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Note

Responsabilité sociale et environnementale : faire évoluer la gouvernance des entreprises

Confrontées à des attentes nouvelles, les entreprises sont amenées à prendre en compte dans leur fonctionnement leurs environnements économique, social et écologique. Tout en conservant leurs objectifs propres, économiques et financiers, elles apparaissent de plus en plus au sein de la société comme actrices de l’intérêt général. Dans le cadre de la Global Conference qui s’est tenue les 26, 27 et 28 septembre derniers à Evian, Terra Nova et les Ateliers de la Terre ont souhaité valoriser les entreprises se situant dans une démarche de changement, en formulant une série de propositions destinées à faire évoluer leur gouvernance, sur trois plans : la transparence, la prise en compte des différentes parties prenantes de l’entreprise dans sa gouvernance, le développement de la vision de long terme dans l’entreprise.
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Synthèse

  Concurrence accrue dans la mondialisation, augmentation du prix des matières premières, marges de manœuvre financières réduites, les entreprises sont soumises à un faisceau de contraintes nouvelles. Elles font face à ce nouveau contexte alors même que la perception de leur rôle et de leur responsabilité dans la société a changé : principaux lieux de vie pour les salariés et les entrepreneurs, acteurs clés de l’économie et du quotidien, elles sont au centre des attentes de la population. À ce titre, elles sont amenées de manière croissante à prendre en compte des demandes extérieures qui dépassent leurs simples obligations règlementaires, et à intégrer à leurs objectifs des préoccupations d’intérêt général.   De fait, le modèle de l’entreprise dont « la seule responsabilité est d’être profitable pour ses actionnaires », selon la formule de Milton Friedman, a fait son temps. De plus en plus, les entreprises intègrent dans leur fonctionnement leurs environnements économique, social et écologique, qui dépendent d’elle et dont elles dépendent. Dans une lecture plus complexe de l’organisation de la société, ne se réduisant pas au binôme Etat / marché, l’entreprise apparaît comme co-productrice de l’intérêt général. Certes, sa mission demeure de faire fructifier le mieux possible les capitaux qui lui sont confiés, mais en respectant un certain nombre de normes de comportements, vis-à-vis de ses salariés, de ses clients, de ses fournisseurs, de son environnement écologique, territorial, humain.   Dans le cadre de la Global Conference qui s’est tenue les 26, 27 et 28 septembre à Evian, Terra Nova et les Ateliers de la Terre ont mis en place une commission de travail ayant pour but de réfléchir aux évolutions de la gouvernance des entreprises vers plus de transparence et vers une prise en compte à long terme des impacts économiques, sociaux et environnementaux de leurs activités. Cette commission, présidée par Olivier Ferrand, président de Terra Nova, était composée de :   – Gilles de Margerie, Directeur du Capital investissement et de l’Immobilier du Groupe Crédit Agricole – Sandra Desmettre, rapporteure du groupe de travail de Terra Nova « Entreprises au service du progrès » – Nicolas Imbert, Directeur de Green Cross France et Territoires – Yann Queinnec, juriste, membre de l’association Sherpa – Bruno Rebelle, Directeur général de Transitions – Hélène Valade, Directrice du Développement durable à la Lyonnaise des Eaux, présidente du Collège des directeurs du développement durable (C3D)   La commission a formulé des recommandations pour :   – accroître la transparence au sein des entreprises, notamment en matière de reporting extra-financier, de rémunérations et d’échelle des salaires, de montages fiscaux et juridiques ; – mieux prendre en compte les différentes parties prenantes de l’entreprise dans sa gouvernance, à travers des recommandations en matière de diversité, démocratie dans l’entreprise, participation des salariés aux organes sociaux de l’entreprise, prise en compte des sous-traitants, responsabilité des dirigeants ; – intégrer la vision de long terme dans la gestion de l’entreprise, en liant les rémunérations à la performance à moyen terme, en liant l’entreprise à son territoire.  

