Comment reprendre du plaisir en politique ?

Comment reprendre du plaisir en politique ?
Publié le 15 avril 2022
  • Experte des transformations numériques de l’action publique, enseignante vacataire à l’Ecole d’affaires publiques de Sciences Po Paris
  • Urbaniste et enseignante à Sciences Po
Les partis politiques ont traditionnellement trois rôles : coalition des intérêts, construction d’un programme, sélection des candidats. Pour remplir cette dernière fonction, ils doivent être en capacité de former leurs militants et de les préparer à prendre des responsabilités. Pourtant, le parcours militant classique s’est largement transformé, et une préoccupation en faveur de la diversification des profils des élus s’affirme au sein des partis politique et plus largement dans la société civile. Des initiatives diverses de formation à la responsabilité d’élus ont émergé ces dernières années. Que disent-elles de notre rapport à l’engagement politique, de la situation des partis et de l’accès aux responsabilités publiques ?

C’est quoi ce bordel avec l’amour là ? Comment ça se fait qu’on devient dingue à ce point ? T’imagine le temps qu’on passe à se prendre la tête là-dessus ?”. La génération Y- et au-delà – a été bercée par cette fameuse réplique. Dans Les Poupées Russes de Cédric Klapisch, Xavier partage sa révolte à son amie Isabelle : l’amour serait pour lui trop difficile d’accès, l’engagement, un casse-tête chinois. Avec une once de cynisme, on pourrait tordre cette réplique en remplaçant le mot amour par démocratie ouencore politique. A l’heure d’une désaffection pour le champ politique traditionnel, les partis, le vote ; l’une des questions-clé réside dans les modes d’engagement, de formation et de sélection des militants et futurs élus. Les partis n’étant plus considérés comme la voie unique d’accès à la politique, de nouvelles écoles ont émergé, promettant une formation pour de futures personnalités politiques, souvent issues de la société civile. A l’approche des élections législatives, l’arrivée de ces écoles conduit à se reposer des questions essentielles pour le fonctionnement de la démocratie : Comment donner envie de s’engager ? Qui mérite d’être candidat plus qu’un ou une autre ? A qui doit revenir ce choix ? En quoi les nouvelles écoles de l’engagement jouent un rôle dans la révélation de nouvelles figures en politique ? Peuvent-elles s’articuler avec les fonctions traditionnelles des partis, notamment celui de sélectionner des candidats ? Comment finalement reprendre du plaisir à faire de la politique et attirer toutes celles et ceux qui veulent faire bouger les lignes ?

Les urnes et partis boudés, les rues et les nouvelles écoles politiques bondées

Lors des dernières élections régionales et départementales de 2021, le taux d’abstention a encore une fois battu un record : 66,72% au premier tour, 65,7% au second. Chez les jeunes (18–24 ans), 87% ont boudé les urnes. Derrière ces chiffres, d’autres constats viennent ternir ce tableau. L’association A Voté note par exemple que 7,6 millions de personnes sont dites “mal-inscrites” sur les listes électorales. En septembre 2021, un sondage Ifop pour la Fondation Jean Jaurès fait état d’une forte désaffiliation des citoyens vis à vis des partis politiques : entre 2013 et 2019, le pourcentage de personnes ne se sentant proche d’aucune formation politique passe de 10% à 30%, les partis dits “traditionnels” chutent en termes de sympathisants. À l’heure d’une fin de campagne qui a peiné à intéresser et mobiliser se pose la question de l’avenir des formations politiques : leur transformation pourra-t-elle faire baisser l’abstention, le salut viendra-t-il d’organisations autres comme ces récents programmes de formation, ou doit-on considérer complètement différemment le rôle des partis politiques dans la société et le mode d’affiliation des citoyens ? 

