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Rapport

Niches fiscales : une réforme volontariste est possible

A l’heure où le gouvernement procède aux ultimes arbitrages du projet de loi de finances pour 2011 en vue de sa présentation en Conseil des ministres le 29 septembre prochain, un sujet s’est imposé au cœur des débats : les niches fiscales. Longtemps restées inaperçues dans les débats budgétaires, les niches fiscales ont proliféré ces dernières années. Elles sont devenues une véritable machine à creuser les déficits : 75 milliards d’euros pour les seules niches répertoriées officiellement, le double si l’on tient compte des anciennes niches opportunément « déclassées ». Le gouvernement souhaite en faire un axe central pour reconquérir la maîtrise des finances publiques. Mais les annonces ne sont pas à la hauteur des enjeux. Ce rapport est issu du groupe de travail de Terra Nova sur les niches fiscales. Il montre qu’une politique volontariste est possible, permettant de supprimer 50 milliards d’euros de niches, pour un gain fiscal net de 25 milliards.
Publié le 

Niches fiscales :

une réforme volontariste est possible

Terra Nova

Groupe de travail composé de :

Thomas CHALUMEAU, Daniel VASSEUR et Olivier FERRAND

septembre 2010

Synthèse

Dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2011, un sujet s’est imposé au cœur des débats : les dépenses fiscales. Une dépense fiscale (« niche fiscale ») est une disposition fiscale dérogatoire à la règle d’imposition de droit commun. C’est une charge financière qui aboutit, non pas à une inscription en dépense, mais à une atténuation de recette.

La France détient le record mondial des niches fiscales. Il y en a 468 recensées officiellement dans le classement du fascicule « voies et moyens – tome II » du projet de loi de finances, pour un montant total de près de 75 milliards d’euros, dont la moitié au titre du seul impôt sur le revenu. Mais il y a aussi les niches officieuses : elles ont été déclassées au fil du temps, sur la base de critères largement arbitraires. La Cour des Comptes évalue ces niches déclassées à 70 Md€. Il y a enfin les mesures équivalentes à des niches fiscales : certains dispositifs n’ont jamais été classés comme dépenses fiscales mais relèvent de la même définition. Le volume de ces mesures approche également les 70 Md€. Au total, au sens large, les niches fiscales dépassent 200 Md€ : plus de 10% du PIB ! La suppression des niches fiscales permettraient d’éponger l’intégralité des déficits publics du pays…

Les niches fiscales présentent une série d’effets pervers.

Le premier est budgétaire. Elles participent très directement de la dérive des finances publiques en permettant de contourner la norme d’évolution qui contraint les dépenses budgétaires. Elles fonctionnent par ailleurs à « guichet ouvert » : leur coût peut dériver sans contrôle. Une « règle de gage » a été introduite en 2009, afin de limiter la prolifération des niches (toute création de niche nouvelle doit être compensée par la suppression d’une niche d’un montant au moins équivalent), mais elle n’est tout simplement pas respectée.

Le second effet pervers concerne l’équité sociale. Les niches affaiblissent principalement l’impôt sur le revenu, le seul impôt redistributif de notre système fiscal. Pire, certaines niches ont été détournées et servent aux contribuables les plus fortunés pour une optimisation fiscale à grande échelle. Certes, un plafonnement global par contribuable a été introduit (20 000 euros et 8% du revenu) mais il s’agit d’une belle hypocrisie : les principales niches d’optimisation (« niches VIP ») sont exclues du champ du plafonnement ! De fait, les 100 principaux bénéficiaires des niches fiscales réduisent leurs impôts de plus de 1 million d’euros et 20 d’entre eux ne paient plus d’impôt sur le revenu de ce fait.

Le dernier effet pervers concerne l’efficacité des niches fiscales. Elles s’avèrent souvent inefficaces voire contre-productives au regard des objectifs économiques, sociaux ou environnementaux censés les justifier. Prolifération, superposition et objectifs clientélistes ont achevé de rendre illisibles, contradictoires et contre-productifs nombre de dispositifs.

Face à ce constat, les propositions du gouvernement ne sont pas à la hauteur des enjeux. Elles se limitent à un « coup de rabot » de 10 milliards d’euros en 2011. Or les marges de manœuvre sont beaucoup plus importantes pour un gouvernement qui se voudrait volontariste. C’est d’autant plus vrai que quelques 180 dépenses fiscales nouvelles, pour un montant total de 17 milliards d’euros, ont été créées par cette majorité politique depuis 2002, ce qui relativise l’effort affiché aujourd’hui.

Le rapport se fixe comme objectif de réforme un rendement budgétaire maximum. L’heure n’est plus à la demi-mesure mais à l’action radicale face au « mur de la dette » qui menace le pays. Le rapport estime qu’il est possible de supprimer, dès 2011, l’équivalent de 50 milliards d’euros bruts de niches fiscales. Si certaines devront être redéployées (sous forme de dépenses budgétaires), le gain fiscal net pourrait s’élever à 25 milliards d’euros. Pour y arriver, deux propositions principales :

Proposition n°1 : généraliser à toutes les dépenses fiscales le plafonnement global par contribuable

Les principales niches utilisées pour l’optimisation fiscale aujourd’hui sont les niches outre-mer. 97 % des réductions d’impôt des 100 contribuables les plus fortunés transitent par les dépenses fiscales au titre des investissements outre-mer. Or les niches fiscales outre-mer n’entrent pas dans le champ du plafonnement global. Dans ces conditions, abaisser le plafond par contribuable ne servirait pas à grand chose. L’optimisation fiscale se poursuivrait, en dehors du champ du plafonnement. La bonne méthode est de cesser les hypocrisies et d’étendre le plafond à toutes les niches fiscales.

Proposition n°2 : réduire individuellement les niches fiscales

Il y a trois pistes de réduction.

Supprimer les niches d’optimisation fiscale.

La chasse à l’optimisation fiscale est une priorité budgétaire, avant même de justice sociale. Les « niches VIP » utilisées pour l’optimisation fiscale doivent être supprimées en priorité. Certaines de ces niches ont été détournées à des fins d’optimisation mais leur objectif sous-jacent était louable. C’est le cas des niches fiscales outre-mer : le développement des départements français d’outre-mer demeurent une priorité politique. C’est pourquoi, dans ce cas, les plus-values fiscales obtenues par la suppression de ces niches devront être redéployées vers de nouveaux dispositifs, notamment des dépenses budgétaires, ne donnant pas lieu à détournement.

Supprimer les niches contre-productives.

Certaines dépenses fiscales se caractérisent par leur injustice sociale, leur caractère anti-écologique ou anti-économique : elles doivent, également, être supprimées. Le bouclier fiscal est emblématique de ces niches. On y trouve aussi, à titre social, les dérogations fiscales pour les retraités aisés (taux minoré de CSG, abattement pour frais professionnels à l’IR, exonération des majorations de pension pour enfants), le quotient conjugal (une formidable essoreuse inter-générationnelle qui redistribue 24 milliards d’euros de pouvoir d’achat des jeunes actifs célibataires vers les couples plus âgés), ou encore la fiscalité dérogatoire sur les revenus du capital (qui favorise la rente contre le travail). On y trouve également, à titre écologique, des mesures comme l’exonération de TIPP pour le transport aérien ou le taux réduit pour le fioul domestique. On rangera enfin dans cette catégorie l’exonération des heures supplémentaires, qui coûte 1.2 milliard d’euros au titre de l’impôt sur le revenu pour un nombre d’emplois détruit de près de 200.000…

Toiletter les niches dont l’utilité n’est pas contestée en fonction de leur rapport coût/efficacité.

La plupart des dépenses fiscales ont une utilité – économique, sociale, environnementale. Elles doivent malgré tout être évaluées au regard de leur coût budgétaire. Elles pourront être réduites au regard de l’importance de leur rapport coût/efficacité. C’est typiquement le cas pour la TVA sur la restauration, dont le coût par emploi créé est exorbitant (500.000 euros par emploi !). C’est également le cas pour les investissements locatifs (dispositif « Scellier »), la déductibilité des intérêts d’emprunt pour l’achat d’un bien immobilier ou encore l’emploi d’un salarié à domicile.

