Communauté citoyenne

L’ombre de Poutine sur la campagne

L’ombre de Poutine sur la campagne
Publié le 17 mars 2022
Pour ce nouveau rendez-vous de la communauté, il nous a semblé incontournable d’aborder la guerre en Ukraine, qui est venue percuter de plein fouet la séquence électorale française : quel regard les citoyens portent-ils sur cette guerre ? Comment la perçoivent-ils ? En quoi est-elle venue modifier les enjeux – notamment sécuritaires – propres à la France ? Que change-t-elle, tant dans la campagne à proprement parler qu’en ce qui concerne plus particulièrement leur vote ? Les participants ont été divisés en trois groupes d’âge (18–34 ans / 35–59 ans / 60 ans et plus) pour discuter de ce sujet.

Terra Nova a fait appel à BVA pour constituer et animer une communauté citoyenne, composée de 50 personnes reflétant la diversité de la société française, dans leur genre, leur âge, leur catégorie socio-professionnelle, leur niveau de qualification, leur origine régionale mais aussi leur sensibilité politique.

Ceux-ci ont été invités à s’exprimer dans un forum écrit (plateforme HD quali) les 8 et 9 mars 2022, dans le cadre de sous-groupes segmentés selon l’âge.

1. Stupeur et tremblements

Entre sidération et incompréhension

Le choc et la stupeur dominent largement les discussions. C’est d’abord la guerre à proprement parler qui suscite ces réactions :

« Je suis profondément choqué et navré de cette situation, de ce conflit qui est une telle régression à mes yeux. Il faudrait interdire à tout jamais les guerres et ne permettre QUE les pourparlers diplomatiques (…) Le pacifisme devrait désormais être inscrit dans les droits fondamentaux de l’homme. (…) (35–59 ans) »

Ces sentiments sont exacerbés par la proximité géographique du conflit et par le fait qu’il s’agisse de la première guerre sur le continent européen depuis la seconde guerre mondiale :

« Surprise ! Horreur ! … Aux portes de l’Union Européenne, ça craint. Jamais je n’aurais pensé voir une telle chose un jour, si près de chez nous en tout cas. (60 ans et plus) »
« Tout d’abord c’est un drame en direct et aux portes de notre pays. Comment cela est-il encore possible ? (60 ans et plus) »

Cette proximité géographique change profondément le rapport à la guerre et la perception qu’en ont les uns et les autres. Elle suscite une certaine incrédulité. C’est particulièrement le cas chez les plus jeunes pour qui, sans doute, la guerre est réservée aux livres d’Histoire ou aux contrées lointaines :

« Je trouve cette guerre horrible, je ne comprends pas comment en 2022 on peut encore faire ce type de guerre comme si on n’avait pas appris la leçon des deux guerres mondiales précédentes (18–34 ans) »

Le choc est amplifié…

  • par la soudaineté perçue du conflit, qui pour beaucoup était totalement inattendu :
« Comme beaucoup de gens je n’y croyais pas, je pensais que Poutine voulait mettre un coup de stress comme les Chinois avec Taïwan. Je pensais qu’il faisait ça pour freiner l’expansion de l’OTAN, obtenir quelque chose coté gazoduc NordStream, bref, une sorte de négociation en montrant qu’il est capable de passer à l’action si nécessaire. Je suis abasourdi par le fait que l’Europe soit entrée en guerre. Je ne pensais pas connaître cela de mon vivant. (18–34 ans) »
« Inattendue, car non annoncée par les pouvoirs politiques occidentaux, à l’exception des Etats-Unis ces dernières semaines, que beaucoup accusaient d’inventer un scénario catastrophe… Comment se fait-il que les démocraties occidentales qui ont des services secrets, qui ont affaire avec Poutine depuis 20 ans, qui sont censées préparer l’avenir n’aient rien vu venir ? (35–49 ans) »
  • par son traitement médiatique :
« Ce que je vois tous les jours par les médias me fait très peur (60 ans et plus) »
« Dans cette guerre qui est très médiatique, nous avons accès à de nombreuses images qui sont choquantes et pour nous, des gens habitués à la démocratie, ça nous semble impensable. (18–34 ans) »
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Cet état de stupeur et de sidération se double d’une grande incompréhension :

