Communauté citoyenne

Campagne et programme d’Emmanuel Macron

Campagne et programme d’Emmanuel Macron
Publié le 25 mars 2022
Pour ce nouveau rendez-vous, nous avons souhaité interroger les citoyens de la communauté sur leur ressenti à l’égard du dévoilement du programme d’Emmanuel Macron, intervenu le 17 mars lors d’une conférence de presse. Nous les avons invités à s’exprimer tout au long de la journée du 22 mars au travers de petits groupes réunis selon la sensibilité politique (5 sous-groupes : LREM; Droite; Extrême droite; Gauche et Sans Parti)

Terra Nova a fait appel à BVA pour constituer et animer une communauté citoyenne, composée de 50 personnes reflétant la diversité de la société française, dans leur genre, leur âge, leur catégorie socio-professionnelle, leur niveau de qualification, leur origine régionale mais aussi leur sensibilité politique.

Ceux-ci ont été invités à s’exprimer dans un forum écrit (plateforme HD quali) le 22 mars 2022, dans le cadre de 5 sous-groupes segmentés selon la sensibilité politique/proximité partisane.

1. La campagne d’Emmanuel Macron : service minimum

« Je n’ai rien appris de particulièrement nouveau dans son programme de campagne. Quelques idées calquées sur les programmes de ses concurrents (par exemple, la réduction des droits de succession) et la reprise de ses projets de 2017 qu’il n’a pas pu mener à bien comme la question des retraites… c’est à peu près tout. Pour contenter les Français qui se plaignent de l’assistanat social et du coût que cela représente, une mesure sur le RSA conditonné à des heures de formation ou de travail, ça va faire plaisir à certains, c’est sûr. Donc… une entrée en campagne… pas très spectaculaire, et qui n’a pas fait grand bruit. (Sans parti) »
« Il n’est pas réellement en campagne, il valide ses acquis en pensant être réélu les doigts dans le nez. (Sans parti) »
« On n’a pas vraiment de programme. Il n’y a pas de débat, c’est difficile de voir les différences de projets des autres candidats. Dommage ! (Droite) »

Nous l’avons relevé lors du précédent rendez-vous, les circonstances internationales et la guerre en Ukraine « écrasent » la campagne aux yeux de presque tous les citoyens sans distinction. Mais l’entrée en lice d’Emmanuel Macron et son positionnement « au-dessus de la mêlée » suscitent des réactions différenciées selon la sensibilité politique :

Entre compréhension bienveillante

« Cette entrée en campagne particulière est largement justifiée par le contexte (LREM) »

… Soupçon de manipulation 

« Cette guerre arrange très fortement le président candidat (Droite) »
« Je n’ai guère été surpris par son entrée en campagne car c’est comme cela que je la voyais. En tous cas, plus la campagne sera courte pour lui, mieux cela sera. Et avec la guerre en Ukraine c’est pain bénit (Extrême Droite) »
« Son officialisation tardive à l’élection est purement stratégique, au vu de la situation de l’Ukraine, je ressens ça comme une certaine manipulation (Droite) »

et ressentiment teinté d’hostilité(soulignons ici la virulence des termes et des postures exprimées par les citoyens de la communauté, y compris à droite)

« Je ressens du dédain pour Macron en réponse à celui qu’il nous oppose, à nous Français et aux autres candidats, en se déclarant quatre semaines avant le scrutin, avec toute la mise en place d’une stratégie manichéenne pour surfer sur la guerre ukrainienne qui le propulse au premier rang. Je le sens plein de certitude quant à sa victoire prochaine et plein d’arrogance… (Gauche) »
« Il m’insupporte, je suis absolument dégoutée, mon sens civique bafoué, je me sens complètement impuissante devant cette mascarade, devant cette absence totale de débat démocratique. Qu’on rallonge le mandat et qu’on n’en parle plus, au moins là ce serait clair. (Sans parti) »
« Je ressens comme l’idée qu’on se moque de nous. Refus du débat, photos posées à l’Élysée, bref pour moi un feuilleton fleuve (Droite) »
« Je le trouve assez méprisant. Il veut être au-dessus de la mêlée, ne pas frayer avec les autres candidats et à peine faire campagne. La guerre en Ukraine l’accapare et il semble voir cela comme une simple formalité. Il profite de son poste pour ne pas s’étendre sur son bilan déplorable. (Droite) »
« Je pensais avoir atteint le sommet de la dégoûtation [sic] avec Zemmour, je découvre une aversion profonde pour ce monsieur. (Sans parti) »

