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Rapport

Retraites : quelles solutions progressistes ?

Le rapport rendu par le COR a donné le coup d’envoi du débat sur les retraites. Il s’avère passionné. Terra Nova publie aujourd’hui le rapport final de son groupe de travail sur le sujet, et met sur la table l’ensemble de ses propositions. Des propositions globales qui portent à la fois sur le financement des retraites (réforme paramétrique) et sur l’architecture du système (réforme systémique). Pour sauver les retraites, notre rapport s’appuie sur trois principes : la justice sociale (incluant l’équité intra comme intergénérationnelle), la crédibilité, et la transparence. Les propositions que nous versons au débat faciliteront, nous l’espérons, l’émergence du consensus nécessaire à la réforme.
Publié le 

Ce rapport est le fruit d’un long travail d’élaboration, engagé à l’automne 2009. Il a bénéficié de nombreuses auditions individuelles. Il s’est aussi nourri des débats que les auteurs ont pu mener avec un groupe de personnalités qui ont accepté de se réunir régulièrement pour échanger réflexions et expertise. Ce groupe comprenait notamment : Valérie Aveline (DRH dans un grand groupe), Yves Canevet (secrétaire confédéral de la CFDT), Delphine Irac (chargée de cours à l’Ecole d’économie de Paris), Jean-Louis Malys (secrétaire national CFDT, en charge des retraites), Jacques Pelletan (maître de conférences à l’Université Paris 8), ainsi qu’une dizaine d’experts, soumis au devoir de réserve. Le contenu de ce rapport ne les engage évidemment en rien ; il reste sous la responsabilité scientifique et politique exclusive des auteurs.

Une nouvelle fois, nos régimes de retraite plongent dans le rouge, ils seront massivement déficitaires en 2010. Et une nouvelle fois, la France se penche sur leur réforme.

Les enjeux sont parfaitement documentés. Ils ont été exposés dès 1990, avec la parution du « livre blanc sur les retraites » de Michel Rocard. De nombreux rapports, puis la création du Conseil d’orientation des retraites (COR) en 2001, ont depuis affiné le diagnostic. Les réformes précédentes (« Balladur » en 1993, la création du Fonds de réserve pour les retraites en 1999, « Fillon » en 2003) ont été insuffisantes.

Sur quels principes directeurs fonder des solutions progressistes pour « sauver les retraites » ?

La justice sociale, tout d’abord. Elle implique l’équité intergénérationnelle (entre actifs et retraités) et intragénérationnelle (entre les retraités).

La crédibilité, ensuite. Il n’est pas raisonnable de prétendre que la réforme se fera sans effort, que la croissance pourra résoudre tous les problèmes, ou qu’il suffirait de taxer les stock-options. Il y a des efforts à faire pour assurer le bouclage financier de nos retraites et, à cet égard, il n’y a pas de « bonnes » solutions. Il n’y en a que des mauvaises : soit en redistribuant moins aux retraités (baisse des pensions), soit en prélevant plus sur les actifs (qui devront cotiser plus ou plus longtemps).

La transparence, enfin. Il faut dire la vérité aux Français, sur les efforts à faire, mais aussi sur la capacité à pérenniser, définitivement, nos retraites. Eviter les paroles lénifiantes comme les postures anxiogènes.

Sur ces fondements, le rapport propose une réforme que l’on peut résumer en huit points.

1. Le besoin de financement du système de retraite, important mais gérable, ne doit pas masquer les défaillances de son architecture : le rapport propose une réforme globale, « paramétrique » mais aussi « systémique ».

Les enjeux financiers sont sérieux. Le 8ème rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), publié en avril, vient d’en donner la version actualisée, prenant en compte les conséquences de la crise économique : un besoin de financement de l’ordre de 2 points de PIB en 2050, avec une forte dégradation à court terme, de l’ordre de 1 point de PIB dès 2010.