Note intégrale

1 – Transparence et gouvernance des entreprises : une nécessaire transformation

Pour l’essentiel de nos concitoyens, salariés et entrepreneurs, les entreprises sont d’abord des lieux de vie dans lesquels on passe souvent plus de temps qu’à son domicile. Ce sont aussi des lieux d’innovation et de production de richesses où s’inventent les réponses à nombre de besoins sociaux.   Soumises à la pression sociale, les entreprises sont amenées de manière croissante à prendre en compte des demandes extérieures qui dépassent leurs simples obligations réglementaires. Certaines développent également des solutions à des besoins non pris en charge par les pouvoirs publics, c’est le cas du secteur de l’insertion par l’activité économique ou de projets menés par exemple par Danone ou Essilor pour favoriser l’accès de familles démunies aux aliments pour bébés ou à une correction visuelle. La lutte contre les inégalités, la précarité et l’exclusion sociale passent davantage qu’auparavant par une régulation interne des comportements managériaux et une évolution du droit de l’entreprise.   Par ailleurs, la crise financière, dont les conséquences sociales n’ont pas fini de se faire sentir, a mis dramatiquement en lumière la nécessité d’un rééquilibrage entre sphère financière et sphère productive, rééquilibrage qui implique de nombreux changements dans les modes de gestion et de gouvernance des entreprises.   Face à ces enjeux, le discours ambiant s’est souvent contenté de renvoyer de l’entreprise une image caricaturale. Il est grand temps d’aborder l’entreprise autrement, sous l’angle du changement et pas seulement de dénonciation.  

Prendre en compte la diversité du monde de l’entreprise

Lorsqu’on pense « entreprise » en France, on pense d’abord entreprise cotée, voire entreprises du CAC 40. Or, l’écrasante majorité des entreprises comptent moins de 10 salariés. On pense aussi actionnaires et fonds d’investissement alors que le capitalisme familial reste une réalité très prégnante. On pense surtout objectif de profit et de rentabilité alors que tout un panel d’entreprises appartenant au champ de l’économie sociale et solidaire développe des actions dont la rentabilité n’est pas l’objectif premier. Et de plus en plus nombreuses sont les entreprises qui panachent activités lucratives et non lucratives.   En réalité, le paysage entrepreneurial est très complexe. Par exemple il ne faut pas ignorer que beaucoup de PME sont des sous-traitantes de groupes et se situent dans une relation de dépendance vis-à-vis de leurs donneurs d’ordres.   Lorsqu’on réfléchit sur l’entreprise, il importe d’avoir cette diversité à l’esprit pour éviter de plaquer artificiellement un modèle qui n’aurait de pertinence que sur un champ restreint de l’économie.  

