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Revue de presse

La primaire, « une rampe de lancement »

La fondation Terra Nova, sous l’égide de son président-fondateur Olivier Ferrand, avait joué un rôle moteur pour convaincre le PS d’organiser, en vue de la présidentielle de 2012, une primaire ouverte au-delà des seuls adhérents du parti. Dans une étude intitulée « Primaires : et si c’était à refaire ? », cosignée notamment par l’historien Alain Bergounioux, président de l’Office universitaire de recherche socialiste, le groupe de réflexion dresse un bilan de l’expérience de 2011 et fait des propositions pour améliorer la procédure.
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Entretien avec Thierry Pech, directeur général de Terra Nova.

Près de quatre ans après sa ­tenue, vous estimez que la ­primaire organisée en 2011 a été une expérience positive pour le PS. Pourquoi ?

Elle lui a d’abord permis de sortir des querelles de leadership dans lesquelles il était enferré depuis le 21 avril 2002, en le dotant d’une procédure de désignation du candidat à la fois ouverte, transparente et adaptée à la présidentialisation des institutions. Avec près de 3 millions d’électeurs au second tour, cette initiative fut en outre un grand succès démocratique : le candidat socialiste s’est ainsi trouvé investi d’une légitimité incontestable et incontestée. Enfin, elle a donné un formidable élan à sa campagne présidentielle. La meilleure preuve de la réussite de la primaire de 2011, au final, c’est que les cadres de l’UMP l’ont copiée après l’avoir violemment critiquée !

Peu avant cette primaire, le ­professeur de science politique Rémi Lefebvre a écrit que ce scrutin allait affaiblir le rôle des militants et remettre en cause « la fonction idéologique et programmatique » du parti. Les faits ne lui ont-ils pas donné raison ?

C’est vrai que la primaire a retiré aux adhérents la possibilité de désigner leur candidat à l’élection présidentielle, pour la confier aux sympathisants. Par ailleurs, elle a ouvert le débat programmatique entre les compétiteurs, ce qui l’a plus ou moins affranchie du programme qu’avait préparé le parti. Mais il ne faut pas inverser l’ordre des facteurs. Si le parti avait été capable de trancher lui-même ses querelles de lignes et de personnes, il n’aurait pas eu besoin de primaire ! La primaire n’est pas la cause du malaise, mais une réponse au malaise. Et cela vaut aussi pour l’UMP aujourd’hui.
Je dirais même que, loin de les avoir disqualifiés, la primaire a montré le chemin d’une redéfinition possible du rôle des partis. Dans un monde où les fidélités longues à des organisations généralistes se font plus rares et où le travail d’innovation programmatique passe souvent par d’autres canaux, le rôle des partis est d’abord de faire vivre et de structurer les liens avec les sympathisants, d’accueillir les propositions qui montent de la société civile, de les faire dialoguer et de préparer le terrain des affrontements à venir.

Le principal effet de la primaire n’est-il pas en fait d’avoir été pour les candidats un formidable atout dans leur carrière ?

La primaire a été une rampe de lancement pour des personnalités qui n’étaient encore alors que des outsiders, comme Arnaud Montebourg ou Manuel Valls. En se portant candidats, ils ont pris date et se sont installés au premier rang de la majorité qui était en train de se former. Ils ont également contribué à mettre en place des clivages à certains égards plus structurants que ceux qui étaient nés du dernier congrès du PS. Cette capacité à promouvoir de nouvelles figures n’est pas la moindre des vertus de la primaire dans un pays qui peine à renouveler son personnel politique. Je crois que Bruno Le Maire ou Nathalie Kosciusko-Morizet l’ont compris à l’UMP…
Ce qui est vrai à l’échelle nationale l’est aussi à l’échelle locale. C’est pourquoi le PS devrait s’efforcer de rendre possibles des primaires à tous les niveaux d’élection locale. Trop souvent, les projets de primaires locales (notamment aux municipales) ont été bloqués pour protéger des positions acquises. Le conseil national du parti pourrait se donner compétence d’imposer de telles primaires sur la base de requêtes locales quand cela lui semble souhaitable.

Vous avancez dans votre étude plusieurs idées pour rendre d’éventuelles nouvelles primaires plus efficaces et éviter certains effets pervers. Lesquelles ?

En 2011, la primaire avait opposé pour l’essentiel des membres d’une même famille politique, et c’est dans l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle que la gauche s’était rassemblée autour d’un leader commun. Dans un contexte de tripartition de la vie politique, l’équation est différente : comme il n’y a que deux places au second tour pour trois candidats potentiels (UMP, PS et FN), celui qui n’aura pas rassemblé assez largement son camp dès avant le premier tour risque tout simplement de ne pas se qualifier pour le duel final. Dans une telle situation, il faut réévaluer l’intérêt de primaires de coalition, c’est-à-dire ouvertes à plusieurs formations politiques et capables de les réunir in fine autour d’un candidat commun.
Le problème est que de telles primaires risquent d’être plus conflictuelles et de mettre davantage de candidats sur la ligne de départ. Or, au jeu du scrutin majoritaire à deux tours, la dispersion des voix entre une multitude de compétiteurs pourrait conduire à l’élimination d’un bon candidat dès le premier tour de la primaire. Ou inversement, la pression en faveur du « vote utile » pourrait affaiblir artificiellement les petits candidats et dissuader leurs formations politiques de s’aventurer dans la bataille.
Pour éviter ces effets pervers, nous proposons de substituer au scrutin majoritaire à deux tours la méthode du « jugement majoritaire » : chaque électeur serait appelé non plus à donner sa voix à l’un des candidats, mais à juger tous les candidats en les notant. Cette méthode permet en outre de ne pas exagérer les écarts entre des candidats qui ont vocation à se retrouver à la fin.
Par ailleurs, quel que soit le mode de scrutin retenu, il nous semblerait utile de conditionner d’éventuels accords d’investiture pour les législatives à la participation à la primaire et de faire des résultats du scrutin la base de la négociation à ce sujet entre les différentes formations.

Selon vous, est-il dans l’intérêt du PS et de François Hollande d’organiser une primaire en vue de la présidentielle de 2017 ?

Le PS a inscrit dans ses statuts que les primaires seraient systématiques pour désigner son candidat à la présidentielle, sans envisager la situation où le président sortant serait issu de ses propres rangs… Si l’actuel chef de l’Etat souhaite être candidat à sa succession, lui imposer une compétition avec d’autres candidats socialistes risquerait de l’affaiblir et serait contreproductif pour lui comme pour sa famille politique. C’est pourquoi le PS devrait réviser ses statuts pour rendre les primaires optionnelles dans ce cas de figure, tout en maintenant leur caractère systématique dans les autres situations.
Cela n’empêcherait pas le sortant, une fois acquise l’investiture de son parti, d’appeler à une primaire de coalition avec les candidats des autres formations de gauche, de manière à réaliser, autant que faire se peut, l’unité de son camp avant l’élection présidentielle. Car, encore une fois, en 2017, le premier enjeu de la présidentielle risque de se résumer à une alternative simple : s’unir ou périr.

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