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Note

Législatives 2012 : dernière étape avant l’UMPFN

Les récents positionnements de candidats UMP aux élections législatives en faveur du FN confirment le processus de rapprochement entre ces deux partis, vers une alliance populiste. Dans cette tribune publiée dans Le Monde, Olivier Ferrand rappelle les différentes étapes de cette convergence, détaillées dans le rapport de Terra Nova, « L’axe UMPFN : vers un parti patriote ? » : convergence idéologique, qui se traduit aujourd’hui dans l’espace politique à travers la transformation de l’image du FN sous l’impulsion de Marine Le Pen, et la radicalisation du discours de l’UMP sous celle de Nicolas Sarkozy ; convergence humaine, notamment sur le net ; enfin convergence institutionnelle, au travers de courants servant de pointes avancées au sein du FN et de l’UMP. Ce nouvel axe UMPFN s’apprête à modifier radicalement le paysage politique.
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Rejet du front républicain au profit d’un « ni-ni » renvoyant dos à dos PS et FN. Accords locaux UMP-FN de désistement réciproque à Arles, à Carpentras et dans les Pyrénées-Orientales. Hymnes aux valeurs communes UMP-FN, de Maryse Joassains à Nadine Marano. Et des appels UMP-FN à faire barrage à la gauche qui se multiplient…

  Il ne s’agit pas là de tactique de campagne mais de l’avant-dernière étape d’un processus structurel qui mène à la constitution d’une alliance populiste entre le FN et l’UMP. C’est ce processus que retrace le dernier rapport de Terra Nova : « l’axe UMPFN : vers un parti patriote ? »[1]. Il s’est déployé en trois étapes.  

Première étape : la convergence idéologique UMPFN.  

Elle vient de loin. C’est le GRECE[2] et le Club de l’Horloge qui, dès les années 1970, théorisent les éléments idéologiques de la convergence. Ce travail est ensuite relayé dans l’espace public par des auteurs à plus large audience (Xavier Raufer, Jean Raspail, Maurice G. Dantec, Michel Houellebecq…) et désormais à grande échelle dans les médias à travers de nombreux éditorialistes comme Ivan Rioufol, Eric Zemmour ou Elisabeth Levy.  

Ce rapprochement intellectuel trouve sa traduction aujourd’hui dans l’espace politique. D’un côté, sous l’impulsion de son nouveau leader, Marine Le Pen, il y a l’émergence d’un nouveau FN « normalisé ». Le FN de Jean-Marie Le Pen était un parti infréquentable, à relents néo-nazis et nostalgie vichyste. Le FN de Marine Le Pen cherche à se banaliser. La façade s’est mise aux normes républicaines : finis les dérapages racistes, les allusions nauséabondes à la Seconde Guerre mondiale. Conséquence : ceux qui n’osaient pas voter pour le FN sulfureux du père ont moins de complexes à voter pour le FN new look de la fille.    

Si le néo-FN se respectabilise en acceptant, sur la forme, les codes républicains, c’est l’UMP qui fait, sur le fond, l’essentiel du chemin de la convergence. Le sarkozysme a déplacé le centre de gravité de la droite, qui était au centre-droit avec le gaullisme social du RPR et les chrétiens-démocrates de l’UDF, vers une droite plus radicale.   L’altérophobie est le ciment idéologique de l’axe UMPFN. L’enfer, c’est les autres. Il y a la version hard avec la xénophobie du FN. Le fond de sauce lepéniste s’est modernisé en passant de l’antisémitisme au rejet de l’islam, mais ses ressorts n’ont pas changé : défense de l’identité nationale, rejet de l’étranger, de l’immigration mais aussi de la « cinquième colonne », hier les Juifs, aujourd’hui les Français musulmans, qui diluent l’identité nationale dans un mondialisme délétère.  

