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Rapport

Coopération internationale : éléments d’une politique progressiste

La France dispose à travers la politique de coopération d’un outil pour infléchir la trajectoire de la mondialisation et œuvrer avec ses partenaires du Sud à un développement juste et durable. Depuis plusieurs années, cette politique est malmenée, derrière de grands discours qui, à travers les « coups » et annonces sans lendemain, décrédibilisent au final la voix de la France dans le monde. Face à l’absence de vision stratégique et d’une mise en œuvre transparente, Terra Nova propose de reconstruire une politique de coopération internationale réaliste et ambitieuse, en reconnaissant les évolutions en cours, en faisant de l’aide au développement un outil au service d’une autre mondialisation, en révisant les moyens de cette politique, pour plus et « mieux » d’aide au développement, en rénovant le cadre d’intervention.
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Le monde est confronté à des défis nombreux, qu’il peine à relever : trois décennies de mondialisation menée sous la coupe d’idéologies dérégulatrices ont nourri de profonds déséquilibres sociaux, économiques et écologiques au niveau international. La France, à travers la politique de coopération, dispose d’un outil pour infléchir la trajectoire de la mondialisation, et œuvrer avec ses partenaires du Sud à un développement à la fois plus juste et plus soutenable. Or, depuis plusieurs années, derrière de grands discours, cette politique publique est malmenée. Faute d’objectifs clairs et de mise en œuvre transparente, elle est mise au service d’intérêts moins louables. Derrière des chiffres d’aide publique artificiellement en hausse se cache en réalité une baisse inquiétante des moyens effectivement disponibles pour agir sur le terrain – alors que d’autres acteurs accroissent les leurs. Après de longues années de flottement de cette politique publique, le temps est venu de refonder la politique française de coopération internationale. Ce rapport propose quelques jalons pour cette révolution nécessaire de l’aide, après une revue critique des errements de l’ère Sarkozy.    

1. UNE POLITIQUE DE COOPERATION INTERNATIONALE MAL DEFINIE ET MALMENEE, QUI DECREDIBILISE LA VOIX DE LA FRANCE DANS LE MONDE

  Absence de vision stratégique, obsolescence des concepts sur lesquels s’appuient les décideurs politiques, politique de « coups » et d’annonces sans lendemain, vision étroitement mercantiliste nourrie d’une proximité excessive avec quelques acteurs politiques et économiques, disproportion croissante entre les enjeux et les moyens, dispositif institutionnel éclaté ne permettant pas un pilotage efficace, tels sont les constats qui résument la situation actuelle…  

En l’absence de vision stratégique ancrée dans les réalités complexes du monde en développement, la politique de coopération internationale a erré ces dernières années dans des pratiques de « coups » médiatiques et de faveurs, oscillant entre mercantilisme et affairisme.

Le Président de la République affirme certes dans ses discours avoir pris la mesure de la mondialisation, et en tirer les conséquences pour la politique étrangère de la France. Mais du renouveau inédit de la Françafrique et de ses conseillers occultes au discours de Dakar en passant par la diminution des moyens consacrés à l’aide bilatérale, on ne peut qu’être frappé par une approche velléitaire et maladroite du monde en développement. Le gouvernement privilégie les effets d’annonce : réponse au tremblement de terre en Haïti, appui à la reconstruction en Afghanistan, programmes de soutien à l’Autorité palestinienne, augmentation non budgétée de la contribution au Fonds mondial de lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme, mesures pour juguler la crise alimentaire… On peinerait à mesurer, après quelques mois, la traduction concrète de ces engagements, qui ne font en général l’objet d’aucune affectation financière véritablement nouvelle pour la politique de développement et se traduisent par un rabotage discret des engagements antérieurs ou des moyens affectés à l’aide bilatérale.  