« Dans cette guerre qui est très médiatique, nous avons accès à de nombreuses images qui sont choquantes et pour nous, des gens habitués à la démocratie, ça nous semble impensable. (18–34 ans) »
« On ne comprend pas l’attitude de Poutine. (60 ans et plus) »

Même si certains citoyens (notamment les plus âgés et les plus informés) se montrent moins surpris et voient dans ce conflit la suite logique de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 :

« Poutine a des ambitions, ce n’est pas nouveau (…) Poutine veut recréer la grandeur de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques et a déjà envahi ou mis à sa botte des territoires (Crimée, Biélorussie notamment). Comment peut-on être aussi hypocrite et laisser croire à la surprise ? (35–59 ans) »

La folie d’un homme

Ce qui est frappant dans les échanges avec les membres de notre communauté, c’est que c’est « Poutine » qui est perçu comme l’agresseur de l’Ukraine et non la Russie. Lui seul est montré du doigt comme le responsable de cette situation.

Le dirigeant russe est vu comme un déséquilibré, qualifié de « fou » ou encore de « malade » à de nombreuses reprises. Sa santé mentale est questionnée.

« C’est un malade. (…) C’est terrible qu’une situation de cette ampleur puisse arriver à cause d’un homme mégalomane !!! (60 ans et plus) »
« On ne connait pas les limites de Poutine, certains le présentent comme atteint de troubles psychiques (paranoïa notamment) et il est normal d’imaginer que les conséquences de ses actes peuvent à un moment dépasser l’entendement. (35–59 ans) »

Dans ces circonstances, pour beaucoup, la fin du conflit passe par une solution radicale : Poutine est l’homme à abattre.

« Rien ne bougera si Vladimir Poutine ne disparait pas. (60 ans et plus) »
« Je sais que la situation n’est pas facile pour obtenir le renoncement de Poutine à ses ambitions mais je pense réellement qu’il faudrait pouvoir l’éliminer simplement comme on aurait dû le faire pour Hitler. (60 ans et plus) »
« Je vois bien quelque chose à la Ben Laden (60 ans et plus) »

Par effet de contraste, Volodymyr Zelensky est vu comme une sorte de héros des temps modernes, en particulier par les plus jeunes (qu’il touche sans doute par les réseaux sociaux dont il est perçu comme faisant un usage habile). On souligne la résistance admirable de l’Ukraine et de son dirigeant :

« Je suis très étonné de la résistance et de la résilience dont font preuve les Ukrainiens : qui aurait pensé que ce ne serait pas une guerre éclair comme en 2014 ? (18–34 ans) »

Une source de peurs et d’angoisse 

Cette folie d’un seul homme génère des angoisses extrêmement vives. La situation est perçue comme hautement inflammable et ce d’autant plus qu’elle semble reposer sur le bon vouloir d’un seul individu.

Vladimir Poutine est perçu comme une personne incoercible, ne reculant devant aucune menace et dont la motivation est sans limite. C’est donc un sentiment de danger qui émerge à travers les propos des répondants qui décrivent un conflit pouvant s’aggraver subitement.

La poudrière

On note dans les propos des membres de la communauté le sentiment largement répandu qu’il en faut peu pour que cela dégénère :

« Cette guerre peut à tout moment exploser en Europe (60 ans et plus) »
« Je crois qu’il suffirait d’une étincelle pour que ça dégénère (60 ans et plus) »

De la peur d’une extension du conflit à la crainte d’une 3e guerre mondiale

Cette instabilité et le sentiment de vivre sur une poudrière suscitent de vives inquiétudes chez certains, des angoisses plus ténues chez d’autres et avec des conséquences anticipées plus ou moins importantes. Globalement, la crainte d’une escalade de la violence est très présente.

Chez certains, la préoccupation principale porte sur le fait que la guerre soit aux portes de l’Europe et que, de ce fait, elle puisse s’y propager :

« Je trouve cela angoissant le fait que la guerre puisse se propager en Europe (18–34 ans) »
« Qui sait quand ça s’arrêtera et si la guerre arrivera jusqu’à nous ? (60 ans et plus) »

D’autres redoutent que la guerre n’arrive jusqu’en France même si peu imaginent des combats sur notre sol. Cette peur est particulièrement aiguë chez les plus jeunes :

