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Note

Le Référendum d’Initiative Citoyenne Délibératif

Le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) répond au désir des citoyens d’être plus souvent consultés en leur donnant non seulement le choix des réponses, mais aussi celui des questions. Les risques associés à cette procédure sont cependant nombreux : affaiblissement des élus, manque de délibération, forte exposition aux manoeuvres démagogiques… Pour tirer les bénéfices démocratiques du Ric et en maîtriser autant que possible les risques, Terra Nova a exploré les solutions adaptées à l’étranger par les pays qui pratiquent ce type de procédures. Parmi les nombreux enseignements de cette exploration, nous mettons en exergue une proposition inédite en France : un RIC « délibératif » combinant étroitement démocratie directe et démocratie participative.
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Introduction

Le Référendum d’initiative citoyenne (RIC) passe pour être l’une des principales revendications des « gilets jaunes ». Et, de fait, elle a les faveurs de ce mouvement mais aussi, plus généralement, d’un grand nombre de Français, comme le référendum dans son ensemble qui jouit d’une popularité singulière [1] . Mais, derrière ce soutien important, se dissimule un enjeu majeur: il n’existe pas un RIC mais bel et bien une multitude de RIC possibles et tout autant de conséquences pour l’équilibre de nos institutions démocratiques.

L’idée n’est pas nouvelle. Récupérée par le Front national qui l’a inscrite à son programme en 1988, elle a d’abord été portée par des représentants de la gauche autogestionnaire dans les années 1970, par le candidat écologiste Brice Lalonde en 1981, par l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing en 1984 [2] , puis par Michel Rocard en 1995 et par beaucoup d’autres encore…

La création d’un référendum d’initiative partagée (RIP) lors de la révision constitutionnelle de 2008 a été à la fois l’aboutissement de ce débat et son avortement : les conditions de réalisation du RIP sont en effet tellement difficiles à réunir qu’il n’a pu donner lieu à aucune concrétisation depuis. À force d’entourer l’initiative citoyenne de précautions et de préventions, on a fini par l’étouffer. Et elle ressurgit aujourd’hui avec une force nouvelle.

Le RIC présente plusieurs vertus. La première est de donner corps à une démocratie directe reconnue en droit depuis 1789 mais toujours savamment empêchée ou placée dans la main d’un pouvoir exécutif qui, en France, conserve le quasi-monopole de l’initiative en la matière. Or cette expression démocratique est devenue plus nécessaire que jamais face à un régime marqué par l’hégémonie de l’exécutif et l’affaiblissement historique des contre-pouvoirs parlementaires. Elle répond en outre au désir des citoyens de donner plus souvent leur avis, en ayant non seulement le choix des réponses mais aussi celui des questions : alors que l’expression publique de leurs opinions n’a jamais été aussi facile et que les réseaux sociaux ne cessent de solliciter le jugement et la notation de leurs millions d’usagers, beaucoup ont le sentiment d’être injustement tenus en lisière du choix public dans bien des domaines. Elle répond pour cela au déclin progressif du prestige et de l’autorité du gouvernement représentatif : face à une population toujours plus éduquée et plus disposée à s’exprimer, et face à une crise durable de la « confiance politique », la seule élection des représentants paraît de plus en plus insuffisante à satisfaire les attentes démocratiques.

Mais les problèmes soulevés par le RIC sont également nombreux et redoutables. Tout d’abord, cette procédure peut déboucher sur un affaiblissement des autorités démocratiquement élues : non seulement les parlementaires se trouvent ainsi court-circuités, mais le président de la République lui-même. La multiplication des consultations référendaires peut avoir en outre des effets potentiellement incontrôlables et contradictoires. Alors que le référendum, en France, a été conçu et utilisé comme un moyen de contourner le Parlement, le RIC risque de parachever cette tendance, alors même que le Parlement est considérablement affaibli. Enfin, comme toutes les procédures de démocratie directe, le RIC souffre d’un défaut de délibération préparatoire au vote et ouvre la voie à toutes les manœuvres démagogiques. Le développement du RIC pose en somme le problème de la bonne articulation entre démocratie directe, démocratie représentative et démocratie participative.

La présente étude s’efforce de poser les conditions qui permettraient de tirer tous les bénéfices du RIC tout en maîtrisant autant que possible les risques qu’il représente. Pour cela, nous commençons par exposer brièvement les principes susceptibles de légitimer en droit un référendum d’initiative citoyenne (1.). Puis nous détaillons les différents risques qu’il comporte (2.). Ensuite, nous envisageons les solutions qui ont été adoptées à l’étranger par les pays qui pratiquent ce type de référendum (3.). Enfin, nous formulons un certain nombre de propositions pour développer, dans le cadre français, un « RIC délibératif » (4.).

Nous entendons par « RIC délibératif » le fait a) que toute la procédure du RIC doit permettre, notamment par le nombre de signatures et de voix requis, les délais prévus entre les différentes étapes et le financement de la campagne, de larges débats dans l’ensemble de la société sur cette initiative ; b) et surtout que ces débats soient éclairés par la réflexion préalable d’une assemblée qui délibère sur le texte proposé.

Notre thèse principale est en effet que, pour donner tout son sens et son efficacité à la démocratie directe et éviter ses écueils, il importe d’accompagner le processus référendaire de la constitution d’une assemblée de citoyens tirés au sort qui, avant le vote, délibère sur l’impact et les conséquences du scrutin ( cf. le schéma ci-après). Cette étape permet d’ouvrir une phase intermédiaire de respiration citoyenne facilitant le débat et l’information du public tout en assurant un lien renouvelé entre souveraineté populaire, participation et représentation.

Nous avons fait le choix de nous concentrer dans les pages qui suivent sur les RIC dits législatifs et abrogatifs (que nous qualifierons de « RIC de proposition » et « RIC d’abrogation »). Cela ne présage en rien de l’éventuel intérêt des RIC constituants ou révocatoires, qui mériteraient de faire l’objet d’un travail approfondi similaire mais qui soulèvent d’autres problèmes.

1. Pourquoi le RÉfÉrendum d’initiative citoyenne est lÉgitime

1.1. La lÉgitimitÉ du rÉfÉrendum

« Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à la formation [de la loi] », souligne l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui fait pleinement partie de la Constitution de 1958. La fonction législative n’est donc pas le monopole des « représentants » : elle peut aussi être exercée directement (« personnellement ») par les citoyens eux-mêmes. L’article 3 de la Constitution de la V e République reproduit cette dualité des voies d’expression de la souveraineté du peuple : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum […] ». Ainsi, la Déclaration de 1789 et l’article 3 de notre Constitution fondent en droit la légitimité des procédures de démocratie directe et notamment référendaires, tant en matière législative que constitutionnelle.

La discussion sur la participation directe des citoyens à l’élaboration de la loi et sur sa fonction démocratique n’est donc pas nouvelle. En 1793, sous l’influence des idées de Condorcet, la Constitution de l’An I reconnaît d’ailleurs la démocratie directe en confiant aux « assemblées primaires [3]  » le pouvoir de censurer la loi dans les quarante jours suivant la proposition des députés. Jamais appliquée, cette Constitution et cette disposition seront en revanche souvent brandies par les partisans de la « législation directe » au XIX e siècle.

C’est avec le Premier Empire que les procédures « d’appel au peuple » apparaissent véritablement. Bonaparte soumet la Constitution de 1799 puis ses modifications à des plébiscites (c’était alors le nom du référendum : plebs , la plèbe, scitum , la décision). Mais il s’agit moins alors de rendre sa souveraineté au peuple que de renforcer le pouvoir napoléonien. Cet héritage explique qu’aujourd’hui le plébiscite soit présenté comme un référendum dont l’enjeu est moins la question posée que le soutien à la personne qui l’a posée. C’est à nouveau sous la forme du plébiscite que le référendum resurgit sous le Second Empire. Ces utilisations césaristes vont discréditer pour longtemps le référendum aux yeux des Républicains, et il faudra attendre 1945 et surtout la V e République pour qu’à nouveau il en soit fait usage.

La renaissance du référendum avait cependant été préparée dans l’entre-deux-guerres. De nombreux publicistes de la III e République promeuvent l’idée du référendum [4] , y compris parmi les défenseurs de la souveraineté parlementaire. Ainsi, Raymond Carré de Malberg, invoquant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, propose en 1931 de réhabiliter le référendum pour contrôler l’action du Parlement dans un régime qualifié de « parlementarisme absolu [5]  ». En effet, la légitimité du législateur procédant de la souveraineté populaire, cette souveraineté le précède et peut donc s’exprimer directement.

Cependant, sous l’effet de la professionnalisation politique et de l’émergence des partis qui accompagnent le développement du gouvernement représentatif [6] , cette conception de la souveraineté a été écartée au profit d’une sacralisation de la représentation parlementaire. Il est vrai que le référendum est alors principalement présenté comme une arme anti-parlementaire, une manière de contourner le Parlement. D’ailleurs, c’est dans cet esprit qu’il réapparaît en 1958, dans la Constitution de la V e République, outil d’arbitrage aux mains du président de la République face à un Parlement susceptible, selon les gaullistes, de se dresser face à un gouvernement qui, désormais, « détermine et conduit la politique de la Nation » (art. 20 C).

