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Rapport

« L’Europe » en notre nom : renforcer la démocratie européenne

Comment renforcer l’ancrage démocratique de nos représentants au niveau de l’Union Européenne ? Comment démocratiser davantage son fonctionnement et renforcer le sentiment que ceux qui y décident en notre nom sont pleinement légitimes ? Telles sont quelques-unes des propositions faites par Yves Bertoncini, expert de ces questions, pour Terra Nova.
Publié le 

Introduction

Poursuivre la démocratisation de l’Union européenne

La dénonciation du « déficit démocratique » de l’Union européenne (UE) est presque aussi ancienne que la construction européenne elle-même et elle s’est amplifiée à mesure que des compétences ont été partagées au niveau communautaire. L’UE ne décide certes pas de tout, « 80% de nos lois » ne viennent pas de Bruxelles [1] , et ce déficit de pouvoirs explique d’ailleurs, pour une bonne part, le déficit de participation aux élections européennes. Les pouvoirs qu’exercent désormais nos représentants au niveau européen (qu’ils soient chefs d’Etat, ministres ou parlementaires) sont cependant suffisamment substantiels pour que leur déficit d’ancrage démocratique soit mis en débat et mis en cause, en des temps de défiance croissante vis-à-vis de toute forme de démocratie représentative. Il est d’autant plus nécessaire de résorber ce déficit que l’UE doit affronter des défis multiples, à la fois du point de vue de sa cohésion sociale et politique et sur le plan international (sécurité collective, changement climatique, compétition économique, pression migratoire, etc.) [2]  : c’est aussi parce que ses citoyens auront la possibilité de « reprendre le contrôle » de ses institutions et de ses décisions qu’ils se sentiront davantage parties prenantes des principales orientations et initiatives de l’UE et qu’ils les comprendront et soutiendront davantage.

Les promoteurs et praticiens de l’UE doivent affronter ce débat démocratique en se défiant du « despotisme éclairé » qui a inspiré les pionniers de la construction européenne et qui imprégne encore les esprits de nombre de leurs successeurs [3] . Il est vrai que la construction européenne n’aurait sans doute pas pu être lancée si l’on avait sollicité l’approbation référendaire de ses peuples dans les années 1950, compte tenu des souvenirs encore vifs des confrontations armées – dont il s’agissait précisément de conjurer le retour. Mais elle a fait depuis lors l’objet d’un ample mouvement de démocratisation au fil de l’extension de ses compétences, marqué notamment par l’élection au suffrage universel direct des parlementaires européens à partir de 1979 et le renforcement continu de leurs prérogatives.

C’est dans le prolongement de ce mouvement de démocratisation que s’inscrit le présent rapport, tout en étant consciente des limites de cet exercice. Il n’y a pas de « demos » européen unique, mais des peuples « unis dans la diversité » qui ont choisi de coexister dans l’UE sur la base d’aspirations et de pratiques démocratiques différentes. Il est structurellement plus difficile d’organiser la représentation de 500 millions de concitoyens parlant 24 langues officielles, y compris en termes de proximité avec leurs mandants. Il est enfin plus malaisé de clarifier une répartition des compétences et des pouvoirs tenant compte des sensibilités des Etats-membres et des citoyens et s’efforçant d’éviter la domination d’un Etat ou d’un parti politique sur les autres. En résumé : la vie démocratique européenne ne sera jamais aussi simple et lisible que la vie démocratique française contemporaine, qui consiste à confier l’essentiel des pouvoirs à un Président directement élu à l’issue d’un vote binaire et s’appuyant sur une majorité mécaniquement acquise, pour le meilleur et pour le pire…

Ces limites structurelles étant rappelées, elles doivent d’autant plus inciter à redoubler d’audace pour démocratiser davantage le fonctionnement de l’UE et renforcer le sentiment que ceux qui y décident en notre nom sont pleinement légitimes. Cette démocratisation suppose de combiner les multiples réformes et améliorations exposées ici, et qui s’inscrivent dans trois registres complémentaires.

1 – Renforcer les liens entre les électeurs et leurs représentants européens

2 – Mieux incarner le pouvoir européen et ceux qui décident en notre nom

3 – Développer les interactions entre représentants et citoyens entre deux élections

1 – Renforcer les liens entre les électeurs et leurs représentants européens

Renforcer l’ancrage démocratique de nos représentants au niveau européen doit d’abord conduire à affermir leurs liens avec leurs électeurs.

Les chefs d’Etat et de gouvernement qui siègent au Conseil européen bénéficient d’une forte légitimité électorale, même s’ils ne sont pas souvent élus à l’issue d’un scrutin ayant placé les enjeux liés à l’UE en son centre. Les membres du Conseil des ministres y siègent car ils sont membres de leur gouvernement, où ils peuvent avoir été nommés sans avoir été élus [4] . Les membres de la Cour de Justice ou de la Banque centrale de l’UE ne sont pas élus mais nommés, selon une pratique en usage partout dans le monde.

Dans ce contexte de « déficit électoral » relatif, il est d’autant plus crucial que les élections européennes contribuent puissamment à affermir les liens entre les représentants européens et les citoyens de l’UE. Cela suppose notamment de modifier le mode de scrutin en vigueur pour la désignation des députés européens et de consolider l’ancrage électoral des membres de la Commission européenne.

1.1. Améliorer le mode d’élection des parlementaires européens

Voilà 30 ans que les citoyens de l’UE ont la possibilité d’élire leurs députés européens au suffrage universel direct, sur la base d’un mode de scrutin proportionnel permettant la représentation d’une large diversité de forces politiques [5] . Ce « pluralisme proportionnel » a été privilégié à la fois parce qu’il correspond aux règles en vigueur dans la plupart des Etats-membres de l’UE et parce qu’il permet d’éviter qu’un seul parti ne puisse exercer tous les pouvoirs, à rebours de « l’unité dans la diversité » qui est au fondement de la construction européenne. A cet égard, il est souvent plus aisé pour de nombreux partis d’obtenir des élus au Parlement européen que dans leur parlement national, singulièrement dans les pays pratiquant le scrutin majoritaire comme la France et le Royaume-Uni : ce n’est donc pas sur ce registre que l’UE souffre d’un quelconque « déficit démocratique », alors que la composition partisane de l’assemblée de Strasbourg témoigne d’un pluralisme qui contraste fortement avec celui de l’Assemblée nationale française.

Les députés européens ne seront cependant jamais aussi proches de leurs électeurs que les députés nationaux : d’une part parce que leurs décisions ont un impact moins directement visible dans nos vies, compte tenu des compétences limitées exercées par l’UE [6]  ; d’autre part parce que l’on ne peut envoyer 577 députés européens français à Strasbourg, dans un Parlement qui compterait plus de 5 000 membres s’ils étaient élus sur la base du ratio 1 député pour 110 000 habitants, ratio en vigueur pour les élections législatives françaises ; enfin parce que c’est donc un principe de « proportionnalité dégressive » qui est appliqué pour la répartition du nombre de sièges par Etat-membre [7] , et que cela distend d’autant plus les liens établis entre élus et électeurs dans les pays les plus peuplés (voir Tableau 1). Mais voilà des raisons supplémentaires de privilégier un mode de scrutin national qui éloigne le moins possible nos parlementaires européens des citoyens qu’ils représentent.

1.1.1. Privilégier des circonscriptions proches des électeurs

Le « principe commun » européen consistant à recourir à un scrutin proportionnel exclut le recours au système de circonscriptions uninominales en vigueur pour les élections législatives, qui conduirait à la surreprésentation de quelques partis politiques dominants. Il oblige aussi nombre de pays peu peuplés, et qui ont à ce titre un nombre limité de députés européens, à opter pour une circonscription nationale. Il s’accommode en revanche d’une forme de régionalisation dans les pays les plus peuplés, dont la France, qui a d’ailleurs eu recours à une telle régionalisation entre 1999 et 2019 – en instituant des circonscriptions « macro-régionales » parfois artificielles. Cette régionalisation contribue à rapprocher les députés européens de leurs électeurs, tout en les incitant à entretenir leur présence sur le terrain puisque leur réélection ne dépend pas exclusivement du bon vouloir des leaders de partis appelés à composer une liste nationale unique [8] .

Dans ce contexte, le retour à des listes nationales pour les élections européennes organisées en France les 25 et 26 mai 2019 s’apparente à une regrettable marche arrière du point de vue des liens établis entre les députés européens et leurs électeurs. Les conséquences de ce « retour vers le passé » peuvent être anticipées à l’aune de la situation qui prévalait lorsqu’un scrutin de liste national était déjà en vigueur, entre 1979 et 1999 : absence totale d’ancrage territorial des élus et contacts très faibles avec leurs électeurs ; campagne centrée sur les enjeux nationaux ; listes fabriquées dans le secret des états-majors partisans et recasant parfois des recalés du gouvernement ou des élections législatives et/ou des futurs candidats à d’autres scrutins… Il est insolite d’avoir promu une telle marche arrière au motif que les députés européens n’ont pas un lien de proximité suffisant avec leurs électeurs, tout en le réduisant à néant puisque leur circonscription est redevenue la France toute entière…

A rebours de ce mouvement régressif, deux types de réformes doivent être envisagées pour affermir davantage les liens entre les députés européens élus en France et leurs citoyens.

Il serait tout d’abord souhaitable de reprendre la marche vers les électeurs entamée en 2004, lors de la mise en place de 8 circonscriptions macro-régionales en France : il suffit pour cela d’utiliser l’opportunité offerte par la création récente de 13 régions métropolitaines à « dimension européenne ». Le Royaume-Uni, qui compte autant d’habitants que la France, avait par exemple institué 12 circonscriptions pour les élections européennes, dans le respect des principes de pluralisme partisan fixés par l’UE. Rien n’empêche les autorités françaises de créer une douzaine de circonscriptions correspondant à nos nouvelles régions, et dont certaines pourraient le cas échéant être regroupées afin d’éviter des déséquilibres démographiques et partisans trop marqués (par exemple Bretagne-Loire) – le statut quo étant maintenu pour l’outre-mer. Ainsi adviendraient autant d’euro-circonscriptions plus proches des électeurs et qui auraient davantage de sens à leurs yeux que les anciennes macro-circonscriptions ou qu’une circonscription nationale unique.