« C’est affreux. J’ai peur aussi que le conflit arrive chez nous. Je ne veux pas que mon fils grandisse dans un monde en guerre… (18–34 ans) »
« Oui, pour la première fois de ma vie je me dis qu’on va peut-être connaître la guerre en France. J’espère sincèrement que nos dirigeants arriveront à éviter ça… (18–34 ans) »

Cette guerre constitue une menace pour la sécurité de notre pays et certains soulignent l’engrenage possible du fait de notre appartenance à l’OTAN :

« On vient de passer une étape de plus vers une guerre totale. Il suffit d’une fausse manip ou d’une erreur humaine désormais pour que l’OTAN s’en mêle et que la France soit impliquée, sur son continent. (18–34 ans) »

Chez beaucoup, c’est un sentiment d’anxiété qui s’exprime plus qu’une peur concrète et immédiate. Mais seule une minorité des membres de la communauté n’a pas vraiment peur (à l’image d’un sondage BVA publié le 11 mars : seuls 37% des Français ne craignent pas que le conflit ne s’étende au territoire français). Et certains ont à l’esprit le risque d’un nouveau conflit mondial :

« Horreur, massacre, agression, viol, vol, drame humain (pour les deux camps), risque international : la 3e guerre mondiale (35–59 ans) »

Menace nucléaire et force de dissuasion

Cette crainte est abondamment nourrie par la menace nucléaire brandie par Vladimir Poutine et la peur que ce conflit ne dégénère en une guerre nucléaire :

« Elle me provoque aussi de la peur d’une potentielle guerre nucléaire qui pourrait être fatale pour le monde entier. (18–34 ans) »
« S’il lâche une bombe atomique je ne sais pas ce qu’il va rester de l’Europe et nous-même. Nous serons rayés de la carte il me semble bien. Il faut attraper ce fou avant que cela arrive. (60 ans et plus) »
« Cette guerre rappelle qu’il ne suffit pas d’avoir l’arme atomique pour être en sécurité. En effet, on apprend que la Russie dispose de plusieurs milliers d’ogives nucléaires et nous seulement quelques centaines !!!! (60 ans et plus) »

2. Derrière le face-à-face, le face à soi-même

Vulnérabilité de l’Europe et de la France

Ce conflit aussi soudain qu’inattendu révèle l’impuissance de l’Europe sur la scène internationale :

« Je me rends compte que l’Europe n’est pas préparée à une guerre. Je pense que nous sommes un des pays européens les mieux préparés et outillés pour nous défendre en cas d’attaque, mais nos voisins quasi démilitarisés ne pourraient pas nous apporter beaucoup d’aide. (35–59 ans) »

La situation de la France ne semble guère plus enviable :

« Pour être honnête je pense que notre pays n’est pas préparé en cas de conflit. En effet, le service militaire n’étant plus obligatoire ; notre armée s’en trouve forcément fragilisée (35–59 ans) »

Chez certains, un parallèle est dessiné entre l’état de notre défense, dont on prend conscience avec cette crise, et l’état de l’hôpital public, révélé par la pandémie de Covid-19 :

« Je crains que la sécurité militaire dans notre pays soit au même point que notre hôpital c’est-à-dire négligée (60 ans et plus) »
« Bien que nous disposions d’une armée bien entrainée, je crois que les réductions de budget depuis de nombreuses années ne nous permettent pas de tenir très longtemps contre un agresseur du style de Poutine. (60 ans et plus) »

Certains se rassurent en rappelant que la France est apte à se battre contre la Russie parce qu’elle détient l’arme nucléaire.

« La France a aussi l’arme nucléaire (60 ans et plus) »

Derrière l’empathie pour l’Ukraine, des interrogations sur nos valeurs

Interrogés sur ce qu’ils ressentent face à cette guerre, les membres de notre communauté font évidemment montre de tristesse et de compassion :

« Je suis triste et en colère et surtout impuissante face à cela et je déteste ce sentiment (35–59 ans) »
« Les images de guerre sont horribles de voir tout ce peuple mourir (60 ans et plus) »
« Je plains cette population que les Russes bombardent sans pitié (60 ans et plus) »

Ils expriment de l’impuissance face à ce que certains qualifient d’horreur, les plus âgés parlant même pour certains de génocide.