2. Le programme d’Emmanuel Macron : une focalisation sur deux mesures phare

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Les deux mesures principalement retenues par les citoyens de la communauté (et que nous analysons plus loin) quelle que soit leur sensibilité politique, concernent la retraite à 65 ans et le conditionnement du RSA, qui orientent le halo d’image du Président plutôt vers la droite.

« Pas grand-chose ne me marque si ce n’est que c’est avec ces mêmes valeurs et la suppression de la taxe d’habitation que Macron a été élu il y a 5 cinq ans et a fait son quinquennat, malgré la crise et les gilets jaunes cela laisse à penser que lui et son équipe pensent que c’est ce genre de réformes dont la France a besoin. (Sans parti) »
  • Surdité d’une partie des citoyens ?

On notera d’abord l’illustration d’une forme de dissonance cognitive : auprès des citoyens d’extrême droite et des « sans parti », en dehors de ces deux réformes, très peu d’autres réformes sont mentionnées (5 quand, dans les autres groupes, on en évoque entre 12 et 20).

Dans les autres sous-groupes, l’éventail des réformes évoquées est plus large (droit de succession, accent sur le nucléaire, valorisation des petites retraites à 1100€, transformation de Pôle emploi, place des mathématiques en classe, convention citoyenne concernant la fin de vie, dégel du point d’indice des fonctionnaires, aide aux mères célibataires.)

Tout se passe comme si certains citoyens n’écoutaient pas/plus ou n’entendaient pas/plus le président candidat.

  • Un programme : à quoi bon ?

On relèvera ensuite qu’aucune des mesures présentées ne fait véritablement bouger l’attitude préexistante à l’égard du président candidat.

Les sympathisants LREM approuvent dans leur ensemble ses mesures ; à droite et à l’extrême droite beaucoup de suspicion s’exprime quant aux visées électoralistes du président au travers de ces mesures, même si certains s’y reconnaissent ; à gauche et auprès des sans-parti, les mesures sont décryptées à l’aune du tropisme droitier d’Emmanuel Macron.

« C’est une mesure qui me plait et ça confirme mon choix de voter pour lui (LREM) »
« C’est rassurant de voir qu’il tient le cap qu’il a engagé depuis le début (LREM) »
« Non, c’est toujours le président des financiers et des industriels qui veut faire travailler « le petit peuple » et qui prend des mesures sympas pour son milieu. (Sans parti) »
« Je dirais plutôt que, sur ce point, il n’a pas vraiment changé, et qu’il continue à rendre les riches encore plus riches, et les pauvres de plus en plus corvéables (Gauche) »

 Au milieu de ces postures très largement figées, deux inflexions dans les choix de vote nous paraissent devoir être relevées au titre de signaux faibles :

  • Un détracteur d’Emmanuel Macron situé à droite de l’échiquier souligne son courage politique s’agissant de lancer une réforme des retraites, élément susceptible d’influer en faveur d’Emmanuel Macron lors du vote
« J’ai trouvé Emmanuel Macron, très cash, très franc. La retraite, il n’a pas hésité dire qu’il était nécessaire de repousser l’âge à 65 ans. C’est tout à son honneur d’avoir tenu un tel discours à trois semaines des élections (Droite) »
  • Un citoyen de la communauté situé à gauche a basculé dans l’hostilité franche à l’égard d’Emmanuel Macron à la lecture de mesures perçues comme des marqueurs trop forts de la droite :
« Oui, [le conditionnement du RSA] a durci mon regard sur lui. Et cela aura une conséquence électorale : je ne voterai plus pour lui pour faire barrage à un autre candidat au second tour. Il a perdu une voix, et j’espère bien d’autres… (Gauche) »