Et pourtant, si l’on prend la tranche des personnes qui votent le moins, les 18–24 ans, ce sont justement elles et eux qui se mobilisent lors des marches pour le climat, pour la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, qui lancent des initiatives pour engager leurs générations et changer l’ordre des choses, qu’il s’agisse d’écologie, de solidarité, de nouvelles manières de consommer, s’alimenter, se loger, voyager… 

Et pourtant, se créent aussi des nouveaux mouvements pour renouveler le paysage politique. Souvent inspirés d’initiatives à l’étranger, comme Justice Democrats qui a propulsé de nouvelles figures au Congrès américain – en premier lieu Alexandria Ocasio Cortez – ou encore RenovaBRau Brésil, qui se présente comme une “école d’éducation politique”, plusieurs collectifs se sont constitués en France à l’aube de l’échéance 2022 :  

  • Investies est un parcours d’entraînement à la vie politique créé en 2020. En 9 mois, Investies a formé une soixantaine de femmes à faire campagne en vue des élections législatives de juin 2022. 
  • Le Collège citoyen de France, créé début 2021, est une école qui souhaite préparer des personnes engagées (dans la vie associative, l’entrepreneuriat social, etc.) à prendre des responsabilités dans la vie publique ou politique. 
  • L’Académie des Futurs Leaders est un “campus” pour créer une nouvelle génération de leaders. 
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Dans les trois cas, ces mouvements se sont créés en réponse à des manques constatés dans la vie politique traditionnelle : les partis politiques auraient déserté le champ de la formation – et du recrutement – de futures générations pour nous représenter et participer à la démocratie, des militants actifs sur des causes ne parviennent pas à se reconnaître dans la vie d’un parti pour les mettre à l’ordre du jour du débat, ou encore, les règles internes des partis sont difficiles à saisir pour une personne nouvellement adhérente. L’ambition exprimée par ces nouvelles voies est également d’améliorer la représentativité des personnes élues, en premier lieu à l’Assemblée nationale.

Ces nouvelles voies génèrent-elles un panel plus représentatif que les partis ? Ont-elles réellement la possibilité de devenir des passerelles pour détecter et intégrer de futurs candidats, ministres, responsables politiques ? Quelle est leur légitimité ? Que faut-il changer pour sortir de l’impasse ?

Les leçons de la désaffection du système partisan actuel

Cinq ans après l’arrivée à l’Assemblée nationale d’une vague de députés La République en Marche qui se revendiquaient pour beaucoup de la société civile et connaissaient peu le monde des partis politiques, il est intéressant de tirer des enseignements de cette expérience. La création d’un nouveau parti et la possibilité d’investir en une fois un grand nombre de personnalités nouvelles avait conduit à un renouvellement, une féminisation et un rajeunissement de l’Assemblée (72% des sièges renouvelés, 39% de femmes). Au-delà de la représentativité se pose la question de l’impact et l’utilité de ces élus : cinq ans plus tard, les limites sont visibles. Une cinquantaine de députés LRM annonce ne pas vouloir se présenter pour un nouveau mandat, certaines et certains se disant même dégoûtés d’avoir été instrumentalisés par le parti majoritaire, sans aucune formation préalable. D’autres députés ont quitté l’Assemblée en plein mandat pour rejoindre le secteur privé.

Investir des personnalités “représentatives” sans leur donner les moyens de peser ni en interne dans le parti, ni en externe, limite les bienfaits de ce nouveau mode de sélection. Ce qui renvoie à la question essentielle de la formation : historiquement, le parcours militant permettait de se former au fur et à mesure au monde politique, d’en comprendre les codes, et d’arriver ainsi “armé” pour un premier mandat. Ce qui ne fut pas le cas de la plupart des députés LREM. Constatant l’essoufflement du fonctionnement traditionnel des partis, il convient donc de trouver de nouvelles formes d’arrivée à la politique qui n’obligent pas un parcours de militant de parti de vingt ans, mais ne se transforment pas en une lancée dans l’arène de personnalités de la société civile qui n’ont pas de moyen d’action suffisants. 

Tout comme les syndicats ou les cultes, les partis politiques sont des organisations créatrices de « commun » qui n’attirent plus de manière massive. Face aux crises actuelles sociales et climatiques, beaucoup se sentent plus utiles en dédiant leur temps libre à une activité associative, à des mouvements de protestation spontanés, plutôt qu’à la participation à une organisation politique. Cette dernière demande en effet un temps conséquent et ne correspond souvent pas aux modes d’engagement des jeunes : longues réunions le soir et le weekend, manque d’efficacité dans l’organisation et la prise de décision et surtout manque de plaisir. Aujourd’hui, il est rare d’entendre parler des partis politiques comme un lieu où on a plaisir à débattre, à se retrouver et à agir. Les jeunes se tournent plus volontiers vers des mouvements spontanés issus des réseaux sociaux, qui transforment des causes en marches, en actions de solidarité, en défis sur les réseaux sociaux, en projets artistiques. Peu associent le plaisir du débat et de l’apprentissage intellectuel aux partis politiques.