Et il y a la version soft de l’UMP radicalisée avec la recherche systématique de coupables, de boucs-émissaires à désigner à la vindicte collective. Il y a toujours les bons citoyens à protéger et les mauvais à bannir hors de la communauté nationale. Il y a les jeunes « fainéants », la « racaille » de banlieue, les « monstres » délinquants, les Roms qui sont des voleurs, les « assistés » qui abusent du système au détriment de « la France qui se lève tôt », les fonctionnaires privilégiés…  

Mais la figure de l’autre est avant tout, comme pour le FN, l’immigré, et plus encore le Français d’origine musulmane qui menace notre mode de vie. Quick halal, burqa, piscines réservées aux femmes voilées, prières de rue, minarets qui agressent les paysages « français » : tout y passe, jusqu’au marqueur ultime du FN, le « racisme anti-français » des musulmans, avancé dans les discours de l’entre-deux tours des présidentielles, à Strasbourg et Toulouse, par Nicolas Sarkozy.  

Deuxième étape : la convergence humaine. Elle se fait par la base, via la blogosphère. Le blog de Christian Vanneste, les sites de la mouvance traditionaliste catholique, les sites islamophobes comme gaullisme.biz ou insolent.fr, et surtout François de Souche et Riposte laïque servent d’agora virtuelle pour les échanges entre militants et sympathisants UMP et FN. L’agence de presse d’extrême-droite Novopress valorise abondamment les prises de position des députés UMP radicaux. En sens inverse, le site 24heuresactu, animé par des militants UMP, affiche sa sympathie récurrente pour Marine Le Pen.  

Ces milliers d’activistes radicaux essaiment ensuite sur le net, chassant en meute pour faire masse. Ils sont sur les forums de jeux vidéos à la pêche aux jeunes, pourchassent sur doctissimo.fr les femmes au foyer et, surtout, investissent les commentaires des grands médias traditionnels, Figaro.fr en tête. Ils sortent désormais sur le terrain, avec les « apéros saucisson géants » et les Assises de l’islamisation, organisés par Riposte laïque. En somme, les premiers meetings communs UMPFN.  

Ce travail militant a achevé de convaincre les électeurs. Le taux de report des voix FN sur Nicolas Sarkozy a atteint 70 % au second tour de la présidentielle. Et 67 % des électeurs UMP se disent favorables à une alliance électorale avec le FN.   Dernière étape : la convergence institutionnelle. Côté FN, Marine Le Pen réfute officiellement toute idée d’alliance mais elle a créé un micro-parti, le SIEL (Souveraineté, Indépendance et Libertés), qui propose de « former avec le Front national et les partis qui le voudront un pôle de rassemblement à vocation majoritaire ». Côté UMP, deux courants servent de pointe avancée : la « Droite populaire », fondée en 2010 par Thierry Mariani et Lionnel Luca, forte de 35 députés, qui incarne l’aile droitière de l’UMP sur les valeurs et pousse l’UMP vers l’islamophobie ; et la mal nommée « Droite sociale » de Laurent Wauquiez, qui agite l’assistanat comme le « cancer de la société française ».  

Convergences idéologique, humaine, institutionnelle. L’axe UMPFN paraît inéluctable désormais. Ce n’est pas une spécificité française. Partout en Europe, face à la montée des partis populistes, chaque fois que la droite de gouvernement a été mise en demeure de choisir entre perdre le pouvoir ou faire alliance, elle s’est radicalisée et a fait alliance. C’est vrai en Italie, aux Pays-Bas, en Autriche, au Danemark…  

L’axe UMPFN fait exploser le paysage politique. L’électorat de centre-droit, de culture républicaine ou chrétienne-démocrate, pétri de valeurs humanistes refuse la radicalisation de la droite et bascule avec la gauche. L’appel de François Bayrou à voter François Hollande, première historique pour un leader centriste, est l’aboutissement de ce mouvement. Désormais, le clivage politique n’est plus gauche contre droite mais arc progressiste (de la gauche de la gauche au centre) contre bloc populiste UMPFN. Le défi pour le camp progressiste est de fédérer son espace politique, nettement majoritaire dans le pays mais très fragmenté politiquement.  


[1] A lire sur le site www.tnova.fr : http://www.tnova.fr/content/l-axe-umpfn-vers-le-parti-patriote

[2] GRECE : Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (créé en 1968).

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