Proposition 1 : instituer en France des euro-circonscriptions électorales formées sur la base des régions créées en 2015

A défaut d’un retour pur et simple à des circonscriptions régionales, plusieurs ajustements législatifs permettront d’atténuer le déficit d’ancrage civique lié à la mise en place d’une circonscription nationale unique :

– Au-delà de l’alternance déjà prévue de candidats femmes et hommes, les partis devraient ainsi avoir obligation de former leur liste nationale en présentant des candidats issus de l’ensemble des régions françaises, conformément au système appliqué en Pologne ou aux Pays-Bas. La Pologne, qui n’a que 40 millions d’habitants, a certes opté pour des listes nationales, mais elle a identifié 13 circonscriptions administratives permettant de donner un ancrage régional à ses parlementaires européens : rien n’interdit aux autorités françaises d’en faire de même et de mettre ainsi en concurrence des listes nationales dont les candidats sont affiliés de manière claire et équilibrée à l’ensemble des régions métropolitaines et d’outre-mer [9] .

Proposition 1bis : ratacher les députés européens élus en France à des circonscriptions administratives calquées sur les régions créées en 2015

– La mise en place d’un vote préférentiel, déjà en vigueur dans des pays comme l’Italie ou la Suède, constituerait une deuxième innovation bienvenue. Nous pourrions ainsi choisir nous-même l’ordre d’élection des candidats au sein d’une liste, promouvoir les candidats les plus prometteurs à nos yeux ou, à l’inverse, sanctionner les député(e) s européen(ne)s sortant(e)s qui n’auraient pas exercé leurs mandats de manière effective et en contact régulier avec leurs électeurs. Voilà qui nous permettrait de ne pas être prisonniers des listes fabriquées par les chefs de partis, qui ne seraient plus les seuls auxquels les députés européens doivent rendre compte pour conserver leurs postes.

Proposition 2 : mettre en place un vote préférentiel pour les élections européennes en France

– Il faut enfin maintenir la stricte interdiction de cumuler le mandat de député européen et celui de président d’un exécutif local en France, interdiction en vigueur en 1999, puis abolie en 2004, puis rétablie en 2014, et qui ne va entrer en vigueur qu’à partir de mai 2019… Car si un tel cumul (re)donnerait aux parlementaires européens leur ancrage local perdu, il le rendrait largement fictif : ils n’auraient en effet pas le temps nécessaire pour se consacrer à leur mandat de député européen [10] et incarner cette fonction aux yeux des citoyens [11] .

C’est à ce prix que l’ancrage civique de nos parlementaires européens sera affermi et que seront encouragés, à travers eux, tous ceux qui veulent faire vivre un débat de fond sur l’Europe en France.

Proposition 3 : maintenir une interdiction stricte du cumul du mandat de député européen avec la présidence d’un exécutif local

Tableau 1

Répartition des sièges au Parlement européen par Etat membre

Nombre d’habitants en 2017

Répartition des sièges en 2018 (évol. Traité Nice & Croatie) (1)

Population

par

député

en 2017

Nouvelle répartition post Brexit (2)

Population

par

député

en 2019

% du total

Allemagne

82 064 489

96 (-3)

854 838

96

854 838

13,6

France

66 661 621

74 (+2)

900 833

79 (+ 5)

854 636

11,2

Royaume-Uni

65 341 183

73 (+1)

895 085

-

-

-

Italie

61 302 519

73 (+1)

839 761

76 (+3)

806 612

10,7

Espagne

46 438 422

54 (+4)

859 971

59 (+5)

800 662

8,3

Pologne

37 967 209

51 (+1)

744 455

52 (+1)

744 455

7,3

Roumanie

19 759 968

32

617 499

33 (+1)

617 499

4,6

Pays-Bas

17 235 349

26 (+1)

662 898

29 (+3)

615 548

4,1

Belgique

11 289 853

21 (-1)

537 612

21

537 612

2,9

Grèce

10 793 526

21 (-1)

513 977

21

513 977

2,9

Rép. Tchèque

10 445 783

21 (-1)

497 418

21

497 418

2,9

Portugal

10 341 330

21 (-1)

492 444

21

492 444

2,9

Hongrie

9 830 485

21 (-1)

468 118

21

468 118

2,9

Suède

9 998 000

20 (+2)

499 900

21 (+1)

476 095

2,9

Autriche

8 711 500

18 (+1)

483 972

19 (+1)

458 500

2,6

Bulgarie

7 153 784

17

420 811

17

420 811

2,4

Danemark

5 700 917

13

438 532

14 (+1)

407 208

1,9

Finlande

5 465 408

13

420 416

14 (+1)

390 386

1,9

Slovaquie

5 407 910

13

415 993

14 (+1)

386 279

1,9

Irlande

4 664 156

11 (-1)

424 014

13 (+2)

358 781

1,8

Croatie

4 190 669

11

380 970

12 (+1)

349 222

1,7

Lituanie

2 888 558

11 (-1)

262 596

11

262 596

1,5

Slovénie

2064 188

8 (+1)

258 024

8

258 024

1,1

Lettonie

1 968 957

8

246 120

8

246 120

1,1

Estonie

1 315 944

6

219 324

7 (+1)

187 992

0,9

Chypre

848 319

6

141 387

6

141 387

0,8

Luxembourg

576 249

6

96 042

6

96 042

0,8

Malte

434 403

6 (+1)

72 401

6

72 401

0,8

TOTAL

510 860 699

751

705

–73 RU

+ 27 (dans 14 EM)

100

(3)

Source : Données Parlement Européen – Yves Bertoncini PSIA / Collège d’Europe

(1) L’adhésion de la Croatie en 2013 a entrainé la réduction d’un siège pour 11 Etats-membres par rapport au nombre fixé par le Traité de Lisbonne (Rou., Bel., Tch., Gr., Hon., Port., Bul., Aut., Irl., Lit., Let.).

(2) Le Brexit entrainera la réattribution de 27 des 73 sièges occupés par des élus britanniques à 14 autres Etats-membres

(3) Les pourcentages ont été arrondis à la décimale inférieure – d’où un total légèrement inférieur à 100

1.1.2 Introduire une « dose » de députés transnationaux au Parlement européen

Parce qu’il aura pour effet de rendre vacants les 73 sièges de députés européens jusqu’à lors attribués au Royaume-Uni, le « Brexit » a relancé le débat sur la possible élection d’une fraction des membres de l’assemblée strasbourgeoise sur la base de listes transnationales. 27 de ces 73 sièges ont été réattrribués à des pays jugés sous- représentés au Parlement européen [12] , mais les autres ont été mis en réserve en vue de possibles futures adhésions à l’UE ou pour la création de listes transnationales.

La mise en place de ces listes transnationales n’a certes pas pour objectif ni effet de renforcer l’ancrage territorial des députés européens. Mais elle pourrait utilement contribuer à européaniser un peu plus leur campagne électorale : ceux qui y figureront seront en effet élus dans le cadre d’une circonscription rassemblant l’ensemble des pays membres de l’UE et ils seront par nature issus d’un très grand nombre de ces pays afin d’y séduire des électeurs. Cette innovation démocratique contribuera à insuffler une dynamique pan-européenne dans les débats parlementaires et politiques de l’UE, qui viendra avantageusement compléter l’agrégation de visions nationales qui priment le plus souvent.

Emmanuel Macron a pris position dans ce débat de manière spectaculaire lors de son mémorable « discours de la Sorbonnne », puisqu’il a proposé que jusqu’à 50% des députés européens puissent être élus sur des listes transnationales à l’horizon 2024. Le Parlement européen a d’ores et déjà rejeté la création de telles listes transnationales à l’horizon des élections de mai 2019, lors d’un vote qui a confirmé qu’elle se heurte à des obstacles politiques (voire politiciens).

La mise en place de listes transnationales ne sera notamment concevable aux yeux de l’ensemble des pays de l’UE que si des règles garantissent la présence sur les listes d’un nombre minimal de nationalités, afin déviter la sur-représentation des candidats issus des pays les plus peuplés. Si le projet d’une liste transnationale composée de 54 candidats était retenu, il faudrait ainsi prévoir qu’au moins deux représentants de chacun des 27 pays membres y figurent ou, a minima, que la moitié des pays membres y voient des nationaux représentés, selon une alternance empêchant ceux issus des pays les plus peuplés de figurer systématiquement aux places éligibles en tête de liste (faute de quoi les pays les moins peuplés s’opposeront très probablement à cette réforme).

La deuxième condition à remplir pour mettre en œuvre ce projet de listes transnationales est de limiter le nombre de députés européens élus issus sur cette base. Proposer d’élire la moitié des députés européens actuels via des listes transnationales revient en effet à supprimer leur ancrage électoral national, qu’il s’agit à l’inverse de renforcer – sauf naturellement à considérer qu’il s’agirait de doubler le nombre des députés européens pour le faire passer à plus de 1400, au détriment du bon fonctionnement du Parlement de Strasbourg… Il est dans un premier temps plus réaliste de redistribuer 27 des sièges « libérés » par le Brexit et de les affecter à des élus transnationaux si l’on souhaite qu’un tel projet ait des chances de voir le jour – ou alors d’augmenter très légèrement le nombre des députés européens, au-delà de la limite de 751 prévue par les Traités afin de donner un peu plus de portée à cette innovation démocratique.