L’apparente méconnaissance des enjeux stratégiques de long terme de l’aide se traduit également par une politique étroitement mercantiliste, celle d’une « aide qui doit rapporter » à court terme. Cette position, qui confond aide au développement et outils de soutien au commerce extérieur de la France, interdit paradoxalement de penser sérieusement la façon dont l’aide française peut contribuer intelligemment aux intérêts nationaux (géopolitiques, économiques, sociaux, écologiques) à long terme.

La politique de coopération est en outre marquée depuis quatre ans par un fossé entre les ambitions affichées et les moyens réellement disponibles. En 2010 la France a, pour la première fois, atteint le niveau de 10 Mds d’euros d’aide publique au développement (APD) telle que mesurée par l’OCDE. Elle figure ainsi, en valeur, au 3e rang des pays développés. Toutefois, ces chiffres apparemment flatteurs ne doivent pas faire illusion. Le Président a décidé le report de 2012 à 2015 de l’engagement de la France d’accroitre son APD à 0,7% du revenu national brut (RNB). Cette échéance elle-même ne sera pas atteinte, car contrairement au Royaume-Uni, la France ne s’est pas dotée d’une feuille de route budgétaire crédible qui lui permettrait d’atteindre un ratio qui, pour imparfait qu’il soit, a fait l’objet d’engagements répétés. Ce report traduit bien le manque d’ambition de la politique actuelle, dans un contexte de sophistication croissante des instances de la coopération internationale.  

Cette absence de crédibilité n’empêche pas les pouvoirs publics de se focaliser sur le ratio d’APD alors qu’il s’agit d’un thermomètre imparfait et largement faussé. Sa mesure est affectée d’une opacité significative qui permet son gonflement artificiel : d’une part les prévisions des projets de lois de finance (PLF) ont été systématiquement surévaluées ces dernières années (+ 27% en 2007, +15 % en 2008, et +13 % en 2009)[1] ; d’autre part, le niveau d’APD souffre de la prise en compte de dépenses dont l’assimilation à des flux d’aide est discutable (« écolage » des étudiants étrangers en France, accueil des réfugiés, annulation de dette dont la valeur en termes d’aide apportée est surévaluée, etc.), qui ne représentaient pas moins de 30 % de notre APD déclarée en 2009. En outre, certaines de ces dépenses ne sont pas programmables et ne reflètent en rien les priorités géographiques du moment (exemple : annulation de dettes). Ainsi, sur 8 milliards déclarés en 2008 par la France, seulement 5 sont programmables et un peu moins de 2 ont été délivrés de façon bilatérale dans les pays récipiendaires.  

Inversement, l’aide officielle comptabilisée à l’OCDE ne comprend pas des instruments clés du financement du développement : prêts à conditions très favorables par rapport au marché bien que non concessionnels selon les critères de l’OCDE, garanties, financement en fonds propres… C’est dire combien la définition actuelle de l’aide publique au développement mesure mal la réalité qu’elle est supposée appréhender.   Un déséquilibre majeur s’est par ailleurs fait jour entre une aide bilatérale aux marges de manœuvre limitées par la faiblesse des dons et une aide multilatérale prépondérante et au pilotage incertain. Or la coopération bilatérale permet de cibler les priorités géographiques et sectorielles essentielles du point de vue de la France, de valoriser l’expertise de ses acteurs dans des secteurs où le savoir-faire français et leur connaissance du terrain sont reconnus, et conditionne notre capacité à peser dans la programmation de la Banque mondiale ou du Fonds européen de développement et dans les débats internationaux.   Au total, il devient urgent de redonner à l’aide française les moyens d’agir sur le terrain. C’est pourtant tout l’inverse qui se prépare. Tendanciellement, la France va consacrer moins de 0,4 % de son PIB à l’aide publique au développement en 2015, très loin donc des 0,7 % auxquels elle s’est engagée. Plus grave, au sein de l’APD, les moyens programmables et réellement mobilisables sur le terrain sont tombés très bas, en particulier pour l’aide bilatérale, et rien n’est prévu dans le triennum budgétaire 2011–2013 pour les redresser. Cette évolution est d’autant plus criante que de nouveaux bailleurs de fonds apparaissent avec des volumes financiers très importants à leur disposition, avec lesquels la France ne rivalise plus guère, notamment en Afrique (Chine et Etats-Unis entre autres).  

