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Note

Contre la crise démocratique, moderniser l’exercice du droit de vote

Avec les prochaines élections municipales, les 23 et 30 mars 2014, et les élections européennes du 25 mai 2014, le risque et la menace de l’abstention sont régulièrement évoqués. Or cette évocation relève le plus souvent de l’incantation : l’abstention ne serait que le résultat d’une désaffection pour les enjeux électoraux et d’une distance toujours plus grande à l’encontre de la classe politique.

Publié le 

1 – Abstention et inscription électorale, deux phénomènes étroitement liés

1 – La France, une démocratie de l’abstention ?

Une abstention croissante depuis trois décennies


La montée de l’abstention suit, depuis la fin des années 1970, une courbe quasiment croissante à tous les scrutins. L’élection présidentielle, devenue l’élection phare avec la présidentialisation progressive de la V ème République et, dans une moindre mesure, les élections municipales, semblent faire figure d’exception.

Ainsi observe-t-on par exemple que :

– aux élections européennes, le taux d’abstention est passé de 39,29% en 1979 à 59,37% en 2009 ;

– aux élections régionales, le taux d’abstention est passé de 25,2% en 1986 (1ère élections des conseils régionaux) à 49,5% au second tour de 2010 ;

– aux élections cantonales, le taux d’abstention est passé de 29,82% au second tour du scrutin de 1982 à 55,23% au second tour de 2011.

L’abstention aux élections législatives connaît une progression tout aussi fulgurante. En 1978, l’abstention au second tour des élections législatives ne concernait que 15,1% des électeurs. En 2012, ce taux d’abstention a quasiment triplé pour atteindre 44, 59% des électeurs inscrits.

Ce constat interpelle fortement et amène à poser la question suivante : à l’instar des États-Unis, la France est-elle en train de devenir « une démocratie de l’abstention » pour reprendre la formule des professeurs de science politique Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen [2]  ? Leur enquête de sociologie électorale s’intéresse en profondeur au phénomène de l’abstention. Une étude de cas menée dans la cité des Cosmonautes, en Seine-Saint-Denis, conduite durant près d’une décennie, fournit un considérable volume d’informations quantitatives et qualitatives qui permettent de mieux appréhender ce phénomène.

De la richesse de cette analyse, deux  conclusions interpellent en premier lieu :

– selon les estimations des deux chercheurs, l’abstention comme choix d’expression politique de principe ne concerne que 3% du corps électoral effectif [3]  ;

– les problèmes d’inscription sur les listes électorales apparaissent comme le principal frein à la participation.

2 – L’inscription sur les listes, frein important à la participation électorale

J.-Y. Dormagen et C. Braconnier se sont intéressés au phénomène de la non-inscription sur les listes électorales, phénomène d’ampleur, pourtant peu considéré comme tel. Ils définissent par ailleurs le phénomène de « mal-inscription », c’est à dire le fait d’être inscrit sur les listes électorales d’une commune qui n’est pas la commune de résidence de la personne.

Comme nous le détaillerons plus loin, l’inscription sur les listes électorales en France n’est pas automatique et découle d’une démarche volontaire. Malgré des campagnes d’information portées par les pouvoirs publics ou par la société civile avant chaque campagne électorale, malgré la réforme de 1997 qui rend automatique l’inscription sur les listes électorales de tous les citoyens au moment de leur dix-huitième anniversaire, trois millions de Français ne sont inscrits sur aucune liste électorale et sont donc privés de la possibilité de voter [4] . Ce chiffre représente 7% du corps électoral potentiel (ensemble des citoyens français en âge de voter pouvant exercer leurs droits civiques), soit l’équivalent du corps électoral effectif (personnes inscrites sur les listes électorales) cumulé de Paris, Lyon et Marseille.

