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Note

Quotas dans les grandes Ecoles : l’illusion de remettre en marche l’ascenseur scolaire

Dans les notes publiées les 20 décembre et 6 janvier derniers sur l’échec scolaire et les ERS, Terra Nova insistait sur la nécessité, en matière de lutte contre l’échec scolaire, de traiter les difficultés en amont. Le projet de généraliser les quotas d’élèves boursiers à l’entrée des grandes écoles relève de la logique inverse : cette mesure « en bout de chaîne » ne fait qu’apporter une correction statistique, sans traiter le problème de fond du blocage de l’ascenseur scolaire pour les moins avantagés. Pourtant, des actions de court et moyen terme, moins tape-à-l’œil, peuvent être menées pour corriger le déséquilibre dans l’accès aux grandes écoles.
Publié le 

L’annonce début 2010 de la multiplication éventuelle de quotas d’élèves issus de milieux défavorisés dans un nombre croissant de grandes écoles a suscité de vives réactions, les « conventions ZEP » de Sciences Po mises en place en 2001 faisant figure de ballon d’essai. Les grandes écoles d’ingénieurs et de commerce ont immédiatement dénoncé un risque de faire baisser leur niveau et leur réputation ; certains y voient la fin de la méritocratie républicaine ; d’autres y voient au contraire un juste rééquilibrage social. La question des quotas divise à l’intérieur même des partis : faut-il des quotas au nom de l’égalité « réelle » quitte à ratifier une mesure qui s’apparente à de la discrimination positive ou faut-il au contraire combattre une exception susceptible d’altérer le vieux principe républicain d’égalité qui est de plus en plus en décalage avec la réalité sociale ?

La réponse à cette question est double. Certes, le constat de l’inégalité d’accès aux formations supérieures est une réalité des plus alarmantes à laquelle l’adoption de quotas permet de répondre rapidement de manière partielle. Cependant, la solution des quotas est une solution de facilité qui n’est ni durable, ni souhaitable car elle est une approche « en bout de chaîne » qui ne s’applique qu’à une petite partie du système éducatif et peut ouvrir la voie à des dérives.

La revendication des quotas s’insère parfaitement dans la politique éducative actuelle – si tant est que celle-ci existe – avec, d’un coté, une culpabilisation des publics en difficulté (suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme, violences scolaires, partenariat éducation nationale-police, critique des ZEP), de l’autre la volonté d’extraire une élite des quartiers pour prouver que l’Etat agit et obtient des résultats concrets.

La meilleure réponse est avant tout celle d’une procédure de sélection mieux adaptée, d’une meilleure préparation des élèves des quartiers défavorisés dès les premiers stades de l’enseignement. En plus d’un meilleur accès à l’enseignement supérieur dans les collèges et lycées ordinaires, c’est donc toute une dynamique d’encouragement et de soutien des meilleurs élèves de ces établissements qu’il s’agit de mettre en place.

Faut-il un retour des classes de niveaux et d’un accompagnement personnalisé des meilleurs élèves dans l’enseignement secondaire ? La question n’est pas si simple, car cette solution présente l’inconvénient majeur de ne porter ses résultats qu’à long terme (dix ans minimum), sans nécessairement une garantie de résultat. Pour éviter de sacrifier encore une à deux générations, quels sont les mécanismes de court terme à mettre en place sans passer par les quotas ?

1 – Le constat : pour les moins avantages, l’ascenseur scolaire ne dessert pas les derniers etages

Une société avec un ascenseur scolaire en parfait état de marche serait une société où la probabilité pour un élève d’accéder à un niveau d’étude donné serait indépendante du niveau social ou financier de ses parents. Autrement dit, à chaque génération, le système éducatif redistribuerait les cartes de façon homogène indépendamment du statut des parents et de leur niveau d’études. Il s’agit d’un idéal impossible à atteindre en pratique car l’entourage familial procurera toujours un avantage indéniable aux enfants dont les parents ont suivi des études supérieures [2] . Il n’en reste pas moins que le système éducatif n’a pas à accentuer cet avantage. Il doit au contraire chercher à le neutraliser et à offrir des passerelles pour combler un retard accumulé à un instant donné, afin de réaliser l’égalité réelle et de permettre à tous les talents de réussir et de s’exprimer.