Aujourd’hui, bien sûr, le recours au référendum ne peut plus être présenté comme un moyen de tempérer le « parlementarisme absolu ». La bipolarisation et la « majoritarisation » de la vie politique ainsi que la présidentialisation du système politique de la V e République ont accentué les effets des mécanismes de « rationalisation du parlementarisme [7]  » bien au-delà de ce qui avait été envisagé par les constituants en 1958. Le pouvoir législatif du Parlement s’est, de fait, largement affaissé. Hors cohabitation, celui-ci a même largement perdu sa fonction de légitimation de l’action du gouvernement. Le « parlementarisme négatif » de la V e République, comme le désigne le constitutionnaliste Armel Le Divellec [8] , qui ne joue plus un rôle actif dans la définition de la politique de la Nation, est aux antipodes du « Parlement de l’éloquence [9]  » de la III e République, où se délibérait et s’élaborait la loi. Pour le profane, la loi ne se distingue plus guère du décret tant les orientations de la politique nationale arrêtées à l’Élysée sont presque systématiquement avalisées par la « majorité présidentielle ». La rare dissonance des voix parlementaires au sein de la majorité est aujourd’hui dramatisée, perçue comme un dysfonctionnement du système politique : la « fronde ». Dans ce contexte, et du fait de l’irresponsabilité politique du Président, la fonction de contrôle du Parlement est elle aussi devenue secondaire. Elle s’exerce essentiellement sur un personnage – le Premier ministre – qui, s’il demeure le grand coordinateur de l’action du gouvernement, n’en est pas l’inspirateur. La légitimité du gouvernement tient désormais essentiellement à la relation hiérarchique qui le lie au Président. Dans ce cadre, le contrôle du Parlement se réduit à une évaluation ex post de l’efficacité des projets présentés dans le programme du candidat élu à la présidentielle, là où il devrait plutôt mettre à l’épreuve continuellement la confiance politique conférée à l’exécutif.

À partir de 2002, le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ont accentué cette « logique ». Dès lors que les élections législatives, dans la foulée de l’élection présidentielle, ne sont plus que des élections de confirmation du choix fait au second tour de la présidentielle, le président de la République concentre de fait l’essentiel de la légitimité représentative nationale. De fait, sinon en droit, le président de la République absorbe totalement la fonction exécutive – sans avoir jamais à en supporter la responsabilité devant le Parlement.

Dans ces conditions, la participation directe des citoyens à l’exercice du pouvoir législatif n’est plus une arme contre le « parlementarisme absolu » mais plutôt une soupape démocratique dans le cadre d’un « présidentialisme absolu » ; elle peut venir revivifier un espace politique réduit comme peau de chagrin autour de la personne du président de la République. Car, en articulant la puissance du politique à la seule élection présidentielle, la V e République a fini par fragiliser le système démocratique dans son ensemble et porté atteinte à sa capacité à assurer ses fonctions de résolution et de pacification des conflits politiques. Si le Président bénéficie par fonction d’une sorte de charisme d’institution, toute faiblesse ou contestation se paie cash, immédiatement, avec des effets sur l’ensemble du système politique. Dès lors que les conflits ne peuvent s’exprimer ou se résoudre ni par la discussion parlementaire, ni par la censure et donc le changement de gouvernement, ils se déploient dans d’autres arènes et par d’autres moyens – hier les grands mouvements sociaux (mai 1968, décembre 1995, manifestations contre la réforme des retraites de 2003, contre la loi travail en 2016), aujourd’hui les « gilets jaunes » – qui échappent aux représentants, sans possibilité de débouchés politiques institutionnels.

1.2. L’initiative citoyenne

Pour corriger les biais du présidentialisme majoritaire, le recours au référendum ne peut être laissé ni à la seule initiative de l’exécutif, ni à la seule initiative de la majorité des députés [10] . C’est pourquoi il faut envisager d’autres formes d’initiative en la matière, dont le référendum d’initiative citoyenne .

Le principe de l’initiative citoyenne a déjà été reconnu dans le droit européen par le traité de Lisbonne (TUE, art. 11), qui permet à un rassemblement d’au moins 1 million de citoyens provenant d’au moins quatre pays de l’Union de soumettre leur initiative à la Commission européenne, qui dispose alors de trois mois pour l’examiner et décider ou non d’y donner suite. Mais cette procédure ne débouche pas sur une consultation populaire et n’a aucun caractère contraignant. De même, la réforme constitutionnelle de 2008 a consacré le principe d’un référendum d’initiative partagée (art. 11 C). Cette procédure requiert le soutien de 185 parlementaires et de 10 % des inscrits sur les listes électorales, soit environ 4,6 millions d’électeurs ! Trop exigeantes, ces conditions n’ont jamais permis qu’un RIP soit organisé. Il n’en reste pas moins que ce référendum d’initiative partagée a permis la reconnaissance partielle de l’initiative citoyenne, dont il a toutefois dénié l’autonomie – puisque le processus doit être initié par des parlementaires.

Si rien ne justifie que la démocratie puisse se réduire à la démocratie directe, tout plaide en revanche pour que les institutions de la V e République ne la condamnent plus ou qu’elles cessent de la priver d’effectivité. Car le référendum d’initiative citoyenne (RIC) est surtout un moyen de revitaliser la vie démocratique, voire de l’apaiser. Il pourrait d’ailleurs, et pour les mêmes raisons, être accompagné d’un droit d’interpellation des représentants ouvert aux citoyens, leur permettant d’obtenir par la voie d’une pétition l’inscription à l’ordre du jour du Parlement d’une question, d’un débat, voire d’une proposition de loi [11] . Parce qu’il donne la parole aux gouvernés et contraint les gouvernants à leur apporter publiquement une réponse, le droit d’interpellation citoyenne conforte la démocratie et la citoyenneté.

L’interpellation citoyenne, comme le référendum, est intimement liée à notre histoire constitutionnelle. Présente sous la forme de « réclamation » dans le préambule de la Déclaration de 1789, elle s’est matérialisée dans un droit de pétition permettant aux citoyens de s’adresser au Parlement dès la constitution de 1791. Ce droit s’est maintenu au fil des siècles, malgré le fait qu’il ait perdu aujourd’hui son effectivité.

Si l’interpellation citoyenne n’est pas une idée neuve, elle doit prendre aujourd’hui des formes nouvelles. En réalité, cette mutation est déjà en germe même si ses traductions institutionnelles sont jusqu’à présent très décevantes. L’interpellation citoyenne a ainsi été introduite devant les assemblées délibérantes des collectivités locales par la réforme constitutionnelle de 2003, mais la loi nécessaire à sa mise en œuvre n’a jamais été adoptée, rendant la réforme largement inopérante. De même, la révision constitutionnelle de 2008 a introduit la possibilité de saisir par voie de pétition le Conseil économique, social et environnemental, sans grand effet jusqu’à présent tant les conditions sont contraignantes et les débouchés aléatoires…

1.3. DÉmocratie directe et dÉlibÉration

Les opposants au RIC mettent souvent en avant l’idée que la démocratie directe peut entraîner des décisions impulsives, peu réfléchies et sujettes à toute forme de manipulations démagogiques. De fait, dans sa version la plus commune, le référendum laisse en effet peu de place à la délibération organisée. Réagissant au projet de plébiscite visant à modifier la Constitution impériale en mai 1870, Jules Grévy faisait déjà observer que la « volonté nationale » ne pouvait surgir de la consultation de « citoyens interpelés isolément, sans concert, sans discussion, sans initiation, ne pouvant ni proposer une modification, ni exprimer spontanément leur pensée, forcés de répondre passivement par oui ou par non à une question qui les place entre l’abîme et le fait accompli ». Dans le même ordre d’idées, Léon Gambetta ajoutait, lors du même débat : « Pour que le peuple prenne science et conscience, il faut qu’il y ait eu débat, il faut qu’il y ait eu controverse, il faut qu’il y ait eu discussion [12] . »

Ces arguments semblent de prime abord prolonger les thèses « élitistes » de la démocratie. En réalité, c’est sur la nécessité d’une véritable délibération qu’ils insistent, peu importe que l’auteur de la loi soit in fine le peuple ou une assemblée parlementaire. Il est vrai que le principe du RIC implique nécessairement de prolonger la confiance faite aux citoyens au-delà de la décision de choisir leurs gouvernants. Cela ne suppose pas pour autant de dissimuler la faiblesse de la démocratie directe en matière de délibération. A fortiori dans un espace public aussi déstructuré que celui que nous connaissons aujourd’hui ( fake news , etc.), il convient de ne pas sous-estimer les risques inhérents à ce type de procédure. Le risque est réel et doit être pris en compte.

Toutefois, l’initiative citoyenne n’est pas nécessairement comptable en elle-même de ces défaillances. De récents référendums ont largement illustré ce type de risques (on pense notamment au Brexit) alors qu’ils n’étaient nullement issus d’une initiative citoyenne. On peut même dire que, parce qu’elle évacue le risque du biais plébiscitaire (vote positif ou négatif sur la personne ou l’autorité qui soumet la question plutôt que sur la question elle-même), l’initiative citoyenne neutralise une partie du problème.

Surtout, on aurait tort de réduire le RIC à une procédure de démocratie directe : rien n’interdit d’imaginer qu’il puisse s’accompagner, entre le recueil des souscriptions requises et le suffrage lui-même, d’une phase participative et réflexive en donnant lieu à une délibération organisée. Le principe qui sous-tend l’organisation de cette délibération peut se formuler de la manière suivante : tout comme les parlementaires, les citoyens doivent se donner à eux-mêmes, avant de voter, la conscience raisonnée des conséquences de leur décision . C’est pour donner corps à ce principe que nous proposons de créer, comme cela se fait dans plusieurs pays, une assemblée de citoyens tirés au sort, à qui sera confiée la mission de mettre la question en état d’être tranchée : documenter son impact (budgétaire, économique, réglementaire, environnemental, sociétal, etc.) et rédiger un rapport précisant les conséquences de chaque option, texte qui sera ensuite communiqué aux électeurs avec le matériel électoral.