Si ce chiffre n’explique pas le phénomène de l’abstention, qui est calculée en France sur la base des électeurs inscrits sur les listes électorales, il n’en demeure pas moins préoccupant pour tout ami de la démocratie. D’autant plus que les expériences de terrain conduites par J.-Y. Dormagen et C. Braconnier dans le cadre de leur enquête (l’accompagnement d’électeurs non-inscrits dans le processus d’inscription) tendent à montrer que les non-inscrits ne sont pas des abstentionnistes en puissance. Parmi tous les électeurs qu’ils ont aidé à s’inscrire sur les listes électorales, soit près de 30 000 personnes, plus de 80% d’entre eux sont allés voter à l’élection présidentielle de 2012, un chiffre identique  à la participation de l’ensemble du corps électoral français lors de cette élection (80,35%) [5] .

Au-delà du phénomène de non-inscription, C. Braconnier et J.-Y. Dormagen ont théorisé le concept de « mal-inscription » c’est-à-dire le fait de ne pas être inscrit sur la liste électorale du bureau de vote rattaché à son domicile de résidence principale. La mal-inscription est un phénomène qui touche presque tous les citoyens Français à un moment ou un autre de leur vie, dès lors qu’ils déménagent. Il convient en effet de demander son changement d’inscription sur les listes électorales à chaque fois que l’on change de commune de résidence, voire même de quartier (les bureaux de vote dans les villes sont de petites entités regroupant seulement quelques rues).

La « mal-inscription » est un phénomène d’ampleur. Selon les estimations de Céline Braconnier, Jean-Yves Dormagen et Arthur Muller, après une enquête menée aussi bien dans la cité des Cosmonautes que dans le 3 ème arrondissement de Paris, la « mal-inscription » représente peu ou prou 20% de l’ensemble des inscrits [6] . Pour chaque élection, c’est donc un électeur sur cinq qui doit accomplir une démarche lourde pour aller voter, qui peut aller du déplacement dans un autre quartier au déplacement dans un autre département, parfois à l’autre bout de la France, ou à l’établissement d’une procuration. Cette contrainte supplémentaire peut s’avérer décisive au moment du choix de se rendre ou non jusqu’à l’isoloir.

Dans leur étude sur la participation électorale dans la cité des Cosmonautes, J.-Y.  Dormagen et C. Braconnier ont réussi à mesurer l’impact de ce phénomène sur la participation électorale à l’échelle d’un bureau de vote. Les résultats sont saisissants. L’essentiel des électeurs mal-inscrits est tombé dans l’abstention constante. Ceux qui font encore l’effort d’aller voter le font avec une parcimonie notable. Ces électeurs sont en fait particulièrement sensibles à l’intensité de la campagne et seule l‘élection présidentielle les mobilise encore de manière significative.

A partir de données très nourries, C. Braconnier et J.-Y Dormagen estiment que le phénomène de « mal-inscription » explique à lui seul entre le quart et la moitié de l’abstention à l’élection présidentielle. Soit entre 5 et 10% du corps électoral [7]  !

3 – La procédure d’inscription la plus lourde des pays démocratiques


La procédure d’inscription sur les listes électorales est l’un des plus contraignantes de toutes les démocraties occidentales, et cette situation pèse sur l’expression du suffrage pour une partie significative de la population française.

L’état du droit en France

La France est l’un des pays au monde où la procédure d’inscription sur les listes électorales est la plus complexe et la plus lourde. Imaginé pour limiter les fraudes et fondé sur la responsabilisation du citoyen qui doit procéder de lui-même à la demande d’inscription, ce processus semble aujourd’hui en décalage par rapport à la modernité et constitue un frein majeur à la participation électorale.

Les diverses procédures d’inscription sont détaillées dans le Code électoral, qui précise qu’il revient aux communes d’établir les listes annuellement.

L’article L.9 du Code électoral, article méconnu mais fondamental, prévoit ainsi que : « L’inscription sur les listes électorales est obligatoire. Des décrets en Conseil d’Etat règlent les conditions d’application du présent article ».

Toutefois, cette grande ambition d’une inscription obligatoire sur les listes électorales pèse sur le citoyen, et non sur l’administration. Les articles R. 1 à R. 3 du même Code précisent ainsi qu’il revient à la personne souhaitant participer au vote de s’inscrire sur les listes électorales.

Bien que certaines personnes soient inscrites d’office, dans l’immense majorité des cas, le citoyen doit effectuer lui-même les démarches.

