positifs , et ce sur un sujet aussi stratégique que celui des investissements en R&D.

Les modalités de valorisation des instruments financiers affectent également l’horizon d’investissement. En l’occurrence, les normes IFRS sont accusées depuis leur application en Europe de conduire à « une financiarisation accrue de notre économie et à des méthodes de direction des entreprises privilégiant le court terme [29]  ». Le débat concernant l’orientation court-termiste de cette norme reste d’actualité aujourd’hui : la norme IFRS 9 (voir l’encadré ci-dessous) ne tient pas compte de l’horizon de détention des actions détenues et peut défavoriser ainsi les investissements de long terme.

Un autre exemple concret d’enjeu des normes comptables peut être identifié au travers de l’impact des normes IFRS 16. Celles-ci modifient la manière dont les contrats de location sont comptabilisés dans les états financiers et ont des impacts significatifs sur le bilan des entreprises et sur la structure de leur compte de résultat. À titre d’illustration, le rapport d’activité au premier semestre 2019 du groupe Renault indique que l’application de la norme IFRS 16 a impacté négativement la position nette de liquidité de – 633 millions d’euros [30] , même si l’effet sur le résultat financier n’a pas été significatif. Le groupe LVMH [31] a vu sa dette augmenter de 12 milliards d’euros au 31 décembre 2019 suite à la première application de la norme. Appliquée au cas de l’industrie automobile, cette norme a influencé une révision du business model relatif à la commercialisation des véhicules électriques et des batteries.

3. Impact des normes IFRS 9 sur les investissements de long terme IFRS 9 : la norme sur la classification et l’évaluation des actifs financiers (applicable depuis 2018) pourrait contrarier les investissements de long terme, essentiels à la croissance [32] .Tout d’abord, IFRS 9 requiert de valoriser les actions détenues à la valeur de marché, même si celles-ci ne sont pas cotées sur un marché actif, et sans différencier leur horizon d’investissement, ce qui introduit de la volatilité dans les états financiers. Fait intéressant, le premier responsable d’IASB a reconnu dans un discours récent que cette norme IFRS 9 peut en effet générer une plus grande volatilité à court terme, mais qu’un investisseur qui détient des actions doit être prêt à l’assumer et gérer [33] . En introduisant la valeur de marché instantanée dans les états financiers, cette norme induit ainsi des comportements de court-termistes car les acteurs auront tendance à réagir de manière pro-cyclique. De plus, la norme IFRS 9 ne permet pas de faire figurer dans le compte de résultat les plus-values des investissements de moyen terme en action (mais seulement les dividendes associés), ce qui ne permet pas de tenir compte de la performance des placements, c’est-à-dire de l’évolution de leur valeur sur le temps long. Cet aspect peut donc également concourir à désinciter les placements stratégiques à long terme.

2.2. Les normes comptables, un instrument à part entière de politique économique

L’usage des normes comptables à des fins stratégiques peut être illustré par le cas des États-Unis. Lors de la vague de fusions-acquisitions des années 1980 la méthode dite du «  pooling of interests  » a favorisé l’émergence d’acteurs mondiaux américains ; elle permettait de minimiser l’impact comptable d’une telle opération sur les résultats nets consolidés du nouvel ensemble, favorisant ainsi de meilleurs rendements sur capitaux investis. Cette méthode n’a été autorisée en France qu’en 1999 suite à l’OPA de la BNP sur Paribas. De plus, lors du formidable développement des start-ups technologiques, les États-Unis ont longtemps bloqué les propositions de la FASB sur la comptabilité des stocks options [34] , en raison de l’importance de cet outil pour l’attraction des talents dans la Silicon Valley [35] .

Les normes comptables ayant des répercussions économiques, il est essentiel qu’elles ne contrarient pas la poursuite des objectifs importants de la politique européenne (stabilité financière, financement de l’économie, etc.), et ce d’autant plus dans un contexte d’urgence économique, sociale et climatique. L’agenda européen témoigne de la volonté de l’Europe de renforcer sa souveraineté afin de repenser sa stratégie de croissance pour une économie plus verte, durable et inclusive, ce qui peut notamment être illustré au travers de la mise en œuvre du Green deal . Ces orientations doivent trouver leur prolongement en matière comptable, afin de mesurer les impacts environnementaux ou sociaux des investissements qui permettront d’accroître le capital humain ou le capital naturel.