Il va enfin de soi que, pour avoir une chance d’être adopté, le projet de listes transnationales ne doit pas être lié à la désignation du Président de la Commission européenne, comme l’a proposé de manière insolite Emmanuel Macron. Quel sens cela aurait-il en effet de faire des leaders de ces listes transnationales les candidats naturels à la présidence du Collège bruxellois, sans tenir compte des suffrages qui se sont portés sur l’ensemble des autres listes nationales, nettement plus nombreux et plus représentatifs ? Il est plus logique et légitime que l’ensemble des voix qui se sont portées sur les listes soutenues par les principaux partis soient prises en compte pour la désignation du président de la Commission, qu’il s’agisse de listes nationales ou de listes transnationales – surtout si ces dernières ne réunissent qu’un nombre limité d’élus. C’est sur cette base que pourra à la fois être promues l’innovation des listes transnationales et la consolidation du lien établi entre le résultat des élections européennes et la désignation du Président de la Commission (voir §-1.2).

Proposition 4 : créer des listes transnationales réunissant 27 candidats issus d’une moitié des Etats-membres

A défaut, l’européanisation de l’élection des membres de l’Assemblée de Strasbourg pourra être favorisée par la présence sur les listes nationales de candidats issus d’autres pays de l’UE. Déjà pratiquée de manière très ponctuelle par les partis souhaitant affirmer leur dimension européenne, cette inclusion de candidats non nationaux pourrait être encouragée via l’insertion de cette pratique dans la liste des « principes communs » retenus pour l’organisation des élections européennes. Européaniser les listes pour les élections européennes pourrait ainsi conduire à imposer la présence de 10% de candidats non-nationaux et/ou l’alternance obligatoire de 9 candidats nationaux et d’un candidat non-national. L’européanisation des listes nationales pourrait également donner lieu à des gratifications financières : les dotations des partis politiques européens bénéficieraient ainsi d’une prime liée au nombre de députés non-nationaux présentés sur leur liste d’une part, élus au Parlement européen d’autre part.

Proposition 5 : promouvoir la présence de 10% de ressortissants de l’UE non-nationaux sur les listes de candidats aux élections européennes, par voie juridique ou via des incitations financières

1.2. Consolider le système des « Spitzenkandidaten » pour élire le Président de la Commission européenne

Les élections européennes de mai 2014 ont été le théâtre d’une innovation politique bienvenue, puisqu’elles ont permis d’établir un lien direct entre la désignation du Président de la Commission européenne et le résultat du scrutin. C’est en effet Jean-Claude Juncker, élu « chef de file » (ou « Spitzenkandidat ») par le Parti populaire européen (PPE), qui a été proposé comme président du collège bruxellois par le Conseil européen et investi par le Parlement européen, conformément aux préférences des électeurs, qui avaient placé le PPE assez largement en tête des suffrages.

Cette innovation démocratique traduit une interprétation offensive de l’article 17.7 du Traité sur l’Union européenne par les partis politiques : introduit par le Traité de Lisbonne, cet article stipule en effet que « le Conseil européen nomme le Président de la Commission en tenant compte des élections européennes », sans obliger automatiquement à choisir le candidat désigné par la famille politique arrivée en tête. La plupart des partis politiques européens ont cependant choisi en 2014 comme en 2019 de désigner des chefs de file qui ont la possibilité de débattre entre eux et d’animer la campagne électorale, en mettant utilement des visages sur les clivages qui structurent la vie politique de l’UE.

Cette pratique politique a tranché avec les précédentes nominations à la présidence de la Commission, qui conduisaient les chefs d’Etat et de gouvernement à se livrer à des discussions opaques afin de sortir de leur chapeau le nom de l’heureux « élu », que le Parlement européen ne pouvait qu’avaliser.

1.2.1. Privilégier les choix sous contrôle citoyen plutôt que les tractations à huis clos entre Etats

Dans la perspective des élections européennes de mai 2019, le premier impératif doit être de maintenir l’application du principe qui s’est imposé en 2014, sur la base d’un rapport de force entre le Conseil européen et les groupes politiques du Parlement européen. Les familles et groupes politiques pouvant prétendre rassembler l’essentiel des suffrages en mai prochain (Parti Populaire européen, Sociaux-Démocrates, Extrême droite, Verts, Gauche radicale, …) ont d’ailleurs désigné à nouveau leurs chefs de file, à l’exception notable du groupe des Libéraux et Démocrates, qui a notamment argué qu’un tel système conduirait à la reconduction systématique d’un Président de la Commission appartenant au PPE (comme Jean-Claude Juncker et son prédécesseur José-Manuel Barroso, dont le prédécesseur, Romano Prodi, n’appartenait pas au PPE).

Cette objection est doublement étonnante : d’une part parce que l’arrivée en tête du PPE n’a rien d’automatique, mais traduit simplement une préférence manifestée par les électeurs dans les urnes, et qui peut tout à fait disparaître à court ou moyen termes ; d’autre part parce que le système du « Spitzenkandidat » impose seulement que le leader du parti arrivé en tête soit chargé de former une coalition majoritaire susceptible de l’investir comme Président de la Commission, puis d’investir les membres de son Collège. Rien n’interdit aux groupes politiques arrivés en 2 ème , 3 ème et 4 ème positions de refuser de conclure un accord de coalition avec celui qui est arrivé en tête et de tenter de former une majorité alternative : en cas depremier échec, il reviendrait précisément au chef de file du groupe politique arrivé second de tenter à son tour de former une telle coalition majoritaire. Conforter le système du « Spitzenkandidat » n’est donc en rien une régression démocratique mais au contraire une façon de renforcer l’ancrage civique de l’élection du/de la Président(e) de la Commission, qui accédera à son poste après avoir fait campagne et avoir soumis son programme aux électeurs de l’UE. Ce constat d’évidence doit être martelé avec d’autant plus de force avant les élections européennes de mai 2019, qui devraient ré-ouvrir le jeu politique en mettant fin à la domination historique du duopole PPE-S&D au Parlement européen.

Ce qui serait régressif du point de vue démocratique serait d’en revenir aux tractations « vaticanesques » en vigueur au Conseil européen, et qui seraient d’autant moins claires qu’elles incluent aussi dans le grand marchandage lié aux nominations européennes la désignation du Président du Conseil européen, du Parlement européen, de la Banque centrale européenne, etc. Il est bien sûr logique que l’ensemble de ces nominations respecte les équilibres politiques de l’UE, en termes de rapports de force entre partis, d’équilibres géographiques ou démographiques, d’équilibre femme-homme, etc. Rien n’empêche cependant que les négociations aient lieu comme en 2014 après que le Président de la Commission européenne aura été désigné sur la base du système du « Spitzenkandidat », sauf le bon plaisir de chefs d’Etat et de gouvernement désireux de reprendre la main en négligeant le verdict et la légitimité de la seule élection au suffrage universel direct pratiquée au niveau de l’UE.

Proposition 6 : confier au « Spitzenkandidat » arrivé en tête le droit de concourir pour la présidence de la Commission européenne

1.2.2 Améliorer l’ancrage citoyen des partis politiques européens

La légitimité politique et l’ancrage civique des Président(e)s de la Commission seront d’autant plus forts que les chefs de file se disputant les suffrages des électeurs européens auront été désignés sur la base de primaires ouvertes. Cela suppose que ces chefs de file soient désignés à l’issue d’une véritable compétition interne plutôt que par consensus [13] , mais surtout que cette désignation procéde d’un vote des militants des partis concernés voire des citoyens de l’UE. Le vote des militants des partis serait un progrès au regard d’une désignation opérée par des délégués des partis nationaux, et qui procédent de tractations souvent impénétrables pour les observateurs extérieurs : sa mise en place supposerait de pondérer le poids des partis nationaux impliqués, pour éviter que celui ou ceux ayant le plus grand nombre de militants ne pèse trop fortement sur le résultat final. Les Verts européens sont les premiers à avoir eu l’audace de recourir à un vote direct de leurs sympathisants, et ce dès 2014 : il s’agit d’une pratique à développer et à généraliser en vue des prochains scrutins européens, afin d’affermir les liens entre les citoyens de l’UE et celui ou celle qui préside le Colllège des commissaires.

Proposition 7 : organiser des primaires « ouvertes » pour la désignation des candidat(e)s à la présidence de la Commission européenne

Le déroulement des campagnes liées aux élections européennes doit aussi être amélioré d’un point de vue civique. Cela suppose notamment que les programmes et autres «  manifestes » adoptés par les partis politiques européens soient massivement traduits et diffusés sur tout le territoire de l’UE. Cela suppose plus globalement que les partis politiques européens et les fondations chargées de définir leur ligne idéologique et leurs principales propositions soient dotés de davantage de moyens budgétaires et humains dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel de l’UE. Cela suppose enfin un usage beaucoup plus systématique des logos des partis politiques européens sur les outils de campagne des partis nationaux, des tracts aux bulletins de vote, afin qu’il soit clairement perceptible que l’élection des membres de l’Assemblée de Strasbourg s’inscrit dans un cadre européen, et n’est pas seulement la résultante de scrutins centrés sur des considérations domestiques.

Proposition 8 : diffuser massivement des versions traduites des programmes et manifestes des partis politiques européens

Proposition 9 : insérer les logos des partis politiques européens sur les bulletins de vote aux élections européennes

1.3. Conforter la légitimité représentative hybride des membres de la Commission

Le Président de la Commission européenne n’est pas le seul à devoir sa nomination à un vote d’investiture du Parlement européen. Les autres membres du Collège bruxellois sont en effet choisis par « le Conseil, d’un commun accord avec le président élu ». Et la Commission est ensuite soumise « en tant que collège à un vote de confiance du Parlement européen » – qui peut par ailleurs censurer ce collège tout au long de la législature. C’est sur ces bases bien établies qu’il faut consolider l’ancrage démocratique de la Commission européenne, via quelques ajustements complémentaires [14] .

1.3.1. Renforcer la légitimité parlementaire des membres de la Commission

Les auditions individuelles des commissaires candidats organisées par les commissions thématiques concernées du Parlement européen ont un impact sur le résultat du processus de nomination, comme l’ont montré les auditions de 2004, 2009 et 2014 : soit via le rejet de tel ou tel commissaire proposé s’il est jugé insuffisament compétent ou indigne d’exercer son mandat ; soit via la réattribution des portefeuilles, sur la base du profil personnel des commissaires, mais aussi de leur affiliation partisane. Ces auditions puis ces votes d’investiture contribuent à donner une réelle légimité parlementaire aux membres de la Commission européenne – et dont ne peuvent se prévaloir nombre de ministres nationaux.