Ainsi, en vertu de l’article L.11 du même Code, sont inscrits sur les listes électorales, à leur demande : les citoyens ayant leur domicile réel dans la commune depuis au moins six mois, ceux qui figurent pour la cinquième fois sans interruption au rôle d’une des contributions directes communales, ainsi que les fonctionnaires avec obligation de résidence, les résidents qui rempliront les conditions d’âge et de résidence à date de clôture des listes (en février), et enfin les personnes en service national qui ne sont pas écartées du fait de leur absence de la commune. Ces critères permettent donc à certains citoyens de choisir leur commune de rattachement.

En outre, depuis 1997 [8] , sont inscrites d’office sur les listes électorales les personnes qui remplissent la condition d’âge pour voter (18 ans depuis la loi du 5 juillet 1974). Une circulaire [9] prévoit que les autorités gestionnaires des fichiers du recensement militaire et les organismes servant les prestations de base d’assurance maladie fournissent à l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) les informations nominatives relatives aux jeunes nationaux.

De plus, s’il est possible de demander son inscription tout au long de l’année, la révision annuelle ne prend effet qu’à compter du 1 er mars de l’année suivante. Ainsi, les nouveaux électeurs doivent attendre cette date pour voter, tandis que ceux qui ont déménagé doivent, jusqu’à cette date, voter dans leur ancienne commune d’inscription.

Les listes électorales restent donc en principe inchangées pendant un an, jusqu’à la révision suivante. Seules certaines catégories limitativement énumérées dans le Code électoral (jeunes arrivant à l’âge de la majorité, fonctionnaires mutés ou admis à la retraite, personnes naturalisées, etc.) peuvent être inscrites sur les listes en dehors des périodes normales de révision. Leur demande est recevable jusqu’au dixième jour précédant le scrutin.


La France en retard sur ses voisins

La procédure française apparaît plus complexe encore pour le citoyen en comparaison avec d’autres pays européens comme l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, les Pays-Bas et le Portugal. Afin d’apprécier les différences persistantes entre la France et ses voisins européens, il convient d’observer les modalités de première inscription d’une part, et les possibilités de modifier ses données personnelles auprès de l’administration chargée d’établir les listes électorales d’autre part.

Toutefois, il convient de rappeler à titre liminaire les précisions apportées dans l’étude de législation comparée publiée par le Sénat en mars 2006 : « L’examen des dispositions étrangères montre que la gestion automatique et permanente des listes électorales est liée à l’existence de fichiers municipaux de population et à l’obligation de déclaration domiciliaire. Faute de connaître ces pratiques administratives, la Grande-Bretagne et le Portugal gèrent des fichiers électoraux établis à partir des informations fournies par les intéressés [10]  ».

Dans de nombreux pays, la première inscription sur les listes électorales est effectuée d’office et la modification des données individuelles sur les listes électorales est automatique.

C’est le cas en Allemagne, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Italie et aux Pays-Bas, où les listes électorales sont établies à partir des fichiers municipaux de population. Tout électeur est donc inscrit d’office sur les listes électorales.

Grâce à l’obligation de déclaration domiciliaire en vigueur dans ces pays, les listes électorales sont mises à jour automatiquement. Les changements de domicile sont pris en compte sans que les intéressés aient à effectuer de démarche particulière pour s’inscrire, la déclaration de domiciliation effectuée lors de l’emménagement suffit. Cependant, les modifications apportées aux fichiers municipaux de population dans les jours qui précèdent le scrutin ne peuvent pas être enregistrées.

Dans d’autres pays, comme au Portugal et en Grande Bretagne, l’inscription sur les listes électorales résulte du recensement électoral et ces listes sont mises à jour sur la base des déclarations des électeurs.

La révision de ces listes n’est donc pas automatique : les électeurs doivent signaler tout changement de situation, en particulier tout déménagement. Toutefois, dans chacun de ces deux pays, les listes électorales sont mises à jour mensuellement.

Le cas des Etats-Unis

Aux États-Unis comme en France, la démarche d’inscription sur les listes électorales est volontaire et non automatique.