De plus, les aspects tels que le financement de l’économie ou la stabilité financière ne font pas partie du mandat de l’IASB. Il est donc naturel que cette instance ne prenne pas en compte l’impact de ses propositions en la matière, et encore moins sur des sujets plus larges que sont l’investissement à long terme ou le développement durable. L’Europe doit ainsi renforcer son influence en matière comptable afin de peser auprès de l’IASB sur ces sujets.

Concernant le sujet climatique en particulier, l’Europe doit occuper le terrain intellectuel afin de ne pas subir et influencer la définition d’un standard mondial, en prolongeant la réflexion déjà menée, notamment au travers du rapport de la Commission européenne proposant une taxonomie verte (classification standardisée de la durabilité d’un actif). Néanmoins, nous pensons que les risques climatiques ne devraient pas être considérés comme un sujet extra-financier mais bien être intégrés à la comptabilité des entreprises. Les réflexions mériteraient d’être engagées sur ce sujet, afin de passer à un capital plus patient et plus vert au moyen d’une comptabilité de l’actualisation climatique.

3. Le renforcement des institutions et du processus d’adoption des normes comptables comme moyen de recouvrer la souveraineté comptable européenne

3.1. L’Union européenne a amorcé de premiers efforts afin de renforcer sa position en matière comptable

L’Europe n’est pas restée entièrement passive face à ces enjeux. Une réflexion a été initiée sur le sujet, notamment par le biais du rapport Maystadt (2013) « Should IFRS be more European? » commandé par Michel Barnier, à l’époque commissaire chargé du marché intérieur et des services. Ce rapport soulignait le besoin d’une meilleure prise en compte des intérêts européens à un stade plus précoce de l’élaboration des normes, sans toutefois remettre en question le processus en lui-même. La publication de ce rapport a donné lieu à une réforme de gouvernance de l’EFRAG afin d’y faire représenter l’ensemble des intérêts européens en matière comptable et ainsi d’unifier la voix de l’Europe pour une plus grande influence internationale. Cependant, les facteurs fondamentaux du système institutionnel comptable restent inchangés.

L’EFRAG demeure un organisme privé, une caractéristique souvent critiquée dans l’écosystème européen : au moment de sa réforme en 2014, les autorités européennes de surveillance [36] ont refusé de devenir des membres à part entière du board de l’EFRAG, car elles considéraient que le statut privé de l’EFRAG ne lui imposait pas de servir l’intérêt général. À l’été 2017, l’EFRAG a failli voir ses missions transférées à l’ESMA [37] , une option qui faisait également partie des possibilités identifiées par le rapport Maystadt. De même, le Parlement européen a eu l’occasion d’exprimer sa méfiance vis-à-vis de l’EFRAG, qu’il a recommandé de transformer en organisme public [38] .

En outre, les moyens financiers et techniques de l’EFRAG peuvent être considérés comme insuffisants au regard des enjeux comptables en matière de politique économique et de souveraineté européenne. Les financements de l’EFRAG, qui prennent la forme de contributions des organisations professionnelles fondatrices, de la Commission et des États membres volontaires, sont restés globalement stables depuis le début des années 2010. Sur le plan technique, l’EFRAG a certes, depuis ses débuts, considérablement étoffé ses avis de validation, et a développé des analyses d’impact de l’application des normes IFRS. Toutefois, ces analyses ne sont pas systématiques (une lacune soulignée notamment par le Parlement européen [39] dans le cadre de la validation des normes IFRS 9) et sont peu développées au regard des études menées par les autorités de surveillance européennes, par exemple dans le cadre de la mise en œuvre des normes prudentielles. Ces éléments laissent craindre que les efforts réalisés ne permettent pas de reprendre réellement la main sur la souveraineté comptable européenne.