Des entreprises co-productrices de l’intérêt général

L’État n’a pas directement la main sur les modes d’organisation internes des entreprises et il est très bien qu’il en soit ainsi. Cela ne signifie pas qu’il doive être neutre vis-à-vis des pratiques qui peuvent être développées par telle ou telle entreprise. En tant que garant de l’intérêt général, l’État est dans son rôle en valorisant et en encourageant les entreprises dont la démarche s’inscrit en cohérence avec la recherche de bénéfices sociaux et environnementaux. En démocratie, la définition de l’intérêt général relève du politique issu de la légitimité des urnes. Toutefois, cela n’implique pas que l’État détienne le monopole de la « production » de l’intérêt général. D’autres – citoyens, associations, entreprises – peuvent y contribuer en participant à une diversité de réponses aux besoins sociaux. En effet, l’État n’est pas toujours le mieux placé, ni pour identifier les besoins sociaux ou environnementaux, ni pour mobiliser les moyens nécessaires pour y répondre en tenant compte des situations particulières.   Il convient donc de changer le regard posé classiquement sur l’organisation de la société, et qui tend à ne considérer que deux acteurs : l’État et le marché. Une autre approche est nécessaire : « Au coté du marché et de l’État il est temps d’affirmer le rôle et l’importance de l’individu, sujet libre et responsable et fondement de la démocratie politique et économique »[1]. Ce faisant il faudra, évidemment, affirmer le rôle et l’importance dans la construction sociale, des différentes formes d’organisations dans lesquelles l’individu s’engage : entreprise capitaliste, sociétés de personnes, associations…   On peut légitimement avoir l’intuition que les échanges existants entre sphère publique et sphère privée iront en se renforçant : la sphère privée contribuera de plus en plus largement à la réponse aux besoins sociétaux alors que, dans le même temps, les pouvoir publics se soucieront toujours plus de la compétitivité des entreprises, source d’emplois et de croissance des richesses. De fait, les entreprises se trouvent au cœur de nombre de débats essentiels dont elles ne peuvent se désintéresser : développement durable, emploi, risques psychosociaux, etc.   De plus en plus, la société fait irruption dans l’entreprise. Les demandes, les remises en causes, les pressions ne se situent plus seulement au niveau de la confrontation entre directions et organisations syndicales mais proviennent aussi de l’extérieur, des attentes des clients en termes de services (par exemple, faire circuler les transports en commun la nuit) et en termes éthiques (bannissement du travail des enfants notamment). Ainsi, le concept de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE, devenue responsabilité sociale et environnementale) s’est imposé à l’entreprise, qui l’a plus ou moins largement récupéré. Si cette notion ne peut être considérée comme un aboutissement dans la mesure où elle a essentiellement prospéré dans de grandes entreprises en servant parfois de couverture à de pures opérations de marketing, elle constitue néanmoins une clé d’entrée qui a contribué à un travail de sensibilisation et d’évolution des pratiques sur lequel il est important de chercher à capitaliser.  