Dans le cadre du retour des finances publiques à une trajectoire soutenable, le gouvernement a fait de la réduction des « niches fiscales » son objectif prioritaire. Le Premier ministre a annoncé le chiffre d’« au moins dix milliards d’euros » de réductions. Le « coup de rabot » envisagé par le gouvernement n’est satisfaisant ni dans son volume, ni dans ses cibles : ce sont d’autres niches, et à une toute autre échelle, que le gouvernement devrait viser. 1 – Les niches fiscales en France : une prolifération qui affaiblit les finances publiques 1.1 – Le constat : la France détient le record mondial des niches fiscales

Une dépense fiscale (« niche fiscale ») est une disposition fiscale dérogatoire à la règle d’imposition de droit commun. Il s’agit d’une charge financière qui a les mêmes objectifs qu’une dépense budgétaire : équité sociale, soutien à l’économie, incitation écologique… La différence, c’est qu’elle prend la forme, non pas d’une inscription en dépense, mais d’une atténuation de recette. Toutes les baisses de recettes ne sont pas dépenses fiscales : ces dernières ne couvrent pas les baisses générales, seulement les dispositifs dérogatoires par rapport à une norme. Selon le fascicule « voies et moyens – tome II » du projet de loi de finances, les dépenses fiscales s’analysent ainsi comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ».

La « norme » n’est toutefois pas définie de manière intangible. C’est ce qui explique le caractère fluctuant du périmètre des dépenses fiscales, avec une grande latitude laissée à l’arbitraire politique. Les « changements de périmètre » (classements/déclassements de dépenses fiscales) sont toutefois désormais intégralement retracés depuis le PLF 2006 dans le document « voies et moyens ».

Dans ce contexte, on peut répertorier trois strates de niches fiscales : Les niches fiscales officielles Ce sont celles répertoriées dans le classement des « voies et moyens ». Le PLF 2010 recense ainsi 468 dépenses fiscales pour une perte de recettes atteignant 74.8 milliards d’euros (soit près de 4% du PIB). La moitié de ces niches porte sur l’impôt sur le revenu (IR). Niches fiscales – en Md€

Revenus professionnels

Droits d’enregistrement

37.5

17.2

6.8

3.3

2.7

1.1

Le développement des niches fiscales est ancien en France. Déjà, en 2003, la France était le pays du G7 qui comptait le plus grand nombre de dépenses fiscales, avec environ 200 dispositifs de plus que le Canada, l’Allemagne ou le Royaume-Uni. Mais la prolifération accélérée des niches est un phénomène récent. Un nombre important de mesures nouvelles ces dernières années a pris la forme de niches supplémentaires tandis que certaines dépenses budgétaires ont été transformées en dépenses fiscales, à l’instar du prêt à taux zéro dans la loi de finances initiale pour 2005. Au final, quelques 180 dépenses fiscales parmi les 468 figurant dans le tome II du fascicule « voies et moyens » du projet de loi de finances pour 2010 ont été créées depuis 2001, pour un coût total de presque 17 milliards d’euros. Les niches fiscales déclassées Certaines niches sont régulièrement déclassées et dès lors considérées comme des modalités de calcul de l’impôt (et non plus comme un écart à la norme). Cette décision repose a priori sur des critères de généralité et d’ancienneté, mais elle s’avère en vérité très largement arbitraire, comme l’a dénoncé la Cour des comptes. Ainsi, dans son rapport public annuel de 2010, la Cour des comptes, évalue à plus de 70 milliards d’euros les dépenses fiscales effacées de la liste. Le volume des niches fiscales, classées et déclassées, atteint dès lors environ 150 Md€. A cette aune, les dépenses fiscales représentent 18 % des recettes fiscales nettes de l’Etat en 2000 et 29 % en 2010, soit plus de 7 % du PIB : la suppression des niches permettraient ainsi, à elle seule, d’effacer la quasi-intégralité du déficit des finances publiques. Les mesures équivalentes à des niches fiscales Certains dispositifs n’ont jamais été classés en niches fiscales mais relèvent de la même définition. Il s’agit notamment du quotient conjugal et du quotient familial à l’impôt sur le revenu, ainsi que du mécanisme du prélèvement forfaitaire libératoire sur de nombreux revenus financiers et de la défiscalisation de l’épargne populaire. Ces dispositifs ont un coût budgétaire très élevé, de l’ordre de 70 milliards d’euros également.Ainsi, au sens large, les niches fiscales dépassent 200 milliards d’euros : plus de 10% du PIB !1.2 – Les effets pervers des niches fiscalesLes niches fiscales créent trois types de difficultés pour les finances publiques : Un problème de transparence et de maîtrise budgétaires Une norme d’évolution des dépenses budgétaires a été définie, aux fins de maîtrise des finances publiques. Or les dépenses fiscales sont devenues un complément habituel des crédits budgétaires dans le financement des politiques publiques, dans le dessein de contourner la norme d’évolution des dépenses. Ce n’est pas un hasard si l’augmentation de leur nombre s’est accélérée depuis l’instauration de cette norme. Du même coup, on tend également à remplacer des crédits limitatifs par des mécanismes fonctionnant à « guichet ouvert », ce qui, au total, apparaît très préjudiciable à la gestion des finances publiques, à leur transparence comme à leur maîtrise. L’évaluation des dispositifs est aussi rendue plus difficile et, de fait, les niches fiscales sont peu suivies. Face à la prolifération des niches fiscales, le législateur a introduit deux dispositifs visant à les encadrer mais ils ne sont pas à la hauteur des enjeux. La loi de programmation des finances publiques pour la période 2009–2012 a établi une « règle de gage ». Chaque année, le coût lié à la création ou l’extension de nouvelles dépenses fiscales doit être compensé par la réduction ou la suppression d’autres dépenses fiscales à due concurrence. Mais la Cour des comptes, dans son rapport public annuel de 2010, a souligné que cette règle n’était tout simplement pas respectée [1] . Et cette règle ne prévient pas le risque de dérive dans le temps du coût d’une dépense fiscale donnée [2] . Par ailleurs, un « objectif de dépenses fiscales » a été introduit dans les projets de loi de finances. Mais il n’a aucun caractère contraignant, contrairement à la norme de dépenses, et il n’est donc pas respecté. Un problème d’équité sociale Les dépenses fiscales au titre de l’impôt sur le revenu représentent environ les deux tiers du produit de cet impôt…C’est en partie du fait de leur multiplication et de leur montée en puissance, conjointement à la réforme de son barème, que la part de cet impôt dans l’ensemble des prélèvements obligatoires a reculé de 9 % en 1990 à 6,5 % en 2008. L’IR constituant le principal impôt progressif, ceci signifie tout simplement que notre système fiscal est globalement de moins en moins redistributif. Non seulement l’impôt sur le revenu se contracte en volume, mais il devient lui-même de moins en moins redistributif. Les dépenses fiscales contribuent en effet à limiter la progressivité de l’impôt sur le revenu, voire à le rendre dégressif. Du fait de ces niches, si le taux supérieur d’imposition « apparent » de l’impôt sur le revenu s’élève à 40 % (contre 50 %, notons le, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis), le taux « réel », grâce aux niches fiscales, descend à moins de 20 % pour les 10.000 contribuables les plus riches. Grâce à ces niches fiscales, les 100 contribuables qui en ont le plus bénéficié ont économisé en moyenne 1,13 million d’impôts chacun en 2007. Enfin, certaines niches sont utilisées massivement par les contribuables les plus fortunés de France pour échapper à l’impôt. Elles ont été détournées de leur objectif aux fins d’optimisation fiscale. Grâce aux niches fiscales, certains contribuables fortunés réduisent leur imposition de 25% ou plus : c’est le cas de 10% des 100.000 contribuables les plus fortunés, de 25% des 1.000 les plus fortunés et de la moitié des 10 plus fortunés.La très forte concentration du recours aux niches fiscales est également attestée par les chiffres suivants : les 100 000 contribuables réduisant le plus leur impôt en valeur absolue le réduisent chacun, en moyenne, de 15 240 euros (pour une dépense fiscale totale de 1 524 millions d’euros) ; les 10 000 contribuables réduisant le plus leur impôt en valeur absolue le réduisent chacun, en moyenne, de 67 290 euros (pour une dépense fiscale totale de 673 millions d’euros) ; les 1 000 contribuables réduisant le plus leur impôt en valeur absolue le réduisent chacun, en moyenne, de 295 880 euros (pour une dépense fiscale totale de 295 millions d’euros) ; les 100 contribuables réduisant le plus leur impôt en valeur absolue le réduisent chacun, en moyenne, de 1 132 160 euros (pour une dépense fiscale totale de 113 millions d’euros), soit 85 % de la cotisation d’impôt résultant du barème. Parmi ces derniers, 20 contribuables parviennent à un impôt nul ou négatif (avec une restitution moyenne du Trésor public de 751 euros pour un revenu imposable moyen supérieur à 2 millions d’euros) en imputant, en moyenne, un montant total de réductions et de crédits d’impôt de 801 343 euros Un problème d’efficacité Les dépenses fiscales s’avèrent souvent inefficaces voire contre-productives au regard des objectifs économiques, sociaux ou environnementaux censés les justifier. La dépense fiscale peut être, en soi, un bon outil de politique économique et sociale. Il est en effet parfaitement légitime de créer des régimes fiscaux dérogatoires, afin de favoriser certains comportements économiques, socialement utiles, ou certaines catégories de la population défavorisées ou confrontées à des besoins particuliers. Mais les dépenses fiscales se sont, au fil des années, multipliées dans des proportions excessives, inspirées souvent davantage par des préoccupations clientélistes que par des études en démontrant l’efficacité. Aujourd’hui, la superposition des régimes dérogatoires nuit à l’efficacité de notre système fiscal. Ainsi certaines incitations voulues par les pouvoirs publics finissent-elles par devenir illisibles voire contradictoires entre elles. C’est le cas, nous le verrons, pour certaines niches « anti-écologiques ». 2 – Les limites du « coup de rabot » gouvernemental 2.1 – Une ambition insuffisanteLe gouvernement annonce un objectif de réduction des niches fiscales à hauteur de 10 milliards d’euros pour 2011. Ce n’est pas à la hauteur des enjeux : la France doit faire face à un « mur de la dette », avec un déficit public annuel de 150 milliards d’euros. Or les marges de manœuvre sont beaucoup plus importantes pour un gouvernement qui se voudrait volontariste. C’est d’autant plus vrai que 17 milliards d’euros de niches nouvelles ont été créées récemment, depuis 2001, par cette même majorité politique, ce qui relativise l’effort affiché aujourd’hui.2.2 – Des mesures d’affichageUn premier plafonnement global a été introduit en 2009 : un contribuable donné ne peut cumuler plus de 20.000 euros de réductions d’impôts au titre des niches fiscales, dans la limite de 8% de ses revenus [3] . Le gouvernement envisage de le durcir. L’objectif clairement affiché est de limiter l’optimisation fiscale à grande échelle des contribuables les plus fortunés, à la fois inéquitable et source d’une perte très importante de revenus fiscaux.Le plafonnement n’a pourtant rapporté que 200 millions d’euros, sur un volume total de niches fiscales à l’IR de 35 milliards d’euros : 0.5% du total. Pourquoi une si faible efficacité ? Tout simplement parce que le plafonnement global ne porte pas sur toutes les dépenses fiscales. Et justement, les principales niches utilisées pour l’optimisation fiscale à grande échelle (« niches VIP »), notamment les dépenses fiscales pour l’outre-mer, ne sont pas couvertes par le plafond…Le gouvernement affiche ainsi la volonté de combattre l’optimisation fiscale, mais il n’en fait rien, ou si peu, en pratique.2.3 – Un ciblage contre-productifLe gouvernement a décidé de faire porter son effort de réduction des niches, notamment, sur les dispositifs écologiques. Les aides aux installations par les particuliers de panneaux photovoltaiques, chauffage solaire, pompes à chaleur ou double vitrage (isolation thermique) seront fortement diminuées. Une telle diminution est incompatible avec une priorité politique donnée à l’environnement : elle est un nouveau témoignage de l’abandon par le gouvernement de sa priorité écologique, entamé avec le retrait de la taxe carbone. 3 – Les pistes de Terra Nova 3.1 – L’objectif de la réforme : un rendement budgétaire maximumL’objectif central de la réforme des niches fiscales est de contribuer au rétablissement des finances publiques. Il s’agit donc d’un objectif de rendement budgétaire : augmenter les recettes fiscales.Terra Nova estime qu’il est possible de supprimer, dès 2011, l’équivalent de 50 milliards d’euros bruts de niches fiscales. Si certaines devront être redéployées (sous forme de dépenses budgétaires), le gain fiscal net pourrait s’élever à 25 milliards d’euros. 3.2 – Proposition globale : généraliser à toutes les dépenses fiscales le plafonnement global par contribuableLe plafonnement actuel ne couvre pas toutes les niches. C’est ce qui explique que, en dépit d’un plafonnement par contribuable à 20.000 euros, les contribuables les plus fortunés puissent bénéficier de réductions supérieures à un million d’euros.Les principales niches utilisées pour l’optimisation fiscale aujourd’hui sont les niches outre-mer. 97 % des réductions d’impôt des 100 contribuables les plus fortunés transitent par les dépenses fiscales au titre des investissements outre-mer : l’essentiel (85 % du total, soit 679 670 euros en moyenne par contribuable) au titre de la réduction d’impôt pour investissement productif outre-mer (navigation de plaisance, investissement immobilier) et le solde (12 % du total, soit 98 424 euros) au titre de la réduction d’impôt pour l’investissement dans le logement outre-mer. Or les niches fiscales outre-mer n’entrent pas dans le champ du plafonnement global. Dans ces conditions, abaisser le plafond par contribuable ne servirait pas à grand chose. L’optimisation fiscale se poursuivrait, en dehors du champ du plafonnement. La bonne méthode est de cesser les hypocrisies et d’étendre le plafond à toutes les niches fiscales.