Au plan institutionnel, l’éclatement du système français affecte l’efficacité de son pilotage. Le secrétaire d’Etat (ou Ministre délégué) chargé de la coopération, placé auprès du ministre des Affaires étrangères, peine à jouer le rôle d’animation et de coordination interministérielle qui lui est en théorie assigné, coincé entre deux ministres puissants – et rapportant à l’un d’eux -. Les priorités des ministres de l’Economie et des Affaires étrangères sont ailleurs et leur vision de la coopération est fragmentée, chaque ministère privilégiant les instruments multilatéraux pour lesquels il « tient la chaise », et ne se sentant véritablement responsable que des instruments bilatéraux inscrits à son budget : les dons au MAEE, les bonifications de prêts aux Finances. Il n’est pas surprenant, dans ce contexte, que les réformes successives de la coopération depuis 1998, marquées par l’émergence progressive d’un opérateur généraliste, l’Agence Française de Développement, aient été l’occasion de réaliser de substantielles coupes budgétaires dans les moyens bilatéraux en dons, tandis que la part du multilatéral augmentait[2]. Les efforts réalisés pour institutionnaliser une collaboration étroite entre les acteurs de la coopération, notamment le Comité interministériel de Coopération Internationale au Développement (CICID) demeurent à un niveau administratif et ne peuvent pallier ce déséquilibre politique.    

2. RECONSTRUIRE UNE POLITIQUE DE COOPERATION INTERNATIONALE REALISTE ET AMBITIEUSE

    La gauche doit se fixer comme objectif de dépoussiérer cette politique publique abîmée. Elle doit pour cela balayer devant sa propre porte, et reconnaître les évolutions radicales en cours dans le monde en développement. Sa vision de l’aide a trop longtemps oscillé entre approche compassionnelle et tentation de repli désabusé : un « devoir de solidarité » allié à une croyance un peu utopique dans la fin prochaine de l’aide (cette dernière devant permettre d’assurer aux pays aidés leur autonomie en les plaçant sur des trajectoires de croissance) se transformant aisément en tentation d’abandon et de renoncement face à la complexité et à la diversité des parcours réels de développement des pays du Sud. Or l’aide ne peut qu’accompagner les dynamiques de développement propres à chaque pays, et certainement pas s’y substituer. Et ces dynamiques, pour être diverses, sont réelles.  

La coopération constitue en fait un outil irremplaçable, et au final bon marché, pour réduire les tensions de la mondialisation et faire émerger un modèle de croissance pour tous plus respectueux des équilibres sociaux et environnementaux. Pour cela, la gauche doit reconnaître et faire siennes les évolutions du monde en développement. Si une dizaine de pays continuent à être pris dans des « pièges à pauvreté », la plupart croissent et se développent à vive allure, de l’Asie à l’Afrique. Dans ce contexte, l’enjeu n’est pas de savoir si le Sud va se développer, mais comment il se développe, avec quel impact sur les équilibres régionaux et mondiaux, et avec quels partenaires. En l’absence de « solutions » évidentes à la pénurie alimentaire, au réchauffement climatique, au développement de pandémies, sociétés du Nord et du Sud sont dorénavant à égalité devant les défis de l’humanité et doivent se faire les co-inventeurs de nouveaux modèles de développement. La coopération peut être un lieu d’échange de connaissances et de moyens financiers afin d’accélérer ce processus pour trouver des solutions conjointes à ces défis.  