Déterminer l’état de fonctionnement de l’ascenseur scolaire revient donc à regarder si les enfants de milieux défavorisés ont la même probabilité d’accéder à l’enseignement supérieur que les enfants issus de milieux favorisés. Pour étudier la question, un indicateur commode, quoique non dénué de défaut, est de comparer l’accès et la réussite des élèves boursiers à celle des élèves non boursiers, voire uniquement des élèves dont les parents sont cadres supérieurs.

Les filières les plus sélectives excluent mécaniquement les élèves issus de milieux défavorisés

Tout d’abord, il faut rappeler un résultat qui va à l’encontre de la polémique actuelle : il y a aujourd’hui 30% d’élèves boursiers dans les classes préparatoires aux grandes écoles et ce chiffre est en légère augmentation sur les dernières années. Ce chiffre est toutefois à relativiser, car il cache de fortes disparités entre les classes préparatoires « anciennes » ou privées, souvent les plus réputées, et les classes préparatoires récemment créés, ayant souvent une assise plus populaire mais de moins bons résultats. De fait, l’inégalité d’accès se creuse encore davantage lorsqu’on regarde les statistiques d’entrée aux grandes écoles établies par l’Education nationale : le taux de boursiers est ainsi très inférieur dans les écoles d’ingénieurs ou de commerce les plus réputées. S’il est par exemple en moyenne de 22,9% dans les écoles d’ingénieurs, il est seulement de 11,03% à Polytechnique, une certaine proportion de ces 11% pouvant d’ailleurs provenir d’élèves étrangers boursiers. Et s’il est de 20,7% en moyenne pour les écoles de commerce, il n’est que de 12,3% dans les établissements très sélectifs comme HEC ou l’ESSEC, avec là aussi une incertitude sur les boursiers étrangers. On note au passage que les écoles d’ingénieurs et de commerce, qui passent pour être les plus réputées parmi les grandes écoles (médecine, bio, agro, lettres…) ne sont pas à 30% d’élèves boursiers mais à seulement 20–22%. Ce résultat s’étend aux meilleurs diplômes offerts par les universités : masters professionnalisant, DESS, etc. Plus les filières sont sélectives, plus elles excluent les élèves issus de milieux défavorisés.

Le manque de ressources financières n’explique pas tout

Il est souvent fait état que les élèves défavorisés ne réalisent pas d’études supérieures parce qu’ils n’en ont pas les moyens financiers.

Cette statistique de 30% d’élèves boursiers en classes préparatoires montre indéniablement que des mécanismes de soutiens financiers aux élèves défavorisés existent et sont utilisés.

Il faut aussi relever que le système d’enseignement supérieur français, basé sur les universités et les classes préparatoires, est avant tout un système très peu payant et quasiment gratuit pour les élèves boursiers. Contrairement aux pays anglo-saxons, les frais d’inscription sont en effet minimes [3] , et l’élève peut solliciter des aides en cas de difficultés. Les concours d’accès aux grandes écoles, souvent critiqués, sont aussi quasi-gratuits : ceux de l’École polytechnique le sont par exemple intégralement.

Certes, la précarité financière des parents rejaillit incontestablement sur l’élève, notamment parce que les parents éprouvent des difficultés à supporter les coûts périphériques (logement, nourriture) lorsque leur enfant poursuit des études supérieures. Ce dernier peut alors être contraint de travailler en parallèle, ce qui nuit à ses résultats. Certes, les aides mériteraient sans doute d’être augmentées et d’être mieux employées, notamment en direction des classes moyennes inférieures qui n’en bénéficient pas et dont les études récentes d’Eric Maurin et Eric Chauvel tendent à montrer un certain déclassement. Toutefois, force est de constater que ce n’est pas une explication suffisante pour justifier le mauvais fonctionnement de l’ascenseur scolaire.