Certains pointent du doigt la lâcheté des occidentaux :

« L’Ukraine est bel et bien seule, en 1933 on a manqué de courage, l’histoire nous a donné tort à force de compromission et visiblement elle se répète. L’histoire, décidément, ne nous apprend rien… (35–59 ans)  »
« Je suis à la fois très touché et dégouté par l’hypocrisie mêlée de pathos des occidentaux que nous sommes : on s’en foutait tellement de ces histoires tant que ça ne pétait pas et que ça restait loin (35–59 ans) »

Mais il est difficile de ne pas souligner les contradictions dont certains membres de la communauté font preuve eux-mêmes. Si cette guerre les touche… c’est avant tout parce qu’elle est si proche de nous :

« C’est à 2h30 en avion de chez nous, horrible comme toutes les guerres mais celle-ci me touche particulièrement vu la proximité (60 ans et plus) »
« Horrible comme toutes les guerres mais celle-ci me touche particulièrement vu la proximité du pays avec le nôtre. (35–59 ans) »

Et on constate que si l’empathie est forte, l’élan de soutien envers le peuple ukrainien peine à se matérialiser. Seule une participante a témoigné d’un engagement personnel (via un don).

Enfin, chez d’autres et tout particulièrement les actifs de 35–59 ans (que l’on sait plus sensibles à certains sujets comme le pouvoir d’achat), cette guerre doit même rester secondaire :

« Même si cette guerre est un drame humanitaire, il ne faut pas oublier le reste. Comme le pouvoir d’achat et les conséquences des sanctions contre la Russie qui vont pénaliser le peuple Français. (35–59 ans) »
« Je trouve ça dommage car on en oublie le principal comme le pouvoir d’achat des Français même si tout est lié. Je trouve que l’on a oublié les problèmes de sécurité intérieure et de l’islamisation de certains quartiers de non droit en France. Cette guerre nous fait oublier le Covid et ses conséquences tragiques. (35–59 ans) »

La renaissance du désir d’Europe

Seul point positif de ce conflit : on sent poindre la prise de conscience de la nécessité d’une unité entre pays européens, voire d’une union passant également par une Défense commune.

« Il se trouve que tous les pays de l’UE ont été unanimes pour condamner M. Poutine. Lui qui comptait probablement sur la désunion des Européens… grosse erreur ! Il a renforcé la cohésion en Europe, et c’est une très bonne chose. (60 ans et plus).  »
« L’image d’une sécurité internationale Européenne, assurée mutuellement et solidairement par l’Europe me semble désormais fondamentale. (35–59 ans) »
« Il est grand temps de créer une armée Européenne ce qui suppose une transformation en fédération de notre UE actuelle. (60 ans et plus) »

3. La campagne électorale, victime collatérale de cette guerre

Dans ce contexte de crise internationale, la campagne électorale française se trouve reléguée au second plan, invisibilisée (cf. note publiée vendredi 11 mars par Terra Nova). C’est une campagne avortée qui est décrite ici :

« Cette guerre éclipse totalement la campagne en cours pour le moment, les médias sont focalisés sur la guerre et ne parlent quasiment pas des candidats. Moi-même je ne me préoccupe plus trop de la campagne en cours et suis principalement l’évolution de la guerre en Ukraine. (18–34 ans) »

Conséquence de cette invisibilisation de la campagne, l’intérêt pour l’élection se fait plus ténu chez certains :

« Je pense que l’on devrait décaler les élections car tous les regards sont portés désormais sur la guerre en Ukraine. Difficile de se concentrer sur les élections. (35–59 ans) »

Un intérêt accru chez certains électeurs : quand la politique devient concrète

Mais chez d’autres, au contraire, relativement nombreux, le conflit ukrainien vient renforcer l’intérêt pour l’élection et le sens même du vote :

« J’ai toujours été intéressée par mon choix de vote mais là encore plus, il faut que le nouveau président sache faire face à la folie d’individu tel que Poutine. C’est primordial. (60 ans et plus) »

Le fait d’aller voter est perçu comme un devoir d’autant plus important au regard des enjeux et du contexte géopolitique. Cette idée est très présente chez les plus jeunes et les 60 ans et plus.