Ceci ne signifie pas qu’il faille rejeter les normes IFRS, ou créer un processus de normalisation européen autonome. Cela signifie que l’Europe doit se donner les moyens de modifier les normes proposées par l’IASB lorsque ses intérêts fondamentaux sont en jeu. On oppose souvent à cette opinion l’intérêt d’un jeu unique de normes comptables dans le monde, le risque d’une augmentation du coût du capital ou les coûts et la complexité accrus pour les entreprises cotées sur différents marchés [40] . Le mécanisme proposé permettant à l’Europe de recouvrer sa souveraineté continuera à se reposer sur les IFRS, garantissant ainsi une forte continuité, sauf lorsque la voix de l’Europe motivée par ses intérêts fondamentaux n’a pas été entendue par l’IASB. Le cas échéant, une conciliation permettra de comprendre les différences entre les EU IFRS et les IFRS. La souveraineté recouvrée de l’Europe accroîtrait son influence sur le processus de construction des normes par l’IASB, en raison de son poids dans l’usage de ces normes. Cette influence accrue permettra de réduire les éventuelles différences. La souveraineté recouvrée de l’Europe la remettrait par ailleurs sur un pied d’égalité avec les États-Unis ou la Chine. Dans ces conditions, et compte tenu des méthodes d’analyse de la performance des entreprises par les analystes et investisseurs, une augmentation du coût du capital comme conséquence négative de cette souveraineté recouvrée nous semble très peu probable [41] .

3.2. Quelles propositions pour améliorer la gouvernance des normes comptables ?

Sans remettre en cause les apports certains des normes IFRS, nos propositions visent à engager la réflexion sur la reconfiguration d’un nouvel équilibre entre internationalisation, souveraineté et démocratie. Cette démarche s’inscrit dans le prolongement d’un mouvement déjà engagé par l’Union européenne tant sur le plan de sa souveraineté que sur le plan des modalités de sa stratégie de croissance.

Modifier le règlement européen [42] pour adapter les modalités du processus d’endossement des normes IFRS en Europe, afin de permettre, le cas échéant, de rejeter ou modifier tout ou partie des normes proposées par l’IASB [43] . Si l’on cesse de considérer la comptabilité comme une matière strictement technique dont les règles seraient neutres et si l’on prend conscience que les grandes orientations en matière de normes comptables peuvent affecter l’économie, il devient nécessaire que le mécanisme d’adoption de ces normes soit porteur d’une certaine légitimité démocratique [44] . Ainsi, notre proposition juridique de modification du règlement européen pour l’incorporation des normes IFRS se justifie également sous l’angle de la démocratie : par l’intervention du Parlement européen, elle mettrait le débat technique sous la loupe du politique ; au lieu d’actes réglementaires sous le seul contrôle des États membres, elle pourrait passer à des « actes délégués », autre formule qui prévoit l’égale supervision du Parlement européen et des États membres sur les projets de décision de la Commission européenne. La souveraineté européenne rétablie par sa pleine capacité juridique et complétée par nos autres propositions permettra à l’Europe d’accroître son influence dans le débat international d’élaboration des normes IFRS [45] . Nous ne proposons pas ici de modifier la représentation européenne au sein de la Fondation IFRS ou de l’IASB, estimant d’abord nécessaire de remettre l’Europe en ordre ; par ailleurs, toute modification de la gouvernance de l’IASB, si elle était utile, mobilise un processus multilatéral hors du contrôle de la seule Europe.

Transformer l’EFRAG en agence européenne permettrait (i) aux pouvoirs politiques de prendre leurs décisions de manière plus éclairée (ii) de renforcer les moyens financiers, intellectuels et d’influence sur le sujet, au niveau de ceux de l’IASB ou du FASB. À l’image de l’Agence européenne pour le médicament, dont le rôle et les capacités sont en cours de renforcement dans le cadre de la crise sanitaire, une telle agence européenne aurait la légitimité et la crédibilité nécessaires pour peser au niveau international.

Préciser le critère de bien public européen dans le processus d’adoption des normes comptables afin de prendre en compte les grands objectifs de politique publique européenne, notamment des thèmes ayant trait au climat, à l’investissement de long terme ou à la santé. Le Parlement européen a déjà demandé des clarifications sur le critère de bien public européen mobilisé dans le processus d’endossement [46] , afin d’y inclure des objectifs de stabilité financière et de développement de l’économie. Nous proposons donc ici de reprendre cette approche, en ajoutant un débat de fond sur les objectifs proposés. A minima , le réarmement des instances existantes permettrait à l’EFRAG de détailler en quoi chaque nouvelle norme répond à ces objectifs ou non.

La mise en œuvre de ces propositions ouvrira la voie à une indispensable réflexion approfondie sur l’intégration des risques climatiques et autres aspects environnementaux non pas comme des sujets extra-financiers mais plutôt comme partie intégrante des bilans.