Valoriser les entreprises qui se situent dans une démarche de changement

Dans le cadre de cette réflexion, nous ne remettons pas en cause l’économie de marché en tant que système de production et d’allocation des ressources. Nous condamnons en revanche l’ultralibéralisme qui impose l’instauration d’une « société du marché » et préconisons de remettre l’économie de marché « au service » de la société.   Nous critiquons toutefois le fonctionnement actuel de certaines entreprises et cherchons à promouvoir :   -         D’une part, la diversité des démarches entrepreneuriales, considérant qu’il n’y a pas un modèle, par nature meilleur qu’un autre, et qu’il est plutôt préférable de rechercher la coopération entre des modèles complémentaires d’organisations – société de personnes, entreprenariat social, associations de producteurs, etc. ; -         D’autre part, l’instauration de nécessaires régulations et innovations permettant d’éviter les dérives de l’entreprise capitaliste qui tend à considérer l’humain et l’environnement, non comme des capitaux à préserver et développer, mais comme des ressources à exploiter et des variables d’ajustement sur lesquelles il faut jouer pour préserver la rentabilité du seul capital financier.   On considère ici que la finalité purement pécuniaire ne relève pas d’une démarche progressiste. Gagner de l’argent devrait être un moyen pour l’entreprise 1. de survivre, 2. de développer ses activités, 3. d’adopter des comportements plus responsables et plus favorables à son environnement.   Les logiques financières ne sont pas nuisibles en elles-mêmes mais elles le deviennent lorsqu’elles sont exclusives : il importe de les réinscrire dans des finalités plus larges. En effet, leur prédominance conduit également à altérer l’efficacité du management, qui ne s’intéresse qu’aux résultats et plus à la manière dont le travail est mené.   En outre, l’entreprise a besoin du profit… et du réinvestissement du profit. L’investissement fait les frais de taux de rendement absurdes, ce qui aura des conséquences négatives à moyen / long terme. L’investissement pourrait aujourd’hui être un moteur bien plus puissant de l’économie française, aux côtés de la consommation des ménages.   On considère ici des entreprises dont la réalité va au-delà du seul pacte entre actionnaires, fondement principal aujourd’hui de la définition de la société en droit français, même si celui-ci reconnaît (ce qui n’est pas le cas dans beaucoup d’autres pays) l’existence d’un « intérêt social » (au sens d’intérêt propre de la société) qui ne se réduit pas à celui des actionnaires.   Une telle logique est critiquable en ce qu’elle ignore les autres parties prenantes de l’entreprise que sont, au premier chef, les salariés apporteurs du capital humain, mais aussi les sous-traitants, fournisseurs, riverains, etc.   On l’a vu, il existe désormais une pluralité de modèles d’entreprises : la grande majorité, en nombre, en poids dans l’emploi, dans la production, les échanges, relèvent du modèle classique de la société anonyme, dans lequel des investisseurs apportent des capitaux à une entreprise pour que celle-ci les fasse fructifier ; mais le poids du secteur coopératif, mutualiste, des différentes formes que prennent l’économie solidaire ou à but non lucratif a cessé d’être marginal pour devenir très significatif.   À la logique de primauté du rendement financier des capitaux investis s’ajoute désormais celle de performance globale qui prend en compte, non seulement les aspects économiques de la performance mais aussi les aspects, sociaux, sociétaux et environnementaux. Dans les entreprises de l’économie solidaire, associative, coopérative, mutualiste, ces objectifs sont d’emblée reconnus comme faisant pleinement partie de la vocation de l’entreprise, et le rendement des capitaux investis apparaît comme la clef de la pérennité et du développement plutôt que comme un objectif en soi.   Qu’en est-il dans les sociétés anonymes « classiques », à but lucratif ? Leur mission demeure de faire fructifier le mieux possible les capitaux qui leur sont confiés. Elles ne sauraient se muer en agents des politiques publiques. Mais il apparaît de plus en plus clairement qu’elles ne peuvent remplir cette mission dans des conditions acceptables par la société tout entière que si elles prennent en compte pleinement leur responsabilité sociale et environnementale. Il ne s’agit pas de substituer cette responsabilité à leur mission originelle, mais de l’accomplir dans le respect d’un certain nombre de normes de comportements, vis-à-vis de leurs salariés, de leurs clients, de leurs fournisseurs, de leur environnement écologique, territorial, humain.   Nous sortons de plusieurs décennies durant lesquelles les évolutions technologiques ont profondément transformé les emplois et le contenu du travail. Ces évolutions ont réduit l’efficacité des garanties collectives et affaibli les solidarités entre les différentes catégories de salariés. Leur cumul avec les politiques managériales centrées exclusivement sur une culture du résultat (technique, économique ou commercial) a progressivement retiré aux salariés des plus bas niveaux, mais aussi parfois aux cadres, la dimension de sujet, déshumanisant l’entreprise et faisant perdre au travail tout son sens. Ce défi est central car l’humain devient au contraire un facteur stratégique dans le développement de l’innovation, de la performance, du capital social et immatériel de l’entreprise. Ce dernier devient d’ailleurs prépondérant face au capital matériel. Nous proposons de répondre à ce second défi par des politiques de développement humain.   La prise en compte de la diversité, la lutte contre les discriminations, les solidarités intergénérationnelles contribuent à la compétitivité de l’entreprise, à sa capacité d’innover, d’entreprendre et de transmettre ses savoirs faire.   Quelles sont les réformes nécessaires pour faire de cette vision une réalité de l’entreprise ?   La seconde partie de cette note s’efforce de mettre en avant plusieurs recommandations afin de faire évoluer la gouvernance de l’entreprise vers plus de responsabilité et de transparence.    

