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Revue de presse

Au sein de la République en Marche, une mosaique de sensibilités

Une enquête inédite de Terra Nova auprès de 8 815 adhérents révèle une homogénéité sociale mais une grande diversité de tempéraments politiques.
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Surgi en avril 2016, le mouvement En marche !, devenu depuis La République en marche (LRM), a porté au pouvoir Emmanuel Macron en à peine plus d’un an et conquis ensuite une large majorité à l’Assemblée nationale.

Cette éclosion spectaculaire et ce succès sans précédent ont chamboulé le paysage politique et suscitent de nombreuses interrogations : qui sont les adhérents de ce nouveau parti, que pensent-ils, quel est leur degré de cohésion ou, au contraire, de diversité, voire de friabilité ?

Autant de questions dont les réponses détermineront pour une bonne part l’évolution et la pérennité du mouvement. C’est donc tout l’intérêt de l’enquête approfondie de sociologie politique, menée en toute indépendance scientifique et financière, que vient de réaliser une équipe du think tank Terra Nova constituée de Thierry Pech (directeur général de Terra Nova), Bruno Cautrès et Thomas Vitiello (chercheurs au Cevipof-Sciences Po) et l’historien Marc Lazar. Avec l’aval de la direction du mouvement, ils ont constitué, à partir du fichier informatisé (et anonymisé) des 391 000 adhérents de LRM en avril, un échantillon de 8 815 personnes qui ont répondu, en ligne, à un questionnaire très fouillé, doublé d’entretiens qualitatifs.

L’enseignement le plus intéressant de cette exploration, rendue publique lundi 8 octobre, tient en un paradoxe majeur : les « marcheurs » offrent un profil politique beaucoup plus composite que leur homogénéité démographique et sociale pourrait le laisser penser.

Postures contrastées

Cela apparaît très clairement quand on leur demande de se situer politiquement. Si 74 % d’entre eux se positionnent au centre sur une échelle gauche-droite classique, le constat est beaucoup plus diversifié lorsque l’on utilise une échelle qualitative : ainsi 16,2 % se disent de gauche, 33,3 % du centre et 8,9 % de droite, mais 24,8 % se situent « à la fois à gauche et à droite », 9,6 % « ni à gauche ni à droite », tandis que 6,8 % ne « se retrouvent pas » dans ces catégories.

Au total, 59 % des adhérents de LRM continuent à s’inscrire dans les catégories politiques traditionnelles, non sans lien avec leurs comportements électoraux passés, puisque 42 % des « marcheurs » avaient voté pour François Hollande en 2012, 20 % pour François Bayrou et 18,5 % pour Nicolas Sarkozy.

En revanche, 41 % des adhérents du parti présidentiel expriment un refus ou un rejet du clivage droite-gauche. Or ces deux attitudes – refus ou rejet – sont tout sauf équivalentes. Comme le souligne le rapport de Terra Nova, la première « remet en cause le clivage mais pas les répertoires de la gauche et de la droite, ni le système politique dans son ensemble ». Au contraire, la seconde présente bien des caractéristiques des électeurs qui sont à la marge du système politique (niveau de diplôme moins élevé, plus grande précarité économique, faible fréquence de vote et fort taux d’abstention…).

Ces postures contrastées se doublent d’une variété significative de valeurs et d’attitudes politiques. Globalement, les « marcheurs » apparaissent plus libéraux que la moyenne des Français. Ainsi, ils sont 80 % (contre 59 % des Français) à juger que « l’Etat doit faire confiance aux entreprises et leur donner plus de liberté » et 67 % (contre 45 %) à se dire favorables à la réduction du nombre des fonctionnaires, tandis que 34 % (contre 40 %) estiment qu’en matière de justice sociale, « il faut prendre aux riches pour donner aux pauvres ».

Soutien à l’intégration européenne

Loin d’être laxistes (86 % estiment qu’« il faut travailler dur pour réussir »), ils sont cependant plus tolérants que la moyenne : 61 % (contre 82 %) soutiennent l’augmentation de la sévérité des peines contre les délinquants, 32 % (contre 56 %) jugent que « l’islam est une menace pour l’Occident », tandis que 82 % (contre 58 %) assurent que « les enfants d’immigrés nés en France sont des enfants comme les autres ».

Enfin, et c’est une particularité majeure des marcheurs, ils soutiennent fortement l’intégration européenne. Alors que, en moyenne, 67 % des Français redoutent qu’avec la construction européenne « il y ait davantage de chômage en France » ou « une augmentation du nombre d’immigrés », 13 % et 17 % seulement des adhérents de LRM expriment les mêmes inquiétudes. A l’inverse, l’idée qu’avec la construction européenne « on perde notre identité nationale et notre culture » est partagée par 57 % des Français, contre 9 % des « marcheurs ».

Toutefois, derrière ce portrait collectif qui les singularise fortement par rapport à la moyenne des Français, les marcheurs présentent en leur sein des « tempéraments politiques » assez hétérogènes.

Cinq catégories de « marcheurs »

En croisant l’ensemble des réponses, Terra Nova distingue ainsi cinq catégories : les « progressistes-libéraux » (31 %) – le cœur du macronisme –,  qui associent libéralisme économique et tolérance culturelle, les « progressistes-égalitaires » (23 %), qui marient attitudes économiques de gauche et tolérance culturelle, les « conservateurs-libéraux » (23 %), plus proches de la droite aux plans économique et culturel, les « modérés-conservateurs » (19 %), en situation médiane, enfin une petite catégorie inattendue (4 %) d’« eurodubitatifs ».

Le parti présidentiel apparaît donc comme une communauté politique soudée par le soutien à son leader incontesté et par un très fort engagement européen mais, en même temps, traversée par une diversité idéologique qui peut devenir un facteur de fragilité, voire de division. Le défi de LRM est désormais de consolider son organisation sans perdre le caractère novateur qui lui a permis d’agréger une mosaïque de sensibilités.

Gérard Courtois

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