Cette caractéristique essentielle rapproche le système outre-Atlantique de l’organisation française. En l’absence de liste électorale nationale, les électeurs s’inscrivent dans leur commune de résidence selon un processus propre à chaque Etat. Rappelons aussi que le taux de participation aux Etats-Unis est calculé sur la base du nombre d’électeurs potentiels et non du nombre d’électeur inscrits. Toutefois, le système américain favorise une plus large inscription sur les listes électorales que le modèle français. En effet, dans tous les Etats, il est possible de s’inscrire jusqu’à 35 jours avant le scrutin, et parfois moins.

Depuis les années 1970, onze Etats ont même franchi le cap des inscriptions le jour du vote, les « same day registration », auquel s’ajoutent le district de Columbia et la Californie, qui vient de l’adopter sans toutefois l’avoir encore jamais appliqué. Ce système permet de s’inscrire au plus près du vote, ou de corriger et modifier son inscription, tout en pouvant voter le jour même.  Les Etats qui ont mis ce système en place connaissent une hausse des taux de participation. Quatre des cinq Etats où ce taux est le plus fort pratiquent le « same day registration ». Le taux de participation est en moyenne plus important de 10% dans les Etats où l’on peut s’inscrire le jour du vote, que dans les Etats où l’inscription préalable est nécessaire. Cette hausse de la participation est particulièrement marquée chez les jeunes puisque les recherches menées sur les élections présidentielles de 2012 montrent que le recours aux inscriptions le jour du vote a conduit à une hausse de la participation des jeunes entre 9% et 14% dans les Etats qui ont mis en place cette procédure [11] .

Ce choix qui entend remédier aux problèmes d’inscription découverts tardivement (déménagement, première inscription, erreur d’inscription, etc.), n’emporte qu’un coup modique pour les Etats. A titre d’illustration, la mise en place de ce système a coûté 40 000 dollars à l’Iowa en 2008 (99 comtés, 3,4 millions d’habitants). Par ailleurs, ce système ne remet nullement en cause la sincérité et le bon déroulement du scrutin, les nombreuses précautions mises en place expliquant l’absence de hausse de la fraude électorale. Outre les lourdes pénalités prévues en cas d’infraction, un officier électoral est chargé de vérifier les conditions d’inscription des électeurs qui doivent se munir d’une attestation de résidence et d’un document d’identité de citoyenneté.

Avec ce tour d’horizon, on constate que la procédure d’inscription sur les listes électorales est plus complexe en France que dans la plupart des grandes démocraties, sans que l’on constate chez nos voisins européens ou aux Etats-Unis une fraude électorale plus importante que chez nous. Au regard de ces éléments, la procédure française parait inutilement complexe. Pire, elle est un frein évident à la participation électorale de nombreux citoyens plus éloignés du jeu démocratique. Alors que l’abstention atteint des niveaux records dans notre pays, il parait important d’assouplir les modalités d’inscriptions sur les listes électorales, pour ne pas qu’à l’abstention par choix s’ajoute une « abstention logistique ».

2 – Pour un nouveau souffle démocratique, adaptons notre procédure d’inscription sur les listes électorales à la société du XXI siècle
Pour donner un nouveau souffle démocratique, il est nécessaire de moderniser les modalités d’inscription sur les listes électorales et de les adapter à notre société actuelle, où la mobilité professionnelle est plus importante que par le passé. C’est l’objet des propositions présentées ci-dessous.

Nous avons écarté l’idée tendant à rendre automatique l’inscription sur les listes électorales. Elle est certes optimale pour maximiser la participation électorale, puisqu’elle règle du même coup le problème de la non-inscription et celui de la « mal-inscription », l’administration prenant en charge le changement d’affectation de liste électorale en cas de déménagement du citoyen dès lors que celui-ci l’a signalé. Cette piste pose cependant un problème de faisabilité. En effet, les pays ayant recours à une telle inscription automatique pratiquent aussi l’obligation de déclaration domiciliaire, qui n’est pas dans la tradition française. Si d’autres fichiers existent en France (Trésor public, Sécurité sociale, Urssaf…), leur utilisation à des fins de tenue de listes électorales n’a rien d’évident. Aussi cette piste n’a-t-elle pas été retenue.