Il va donc falloir faire des efforts. Deux points de PIB, c’est l’équivalent d’un « grand emprunt » tous les ans. Et ce ne sera pas facile : ce besoin de financement vient en concurrence d’autres besoins sociaux auxquels il faudra également s’efforcer de répondre dans les années à venir : déficit du système de santé, de l’assurance chômage, couverture du risque dépendance, financement de l’enseignement supérieur, de la petite enfance, de la sécurité sociale professionnelle… Et ce alors que les marges de manœuvre des finances publiques sont non pas seulement inexistantes, mais négatives, du fait de la nécessité de réduire le déficit structurel.

Toutefois, il serait tout aussi déraisonnable de dramatiser les enjeux que de les nier. La comparaison du déficit des retraites avec le déficit budgétaire est éclairante : on ne parle pour le premier « que » de 2 points de PIB à horizon 40 ans, contre 8 points de PIB immédiatement pour le second. S’il fallait dramatiser une question, ce serait la dette de l’Etat et non les retraites. D’ailleurs, les abaques du COR montrent que si l’on faisait peser l’intégralité de l’effort d’ajustement sur un seul paramètre, la dégradation du paramètre serait importante mais pas « dramatique ». Ainsi, il faudrait augmenter de 3.8 points les cotisations pour assurer l’équilibre financier à long terme du système.

Le vrai enjeu financier nouveau, c’est l’accélération de la dégradation financière. Le besoin de financement, structurel (démographique), devait monter en puissance progressivement. La crise économique sans précédent que nous vivons précipite cette dégradation dans l’immédiat : il faut trouver 1 point de PIB, soit 20 Md€, dès 2010.

Surtout, la focalisation exclusive sur les questions « paramétriques » fait l’impasse sur tous les autres enjeux, « systémiques », relatifs aux retraites. Ces enjeux sont ignorés alors qu’ils sont majeurs (cf. point 6).

2. Sur la réforme « paramétrique », il y a un angle mort de la réflexion : l’objectif de solidarité intergénérationnelle que se fixe le système. Le rapport propose un objectif de parité de niveau de vie entre retraités et actifs.

Quel est le niveau de vie que la collectivité veut garantir aux retraités ? Historiquement, le système français les a sortis de la pauvreté, puis leur a fourni un revenu de remplacement pour aujourd’hui, implicitement, viser la parité de niveau de vie. Le rapport propose de fixer explicitement cet objectif de parité et de le garantir pour aujourd’hui et pour demain. C’est un objectif de haut niveau, légitime : la retraite est désormais un temps de la vie à part entière, la parité garantit aux retraités qu’ils pourront profiter de ce temps dans les mêmes conditions que lorsqu’ils étaient actifs.

Sur la base de cet objectif de parité, on peut décliner les grandes décisions paramétriques à prendre.

A court terme, tout d’abord, nous nous situons dans une situation historique exceptionnelle : le niveau de vie moyen des retraités d’aujourd’hui est légèrement supérieur à celui des actifs (106%). Le système français, en quelque sorte, « surperforme ». La logique est donc de faire contribuer les retraités aisés d’aujourd’hui, au même titre que les actifs, au bouclage financier du système. C’est une idée iconoclaste car nos représentations collectives sont ancrées dans le monde d’hier, où les pauvres dans notre société, c’était les retraités. Ce n’est plus le cas : les pauvres aujourd’hui, ce sont les jeunes actifs, avec un taux de pauvreté à 12% contre moins de 4% pour les retraités. La logique est également de ne pas mettre à contribution les salaires : le niveau des cotisations en France est déjà élevé (un taux apparent de 28.8% contre par exemple 16% en Suède) ; et une hausse des cotisations aboutirait à une baisse relative supplémentaire du niveau de vie des salariés. Les recettes complémentaires devront être trouvées ailleurs que sur les salaires, notamment dans la taxation du patrimoine : elle met à contribution toutes les générations (et pas les seuls actifs) et en appelle à la solidarité des Français les plus aisés.

A long terme, en revanche, les pensions relatives vont régresser. Si rien n’est fait, le niveau de vie relatif des retraités va descendre à 78% en 2050. Ce serait la « double peine » pour les actifs d’aujourd’hui : des efforts importants pour maintenir les retraites d’aujourd’hui à un niveau élevé, et leur propre retraite amputée demain. L’objectif de parité commande que les efforts supplémentaires de réforme ne pèsent pas sur le paramètre « niveau de pension » : ce sera aux actifs de demain de les porter. Il nécessite aussi des mesures de soutien pour les retraites à venir des classes moyennes et populaires.