La légitimité parlementaire des Commissaires serait encore plus forte si l’ensemble d’entre eux avait obligation de se présenter aux élections européennes. Seuls certains d’entre eux ont choisi de le faire jusqu’alors, sur une base volontaire, mais leur nombre reste minoritaire (Jean-Claude Juncker lui-même ne s’était par exemple pas présenté sur une liste en 2014). L’élection préalable comme député est une condition sine qua non pour faire partie du gouvernement dans des pays comme le Royaume-Uni. Elle pourrait avantageusement être en usage au niveau européen, via une évolution immédiate des pratiques politiques ou une modification ultérieure des traités : elle conduirait en effet les intéressés à se confronter plus directement aux citoyens de l’UE puis à cultiver leurs liens avec eux tout au long de leur mandat, y compris s’ils souhaitent obtenir sa reconduction.

Proposition 10 : choisir les membres de la Commission parmi les candidats aux élections européennes

1.3.2. Conserver la légitimité « étatique » des membres de la Commission

La légitimité « étatique » des membres de la Commission est plus ancienne : depuis les origines de la construction européenne, le Collège bruxellois a en effet été composé de nationaux issus de l’ensemble des Etats-membres. Les Etats les plus peuplés ont eu le privilége de compter deux nationaux au sein de la Commission (Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni) jusqu’en 2004, contre seulement un pour les autres Etats. C’est le grand « élargissement » des années 2004–2007 qui a conduit à adopter le principe d’un national par Etat-membre pour éviter un effectif trop pléthorique – d’où une Commission composée de 28 membres pendant la période 2014–2019.

C’est dans le même esprit « quantitatif » qu’une réduction du nombre de commissaires a été prévue par le Traité de Nice, puis par le Traité de Lisbonne. L’objectif de cette réduction est notamment de réduire le nombre de portefeuilles à attribuer, qui est par nature limité compte tenu des compétences restreintes de l’UE, et par là même de concentrer l’action des Commissaires européens sur le cœur de ces compétences. Le Traité de Nice a ainsi proposé que la Commission soit composée d’un nombre de membres inférieur à celui des pays de l’UE, ainsi que la mise en place d’un « système de rotation strictement égale entre les États membres, permettant de refléter l’éventail démographique et géographique de l’ensemble des États membres ». Ce système de rotation était pour le moins paradoxal, puisqu’il réaffirmait à la fois le principe d’une représentation légitime des États membres, tout en excluant certains d’entre eux de la Commission, fût-ce de manière temporaire… Or de deux choses l’une : soit la Commission doit sa légitimité à la présence de nationaux issus des Etats-membres, et tous doivent en faire faire partie ; soit elle ne dispose que d’une légitimité parlementaire, et il convient de laisser son Président former son Collège comme bon lui semble, sur le modèle en vogue pour la composition des gouvernements nationaux.

Le Traité de Lisbonne a, lui, prévu que le nombre des Commissaires correspondrait au 2/3 du nombre d’Etats-membres, là aussi sur la base d’un système de rotation égalitaire, sauf si le Conseil européen en décidait autrement à l’unanimité. C’est précisément la décision que le Conseil européen a été amené à prendre afin de tenir compte de la victoire du « non » lors du référendum organisé en Irlande pour ratifier le Traité de Lisbonne – dès lors qu’il était apparu que les votants avaient exprimé leur souhait de conserver un point d’accès aisément identifiable au sein de la Commission.

Ce retour au statu quo ante a aussi traduit le souhait de la plupart des États membres d’être représentés au sein du collège bruxellois, compte tenu des importants pouvoirs de cette institution (en particulier le monopole de l’initiative législative et le contrôle de l’exécution du droit de l’UE). En réalité, seuls les Etats les plus peuplés étaient et sont mal à l’aise avec le fait d’être placés sur un pied d’égalité avec l’ensemble des autres, même s’ils redoutaient tout comme eux la perspective de n’avoir pas de représentant au sein du Collège une fois sur trois…

A cet égard, réduire le nombre des Commissaires peut aussi avoir pour vertu d’éviter que le Collège ne se mue en instance « intergouvernementale » si chaque Commissaire en vient à se transformer en représentant de son Etat-membre (ce qui n’est conforme ni à l’esprit de son mandat ni au serment qu’il prête au moment de son entrée en fonction). La réduction du nombre de Commissaires peut aussi être promue d’un point de vue plus fonctionnel, dès lors qu’il est plus difficile de garantir la dimension collégiale du fonctionnement de cette institution si ses membres sont trop nombreux, et qu’il est difficile d’introduire une hiérachie interne entre eux.

Pour autant, il paraît essentiel d’un point de vue politique que ce Collège puisse compter en son sein des commissaires en prise directe avec l’ensemble des pays de l’UE, qui soient capables de s’adresser dans leur langue à tous ses citoyens, en amont et en aval des décisions prises par la Commission et par l’UE. Mettre l’accent sur la réduction du nombre de commissaires fait l’impasse sur cette nécessité démocratique d’autant plus impérieuse à l’heure où l’UE suscite des controverses très vives entre ses Etats-membres et ses peuples, et qui requièrent une présence accrue des Commissaires européens dans le débat public, aussi bien dans leur pays d’origine qu’au sein des autres Etats-membres.

Proposition 11 : maintenir le principe d’un national par Etat-membre au sein de la Commission européenne

La Commission devrait donc continuer à bénéficier d’une double légitimité représentative, plutôt logique sur le fond et aisée à exposer : elle découle à la fois d’un vote d’investiture d’une majorité du Parlement européen et de la nomination d’un national par Etat-membre. Ce statu quo ne menacera pas l’efficacité de cette institution, dans la mesure où elle décide à la majorité simple, et non à l’unanimité ou à la majorité qualifiée. Qu’il y ait 18 ou 28 membres en son sein ne fait donc pas réellement obstacle à la prise de décision : si un consensus est le plus souvent recherché par le Président de la Commission, il a en effet tout loisir de recourir au vote pour surmonter tout blocage éventuel.

Les projets visant à réduire le nombre des membres de la Commission traduisent par ailleurs une volonté de renforcer la cohésion et l’efficacité de cette institution qui peut aussi reposer sur d’autres mécanismes. C’est dans cet esprit que Jean-Claude Juncker a organisé son collège : d’une part en redécoupant certains portefeuilles (par exemple en distinguant marché intérieur et services financiers ou migration et sécurité), ce qui pourra à nouveau être fait la formation des prochains collèges (par exemple via la création d’un portefeuille sécurité/défense); d’autre part en nommant des Vices-Présidents chargés de coordonner l’action d’un groupe de Commissaires actifs dans le même domaine ou « clusters » (par exemple « Union de l’énergie » ou « Euro et dialogue social ». S’il n’est pas certain que ce système de « clusters » ait vraiment amélioré le fonctionnement du Collège bruxellois, on peut à tout le moins constater que la présence de 28 commissaires en son sein ne l’a pas empêché d’être très actif au cours des 5 années de la législature, et qu’il n’y donc guère de raison politique impérieuse de la remettre en cause à court terme.

Proposition 12 : promouvoir un (re)découpage des portefeuilles de Commissaires conformes aux priorités politiques de l’UE

1.3.3. Donner au Président de la Commission le pouvoir de nommer les membres de son équipe

Un ultime ajustement juridique pourra renforcer l’ancrage civique de la Commission en parachevant ce processus de légitimation hybride. Après avoir reçu lors du Traité de Nice le pouvoir de licencier les membres du collège (article 17.6 du TUE), le président de la Commission devrait aussi avoir la faculté de nommer personnellement les commissaires, au lieu que ce soit le Conseil, fût-ce sur la base d’un commun accord avec lui (au titre de l’article 17.7 du TUE). Cette légère modification conforterait l’importance du choix du Président de la Commission par les citoyens, sur la base du système du « Spitzenkandidat ». Elle renforcerait la probabilité de voir nommer les bons commissaires aux bons postes, plutôt que de voir désigner à Bruxelles des personnalités que les autorités nationales souhaitent parfois éloigner autant que promouvoir. Le président de la Commission nommera naturellement les commissaires en étroite relation avec les gouvernements nationaux. Il devrait choisir ses vice-présidents en respectant les équilibres politiques de l’UE (grands/plus petits États membres, Nord/Sud/Est/Ouest et femme-homme en particulier). Mais les États membres pourraient sans doute mieux accepter une telle hiérarchie politique interne de facto , alors qu’ils sont peu disposés à accepter une hiérarchie de jure – et cela bénéficiera sans nul doute à l’efficacité du Collège bruxellois.

Proposition 13 : donner au Président de la Commission la capacité juridique de nommer les membres de son équipe

1.4. Gouverner l’Europe par contrat via un accord de mandature européen

Le renforcement de la légitimité représentative des parlementaires européens et des membres de la Commission pourra utilement être parachevé par la mise en place d’un contrat de législature entre ces deux institutions, et même d’un contrat de mandature entre Parlement européen, Commission et Conseil européen. Les prémisses d’un tel contrat de mandature existent déjà : la mise en place du système du Spitzenkandidat a par exemple conduit en 2014 les groupes politiques majoritaires à lier l’investiture du Président de la Commission par le Parlement européen à un accord entre ces deux institutions portant sur les principales priorités politiques à mettre en œuvre à l’horizon 2019 (dont le plan d’investissement dit « Plan Juncker » ; les « orientations politiques » adoptées par le Conseil européen en juin 2014 constituent elles aussi un forme d’accord interinstitutionnel entre cette institution et le Président de la Commission qu’elle a désigné [15] .