Une voie proposée serait de mettre en place, au niveau des normes comptables, une prime climatique pour l’actualisation de tout projet d’investissement ou de financement. Cette prime serait d’autant plus forte que l’empreinte carbone du projet est élevée, pénalisant ainsi la valeur des flux futurs telle que calculée aujourd’hui [47] ). Cette réflexion comme d’autres pistes mériteraient d’être investiguées et approfondies, à l’image de la proposition du G30, qui concerne généralement les investissements de long terme, de revoir la méthodologie de comptabilisation en fair market value (valorisation au prix de marché) et de pondérer en fonction de l’horizon de l’investissement par le coût historique [48] . La prise en compte du risque climatique, comme celle du « capital humain » qui sont au cœur de l’économie sociale de marché européenne sont des sujets prioritaires, qui doivent trouver des réponses en Europe, sans pénaliser les entreprises européennes dans la compétition mondiale. Recouvrer la souveraineté européenne est une condition nécessaire à ces avancées.

Conclusion

L’agenda de la Commission européenne est très ambitieux : autonomie stratégique européenne, résilience et Green deal. Ce dernier, notamment avec son volant de financement de la transition énergétique, semble briser plusieurs tabous. L’Europe a donc une opportunité historique pour se différencier si elle souhaite faire la promotion d’un nouveau modèle de prospérité « Green deal ».

Les sujets « souveraineté » et « résilience sociale et environnementale » étant fortement liés, le Green deal et la reconstruction post-Covid doivent nous permettre de réinterroger positivement les normes IFRS, ces dernières n’étant pas prévues pour répondre aux défis de la reconstruction et de la transition énergétique.

La réappropriation du sujet régalien des normes comptables n’est pas simplement le sursaut d’orgueil d’un continent qui est en recherche de souveraineté. C’est aussi et surtout une démarche pragmatique pour répondre aux défis majeurs et aux intérêts des générations actuelles et futures.

Ces débats sont trop importants pour être laissés aux seuls experts-comptables, d’autant qu’ils ne bénéficient d’aucune légitimité politique. C’est à cette condition que nous arriverons à retrouver le sens du long terme, à financer et exécuter le Green deal et à recouvrer notre autonomie stratégique si importante dans le contexte actuel marqué par la crise sanitaire et le poids des grandes puissances que sont notamment les États-Unis et la Chine.

L’Europe ne doit plus être naïve et travailler à recouvrer une souveraineté qu’elle a largement abandonnée en la matière, alors que la Chine et les États-Unis ont su la préserver. Pour cela, elle doit se doter d’outils peu coûteux et faciles à mettre en œuvre, qui lui permettront de défendre ses propres intérêts dans un monde où l’incertitude devient la norme.

  1. Source : https://ec.europa.eu/commission/commissioners/2019–2024/breton/announcements/repenser-notre-securite-vers-lautonomie-strategique-de-leurope-discours-au-parlement-europeen_en

  2. Pour reprendre l’expression de Pascal Boniface, Requiem pour le monde occidental , Eyrolles, 2019.

  3. Nous précisons que le champ de la note est axé sur les groupes européens cotés en Bourse et devant appliquer donc les normes IFRS. Les TPE et PME, non cotées, ne sont pas tenues d’appliquer ces normes et sont soumises aux normes comptables de chaque pays dans lequel elles sont enregistrées. Toutefois, il existe un lien indirect entre les plus petites entreprises et les normes IFRS. En effet, les banques et autres financeurs qui leur prêtent de l’argent sont bien soumises à ces normes.

  4. Nicolas Véron et Philippe Crouzet, La Mondialisation en partie double , En Temps Réel, cahier n° 3, 2002.

  5. C’est-à-dire la synthèse de la totalité des droits (créances), biens (immobilisations) et obligations (dette) de l’entreprise à une date donnée.

  6. Tableau qui récapitule les recettes et dépenses. Le solde ainsi affiché synthétise le total des sommes à débourser et à encaisser.

  7. Jacques Richard, « Comment la comptabilité modèle le capitalisme », Le Débat , n° 161 Gallimard 2010/4, p. 53–54. Cet encadré est largement inspiré de cette référence.