3.3 – Réduire les niches fiscales

Il y a trois pistes principales :

Supprimer les niches d’optimisation fiscale La chasse à l’optimisation fiscale est une priorité budgétaire, avant même de justice sociale. L’optimisation fiscale, en permettant d’échapper à l’impôt, diminue d’autant les recettes fiscales : elle est en contradiction absolue avec l’objectif de rendement budgétaire. En conséquence, les « niches VIP » utilisées pour l’optimisation fiscale doivent être supprimées en priorité. Certaines niches ont été détournées à des fins d’optimisation fiscale, mais leur objectif sous-jacent était louable. C’est le cas des niches fiscales outre-mer : le développement des départements français d’outre-mer demeurent une priorité politique. C’est pourquoi, dans ce cas, les plus-values fiscales obtenues par la suppression de ces niches devront être redéployées vers de nouveaux dispositifs, notamment des dépenses budgétaires, ne donnant pas lieu à détournement. Supprimer les niches contre-productives Certaines dépenses fiscales se caractérisent par leur injustice sociale, leur caractère anti-écologique ou anti-économique : elles doivent, également, être supprimées. Le bouclier fiscal est emblématique de ces niches. On y trouve aussi, à titre social, les dérogations fiscales pour les retraités aisés (taux minoré de CSG, abattement pour frais professionnels à l’IR, exonération des majorations de pension pour enfants), le quotient conjugal (une formidable essoreuse inter-générationnelle qui redistribue 24 milliards d’euros de pouvoir d’achat des jeunes actifs célibataires vers les couples plus âgés), ou encore la fiscalité dérogatoire sur les revenus du capital (qui favorise la rente contre le travail). On y trouve également, à titre écologique, des mesures comme l’exonération de TIPP pour le transport aérien ou le taux réduit pour le fioul domestique. On rangera enfin dans cette catégorie l’exonération des heures supplémentaires, qui coûte 1.2 milliard d’euros au titre de l’impôt sur le revenu pour un nombre d’emplois détruit de près de 200.000… Toiletter les niches dont l’utilité n’est pas contestée en fonction de leur rapport coût/efficacité La plupart des dépenses fiscales ont une utilité – économique, sociale, environnementale. Elles doivent malgré tout être évaluées au regard de leur coût budgétaire. Elles pourront être réduites au regard de l’importance de leur rapport coût/efficacité. C’est typiquement le cas pour la TVA sur la restauration, dont le coût par emploi créé est exorbitant (500.000 euros par emploi !). C’est également le cas pour les investissements locatifs (dispositif « Scellier »), la déductibilité des intérêts d’emprunt pour l’achat d’un bien immobilier ou encore l’emploi d’un salarié à domicile.

Le passage en revue des niches fiscales à l’aune des principes décrits ci-dessus aboutit au tableau de propositions ci-après. Il est suivi d’un exposé des motifs proposition par proposition.