L’adoption en 2016 de l’Accord interinstitutionnel dans lequel Parlement Européen, Conseil des ministres et Commission prévoient toute une série de mécanismes visant à « Mieux légiférer » [16] a constitué un autre pas dans la bonne direction. Il a en effet ouvert la voie à la signature de déclarations communes sur les priorités législatives annuelles identifiées par ces trois institutions, et qui permettent aux observateurs et citoyens de l’UE de mieux percevoir sur la base de quels objectifs et compromis l’UE entend adopter de nouvelles normes au cours des trimestres à venir [17] .

La négociation et publication de ces accords programmatiques sont de beaucoup préférables aux tractations opaques entre les principaux partis européens ou au rapport de force purement institutionel entre Conseil européen et Parlement européen quant à la prééminence de leur légitimité de « faiseurs de rois ». Il s’agit donc d’une part de pérenniser l’adoption de ces accords programmatiques bilatéraux, mais aussi et surtout de promouvoir l’adoption d’un véritable contrat de mandature associant Commission, Parlement et Conseil européens, et qui dissipe la confusion née de la co-existence de deux accords négociés en parallèle. Seul un tel contrat de mandature inter-institutionnel fournira un cap politique et un contenu opérationnel plus clairs aux yeux des praticiens et citoyens de l’UE, et qui soit élaboré sur la base des rapports de force définis par les électeurs lors de l’été précédant l’investiture de la Commission. Il s’agit donc de recommander son adoption en amont de l’entrée en fonction du prochain Collège bruxellois, c’est-à-dire à l’automne 2019.

Proposition 14 : promouvoir l’adoption d’un « contrat de mandature » entre Parlement européen, Commission européenne et Conseil européen

2 – Donner des visages aux Européens qui décident en notre nom

Renforcer l’ancrage démocratique de nos représentants au niveau de l’UE doit aussi conduire à mieux incarner le pouvoir européen en donnant des visages à ceux qui décident en notre nom.

La diversité des nations et des forces politiques qui composent l’UE ont en effet conduit à la dispersion des pouvoirs entre des institutions diverses et à la mise en place de processus de décision dont la complexité traduit elle aussi la nécessité de prendre en compte des intérêts différents pour forger un consensus jugé légitime. Cette nécessité de négociation permanente a été organisée au sein du Parlement européen (sur la base de plusieurs seuils majoritaires) au Conseil des ministres (avec l’exigence de majorité qualifiée dans de nombreux cas) et à la Commission européenne (fondée sur le principe de collégialité).

Cette dispersion des pouvoirs et de leurs détenteurs a cependant transformé l’UE en « objet politique non identifié » (ou « OPNI »), notamment en raison de sa nature mi-fédérale, mi-intergouvernementale, et affaiblit la capacité de ses citoyens à distinguer qui décide de quoi. Il est donc essentiel de rendre plus identifiables et plus visibles les détenteurs des pouvoirs de l’UE, au-delà des réunions trimestrielles des chefs d’Etat et de gouvernement, qui jouent les intermittents du spectacle au sein du Conseil européen [18] . Cela suppose de mettre en oeuvre une série d’améliorations complémentaires, à la fois constitutionnelles et politiques, qui visent respectivement à favoriser l’expression de majorités alternatives, à tendre vers un bicamérisme égalitaire entre le Conseil et le Parlement européen et à privilégier des présidences stables – tout en identifiant mieux les décideurs de la zone euro.

2.1. Favoriser l’expression de majorités européennes plus identifiables

La désignation de majorités appelées à prendre les décisions au nom des citoyens qu’elles représentent est la pierre angulaire des systèmes démocratiques : elle rencontre cependant de nombreux obstacles au niveau de l’UE, tant au sein du Parlement européen que dans les négociations entre Etats-membres. Cette anomalie apparente est le sous-produit d’un système politique fondé sur un subtil dosage de « freins et contrepoids » visant à empêcher la domination d’une seule force politique ou d’un seul pays.

Pour louable qu’il soit, ce « biais pluraliste » apparaît contreproductif en termes de lisibilité démocratique, dès lors qu’il ne permet pas aux citoyens d’identifier clairement quelle(s) majorité(s) exerce(nt) les pouvoirs que détient l’UE. Réduire un tel biais doit conduire à réformer les règles en vigueur afin de renforcer les possibilités de voir se former des coalitions majoritaires alternatives, et donc la lisibilité et l’ancrage représentatif des institutions de l’UE.

2.1.1 Modifier les règles de vote pour faciliter les majorités alternatives au Parlement européen

C’est en revoyant le mode d’élection des députés européens et en privilégiant des règles de vote davantage majoritaires qu’on améliorera l’ancrage représentatif du Parlement européen aux yeux des citoyens de l’UE.

Les députés européens sont certes élus depuis 1979 sur la base de règles particulièrement démocratiques. Si les Etats membres ne sont pas parvenus à adopter une « procédure électorale uniforme », ils se sont en effet entendus sur quelques « principes communs », dont le recours au scrutin proportionnel [19]  : cela facilite la présence à Strasbourg d’une très grande diversité de forces politiques, dont certaines ont souvent beaucoup plus de difficultés à être aussi bien représentées dans leur parlement national. Ce « pluralisme proportionnel », qui empêche mécaniquement un seul parti politique européen d’obtenir à lui seul la majorité des élus, impose la formation de « grandes coalitions » entre les principaux partis, aussi bien pour investir le Président de la Commission européenne et son Collège, que pour l’adoption des principaux règlements, directives et décisions de l’UE.

Bienvenu sur le principe, un tel pluralisme proportionnel a cependant son revers sur le plan pratique : celui d’aboutir à la formation quasi systématique de la même « grande coalition », composée des membres du Parti Populaire européen et du Parti socialiste européen, avec l’appoint plus ou moins ponctuel des Libéraux-Démocrates. Il est naturellement légitime que de telles forces politiques gouvernent le Parlement européen si les suffrages exprimés par les électeurs les ont placés en tête. Compte tenu des règles proportionnelles en vigueur, les compromis qu’ils doivent forger sont cependant si complexes que leur lisibilité politique s’en trouve réduite, de même que le sentiment que l’expression du suffrage populaire puisse affecter clairement l’orientation des décisions du Parlement européen. La frustration ressentie par les électeurs est d’autant plus vive dans des pays comme la France, dont les citoyens sont peu habitués aux équilibres subtils du scrutin proportionnel et plus enclins aux alternances claires entre majorités opposées (pour le meilleur et pour le pire).

Au regard de l’état d’approfondissement de la construction européenne et des débats publics intenses qu’elle suscite, il serait donc souhaitable d’atténuer l’impact du recours à la régle proportionnelle afin de favoriser l’expression de majorités plus claires au Parlement européen. Cela doit notamment conduire à agir en amont et en aval de l’élection des députés européens :

– il convient tout d’abord de réformer les régles du scrutin européen pour accorder davantage de sièges aux partis les plus populaires : d’une part en fixant un seuil minimal uniforme à partir duquel un parti politique peut avoir des élus à Strasbourg [20] , par exemple 3% des suffrages (la décision de 2002 ne prévoit à ce stade que la possibilité d’un seuil maximal de 5% [21] ) ; d’autre part en accordant une prime majoritaire au parti arrivé en tête au niveau national et/ou au niveau européen, sur le modèle en vigueur dans nombre d’élections législatives (par exemple 10% des sièges mis en jeu). Ces deux mesures permettront l’une et l’autre de renforcer le poids des partis bénéficiant du soutien électoral le plus large, qu’ils soient situés au centre, à droite ou à gauche de l’échiquier politique. Leur adoption suppose d’amender la décision du Conseil de 2002 « sans porter globalement atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin » (selon l’expression qui y figure à plusieurs reprises).

Proposition 15 : fixer entre 3% et 5% le seuil minimal d’éligibilité au Parlement européen dans tous les pays de l’UE

Proposition 16 : accorder une « prime majoritaire » au parti arrivé en tête aux élections européennes (à hauteur de 10% des sièges)

– il convient en parallèle de réformer le mode de fonctionnement interne du Parlement européen, qui repose lui aussi sur des principes proportionnels pour l’attribution des responsabilités, des rapports parlementaires, des temps de parole, etc. S’il est souhaitable de maintenir des temps de parole strictement conformes au poids représentatif des partis présents à Strasbourg, il convient à tout le moins de concentrer davantage les responsabilités entre les partis ayant réuni le plus grand nombre de suffrages (présidence des commissions parlementaires notamment), par exemple en leur accordant un bonus de 10% : en confortant leurs positions, cette évolution pourra les inciter à en faire davantage usage pour affirmer leurs différences et permettre aux citoyens de mettre plus aisément des visages sur les clivages partisans structurant la vie démocratique de l’UE.

Proposition 17 : accorder une prime majoritaire aux groupes politiques principaux pour l’attribution des responsabilités au sein du Parlement européen (bonus de 10%)

Agir en amont et en aval de l’élection des députés européens ne suffira pas à favoriser l’emergence de majorités plus clairement identifiables et alternatives au Parlement européen aux yeux des citoyens de l’UE. Cette nécessité démocratique doit donc aussi conduire à réformer les régles de vote en vigueur au sein de cette institution, afin que les majorités à géométrie variable qui s’y forment puissent elles aussi mieux refléter les principaux clivages partisans [22] .

A cet égard, le fait que nombre de votes du Parlement européen ne puissent être adoptés à la majorité des suffrages exprimés (voir Tableau 2) constitue un problème en termes d’alternance et de lisibilité démocratiques. L’obligation de réunir la « majorité des membres qui composent le Parlement européen », voire des majorités supérieures (2/3 des membres, et plus rarement 3/5) impose en effet la formation de très larges majorités trans-partisanes, souvent de circonstance, et brouille par la même la lisibilité idéologique des décisions de l’Assemblée de Strasbourg. Que des « majorités de consensus » se dégagent sur quelques sujets n’est pas négatif en soi, de même que la formation de « majorités de grande coalition » ralliant les principaux partis centraux [23] . Mais il serait souhaitable de permettre la formation plus fréquente de majorités reflétant le clivage droite-gauche, notamment sur les enjeux économiques, financiers, sociaux et environnementaux [24] , si l’on souhaite améliorer la lisibilité démocratique et partisane des votes du Parlement européen, notamment dans les pays dont les citoyens ne sont pas habitués à ces logiques de coalition (dont la France).