Une explication au manque de mixité dans l’enseignement supérieur : un décalage culturel et un retard accumulé dans l’enseignement primaire et secondaire

La question du retard accumulé durant l’enseignement primaire et secondaire est sans aucun doute le point essentiel sur lequel s’interroger lors qu’on réfléchit à la mixité dans l’enseignement supérieur. Le profil type des élèves intégrant les meilleures grandes écoles est celui d’enfants de cadres supérieurs et d’enseignants ayant reçu un enseignement « d’élite » dès l’école primaire, soit par le jeu des établissements (sélection des établissements réputés, qu’ils soient publics ou privés) soit par le jeu des options (choisir des options rares comme le latin ou le grec pour faire entrer l’élève dans la meilleure classe).

Ainsi, en plus d’une éducation parentale « de meilleure qualité sur le plan scolaire », ces élèves sont d’emblée plongés dans un bain d’élitisme, ce qui explique que pour eux, la voie normale soit l’intégration d’une grande école. L’ambiance d’élitisme et le mimétisme des carrières de l’entourage est telle que pour certains d’entre eux, l’entrée dans des écoles pourtant prestigieuses comme l’Ecole des ponts Paris Tech est vécue comme un échec. A titre d’exemple, en terminale scientifique, la plupart des lycées réputés comme Louis-Le-Grand ou Henri IV à Paris n’hésitent pas à aborder des éléments de programme de math Sup afin de préparer leurs élèves aux classes préparatoires et de leur donner une longueur d’avance.

Par contraste, l’élève issu des milieux défavorisés est parfois baigné dans une atmosphère de déni de la valeur éducative par son milieu familial et social. Il se retrouve dans une école puis un collège « standard » dont l’ambition s’exprime non pas en nombre de mentions mais en pourcentage de non-redoublement et en nombre d’exclusions. Dans les classes, les enseignants, souvent jeunes et inexpérimentés, perdent du temps à résoudre des problèmes de discipline et à réexpliquer les concepts les plus simples pour s’assurer que la majorité des élèves arrive à suivre. Pris dans ce contexte, les élèves les plus à l’aise accumulent progressivement un retard par rapport à leurs homologues des meilleurs collèges et lycées, retard qu’il leur sera très difficile de rattraper par la suite.

2 – Les quotas : derrière l’apparence d’une mesure juste, beaucoup d’hypocrisie et un constat d’échec

L’objectif politique des quotas : des résultats vendables à court terme dans un but électoraliste

L’avantage unique des quotas est qu’ils permettent en deux ou trois ans de résoudre instantanément un déséquilibre constaté et de valoriser politiquement le résultat tout en posant une chape de plomb sur le sujet de fond : la persistance d’inégalités insupportables de parcours scolaire. La démarche sous-jacente n’est qu’une énième récupération par la droite d’une valeur de gauche – l’égalité.

Le cas des quotas en Inde est illustratif. En réservant des pourcentages de postes de fonctionnaires aux plus basses castes, l’Etat a en quelques années pu produire des statistiques montrant que les plus basses castes n’étaient plus cantonnées aux plus bas métiers et ainsi donné l’apparence d’une égalité réelle, alors que les différences de traitement entre castes n’étaient nullement résolues (progression de la carrière bloquée, ségrégation sur le lieu de travail, différence de salaire…).

Pour autant, le procès fait aux quotas par les responsables de certaines grandes écoles vise moins à trouver une solution aux inégalités qu’à torpiller l’objectif même de mettre plus de diversité sociale dans les grandes écoles. Aucune étude ne démontre que les quotas sont de nature à faire baisser le niveau contrairement à ce qu’indiquent les responsables des écoles scientifiques et commerciales les plus réputées. Les quotas seraient une humiliation pour ceux qui en bénéficient : à suivre ce raisonnement, on n’aurait jamais institué la parité en politique et on préférerait le statu quo à toute politique volontariste de réduction des inégalités.

Les vrais désavantages des quotas : déni d’équité, superficialité, et constat d’échec

Ce que l’on peut légitimement reprocher aux quotas pour milieux défavorisés, c’est qu’ils reviennent à renoncer à l’idée même d’un système éducatif égalitaire et à considérer que les inégalités socio-économiques « de naissance » ne peuvent plus être compensées par l’éducation. C’est admettre que les écarts de réussite liés au milieu social doivent être corrigés statistiquement. L’idéal du système éducatif français est ainsi mis à bas, alors que les statistiques montrent que ce système a fonctionné correctement dans les années d’après-guerre et qu’il fonctionne encore relativement bien, exception faite de l’accès aux meilleures formations.

