Musulmans de France : pour une citoyenneté inclusive
SYNTHÈSE
Le débat sur l’identité nationale, relancé par une nouvelle polémique sur la place de l’islam dans la République, est un débat sain, en théorie. Il aide à prendre la mesure d’un enjeu majeur pour la France, la mutation profonde et rapide de son identité : la communauté nationale, hier blanche et d’origine judéo-chrétienne, s’enrichit aujourd’hui des apports des Français issus de l’immigration d’après-guerre, aux couleurs de la diversité et d’origine musulmane pour l’essentiel. A l’épicentre de cette mutation, il y a la question de l’islam, religion quasi-inexistante en France il y un siècle et référence aujourd’hui pour plus de 10% des Français.
Ce débat est malheureusement instrumentalisé ad nauseam à des fins politiciennes, jouant sur les peurs et les conservatismes. L’objectif y est inverse à l’intérêt général de notre pays : rejeter cette mutation, creuser le fossé entre « eux » et « nous », dresser la France contre la France. Le débat sur l’identité nationale a ainsi été transformé en panel islamophobe, et nul doute que celui sur la place de l’islam atteindra de nouveaux sommets dans la stigmatisation du « péril intérieur ». Le moyen mis en oeuvre pour y parvenir est l’amalgame. Amalgame entre islam conservateur et islamisme, entre pratique religieuse et fondamentalisme : en dehors des « musulmans modérés », catégorie dans laquelle on ne classe que l’aile la plus progressiste et laïque, le reste de la communauté musulmane est assimilé aux « islamistes ». On renvoie dès lors l’essentiel de la communauté musulmane à ses courants ultraminoritaires et à leurs dérives marginales (voile intégral, polygamie…). On nourrit ainsi les peurs des uns et le repli identitaire des autres.
Le rôle du politique est au contraire d’accompagner au mieux cette mutation en cours, d’en éviter les soubresauts racistes et d’en définir les nouveaux équilibres culturels. C’est aux Français « de souche » de porter cette mutation, mais aussi aux Français musulmans : meilleure participation électorale, investissement dans le débat public, avènement plus rapide d’une classe politique d’origine musulmane – l’émergence d’une puissante citoyenneté musulmane permettrait de transformer les musulmans, par trop assignés à être « l’objet du problème », en acteurs du changement.