Tableau récapitulatif des propositions

En Md€

Réforme proposée

Coût actuelannuel

Economie brute

Economie nette

TVA sur la restauration

Abrogation

3

3

3

TVA sur l’hôtellerie

Abrogation

1,8

1,8

1,8

Bouclier fiscal et réductions ISF

Abrogation

1,5

1,5

1,5

Incitations investissement locatif (dispositif « Scellier », IR)

Abrogation

0,5

0,5

0,5

Déductibilité intérêts emprunt immobilier (IR)

Abrogation

3

3

3

Retraites : taux réduit de CSG

Réduction

5

2

2

Retraites : abattement de 10 % à l’IR

Abrogation

2,7

2,7

2,7

Retraites : exo. majorations pour enfants (IR)

Abrogation

0,75

0,75

0

Quotient conjugal (IR)

Abrogation

24

24

0

Exonération des prestations familiales (IR)

Abrogation

1,6

1,6

0

Demi-part supplémentaire parents isolés (IR)

Abrogation

0,4

0,4

0

Réductions d’impôt outre-mer (IR, IS)

Abrogation

3,5

3,5

0

Exonération heures supplémentaires (IR)

Abrogation

1,2

1,2

1,2

Niches fiscales anti-écologiques (IR)

Abrogation

5

5

5

Fiscalité dérogatoire revenus du capital (IR)

Réduction

30

3

3

Emploi d’un salarié à domicile (IR)

Réduction

3

1,5

1,5

Réforme des niches fiscales – propositions de Terra Nova – synthèse

Exposé des motifs par proposition

Niches fiscales abrogées ou réduites Taux réduit de TVA sur la restauration AbrogationGain budgétaire brut : 3 Md€Gain budgétaire net : 3 Md€Justification : inefficacité économique La baisse de la TVA dans la restauration de 18.6 % à 5.5 % (hors boissons alcoolisées), introduite par ce gouvernement le 1 er juillet 2009, est emblématique. Mise en œuvre pour satisfaire une clientèle politique, son rapport coût/efficacité économique est exorbitant.Le coût budgétaire de la mesure est de 3 Md€ par an [4] . La justification affichée était un triple bénéfice économique : baisse des prix du secteur, création d’emploi, investissements nouveaux. Un an après son introduction, aucun des bénéfices n’est au rendez-vous :La baisse des prix est très faible. Alors qu’une répercussion intégrale de la baisse de la TVA dans les prix se serait traduite par une diminution de ces tarifs de 8 % en moyenne, la profession ne s’est engagée que sur une baisse de 3 % et cette diminution n’atteint aujourd’hui, selon l’INSEE, que…moins de 1,5 %. Les créations d’emploi sont minimales, et leur coût pharaonique. La profession s’est engagée sur la création de 40.000 emplois supplémentaires. Si cet objectif était atteint, le coût par emploi de la mesure s’avérerait déjà exorbitant, de l’ordre de 75.000 euros par emploi. Or cet objectif ne sera pas atteint. Le rythme actuel de création d’emploi se situe en-deça de la tendance de long-terme dans le secteur. Le Conseil des prélèvements obligatoires estime plus raisonnable d’envisager 6.000 emplois : cela porterait le coût par emploi créé au coût pharaonique de 500.000 euros.Les investissements de modernisation ne sont pas au rendez-vous. Les restaurateurs ont, pour l’essentiel, utilisé la baisse de la TVA pour restaurer leurs marges.Au total, aucune justification économique sérieuse ne permet d’étayer cette niche fiscale.Taux réduit de TVA sur la restauration AbrogationGain budgétaire brut : 1.8 Md€Gain budgétaire net : 1.8 Md€Justification : inefficacité économique Les hôtels bénéficient de longue date du taux réduit de 5,5 % sur la TVA. Le coût de cette niche est de 1.8 Md€.Un taux réduit peut se justifier pour des raisons sociales (fourniture de biens et services de base, comme l’alimentation courante, nécessaire aux foyers les plus modestes, appareillages pour les handicapés) ou culturelles (démocratisation de l’accès à l’information, à certains loisirs et à certaines technologies). Aucune de ces raisons ne s’applique à l’hôtellerie. A cet égard, il faut faire justice d’un argument souvent utilisé pour justifier la création de dépenses fiscales : la création d’emploi. Un taux réduit, par la baisse induite des prix, entraînerait une consommation accrue, et par là un développement économique renforcé du secteur et des emplois supplémentaires. Un tel cercle vertueux nécessite d’une part que le différentiel de taux soit utilisé pour baisser les prix (et non pour reconstituer les marges), et d’autre part que la sensibilité au prix de la demande soit élevée. Or les prix des hôtels français sont comparables aux prix pratiqués dans les autres pays européens comparables. Et la sensibilité au prix est faible : on ne « consomme » pas plus de nuitées d’hôtel sous prétexte que le prix est un peu plus faible ; et la mesure ne présente aucun avantage en termes de compétitivité internationale (quand on a un déplacement à Berlin, on ne dort pas à Paris sous prétexte que les hôtels y seraient moins chers…).Bouclier fiscal et réductions au titre de l’ISF AbrogationGain budgétaire brut : 1.5 Md€Gain budgétaire net : 1.5 Md€Justification : équité sociale L’ISF n’a cessé d’être réformé à la baisse depuis 2002 : augmentation de 20 à 30% de l’abattement sur la valeur prise en compte pour la résidence principale, réductions croissantes d’ISF à raison d’investissements dans les PME, assouplissement des critères d’éligibilité à la qualification de biens professionnels (exonérés), exonérations partielles concédées en contrepartie d’un engagement collectif de conservation des titres, bouclier fiscal. Ces différentes réductions d’impôt ont progressivement vidé l’ISF, dont le rendement n’atteint plus que 3.5 Md€.

Le bouclier fiscal est la plus emblématique de ces réductions, pour un coût de 600 millions d’euros. La gauche a brocardé l’iniquité du bouclier fiscal. A juste titre. Le gouvernement a longtemps prétendu que le bouclier fiscal allait d’abord protéger les plus modestes. Il est vrai que, pour les foyers aux minimas sociaux, la taxe d’habitation peut entraîner le déclenchement du bouclier fiscal, notamment dans les villes nouvelles où elle est anormalement élevée. Il y aussi le cas des agriculteurs de l’île de Ré, pour lesquels le prix du terrain a atteint de tels sommets qu’il génère un ISF incompatible avec la réalité de leurs revenus. Mais il s’agit là d’un cache-sexe outrageux. Les classes moyennes et populaires (les 60% des foyers les plus modestes) ne perçoivent que 1% des restitutions. Evidemment, le bouclier fiscal bénéficie avant tout, et quasi-exclusivement, aux ménages les plus aisés. 90% des restitutions vont ainsi aux contribuables dont le patrimoine est supérieur à quatre millions d’euros. Deux euros sur trois payés au titre du bouclier fiscal vont à 834 contribuables disposant de plus de quinze millions d’euros de patrimoine ! Ils ont reçu chacun, en 2009, un chèque de près de 400.000 euros en moyenne de leur percepteur…. Les 100 principaux bénéficiaires ont reçu du Trésor public un chèque individuel de 1,8 million d’euros en moyenne. Et le record revient à Mme Bettencourt, ainsi que la presse s’en est fait l’écho, avec un chèque de 30 millions d’euros.

La réduction d’ISF au titre des investissements au capital des PME (100 000 bénéficiaires en 2009 pour un coût de 700 millions d’euros) n’a pas de justification économique réelle. Un récent rapport de l’inspection des finances montre qu’aucun critère d’éligibilité sérieux n’a été posé : les financements vont jusqu’aux entreprises de toilettage pour chiens ! Il s’agit en réalité de purs produits de défiscalisation au profit des plus fortunés. D’ailleurs, si la motivation de cette mesure était principalement économique – le soutien aux PME – pourquoi mettre en œuvre un dispositif réservé aux redevables de l’ISF ? L’inspection des finances montre aussi que la réduction d’impôt est intégralement captée par les intermédiaires financiers au titre des frais de gestion. Il en va de même des exonérations partielles prévues dans le cas des « pactes d’actionnaires » (engagement collectif de conservation) et des titres détenus par les salariés et mandataires sociaux. Cette réduction d’impôt entraîne des effets d’aubaine considérables pour certains particuliers (baisse d’impôt pour des investissements qui auraient été faits de toute façon) ou profitent in fine à des fonds de placement et à des holdings spécialisées qui peuvent accroître leurs marges d’intermédiation.

La baisse de l’ISF et le bouclier fiscal devaient inciter les exilés fiscaux à revenir sur notre territoire et à y produire de la richesse. L’effet, pourtant, est tout relatif : en 2007, première année d’application du bouclier fiscal, 719 personnes se seraient exilées contre…. 843 en 2006. En 2006, ces 843 délocalisations à l’étranger avaient représenté une perte fiscale de 18 millions d’euros. Perte à comparer au coût des diverses mesures « ISF » mises en place depuis 2007 : un coût total de 1,5 milliards d’euros, soit plus de 80 fois plus ! Ce sont ces mesures que nous proposons de supprimer.