3. Concrètement, pour répondre au besoin de financement à court terme, le rapport propose :

-   L’alignement de la fiscalité des retraités aisés sur les actifs. Les retraités bénéficient d’une fiscalité dérogatoire : ils acquittent un taux réduit de CSG (6.6%, voire 3.8% ou même 0, contre 7.5% pour les actifs), bénéficient d’un abattement pour frais professionnels à l’impôt sur le revenu, ainsi que de diverses exonérations fiscales. Ces dérogations étaient légitimes dans le monde d’hier, où les retraités étaient pauvres. Elles ne le sont plus aujourd’hui, puisque les retraités sont en moyenne aussi « riches », voire même un peu plus, que les actifs. Est-il normal qu’Antoine Zacharias, titulaire d’une retraite-chapeau de 2.5 millions d’euros par an, acquitte une CSG au taux de 6.6%, inférieure à un travailleur au smic qui doit supporter un taux de 7.5% ? Est-il normal qu’un foyer de retraités à 4.000 euros par mois ait droit à un abattement professionnel à l’impôt sur le revenu alors que le travailleur au smic, qui lui expose des frais professionnels pour aller travailler, n’en bénéficiera pas? Bien évidemment, il reste des retraités pauvres et il n’est pas question de toucher au pouvoir d’achat des petites retraites. Un alignement fiscal des seuls retraités aisés sur les actifs rapporterait plus de 5 Md€ par an.

-   La taxation des niches sociales. Ces niches poursuivent des objectifs sociaux et économiques mais elles ont un coût prohibitif : elles font perdre 60 Md€ par an de recettes à la sécurité sociale. Le rapport propose de taxer les niches les moins légitimes, notamment celles qui fournissent des compléments de revenus à aux hauts salariés (stock options, actions gratuites, intéressement, participation, indemnités de départ), à certains métiers (mannequins, commis de bourse…) ou encore les heures supplémentaires. Ces mesures permettraient de dégager 6.6 Md€ par an.

 -   La taxation des revenus du capital (majoration de la CSG « patrimoine »). Le maintien d’un financement quasi-exclusif des retraites par des cotisations assises sur les salaires ne se justifie plus. Une part significative du pouvoir d’achat des ménages provient de revenus non salariaux d’origine patrimoniale (revenus fonciers et financiers) : il n’est pas illogique de les mettre à contribution, en considérant la retraite comme un « revenu global différé » et non plus comme un « salaire différé ». Une fiscalisation (partielle) des recettes permettrait d’accroître la redistributivité du système. Le rapport propose une hausse de la CSG « patrimoine » de 8.2% à 10%, ce qui rapporterait 2.5 Md€ par an.

 Ces solutions permettent de rapporter immédiatement 14.4 Md€, soit les trois-quarts du besoin de financement à court terme du système.

4. Et pour répondre au besoin de financement à long terme, le rapport propose :

-   Une augmentation progressive de la durée de cotisation à partir de 2020. Mettre en œuvre des mesures d’âge sur le court terme ne serait ni efficace ni équitable. En revanche, à long terme, elles sont inévitables. La dégradation du système a une origine pour l’essentiel démographique. L’espérance de vie a fortement augmenté depuis un demi-siècle, passant de 65 à 81 ans ; or l’âge effectif de la retraite n’a pas bougé, proche de 60 ans. L’allongement de 16 ans de la durée d’espérance de vie a été recyclé intégralement en années de retraite. Il n’est pas possible de continuer plus avant, en ayant de moins en moins d’actifs finançant de plus en plus de retraités. Si l’on vit en bonne santé jusqu’à 100 ans, on voit bien qu’il ne serait pas raisonnable de continuer à partir à la retraite autour de 60 ans. A problème démographique, il faut une solution démographique. La loi Fillon prévoit déjà une augmentation de la durée de cotisation de 40.5 annuités en 2010 à 41.5 annuités en 2020. Le rapport propose de poursuivre le mouvement au-delà de 2020, jusqu’à 42.5 annuités en 2050, en répartissant les gains d’espérance de vie entre 25% pour les études, 50% pour la vie active et 25% pour la retraite. Une telle mesure viserait à amener l’âge moyen effectif de départ en retraite autour de 65 ans.