2. Quels sont les risques associÉs au RIC ?

Les critiques adressées au référendum, qu’il soit ou non d’initiative citoyenne, ne manquent pas : la démocratie directe prêterait le flanc au règne de la démagogie et des émotions ; elle soumettrait des questions d’une grande complexité à des citoyens insuffisamment informés des conséquences de leur choix collectif ; elle réduirait des débats sophistiqués à un choix binaire et biaisé ; elle courrait le risque de dérives plébiscitaires ; elle délégitimerait la démocratie représentative parlementaire ; elle exposerait à une forme d’inflation électorale et à une succession de choix plus ou moins incohérents ; elle validerait l’idée d’une classe politique inutile, voire nuisible…

2.1. Le rÈgne de la dÉmagogie et des manipulations

Parce qu’elle supprime la plupart des filtres habituels dans l’élaboration des normes, la consultation directe des citoyens – a fortiori en cas d’initiative citoyenne – peut ouvrir la voie à de nombreuses manœuvres démagogiques. L’impopularité croissante de l’impôt pourrait ainsi déboucher sur des initiatives référendaires visant à supprimer des taxes sans se soucier de l’équilibre des finances publiques, alors même qu’une majorité de citoyens restent attachés à la qualité des services publics et des systèmes de protection sociale, lesquels sont financés par les prélèvements obligatoires, dont les impôts.

Ce mouvement pourrait en outre trouver le soutien direct ou indirect de puissants lobbies désireux de faire reculer l’intervention de l’État en matière fiscale et réglementaire (normes sanitaires, environnementales, administratives, etc.) et de « stimuler », voire de corrompre l’initiative citoyenne en mettant à son service des relais, des moyens de communication, des ressources financières, etc. On peut aussi redouter sérieusement une manipulation massive de l’opinion via les algorithmes et les réseaux sociaux, par des pays ou des personnes qui sont déterminés à semer la zizanie dans un État pour le déstabiliser et pour porter leurs alliés au pouvoir, comme la Russie lors des élections américaines ou comme Steve Bannon qui a déclaré vouloir appliquer à l’Europe les méthodes qu’il a utilisées aux États-Unis pour promouvoir des idées d’extrême droite [13] . Le développement des techniques digitales d’influence sur l’opinion ( astroturfing [14] , etc.) fournissent d’ores et déjà de puissants leviers à ces stratégies.

2.2. La complexitÉ des questions

Certaines questions seraient trop complexes pour être réduites à un choix binaire et soumises au suffrage populaire. La critique porte en particulier sur le fait que les conséquences du choix sont insuffisamment connues des électeurs. Le référendum sur le Brexit au Royaume-Uni en 2016 en fournit un exemple emblématique : la suite a démontré que les options en cas de « non » n’avaient pas été sérieusement envisagées, beaucoup de citoyens ayant découvert ex post les contraintes d’un accord de sortie avec l’UE, au point qu’à la veille de cette sortie, une majorité de Britanniques, selon les sondages, s’y montrent désormais plutôt défavorables…

2.3. Les diffÉrents biais liÉs À la question

Dans de nombreuses procédures référendaires, les motivations du « non » semblent plus nombreuses et plus diverses que celles du « oui ». C’est particulièrement le cas dans des référendums déclenchés à l’initiative de l’exécutif. En 2005, le « non » au référendum sur le projet de traité constitutionnel européen a ainsi agrégé les suffrages d’un euroscepticisme très hétérogène (hostilité à une Europe libérale, à une Europe post-nationale, etc.), alors que le camp du « oui » reposait sur un réservoir de motivations plus étroit. Comme l’avait dit de Gaulle à propos des partisans du « non » en 1969, les oppositions sont souvent « diverses, disparates et discordantes », mais elles peuvent faire masse dans le refus, ce qu’elles firent précisément en 1969. De fait, en ramenant le choix politique à une alternative binaire, on risque d’y introduire une asymétrie susceptible de mettre en exergue ce que la communauté politique ne veut pas sans rien révéler de ce qu’elle pourrait vouloir. La volonté générale censée être élucidée par le référendum en sort, de ce point de vue, obscurcie.

Le caractère binaire des questions soumises à référendum – indispensable pour dégager une majorité claire – permet donc de mieux de savoir ce que le peuple refuse que ce qu’il désire. Ce biais peut être renforcé par la façon dont sont formulées les questions. Le référendum départemental sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes fournit ici un cas d’école. En proposant de répondre « oui » ou « non » à ce projet plutôt que de demander aux électeurs de trancher entre deux projets, voire entre trois options (construire cet aéroport, agrandir l’aéroport existant, voire ne construire aucun aéroport), le gouvernement n’a pas réussi à faire taire les oppositions et n’a pas été en mesure de s’appuyer sur la légitimité du suffrage pour décider la construction du nouvel aéroport.

2.4. Les dÉrives plÉbiscitaires

Le référendum est également souvent critiqué pour ses dérives plébiscitaires. Le bulletin de vote est alors utilisé non pour répondre à la question posée mais pour soutenir (ou au contraire s’opposer à) la personne ou l’institution qui la pose. Les usages césaristes du plébiscite, par nos deux Napoléon et, dans une moindre mesure, par de Gaulle, servent toujours de repoussoir aux adversaires de la démocratie directe [15] . En réalité, l’usage du plébiscite dans ces cas-là a surtout servi à légitimer des décisions politiques pour partie déjà accomplies (notamment le plébiscite du 8 mai 1870 où il s’agissait de faire approuver des réformes engagées par le gouvernement et de donner une Constitution à un régime déjà en place). Mais il a aussi rendu possibles des réformes, comme le référendum de 1962, et donné au Président les moyens de renforcer sa légitimité face au Parlement. Toutefois, dans le cas d’un RIC, la question venant du peuple lui-même, cette critique peut être écartée a priori . Il demeure qu’un usage démagogique et favorable à un groupe ou un leader politique reste envisageable.

2.5. La dÉlÉgitimation des parlementaires

Le référendum dans sa forme moderne a été conçu et débattu, singulièrement dans les années 1870–1880 et dans l’entre-deux-guerres, comme un instrument destiné à limiter le pouvoir du Parlement, voire comme un outil antiparlementaire. Les bonapartistes, les boulangistes, les blanquistes et même les premiers socialistes (inspirés par le souvenir de la Constitution de 1793 et par les thèses de Victor Considérant) soutinrent tour à tour le référendum sous ses différentes formes [16]  : plébiscite, « législation directe », «  jus ad referendum  », « veto populaire »… Ils y virent l’instrument d’un appel au peuple contre une représentation parlementaire jugée alternativement oligarchique, bavarde, inactive, voire corrompue. Les gaullistes reprendront plus tard certains de ces arguments.

Mais, comme on l’a dit, la critique de la surpuissance du pouvoir parlementaire n’est plus vraiment d’actualité. Au contraire, le Parlement est extrêmement affaibli et n’est plus qu’en droit et non en fait le lieu où se formule la volonté générale. Dans ces conditions, favoriser la pratique de la démocratie directe risque de le discréditer plus encore. À quoi bon des députés si la loi peut être votée directement par le peuple et si, le reste du temps, elle est fabriquée par l’exécutif ?

2.6. Le risque d’inflation Électorale

En favorisant la démocratie directe et en libérant l’initiative citoyenne, on doit envisager le risque d’une inflation de consultations électorales que rien ni personne ne pourrait arrêter. Cette inflation pourrait être encouragée par les progrès des procédures de signature numérique (via la blockchain , par exemple) qui permettront peut-être un jour à chacun de voter depuis son salon avec un simple boîtier sécurisé. La possibilité de s’exprimer directement et quotidiennement via les réseaux sociaux, de donner son avis sur tous les sujets, d’approuver ou de désapprouver d’un clic et de se compter sans cesse répand déjà dans l’opinion l’idée qu’il ne serait pas si compliqué de voter chaque jour et à tout propos : elle fait toucher du doigt l’utopie d’une élection numérique permanente et d’un espace politique perpétuellement immédiat à lui-même. Le RIC ne ferait que donner forme juridique à cette aspiration au risque de libérer des forces aussi puissantes que désordonnées. En tout cas, plus il sera simple de voter, plus la représentation parlementaire apparaîtra accessoire, plus les consultations risquent de se multiplier et, avec elles, les incohérences de choix successifs aux conséquences nombreuses et parfois contradictoires.

2.7. La disqualification de la politique

Au-delà même des parlementaires, la démocratie directe risque de discréditer l’ensemble de la classe politique. Son succès actuel dans l’opinion est d’ailleurs clairement lié au déclin de la confiance politique, comme en témoignent les dernières vagues du Baromètre de la confiance politique du Cevipof. Ce risque est d’autant plus grand que le soutien dont bénéficie aujourd’hui le référendum se déploie sur le fond du discrédit qui frappe, outre les parlementaires, l’ensemble des élus (à l’exception des maires, semble-t-il).

Toutefois, si le risque de disqualification de la politique peut résulter d’un développement de la démocratie directe, il peut aussi être engendré par la mise en échec de procédures combinant démocratie directe et démocratie participative. C’est vrai en particulier dans les cas où le processus de consultation fonctionne de manière satisfaisante jusqu’au niveau du référendum mais échoue in extremis , au moment de son implémentation. Ces échecs sont en réalité assez fréquents. En témoignent, entre autres, les exemples canadiens, hollandais ou islandais ( cf. infra 3.1 . ) de réformes institutionnelles portées par une volonté populaire réelle mais enterrées ensuite. C’est que, par définition, un référendum est un événement ponctuel, après lequel la vie politique reprend son cours et revient aux arbitrages et aux instrumentalisations de la part des pouvoirs en place dans le temps continu, qu’il s’agisse du gouvernement ou des partis.

