Moyen-Orient : le pacifisme incohérent de Jean-Luc Mélenchon
Les propositions de Jean-Luc Mélenchon pour sortir du conflit syrien sous-estiment grandement la complexité de la situation et se heurteraient immanquablement à de nombreuses impossibilités.
Les propositions de Jean-Luc Mélenchon en matière de politique étrangère sont marquées par la volonté de prendre ses distances avec les Etats-Unis et le camp atlantiste (il propose notamment une sortie totale de l’Otan[1]), par un désir de rapprochement avec Moscou et par un pacifisme qui prétend, dans la grande tradition anti-impérialiste des gauches radicales, que les guerres « n’ont jamais cessé d’être autre chose qu’une dispute pour accaparer les matières premières ». Les idées du leader de la France insoumise pour sortir du conflit syrien illustrent assez bien ce cocktail idéologique. Elles tiennent en quelques lignes de son programme : « Réviser les alliances avec les pétro-monarchies et le régime turc. Mettre en place une coalition universelle sous mandat de l’ONU pour éradiquer Daech, associant les combattants kurdes. Construire une solution politique en Syrie pour une paix durable reposant sur 1) un cessez-le-feu durable excluant les groupes islamistes, 2) soutien au processus de Genève incluant les Kurdes de Syrie, 3) l’organisation d’élections libres et pluralistes, sous surveillance de l’ONU et sans ingérence étrangère »
Ces propositions sous-estiment grandement la complexité de la situation et se heurteraient immanquablement à de nombreuses impossibilités.
En particulier, l’idée de mettre en place une coalition universelle sous mandat de l’ONU pour éradiquer l’Etat Islamique suppose deux préalables qui sont contraires à l’évidence des faits. Le premier, c’est que l’ensemble des membres du Conseil de Sécurité, seule instance compétente au sein des Nations Unies pour décider de l’usage de la force, fassent de l’éradication du groupe djihadiste une priorité. Or l’examen de la géographie des bombardements aériens effectués par la Russie en Syrie depuis son intervention directe dans le conflit en septembre 2015[2] montre à l’inverse que ce sont les différents groupes rebelles opposés au régime d’Assad, et non pas l’Etat Islamique, qui ont été presque uniquement ciblés par ses frappes. Les bombardements des positions de ce dernier ont été dans leur immense majorité réalisés par la Coalition Internationale, emmenée par les Etats-Unis et à laquelle la France apporte une contribution militaire modeste. Manifestement, les conditions ne sont pas réunies pour que Vladimir Poutine puisse faire partie de la « coalition universelle » dont rêve Jean-Luc Mélenchon pour « éradiquer Daech », alors même que celui-ci tente régulièrement de défendre le leader russe sur la scène française[3].
Le deuxième préalable, c’est qu’au-delà des membres du Conseil de Sécurité, les autres membres de l’ONU, et d’abord les pays de la région, fassent du combat contre l’Etat Islamique leur priorité. Or l’Iran et la Turquie, deux puissances importantes dans la mesure où elles disposent des armées les plus efficaces de la région, n’ont pas mis, ou ne mettent toujours pas, ce combat en tête de liste de leurs interventions.
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[1] http://tnova.fr/notes/sortir-de-l-otan-l-inconsequence-diplomatique-de-jean-luc-melenchon
[2] http://www.understandingwar.org/backgrounder/russian-airstrikes-syria-september-30–2015-september-19–2016
[3] Adrien Sénécat, « Les ambiguïtés de Jean-Luc Mélenchon sur la Russie et la guerre en Syrie », Le Monde, 16 décembre 2016 – Voir http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/12/16/les-ambiguites-de-jean-luc-melenchon-sur-la-russie-et-la-guerre-en-syrie_5050147_4355770.html#hcBVKWFTCxvk8YFY.99