 -   La réforme indissociable du marché du travail : pénibilité, séniors et « déconcentration » du travail. Les mesures d’âge à marché du travail inchangé sont inefficaces : elles n’entraînent que faiblement le recul de l’âge effectif de départ. Et elles sont dangereuses : elles augmenteraient le chômage et la précarité et, en rendant plus difficiles les carrières pleines, feraient baisser le niveau des pensions. C’est pourquoi le préalable est une réforme profonde du marché du travail. Une réforme de l’emploi des séniors bien sur : on sait que le taux d’emploi des 55–64 ans est anormalement bas en France (38%), et qu’il y a trois ans d’écart entre l’âge moyen de cessation d’activité (58.5 ans) et l’âge de liquidation de la retraite (61.6 ans), trois ans à « galérer » dans des dispositifs publics d’attente (chômage, maladie longue durée, allocations pour handicapés, préretraites…). Mais aussi une réforme de l’emploi des jeunes et des femmes, anormalement bas en France également. Au total, c’est à une « déconcentration » du travail, sur-concentré sur un cœur productif trop étroit et trop « pressuré », qu’il faut s’atteler. Le rapport propose une série de mesures volontaristes pour l’emploi des séniors, la lutte contre la pénibilité, mais insiste également sur la conciliation vie professionnelle et vie familiale, la formation tout au long de la vie, la sécurité sociale professionnelle, une politique volontariste pour l’emploi des jeunes, une refonte de la politique contre les accidents du travail. Pour une bonne part, l’avenir des retraites se joue à l’extérieur du système de retraite : sur le marché du travail.

5. Le recul de l’âge légal doit en revanche être écarté.

Le recul de l’âge légal de départ à la retraite aurait une efficacité financière immédiate. Les 63% des Français qui liquident leur retraite à 60 ans seraient directement concernés. Un recul de deux ans permettrait de ne pas verser 1.5 année de retraites nouvelles, soit un gain immédiat de près de 7 Md€ par an.

 Une telle réforme est inacceptable, pour trois raisons principales :

 -   Elle ne règlerait pas le problème financier, elle se contenterait de le transférer au sein des finances publiques. Même une politique très volontariste pour l’emploi des séniors ne produira ses effets que progressivement, le taux d’emploi des séniors ne saurait progresser que lentement. Dès lors, une hausse rapide de l’âge légal aura comme seule conséquence de transformer un « jeune » retraité en « vieux » chômeur. Et ainsi de transférer le mistigri du déficit des caisses de retraites aux caisses de l’Unedic, sans régler le problème.

 -   Le recul de l’âge légal est une mesure injuste pour les salariés à carrière longue. Les salariés entrés de manière précoce sur le marché du travail, c’est-à-dire les salariés pas ou peu qualifiés, et donc les plus modestes, atteignent 60 ans avec une durée de cotisation supérieure à la durée légale pour le taux plein. La réforme « Fillon » de 2003 a certes permis les départs anticipés pour carrière longue mais elle ne traite pas tous les cas. Ces cas de figure se multiplieraient en cas de recul de l’âge légal.

 -   Dernière raison : une telle réforme irait à l’encontre du choix individualisé de l’âge de la retraite. Cette individualisation est une demande croissante des Français.