3. Comment rÉpondre aux risques ?

Comme on vient de le voir, l’essor de la pratique référendaire n’est pas sans risques. Il existe cependant des moyens de minimiser l’impact de chacun d’eux. C’est ce que nous allons examiner à présent en passant en revue un certain nombre de garde-fous mis en place à cet effet dans d’autres pays. Nous examinons dans un premier temps (3.1.) les risques attenant au manque de délibération des procédures référendaires classiques et montrons qu’on pourrait y répondre par une combinaison originale de démocratie directe et de démocratie participative. Les réponses aux autres risques font l’objet de la partie suivante (3.2 . ).

3.1. Combiner dÉmocratie directe et dÉmocratie participative

La pratique référendaire soulève deux difficultés majeures : celle d’une démocratie désintermédiée et exposée à toute sorte de manipulation ( cf. supra 2.1 . ), et celle d’électeurs confrontés à des choix dont ils ne peuvent mesurer l’ensemble des conséquences ( cf. supra 2.2 . ).

Mais l’identification de ces risques suffit à révéler la voie de leur dépassement. Ils atteignent tous deux en son cœur l’idée de démocratie directe et appellent donc à la repenser, en la combinant à la démocratie participative.

Comme on l’a évoqué dans la première partie ( cf. supra 1.3.), la démocratie directe peut en effet se combiner à la démocratie participative pour corriger les inconvénients d’une consultation électorale privée de procédures délibératives préalables suffisantes. On peut (et, d’après nous, on doit) enrichir le RIC d’un temps de réflexion collective organisée qui permette de se prémunir autant que possible contre les manipulations de l’opinion, de mieux appréhender les conséquences du choix collectif et de les porter à la connaissance des citoyens au moment de voter – en bref, de garantir au sens large la sincérité du scrutin. C’est, selon nous, la voie d’un « RIC délibératif ». Le but ainsi poursuivi est de demander au peuple souverain de se prononcer, non sur une proposition brute et nue, mais sur une proposition débattue et raisonnée collectivement, sans pour autant redonner le contrôle des opérations à ses représentants.

Pour donner corps à ce principe, nous soumettons nous-mêmes au débat la formule suivante : après la collecte des signatures requises et le contrôle de constitutionnalité de la proposition, une assemblée de citoyens tirés au sort, éventuellement accompagnés de quelques parlementaires, serait constituée pour se former au sujet, en appréhender les diverses complexités et rédiger un texte sur les conséquences de chacun des deux choix possibles, ce texte étant ensuite publié et joint au matériel électoral ( cf. infra 4.7.).

Cette idée est, en réalité, loin d’être nouvelle. Plusieurs États se sont déjà orientés dans cette direction sous des formes assez diverses. En effet, des expériences voisines, dont nous pourrions nous inspirer, ont été conduites, notamment au Canada (en Colombie-Britannique et en Ontario), aux États-Unis (dans plusieurs États, notamment l’Oregon), en Islande, aux Pays-Bas ou encore en Irlande. Dans ces expériences, l’enjeu, le contexte et l’issue du référendum varient fortement mais il est, chaque fois, fait recours au travail d’une assemblée de citoyens pour préparer le choix collectif et éclairer le suffrage.

3.1.1. Islande : l’assemblée constituante de 2011

En Islande, à la suite de la crise financière de 2008 et de ses conséquences économiques, sociales et politiques, une loi a prévu l’élection d’une assemblée constituante (AC) composée de 25 membres. 1 000 personnes sont préalablement tirées au sort pour rédiger un cahier des charges, puis un comité de 7 personnes prépare le travail de l’AC. En novembre 2010, 552 personnes se portent candidates à l’AC et 25 sont élues. Cette élection est finalement invalidée en janvier 2011. Mais, en mars, le Parlement décide de confier à ces 25 personnes la mission de proposer des recommandations pour une nouvelle Constitution. Ce qu’elles font. En octobre 2012, le projet de Constitution est soumis au peuple, sous la forme de six questions indépendantes. Le « oui » l’emporte pour chacune des questions, avec une participation de 49 % des inscrits. Mais il faut encore que le Parlement l’approuve. Ce qui n’aura jamais lieu.

3.1.2. Colombie-Britannique : l’Assemblée des citoyens sur la réforme électorale

En Colombie-Britannique, en Ontario et aux Pays-Bas, des assemblées de citoyens ont été constituées pour préparer des réformes du mode de scrutin. L’exemple le plus intéressant est celui de la Colombie-Britannique en 2004 [17] . Une assemblée citoyenne, comprenant 160 personnes tirées au sort sur les listes électorales, est constituée sous l’égide la commission électorale. L’enjeu est de modifier lesystème en usage pour les élections législatives (vote uninominal à un seul tour). Dans une première phase, dite d’information, les participants ont suivi, pendant six week-ends, des cours et conférences faits par des professionnels et diverses parties prenantes, pour expliquer les enjeux et les différentes possibilités de réforme. Ils ont pu aussi, à cette occasion, discuter longuement entre eux pour commencer à envisager la suite. Dans une deuxième phase, dite de consultation, les participants ont organisé des réunions publiques dans leurs villes et villages d’origine. 60 réunions locales ont permis de recueillir 1 600 contributions en provenance de toutes les régions de la province. Dans une troisième phase, dite de délibération et durant six week-ends, ils se sont réunis afin de préparer une recommandation finale. À l’issue de cette troisième phase, l’assemblée a produit une recommandation précise : l’adoption, pour les élections législatives, d’une variante du système australien de vote unique transférable.

Cette proposition a fait ensuite l’objet d’un référendum, le 17 mai 2005. Elle a recueilli 58 % d’avis favorables. Mais le gouvernement s’était engagé à appliquer la proposition de l’assemblée à la condition qu’elle obtienne au moins 60 % d’avis favorables. La réforme ne fut donc pas adoptée, malgré un net soutien majoritaire. L’ensemble du processus a été suivi soigneusement et est très bien documenté [18] . Il apparaît que la qualité du travail de l’assemblée citoyenne est excellente. Si la procédure a fini par échouer, c’est surtout parce que l’enjeu a finalement été capturé par les intérêts politiciens du moment. Le même constat peut être fait à propos des initiatives ultérieures similaires en Colombie-Britannique (2009 et 2018), en Ontario (2007) et aux Pays-Bas (2006), qu’elles aient ou non abouti à référendum.

3.1.3. Irlande : la Convention constitutionnelle et l’Assemblée des citoyens

Le parlement irlandais a institué en 2012 une convention constitutionnelle indépendante de 100 membres (66 citoyens tirés au sort, 33 parlementaires désignés en proportion des groupes de la chambre basse et un magistrat nommé par le gouvernement, qui en assurait la présidence). Et il lui a demandé de formuler des recommandations sur une série de réformes constitutionnelles (comme l’âge de la citoyenneté, la durée du mandat présidentiel, le mode de scrutin, le mariage entre personnes de même sexe ou la décriminalisation du blasphème). Le gouvernement n’était pas tenu par ces recommandations mais avait obligation d’y répondre, dans un délai de quatre mois, et d’indiquer s’il entendait les soumettre à référendum.

Les recommandations adoptées par la convention ont débouché, à partir de 2015, sur une série de référendums. Le plus marquant a porté sur le mariage entre personnes de même sexe, qui a été finalement approuvé.

À la suite de cette expérience a été instituée en 2016 une Assemblée des citoyens composée elle aussi de 100 membres (99 citoyens représentatifs tirés au sort et, en qualité de président, un magistrat nommé par le gouvernement). Celle-ci a reçu pour mandat de faire des propositions sur plusieurs sujets, dont l’interruption volontaire de grossesse, les défis et opportunités du vieillissement, les politiques à développer pour faire face au changement climatique et les procédures de référendum. Les propositions de cette assemblée ne sont pas contraignantes. Ses membres votent, et les nombres de voix pour et contre une proposition sont publiés.

La recommandation d’autoriser inconditionnellement l’avortement, adoptée par 64 % des voix, a conduit le gouvernement à soumettre la proposition à référendum. En mai 2018, celle-ci a été approuvée par 66 % des voix. En matière de changement climatique, l’assemblée s’est prononcée à 97 % pour faire de cette cause une priorité de l’action publique et à 80 % pour l’augmentation de la fiscalité carbone (sous la double condition que les recettes soient exclusivement consacrées à la transition écologique et que les ménages en situation de précarité énergétique ne subissent pas de perte de revenu).

Cette expérience a donc débouché sur des décisions de grande portée sur plusieurs sujets a priori très controversés. L’Assemblée des citoyens a fonctionné à la manière d’une conférence de consensus (sur chaque sujet, elle a consulté une série d’experts). Mais elle a aussi invité les citoyens et les associations à lui soumettre avis et questions. Toutes ses auditions et délibérations ont été publiques, comme l’ont été toutes les contributions qu’elle a reçues. Elle a donc joué un rôle démocratique propre.

Ses apports principaux ont été :

– de révéler, sur des sujets difficiles, des consensus latents au sein de l’opinion que les méthodes traditionnelles (sondages, focus groups ) ne permettaient pas de déceler ;

– de susciter des débats publics à partir de propositions jugées légitimes parce que ne souffrant a priori pas de biais de partialité, plutôt qu’à partir des positions traditionnelles des partis ;

– de clarifier les choix offerts à la collectivité en organisant une délibération approfondie appuyée sur des avis d’experts ;

– d’offrir aux citoyens un canal d’intervention dans l’élaboration des recommandations adressées au gouvernement.