3. Réactions détaillées à certaines mesures du programme d’Emmanuel Macron

3.1. La retraite à 65 ans : des postures globalement très nuancées à l’égard d’une réforme que l’on sait complexe, dure, impopulaire mais pour une part nécessaire

A noter au préalable, comme le montrent les enquêtes d’opinion que nous menons par ailleurs, que ce sujet mobilise dans l’ensemble moins les citoyens les plus jeunes de notre communauté qui ont du mal à se projeter, même si la situation de leurs parents en inquiète certains.

Les opinions sur le sujet de la retraite à 65 ans se nourrissent d’un fond commun : le constat de l’allongement de la durée de vie et le souhait de ne pas faire peser sur les générations futures la dette publique. Le fait que ce seuil d’âge ait été repoussée aussi dans d’autres pays européens accrédite son réalisme.

Ensuite les affinités politiques et les postures idéologiques qui les sous-tendent colorent les perceptions, même si, nous le verrons, elles n’expliquent pas tout, elles confirment la complexité des sentiments à l’égard de la réforme des retraites. :

  • Pour les proches LREM, la réforme souhaitée par Emmanuel Macron sacralise la valeur travail et est perçue comme légitime et nécessaire.
« J’en suis content et j’y suis favorable. Repousser l’âge de départ à la retraite (en tenant compte des carrières pénibles) est nécessaire pour réduire la dette publique et ne pas la laisser peser sur les générations futures ! (LREM) »
« Pas trop le choix. Il faut choisir un levier entre travailler plus longtemps, cotiser plus ou des retraites moins élevées. C’est le moindre mal. (LREM) »

Même auprès d’eux néanmoins la question de la pénibilité de certains métiers et d’exceptions à la règle est posée.

« Si le président respecte, comme il a déjà dit, les cas avec des métiers ayant une certaine pénibilité, c’est moins inquiétant que tous jusqu’à 65 ans (LREM) »
  • Pour les citoyens situés à gauche, cette mesure, marqueur de la droite, est rejetée

– L’âge de 65 ans est trop tardif pour des gens qui ont « trimé toute leur vie »

– La pénibilité des métiers est oubliée

– La question du maintien en emploi des seniors est occultée : comment imaginer faire travailler jusqu’à 65 ans alors que la plupart des 58–62 ans n’ont plus d’activité parce que poussés dehors ?

– Tout ceci se ferait au détriment de l’emploi des jeunes

« Se tuer au travail, cette phrase prend tout son sens avec cette réforme ! Je trouve ça dingue que l’on demande aux Français de travailler jusqu’à 65 ans alors que les jeunes galèrent à trouver du boulot. Je suis totalement contre cette réforme qui est juste grotesque. (Gauche) »
« Travailler plus – longtemps – pour gagner moins plus tard, sans doute… il est toujours plus simple de s’appuyer sur un système huilé dont on profite pour faire payer le quidam plutôt que ceux qui possèdent l’argent, classe dont il fait partie… et c’est un non-sens total, quand on sait que dès 50 ans, il est difficile pour une personne, quand elle n’en a pas, de trouver un emploi, et que les plus anciens dans une entreprise sont les premiers sacrifiés car ils coûtent plus chers que les jeunes arrivants… (Gauche) »
  • Pour les « sans parti » de notre communauté, la mesure est accueillie de manière moins virulente qu’à gauche : le réalisme de la mesure prévaut mais doit aussi être compensé par la prise en compte du facteur pénibilité :
« Oui, je pense que c’est une bonne mesure car les caisses sont vides, et si nous voulons préserver notre système de retraite, il faut nécessairement aller dans ce sens… travailler plus longtemps ! Il me semble nécessaire de prendre en compte les carrières longues, le cas des personnes qui ont commencé à travailler très jeunes. Prendre en compte également la pénibilité de certaines professions… mais globalement, 65 ans me paraissent être une solution raisonnable. A voir ce qui sera proposé pour les cas particuliers. (Sans parti) »
« Je pense qu’il faudrait plus prendre en compte l’accès à l’emploi des gens, partir plus tôt signifie lâcher un emploi plus vite pour une autre personne. Je pense également que le facteur pénibilité est à revoir. Exemple le BTP etc. qui sont nettement plus fatigués que certains autres secteurs. (Sans parti) »
  • Pour les électeurs de droite et d’extrême droite, le clivage idéologique ne rend pas compte des réactions à la réforme.
« Cette réforme pourtant indispensable va amener dans la rue autant de personnes que sa précédente réforme avortée. (Extrême droite)  »