« Il faut allez voter pour donner notre avis, être protégé, rester dans l’Europe pour notre sécurité ; c’est notre devoir pour nos enfants, notre avenir, notre Europe. (60 ans et plus) »

Le vote à la présidentielle est alors décrit comme d’autant plus essentiel qu’il nous permet de choisir notre chef d’Etat et d’avoir un impact direct sur les événements en cours :

« Cette guerre fait que je m’intéresse encore plus à l’élection présidentielle que d’habitude ; en effet le choix du président ne déterminera pas seulement comment va notre pays mais également notre survie. (18–34 ans) »
« Oui car c’est dans ce moment où l’on verra le vrai visage et le vrai potentiel des candidats pour gouverner notre pays. (18–34 ans) »

Ainsi, alors que l’on sait que le sentiment d’inutilité du vote est le moteur premier de l’abstention, la crise ukrainienne donne à voir pour certains le caractère tangible de cet acte. Elle rend « la politique » et ses conséquences plus concrètes. En ce sens, elle pourrait constituer un élément d’incitation à voter.

Les inquiétudes relatives au pouvoir d’achat renforcées

La guerre en Ukraine engendre une reconfiguration partielle des préoccupations des citoyens : évidemment, les membres de la communauté déclarent accorder une importance accrue à la sécurité et la politique internationale :

« La guerre en Ukraine change énormément ma perception de la sécurité en effet la sécurité de mon pays devient une priorité absolue. (18–34 ans) »

De ce fait, elle engendre aussi une reconfiguration partielle des attentes vis-à-vis des candidats. Elle va les inciter à se positionner sur d’autres enjeux, à montrer qu’ils sont en capacité de s’imposer sur la scène internationale, de répondre aux inquiétudes économiques, sécuritaires et migratoires générées / amplifiées par le conflit.

Mais la crise ne vient pas pour autant bouleverser la hiérarchie des enjeux. Elle vient au contraire exacerber l’une des deux préoccupations majeures des citoyens (avec la santé), transcatégorielle : le pouvoir d’achat. Nombreux sont en effet les citoyens à souligner l’explosion des prix de l’énergie, en particulier du prix du gaz, qui découle de cette crise.

« Les conséquences sont déjà réelles : depuis quelques jours déjà, j’assiste aux longues files de voitures qui se dépêchent de faire l’essence, avec cette montée en flèche des prix du pétrole. (35–59 ans) »
« Juste, je regarde ce qui se passe en Ukraine, je vois les répercussions sur les dépenses. (18–34 ans) »
« Le ton de la campagne est différent avec les contraintes économiques qui arrivent en Europe, avec l’augmentation des denrées alimentaires, le prix de l’essence qui a passé la barre des 2 euros, le prix de l’énergie qui augmente. (60 ans et plus) »

Pour les candidats : des positions respectives consolidées

La guerre, en apparence du moins, infléchit la campagne et les perceptions des candidats et des positionnements.

« Je vais plus prêter attention aux discours des candidats sur cette guerre, sur leurs échanges avec la Russie avant (mais aussi avec d’autres pays dont le leadership est similaire), sur leur politique de défense etc. (18–34 ans) »

On réévalue les candidats à l’aune de cette situation nouvelle et dramatique :

« La guerre apporte un autre éclairage sur les candidats (35–59 ans) »
« Je souhaite un candidat calme, raisonné qui n’agit pas sous l’impulsivité. Je mesure plus que jamais les difficultés des tâches qui lui incombent. Et donc je veux plus que jamais un président « performant » dans tous les domaines. D’abord sur la scène nationale (pouvoir d’achat, sécurité…) et aussi sur la scène internationale (35–59 ans) »

La guerre modifie le regard que les Français portent sur la stature et la crédibilité des candidats. On est vigilant quant à leurs positions sur l’OTAN, la Russie, les Etats-Unis. Pour autant, beaucoup d’électeurs déclarent que leur choix était déjà fait et que cela ne fait que les conforter. Un « biais de confirmation » en quelque sorte.

« Non, cela ne changera pas mon vote d’autant que mon candidat pense comme moi, et pas je pense comme mon candidat. Il faudrait un énorme changement de cap d’un candidat pour que mon vote change (60 ans et plus) »
« Non, au contraire, puisque cette guerre valide mon point de vue sur les affinités des candidats face à la communauté internationale, leur positionnement face à la guerre, l’OTAN, l’UE, les USA. (18–34) »

Emmanuel Macron conforte son avance, porté par son statut actuel

Ce nouveau prisme semble toutefois favoriser le président sortant qui peut capitaliser sur son double statut de chef de l’Etat et de chef des Armées. Il a pour lui d’être déjà en place (on ne change pas de capitaine en pleine tempête) et de représenter ainsi la continuité, mais aussi d’avoir jusqu’à présent plutôt bien géré cette crise et montré qu’il était capable de dialoguer avec Poutine.