Or c’est bien là l’enjeu : si le parti est vu uniquement comme une structure d’accès au pouvoir et si son impact sur la société est évalué comme faible par les citoyens, seules les personnes dépendant des mandats politiques y resteront, et la confiance donnée aux candidats et élus sera de plus en plus faible. Les organisations politiques doivent pouvoir être regardées à nouveau comme des lieux générant du commun, du plaisir, des activités productrices de sens et des combats utiles.

C’est face à ce constat qu’ont émergé de nouvelles écoles de l’engagement, afin de ramener à la politique des personnes qui ont prouvé qu’elles savaient défendre des causes, sans qu’elles soient obligées de passer par le parcours traditionnel des partis.

La raison d’être et les ressorts de programmes de formation qui s’inscrivent « hors des partis »

« La politique, ce n’est pas pour moi » : l’auto-censure est l’un des premiers freins à l’action militante dans les partis, car l’on imagine souvent que la politique est trop lointaine, trop cruelle, trop difficile. Le pari d’aller chercher des personnes prometteuses qui ont envie de s’engager, de les former et les pousser à se présenter est séduisant.

Ainsi, les trois programmes cités ci-haut – Investies, Le Collège Citoyen, l’Académie des Futurs Leaders – ne s’inscrivent pas en opposition aux partis politiques, mais en complément. Même s’ils ont chacun leurs particularités, ils se retrouvent dans l’idée d’offrir une formation gratuite à des personnalités issues d’horizons divers, pour leur donner les clés du monde politique. Ces trois formations ont visé à créer des cursus holistiques, où l’on fait connaissance, pratique le développement personnel, écoute des personnalités inspirantes, s’entraide, se retrouve pour des séminaires. L’accent y est beaucoup mis sur les activités communes et la qualité des formations.

L’idée est ensuite d’aider ces personnes à peser dans le rapport de force au sein d’un parti ou lors d’une investiture : la visibilité et la capacité d’action acquises grâce à la formation, l’entraide de ce nouveau réseau, peuvent permettre à certaines et certains d’être vus comme une chance par des partis.

Ces programmes ont le mérite de faire venir des personnes qui sont déjà très impliquées pour une cause et n’ont pas assez de temps ou d’envie pour militer, participer à des réflexions de fonds ou d’être investi à une élection. En les formant, ces programmes peuvent inverser le rapport de force et leur donner des capacités d’actions face au système des partis. Ils leur permettent de se sentir légitimes et de leur faire comprendre que leur activité est déjà politique : être responsable d’une association d’insertion, c’est faire de la politique, organiser des campagnes militantes pour dénoncer la maltraitance animale, c’est faire de la politique, construire des salles de repos pour les soignants, c’est faire de la politique, lutter contre l’habitat indigne à Marseille, c’est faire de la politique …

Certes, la politique a toujours connu l’arrivée de personnalités dites de la « société civile », qui représentent une part à chaque élection locale, dans chaque quota global d’investitures législatives ou lors de la formation d’un gouvernement. Mais ce système se faisait traditionnellement de manière « descendante » : un parti allait chercher ces personnalités qui peuvent apporter leur expérience et faire gagner des voix et leur proposait un poste. Ici, le pari est d’encapaciter les individus pour peser face aux partis ou faire sans eux, actant une baisse d’importance des partis dans l’intermédiation politique.