Cette réalité du monde appelle des politiques différenciées avec des moyens adaptés selon les zones et les niveaux de développement. La diversification des trajectoires des pays du Sud doit conduire la gauche à abandonner non seulement l’idée d’une politique de coopération exclusivement centrée sur les ex pays du « champ », mais également l’idée d’une politique de coopération qui utiliserait les mêmes instruments dans l’ensemble des zones d’intervention.  

La politique de coopération au développement doit être refondée, et mobilisée comme un outil au service d’une autre mondialisation. Dans le débat public français, il est frappant de constater à quel point la mondialisation a été décrite sur un mode passif, comme une force irréversible. La gauche entend se saisir des attentes de l’opinion, et reprendre l’initiative face à la mondialisation. Il ne s’agit pas de la stopper mais de l’encadrer, de la réinsérer dans un projet de société, domestique et international. Or la coopération est l’un des outils pour donner un sens politique à la mondialisation : un outil de solidarité d’un part, permettant de lutter contre la « fracture sociale » planétaire ; un outil de régulation d’autre part, permettant d’assoir des politiques publiques globales associant Nord et Sud face aux défis globaux (alimentaires, climatiques, sociaux, financiers…) ; en somme un outil de promotion des intérêts bien compris de la France – un « intérêt » général, à long-terme, et partagé, loin d’une approche étroitement mercantiliste ou affairiste.  

Cet outil de solidarité et de régulation dans l’intérêt bien compris de la France doit aujourd’hui servir quatre objectifs distincts : (i) œuvrer à la convergence économique ; (ii) préserver les biens publics mondiaux, qu’ils soient climatiques, sanitaires ou économiques ; (iii) construire les prémices d’un filet de sécurité sociale mondial, c’est-à-dire élaborer des politiques publiques de solidarité à l’échelle mondiale ; (iv) et enfin prévenir et gérer les crises, c’est-à-dire investir dans la paix. Sur le terrain, ces quatre mandats ne s’opposent pas ; bien au contraire, ils se renforcent mutuellement.  

Il est impératif de revoir les moyens de cette politique, pour plus et « mieux » d’aide au développement. Cela implique tout d’abord de dépasser le seul concept « d’APD », de rétablir la crédibilité de l’instrument de mesure de la coopération au développement. A cette fin, il conviendrait de travailler sur le périmètre des financements utilisés et la mesure de la réalité de leur coût budgétaire, de publier chaque année le coût budgétaire et le volume total de financement apporté par chaque instrument de financement du développement, qu’il soit comptabilisé en APD ou pas au regard des règles de l’OCDE, et enfin de développer et de systématiser l’analyse des effets de ces financements, en particulier par les évaluations et la mesure d’impact.   Cette révision des moyens doit également se traduire par la mobilisation de toute la gamme des outils disponibles (dons, prêts concessionnels ou non, garanties, fonds propres) pour maximiser les impacts de nos efforts budgétaires : privilégier les instruments les plus économes en ressources budgétaires pour atteindre un objectif donné, et non ceux qui produisent le plus d’APD au sens de l’OCDE.  

Enfin, il faut rééquilibrer les moyens bi et multilatéraux, en fixant des objectifs a priori dans la répartition des moyens et des financements entre les principaux canaux bilatéral, européen et multilatéral – objectifs révisables sur la base d’évaluations périodiques.   L’ambition de remettre à niveau la politique française de coopération ne pourra faire l’économie d’un effort budgétaire dans ce domaine, conjuguant redéploiements et moyens additionnels. Cet effort devra être ciblé sur les moyens qui font aujourd’hui le plus cruellement défaut, principalement les subventions bilatérales. La nouvelle combinaison devra également reposer sur une réduction de la part des financements budgétaires attribués aux fonds verticaux et de ceux passant par la Commission européenne, autorisant un redéploiement vers le bilatéral programmable, un accroissement de l’intervention en prêts concessionnels, un développement substantiel des prêts non concessionnels, et la recherche d’un accroissement des financements innovants.  