La solution des quotas pour les élèves boursiers pose par ailleurs un problème d’équité manifeste. Qu’adviendra-t-il des élèves dont les parents sont à la limite d’obtenir une bourse mais qui ont des moyens légèrement supérieurs ? Qu’adviendra-t-il des enfants des classes moyennes inférieures ? L’exemple indien est ici un bon indicateur : d’abord réservé aux plus basses castes, le système des quotas a été étendu sous la pression des castes intermédiaires au point qu’ils concernent désormais plus de la moitié des castes : ce qui a fini par renforcer le concept de caste que le système était censé détruire, au point que, de transitoire, les quotas sont devenus un phénomène pérenne…

L’adoption de quotas dans les grandes écoles ne résoudra par ailleurs pas le déséquilibre dans l’accès à l’enseignement secondaire et supérieur. Comment imaginer en effet rééquilibrer le système éducatif en n’imposant des quotas que sur les grandes écoles, qui représentent un débouché très faible [4]  ? Pourquoi ne pas en imposer à l’université – notamment en médecine et en droit – ou dans certaines formations techniques de type BTS ? Les quotas dans les grandes écoles ou dans l’enseignement supérieur ne permettront pas de rééquilibrer l’ensemble du dispositif, c’est-à-dire d’assurer une réussite scolaire égale dans toutes les filières. Ils ne permettront que d’afficher quelques chiffres pour permettre au gouvernement de fanfaronner sur la réussite de sa politique.

Enfin, l’adoption de quotas dans les grandes écoles d’ingénieur et de commerce ou pour d’autres formations diplômantes à caractère technique se heurte à un problème de niveau scientifique et économique. Réserver x% des places dans les écoles d’ingénieurs et de commerce à des élèves boursiers sous prétexte qu’ils ne peuvent pas intégrer ces écoles par le concours national commun impose en effet de mettre en place un concours parallèle de niveau inférieur pour ces élèves boursiers. Les risques d’une telle approche en bout de chaîne sont évidents : d’une part cela crée immanquablement un clivage entre les élèves issus de ce concours inférieur et les élèves issus du concours normal ; d’autre part, il y a un fort risque que les élèves boursiers entrant par ce concours n’aient pas le niveau initial suffisant pour suivre les cours en école et se retrouvent avec des résultats moins bons voire insuffisants comparés aux résultats de leurs homologues non boursiers. Ce qui est possible à sciences Po ne l’est pas nécessairement dans des disciplines théoriques et scientifiques comme la physique, la chimie ou l’informatique.

3 – Un changement profond s’impose : détecter et accompagner de manière précoce les talents, multiplier les passerelles, réformer les concours, évaluer l’efficacité des expérimentations et mesurer l’évolution des inégalités

Le constat effectué précédemment conduit à briser d’emblée une illusion : le problème de l’équité d’accès à l’enseignement supérieur ne peut se résoudre en un ou deux ans avec des solutions statistiques de court terme comme les quotas ! Sa résolution nécessite de repenser intégralement le système éducatif en place et s’étale au minimum sur 5 à 10 ans.

Le déséquilibre constaté aujourd’hui dans l’accès aux grandes écoles est avant tout le fruit d’un fossé culturel et éducatif creusé petit à petit dès l’enseignement primaire.

Il s’agit donc de se fixer, non pas seulement des objectifs sur quelques voies prestigieuses, mais des objectifs tout au long de la chaîne d’enseignement pour les collèges et lycées de zones défavorisées : nombre de mentions très bien et bien au baccalauréat et au brevet, pourcentage d’élèves poursuivant des études supérieures en sortie de lycée, accession aux meilleures classes préparatoires, puis aux meilleures écoles. Il ne faut plus que les établissements de quartiers défavorisés se contentent de statistiques sur le nombre d’exclusions, d’incidents et de non redoublements. En somme, il s’agit de recréer des filières d’excellence dans les collèges et lycées des quartiers défavorisés sans pour autant que la création de ces classes nuisent à la qualité de l’enseignement des autres élèves. Trouver cet équilibre constitue un défi extrêmement compliqué, et ce d’autant plus que le point de départ est dégradé.