Cela pose la question de la légitimité d’intermédiation de ces nouvelles organisations. Les partis représentent un certain nombre de votants et de militants, ces organisations représentent la volonté et les affinités de leurs fondateurs et fondatrices. Il faut d’ailleurs noter que l’orientation politique est souvent définie de manière floue, permettant d’ouvrir la formation à un large panel de personnes, mais posant aussi la question de ce qui est considéré comme acceptable dans ces cercles, et des critères de sélection quand il y en a. Parmi les trois programmes cités, les fondatrices et fondateurs sont souvent engagés politiquement même s’ils ne militent pas dans un parti actuellement. Ainsi, Quitterie de Villepin, co-initiatrice d’Investies, s’est engagée auprès de l’UDF/Modem qu’elle a quitté en 2009, a lancé le mouvement « Ma Voix » en 2017, et est actuellement candidate indépendante pour les législatives à Paris. Investies se définit autour de quatre valeurs cardinales : justice sociale, justice environnementale, lutte contre les discriminations, innovation démocratique. Alice Barbe, présidente de l’Académie des Futurs Leaders, a été candidate aux élections régionales de 2015 sur la liste d’Europe Écologie Les Verts. Le groupe des co-fondateurs du Collège Citoyen de France mêle des artistes, des chefs d’entreprises, un haut fonctionnaire, une adjointe à la maire de Paris. Aucune mention n’est faite d’une proximité avec tel ou tel parti, et la diversité des intervenants en témoigne. Il est difficile de prédire l’avenir de ces formations et si certaines peuvent se transformer en mouvement politique, étant donné leur caractère récent et des socles idéologiques peu homogènes. Si certaines parviennent à gagner en écho médiatique et poids politiques, elles pourraient être prises sérieusement en compte par les partis au moment des investitures ou servir de label pour une candidature indépendante.

Dès lors, une personne issue de ces formations a-t-elle plus de légitimité pour être investie plutôt qu’un militant d’un parti ? Un conflit de légitimités est inéluctable. C’est alors un parcours d’ensemble qui primera, enrichi par cette formation. La loyauté et l’engagement de long terme, souvent jugés essentiels au sein d’un parti, sont dans ce cas difficiles à évaluer. La validité d’un « diplôme » de ces formations est contestable : assister à quelques sessions de formations ne dit rien de la qualité et de l’endurance d’un futur élu qui devra accomplir des tâches dont beaucoup seront moins amusantes que ces sessions. La politique est affaire de plaisir mais aussi de combats longs et ardus.

Quelles nouvelles voies pour reprendre goût à l’engagement politique ? 

Dès lors, quelles voies trouver pour réconcilier ces nouvelles formes d’engagement et de formation politiques avec la vie politique électorale ?

Des voies structurelles peuvent être dessinées. Dans ses ouvrages Le Prix de la Démocratie (Fayard, 2018) et Libres et égaux en droits (Fayard 2020), Julia Cagé en propose plusieurs, dont celles de changer le mode des financements des partis politiques. Parmi les leviers identifiés : la création de “bonds pour l’égalité démocratique” de 7 euros par an que chaque citoyen pourra attribuer au parti de son choix et le plafonnement à 200 euros des dons aux candidats. Des solutions parmi d’autres pour réformer le financement de la vie politique, qui empêche bien souvent les partis de prendre le risque d’investir de nouvelles figures ou de s’allier dès le premier tour des élections législatives.

Des voies méthodologiques pourraient être proposées pour faire progresser la démocratie au sein des partis. A cet égard, au-delà de l’issue ratée de la Primaire Populaire, on peut noter le succès de son approche, par la combinaison d’une mobilisation numérique et de terrain, et par le choix du vote selon la méthode du jugement majoritaire. Plus de 400 000 personnes se sont inscrites au vote de la Primaire Populaire.

Les modes d’interaction avec les citoyens doivent aussi être renouvelés. Au sein de Terra Nova, La Grande Conversation 2022 rassemble avec BVA une communauté citoyenne de 50 personnes qu’elle interroge régulièrement pour diversifier les points de vue sur les débats actuels et les grands thèmes de la campagne présidentielle : les résultats y sont tout autres que ceux de panels militants, de sondages ou de l’intermédiation journalistique. Les modes d’expression requièrent un changement afin de se connecter à la réalité du vécu mais aussi au sentiment de plaisir ou de révolte tel qu’il est véhiculé par les réseaux sociaux. La capacité de mobilisation très forte de certains comptes sur les réseaux sociaux doit interroger en retour sur celle plus faible des partis politiques (voir à ce titre la note de Marion Waller pour La Grande Conversation, “Quand les influenceurs entrent en campagne”).