Incitations fiscales à l’investissement locatif (Scellier) AbrogationGain budgétaire brut : 0.5 Md€Gain budgétaire net : 0.5 Md€Justification : inefficacité économique Aux dispositifs « Robien » puis « Borloo » a succédé le « Scellier » encore plus avantageux : 25% de l’achat immobilier est in fine « payé » par l’Etat. Le rapport coût/efficacité de cette mesure est très élevé. Son utilité comme soutien au logement locatif est faible comparée aux crédits budgétaires consacrés notamment à la construction, qui permettent un ciblage beaucoup plus fin et adapté aux besoins. Les effets pervers de cette niche fiscale sont en effet bien identifiés. D’abord, un mauvais ciblage géographique : la construction ne se trouve pas stimulée là où se situent les besoins, voire parfois se développe dans des zones où la demande s’avère faible, d’où des déconvenues pour les investisseurs. Ensuite, un mauvais ciblage social : les loyers pratiqués en excluent les classes moyennes et populaires, du fait de plafonds trop élevés. La priorité doit aller à la construction de logements sociaux, en particulier dans les zones déficitaires.Déductibilité des intérêts d’emprunt immobilier AbrogationGain budgétaire brut : 3 Md€Gain budgétaire net : 3 Md€Justification : inefficacité économique La déductibilité des intérêts d’emprunt immobilier, instaurée par la loi TEPA en 2007, constitue une mesure particulièrement onéreuse. Elle va coûter 1,5 Md€ en 2010 et 3 Md€ en régime de croisière, dès 2013. Selon tous les spécialistes, elle ne facilitera que marginalement l’accession à la propriété et ne stimulera pas la construction de logements, dans un contexte de pénurie. Il s’agit, au mieux, d’une aide au pouvoir d’achat pour une fraction des classes moyennes et supérieures. De fait, plafonnée, elle n’améliore que marginalement la capacité d’achat (de 6 800 euros en moyenne, ce qui correspond à 3 m 2 de logement…). Les banques n’en tiennent pas compte au moment de l’octroi des prêts : elle ne sert donc pas à solvabiliser la demande. Taux réduit de CSG sur les pensions de retraite Abrogation partielleGain budgétaire brut : 2 Md€Gain budgétaire net : 2 Md€Justification : équité sociale Il faut avoir le courage de poser la question de certains avantages qui bénéficient aux retraités et aux personnes âgées, quand ils reposent sur le seul fondement d’un critère de statut ou d’âge, indépendamment des niveaux de revenus. Ils créent des injustices notables et notoires : des différences de traitement avec des personnes plus jeunes disposant de revenus inférieurs ou égaux, un gain plus que proportionnel avec le revenu du fait du caractère progressif de l’IR. Au sortir de la guerre, les séniors étaient pauvres, voire misérables. Le taux de pauvreté des retraités atteignait presque 50% au début des années 1960. Avec la montée en puissance de notre système de retraite, cette réalité s’est heureusement inversée. Le taux de pauvreté s’est effondré à moins de 4% aujourd’hui [5] . Les retraités ont rattrapé leur retard de pouvoir d’achat sur les actifs. La retraite moyenne d’un homme est égale à 95% du salaire net moyenne d’un homme : 1531 contre 1613 euros [6] . Mieux, le niveau de vie global des retraités (hommes et femmes) [7] dépasse désormais de 6% celui des actifs, de plus de 10% celui des actifs de moins de 55 ans. Le pauvre dans notre société, ce n’est plus le retraité mais le jeune actif : les jeunes de moins de 30 ans ont le taux de pauvreté le plus élevé, 12%. Et singulièrement la jeune mère célibataire avec un enfant.Dans ces conditions, les avantages fiscaux liés au statut de retraité étaient justifiés il y a trente ou quarante ans, quand les retraités étaient pauvres. Ils ne sont plus justifiés aujourd’hui, puisque les retraités ont un niveau de vie moyen au moins égal à celui des actifs – même s’il reste, bien sur, des petites retraites. C’est pourquoi nous proposons d’aligner la fiscalité des retraités aisés sur celle des actifs. La principale mesure concerne la CSG. Les retraités bénéficient d’un taux réduit de CSG : 6,6% pour les retraités soumis à l’impôt sur le revenu, 3,8% pour les non-imposables et 0 pour les retraités les plus modestes exonérés de la taxe d’habitation. Nous proposons, comme le préconise la Cour des Comptes, un alignement du taux à 6.6% sur celui des actifs, soit 7,5% : seul le tiers supérieur des retraités serait concerné. Il s’agit d’une mesure de justice sociale. Est-il juste qu’Antoine Zacharias, ancien pdg de Vinci et titulaire d’une retraite chapeau de 2,5 millions d’euros par an, acquitte une CSG inférieure à celle que paient ses anciens salariés au smic ? Encore une fois, la nature ou le statut des contribuables ne doit pas interférer dans la détermination des taux d’imposition. Cette réforme rapporterait 2 Md€. Abattement pour frais professionnels à l’impôt sur le revenu en faveur des retraités AbrogationGain budgétaire brut : 2,7 Md€Gain budgétaire net : 2,7 Md€Justification : équité sociale Les remarques précédentes sur la CSG concernent aussi l’abattement de 10 % pour frais professionnels à l’impôt sur le revenu. Les retraités jouissent de cet avantage accordé aux salariés bien qu’ils n’aient plus à faire face aux frais nécessaires pour aller travailler. Paradoxe supplémentaire, seuls les retraités aisés en bénéficient (le tiers supérieur, soumis à l’impôt sur le revenu) mais pas les salariés modestes (car ils ne sont pas imposables à l’impôt sur le revenu), alors que ce sont eux qui exposent les frais professionnels les plus importants au regard de leurs revenus (le trajet domicile-travail en voiture, notamment). Le coût de cette niche s’élève à 2,7 Md€. Exonération des majorations de pension pour enfants AbrogationGain budgétaire brut : 0,75 Md€Gain budgétaire net : 0Justification : équité sociale et inefficacité au titre de la politique familiale Les retraités bénéficient d’un autre avantage fiscal important : les personnes ayant eu au moins trois enfants bénéficient de majorations de pension, et ces majorations sont exonérées d’impôt sur le revenu. Cette mesure, instaurée par le régime de Vichy en 1941, a un coût de 0.75 Md€.Cette mesure est injuste socialement : les majorations de pension sont d’autant plus importantes que la pension est élevée ; l’exonération d’impôt est d’autant plus importante que le taux d’imposition marginal auquel échappe la majoration de pension est élevé. Est-il normal par exemple qu’un retraité non-imposable ne bénéficie d’aucune exonération contrairement à celui qui perçoit une pension de 5 000 euros par mois ? Selon l’INSEE, cet avantage fiscal améliore le niveau de vie des retraités de 0,1 % en moyenne sur les quatre premiers déciles de revenus, pourcentage qui commence à croître à partir du cinquième pour culminer à 1,8 % pour le dernier décile. Ce dispositif a aussi un effet anti-redistributif entre hommes et femmes, puisque les premiers touchent en moyenne des pensions plus élevées. Enfin, on peut difficilement considérer qu’un tel avantage a un impact significatif sur la natalité, du fait de l’important décalage dans le temps entre sa matérialisation et le fait générateur. Qui pourrait croire que l’on fait des enfants pour bénéficier, plusieurs décennies plus tard, d’avantages pour la retraite ? Il s’agit avant tout d’une mesure de pouvoir d’achat pour les retraités, tant dans la majoration de retraite que dans l’exonération d’impôt.Si l’on veut soutenir la politique familiale, il faut redéployer cette niche fiscale vers les prestations familiales. Ou mieux encore, vers le financement de dispositifs de conciliation vie professionnelle/vie familiale (type crèches) : un tel redéploiement contribuerait à l’égalisation des situations dans l’emploi entre les femmes et les hommes, tout en étant bénéfique pour la fécondité (il existe une corrélation positive entre le taux d’activité des femmes et le taux de fécondité).Quotient conjugal AbrogationGain budgétaire brut : 25 Md€Gain budgétaire net : 0Justification : équité sociale La fiscalité des particuliers repose sur la déclaration par foyer fiscal : les ménages déclarent leurs revenus en couple, et non pas à titre individuel, et y rattachent les enfants à charge. Les revenus d’un foyer fiscal ne sont pas soumis directement au barème de l’impôt sur le revenu. Ils sont divisés par le nombre de parts fiscales du foyer : une part par adulte, soit deux parts pour un couple (« quotient conjugal ») ; et une demi-part par enfant, une part entière à partir du troisième (« quotient familial »). C’est le revenu par part qui est soumis au barème de l’impôt sur le revenu. Ce système permet de réduire, parfois très fortement, le niveau d’imposition, en limitant le taux marginal d’imposition auquel est soumis le revenu. Le coût fiscal du quotient conjugal, non plafonné, est phénoménal : 24 milliards d’euros. Le quotient familial, plafonné par part, ne coûte « que » 13 milliards d’euros [8] .La déclaration par couple (quotient conjugal) est une spécificité française : dans tous les autres pays de l’OCDE, la déclaration fiscale est individualisée. Elle présente deux défauts majeurs.Le premier, c’est de favoriser les couples au détriment des célibataires. En d’autres termes, c’est une formidable essoreuse à pouvoir d’achat des jeunes : tout se passe comme si 24 milliards d’euros avaient été pris des poches des (jeunes) célibataires pour être transférés dans celles des couples (statistiquement plus âgés). Cette inégalité fiscale de nature générationnelle paraît particulièrement injuste aujourd’hui, alors que les jeunes actifs de moins de 30 ans sont les premières victimes de la crise, avec un taux de pauvreté (12%) [9] , un niveau de chômage (25%) et une précarité préoccupants.Le second défaut, c’est de favoriser un modèle de couple, le modèle « traditionnel » : celui où le mari travaille et la femme reste à la maison [10] . Le modèle du couple moderne, où les deux membres du couple travaillent avec des salaires comparables, n’est pas avantagé par le quotient conjugal.Accessoirement, la déclaration par foyer est un handicap pour le passage à la retenue à la source. Elle oblige en effet à faire détenir par l’entreprise des données familiales privées pour pouvoir calculer l’impôt retenu à la source. Rappelons que la France est le dernier pays de l’OCDE à collecter l’impôt sur le revenu par voie de rôle : tous les autres sont passés à la retenue à la source.C’est pourquoi