Sur un fond d’acceptation de l’inéluctabilité de la réforme…

« Je réagis plutôt bien car c’est nécessaire au maintien de notre système de retraite. La médecine a fait de gros progrès et nous sommes plus en forme en 2022 a 65 ans qu’en 1960 (Droite) »
« Ce n’est pas un plaisir de savoir que notre départ à la retraite va être repoussé. Maintenant il s’agit d’une tendance européenne et ça apparait comme une obligation. A priori. (Droite) »
« Une mauvaise mesure pour les gens qui vont y être soumis mais bonne pour le pays. Depuis des années nous n’arrivons plus à financer les retraites. Nous avons reculé pour mieux sauter depuis l’époque Juppé (Extrême droite) »

… certaines positions se clivent rejoignant les arguments observés dans le groupe de citoyens de gauche : départ à 65 ans perçu comme trop tardif ; question du maintien en emploi des seniors et accès à l’emploi pour les jeunes ; pénibilité de certaines professions à traiter à part.

« Certes il y a une logique des chiffres mais cette annonce ressemble à un coup de massue sur la tête. La vie est déjà pénible, il est déjà difficile de finir les mois et on nous dit il faut travailler encore plus ! A un moment, ras le bol. Toujours des obligations qui ne nous apportent rien en termes de qualité de vie. Bien au contraire. (Droite) »
« Je suis opposé, les jeunes ayant déjà du mal à trouver du travail. D’autre part, nombreux sont les 58–62 ans chômeurs, les patrons préférant se débarrasser des plus vieux. Alors pour certains au lieu d’être chômeurs de 58 à 62 ans, ils y seront de 58 à 65 ! (Extrême droite) »
« Je trouve cela assez consternant. Je sais que la balance salarié/retraité est difficile à équilibrer. Mais je crains que cela ne complique la vie de beaucoup de personnes âgées sachant que selon la catégorie sociale nous ne sommes pas égaux face à la retraite. (Droite)  »
« Je ne sens pas cela comme une mauvaise mesure à condition d’adapter à la pénibilité (Droite) »
« Ce n’est pas une bonne mesure car pour moi seul le nombre de trimestres cotisés doit servir pour déterminer le départ en retraite, sans compter que le type de travail dans une carrière est trop différent d’une personne à une autre pour faire une généralité. Il faut bien entendu tenir compte de la pénibilité pour déterminer l’âge de la retraite. (Extrême Droite) »

3.2. Réforme du RSA : Un RSA assorti d’une obligation de travailler ou de se former 15 à 20H : une adhésion au principe mais une mise en œuvre à surveiller de près

Le décryptage précis de cette mesure va souvent conduire à faire basculer son appréciation initiale. Les réticences ne relèvent d’ailleurs pas seulement d’une posture idéologique ; même auprès des citoyens de droite et d’extrême droite, les dérives possibles dans la mise en œuvre de cette mesure sont pointées du doigt.