3.1.4. Le « Oregon system »

Les États-Unis et la Suisse offrent de nombreux exemples de démocratie directe ou consultative. Ces deux pays sont des fédérations. Mais, alors que la Suisse admet l’initiative populaire pour les questions relevant du niveau fédéral, ce n’est pas le cas des États-Unis, ce qui y limite l’étendue pratique de la démocratie directe. L’État de l’Oregon (4 millions d’habitants) est probablement le plus avancé en termes de démocratie directe, qu’il pratique depuis le début du XX e siècle. Son histoire montre les difficultés et les possibilités de ce qui est quelquefois appelé Oregon system . La qualité des propositions mises aux voix (et acceptées) et la fraude dans la collecte des signatures ont, un moment, érodé la confiance dans ce système. [19] Le cas de la Californie [20] est assez semblable et a conduit à une certaine désillusion par rapport au « gouvernement par initiative ».

Pour chercher à limiter ces dérives, la procédure dite Citizen Initiative Review [21] a été créée. Il s’agit d’une assemblée délibérative populaire de 25 personnes tirées au sort, ayant pour objet de produire l’information nécessaire aux citoyens avant leur vote. Elle a donc lieu après l’émergence et la rédaction d’une initiative populaire, et avant sa mise au vote. De telles assemblées existent dans plusieurs endroits mais, dans le cas de l’Oregon, elle fait partie intégrante du processus législatif, et ses recommandations figurent dans le matériel de vote officiellement fourni aux électeurs [22] . Typiquement, elle produit pour un référendum d’initiative populaire une note d’une page comprenant la description, hiérarchisée, des principaux enjeux, les principaux arguments pour le « oui », les principaux arguments pour le « non », et le nombre de membres de l’assemblée ayant été convaincus par chacune des options.

Aucune de ces expériences ne peut être rigoureusement copiée et transférée à la situation française. Mais elles soulignent que la démocratie directe peut être avantageusement enrichie par un exercice de démocratie participative pour organiser, en amont du vote, une délibération collective qui éclaire le jugement des citoyens. Cette procédure se révèle utile, sous des modalités différentes selon qu’il s’agit de référendums nationaux ou d’améliorer la démocratie directe locale dans les pays qui la pratiquent. Elle peut donc être adaptée pour un RIC délibératif à la française.

3.2. RÉpondre aux autres risques identifiÉs

La combinaison de démocratie directe et de démocratie participative permet de limiter les risques liés aux manipulations démagogiques et à la complexité des questions. Mais il faut aussi répondre aux autres risques pointés plus haut ( cf. supra 2 . ). Là encore, les exemples étrangers méritent toute notre attention. La plupart des démocraties qui ont développé des procédures de RIC les ont enserrées dans de nombreuses conditions, qui jouent le rôle de garde-fous. Ces conditions se déploient autour de six dimensions principales : le nombre de souscriptions requises (3.2.1.), la fonction du référendum (3.2.2 . ), la validité de la question posée (3.2.3 . ), les protocoles de vérification (3.2.4 . ), les conditions de validation du résultat (3.2.5 . ) et la portée du résultat (3.2.6 . ).

3.2.1. Le nombre de souscriptions requises et le délai pour les réunir

Le nombre de souscriptions requises pour déclencher la procédure référendaire varie sensiblement d’un pays à l’autre. Ce nombre peut être absolu (Hongrie, Italie, Liechtenstein, Lituanie, Pays-Bas, Russie, Suisse), relatif au nombre d’inscrits (Croatie, Nouvelle-Zélande), ou relatif au nombre de votants à la dernière élection (Californie).

Certains pays mettent une limite de temps à la collecte des signatures, avec une grande variabilité (de quinze jours pour la Croatie à dix-huit mois pour les initiatives populaires fédérales en Suisse).

Le nombre de souscriptions à requérir doit être suffisamment élevé pour limiter l’inflation électorale ( cf. supra 2.6.), mais suffisamment bas pour qu’il ne constitue pas un obstacle insurmontable.

S’y ajoute parfois une seconde condition : approbation du Congrès (Pays-Bas), bonne représentation géographique (Russie).

Quelques exemples à l’étranger Croatie (4,2 millions d’habitants) : il faut réunir les signatures de 10 % des inscrits dans une période de 15 jours.– Hongrie (9,8 millions d’habitants) : le référendum est obligatoire avec 200 000 signatures d’électeurs, et facultatif (décision prise par le Parlement de le tenir ou pas) avec 100 000 signatures d’électeurs.– Italie (59,4 millions d’habitants) : il faut réunir les signatures de 500 000 électeurs en 90 jours, entre le 1 er janvier et le 30 septembre de l’année en cours.Il existe également des référendums d’initiative locale.– Liechtenstein (36 475 habitants) : pour un référendum facultatif, il faut 1 000 signatures en 30 jours (et 1 500 pour les modifications de la Constitution ou les traités internationaux).– Lituanie (3,6 millions d’habitants) : il faut réunir les signatures de 300 000 électeurs inscrits (ou d’un quart des membres du Parlement) en 3 mois.– Pays-Bas (17 millions d’habitants) : il faut 300 000 signatures, ainsi que l’approbation de l’ensemble des deux chambres.– Russie (143 millions d’habitants) : il faut réunir 2 millions de signatures dans un délai de 2 mois, avec au moins 42 régions représentées et pas plus de 50 000 signatures dans une région. La question doit être approuvée par la commission électorale centrale.– Suisse (8 millions d’habitants)  ▪ Référendum facultatif abrogatoire : 50 000 signatures en 100 jours. ▪ Initiative populaire fédérale pour proposer une modification de la Constitution : 100 000 signatures en 18 mois. ▪ Initiative populaire cantonale (proposition de nouvelle loi ou d’un amendement) : le nombre de signatures nécessaire est spécifié dans la constitution cantonale. ▪ Initiative communale : le nombre de signatures requis dépend de la municipalité (par exemple, Zurich, Bâle, 3 000 ; Genève, 4 000 ; Lucerne, 800).– Nouvelle-Zélande (4,8 millions d’habitants) : il faut les signatures de 10 % des électeurs en 12 mois.– Californie (39,6 millions d’habitants) : le nombre de signatures requis est de 5 % (ou 8 % pour un amendement de la Constitution de l’État) du nombre de votants à la dernière élection au poste de gouverneur.– Arkansas (3 millions d’habitants) : il faut les signatures de 6 % des électeurs ayant voté à la dernière élection du gouverneur, pour une abrogation ; 8 % pour une initiative législative; 10 % pour une initiative constitutionnelle.Parfois, les conditions sont si difficiles (en Croatie, par exemple) qu’elles n’ont jamais pu être remplies, et qu’aucun référendum ne s’est tenu. Dans d’autres cas, les conditions sont bien plus faciles (Suisse, Californie).Le nombre de voix requis peut varier selon que le référendum est de proposition ou d’abrogation (par exemple dans l’Arkansas, cf. ci-dessus).En France, le référendum d’initiative partagée mis en place par la réforme constitutionnelle de 2008 impose un minimum de 185 parlementaires et de 10 % des inscrits sur les listes électorales (soit environ plus de 4,6 millions d’électeurs).

3.2.2. La fonction du référendum

On attribue habituellement au RIC, au niveau national, quatre fonctions possibles : législative (une proposition de loi), abrogative (abrogation partielle ou totale d’une loi), constitutionnelle (révision de la Constitution) et révocatoire (mettre fin au mandat d’un élu).

Il semble cependant plus rigoureux de procéder aux distinctions suivantes. Le RIC peut être utilisé pour une norme juridique ou pour le mandat d’un élu. Dans le second cas, c’est la possibilité de mettre fin prématurément au mandat d’un élu qui est en jeu : c’est le RIC révocatoire, plus connu sous le nom de recall , utilisé au niveau local dans certains États des États-Unis et au Japon. Il ne sera pas évoqué ici.

Lorsque le RIC concerne une norme juridique, il peut s’agir d’une norme locale (par exemple un arrêté municipal), nationale ou internationale (un traité ratifié par la France, par exemple). Nous avons fait le choix, dans cette étude, d’exclure les RIC locaux ou portant sur une loi ratifiant un traité international, qui s’inscrivent dans des cadres institutionnels spécifiques [23] , et de nous intéresser uniquement aux RIC nationaux. Ces derniers peuvent porter sur une norme juridique constitutionnelle ou infra-constitutionnelle. Nous avons toutefois décidé d’exclure des RIC nationaux ceux portant sur la Constitution (qu’il s’agisse de la modifier ou d’écrire un nouveau texte constitutionnel) qui posent des problèmes très particuliers excédant le cadre de cette étude. Notre propos porte donc uniquement sur les RIC législatifs [24] , c’est-à-dire concernant les lois ordinaires et les lois organiques [25] (qui visent à compléter ou à préciser certains articles de la Constitution).

En matière législative, il est possible d’envisager deux types de référendum : le « RIC d’abrogation » qui consiste uniquement à supprimer une loi (ou certaines de ses dispositions), et le « RIC de proposition » qui tend à l’adoption d’une nouvelle loi ou à une modification d’une loi existante. Le RIC d’abrogation présente une complexité particulière : en proposant au peuple de défaire ce qui a été fait par ses élus, il organise l’affrontement de deux sources de légitimité. De ce fait, il est opportun de requérir pour cette fonction abrogative des conditions de validité plus exigeantes que pour le RIC constructif ( cf . infra 4.2. et 4.8.).

Quelques exemples à l’étranger Parfois, un référendum d’initiative populaire ne peut être qu’abrogatoire (abrogation totale ou partielle d’une loi ou d’un acte ayant valeur de loi), c’est notamment le cas en Italie (les autres types de référendums existent mais ne sont pas déclenchés par une initiative populaire). Dans d’autres cas, il peut également être une proposition de loi. En Suisse, il est même possible de proposer un texte modifiant la Constitution.

3.2.3. La question posée peut-elle concerner tous les domaines ?

Certaines questions sont régulièrement exclues du champ du RIC. De nombreux pays excluent ainsi que leur loi de finances puisse être adoptée de cette façon. De façon plus générale, les questions fiscales peuvent également être écartées. Les projets contraires à la Constitution du pays ou à ses engagements internationaux sont en général exclus de la procédure, ainsi que, souvent, l’adoption de traités internationaux.