Le cadre d’intervention de cette politique appelle une rénovation profonde.

En premier lieu, la France doit s’inscrire dans une réelle politique de partenariat avec le Sud, fondée sur un dialogue ouvert, respectueux et exigeant. Le partenariat avec les collectivités locales et la société civile française doit également être renforcé, en finançant à la fois leur action de terrain, mais aussi leur action d’éducation au développement et de sensibilisation de l’opinion publique sur les sujets Nord-Sud, et comme partenaire dans le débat sur les politiques. Dans cet esprit, la recréation d’une structure de concertation entre l’Etat et l’ensemble des acteurs de la société civile sur les questions de coopération s’impose.  

En second lieu, il faut œuvrer pour une architecture internationale du développement plus efficace. Cet impératif implique  la promotion d’une cohérence accrue des multiples acteurs de la coopération, en évitant la création d’opérateurs additionnels et en promouvant plutôt des mécanismes financiers et institutionnels qui, en subventionnant les démarches conjointes des opérateurs existants autour d’objectifs politiques et de règles communes, favorisent des coalitions d’acteurs du Nord et du Sud et les fassent converger. L’aide européenne doit trouver sa juste place dans ce système d’acteurs, et la Commission se positionner sur sa valeur ajoutée, qui inclut un rôle d’animation et de mise en cohérence, de capitalisation et de projection internationale, ainsi que la structuration d’un véritable réseau des bailleurs européens.  

Au plan national, un réel pilotage politique de la coopération doit être assuré. A cette fin, les auteurs du rapport plaident plutôt pour mettre fin à la fragmentation institutionnelle et au pilotage au fil de l’eau grâce à la désignation d’un ministre de plein exercice. La direction de la mondialisation du MAE, les services en charge des institutions multilatérales, du Club de Paris et des prêts bilatéraux (tutelle de l’AFD) à Bercy, lui seraient rattachés en tant que de besoin. Ce ministre aurait comme compétence la coordination de l’action gouvernementale externe en matière de mondialisation et développement, mettant fin à la fragmentation. Cette organisation politique consacrerait l’importance des sujets Nord-Sud dans la globalisation. En tout point comparable à celle du Royaume-Uni et de l’Allemagne, elle assurerait unité de décision, autorité directe sur les services concernés, capacité d’arbitrage entre priorités, objectifs et moyens. Cette option ne fait toutefois pas l’unanimité, ne serait-ce que parce qu’elle bousculerait les frontières de deux ministères simultanément, et ne reflète notamment pas la position officielle de Terra Nova.

D’autres alternatives peuvent être envisagées, dont aucune ne fait toutefois l’unanimité non plus. Le regroupement des responsabilités bi et multilatérales entre les mains du seul ministère des Affaires étrangères présenterait l’avantage de mettre un terme à la fragmentation. Il s’inscrirait dans la logique des liens croissants entre mondialisation, coopération pour le développement et enjeux diplomatiques pour la France. Pour les auteurs du rapport, cette formule, cohérente en soi, se heurterait toutefois à un problème d’opérationnalisation et de faisabilité, d’une part en raison des résistances à un tel transfert qui ne manqueraient pas de s’exprimer au ministère de l’Economie et des finances, d’autre part pour les raisons mêmes qui font qu’aujourd’hui les sujets qui relèvent du ministre de la Coopération, placé auprès du ministre des Affaires étrangères, demeurent insuffisamment pris en compte dans l’agenda du MAE : les priorités sont ailleurs, la fonction d’objectif essentielle du ministère, ses logiques métiers, font que cette politique peut difficilement, au moins à court-moyen terme, y être traitée à la hauteur de ses enjeux. Une autre hypothèse pourrait être de renforcer le rôle interministériel du ministre chargé de la coopération en le rattachant directement au Premier ministre, consacrant le caractère très interministériel de cette politique et le fait qu’elle rapporte de fait, et in fine, souvent directement à l’Elysée. Mais cette solution ne résoudrait pas complètement la question de l’autorité sur les services aujourd’hui en charge de ces sujets dans les ministères concernés ni celle de la capacité d’arbitrage entre lignes budgétaires.  