 A long terme, l’âge légal à 60 ans est toutefois une référence qui est appelée à s’effacer. Il va concerner de moins en moins d’assurés. Avec la conjonction de l’entrée plus tardive sur le marché du travail (21 ans aujourd’hui) et de l’allongement de la durée de cotisation (41 annuités à partir de 2012), l’âge moyen du taux plein est déjà de 62 ans – et ces deux paramètres vont s’élever. Pour la génération née en 1970, 93% des assurés ne pourront pas liquider leur retraite à taux plein à 60 ans. Pour ceux qu’il impacte encore, l’âge légal à 60 ans est plus une gêne qu’un bénéfice : il s’agit des carrières longues, obligées de continuer jusqu’à 60 ans alors qu’ils ont déjà cotisé toutes les annuités pour le taux plein. Le rapport propose de généraliser le dispositif « carrières longues » de la loi Fillon : tout assuré qui a atteint la durée légale de cotisation à taux plein peut liquider sa retraite, même avant 60 ans. Cette réforme achèverait de vider de son sens l’âge légal à 60 ans : soit (cas le plus général) l’assuré n’a pas les annuités nécessaires pour le taux plein et il continue au-delà de 60 ans ; soit (cas des carrières longues) il les a obtenues avant et il peut liquider sa retraite sans attendre les 60 ans.

6. Au-delà des efforts paramétriques, le rapport insiste sur la réforme de l’architecture du système de retraite. Il propose une grande réforme « systémique ».

Notre système présente trois séries des défaillances, qu’il est urgent de traiter :

-   L’illisibilité. En Suède, tous les ans dès 28 ans, une « enveloppe orange » est envoyée à chaque assuré et lui fournit les informations sur ses droits individuels accumulés. Pourquoi n’y arriverait-on pas en France ?

-   Les inégalités intra-générationnelles. Le système français empile les inégalités entre retraités : horizontales (38 régimes obligatoires différents), sociales (écarts très importants entre petites et grandes retraites, entre hommes et femmes), sanitaires (écart d’espérance de vie à la naissance de 7 ans entre un ouvrier et un cadre), techniques (difficultés des polypensionnés, pénalisation des carrières plates au smic et des carrières longues, pénalisation des métiers pénibles à espérance de vie plus faible…). Elles vont selon toute vraisemblance augmenter avec l’arrivée à la retraite de générations aux carrières heurtées et hachées, qui se sont déroulées dans les « trente piteuses » (1980–2010 : chômage de masse, précarité).

-   L’absence de prise en compte des demandes sociales contemporaines. Le système français, construit sous l’ère industrielle, est standardisé : les mêmes paramètres pour tous. Il répond mal aux demandes actuelles d’individualisation des choix de retraite. La retraite à la carte, c’est possible techniquement, d’autres pays l’ont choisie : pourquoi pas la France ? Pourquoi imposer un arbitrage unique entre durée de cotisation, intensité des cotisations et niveau de pension, alors que le système pourrait laisser ce choix aux assurés, en fonction de leurs souhaits personnels ?

7. Pour répondre à ces défaillances « systémiques », le rapport propose six solutions nouvelles :

-   Vers un régime unique en compte personnel. L’idée est de constituer, au sein du système par répartition et de ses garanties collectives, des comptes personnels comptabilisant les droits individuels accumulés. Des comptes personnels en euros (comptes « notionnels »), sur le modèle de la réforme suédoise, plutôt que des comptes par points (modèle AGIRC/ARRCO), sont à privilégier car ils garantissent les droits acquis. De tels comptes en euros offrent la plus grande transparence et le droit  à l’information : ils peuvent fournir à tout instant le montant des droits accumulés, par exemple le montant en euros de pension mensuelle déjà acquis. Ils suppriment les inégalités techniques produites par notre système actuel en annuité : portabilité intégrale des droits des polypensionnés, prise en compte de toutes les années à la même valeur (pas de pénalisation des carrières plates). C’est aussi le système idéal pour laisser jouer les choix individuels. Ce serait également le plus adapté pour basculer vers un régime unifié : les droits accumulés dans chacun des 38 régimes existants étant convertis dans une même « langue » universelle, il serait techniquement aisé de fusionner les régimes. Le « big bang » du régime unifié permettrait de supprimer les inégalités horizontales entre assurés. Il présenterait toutefois de grandes difficultés politiques, son rapport coût/avantage est élevé et il n’est pas nécessaire pour le reste de la réforme.