Plusieurs propositions d’actions sont listées ci-dessous pour atteindre cet objectif. Certaines sont déjà en cours d’expérimentation et pourraient donc être généralisées rapidement : elles peuvent donc être qualifiées de mesures de court terme. D’autres nécessitent des changements structurels et constituent donc des actions de moyen terme. Il faut noter que ces mesures sont globalement assez classiques et pragmatiques, au contraire des quotas, qui ne constituent qu’une illusion d’équité à but électoraliste.

Actions de court terme

Encourager et généraliser les aides personnalisées où les étudiants de grandes écoles donnent bénévolement des cours d’approfondissement aux bons élèves de lycées défavorisés . Ces initiatives, au-delà des quelques heures d’approfondissement, permettraient, notamment si elles faisaient partie des obligations statutaires, de dégager de nombreuses heures susceptibles de combler, dans une certaine mesure, le fossé culturel qui empêche les bons élèves de se lancer dans une classe préparatoire ou un cycle universitaire.

Expérimenter des primes aux résultats dans les collèges et lycées défavorisés . C’est un fait : pour les lycées ordinaires, peu de choses sont faites pour pousser les meilleurs élèves vers l’avant. Une prime aux résultats pour les meilleurs élèves, même de faible ampleur, est une source d’émulation incontestable. Elle pourrait par exemple prendre la forme d’un voyage à l’étranger ou de bourses « talents locaux » récompensant chaque année les meilleurs élèves issus de milieux modestes. Des initiatives sont en cours à la CPES d’Henri IV et dans les spé-IEP de Lille ou d’Aix et sont en voie de généralisation via les « cordées de la réussite ».

Généraliser les horaires d’enseignement communs où les élèves de plusieurs classes sont regroupés par niveau [5] . Ce système présente en effet l’avantage de créer une émulation entre les élèves de différentes classes et permet d’adapter le niveau d’approfondissement du cours avec les difficultés rencontrées par les élèves. Sans reléguer les autres élèves à des classes rebus, puisque ce type de regroupement n’a pas lieu sur toutes les matières ni à toutes les heures de cours, il s’agit de donner aux meilleurs élèves les moyens d’approfondir leurs connaissances et de ne pas être handicapés par les comportements de certains autres élèves, ou par la nécessité pour le professeur de réexpliquer les concepts plusieurs fois.

Rendre publique la liste des sujets d’écrit et d’oral des années précédentes pour chaque concours et examen ainsi que leur solution. C’est un phénomène peu connu mais très discriminatoire : les élèves des grands lycées parisiens ont accès à la quasi intégralité des oraux des années précédentes alors que les élèves d’autres classes préparatoires n’ont que quelques sujets à disposition. Les uns peuvent donc « bachoter », se faire aider par des officines privées et ont une forte probabilité de tomber sur des exercices déjà traités pendant les révisions ; les autres doivent se contenter de révisions génériques.

Constituer un groupe de chercheurs qui suive et rende publique l’évolution de la sociologie des dix meilleures écoles d’ingénieurs et de commerce, des trois ENS, des Instituts d’études politiques et des meilleures facultés de médecine et de droit . Les Héritiers de Pierre Bourdieu, paru en 1964, mesurait de manière incontestable les inégalités devant l’école selon l’origine sociale et le sexe et établissait une évidence : l’inégalité scolaire contribue à reproduire les inégalités sociales et perpétue l’inégalité des chances.

Actions de moyen terme

Multiplier les possibilités de modulations de scolarité , avec, par exemple, la création d’un système qui permettrait de faire en trois ans les deux années de classes préparatoires. Une classe de transition pourrait par exemple être mise en place à la fin de la terminale pour que les meilleurs élèves issus de lycées difficiles puissent se mettre à niveau et entamer le programme de 1 ère année de classe préparatoire . Des aides spécifiques [6] seraient attribuées afin que cette année supplémentaire ne constitue pas une charge financière supplémentaire pour leur famille. Il faut souligner l’expérience des classes préparatoires en direction des filières technologiques et professionnelles, qui combinent excellence et adaptation à des publics moins « scolaires ».