nous proposons de supprimer le quotient conjugal, à rendement fiscal constant de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire en baissant les taux d’imposition à due concurrence. Cela revient à redistribuer 24 milliards d’euros des couples « traditionnels » vers les couples « modernes » et les célibataires. Cela correspond à une très forte redistribution vers les jeunes et les femmes actives.A l’inverse, nous proposons de maintenir le quotient familial car c’est un pilier de la politique familiale nationale. Il mériterait sans doute un examen approfondi avec les associations familiales. Il crée en effet un nouvel avantage progressif avec le revenu, au rendement très important (13 Md€) : il donne objectivement plus de valeur à un enfant de riche qu’à un enfant de pauvre. Il est certes plafonné par part : c’est un instrument de redistribution au profit des familles nombreuses des classes moyennes supérieures (et non des foyers les plus aisés). Il s’agit là aussi d’une « exception française » : la plupart des pays, quand ils tiennent compte de la taille de la famille dans le calcul de l’impôt sur le revenu, appliquent un crédit d’impôt forfaitaire par personne à charge. Exonération des prestations familiales AbrogationGain budgétaire brut : 1,6 Md€Gain budgétaire net : 0Justification : équité sociale L’exonération d’impôt sur le revenu de toutes les prestations familiales (allocations familiales, aide à l’emploi d’une assistante maternelle, allocation de garde d’enfant à domicile et de la prestation d’accueil du jeune enfant) représente un coût global de 1,6 Md€ pour le budget de l’Etat. Ces dispositifs ne sont pas équitables : les aides augmentent plus que proportionnellement avec les revenus des foyers fiscaux. Ainsi, la défiscalisation des allocations familiales représente un gain fiscal pour le contribuable d’autant plus important que le taux marginal d’imposition auquel elles échappent est élevé. En d’autres termes, tous les enfants n’ont pas la même valeur : ils « valent » d’autant plus qu’ils sont issus d’une famille plus aisée. Difficile de cautionner un tel eugénisme fiscal implicite.L’objectif n’est pas de revoir à la baisse la politique de soutien aux familles, mais d’éviter d’accorder des aides socialement injustes. Aussi ces prestations devraient-elles entrer dans l’assiette de l’impôt sur le revenu, mais la plus-value fiscale devrait être redéployée et utilisée pour financer un accroissement de leur montant. Ainsi les familles des classes moyennes et populaires bénéficieraient-elles d’un soutien renforcé. Demi-part supplémentaire pour parent isolé AbrogationGain budgétaire brut : 0.4 Md€Gain budgétaire net : 0Justification : équité sociale Le premier enfant à charge des contribuables célibataires, divorcés ou veufs leur donne droit à une part entière de quotient familial au lieu d’une demie. Cet avantage a entraîné une moins-value fiscale de 400 millions d’euros en 2009. Par définition, il ne profite qu’aux foyers redevables de l’impôt sur le revenu. De fait, la Cour des comptes a révélé dans son rapport sur la sécurité sociale de 2010 qu’à peine 600 000 des 1,4 millions de foyers monoparentaux bénéficiaient de cet allégement et que le quart de cette dépense fiscale allait majorer les revenus nets des 10 % des foyers concernés les plus aisés. Le plafonnement de l’avantage en impôt a certes limité ces distorsions mais il ne suffit plus ; il faut le supprimer purement et simplement et redéployer la plus-value fiscale pour financer des dépenses budgétaires nouvelles, plus équitables, en faveur des foyers monoparentaux.Réductions d’impôt en faveur de l’outre-mer et de zones particulières AbrogationGain budgétaire brut : 3.5 Md€Gain budgétaire net : 0Justification : instrument de défiscalisation et inefficacité économique L’outre-mer bénéficie d’un nombre invraisemblable de niches fiscales. Trente sont répertoriées à ce jour, mais l’inspection des finances poursuit le recensement. Les plus importantes sont les réductions d’impôt au titre de l’impôt sur le revenu à raison des investissements productifs, de la construction de bateaux et du logement, ainsi que la réduction au titre de l’impôt sur les sociétés des investissements productifs et des souscriptions au capital de sociétés qui réalisent de tels investissements. Au total, les niches fiscales de l’outre-mer coûtent près de 3,5 Md€. Ces niches sont les principaux instruments de défiscalisation utilisés par les contribuables les plus fortunés. Les vingt contribuables les plus « consommateurs » de niches fiscales bénéficient en moyenne à ce titre de 800.000 euros de défiscalisation : 97% de cette défiscalisation provient des niches fiscales outre-mer, d’où leur surnom de « niches VIP ». Par ailleurs, l’efficacité économique de ces dispositifs est douteuse. La plupart des projets éligibles ne sont pas soumis à agrément de la part de l’administration ; leur intérêt, voire leur réalité, ne sont pas soumis à contrôle. Une étude de l’inspection des finances est en cours, qui devrait confirmer cette analyse. Par ailleurs, une étude publiée dans « Economie et statistique » a révélé l’inefficacité des exonérations fiscales en faveur des zones de revitalisation rurale (coût : 200 millions d’euros). Elles n’ont eu d’impact significatif ni sur l’emploi ni sur la création d’établissements. Le développement économique des parties les plus fragiles de notre territoire, en particulier l’outre-mer, appelle un soutien plus attentif et plus efficace que celui que peuvent apporter ces dépenses fiscales. Nous proposons de supprimer ces niches fiscales et de réallouer les plus-values fiscales à la mise en œuvre d’investissements, notamment de mise à niveau des infrastructures, sous forme d’investissements publics ou de subventions à des investissements privés. De tels investissements créeraient, bien mieux que des niches largement détournées en produits financiers défiscalisés à des fins d’optimisation, les conditions d’une croissance endogène et durable.Exonération des heures supplémentaires AbrogationGain budgétaire brut : 1,2 Md€Gain budgétaire net : 1,2 Md€Justification : inefficacité économique La réforme des heures supplémentaires pouvait avoir sa logique en période de croissance : travailler plus pour gagner plus. Elle est criminelle en période de récession. Les entreprises ont déclaré au dernier trimestre 2009 167 millions d’heures supplémentaires, soit l’équivalent de 420.000 emplois à temps plein. La défiscalisation introduite par Nicolas Sarkozy entraîne un surplus de l’ordre de 40 millions d’heures supplémentaires. Elles ont été gagées sur l’effondrement des CDD et de l’intérim. La réforme Sarkozy des heures supplémentaires a fait perdre l’équivalent de 90.000 emplois à plein temps. Cette politique est d’autant plus absurde que son coût est prohibitif pour les finances publiques : 4 milliards d’euros au total, soit l’équivalent du financement public de 100.000 emplois supplémentaires. Elle risque d’ailleurs d’avoir autant d’effets pervers en sortie de crise. Face à une reprise de leur activité, les entreprises préfèreront utiliser au maximum les heures supplémentaires, non chargées et moins risquées (car réversibles), plutôt que des embauches même temporaires. La reprise de l’emploi en sera décalée d’autant.C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’exonération des heures supplémentaires au titre de l’impôt sur le revenu, telle qu’introduite par la loi TEPA de juillet 2007 : cette suppression permettrait de récupérer 1,2 Md€ pour le budget de l’Etat. Naturellement, il faut démanteler en parallèle l’exonération afférente au titre des cotisations sociales, encore plus coûteuse (3 Md€).Niches fiscales anti-écologiques [11] AbrogationGain budgétaire brut : 5 Md€Gain budgétaire net : 5 Md€Justification : inefficacité écologique Mettre en place une fiscalité écologique, ou « verdir » notre système fiscal, suppose de créer de nouvelles taxes visant à corriger les externalités négatives environnementales de certaines de nos activités humaines. Mais il faut aussi en parallèle revenir sur certaines dépenses fiscales qui constituent de véritables incitations à la pollution. Le principe « d’abord ne pas nuire » des médecins devrait s’appliquer aussi aux impôts. Or les niches fiscales anti-écologiques sont nombreuses. On estime à près de 5 Md€ par an les dépenses fiscales directement dommageables à l’environnement : exonération de TIPP pour les transports maritime et aérien, taux réduit pour le fioul domestique, exonération de TVA pour les billets internationaux de transport aérien, etc…En particulier, l’exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques dont bénéficie l’aviation (pour un coût de 3,5 Md€) est devenue une aberration. Ce secteur représente encore une part assez faible des émissions de gaz à effet de serre, mais elle est fortement croissante et rien ne peut expliquer cette différence de traitement. Les difficultés liées au droit international ne sauraient servir de prétexte à un renoncement. Il en va de même du taux réduit de TIPP appliqué au carburant diesel utilisé par les secteurs de l’agriculture et de la pêche. Si l’on souhaite apporter un soutien à ces derniers, il ne faut pas le faire en subventionnant la consommation de carburants, alors que l’on essaie par ailleurs de faire en sorte qu’elle diminue… Fiscalité dérogatoire des particuliers sur les revenus du capital et sur les plus-values RéductionGain budgétaire brut : 3 Md€Gain budgétaire net : 3 Md€Justification : équité sociale La fiscalité du capital est beaucoup plus avantageuse que celle du travail. Elle bénéficie d’un nombre impressionnant de dérogations. Il y a d’abord la défiscalisation de l’épargne populaire : livrets A, bleus, de développement durable, PEL, CEL etc… Il y a ensuite les avantages fiscaux dont bénéficient les revenus du capital mobilier : prélèvement libératoire de 18% [12] pour les placements à revenus fixes (obligations), prélèvement libératoire ou abattements spécifiques pour les dividendes. On évalue à 70% le volume d’épargne défiscalisée, contre 15% soumis à prélèvement libératoire et 15% à peine soumis au barème [13] . Quant aux plus-values de cession, elles bénéficient enfin d’une série de dérogations : taux d’imposition minoré ; défiscalisation totale ou partielle lorsque le capital a été placé dans des véhicules fiscaux spécifiques (PEA…).Ces