« Comment refonder notre contrat social? » Entretien de Thierry Pech
« Parler d’un nouveau contrat social renvoie à plusieurs choses : l’évolution de notre système de protection, bien sûr, mais aussi, plus généralement, le niveau d’égalité que l’on recherche ensemble. Il y a un accord croissant pour considérer que, dans un monde où les situations professionnelles sont plus précaires, les droits sociaux doivent être attachés à la personne, quelle que soit sa situation sur le marché du travail.
Un accord aussi sur le fait qu’il ne suffit pas de distribuer des revenus de remplacement aux gens quand ça va mal : il faut aussi les équiper en amont pour affronter les difficultés, par la formation, l’éducation…
Mais on a encore beaucoup de chemin à faire pour bâtir un contrat social fondé sur l’investissement dans les personnes. Se demander quel niveau d’égalité on recherche, c’est en effet se demander si notre ambition doit se résumer à distribuer des minima sociaux aux pauvres pour leur assurer une vie décente, ou si elle doit aussi consister à lutter contre les inégalités de destin. Et, pour ce faire, quelle place on veut donner aux services publics, au marché et aux solidarités familiales.
Si les réponses à ces questions peuvent varier sensiblement d’un milieu à l’autre, une chose est sûre : on peut exiger que l’argent public soit utilisé plus efficacement, mais on ne peut pas construire un contrat social ambitieux sans impôts ni cotisations.
Le mouvement actuel révèle le besoin d’une délibération collective plus continue
Les élus ne peuvent pas à la fois se joindre aux « gilets jaunes » pour demander une baisse des taxes et demander plus d’argent public pour leur commune. Mais le contrat social repose aussi sur notre capacité à en discuter les termes tous ensemble. Il ne suffit pas d’avoir, tous les cinq ans, un cycle électoral combinant présidentielle et législative.
Le mouvement actuel révèle le besoin d’une délibération collective plus continue. Ceux qui manifestent ces dernières semaines le font souvent pour la première fois. Ils sont l’illustration d’une France qui se fait rarement entendre dans les syndicats, les associations ou les partis. Il faut saisir l’occasion pour les inclure dans la délibération collective. C’est à ce prix que l’on élargira le cercle de la citoyenneté.
Reste à savoir comment. Quelques grand-messes dans les préfectures ou les mairies ne suffiront pas. Il faut aller à la rencontre des gens là où ils sont. Les lieux de travail et les institutions représentatives du personnel peuvent être des espaces de discussion sur les problématiques de mobilité.
De même, les lieux de consommation comme les centres commerciaux peuvent être des terrains de rencontre avec les citoyens. Non seulement pour les élus, mais aussi pour les associations, les mouvements, les syndicats. La délibération est un travail permanent qui concerne tout le monde.
Propos recueillis par Mickael Corre