2 – Recommandations pour faire évoluer la gouvernance des entreprises

À l’exception notable des sociétés coopératives, les entreprises se caractérisent de manière générale par le pouvoir des actionnaires dans la fixation des orientations de l’activité. Ce pouvoir, légitime, tend toutefois à laisser peu de places aux autres parties prenantes (salariés au premier chef, mais aussi collectivités locales, sous-traitants, associations, etc.) qui sont susceptibles de porter une vision complémentaire de l’entreprise.   Plusieurs biais peuvent être critiqués dans le gouvernement des actionnaires lorsqu’il se fait sans prendre en compte la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise, en particulier le manque de transparence des décisions prises, l’absence de concertation et la prédominance des intérêts de court terme.  

2. 1 – Accroitre la transparence au sein des entreprises

-         Information dans l’entreprise   - Mise en œuvre de l’article 225 de la loi du Grenelle 2 obligeant les grandes entreprises à publier dans leurs rapports de gestion un reporting extra-financier : aucun décret d’application n’a encore été publié à ce jour.   - Ce reporting extra-financier pourrait être complété par une analyse d’impact sommaire de l’entreprise sur :              – son empreinte environnementale (carbone, énergie, eau, matière) ;              – son empreinte sociale et sociétale.      -         Rémunérations et échelle des salaires :   – Inclure dans les rapports sociaux des éléments synthétiques de suivi des inégalités de rémunération (indices, tableaux). On peut ainsi imaginer un indice, le même pour toutes les entreprises, assurant la comparabilité, par exemple, des dix plus hautes rémunérations ramenées sur le salaire médian. Un tel indice permettrait de comparer les entreprises d’un même secteur, et également de prendre la mesure des inégalités salariales inter-sectorielles : ainsi, les différences de rémunérations entre le secteur industriel et le secteur financier, où celles-ci ont explosé, expliquent la « fuite des cerveaux » vers la finance.   - Etendre l’obligation de déclaration des rémunérations aux revenus annexes (facturations de prestations par bénéficiaire)   - Organiser un débat au sein du comité d’entreprise sur les éléments concernant les inégalités de rémunération figurant dans le rapport social. Les éléments clés du rapport social, notamment s’agissant des inégalités de rémunérations, seraient présentés en assemblée générale des actionnaires. L’obligation d’information des assemblées générales d’actionnaires sur les rémunérations des dirigeants et les rémunérations les plus élevées serait renforcée. Pour les entreprises distribuant des bonus, des éléments d’information sur les types de critères d’attribution de ces derniers devraient être présentés au comité d’entreprise, avec des éléments plus détaillés pour les dix plus hautes rémunérations.   - Améliorer la composition (majorité d’administrateurs indépendants, absence de conflits d’intérêts) et la professionnalisation (recours à des experts externes, étude des meilleures pratiques, examen détaillé des éléments rendus publics) des comités de rémunérations qui fixent le salaire des dirigeants.   - Assurer la transparence des rémunérations du ou des mandataires sociaux dans toutes les grandes entreprises. Progresser dans la transparence des rémunérations des dirigeants en étendant aux sociétés non cotées qui ont un chiffre d’affaires supérieur à 100M€ (seuil à préciser) l’obligation de publier la moyenne des trois plus hautes rémunérations tout compris (code AFEP – MEDEF).   -         Montages fiscaux et juridiques – Supprimer le régime du bénéfice mondial consolidé   – Déterminer une règle par défaut de fixation du prix de cession avec obligation de validation (opposable) par le commissaire aux comptes en cas de dérogation.   Note: le remplacement de la fiscalité actuelle focalisée sur le travail par une fiscalité énergie / climat facilite la transparence fiscale, en enregistrant la fiscalité au point de consommation et / ou d’émission et en limitant l’intérêt même des effets d’aubaine (ex. : holding luxembourgeoise, importation de hifi & hi-tech via Monaco, groupe de droit néerlandais…) - Imposer aux entreprises transnationales de publier des éléments de reporting (chiffre d’affaires, emploi) pays par pays. Des initiatives sectorielles existent déjà, dont le processus EITI (Initiative de transparence des industries extractives), mais elles ne reposent que sur une démarche volontaire des entreprises . - Lutter contre l’évasion fiscale en donnant accès aux administrations fiscales de l’Union européenne à l’identité des ayants droits économiques des structures de type trust, fondation, etc. établies dans l’Union Européenne ; pour les structures hors Union européenne, lorsque la levée de l’anonymat s’avère impraticable, rechercher des accords permettant d’en taxer les ayants droits économiques conformément au droit de leur pays de résidence.  