distorsions fiscales sont inéquitables. Elles privilégient la rente contre le travail. Elles avantagent les contribuables les plus aisés et constituent un mécanisme puissant de production des inégalités. Les revenus du capital représentent en effet à peine 3 % en moyenne des revenus totaux de 90 % des Français mais 9 % de ceux du dernier décile et même 23 % de ceux du dernier centile [14] . On connaît leurs causes : les risques de fuite de la matière fiscale. Le capital est beaucoup plus mobile que le travail. La libéralisation des marchés de capitaux en Europe a entraîné une forte concurrence fiscale entre les Etats membres. La directive épargne limite toutefois désormais les risques d’évasion fiscale : les contribuables résidents en France sont taxés en France pour leurs revenus du patrimoine, quel que soit le lieu des placements ; et les pays européens se sont engagés à un échange d’information généralisé pour permettre leur localisation. Le risque se limite désormais à un départ du contribuable hors de France. C’est l’argument avancé également pour l’ISF. Le risque est certes réel mais son coût est, à ce stade, globalement limité. C’est ce qui explique que le législateur ait pu se permettre d’augmenter à nouveau légèrement la fiscalité du capital.Nous proposons de poursuivre ce mouvement de renforcement de la fiscalité du capital et de convergence vers la fiscalité du travail. Une mesure simple consiste àcontinuer d’augmenter les prélèvements libératoires forfaitaires, nouveau pas en vue d’un alignement à terme des revenus financiers sur ceux du travail. L’écart demeure encore très important, de l’ordre de vingt points [15] . Nous proposons de le réduire de cinq points, en passant le prélèvement forfaitaire libératoire de 18% à 23%. L’imposition forfaitaire, aujourd’hui au taux de 18 %, des gains de cession de valeurs mobilières (pour un coût de 2,9 Md€ en 2008) devrait suivre le même mouvement. Cette dérogation bénéficie à 360 000 ménages seulement. Il en va de même de l’exonération lorsque les gains ne dépassent pas un certain montant, ce qui donne lieu à toutes sortes de montages financiers destinés à éviter l’impôt (comme la « purgation » annuelle des plus-values réalisée en vendant ses titres en fin d’année dans la limite du plafond). Les dépenses fiscales au bénéfice de certaines formes banalisées d’épargne (l’assurance-vie et les PEA) sont couteuses [16] mais il est sans doute délicat d’y toucher : ces dispositifs bénéficient à une majorité de Français et sont utilisés comme support pour une épargne très longue. L’abattement au titre de l’IR des plus-values sur les biens immobiliers (hors résidences principales, exonérées) au-delà de la cinquième année de détention, aboutissant à une exonération au terme de 15 ans, n’a pas de justification particulière : pourquoi détaxer des gains nés d’une évolution spéculative du marché immobilier (pour un coût de 300 millions d’euros en 2010) ? Le patrimoine immobilier n’étant pas délocalisable, l’argument de la concurrence fiscale européen ne joue pas.Au total, nous proposons de raboter la fiscalité dérogatoire sur le capital pour un total de l’ordre de 3 milliards d’euros (sur un total de l’ordre de 20 à 30 milliards d’euros).Emploi d’un salarié à domicile RéductionGain budgétaire brut : 1,5 Md€Gain budgétaire net : 1,5 Md€Justification : équité sociale et inefficacité économique La réduction d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile par les particuliers est une niche onéreuse : son coût s’élève à 3 Md€ en 2010. Elle couvre tous les emplois à domicile : ménage, garde d’enfant, soins à domicile pour les personnes âgées ou les malades. L’avantage fiscal est très important : 50% des sommes versées (salaires et charges sociales), dans la limite de 12.000 euros – soit une réduction d’impôt qui peut atteindre 6.000 euros par foyer fiscal [17] . Ce dispositif présente de vrais avantages. Il a fortement réduit le travail au noir et donné une couverture sociale à de nombreux employés à domicile. Il facilite la vie de nombreux ménages face à certains besoins clé (garde d’enfant, soins à domicile). Mais le dispositif présente aussi de sérieuses limites. Son injustice sociale est particulièrement criante. C’est une mesure qui bénéficie principalement à un nombre limité de ménages très aisés. Une étude de la Direction du Trésor de décembre 2008 et un article publié dans « Economie et statistique » de 2009 ont montré que, si les plus grands consommateurs de services à domicile étaient les personnes âgées et les couples bi-actifs, le niveau de revenu des ménages n’en représentait pas moins le facteur explicatif le plus important du recours à ces services. Indépendamment de l’âge et de la situation familiale, les derniers centiles concentrent la quasi-totalité du bénéfice de cette aide fiscale. Ainsi, le bénéfice de la mesure reste pratiquement nul jusqu’au dernier décile, pour croître ensuite faiblement puis très fortement ; les ménages du dernier centile de la distribution des revenus touchent vingt fois l’équivalent de la dépense fiscale moyenne par ménage [18] . Dès lors, la mesure revient pour l’essentiel à « subventionner les riches pour embaucher des pauvres » – philosophie malgré tout assez troublante.Par ailleurs, le dispositif est peu efficace économiquement. En effet, l’élasticité-prix de la demande de services à domicile est faible : on n’en consomme pas plus parce que cela devient moins cher mais quand on devient plus riche ou qu’on est confronté à un vrai besoin. La mesure crée ainsi des effets d’aubaine importants pour les foyers les plus aisés. C’est pourquoi nous proposons de recentrer le dispositif. Il serait maintenu en l’état pour les soins à domicile. Il serait encadré pour le travail de ménage, à travers une double mesure :Abaisser de 50% à 33% l’avantage fiscal pour le travail de ménage. L’avantage fiscal actuel permet de rembourser au particulier employeur non seulement les charges sociales mais aussi une partie du salaire du salarié à domicile. L’Etat ne se contente pas de décourager le travail au noir, il encourage ce type de travail. C’est logique pour les soins à domicile, qui constituent en effet une priorité politique. Ca ne l’est pas pour le travail de ménage, sachant que coût budgétaire par emploi est très élevé et qu’il s’agit d’emplois faiblement qualifiés qu’il n’a pas vocation à aider si la priorité politique est le passage à l’économie de la connaissance. En le ramenant à 33% des sommes versées, l’avantage fiscal se limiterait à la couverture des charges sociales : le coût du travail déclaré serait le même que le coût du travail au noir, il n’y aurait donc aucune raison d’embaucher au noir.Mettre le dispositif sous condition de revenu pour le travail de ménage. L’Etat n’a pas à subventionner les foyers les plus riches pour l’embauche de leur personnel de maison. Plutôt qu’une diminution du plafond de revenu pris en compte, qui limite mais n’élimine pas les effets d’aubaine, on devrait sans doute envisager une pure et simple mise sous condition de revenu du dispositif, pour en écarter du bénéfice tout ou partie des foyers du dernier centile. Principales niches fiscales maintenues Niches vertesLe gouvernement a décidé de faire porter son effort de réduction des niches sur les dispositifs écologiques. Les aides aux installations par les particuliers de panneaux photovoltaiques, chauffage solaire, pompes à chaleur ou double vitrage (isolation thermique) seront fortement diminuées.Une telle diminution est incompatible avec une priorité politique donnée à l’environnement.Certes, le coût des dépenses fiscales en faveur de l’amélioration énergétique des logements a dépassé 2 Md€ d’euros. Il est possible qu’elles se soient traduites par des hausses de prix de la part des fournisseurs et des prestataires de service de ce secteur. Mais fondamentalement, si leur coût budgétaire augmente, c’est avant tout parce qu’elles sont efficaces. Il est sans doute aussi exact qu’il s’agit là d’investissements parfois rentables ; les économies réalisées sur les factures de consommation énergétique permettent de financer l’achat initial d’un matériel plus cher mais plus performant. L’Etat pourrait également imposer réglementairement des normes de qualité garantissant l’efficacité énergétique des équipements, et pas simplement inciter fiscalement à leur développement. Niches relatives à l’amélioration du logementLe logement en France est encore trop souvent vétuste. L’amélioration de la qualité du logement doit demeurer une priorité politique. C’est pour cette raison qu’il faut maintenir la déductibilité, pour les propriétaires bailleurs, des dépenses de grosses réparations et d’amélioration, en dépit de son coût (800 millions d’euros). De même, le taux réduit de TVA sur les travaux d’amélioration du logement doit être maintenu. Au-delà, cette niche a permis de sortir du « noir » une économie toute entière. Et elle apporte un soutien non négligeable à un secteur économique riche en emplois. C’est pourquoi, en dépit d’un coût très élevé (5.25 Md€ en 2010), elle doit être maintenue.Crédit d’impôt rechercheLe dispositif, rendu très attractif en 2007, connaît depuis cette date une forte montée en puissance financière. Il coûte aujourd’hui plus de 4 Md€ au budget de l’Etat. Certains s’alarment de cette montée en charge et souhaitent le ré-encadrer à la baisse. Ce serait une mauvaise décision.Certes, on peut toujours pointer des effets d’aubaine ou des abus dans l’utilisation du dispositif. Mais là aussi, fondamentalement, le dispositif monte avant tout en charge parce qu’il remplit son objectif de relance de la recherche privée, qui est un point faible récurrent de l’économie de l’innovation en France. Les chiffres s’en ressentent positivement : depuis 2007, les investissements de R&D, qui stagnaient depuis une décennie autour de 1.9% du PIB, connaissent une augmentation significative pour atteindre aujourd’hui 2.2% du PIB. Cet accroissement correspond à une hausse de la recherche privée, nourrie par le crédit d’impot-recherche (CIR).Par ailleurs, les entreprises ont besoin d’horizons réglementaires stables pour leurs investissements. Le CIR tend à être modifié chaque année. A l’instar du dernier rapport de l’inspection des finances, nous proposons de stabiliser les règles du CIR sur une période quinquennale et de le soumettre à une évaluation à l’issue de cette période.