Accompagner vers la réussite les élèves issus d’établissements difficiles ou ordinaires . Le manque d’ambition et d’information est une cause importante du faible accès à l’enseignement supérieur. Il commence dès l’enseignement primaire et culmine sans doute au collège où le mimétisme de groupe est très important. En se comparant aux autres élèves de leurs établissements, les bons élèves se convainquent qu’un BTS ou un IUT est un bon débouché, qu’il est impossible de viser plus haut et que c’est déjà bien par rapport à leur milieu social. Le rôle des enseignants et surtout des conseillers d’éducation est ici fondamental pour procurer aux élèves des ambitions supérieures. Or, les statistiques montrent que les enseignants eux-mêmes poussent bien souvent les bons élèves à des études courtes : à milieu social équivalent, les élèves issus de quartiers difficiles sont en effet dirigés vers des études plus courtes que leurs homologues de quartiers favorisés [7] . Des consignes strictes pourraient être envoyées aux enseignants afin de pousser les meilleurs élèves vers les hautes études et non, comme c’est le cas actuellement, à les encourager, consciemment ou inconsciemment, vers des études plus courtes censées être plus en adéquation avec leur profil social.

Multiplier les passerelles d’entrée aux meilleurs cursus : augmentation dans les grandes écoles du nombre de places offertes aux candidats ayant suivis un parcours universitaire, possibilité de passage via une année de transition du BTS à la licence, intégration de la deuxième ou la troisième année d’école d’ingénieur après un master universitaire. L’initiative a récemment été développée à l’ESAM et est en voie de développement à l’ESSEC…

Atténuer dans certains concours et examens la valeur des matières socialement discriminatoires, et non directement liées aux professions auxquelles le concours donne accès : le français et les langues sont particulièrement visées, puisque au-delà de la maîtrise de la langue, les thèmes abordés sont souvent « sélectionnés » pour évaluer un certain type de culture dit « traditionnel » (histoire des textes chrétiens, auteur de la Renaissance, musique classique, philosophie grecque et latine) dont l’expérience montre qu’il est directement corrélé au niveau social de l’étudiant plutôt qu’aux cours qu’il a suivis.

  1. Jules Martial et Léon Jean sont respectivement membres des pôles d’experts « Energie et développement durable » et « Enseignement supérieur et recherche » de Terra Nova.

  2. L’âge moyen des études envisagées par des lycéens issus de milieux favorisés est ainsi de 3,6 ans après le bac contre 3,3 pour la moyenne sur l’ensemble des classes sociales. Un bachelier a par ailleurs 2,3 fois plus de chances que la moyenne d’effectuer une classe préparatoire s’il est d’un milieu socio-économique favorisé.

  3. Ce point doit toutefois être nuancé puisque suite à l’autonomisation des universités, certaines ont considérablement augmenté leurs frais d’inscription.

  4. Moins de 5% des élèves accèdent aux grandes écoles.

  5. Exemple : 3 classes ont cours de mathématiques à la même heure. Les bons élèves de ces 3 classes sont regroupés ensemble et bénéficient d’un enseignement plus approfondis ; les élèves moyens sont regroupés ensemble et suivent un enseignement normal ; les élèves en difficulté sont regroupés ensemble et bénéficient d’un enseignement adapté qui progressera plus lentement sur les concepts pour s’assurer qu’ils soient compris, quitte à moins approfondir certains points.

  6. Ces aides, proportionnées au milieu social des élèves, seraient en volume global peu importantes car elles ne s’adressent qu’à un faible nombre d’élèves.

  7. À caractéristiques sociales et scolaires identiques, les élèves de lycées favorisés ont 30% de chances supplémentaires de s’orienter vers une classe préparatoire que leurs homologues de lycées défavorisés. Ce pourcentage grimpe à 80% lorsque le lycée fréquenté héberge une classe préparatoire. Enfin, toutes choses étant égales par ailleurs (niveau social, niveau scolaire), les élèves de terminales de lycées défavorisés envisagent des études plus courtes que leurs homologues de lycées favorisés : 3,1 ans contre 3,5 ans.

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