2. 2 – Prise de décision et rôle des différents stake-holders dans la gouvernance de l’entreprise 

-         Diversité   – La France a le plus grand mal à faire entrer la diversité au sein de toutes ses structures d’activité, et demeure rétive à la mise en œuvre de quotas. Elle gagnerait néanmoins à s’inspirer de la loi canadienne pour l’équité en emploi, plus efficacement et rapidement applicable dans le cadre français. Cette loi, qui a obtenu de bons résultats au Canada, et a été bien acceptée socialement, impose non pas une obligation de résultats, mais une obligation de moyens à l’entreprise. À partir d’une certaine taille, celle-ci a l’obligation d’évaluer si la diversité en son sein correspond à la diversité du territoire dans lequel elle se trouve. Si la comparaison révèle un niveau de diversité insuffisant, l’entreprise a l’obligation d’élaborer un plan d’action et de le mettre en œuvre de bonne foi. Elle s’expose à d’importantes sanctions financières si elle ne remplit pas cet objectif à moyen terme.   -         Démocratie dans l’entreprise 

– Créer une obligation pour le comité des rémunérations de prendre connaissance de l’avis du comité d’entreprise sur les éléments du rapport social concernant les inégalités de rémunération, sur les types de critères retenus pour l’attribution des bonus, et en particulier sur les critères d’évolution des 10 plus hautes rémunérations.

  Donner aux femmes et aux hommes dans l’entreprise un droit d’initiative et de participation à la transformation de leurs situations professionnelles quotidiennes et à la définition de la qualité du travail, au sein de groupes d’échanges homogènes.   Dans la mesure où de nombreuses méthodes de changement participatives, fondées sur des groupes d’échanges homogènes, ont été expérimentées et développées avec succès par de grands groupes et des PME, une négociation nationale interprofessionnelle est envisageable immédiatement. Elle pourrait être organisée en deux temps :   -         Une période de construction d’un diagnostic partagé sur l’intérêt d’une participation des travailleurs au changements permanents et sur les modalités d’organisation de telles pratiques dans les différentes tailles d’entreprises et secteurs d’activité. -         Une négociation entre partenaires sociaux à proprement parler sur les modalités de mise en œuvre d’un tel objectif. Y serait incluses les modalités de l’évaluation dans le temps d’une telle réforme.   Une loi serait ensuite présentée au Parlement. Un cadre déontologique des modalités de travail des intervenants extérieurs serait conçu à cette occasion (son usage pourrait être élargi à l’ensemble des experts intervenants déjà auprès des comités d’entreprise).   -         Gouvernance et financement    – Assurer la participation des salariés dans les organes sociaux de l’entreprise, avec un seuil minimal d’un tiers. Il s’agit d’affirmer une logique : l’intérêt social de l’entreprise ne se résume pas à celui de ses seuls actionnaires, même dans le cadre des sociétés anonymes à but lucratif. Organiser une consultation régulière et un dialogue de l’entreprise avec ses parties prenantes, à l’échelon de ses organes sociaux.   – Définir un statut de l’entreprise économiquement dépendante responsabilisant les donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants : lorsqu’une entreprise représente plus de 50 % du chiffre d’affaires d’un de ses fournisseurs, elle aurait une responsabilité spécifique vis-à-vis de celui-ci ; lancer une négociation entre organisations syndicales et patronat pour en déterminer les modalités avec un délai raisonnable pour aboutir (dix-huit mois, par exemple), faute de quoi, recours à des mesures législatives. -         La responsabilité des dirigeants   – Mettre en place un régime de sanctions lié au non-respect par les entreprises de leur obligation de reporting social et environnemental. Les entreprises seraient tenues ainsi à une double obligation : mettre en œuvre l’obligation de reporting pesant sur la société mère à l’échelle du groupe ; s’assurer que la société mère a déployé tous les moyens adéquats, internes et externes, pour garantir un reporting reflétant fidèlement les impacts sociaux et environnementaux de l’entreprise   – Imposer que les rapports de développement durable intègrent une attestation émanant d’une agence de notation sociale et environnementale reconnue sur les méthodes d’élaboration et le contenu de ces rapports ; encourager la publication d’une « note de commentaires », rédigée de manière indépendante par un panel de parties prenantes associant des associations de défense des droits, des groupes de consommateurs, des organisations écologistes, des représentations syndicales…    – Etablir un label de reconnaissance des agences de notation sociale et environnementale, inspiré des démarches applicables aux commissaires aux comptes et aux agences de notation financière.   