C’est le recours aux votes à la majorité des suffrages exprimés qui permettra d’atteindre le plus aisément un seuil majoritaire propice au regroupement de forces politiques proches sur des enjeux clés (par exemple libéraux et conservateurs ou socialistes et écologistes), surtout compte tenu du taux d’absentéisme lors des séances plénières du Parlement européen. A titre d’exemple, l’obligation de réunir la « majorité des membres composant le parlement européen » devrait être remplacée par celle de réunir seulement la majorité des suffrages exprimés lors des votes portant sur une demande d’initiative législative adressée à la Commission et l’adoption des projets d’amendements en matière budgétaire lors de la première phase de discussion. De même que devrait être supprimée la nécessite de réunir à la fois les 2/3 des suffrages exprimés et la majorité des membres composant le Parlement européen pour l’avis conforme visant à constater la violation des principes du traité.

C’est en promouvant une large extension des votes à la majorité des suffrages exprimés au Parlement européen qu’on permettra le plus aisément à ses membres de constituer des majorités alternatives, qui demeureront transpartisanes mais ne seront pas systèmatiquement composées des mêmes groupes politiques. C’est aussi à cette condition qu’on donnera une meilleure lisibilité démocratique à cette institution et qu’on renforcera son ancrage représentatif.

Proposition 18 : étendre le vote à la majorité des suffrages exprimés au Parlement européen

2.1.2 Relever le défi juridique et politique des votes à la majorité des Etats

Favoriser l’expression de majorités alternatives au Conseil est doublement difficile. D’abord parce qu’il n’y a pas de « grand soir » à l’issue duquel ses membres seraient remplacés par de nouveaux élus : la composition des membres du Conseil (et celle du Conseil européen) évolue de fait au gré des élections nationales organisées dans chaque Etat-membre, et donc de manière très graduelle et très indirecte (ces élections portent souvent sur des enjeux domestiques). C’est aussi que le Conseil a longtemps décidé à l’unanimité des membres qui le composent, de sorte qu’un seul d’entre eux pouvait bloquer toute volonté alternative de la part des autres – c’est notamment toujours le cas en matière fiscale. C’est pour éviter les blocages durables et donc pour des raisons d’efficacité que les Etats-membres ont progressivement décidé d’étendre le champ des votes à la majorité qualifiée, à l’issue d’âpres négociations sur la nature et le nombre des décisions concernées et les modes de calcul de cette majorité à « algèbre variable ». Les décisions du Conseil des ministres doivent désormais réunir 55% des Etats membres représentant 65% de la population totale de l’UE afin d’être adoptées à la majorité qualifiée : leur champ d’application a été étendu à plus de 2/3 des décisions européennes de nature législative, même si beaucoup de domaines demeurent encore soumis à la régle de l’unanimité [25] .

C’est dans la perspective d’une extension des votes à la majorité qualifiée que doit s’inscrire tout effort visant à renforcer l’ancrage représentatif des décisions de l’UE, fondée sur la prise en compte des intérêts des Etats membres comme de la logique majoritaire. Un tel horizon souhaitable ne sera cependant accessible qu’à condition de procéder avec doigté, sur le plan des traités mais aussi sur le plan des usages politiques.

La décision du Conseil de septembre 2015 relative à la relocalisation de 120 000 demandeurs d’asile l’a en effet rappelée : il est certes possible de passer en force lorsque des Etats-membres maintiennent leur opposition (en l’espèce la Hongrie, la République Tchèque, la Roumanie et la Slovaquie) ; mais cela pèse ensuite très fortement sur la capacité de l’UE à obtenir que ses décisions soient mises en œuvre de manière effective par les Etats-membres concernés. Comme ce fut le cas au moment de l’Acte unique européen, sous l’impulsion de la Commission Delors, le passage au vote à la majorité qualifiée doit apparaître comme un aiguillon utile, incitant les Etats-membres à faire des compromis constructifs au service d’objectifs stratégiques partagés, dès lors qu’ils ne disposent plus d’un droit de véto sur les décisions collectives. Il ne doit pas être interprété comme un sauf-conduit autorisant à passer outre des objections politiques réittérées avec force par tel ou tel gouvernement national, quel que soit son degré de bonne ou de mauvaise foi. La Commission présidée par Jean-Claude Juncker semble consciente d’une telle réalité, même si elle n’a pas pu ou su éviter les controverses et recours qu’a suscitée la décision européenne portant relocalisation des demandeurs d’asile [26] .

Proposition 19 : utiliser le vote à la majorité qualifiée comme aiguillon politique plutôt que comme outil d’un passage en force

La Commission Juncker a en tous cas proposé d’étendre de manière ciblée les votes à la majorité qualifiée à une série de nouveaux domaines, sans prévoir à ce stade de généraliser ce type de vote : cela aurait supposé une approbation unanime des Etats-membres qu’il paraît exclu de réunir dans le contexte de tensions nationalistes actuel. S’appuyant sur l’article 31.3 du Traité sur l’Union européenne (dite « clause passerelle »), la Commission a ainsi invité le Conseil européen à autoriser le Conseil à statuer à la majorité qualifiée dans quelques cas relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, à savoir les positions sur les « questions liées aux droits de l’homme dans les enceintes internationales », les « décisions portant sur l’établissement de régimes de sanctions » et les « décisions relatives à des missions civiles de politique de défense et de sécurité commune ». De même, la Commission a récemment proposé un passage progressif au vote à la majorité qualifiée en matière fiscale (ainsi qu’à la co-décision avec le Parlement européen) : d’abord pour les mesures visant à renforcer la coopération et l’assistance mutuelle dans le cadre de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, ainsi que pour les initiatives administratives en faveur des entreprises de l’UE, comme l’harmonisation des obligations de déclaration ; ensuite pour des mesures fiscales participant de la lutte contre le changement climatique, la protection de l’environnement ou l’amélioration de la santé publique. Au-delà de ces changements à court terme, la Commission a aussi proposé à l’horizon 2025 que la modernisation des règles de l’UE déjà harmonisées, telles que celles régissant la TVA et les droits d’accises, puissent être décidées à la majorité qualifiée, de même que les projets fiscaux relatifs à l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) et les mesures fiscales en matière d’économie numérique. Le sort réservé à ces propositions pragmatiques sera un test politique important de la capacité des Etats-membres et des peuples de l’UE à co-exister et à co-décider au sein d’une communauté conciliant au mieux légitimité représentative et efficacité politique.

Proposition 20 : étendre le champ des votes à la majorité qualifiée au Conseil en matière fiscale et en matière de politique étrangère

Tableau 2 Les règles de vote au Parlement européen telles que fixées par son règlement intérieur ou par les traités (lorsque signalé*)

L’article 231 du TFUE stipule que « Sauf dispositions contraires du présent traité, le Parlement européen statue à la majorité absolue des suffrages exprimés ».

Décisions législatives

Initiative legislative (demande à la Commission qu’elle fasse une proposition)*

Majorité des membres composant le Parlement (article 225 TFUE)

1ère lecture (procédures de codécision,

de consultation et de coopération)

Amendements proposition Commission

Majorité des suffrages exprimés

Rejet proposition Commission

Majorité des suffrages exprimés

2ème lecture (procédures de codécision et de coopération)

Adoption ou amendements proposition Commission*

Majorité des membres composant le

Parlement (article 294.2 TFUE)

Rejet proposition Commission*

Majorité des membres composant le

Parlement (article 294.2 TFUE)

3ème lecture (procédures de codécision)

Adoption ou amendements proposition Commission

Majorité des suffrages exprimés

Rejet proposition Commission

Majorité des suffrages exprimés

Décisions budgétaires

1 ère lecture/phase

Projets d’amendements

Majorité des membres composant le Parlement

Propositions de modifications

Majorité des suffrages exprimés

Projets d’amendements dépassant le taux maximal d’augmentation

3/5 des suffrages exprimés représentant une majorité des membres composant le Parlement

2ème lecture/phase

Projets d’amendements

2/3 des suffrages exprimés représentant une majorité des membres composant le Parlement

Rejet global du budget

2/3 des suffrages exprimés représentant une majorité des membres composant le Parlement

Vote des douzièmes provisoires

3/5 des suffrages exprimés représentant une majorité des membres composant le Parlement

Autres decisions budgétaires

Fixation d’un nouveau taux

maximal d’augmentation

3/5 des suffrages exprimés représentant une majorité des membres composant le Parlement

Refus de la décharge

Majorité des suffrages exprimés

Règles de vote en matière d’avis conforme

Élection des parlementaires européens (procédure uniforme ou principes communs)*

Majorité des membres composant le

Parlement européen (article 223 TFUE)

Missions spécifiques de la Banque

centrale européenne (BCE)*

Majorité des suffrages exprimés

(article 127.6 TFUE)

Modifications des statuts du système européen de Banque centrales*

Majorité des suffrages exprimés

(article 129.5 TFUE)

Missions, objectifs prioritaires et organisation des fonds structurels*

Majorité des suffrages exprimés

(article 177 TFUE)

Accords internationaux et accords d’association*

Majorité des suffrages exprimés

(articles 218.3 et 217 TFUE)

Adhésion de nouveaux États (recommandation et acceptation)*

Majorité des membres composant

le Parlement (article 56 du TUE)

Constatation d’une violation des principes du traité*

2/3 des suffrages exprimés représentant une majorité des membres

(article 7.6 du TUE)

Nomination/censure/destitution

Élections internes au Parlement européen

Président du Parlement européen

1er à 3e tour : majorité absolue

des suffrages exprimés

4e tour : (si nécessaire) idem mais seulement entre les 2 députés ayant obtenu le plus grand nombre de voix au 3e tour