  8. International Financial Reporting Standards.

  9. International Accounting Standard Committee.

  10. L’Australie, le Canada, la France, l’Allemagne, le Japon, le Mexique, les Pays-Bas, les États-Unis et le Royaume-Uni/Irlande.

  11. International Accounting Standards Board.

  12. Regulation (EC) n° 1606/2002 .

  13. Selon le site de la Fondation, le budget 2019 a été de 31 millions de livres et la Commission européenne l’a financé à hauteur de 41, millions de livres. Les big four (EY, Deloitte, KPMG et PwC) financent également cette association à hauteur de 1,1 million de dollars chacun (soit 3,9 millions de livres en y ajoutant les contributions plus faibles d’autres firmes comptables) ; https://cdn.ifrs.org/-/media/feature/about-us/funding/2019/ifrs-financial-supporters-2019.pdf?la=en

  14. Tel que rappelé par Nicolas Véron et Philippe Crouzet : « Sous l’impulsion de Frits Bolkestein, commissaire pour le marché intérieur, le Conseil européen de Lisbonne (mars 2000) a donc adopté un plan d’action pour les services financiers, ouvrant la voie à une reconnaissance des normes IFRS comme normes comptables communes dans l’Union », op. cit.

  15. https://www.efrag.org/Assets/Download?assetUrl=/sites/webpublishing/SiteAssets/EFRAG+Annual+Review+2019.pdf&AspxAutoDetectCookieSupport=1

  16. https://cdn.ifrs.org/-/media/feature/about-us/funding/2019/ifrs-ar2019.pdf?la=en

  17. Même si le Comité des États membres valide in fine ou non les projets de décisions de la Commission européenne.

  18. Voir Ève Chiapello, Karim Medjad, « Une privatisation inédite de la norme : le cas de la politique comptable européenne », Sociologie du travail , vol. 49, n° 1, 2007, p. 46–64. Ces derniers indiquent : « Jusqu’à 2002, l’Union Européenne s’appuyait sur une politique d’harmonisation des cadres comptables par voie de directives, ce qui laissait in fine une certaine latitude aux États membres pour préserver leurs traditions nationales. À cette harmonisation lente et approximative, un règlement de 2002 a substitué, pour l’élaboration des comptes consolidés des sociétés cotées, une unification rapide et contraignante. Les États membres doivent désormais faire appliquer les normes émises par l’IASB (« International Accounting Standards Board »), organisme privé sur lequel l’Union Européenne ne dispose d’aucun moyen de contrôle institutionnel. »

  19. Ibid.

  20. Accounting Regulatory Committee.

  21. Voir Ève Chiapello et Karim Medjad, « Une privatisation inédite de la norme », article cité, ainsi que Nicolas Veron et Philippe Crouzet La Mondialisation en partie double , op. cit .

  22. Dani Rodrik, « Nations et mondialisations, les stratégies nationales de développement dans un monde globalisé », Paris, Editions de la Découverte, 2008.

  23. Bischofe et al . (2016), « Press Release: SEC Office of the Chief Accountant and FASB Staff Clarifications on Fair Value Accounting », 2008–234, 30 septembre 2008.

  24. https://www.fasb.org/international#section_2

  25. L’objectif de cette note n’étant pas d’aborder dans le détail la conception et le choix de ce modèle économique, voir la note de l’Institut Montaigne, « Le capitalisme responsable : une chance pour l’Europe », 2020, ou encore Terra Nova, « Le capital patient – un horizon pour la France et l’Europe », 2016. L’idée centrale étant le constat d’une forme d’épuisement du modèle de croissance qui a prévalu ces dernières décennies et qui reposait en grande partie sur un capitalisme financiarisé, court-termiste et peu responsable vis-à-vis des générations futures. Pour sortir de cette impasse, il faut trouver les moyens de favoriser un autre modèle : le capital patient. Ce modèle considère que le capitalisme n’a de sens et d’avenir qu’inscrit dans une perspective de long terme et remis au service du financement des besoins essentiels (infrastructures, innovation, accès aux ressources rares), au bénéfice de tous, et sans sacrifier les générations futures. Parmi les réformes clés permettant de tendre vers un modèle de capital patient, les normes comptables ont une place importante. L’Institut Montaigne suggère de « reprendre la main sur l’information comptable, financière et extra-financière, pour les mettre en accord avec les valeurs européennes […] il s’agit de reprendre le contrôle de la normalisation comptable aujourd’hui déléguée à un organisme indépendant (IASB) qui a fait valoir une vision court-termiste de la représentation financière des entreprises ». Les propositions de cette note s’inscrivent dans cette logique et vont plus loin en proposant une réforme juridique permettant de reprendre la main en matière comptable.