  1. L’administration faisant valoir, à la place d’une compensation mesure par mesure, un équilibre « à terme » entre baisses et hausses, compte tenu de la diminution prévue du coût de certaines dépenses fiscales (et prévue parfois au-delà de la période la programmation budgétaire). Ceci autorise, en pratique, toutes les facilités et vide de sa substance cette règle de gage.

  2. L’exemple le plus symbolique est la détaxation au titre de l’IS des plus-values à long terme sur la cession de titres de participation (amendement « Copé »), qui a représenté un manque à gagner de 12,5 Md€ en 2008, au lieu des 4,3 prévus. Cette disposition a fort opportunément été retirée de la liste des dépenses fiscales dans le PLF pour 2009.

  3. Initialement 25.000 euros et 10% du revenu

  4. En y incluant l’allègement spécifique de charges sociales octroyé à titre temporaire à ce secteur, dans l’attente de la baisse de la TVA (en négociation au sein de l’Union européenne), et supprimé à l’occasion de la mise en œuvre de cette dernière.

  5. Seuil de pauvreté à 50% du revenu médian

  6. Source : 7 ème rapport du Conseil d’orientation des retraites, janvier 2010

  7. Le niveau de vie global prend en compte, outre les traitements et salaires : les revenus du patrimoine immobilier et financier, les enfants à charge et la possession de son logement (loyer implicite)

  8. Source : rapport sur la Sécurité sociale (Cour des comptes, 2007)

  9. Seuil de pauvreté à 50% du revenu médian. Le taux de pauvreté grimpe à 18% si l’on prend comme seuil 60% du revenu médian.

  10. En effet, plus l’écart salarial entre les deux membres du couple est important, plus le quotient conjugal limite l’imposition. Le cas « idéal » est celui où il n’y a qu’un seul revenu dans le couple : au lieu d’être soumis à plein à l’impôt sur le revenu (ce qui serait le cas dans l’hypothèse de déclarations individuelles séparées), il est divisé par deux avant d’être soumis au barème de l’impôt, au titre du quotient conjugal.

  11. Guillaume Sainteny, Après la taxe carbone, quel avenir pour l’écofiscalité , Le Figaro, le 26 mars 2010.

  12. Hors prélèvements sociaux

  13. Source : 17 ème rapport du Conseil des Impôts

  14. Cf. travaux de Camille Landais.

  15. La fiscalité des revenus financiers s’établit à 30.1% (18% de prélèvement libératoire + 12.1% de prélèvements sociaux), contre 48% pour les revenus du travail (40% de taux marginal d’imposition à l’impôt sur le revenu + 8% de CSG-CRDS)

  16. Dépense fiscale au titre des intérêts et primes versés dans le cadre de l’épargne-logement : 500 M€ en 2010, des dividendes capitalisés sur un plan d’épargne en actions : 1 M€, des plus-values afférentes à un tel plan (3 M€), des produits attachés à l’assurance-vie (3 Md€).

  17. Cet avantage fiscal est porté jusqu’à 7.500 euros la première année d’utilisation du chèque emploi service universel, voire 10.000 euros sous certaines conditions (invalidité).

  18. Le relèvement massif du plafond par les gouvernements conservateurs a aggravé ces inégalités. Pour corriger ces effets, le législateur a introduit l’option du crédit d’impôt : ainsi, si l’impôt à payer n’est pas suffisant pour « éponger » la réduction d’impôt, il est possible de bénéficier d’un crédit d’impôt donnant droit à un chèque de remboursement du Trésor. Mais ce crédit d’impôt est limité aux couples bi-actifs, alors que la réduction d’impôt vaut pour tous les foyers. En d’autres termes : les femmes de smicards doivent travailler pour bénéficier d’une aide de ménage à domicile alors que les femmes au foyer des hommes d’affaires ont droit à une aide de l’Etat…

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