Pour que le processus gagne en clarté et en cohérence, on peut également exclure les questions générales à caractère non normatif. Le référendum consistant dans l’exercice de la souveraineté nationale, il ne saurait donc se réduire à une sorte de sondage d’opinion dont l’échantillon serait le corps électoral : il doit avoir une valeur décisionnelle et affecter le droit existant. Pour cette raison, pour qu’un RIC soit organisé, il doit prendre la forme d’une proposition de loi, c’est-à-dire un texte qui établit, modifie, ou supprime des règles de droit existantes, qu’il s’agisse d’abroger une loi (ou certaines des dispositions d’une loi) ou qu’il s’agisse d’en proposer une nouvelle. Comme pour toute proposition de loi examinée au Parlement, il se présente sous la forme d’un « exposé des motifs » (qui indique de façon concise les raisons pour lesquelles la proposition est soumise au peuple, l’esprit dont il procède, les objectifs qu’il se fixe et les modifications qu’il apporte au droit existant) qui est suivi d’un « dispositif », sa partie proprement décisionnelle et normative, rédigé sous la forme d’un ou de plusieurs articles.

On notera également que, dans certains pays, il est possible d’organiser plusieurs RIC en même temps, l’électeur étant appelé à se prononcer le même jour sur plusieurs questions. Cette situation n’est pas nécessairement souhaitable si l’on veut a) associer à chaque RIC une procédure combinant démocratie directe et démocratie participative via une assemblée de citoyens ( cf. infra 4.7 . ), b) limiter la dispersion de l’attention publique pour maximiser les chances d’un débat riche et d’une bonne circulation de l’information parmi les citoyens.

Quelques exemples à l’étranger Partout, la question doit respecter la Constitution (sauf lorsque c’est une initiative visant à la modifier). Dans certains cas, la Constitution impose certaines restrictions sur les questions admissibles, par exemple dans les pays suivants.– Hongrie : sont exclues les questions portant sur, notamment, les amendements de la Constitution, le budget, les impôts, les obligations découlant de traités internationaux, et les questions militaires.– Italie : sont exclues les questions de fiscalité, de budget, d’amnistie, de remises de peine, et la ratification des traités internationaux– Suisse : la question doit porter sur un sujet unique (unité de matière) et ne doit pas enfreindre les droits humains.

3.2.4. Les protocoles de vérification

Compte tenu des enjeux, il importe que les signatures puissent être vérifiées. Il ne saurait s’agir de comptabiliser des clics sur une plateforme ouverte où l’on sait que les résultats peuvent être artificiellement dopés. Pour contrôler ces signatures, on peut procéder à une vérification explicite, ou utiliser une méthode par échantillonnage (voir ci-dessous l’exemple de la Californie).

Dans de nombreux pays, la proposition soumise au référendum fait également l’objet d’un contrôle de constitutionnalité ex ante . Elle peut également faire l’objet d’un contrôle de conventionalité (conformité aux conventions internationales ratifiées par le pays concerné).

Quelques exemples à l’étranger En règle générale, une institution ou une juridiction est chargée de vérifier les signatures et (là où cela s’applique) l’admissibilité de la question.– Italie : la Cour suprême de cassation examine la validité des signatures, puis la Cour constitutionnelle s’assure de la conformité de l’objet du référendum avec la Constitution.– Russie : la question doit être approuvée par la Commission électorale centrale.– Suisse : seule l’Assemblée fédérale dispose du pouvoir d’invalider le texte d’une initiative populaire fédérale ; par ailleurs, l’Assemblée peut lui opposer éventuellement un contre-projet qui sera soumis au vote en même temps.– Nouvelle-Zélande : la Chambre des représentants détermine la formulation de la question.– Californie : la vérification des signatures est faite selon une méthode statistique. Dans un premier temps, on utilise un échantillon de 3 % des signatures ; il y a qualification si le nombre de signatures estimé à partir de l’échantillon est supérieur à 110 % du nombre de signatures requis, non-qualification s’il est inférieur à 95 %, et on procède à un décompte exact des signatures s’il est compris entre 95 % et 110 %.

3.2.5. Les conditions de validation du résultat

Les critères de validation du résultat varient également d’un pays à l’autre. Certains se contentent d’une majorité absolue de « oui ». D’autres exigent un seuil majoritaire plus élevé. D’autres encore combinent l’une ou l’autre de ces options, avec un quorum de participation minimale à l’élection. Enfin, on pourrait être tenté, pour éviter l’abstention stratégique, de fixer un seuil majoritaire de « oui » représentant au moins x % des inscrits. Un quorum suffisamment élevé peut constituer un rempart contre la manipulation d’une partie de l’opinion ( cf. supra 2.1.).On peut aussi bien sûr faire varier ces critères en fonction de la nature du référendum et de la question posée.

Quelques exemples à l’étranger En général, deux conditions sont requises pour que la question soit adoptée : une majorité de voix (sauf en Lituanie), et un taux de participation minimum (en pourcentage des inscrits). Si ces deux conditions ne sont pas réunies, le statu quo prévaut.– Hongrie, Italie : majorité de oui + participation supérieure à 50 %.– Lituanie : jusqu’en 2002, il fallait 50 % de oui par rapport au nombre d’inscrits ; depuis 2002, il suffit d’un tiers de oui par rapport au nombre d’inscrits. – Pays-Bas : majorité de oui + 30 % de participation.– Suisse : majorité de oui + majorité de cantons approuvant la question. Pas de quorum.– Nouvelle-Zélande : majorité de oui. Pas de quorum.

3.2.6. La portée du résultat

Dans certains pays, le résultat du référendum d’initiative citoyenne est d’application directe. Mais il peut aussi avoir pour effet de déclencher une délibération parlementaire ou encore un vote des parlementaires. Il est évident que plus la procédure en amont aura été exigeante, plus il paraîtra inacceptable de la cantonner à une simple fonction consultative.

Quelques exemples à l’étranger Dans certains cas, le résultat est contraignant : Hongrie (sauf si le nombre de signatures est entre 100 000 et 200000), Suisse, Californie.Dans d’autres cas, il l’est partiellement : le Parlement peut légiférer pour modifier la loi avant son adoption (d’autres États des États-Unis, Italie).Enfin, dans les autres cas, il n’est pas contraignant : Nouvelle-Zélande, Pays-Bas.

4. Propositions pour un RIC dÉlibÉratif

4.1. Initiation du processus et contrÔle de constitutionalitÉ :

Nous suggérons que la proposition donnant lieu à collecte de signatures soit préalablement déposée devant une institution indépendante en charge du processus, cette institution pouvant être la Commission nationale du débat public (CNDP). Une commission de cette institution examine alors sa recevabilité. Soit elle la juge recevable et la transmet immédiatement au Conseil constitutionnel, qui vérifie qu’elle n’est ni contraire à la Constitution (contrôle de constitutionnalité) ni incompatible avec les conventions internationales (contrôle de conventionalité) [26] , soit elle la juge irrecevable et la rejette en motivant sa décision. Dans ce dernier cas, le ou les auteurs de la pétition peuvent faire appel de cette décision devant le Conseil constitutionnel.

Si, par l’une ou l’autre de ces voies, la proposition est validée et jugée conforme à la Constitution et aux conventions internationales, la collecte des signatures peut s’engager.

4.2. Mode, nombre et calendrier des souscriptions

Nous proposons que les signatures soient recueillies et traitées sur une plateforme digitale publique et sécurisée placée sous la responsabilité de l’institution indépendante en charge du processus, par hypothèse la CNDP. Pour éviter de pénaliser les publics éloignés des usages numériques, l’enregistrement des signatures pourra se faire de deux façons : a) directement sur la plateforme via un ordinateur/smartphone personnel ; b) en mairie, avec l’aide d’un agent public. Dans les deux cas, la procédure devra être conforme aux pratiques les plus avancées en matière de sécurisation (double signature, échange de SMS, etc.).

Pour un « RIC de proposition », nous suggérons que le nombre minimum de signatures requis soit fixé à 2 % du corps électoral (soit environ 900 000 personnes actuellement). Ce chiffre est un ordre de grandeur qui peut faire l’objet de discussions. Michel Rocard proposait ainsi en 1995 qu’il se situe entre 800 000 et 1 million d’électeurs. L’essentiel est de fixer un seuil assez élevé pour nécessiter un vrai effort de mobilisation et limiter le risque d’inflation électorale ( cf. supra 2.6 . ), et suffisamment bas pour pouvoir être franchi. Les signatures devraient être réunies en moins de six mois. Là encore, de nombreuses alternatives sont possibles, mais il faut en tout état de cause fixer un délai qui rende l’exercice possible sans pour autant le faire traîner inutilement en longueur. Naturellement, rien n’empêche des groupes de citoyens de commencer à faire connaître leur intention de lancer une pétition référendaire et donc d’entrer en campagne avant le dépôt officiel de celle-ci auprès de l’institution compétente.

Un second seuil de souscriptions devrait être introduit pour les RIC d’abrogation. Nous suggérons de le fixer à 4 % du corps électoral, soit le double que pour les RIC de proposition. Cette procédure pourrait s’appliquer également aux propositions portant sur des questions fiscales ou touchant au domaine des lois organiques.

Il faudrait également prévoir des règles en cas de compétition entre plusieurs initiatives citoyennes simultanées. On pourrait ainsi décider que c’est la pétition qui a réuni le plus grand nombre de signatures qui est examinée en priorité. Ou encore qu’afin de concentrer l’attention publique et l’effort d’information et de délibération, on écarte la possibilité de campagnes sur plus de trois propositions en même temps.