Cinq propositions pour une modernisation des modalités d’inscription sur les listes électorales

Repousser le plus tard possible la date de clôture des inscriptions et ouvrir la réflexion sur une inscription jusqu’au jour même du vote

En l’état actuel de la législation, les listes électorales sont établies annuellement. Les citoyens peuvent s’inscrire jusqu’au 31 décembre pour une clôture le dernier jour du mois de février.

Cette règle connaît des exceptions prévues par les articles L.30 et suivants du Code électoral. Ainsi, certaines catégories de personnes peuvent s’inscrire sur les listes électorales après la date de clôture : les fonctionnaires mutés, les militaires de retour au pays, les personnes qui mettent en avant un motif professionnel, les personnes naturalisées ou encore les personnes qui recouvrent l’exercice du droit de vote. Ces personnes peuvent déposer leur demande d’inscription jusqu’au dixième jour précédant le scrutin. En vertu de l’article L.32 du même Code, les demandes d’inscription sont examinées par la commission administrative de révision des listes qui statue au plus tard cinq jours avant le jour du scrutin.

Dès lors, il existe déjà une procédure permettant ces inscriptions tardives et rien ne se s’oppose matériellement à l’extension de ce droit à l’ensemble des citoyens.

Le seul impératif à prendre en compte est le plan de charge des commissions administratives de révision dans les jours qui précèdent le scrutin, pour assurer l’enregistrement des demandes, l’examen et la validation par la commission de révision, la communication au préfet et la transmission en mairie.

Au regard de ces contraintes et des comparaisons étrangères, la date limite d’inscription sur les listes électorales pourrait donc être largement retardée, avec une date de clôture des listes qui pourrait intervenir jusqu’à dix jours avant le scrutin.

Cela nécessite d’adapter les procédures juridictionnelles mises en œuvre pour l’établissement des listes : enregistrement des demandes, l’examen et la validation par la commission de révision, la communication au préfet et la publication en mairie.

Après l’accomplissement des vérifications nécessaires, la liste utilisée pour le scrutin serait ainsi validée par la commission cinq jours avant le vote. De ce fait, serait abandonné le principe de révision annuelle des listes au profit de cette révision pré-électorale.

A moyen terme, il faut aussi ouvrir la réflexion sur une inscription le jour même du scrutin. Cela supposerait une révision profonde des modalités d’établissement et de tenue des listes et de contrôle, mais l’inscription le jour du scrutin doit être l’horizon, étant entendu que, presque par définition, un électeur venant s’inscrire le jour même du vote sera aussi un électeur… qui vote !

Systématiser le caractère automatique de la première inscription sur les listes électorales

En 1997, l’inscription sur les listes électorales a été rendue automatique pour tous les citoyens qui atteignent l’âge de la majorité et sont appelés à voter pour la première fois. Il est proposé de transposer cette inscription automatique pour la première inscription de tous les ressortissants étrangers naturalisés français, dans le souci de leur permettre le plein exercice de leurs droits et devoirs.

Harmoniser la liste des pièces demandées pour l’inscription

Aujourd’hui, les documents exigés pour s’inscrire sur les listes électorales varient selon les mairies (justificatifs de domicile, attestations, etc.), ce qui engendre une profonde inégalité à l’échelle du territoire national, voire de la commune selon les commissions de révision des listes électorales qui chacune se dote de ses propres règles. L’article R. 5 du Code électoral, qui fixe la clôture des demandes d’inscriptions au 31 décembre de l’année précédant le scrutin, prévoit pourtant que la liste des pièces demandées pour déposer cette demande est fixée par un arrêté du ministre de l’intérieur.

Il faut définir des règles claires, qui s’appliquent sur l’ensemble du territoire. Il convient également de ne pas limiter excessivement la liste des documents acceptés pour justifier de son domicile. Déclarations d’impôts, factures d’énergie, de fournisseur d’accès à Internet, de téléphonie mobile ou encore d’énergie, ainsi qu’une pièce d’identité officielle doivent suffire à justifier de sa résidence dans la commune.

Par ailleurs, de nombreuses communes refusent de prendre en compte les attestations sur l’honneur. Les règles concernant ce document doivent, ici encore, être les mêmes sur tout le territoire.