Vice-présidents du Parlement européen

1er tour : majorité absolue des suffrages

exprimés

2e tour : (si nécessaire) idem 1er tour

3e tour : (si nécessaire) majorité relative

Questeurs du Parlement européen

Idem vice-présidents

Interruption des mandats ci-dessus

Majorité des 3/5 des suffrages exprimés

Investiture/censure de la Commission européenne

Investiture président Commission

Majorité des suffrages exprimés

Investiture Commission

Majorité des suffrages exprimés

Censure de la Commission*

2/3 suffrages exprimés représentant une majorité des membres composant le Parlement (article 234 TFUE)

Autres nominations

Membres de la Cour des comptes

Majorité des suffrages exprimés pour chaque candidat

Médiateur (nomination & destitution)

Majorité des suffrages exprimés

Fonctionnement interne du Parlement européen

Convocation du Parlement hors séances prévues*

Majorité des membres composant

le Parlement (article 229 TFUE)

Séance plénière hors du siège (Strasbourg)

Majorité des suffrages exprimés

Rejet d’un recours devant la Cour de justice

Majorité des suffrages exprimés

Constitution d’une Commission d’enquête*

1/4 des membres composant le Parlement (article 226 TFUE)

Adoption et amendements du Règlement intérieur du Parlement européen*

Majorité des membres composant

le Parlement (article 232 TFUE)

Décisions diverses

Recommandations

Majorité des suffrages exprimés

Résolutions législatives ou non législatives

Majorité des suffrages exprimés

Règles relatives aux partis politiques au niveau européen

Majorité des suffrages exprimés

Avis sur les dérogations octroyés aux

États n’ayant pas adopté l’euro*

Majorité des suffrages exprimés

(article 141 TFUE)

Source : traités communautaires et données Parlement européen, inventaire d’Y. Bertoncini et T. Chopin, in Politique européenne. États, pouvoirs et citoyens de l’Union européenne, Presses de Sciences Po/Dalloz, coll. « Amphis », 2010.

2.1.3 Dégager des majorités positives au sein des comités encadrant les décisions de la Commission

C’est aussi et enfin au niveau des comités encadrant les pouvoirs normatifs de la Commission européenne qu’il faut clarifier l’usage du vote à la majorité. C’est en effet dans ce cadre que la Commission adopte chaque année de multiples directives et réglements, plus nombreux que ceux adoptés par le Conseil et le Parlement européen réunis (voir Tableau 3). En général, ces normes « infra-législatives » se bornent certes à entrer dans le détail de l’application des directives et réglements de « 1 er niveau » adoptées par le Conseil et le Parlement européen, sur le modèle de nos « décrets d’application » et arrêtés ministériels. Elles n’en restent pas moins très sensibles politiquement puisqu’elles concernent des enjeux qui défrayent souvent la chronique, tels que les OGM, les pesticides, les émissions de C02 des moteurs automobiles, le commerce des produits végétaux ou alimentaires, etc. Il est donc d’autant plus important que soient clairement identifiées les majorités qui se prononcent pour ou contre de telles décisions normatives, qui mettent souvent en opposition Etats-membres et citoyens de l’UE : tel n’est pas le cas aujourd’hui.

La réforme de la « comitologie » adoptée en 2011 afin de mettre en musique les nouvelles dispositions du Traité de Lisbonne, et qui prévoit la coexistence de comités « consultatifs » et de « comités d’examen » (pour les sujets les plus sensibles), a en effet donné lieu à des dysfonctionnements politiques notables. Si la Commission est seulement tenue d’écouter l’avis des comités consultatifs et de décider d’en tenir compte ou pas, il ne lui est pas possible de le faire si une « majorité qualifiée » des membres des comités d’examen s’oppose à ses propositions (en émettant un « avis négatif »). Mais la Commission a aussi la possibilité de mettre en œuvre les dites propositions si une majorité qualifiée d’Etats membres n’a pas souhaité les approuver (en émettant un « avis positif »), y compris lors de la réunion du « comité d’appel » réuni après l’échec du comité d’examen initialement saisi. Cet « entre-deux » politique, ni défavorable, ni favorable, laisse la Commission face à la responsabilité d’aller de l’avant sur des sujets très sensibles. C’est précisément un cas de figure qui s’est produit à de nombreuses reprises, et par exemple lors du débat ô combien controversé relatif à l’usage du glyphosate : cela a conduit la Commission à s’abstenir d’agir, mais aussi à formuler en 2017 des propositions de réforme bienvenues en matière de comitologie, sur lesquelles Conseil et Parlement européen ne sont pas encore parvenus à s’entendre.

Au-delà du renforcement salutaire de la transparence des procédures de décision « comitologiques » (voir § 3.1.3), il s’agit en particulier de ne plus décompter les abstentions exprimées par les représentants des Etats dans le calcul des majorités requises : ce serait une manière de leur faire prendre une position claire, pour ou contre, sur des enjeux particulièrement sensibles ; mais aussi d’empêcher ces représentants des Etats de se défausser de leurs responsabilités sur la Commission, qui ne serait plus tenue de se prononcer en l’absence d’une majorité favorable ou défavorable – alors qu’il est essentiel que cette majorité politique soit clairement identifiable en pareilles circonstances. Il est donc souhaitable que la proposition de réforme de la comitologie formulée par la Commission soit rapidement approuvée par le Conseil et le Parlement européen et qu’elle soit en vigueur pour les normes adoptées lors de la législature 2019–2024.

Proposition 21 : ne plus décompter les abstentions dans les votes à la majorité exprimés par les Etats-membres au sein des comités présidés par la Commission

Tableau 3 : Règlements et directives adoptés par l’UE entre juin 2014 et avril

2019 (hors rectificatifs)

Type d’acte / Auteur

Conseil des ministres

Parlement européen

Commission

européenne

Règlement

989

377

1 469

Directive

492

300

231

Règlement délégué

-

-

555

Directive déléguée

-

-

57

Règlement d’exécution

309 *

-

3 752

Directive d’exécution

-

-

30

Total 2014–2019

1481

677

6094

Moyenne par an

296 **

135

1 218

Source : www.eur-lex.europa.eu , Calculs Yves Bertoncini PSIA /

* Ces règlements d’exécution concernent la politique étrangère et de sécurité commune

** Moyenne hors règlement d’éxécution liés à la PESC (donc hors UE).

2.2 Tendre vers un bicamérisme égalitaire entre Parlement européen et Conseil des ministres

Le partage des pouvoirs de décision entre Parlement européen et Conseil des ministres a sans cesse évolué depuis les années 1970 au bénéfice de l’assemblée parlementaire, dont les membres ont argué de leur ancrage démocratique direct afin d’étendre le champ de leurs prérogatives. L’état actuel de ce partage traduit cependant une complexité extrême et un déséquilibre toujours marqué en faveur des représentants des Etats-membres. C’est aussi en tendant vers un partage des pouvoirs beaucoup plus équilibré, au bénéfice du Parlement européen, qu’on pourra rendre le système décisionnel de l’UE à la fois plus lisible et plus légitime.

2.2.1 Généraliser l’usage de la co-décision en matière législative

Le traité de Lisbonne s’est inscrit dans la lignée des efforts de démocratisation engagés par les traités précédents, qui ont tous réduit le nombre d’enjeux sur lesquels le Parlement était seulement consulté, voire ignoré. D’une part en dénommant la procédure de « codécision », qui met à égalité le Parlement européen et le Conseil, « procédure législative ordinaire » ; d’autre part en étendant son champ d’application à 44 nouveaux articles et sous articles, pour un total de 89 désormais couverts par cette procédure [27] .

L’accroissement des pouvoirs décisionnels du Parlement européen

suite au Traité de Lisbonne

Les pouvoirs décisionnels du Parlement européen portent désormais sur des domaines aussi divers que le contrôle des personnes aux frontières (art. 77–2 TFUE), les dispositions régissant l’accueil et le traitement des demandeurs d’asile (art. 78–2 TFUE) ou encore la lutte contre l’immigration clandestine (art. 79–2 et –4 TFUE). En matière de coopération policière, l’article 87 TFUE étend également la codécision à tous les aspects non opérationnels. Enfin, dans le cadre de la PAC, le traité soumet la définition des organisations communes de marché à la procédure législative ordinaire, même si le Conseil conserve d’importantes prérogatives, telles celles décidant de la fixation des prix, des aides et des quotas.

Le traité de Lisbonne a aussi accru les pouvoirs du Parlement européen par le biais de « procédures législatives spéciales ». La procédure de consultation a par exemple été étendue à une quarantaine d’articles, parmi lesquels certains portent sur l’énergie (art. 194–3 TFUE) ; sur des dispositions concernant la protection des travailleurs (art. 153–2 TFUE) ; sont également concernés des domaines tels que la coopération policière opérationnelle (art. 87–3 TFUE), les mesures concernant les passeports, cartes d’identité, titres de séjour (art. 77–3 TFUE) ainsi que les mesures relatives au droit de la famille ayant une incidence transfrontalière (art. 81–3 TFUE). Le champ d’application de la procédure d’approbation a lui été étendu à des décisions portant sur le retrait d’un État de l’Union (art. 50 TFUE), la création d’un parquet européen (art. 86–1 TFUE) ou encore l’adoption du règlement fixant le cadre financier pluriannuel (art. 312–2 TFUE).

Une révision ultérieure des traités européens aura vocation à approfondir ce mouvement de renforcement progressif des pouvoirs du Parlement européen, afin de conforter l’assise démocratique du fonctionnement de l’UE : il s’agit de généraliser l’usage de la procédure de co-décision législative à l’ensemble des 120 articles et sous articles concernés, sans plus recourir à des procédures consultatives ou d’approbation. Ainsi conviendra-t-il par exemple de passer de la procédure d’approbation à la procédure de codécision pour l’adoption de sanctions pour violation grave et persistante des principes de l’Union par un État membre ; de la consultation à la codécision pour l’adoption des programmes spécifiques de mise en œuvre du programme-cadre pour la recherche; ou d’en finir avec les procédures dans lesquelles le Conseil reste seul décideur à ce stade, par exemple lorsqu’elle concernent l’octroi d’aides dans le domaine de l’agriculture.