 -   Plus de redistributivité dans notre système assurantiel. Les inégalités entre les retraités sont très importantes et vont encore se creuser. Il ne revient pas au système de retraite de résoudre les inégalités produites sur le marché du travail. Il n’est en revanche pas obligé de les reproduire à l’identique. Or c’est le cas aujourd’hui : du fait de sa nature pour l’essentiel assurantielle, le système commue des hauts revenus en hautes pensions. Les régimes obligatoires du privé (base + AGIRC) fournissent des hautes pensions allant jusqu’à 20.000 euros par mois. Sans compter les régimes sur-complémentaires d’entreprise ou de branche : tous les cadres supérieurs des groupes du CAC 40, tous ceux travaillant dans la banque ou l’assurance, par exemple, sont couverts. Il n’est pas abusif d’affirmer que le système français fournit des prestations « luxueuses » pour les plus hauts revenus. A l’inverse, la situation des petites retraites demeurent préoccupante. Il y a encore 450.000 personnes au minimum vieillesse (708 euros par mois), même si l’urgence aujourd’hui pour les minimas sociaux est d’augmenter le minimum des actifs (RSA), scandaleusement bas. Par ailleurs, le minimum contributif, dont l’objectif est de garantir une retraite décente à ceux qui ont travaillé toute leur vie avec un salaire modeste, est trop bas : il représente moins de 85% du dernier salaire pour une carrière au smic. Le rapport propose d’introduire une dose supplémentaire de redistributivité, afin d’accroître la solidarité entre retraités. Avec une hausse des recettes non contributives prélevées sur les hauts revenus : prélèvements sur les revenus du capital, création d’une fraction de cotisations sur les plus hauts salaires n’ouvrant pas de droits propres, voire un plafonnement des très hautes pensions. Ces recettes seraient mobilisées, via le FSV, pour abonder les petites retraites. Notamment le minimum contributif, afin de garantir le principe de parité de niveau de vie : « à salaire au smic, retraite au smic ».

 -   Un « FRR seconde génération ». Le FRR, créé par Lionel Jospin, a été dévitalisé par les gouvernements de droite. C’est une erreur : il a un rôle de lissage de l’effort financier entre les générations. Il faut maintenir ce rôle d’équité. Au-delà, le FRR aura pour rôle de lisser les désajustements temporels entre recettes et pensions, inévitables dans un système « à la carte ». Le rapport propose aussi que le FRR devienne un instrument de gestion collective de l’épargne-retraite, à côté des instruments individuels (PERP) et en entreprise (PERCO). Pour éviter les tentations gouvernementales à siphonner ses réserves, la gestion du Fonds pourrait être confiée aux partenaires sociaux.

-   Plus d’égalité sur le marché du travail. Les inégalités entre retraités reproduisent pour l’essentiel les inégalités du marché du travail, c’est donc là qu’il faut agir prioritairement. C’est particulièrement vrai pour les inégalités d’espérance de vie : l’objectif est d’éradiquer les activités pénibles. C’est également vrai pour les inégalités hommes/femmes : le rapport propose une reconversion partielle des avantages familiaux pour la retraite (censés jouer un rôle de réparation pour les carrières féminines hachées) vers le financement de la conciliation vie professionnelle/vie familiale (rôle de prévention visant à permettre des carrières continues aux femmes).

 -   L’avènement de la retraite à la carte. Il s’agit du cœur de la réforme, une réforme de société : demain, les choix de la retraite ne seront plus faits par l’Etat mais par les citoyens. Certains préfèrent partir plus tôt, quitte à avoir une retraite moins importante. D’autres préfèrent travailler plus longtemps, parce qu’ils aiment leur travail, que leur conjoint plus jeune continue à travailler, qu’ils ont encore des enfants à charge dans le cadre d’une famille recomposée, ou tout simplement qu’ils veulent une retraite plus importante. D’autres encore veulent cotiser plus fortement, pour accumuler plus de droits. Ces choix individuels sont difficiles, voire impossibles, dans le système actuel. Ils seront au cœur de la retraite « à la carte ». Ils sont rendus techniquement possibles par le système de compte personnel. Ils sont actuariellement neutres : ils peuvent se déployer sans impacter financièrement le système collectif de retraite. La liberté de choix ne peut toutefois pas être intégrale. Le rapport propose de transformer l’âge légal, devenu obsolète dans ce système, en âge minimum de liquidation à 60 ans (la Suède le fixe à 61 ans), et de fixer également un âge maximum, autour de 70 ans, pour permettre le renouvellement équilibré des générations.