Auprès de l’ensemble des citoyens de la communauté, quelle que soit l’affinité politique, le principe est valorisé :

  • L’idée d’une réciprocité entre droits et devoirs (et, par là même, pour certains, la digue ainsi posée contre la dérive d’assistanat et ceux qui « abusent » du système)
« J’y suis favorable puisqu’elle rappelle que les droits que nous avons sont aussi conditionnés par des devoirs ! (LREM) »
« C’est une bonne mesure selon moi. Elle favorise l’insertion professionnelle et lutte contre l’assistanat. Cette allocation ne peut être donnée à quelqu’un qui ne travaille pas alors que son voisin se lève tous les matins. Elle doit permettre de compléter les faibles ressources des travailleurs. (LREM) »
« C’est bien, nous sommes un pays d’assistés, fournir quelques heures de son temps quand on ne fait officiellement rien me semble normal. (Extrême Droite) »
« Certains bénéficiaires croient que c’est bon, ça tombe tout cuit dans la poche sans rien faire, pour eux c’est comme la CAF, on attend le « salaire » en début de mois, il y a des gens qui recherchent activement même au RSA et je trouve que c’est ceux-là qu’il faudrait récompenser, je trouve que s’il arrive à mettre cela en place ça serait une bonne chose et ça ferait moins assisté. (Sans parti) »
« Je trouve ça bien car ça encourage les jeunes et moins jeunes à chercher du travail et pas se faire entretenir par des aides. (Gauche) »
  • La dynamique d’insertion, de reconnaissance et d’utilité sociale
« Pour se réinsérer dans la vie active et augmenter ses chances de retrouver un emploi (LREM) »
« Je trouve que c’est une excellente idée, une occasion pour une certaine tranche de la population de leur permettre d’avoir un lien avec le monde du travail et une opportunité pour certains d’échaffauder un projet pro, de rencontrer des personnes pouvant leur offrir une réflexion sur leur devenir et leur avenir. Et les extirper d’un milieu qui les enferme dans une logique d’échec, d’abandon et de frustration. Une bonne façon d’intégrer des personnes en échec. (Sans parti) »
« J’approuve cette mesure et il est bon que ces bénéficiaires restent dans une dynamique, restent actifs c’est dans leur intérêt et ça va éviter le décrochage. (Droite) »
« Une chose est sûre pour ceux qui peuvent travailler pendant le RSA c’est peut-être une bonne chose pour peut-être trouver du travail après. (Gauche) »

Pour les citoyens marqués à droite et à l’extrême droite, cette mesure est aussi perçue comme récupérée par Emmanuel Macron à des fins électoralistes et confirme là aussi un halo d’image de président « qui n’aime pas les pauvres ».

« Pareil, on va piocher un peu côté LR, taper sur ces fainéants de bénéficiaires du RSA… ! Ça va plaire à l’électorat de droite, a fortiori à la droite de la droite et même embêter un peu Zemmour qui aurait bien aimé proposer cela avant Macron je pense (Extrême Droite) »
« C’est dans la continuité des 5 euros de pris sur la CAF pour les étudiants, la re-catégorisation des chômeurs pour faire baisser artificiellement les statistiques, le fait que si tu n’acceptes pas 2 offres d’emploi en tant que chômeur tu es radié de Pôle Emploi, etc. (Extrême Droite) »

Au-delà de ce soupçon de visée électoraliste, certains (à droite comme à gauche de l’échiquier politique) détectent des risques et les dérives associés à une telle démarche dont ils souhaitent qu’elle soit assortie de garde-fous : concurrence avec SMIC/RSA ; accès à une main d’œuvre pas chère pour les entreprises.

« C’est de l’esclavagisme moderne, ainsi qu’une simple mesure électoraliste pour rafler des voix à Pécresse… Le RSA a été créé pour donner sans condition un revenu minimum à ceux qui n’en avaient pas. Là, il supprime la raison même de ce dispositif. Travailler 20h par semaine pour toucher 500 euros, c’est gagner moins qu’un smicard qui travaillerait 20h. (Gauche) »
« Ça ouvre des portes aux dérives : emploi sous payé et dévalorisant par exemple (Gauche) »
« Oui. Un pas de plus vers la précarité contrôlée, la diminution du social. (Sans parti) »
« Si c’est pour venir remplacer du personnel dans X domaine qui était jusque-là rémunéré bof. Il ne faudrait pas que ça soit une réserve de main d’œuvre bon marché. Que ça vienne en complément ok mais pas en remplacement. (Droite) »
« On voit tout de suite la dérive : on fait bosser pour moins qu’un SMIC et c’est légal ! Bienvenue aux nouveaux travailleurs précaires ! C’est une mauvaise mesure dans le sens où elle ne développe pas l’emploi (qui fait défaut en France !), elle cherche juste à sucrer et extorquer des pauvres gens ! (Extrême Droite) »