En tout état de cause la solution institutionnelle devra favoriser le rééquilibrage et une meilleure articulation entre interventions bilatérales et multilatérales, qui suppose aussi (i) de ramener le bilatéral au-dessus du niveau de crédibilité minimal en dessous duquel il est tombé, et (ii) de mettre en place un véritable pilotage politique de l’allocation des moyens, par l’adoption d’une clé de répartition ex ante du coût budgétaire des financements mis en œuvre par les différents canaux.  

Par ailleurs, l’amélioration de l’efficacité de la politique de coopération ne servira à rien si d’autres politiques nuisibles au développement durable du Sud perdurent, défaisant d’une main ce qui est fait de l’autre. Cette exigence de cohérence des politiques publiques devrait notamment trouver une traduction dans les trois domaines : (i) la politique migratoire, à travers la reformulation des politiques de migration sélectives, la promotion des migrations circulaires et l’abandon de la « conditionnalité migratoire » de l’aide et des « programmes de développement solidaires » pilotés par le ministère de l’Intérieur ; (ii) l’initiation d’une réflexion sur les évolutions possibles du régime de change du Franc CFA ; et (iii) la remise à plat du processus des Accords de Partenariat Economique (APE).  

Enfin, la politique de coopération internationale de la France appelle plus d’investissement dans la communication, la réflexion et les idées.Il faut réinvestir les débats internationaux et le champ intellectuel, en définissant une stratégie de recherche et de projection dans les débats d’idées, qui mobilise et coordonne les différents acteurs en la matière, politique qui doit être assumée et animée par le ministre de la Coopération au positionnement renforcé.   Il s’agit aussi de donner à la politique de coopération refondée les cadres de débat, de communication et de reconnaissance qui lui font aujourd’hui défaut. Cela pourrait passer par la mise au point d’un « livre blanc » sur les relations Nord-Sud (et pas seulement sur l’APD), comportant un examen approfondi de la question de la cohérence des politiques publiques, élaboré selon un processus participatif très ouvert. Une loi de programmation sur la coopération internationale pourrait être adoptée à échéance régulière à l’instar de ce qui existe en Grande-Bretagne et en Espagne. Une politique de communication active doit être portée au niveau politique, reposant sur un effort important de formalisation des objectifs, une démonstration concrète des résultats obtenus qui implique entre autres un effort accru d’évaluation, et un engagement systématique de transparence et d’évaluation des actions conduites. Ce plan d’action, pour réussir, devra être largement élaboré, mis en œuvre et suivi avec les organisations de solidarité internationale françaises, dans le cadre d’instances de débats et de dialogue à créer ou recréer.  


[1] L’APD se comptabilise ex post, sur la base des décaissements de l’année. Les prévisions trop optimistes sur les annulations de dette expliquent l’essentiel de ces surévaluations ex ante.

[2] Résultat : en 2011 l’outil bilatéral AFD disposait d’un peu plus de 200M€ seulement pour financer l’ensemble des projets en dons dans les 14 pays dits prioritaires d’Afrique subsaharienne mais aussi l’assistance technique dans l’ensemble des pays et secteurs relevant de l’Agence (y compris Maghreb, Vietnam, etc.), là où le dispositif comptait il y a dix ans des sommes très supérieures pour les outils alors existants (Fonds de Solidarité prioritaire du MAE, dons délégués à l’AFD, financement des assistants techniques), et là où la France donne aujourd’hui chaque année plus de 450M€ par an à des fonds multilatéraux « verticaux » dédiés au seul secteur de la santé (FMLSTP et UNITAID).

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