Les nouvelles formations à l’engagement ont également tracé des pistes intéressantes pour « innover » au sein de mouvements politiques : méthodes de formation des nouveaux adhérents, campagnes mobilisant les techniques de « community organizing » et consultations citoyennes, nouveaux modes de mobilisation sur des causes, etc. Elles forment d’ailleurs des collectifs qui s’entraident et apprennent des causes portées individuellement : de quoi élargir les perspectives et aider de futurs responsables politiques à considérer la diversité des combats à mener et des solutions à apporter. Les partis peuvent y trouver les clés d’une nouvelle forme d’éducation populaire qui redonne du plaisir à s’engager et une inspiration pour réintroduire la formation au centre des parcours politiques.

Et si, justement, le plus important en politique, c’était comme en amour : (re)prendre du plaisir ? Dans son dernier ouvrage Quartier Rouge (puf, 2021), le philosophe Michaël Foessel passe au crible les différents facteurs qui ont mené les mouvements politiques de gauche à placer l’engagement et le plaisir (dans toutes ses dimensions) dans le champ de la subversion. Il nous invite à retrouver le chemin de l’émancipation, de l’allégresse pour les mobiliser dans les défis que la nouvelle génération aura et doit déjà relever. Dans un projet de documentaire sur le parcours Investies, réalisé par la journaliste Judith Grumbach, Ninon Lagarde, co-fondatrice du mouvement Tous élus, donne un conseil aux futures candidates aux législatives : “boire, manger, dormir, jouir, et après on milite !”.

Il est difficile de dresser aujourd’hui un bilan tranché sur l’efficacité de ces nouveaux modes d’accès à la politique, étant donné leur caractère très récent ; mais on peut en tirer des perspectives pour l’évolution de notre système politique. Rares sont les cas de personnes issues de ces formations qui annoncent à ce jour avoir été investies par un parti. Le rapport de force reste donc à construire et la légitimité à prouver face à celle de la formation militante. Certains candidats se sont lancés sans investiture, avec les difficultés que l’on connaît de financement et de base militante. D’autres vont probablement vivre l’aventure en étant investis par un parti et observer en pratique, les enseignements transmis dans ces nouvelles formations à l’engagement. Mais ces formations ont certainement permis à des dizaines voire des centaines de personnes de se poser la question « pourquoi pas ? », de se préparer à la possibilité d’un mandat politique et de se sentir mieux armées, ce qui est déjà une victoire. Malgré un écho encore faible et des biais certains de recrutement, ces formations esquissent des manières de redonner goût à l’action politique, de créer du commun à l’heure où tous les lieux historiques de ce commun sont en perte de vitesse (partis, syndicats, lieux de culte et même le lieu le travail que l’on fréquente moins aujourd’hui). On ne peut que se réjouir de cette tentative de réenchantement d’un des piliers de notre démocratie.   

In fine, l’arrivée de ces nouvelles formations politiques pose la question du rôle futur des partis. L’un des scenarios que l’on peut imaginer à moyen terme serait celui d’un retrait complet des partis pour la formation des militants et la sélection des candidats, qui seraient « externalisés » de fait à ces nouvelles écoles, tout comme la production d’idées s’est beaucoup externalisée au sein de think tanks. Il est difficile de prédire si un tel big bang pourrait se produire, et il est possible qu’en fonction des partis, le rapport de force avec ces nouveaux mouvements soit plus ou moins fluide. Un parti qui souhaite s’ouvrir à la société civile ou renouveler sa base militante peut largement bénéficier de ces formations. Mais ce scénario questionne fortement ce qui « resterait » aux partis politiques et légitimerait leur existence. On peut aussi imaginer une hybridation des partis politiques et la création de structures nouvelles qui réinventeraient le militantisme, la production et la diffusion d’idées, la formation, soit dans des partis qui auraient regagné en puissance et en impact, soit dans des coalitions de structures spécialisées dans chacun de ces champs. Une chose semble certaine : l’avenir des formations politiques au lendemain de l’élection présidentielle devra faire l’objet de choix structurants en la matière.

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Mathilde Bras

Marion Waller