« Je risque de voter pour Macron alors qu’à la base je voulais voter Pécresse. Mais je me dis que pour l’instant il est plutôt bon dans la situation actuelle. Je me dis que si on change de président, on risque de ne plus être entendu comme on l’est actuellement. (35–59 ans) »
« Il nous faut une continuité diplomatique en ce moment. (35–59 ans) »

Les candidats « pro-russes » pas vraiment embarrassés par leurs positions

Les positions ambiguës et surtout évolutives de certains candidats vis-à-vis de la Russie n’ont pas échappé à nombre des membres de notre communauté.

« Il se trouve que ces candidats (M. Zemmour, Mme Le Pen et M. Mélenchon) sont bien obligés de mettre de l’eau dans leur vin s’ils veulent conquérir le cœur des Français. On appelle ça « retourner sa veste »… (60 ans et plus) »
« Elle modifie aussi les discours de plusieurs candidats pro-russes qui doivent jouer un jeu hypocrite en condamnant la guerre en Ukraine mais tout en essayant de démontrer que le régime russe est un modèle à suivre (ex : déclaration d’Éric Zemmour qui dit que Poutine est un démocrate autoritaire). (18–34 ans) »

Pour autant, les conséquences pour ces candidats apparaissent en demi-teinte. Pour certains, ces positions sont rédhibitoires :

« La candidature de Zemmour me fait peur. Il est impulsif, nerveux, imprévisible et ce n’est pas l’homme de la situation en cette période de guerre. Autre chose, Eric Zemmour est le candidat qui s’est montré, de loin, le plus conciliant avec Moscou et avec Vladimir Poutine. (35–59 ans) »
« J’espérais que la position de Jean-Luc Mélenchon évolue. Je trouve qu’il ne condamne pas assez clairement le comportement de Vladimir Poutine. (18–34) »

Si certains citoyens leur reprochent leurs positions voire leur inconstance et leur volte-face sur le sujet, les convictions des candidats d’extrême droite historiquement positionnés sur la sécurité sont au contraire saluées par certains :

« Cela va impacter mon vote car je vais choisir un candidat porté sur la sécurité. (18–34 ans) »
« Cette guerre met en avant le fait que le monde n’est pas tout rose et j’écarte donc pour moi les candidats qui sont utopistes et je me concentre sur les candidats qui voient les choses telles qu’elles sont. (18–34 ans) »

Eric Zemmour, en particulier, semble tirer son épingle du jeu, notamment chez certains citoyens parmi les plus jeunes et les plus âgés de notre communauté.

« Cela renforce ma confiance en E. Zemmour avec son analyse des risques encourus, oui il avait confiance en M. Poutine mais M. Poutine est ingérable et fourbe et M. Zemmour a su reconnaitre son erreur. Ce qui n’est pas donné à tout le monde (60 ans et plus) »
« Aussi un candidat comme Éric Zemmour qui souhaite protéger son pays d’abord avant les autres me paraît une bonne chose car même si c’est malheureux en temps de guerre on doit d’abord penser à soi-même avant de penser aux autres. (18–34 ans) »

Ailleurs, le calme plat

En dépit de ses positions à l’égard de la Russie et de ses attaques à l’encontre des candidats « pro-russes », Valérie Pécresse ne capitalise absolument pas sur la séquence. Bien au contraire : 

« Cette guerre me montre encore plus que Valérie Pécresse ne pourra jamais être présidente car elle n’est absolument pas crédible notamment en période de guerre. (18–34) »

Enfin, il est frappant de constater que dans cette discussion, les candidats de la gauche, hormis Jean-Luc Mélenchon, n’existent pas. Au regard des enjeux évoqués précédemment (stature internationale, crédibilité comparée des candidats…), ce constat dit en creux qu’ils sont perçus comme ne faisant pas le poids.

Dans ce contexte inédit, pour beaucoup de citoyens, l’élection semble manquer de surprise, avec une issue que certains voient se dessiner sans véritablement de suspense.

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La rédaction de La Grande Conversation