Là-encore cette mesure conforte, aux yeux de certains citoyens de gauche et sans parti, la vision d’un ancrage droitier du président.

« Il est très éloigné de la réalité du monde du travail et de la vie quotidienne des Français, et sert globalement les intérêts des ménages les plus riches. (Gauche) »
« Je n’ai jamais vu Emmanuel Macron comme le Président du peuple, mais plutôt comme le « Président des riches ». Alors… Le fait qu’il aille aussi loin, en proposant de faire travailler les plus pauvres pour un RSA, oui, ça me choque. 15 à 20 heures de travail par semaine, c’est quasiment un mi-temps… pour quelque 500€ par mois, ce n’est pas cher payé. Choquant ! (Sans parti) »

3.3. La réduction des droits de succession : une réforme largement attendue et qui peine pourtant à se défaire de son marquage originel

La réduction des droits de succession fait quasi consensus auprès des citoyens de la communauté, y compris de gauche et sans parti. La plupart des membres de la communauté trouvent ces taxes injustes et sont ainsi favorables à leur réduction.

« Là aussi, c’est une excellente chose qui va dans le bon sens voulu par de très nombreux Français. (LREM) »
« C’est une excellente mesure, je trouve inadmissible que nous soyons taxés sur notre héritage. Les gens travaillent aussi pour assurer l’avenir de leurs enfants, devoir payer plusieurs fois : frais de notaires, impôts, plus-values, etc. Et encore une fois, la transmission m’a toujours semblée être une injustice. (Extrême Droite) »
« Je suis contre les droits de succession c’est un vrai scandale. On a des taxes pour l’achat d’un bien, pour la transmission. Plus les taxes que l’on paie chaque année. C’est le fruit de notre travail ou du travail de nos parents qui nous transmettent quelque chose : on n’a rien volé. (Droite) »

 La majorité trouve qu’il s’agit d’une bonne idée, en faveur des classes moyennes qui ont « travaillé toute leur vie » et veulent « laisser quelque chose à leurs enfants ».

« Je trouve cette mesure très bien, elle permet la transmission des patrimoines modestes. (Et certainement plutôt destinés aux personnes modestes). L’exonération des droits de succession passerait ainsi de 100 000 euros à 150 000 euros. (Gauche) »
« Je pense que cela peut être une bonne mesure, surtout pour les ménages aux revenus plus modestes pour lesquels l’héritage a un plus gros impact sur les générations suivantes (Gauche) »
« Ce serait on ne peut plus normal. La transmission de son patrimoine à sa descendance ne devrait pas générer de nouvelles taxes ou impôts alors qu’il a déjà, tout au long de son existence, généré des impôts. (Sans parti)  »

Certains, (droite, extrême droite et LREM) souhaiteraient même que la réforme aille plus loin.

« La véritable réduction des droits de succession serait de ne pas compter l’habitation principale. (Droite) »
« C’est une bonne mesure mais elle est trop timide, il faut a minima doubler le montant des exonérations qui n’ont pas été revalorisées depuis des lustres ne serait-ce que pour rattraper l’inflation ! La bonne valeur serait de 200 000€ minimum et l’optimum serait de 300 000€ comme certains le proposent déjà ! (LREM) »

Si, sur le fond, les participants de gauche et sans parti apparaissent favorables à la mesure comme leurs homologues, la mesure reste en termes d’image un marqueur de la « France des riches » vs des autres et d’un « Président/candidat des riches » vs des autres.