2. 3 – Prise en compte de la vision de long terme dans les entreprises 

  -         Lier les rémunérations avec la performance à moyen terme  Lier la rétribution des dirigeants à la performance globale à moyen terme : au-dessus d’un certain multiple du salaire le plus bas, les rémunérations devraient comprendre une part bloquée dont le versement serait étalé dans le temps, et serait conditionné au respect de critères de performance économique, et également, lorsque ce serait pertinent, sociale et environnementale.   Proposer des règles fiscales incitatives au réinvestissement (notamment dans une logique de filière et territoriale). Cela permet à la fois une meilleure efficacité pour l’entreprise et pour la collectivité, et ne donne pas une image « punitive » mais collaborative.   -         Lier l’entreprise à son territoire   – Encourager les contrats de territoires et accords inter-entreprise.   – « Dépoussiérer » l’arsenal législatif pour faciliter la collaboration inter-entreprises (sur le modèle des plans de déplacements d’entreprises coordonnés), notamment de mise en commun de moyens (outillage, logistique et livraison, approvisionnement, retraitement des déchets, transferts de co-produits, approvisionnement énergétique et en eau).   – Mettre en place des zones franches écologiques où des entrepreneurs partageant les mêmes valeurs écologiques et sociales essaient de nouveaux modèles économiques, écologiques et sociaux, dans le strict respect des principes de prévention et de précaution, mais avec un cadre législatif et administratif assoupli (notamment DDASS / DREAL / DRIRE…) contre démonstration sous 3 ans de la viabilité du concept et de l’intérêt de généraliser.   - Favoriser l’intervention des autres parties prenantes (notamment consommateurs et territoires)dans l’appréciation des actions de RSE, en particulier en conditionnant les aides locales aux performances sociales et environnementales des entreprises.   – On peut imaginer que dans la cadre d’une nouvelle étape de décentralisation (acte III attendu notamment par l’ARF), les Régions qui gèrent déjà les Schémas régionaux de développement économique se voient dotées de compétences élargies et reçoivent en gestion déléguée certaines aides gouvernementales pour soutenir les entreprises. Dans ce cadre, il serait souhaitable de promouvoir des « contrats de développement économique et territoriaux » dont les objectifs seraient de promouvoir des synergies entre entreprises d’un territoire donné et entre ces entreprises et le territoire. Ce type de contrat serait incontournable pour permettre aux entreprises de bénéficier des aides régionales (et nationales) et les conduirait, en compensation de ces aides, à participer activement au développement économique local (contribution à la formation des salariés, à la recherche locale, à l’investissement dans des équipements publics…).  


[1] Hugues Sibille, Tarik Ghezali, Démocratiser l’économie, Mondes vécus, 2010.

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