Généraliser l’inscription sur Internet

Aujourd’hui, dans 3000 communes, le citoyen a la possibilité de s’inscrire sur les listes électorales sur Internet. En raison de leur simplicité et de leur rapidité, ces procédures connaissent un fort succès quand elles sont efficacement mises en œuvre. Elles doivent être améliorées et développées, en veillant à assurer un accompagnement adapté pour les communes ne disposant pas de site Internet, notamment les petites communes.

Rendre obligatoires les campagnes d’informations nationales et locales.

Outre la simplification des démarches à effectuer pour s’inscrire sur les listes électorales, l’information du citoyen est un enjeu majeur. Aujourd’hui, la date de clôture des inscriptions  (le 31 décembre) est souvent méconnue, tout comme la nécessité de demander un transfert en cas de déménagement. Les procédures d’inscriptions sur les listes doivent être expliquées aux citoyens.

La loi doit rendre obligatoire l’organisation de campagnes d’information par la puissance publique à l’échelon national et local, et préciser leurs modalités.

Conclusion

Les propositions concrètes formulées dans cette note visent à accroître la participation citoyenne aux grands rendez-vous démocratiques électoraux. Elles sont versées au débat public. Les échéances électorales de 2014 sont désormais trop proches pour espérer sérieusement faire évoluer l’état du droit d’ici-là, sans prendre le risque de mettre en place un dispositif inabouti. L’année 2014 doit donc être une année de débats politiques, d’action législative et de modernisation sur ce dossier, pour que les prochains scrutins puissent se dérouler avec des règles revues et adaptées à la réalité de la France d’aujourd’hui et de demain.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier vivement Jean-Yves Dormagen et Céline Braconnier, d’une part, et Guillaume Liegey, Arthur Muller et Vincent Pons, d’autre part. Leurs ouvrages respectifs, La démocratie de l’abstention et Porte-à-porte : reconquérir la démocratie sur terrain ont stimulé la réflexion et ont été des sources précieuses d’information. Nous espérons qu’ils retrouveront dans ces lignes un attachement commun à une démocratie plus vivante et plus moderne.

  1. Notamment : Pour une primaire à la française (groupe de travail présidé par Olivier Duhamel et Olivier Ferrand ; Matthias Fekl, rapporteur), août 2008 et Réformer l’élection présidentielle, moderniser notre démocratie , par Olivier Ferrand, avril 2011.

  2. Braconnier Céline, Dormagen Jean-Yves, La démocratie de l’abstention, Paris, Gallimard, 2007.

  3. Une partie de cette abstention clairement assumée comme choix politique peut aussi trouver une expression par le biais du vote blanc. La reconnaissance de celui-ci pourrait connaître des progrès, l’Assemblée nationale ayant adopté à l’unanimité, le 28 novembre 2013, une proposition de loi de MM. Sauvadet, Borloo et de Courson visant à reconnaître le vote blanc aux élections. Ce texte, transmis au Sénat, complète le troisième alinéa de l’article L. 65 du Code électoral par trois phrases ainsi rédigées : « Les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal. Ils n’entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. Une enveloppe ne contenant aucun bulletin est assimilée à un bulletin blanc ».

  4. Lincot Liliane, Niel Xavier « L’inscription et la participation élecotrale en 2012 », Insee Première, n°1411, 2012

  5. Liegey Guillaume, Muller Arthur, Pons Vincent, Porte-à-Porte, reconquérir la démocratie sur le terrain , Paris, Calman-lévy, 2013. p. 248

  6. Liegey Guillaume, Muller Arthur, Pons Vincent, Porte-à-Porte, reconquérir la démocratie sur le terrain , Paris, Calman-lévy, 2013. pp. 241–243

  7. Ibid.

  8. Loi n° 97–1027 du 10 novembre 1997

  9. Circulaire 28 novembre 1997

  10. Etude de législation comparée n°161, L’inscription sur les listes électorales , mars 2006, Sénat, Paris.

  11. « Same day registration : What is it ? Where is it avaibable ? », Demos.org, février 2013

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