« C’est mi-figue, mi-raisin car c’est censé être destiné aux classes moyennes et aux bas salaires (bonne chose) ; mais il se peut, fortement, que cela profite aux plus riches. C’est un sujet complexe et assez opaque pour avoir une vision claire et objective. (Gauche) »
« Là encore c’est une mesure qui impactera plus favorablement les plus riches, ce n’est pas pour rien que c’est le président des financiers et des industriels. (Sans parti) »
« Médiocre, sans aucun gain économique, favorisant encore plus la transmission du patrimoine des plus riches. Mesure classique d’inégalité sociale comme la droite en recycle depuis des lustres. Il faut bien qu’il chope des voix de ce côté-là… (Sans parti) »
« Il ne fait que confirmer qu’il est à l’écoute des contribuables dits aisés. C’est une attention aux plus riches d’entre nous mais il y a d’autres mesures prioritaires avant en termes de pouvoir d’achat pour tous les français. (Droite) »
« Comme d’habitude on fait des cadeaux aux copains (riches), ne pas oublier que Macron était un ancien banquier d’affaire (Extrême Droite) »

3.4. La suppression de la redevance TV : une réforme approuvée largement mais dont les enjeux semblent méconnus

Là-aussi, cette mesure suscite peu de différences selon la sensibilité politique. La plupart des citoyens de la communauté situe la réforme dans la lignée de celle enclenchée avec la suppression de la taxe d’habitation et réagit positivement à l’économie réalisée.

« C’est cohérent aussi avec la disparition de la taxe d’habitation qu’il a mise en place progressivement lors de son quinquennat. (Extrême Droite) »
« Une bonne mesure pour mon portefeuille (LREM) »
« A titre individuel, j’accueille positivement le fait d’économiser une centaine d’euros par an (Extrême Droite) »

Les nouveaux usages de la TV, la faible consommation de l’offre de contenu proposé viennent légitimer sa disparition.

« Cela me paraît être une bonne idée, cette taxe est un peu désuète aujourd’hui alors que de moins en moins de personnes possèdent un poste de télévision ou un lecteur DVD. (Gauche) »
« C’est une annonce qui me plaît. Je ne comprends pas pourquoi payer pour quelque chose qu’on n’utilise pas forcément. (LREM) »
« C’est une bonne mesure qui soulagerait le pouvoir d’achat car je trouve que cette taxe est très chère pour le peu que je regarde ces chaines (Droite) »
« Vu la qualité des programmes TV et le peu qu’on regarde aujourd’hui il me semble… Les plateformes et internet ont, de plus, pris le dessus. (Extrême Droite) »
« Une bonne [opinion]. Cette redevance est une ineptie sans nom. Autant à l’époque où elle a été mise en place pas de souci. Mais depuis longtemps elle aurait dû être supprimée. (Sans parti) »

 Certaines voix s’inquiètent néanmoins de la disparition de cette source de recettes pour l’Etat qui fait craindre l’apparition d’un impôt nouveau ailleurs.

« Je ne réagis pas car forcément on va nous faire payer ce « cadeau » autrement et surtout peut être 2 fois plus. (Sans parti) »

Surtout le financement de l’audiovisuel public et sa pérennité constituent une préoccupation certes minoritaire dans l’échantillon mais qui traverse néanmoins toutes les sensibilités politiques. Ces interviewés attendent avec cette mesure une explication autour des moyens que l’audiovisuel public aura pour fonctionner.