4.3. Droit d’interpellation

Toute proposition de RIC n’atteignant pas le seuil de signatures requis mais obtenant quand même un nombre conséquent de soutiens (par exemple 1 % du corps électoral pour un RIC de proposition et 2 % du corps électoral pour un RIC d’abrogation ou portant sur une proposition fiscale ou une loi organique) pourrait être inscrite d’office à l’ordre du jour des assemblées. La proposition serait alors examinée en commission, c’est-à-dire possiblement amendable, puis nécessairement soumise au vote du plenum de l’Assemblée nationale.

4.4. La fonction du rÉfÉrendum

Nous avons choisi de nous concentrer ici sur les RIC de proposition et d’abrogation. Ces derniers présentant une complexité particulière (en proposant au peuple de défaire ce qui a été fait par ses élus, ils organisent, comme on l’a vu, l’affrontement de deux sources de légitimité), ils devront être soumis à des conditions de validité plus exigeantes que les RIC de proposition ( cf. supra 4.2 . et infra 4.8 . ).

4.5. ValiditÉ de la question posÉe

On pourra sortir du champ du RIC un certain nombre de questions, notamment la loi de finances et l’adoption ou la ratification de traités internationaux. Les questions fiscales feront en outre l’objet de la même procédure que les RIC d’abrogation ( cf. supra 4.2 . et infra 4.8 . ). De même que les propositions touchant au champ d’une loi organique.

Remarque sur les questions fiscales Notre groupe de travail a eu d’importants débats sur le point de savoir si les questions fiscales devaient être intégrées ou non dans le champ du RIC. Certains États étrangers les en ont exclues. On peut en effet redouter que l’abrogation par voie référendaire de certains prélèvements fiscaux, par exemple, entraîne une désorganisation des finances publiques et qu’elle s’accompagne rapidement d’un ajustement budgétaire sur les dépenses publiques avec des choix dont la popularité et les conséquences en chaîne ne sont pas garanties… En même temps, il a semblé philosophiquement difficile de soustraire l’impôt à l’arbitrage souverain du peuple. C’est pourquoi nous avons proposé de soumettre les RIC portant sur des questions fiscales à une procédure renforcée (la même que celle que nous proposons pour les RIC d’abrogation). De même, il nous semble important dans ce cas de rendre publique une étude d’impact approfondie et de faire connaître aux électeurs les conséquences potentielles de leur choix. C’est, dans notre esprit, l’une des missions de l’assemblée des citoyens que nous proposons de réunir ( cf. infra 4.7 . ).

La question posée par le RIC doit porter sur un sujet unique et respecter le principe d’unité de matière, de manière à assurer la clarté et la loyauté du scrutin.

Pour que le processus gagne en cohérence, on exclura également les questions générales à caractère non normatif. Pour qu’un RIC de proposition soit organisé, il faut alors qu’il se concentre sur une proposition ayant forme de loi.

4.6. Les protocoles de vÉrification

Plusieurs protocoles de vérification doivent être mis en place au cours de la procédure.

– Vérification des signatures. L’institution indépendante en charge du processus (par hypothèse, la CNDP) pourrait y procéder. La méthode par échantillon appliquée en Californie est une option possible.

– Contrôles de constitutionnalité et de conventionalité. Ceux-ci sont impératifs et auront déjà eu lieu au début de la procédure ( cf . supra 4.1 . ).

4.7. L’assemblÉe des citoyens

Passé la collecte et la vérification des signatures requises, nous suggérons qu’une assemblée des citoyens soit constituée. Elle aurait pour fonction de : a) réaliser une étude d’impact en cas de victoire du « oui » en auditionnant les experts et en synthétisant les études existantes ; b) rédiger et adopter un rapport de quelques pages exposant les conséquences pratiques de chacune de deux options, texte qui sera ensuite associé au matériel électoral des citoyens.

Nous suggérons que cette assemblée rassemble 100 citoyens tirés au sort sur les listes électorales. Si l’on veut que les citoyens siégeant dans cette assemblée soient représentatifs de la population au sens descriptif du terme, il faudra mixer tirage au sort et méthode des quotas. Les citoyens tirés au sort pourront refuser de siéger dans cette assemblée et, dans ce cas, ils seront remplacés par d’autres. En tout état de cause, ceux qui accepteront seront indemnisés au niveau de la rémunération ordinaire des députés prorata temporis .

Pour éviter de tenir les parlementaires à l’écart du processus et d’affaiblir ainsi un peu plus leur fonction, on pourra exiger que cette assemblée accueille en outre un député par groupe parlementaire constitué à l’Assemblée nationale et au Sénat (soit, aujourd’hui, une douzaine d’élus). Une telle hybridation ne serait pas inédite : en Irlande en 2012, la convention constitutionnelle indépendante ( cf. supra 3.1.3 . ) était ainsi composée de 66 citoyens tirés au sort et de 33 parlementaires désignés en proportion des groupes de la chambre basse. En tout état de cause, les représentants élus issus de l’Assemblée nationale et du Sénat devront rester largement minoritaires. Dans le cas où on ne retiendrait pas cette disposition et où on choisirait une assemblée purement citoyenne, on pourrait exiger qu’elle auditionne chaque groupe parlementaire.

L’assemblée se réunira une semaine par mois pendant trois mois ; ce rythme de travail permettra aux citoyens à la fois d’auditionner largement, de prendre le temps de la réflexion entre les sessions et de rédiger leur rapport. Elle sera présidée et animée par un(e) président(e) nommé(e) par une autorité indépendante (par hypothèse, la CNDP), qui ne prendra pas part au vote et sera choisi(e) pour son expérience en matière d’organisation des débats et du travail coopératif.

L’assemblée instruira le dossier en auditionnant des experts et personnalités qualifiées et en faisant l’inventaire des opinions et arguments pro et contra . Elle s’associera les services d’universitaires et autres experts pour réaliser une étude d’impact (social, budgétaire, réglementaire, etc.) qui sera rendue publique. Le rapport rédigé par l’assemblée devra en particulier comprendre une synthèse courte (quelques pages) qui sera fournie à titre de matériel de vote à tous les inscrits.

Ses séances plénières et auditions seront publiques, les travaux en commission se tenant à huis clos. On veillera à ce que les conditions matérielles, en particulier les conditions d’hébergement, permettent un travail serein des membres de l’assemblée.

4.8. Les conditions de validation du rÉsultat

Nous proposons que, pour un RIC de proposition, la validation du résultat suppose une majorité absolue de « oui » sur l’ensemble des suffrages exprimés et un quorum de participation supérieur à 50 % des inscrits. Dans ces conditions, il ne serait plus possible qu’une réforme soit, comme en 2000 lors du référendum sur le quinquennat, adoptée par une étroite minorité d’inscrits [27] . Pour un RIC d’abrogation ou portant sur une question fiscale, elle supposerait que les « oui » représentent plus de 50 % des inscrits (ex : avec un taux de participation de 75 %, le « oui » ne peut l’emporter que s’il dépasse 66 % des suffrages exprimés).

4.9. La portÉe du rÉsultat

Le résultat du RIC de proposition ou d’abrogation est d’application directe.

4.10. Organisation et financement des campagnes

Certains exemples étrangers (Suisse, Californie) montrent que les chances de collecter de nombreuses signatures et donc de pouvoir obtenir l’organisation d’un référendum sont d’autant plus grandes que ses promoteurs disposent de moyens financiers importants. Le RIC ouvre ainsi la voie à de puissants intérêts privés pour faire adopter des lois qui les favorisent ou les protègent. En interdisant, depuis 1995, le financement des partis politiques et des candidats aux élections par les entreprises privées, la loi française s’est efforcée de limiter l’influence des lobbies économiques. Des dispositifs de même nature doivent être adoptés pour les RIC.

Acteurs de la vie démocratique, les partis politiques, les associations, les syndicats sont en revanche parfaitement légitimes pour appeler à soutenir une initiative référendaire, voire pour en être les promoteurs. Pour garantir la transparence sur les initiateurs d’une pétition référendaire et sur les sources de son financement, et pour permettre un égal accès à tous aux moyens de se faire entendre, les initiatives et les campagnes référendaires doivent cependant être encadrées.

Pour garantir ces principes plusieurs conditions minimales sont nécessaires.

Les campagnes de pétition destinées à obtenir l’ouverture d’un référendum doivent faire l’objet de la création d’une association de financement et de la désignation d’un mandataire financier dans les mêmes conditions que n’importe quelle campagne électorale. Cette association est la seule habilitée à recevoir des dons. Son budget doit être soumis, une fois la pétition déposée et validée, au contrôle de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) qui rend publics les comptes.

Tout achat de signatures, assimilable à un achat de voix, entraînerait l’invalidation automatique de la pétition.

Les dons à cette association ne peuvent émaner que de particuliers, dans la limite de 750 euros par personne et par initiative. Le recours à des prestataires privés pour collecter des signatures est interdit. Le recours à la publicité privée devra être sérieusement encadré.

La fixation d’un plafond de dépenses permettra d’éviter le détournement ploutocratique du RIC.

Une fois le référendum validé, toute association à but non lucratif a le droit de faire campagne pour ou contre la question soumise à référendum et d’y engager une partie de ses fonds propres mais ne peut lever des fonds spécifiques pour participer à la campagne référendaire. Seule une association nationale destinée à soutenir le « oui » ou le « non » est habilitée à recevoir des dons spécifiques, sous forme uniquement individuelle, et plafonnés à 30 euros par citoyen en âge de voter. Ce seuil permet de ne pas favoriser les citoyens les plus aisés.

Une somme forfaitaire, à déterminer par la loi, ne devant pas excéder 150 000 euros, est versée sous forme de subvention à ces associations nationales si elles sont constituées.