  26. Ce qui a pour effet de réduire les capitaux propres et fragilise donc les entreprises concernées par cette baisse.

  27. Les marchés étant devenus illiquides, les prix ont reflété une prime de risque de crédit sans rapport avec le risque sous-jacent, créant un décalage entre valeur intrinsèque et valeur de marché ( mark-to-market ).

  28. Denis Oswald, Ana Simpson, Paul Zarowin (2016), « Capitalization vs Expensing and the Behavior of R&D Expenditures », London School of Economics ; https://www.lse.ac.uk/accounting/assets/Documents/LSELUMSMBS-Conference/2-OSWALD-Capitalization-vs-Expensing-and-the-Behavior-of-RD-Expenditures-PP.pdf

  29. Lettre de Jacques Chirac à Romano Prodi, président de la Commission européenne en 2003.

  30. Renault, Rapport d’activité du premier semestre 2019, p.12 et 28.

  31. https://www.lvmh.com/news-documents/press-releases/record-results-for-lvmh-in-2019/

  32. Les normes prudentielles s’appliquant aux secteurs de la banque et de l’assurance ont aussi des impacts très importants sur les investissements de long terme, notamment la capacité du secteur financier d’investir dans les entreprises. Les normes comptables sont une donnée essentielle dans l’application des règles prudentielles.

  33. https://www.ifrs.org/news-and-events/2019/12/accounting-standards-and-the-long-term/

  34. Forme de rémunération variable des employés sous la forme d’option d’achat d’actions de l’entreprise de l’employeur.

  35. New York Times , « Stock Options Debate comes to Silicon Valley », 25 juin 2004.

  36. Autorité européenne des marchés financiers, Autorité bancaire européenne et Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles

  37. European Securities and Markets Authority, ou l’Autorité européenne des marchés financiers.

  38. https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-8–2016–0172_FR.pdf?redirect

  39. Idem .

  40. EU Commission public consultation on the Fitness check on the EU framework for public reporting by companies, 21 mars 2018–31 juillet 2018.

  41. Voire l’étude qualitative de PwC, « What investment professionals say about financial instrument reporting », juillet 2010.

  42. Règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l’application des normes comptables internationales.

  43. La question d’envisager une structuration différente, voire une réforme de la gouvernance de la fondation IFRS et de l’IASB, afin de renforcer l’influence des Européens se pose. Nous ne la traitons pas directement dans cette note. Toutefois, la proposition juridique de modification du règlement européen permettrait indirectement d’augmenter significativement la capacité d’influence de l’Europe au sein de ces deux instances.

  44. Étienne Boris, Normes comptables : la mondialisation en panne , En Temps Réel, cahier n° 50, 2012.

  45. Ce renforcement de l’influence de l’Europe est d’autant plus important que, comme l’indiquent Ève Chiapello et Karim Medjad, « il arrive que la Commission soit influencée par des acteurs privés qui lui proposent des projets de normes. Mais ces cas de figure sont ponctuels et relèvent d’un lobbying toujours à recommencer du point de vue des acteurs privés. Ici, les jeux sont inversés : c’est l’Union européenne qui se trouve, de son propre fait, contrainte de faire du lobbying auprès de l’IASB […] Le domaine comptable est donc bien le seul où le secteur privé a le monopole de l’écriture de normes promises à une destinée de hard-law sur un thème donné. Ce degré supplémentaire d’effacement de la puissance publique est en réalité double, car il se manifeste aussi dans les blancs normatifs, l’IASB établissant seul son programme de travail. Au-delà de la question du comment, l’Union européenne ne peut pas non plus décider si et quand telle ou telle question comptable doit être traitée », « Une privatisation inédite de la norme », article cité .

  46. https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-8–2016–0172_FR.pdf?redirect

  47. Voir Abdeldjellil Bouzidi, « How 'discounting’ can be used in investment decisions for the benefit of future generations », Environmental Finance, 2016.

  48. Group of Thirty, « Long-term finance and economic growth », Working group on long-term finance, 2013.

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