« C’est une bonne mesure pour notre portefeuille, mais ça me fait craindre l’avenir de France TV. (Gauche) »
« Cela favorise le "privé » et la recherche de bénéfices, d’intérêts financiers. Est-ce que cela ne va pas mettre un coup d’arrêt à certains programmes culturels qui ne drainent pas beaucoup de monde. Je pense à des émissions sur la culture au sens large. (Droite) »
« Il faut bien se dire que cela signe l’arrêt de mort de l’indépendance de ton de la télé du service public… ! On sait depuis longtemps que cela craint niveau finances chez France TV (suppression récente de France O de l’Outre-mer), donc supprimer cette manne financière revient à les laisser à la merci de la volonté du pouvoir en place pour obtenir des subventions ! (Extrême Droite) »
« C’est absurde. Il est impératif d’avoir un service public de l’information qui ne dépende pas d’intérêt privé. On le voit bien avec TF1 d’abord, puis de manière magnifiée avec l’offensive Bolloré que les chaînes privées n’ont aucun intérêt à véhiculer de l’information fiable. Si c’était pour financer l’audiovisuel public autrement, ça se débat et ça se réfléchit, mais c’est clairement pour torpiller l’audiovisuel public, déjà bien mis mal en point par Sarkozy (avec l’interdiction de la publicité, source de recettes). (Sans parti) »

4. Au total, 3 semaines avant l’élection, la perception d’un candidat sans compétiteur capable de gagner, que la plupart s’attend à voir réélu mais confronté à un important socle de défiance

Personne dans notre communauté, quelle que soit la famille politique, gauche, droite, extrême droite, ne semble croire qu’un autre candidat puisse l’emporter, tant l’offre politique alternative paraît défaillante et la guerre en Ukraine anesthésiante. Au sein de notre communauté de citoyens, la plupart considère qu’Emmanuel Macron sera réélu.

« Pas besoin d’en faire plus car il a déjà gagné. Sa stature d’homme d’Etat renforcé par la guerre en Ukraine montre qu’il a peu de rivaux (LREM) »
« J’ai toutefois l’impression que son entrée en campagne n’était pour lui qu’une formalité, et que toute la campagne en général pour les élections présidentielles tourne autour du fait qu’il sera évidemment réélu (Gauche) »
« On a l’impression que l’on ne pourra pas lui échapper !!! Que tout est joué d’avance et que l’on n’y peut rien changer… (Sans parti) »
« Je n’ai même pas l’impression qu’il essaye de défendre son bilan… chose qu’il aurait dû faire sans la guerre ! Il survole complètement les autres candidats, qui se battent pour la 2e place. (Extrême droite) »
« J’ai l’impression que la partie est jouée d’avance donc je n’ai plus beaucoup d’intérêt. C’est comme d’avoir vu la fin du film avant le reste. (Extrême Droite) »

Mais en parallèle, il nous parait important de souligner le fond de défiance sur lequel les postures sont construites : hormis les LREM/Modem de notre échantillon et quelques sympathisants de droite, les autres citoyens expriment une forme de défiance à l’égard du président sortant, alimentée pour partie par un sentiment de promesses non tenues et de « campagne volée ».

« J’ai retenu beaucoup de promesses comme en 2017. Je crains qu’elles ne soient mises en application aussi peu que ces cinq années. Il revient sur pas mal de choses qu’il a faites, comme remettre plus de maths au lycée. En fait, il dit ce que les électeurs ont envie d’entendre sauf la retraite à 65 ans (Droite) »
« Aussi, mais comme d’habitude, bon nombre des annonces qu’il fait se transformeront en promesses non tenues (égalité femmes-hommes comme grande cause du quinquennat, baisse des émissions de CO2, revalorisation du point d’indice des fonctionnaires…) puisque l’objectif est surtout de rassembler des électeurs. (Gauche) »
« Entre l’abstention record annoncé et le 2e tour Macron/Le Pen qui se profile quel est le crédit à accorder à cette probable élection de Macron ? Certes, il risque d’être élu mais par beaucoup d’électeurs qui ne partagent pas ses idées. Un électorat (en partie) qui fera surtout barrage à Marine le Pen au 2e tour. Ça promet une sacrée mobilisation dans les rues post-élection. Bis repetita (Droite) »

Autant les jugements sur les mesures phares du président-candidat sont complexes et nuancés, autant les jugements sur sa personne sont clivés et pilotés par les sensibilités politiques des membres de la communauté : entre le « Président des riches » et le « réformateur courageux », il n’y a pas de place pour la nuance.

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