Un temps d’antenne sur les chaînes publiques est réservé à parité pour le « oui » et le « non », une fois la campagne référendaire ouverte. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel est chargée de contrôler l’égalité de traitement entre partisans du « oui » et du « non ».

4.11. Affaiblissement du Parlement

Dans le cas particulier de la France, il faudrait veiller à ce que le RIC ne soit pas une nouvelle manière d’affaiblir le Parlement. C’est pourquoi il serait opportun que la création d’une telle procédure référendaire soit couplée avec un renforcement du pouvoir parlementaire par ailleurs. Afin de protéger la légitimité du parlement, il pourrait en outre être envisagé d’interdire les RIC dans l’année précédant la fin de la mandature, soit un an avant l’élection législative (afin d’éviter ainsi des formes de pré-campagne législative implicites). Pour les mêmes raisons, nous proposons qu’un petit nombre de députés soient associés à l’assemblée des citoyens et à ses travaux ( cf. supra 4.7.).

Conclusion

En général, les membres de la classe politique voient spontanément le RIC comme un dispositif qui les contourne ou, pire, les discrédite. Le Premier ministre a ainsi avoué le 25 janvier dernier lors d’un débat à Sartrouville : « Le RIC me hérisse », exprimant un sentiment encore largement partagé. Dix jours plus tôt, à Grand Bourgtheroulde, dans l’Eure, le président Emmanuel Macron, qui se targue de n’avoir jamais été un professionnel de la politique, avait fait part de ses propres réserves envers le RIC en plaidant qu’« on ne doit pas créer une situation de concurrence entre les formes de démocratie » directe et représentative. Nous croyons fermement que le RIC délibératif n’est ni l’ennemi de la classe politique ni antinomique avec la démocratie représentative. Au contraire.

Comme le montre l’exemple de la Suisse, le RIC n’y a ni fait disparaître les partis politiques ni supprimé la fonction législative des élus. En premier lieu, les initiatives référendaires helvétiques émanent pour beaucoup de partis ou de coalitions dans lesquels les militants et les élus jouent un rôle important. Les campagnes référendaires ont d’autant plus de chances de mobiliser les citoyens et d’emporter la décision que les élus et militants politiques s’y engagent ardemment. La possibilité d’initier des référendums citoyens n’aurait donc pas comme seule vertu de pousser les Français à s’impliquer dans les affaires de la cité mais aussi de revitaliser les organisations partisanes et les associations citoyennes.

Si le RIC « mord » en apparence sur le champ d’action des représentants, il contribue en même temps à réhabiliter la fonction législative. Un RIC participatif et délibératif tel que nous en avons dessiné les traits est aussi une éducation collective à la construction de la loi et, d’une certaine façon, une réhabilitation du travail législatif dans un régime où la loi s’apparente de plus en plus au décret. Il ouvre la voie à un ressaisissement par les parlementaires de leur fonction législative. Mis davantage sous la pression d’initiatives citoyennes plutôt que sous celle des lobbies, nous pensons que le Parlement sera poussé à prendre davantage d’initiatives et à relayer les attentes citoyennes plutôt qu’à se contenter d’obéir au gouvernement. Plus le Parlement et les partis politiques reconquerront leur fonction de représentation, moins fréquent sera alors le recours aux référendums citoyens.

  1. Voir Opinionway pour le Cevipof de Sciences Po, « Baromètre de la confiance politique – Vague 9 », janvier 2019. 72 % des enquêtés se déclarent tout à fait ou plutôt d’accord avec l’affirmation : « Les citoyens devraient pouvoir imposer un référendum sur une question à partir d’une pétition ayant rassemblé un nombre requis de signatures ». Et 70 % se déclarent tout à fait ou plutôt d’accord avec l’affirmation : « Il devrait y avoir des référendums sur la plupart des questions importantes ».

  2. Dans son livre Deux Français sur trois (1984) .

  3. Ces assemblées devaient être formées par les citoyens domiciliés depuis six mois dans chaque canton.

  4. C’est le cas aussi, à la même époque, chez de grands penseurs européens : le sociologue allemand Max Weber voit par exemple dans le référendum une pièce maîtresse de la « démocratie plébiscitaire » qu’il appelle de ses vœux.

  5. R. Carré de Malberg, « Considérations théoriques sur la question de la combinaison du référendum avec le parlementarisme », Revue du droit public , ‎ 1931.

  6. M. Offerlé (dir.), La Profession politique, XIX-XXI e siècles , Paris, Belin, nouvelle édition 2017.

  7. Caractérisés notamment par une limitation et un encadrement du domaine de la loi d’une part, et par une restriction de la capacité de contrôle du Parlement sur le gouvernement d’autre part.

  8. A. Le Divellec, « Vers la fin du “parlementarisme négatif” à la française ? », JusPoliticum , n° 6, 2011 (en ligne).

  9. N. Roussellier, Le Parlement de l’éloquence. La souveraineté de la délibération au lendemain de la Grande Guerre , Paris, Presses de Sciences Po, 1997.

  10. Il est à noter que dans la quasi-totalité des pays qui pratiquent le référendum au niveau national, c’est le législatif qui en a l’initiative. À la différence de la France, au sein de l’UE il est très rare que l’exécutif puisse décider seul d’un référendum. Le plus souvent, ce sont les parlementaires (par exemple, un tiers ou la moitié d’entre eux) qui ont l’initiative d’un référendum, soit seuls (Suède, Danemark, Autriche, etc.), soit avec l’accord du gouvernement ou du Président (Espagne, Grèce, Irlande, etc.).

  11. Nous ferons plus loin des propositions visant à coupler RIC et droit d’interpellation ( cf. infra 4 .3. ).

  12. Discours et plaidoyers politiques de M. Gambetta , Paris, Charpentier, 1880, t. I, « Discours contre le plébiscite (Interpellation relative au pouvoir constituant) prononcé le 5 avril 1870 au corps législatif », p. 196 et sq .

  13. Voir par exemple les travaux de Guillaume Chaslot, spécialement le site algotransparency.org et les enquêtes en cours aux États-Unis.

  14. Ce terme englobe différentes techniques visant à laisser croire qu’une opinion est populaire sur Internet.

  15. Pierre Rosanvallon, La Démocratie inachevée. Histoire de la souveraineté du peuple en France , chapitre V : « La démocratie illibérale (le césarisme) », Paris, Gallimard, 2000.

  16. Voir à ce sujet P. Rosanvallon, op. cit. , chapitre VIII : « La question du référendum ».

  17. L’ensemble du processus a été documenté. Cf. P. Fournier et al ., When Citizens Decide. Lessons from Citizen Assemblies on Electoral Reform , 2011.

  18. P. Fournier et al ., op. cit.

  19. Voir Cody Hoesly, « Reforming Direct Democracy: Lessons from Oregon », California Law Review , vol. 93, n° 4, juillet 2005, pp. 1191–1248.

  20. Sur l’histoire de la démocratie directe en Californie de 1978 à 2012, voir Robert Cherny (2013) « Direct Democracy and Legislative Dysfunction: California Politics Since 1978 », Siècles 37.

  21. Cette procédure est décrite ici : https://participedia.net/en/methods/citizens-initiative-review

  22. Healthy Democracy est une organisation à but non lucratif qui suit et promeut le développement de ces assemblées citoyennes. Site web : https://healthydemocracy.org/

  23. Dans le cas des traités internationaux, nous estimons de surcroît qu’ils engagent des intérêts tellement complexes, au plan national comme international, que leur dénonciation doit obéir à une procédure beaucoup plus sophistiquée et délibérative qu’un simple RIC.

  24. Depuis 1958, l’adoption de normes générales et impersonnelles (matériellement, des lois) n’est plus entièrement soumise au législateur. Tous les règlements (qui sont des normes générales et impersonnelles adoptées par une autorité administrative) ne sont plus seulement des règlements d’application des lois, il existe aussi des règlements « autonomes », c’est-à-dire pris en dehors des lois mais ayant la même force juridique. En effet, certains domaines énumérés à l’article 34 de la Constitution sont réservés à la compétence du législateur (les domaines les plus importants et les plus sensibles pour les libertés fondamentales), tandis que tous les autres relèvent du domaine des règlements autonomes (art. 37 C). La question se pose donc de savoir si l’on souhaite limiter le RIC au seul domaine réservé au législateur ou si l’on souhaite l’étendre aussi à tous les règlements (ce qui paraît plus cohérent d’un point de vue démocratique). Ce point peut être discuté. Cette question n’étant pas tranchée, nous n’évoquerons ci-dessous que les RIC relatifs à la loi.

  25. Ces dernières, qui sont adoptées selon une procédure particulière et plus contraignante que la loi ordinaire, peuvent faire l’objet d’un RIC mais avec des conditions sensiblement plus exigeantes pour éviter les risques d’instabilité ( cf. infra 4.2 et 4.8).

  26. Il est vrai que le Conseil constitutionnel n’est pas, habituellement, juge de la conventionalité de la loi. Toutefois, ce sont des motifs non juridiques qui l’ont conduit à refuser d’opérer cette vérification. Aucun obstacle constitutionnel ne lui interdit donc d’opérer un tel contrôle. Pour preuve, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité de la loi déjà entrée en vigueur (QPC), depuis une décision du 4 avril 2013 dite Jerémy F, il saisit la Cour de justice de l’Union européenne de questions préjudicielles en vue de vérifier la conformité de la loi au droit de l’Union européenne.

  27. Pour mémoire, lors du référendum de 2000 sur l’institution du quinquennat, le « oui » recueillait un peu plus de 73 % des suffrages exprimés, mais avec un taux de participation légèrement supérieur à 30 % des inscrits. Autrement dit, la décision a été emportée alors avec l’assentiment d’à peine plus de 22 % des électeurs.

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