 -   La gestion personnalisée des temps de la vie : vers une « banque du temps ». L’organisation des temps de la vie est figée sur un modèle qui fait se succéder 20 ans d’études-40 ans de travail-20 ans de retraite de manière standardisée. La retraite à la carte permet de rendre la transition plus souple, plus individualisée. Mais il est possible d’aller un cran plus loin et de « despécialiser » les temps de vie. Le temps de loisir est aujourd’hui concentré aux deux-tiers sur la retraite. Le citoyen contemporain réclame plus de temps libre pendant sa vie active pour se former, éduquer les enfants et profiter de la vie de famille, réaliser un projet ou tout simplement jouir de ses loisirs. C’est techniquement possible : il s’agit de créer un droit de tirage sur la retraite, avant sa liquidation. Les comptes personnels permettent un tel droit de tirage. « Emprunter » une année de retraite en avance serait compensé par une année de travail en plus, des cotisations plus élevées, ou une pension plus faible. On pourrait penser également envisager de « despécialiser » le temps des études en créant un droit à la formation de 20 ans pour tous, qui pourraient être tiré en formation initiale mais aussi tout au long de la vie professionnelle. Ces deux approches pourraient être fusionnées au sein d’une « banque du temps » : un compte épargne-temps notionnel, abondé par différentes sources (les cotisations retraite, le capital formation, les droits au congé parental…), pour financer du temps libre rémunéré tout au long de la vie. Une telle « révolution », formulée pour la première fois par Jacques Delors dans La révolution du temps choisi, n’est plus utopique.

8. Pour réformer les retraites, le rapport insiste sur un préalable méthodologique :

-   Cesser de « saucissonner » les enjeux : pour une réforme globale de long terme. Il n’est plus possible de continuer avec des « bricolages » à court terme, qui résorbent ponctuellement les « trous » de trésorerie des régimes à coup de réformes paramétriques mineures. Une tel pilotage à vue est anxiogène pour les Français : aucune visibilité sur l’avenir, et une instabilité permanente des « règles du jeu ». 

-   Ne pas passer en force : pour un « pacte social » sur les retraites. La réforme des retraites fait partie de ces sujets qui nécessitent une forme de consensus national. Elle engage sur le très long terme. Et elle touche à un système qui est au cœur de notre modèle social collectif, de notre « identité nationale ».

 -   Ne pas précipiter la décision : pour un temps long de la négociation. Pour réussir une réforme globale et obtenir un accord large des Français, il faut une vraie méthodologie de conduite du changement : partage du diagnostic, débat, compromis collectifs.  Cela nécessite une négociation structurée, et non de simples consultations. Cela nécessite aussi de se donner le temps nécessaire.                                                                                                                        


Entre 1.7 et 3 points de PIB selon les scénarios.

1.7 point de PIB si l’on y ajoute le déficit implicite du régime des fonctionnaires (couvert par le budget de l’Etat).

Les abaques sont les combinaisons paramétriques qui permettent d’équilibrer le système.

En proportion, d’ailleurs, plus les retraités que les actifs.

Parce qu’il n’est pas imposable.

Répartition qui prolonge l’équilibre actuel : 21 ans d’études – 40 ans de vie active – 20 ans de retraite.

Il y a 1.2 million d’actifs au RSA « ex-RMI », qui atteint à peine 460 euros, soit 40% du revenu médian, en baisse de 10 points en 10 ans et à comparer à une moyenne européenne de 60% et un pourcentage qui atteint 70 à 75% dans les pays les plus progressistes. La France cultive une exception délétère : appauvrir les plus pauvres de ses citoyens.

Comme les indemnités chômage de l’Unedic, dont le montant maximum est plafonné.

Les besoins de lissage technique augmentent avec l’ampleur de la liberté de choix accordée. Et une liberté trop importante pourrait mettre en danger les assurés eux-mêmes.

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