Proposition 22 : généraliser le vote en co-décision sur tous les enjeux aujourd’hui soumis à une simple consultation ou approbation du Parlement européen

2.2.2 Poursuivre l’extension des pouvoirs du Parlement européen en matière budgétaire et internationale

C’est également sur le registre des décisions non-législatives de l’UE qu’il faut tendre vers la parité entre Parlement européen et Conseil des ministres, pour des raisons de légitimité et de lisibilité. Si le Parlement européen n’a pas vocation à s’immiscer dans des domaines exécutifs, qui relèvent par nature de la Commission et des Etats-membres, il est ainsi souhaitable de lui accorder plus de pouvoirs en matière budgétaire et en matière internationale.

Les décisions relatives au budget de l’UE ont été le premier enjeu d’affrontement entre Parlement européen et Etats-membres, dès les années 1970, comme ils sont le lieu d’affirmation classique de toute assemblée parlementaire, soucieuse de peser dans l’affectation des ressources publiques. Grâce au Traité de Lisbonne, les parlementaires européens ont aujourd’hui conquis un pouvoir de décision quasi-équivalent à celui du Conseil des ministres, y compris au regard des dépenses jadis qualifiées d’« obligatoires » (notamment agricoles), pour lesquels les Etats-membres avaient conservé le « dernier mot ». Reste que cette parité pour l’adoption du budget annuel de l’UE est encadrée par les limites et plafonds fixés par un « cadre financier pluri-annuel », qui n’est pas négocié en co-décision, mais soumis à une approbation des parlementaires européens, qui peuvent seulement conditionner leur accord global à quelques ajustements souvent cosmétiques : il convient donc de passer de l’approbation à la co-décision afin de parfaire les avancées démocratiques engagées depuis les années 1970.

Sur un registre connexe, il serait également bienvenu que la nécessaire création de nouvelles ressources propres pour le budget de l’UE soit co-décidée par le Parlement européen, et non soumis à un simple accord intergouvernemental.

Il convient enfin de s’interroger sur la durée des cadres financiers pluri-annuels de l’UE, qui couvrent désormais 7 années de programmation budgétaire, contre 5 années au moment de leur mise en place par la Commission Delors [28] En dépit des problèmes techniques que cela pourrait susciter en termes de programmation budgétaire, il serait dès lors utile d’un point de vue démocratique d’en revenir à l’adoption d’un cadre financier de 5 ans synchronisé avec le cycle électoral européen (c’est-à-dire 2016–2020, 2021–2025, etc.) : il pourrait ainsi être adopté en co-décision par le Conseil européen et les parlementaires européens élus lors du scrutin démocratique le plus récent, dont le contenu de ce cadre financier pourra constituer l’un des enjeux récurrents.

Proposition 23 : donner au Parlement européen un pouvoir de co-décision pour l’adoption du cadre financier pluri-annuel de l’UE

Proposition 24 : ramener le cadre financier pluri-annuel de l’UE à 5 ans afin de le synchroniser avec les élections européennes

C’est aussi sur le registre international qu’il faut amplifier la montée en puissance des pouvoirs du Parlement européen, dans la continuité des progrès permis par le Traité de Lisbonne, qui a ouvert nombre de nouveaux domaines externes à la procédure de consultation, et parfois à la procédure de co-décision. Ce peut être affaire d’usages politiques : s’il est à la fois logique et positif que les parlementaires européens puissent désormais valider les accords commerciaux de type CETA ou TAFTA ainsi que le futur accord de partenariat entre l’UE et le Royaume-Uni, il serait bienvenu qu’ils puissent accéder à l’ensemble des éléments d’appréciation utiles autrement qu’en allant consulter sans pouvoir les copier les documents de négociation de l’UE. L’accroissement des pouvoirs du Parlement européen en matière commerciale est aussi une affaire de traités : puisque ses membres peuvent aujourd’hui valider ou non un accord commercial à la fin des négociations, il serait logique qu’ils puissent co-décider de l’opportunité de lancer de telles négociations commerciales et d’adopter les directives de négociation, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas (ils sont seulement consultés).

Proposition 25 : donner au Parlement européen un pouvoir de co-décision sur le lancement de négociations commerciales internationales

Plus largement, c’est sur les décisions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune que le Parlement européen devrait voir ses prérogatives renforcées, afin que ses membres puissent porter la voix de leurs électeurs dans des débats essentiels pour le futur de l’UE. Seulement consultés pour la définition des orientations principales de la PESC et de la PESD ou sur le financement d’urgence d’initiatives par le budget de l’UE, les parlementaires européens ont vocation à obtenir un pouvoir de co-décision en la matière. De même, il est souhaitable que le Parlement européen soit co-décideur ou, a minima, consulté pour les arbitrages portant sur l’identification des intérêts et objectifs stratégiques de l’UE sur le plan international, le financement des activités préparatoires à des missions militaires, les actions conjointes en matière de désarmement, ou encore les missions de prévention des conflits et les opérations de maintien de la paix – alors que le Conseil décide seul sur ce registre. Au-delà du choix des domaines non-exécutifs à soumettre à la co-décision du Parlement européen, il est essentiel de poursuivre le renforcement de ses pouvoirs en matière internationale, afin d’ancrer plus clairement aux yeux des peuples de l’UE que leurs représentants à la fois parlementaires et diplomatiques participent de concert et sur un pied d’égalité à la formation de la plupart des décisions que l’UE prend en leur nom.

Proposition 26 : accorder un pouvoir de co-décision au Parlement européen pour la définition des orientations principales de la politique étrangère

2.3. Incarner le pouvoir européen via des présidences stables

Mieux incarner les pouvoirs exercés par l’UE suppose aussi que ses citoyens soient davantage capables d’identifier et d’interpeller ceux qui président à sa destinée et, plus prosaïquement, ceux qui président les principales institutions européennes.

Si leur mode de fonctionnement et de décision est plus collégial qu’il n’y paraît, la Commission européenne et la Banque centrale européenne ont déjà le privilège d’être présidée par une personnalité dont le mandat s’inscrit dans la durée. Ainsi les Commissions Delors, Barroso ou Juncker ont-elles pu être clairement identifiées par le grand public. De même Jean-Claude Trichet ou Mario Draghi ont-ils pu incarner la Banque Centrale Européenne, bien au-delà du cercle des initiés, et participer à ce titre au débat public qu’appelle l’importance des prérogatives qu’elle exerce. Il doit en aller de même pour les autres institutions principales de l’UE, c’est à dire le Parlement européen, le Conseil européen et le Conseil des ministres, ce qui suppose d’en terminer avec les présidences « partielles » ou « tournantes ».

2.3.1 Elire des présidents pour la durée de la législature européenne

Elire des présidents dont le mandat dure toute la durée de la législature européenne, c’est-à-dire 5 ans, constitue la première réforme à privilégier pour mieux incarner les institutions de l’UE aux yeux de ses citoyens : tel n’est aujourd’hui pas toujours le cas, ce qui fait obsctale à leur identification civique – tout autant qu’à l’efficacité de leur action.

Ainsi la présidence du Parlement européen est-elle systématiquement attribuée sur la base d’un accord transpartisan prévoyant de scinder en deux un mandat de 5 ans, au profit d’un mandat de 2 ans et demi exercé successivement par un représentant des deux partis dominants, le plus souvent les conservateurs du PPE et les sociaux-démocrates du Parti des socialistes européens [29] . La seule exception à cette régle est celle qui a permis à Martin Schulz d’enchainer deux mandats successifs entre 2012 et 2017, au motif que sa reconduction était la contrepartie de l’accord de coalition ayant porté Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission. Cette durée hors norme lui aura sans doute permis de mieux médiatiser cette fonction politique, qu’il est essentiel d’incarner davantage aux yeux des citoyens de l’UE puisque la légitimité de son titulaire découle directement de leurs suffrages.

A cette fin, il est vivement souhaitable que l’accord de coalition qui sera conclu pour la période 2019–2024 accorde la présidence pour 5 ans à une seule personnalité, fût-ce dans le cadre d’un compromis global incluant les présidences d’autres institutions (Commission, Conseil européen et BCE notamment). S’agissant du Parlement européen, le partage des responsabilités en fonction du poids représentatif des différents partis pourra utilement se limiter à ses vice-présidences, ainsi qu’à l’attribution des présidences de ses commissions parlementaires. Cette longévité accordée au Président du Parlement européen permettra de renforcer son influence dans les discussions avec le Conseil européen et la Commission, mais aussi sa capacité d’incarner la légitimité électorale directe de l’UE aux yeux de ses citoyens.

Proposition 27 : élire le Président du Parlement européen pour toute la durée de la législature (5 ans) plutôt qu’une moitié

Il est positif qu’une telle pratique soit déjà inscrite dans les faits, sinon dans les traités, s’agissant de l’attribution de la présidence du Conseil européen. Nommé pour un mandat de deux ans et demi seulement, aussi bien Herman Van Rompuy que Donald Tusk ont vu le leur renouvelé et ont donc pu inscrire leur action dans la durée – de même que dans l’esprit des observateurs attentifs des Affaires européennes, sinon du plus grand nombre. Il est désormais souhaitable que le droit rejoigne les faits et que les traités prévoient un mandat de 5 ans à l’avenir, maintenant que les Etats n’ont plus à craindre l’émergence d’un président trop encombrant. Les prochains titulaires de la présidence du Conseil européen pourront ainsi redoubler d’activisme public et médiatique afin d’évoquer les défis politiques et institutionnels qu’ils doivent relever en préparant et coordonnant les négociations entre les chefs d’Etat et de gouvernements de l’UE.

Proposition 28 : élire le Président du Conseil européen pour un mandat de 5 ans non renouvelable

A terme, cette stabilisation de la fonction de Président du Conseil européen ouvrira la voie à une évolution potentiellement utile du point de vue de l’incarnation des institutions de l’UE : il pourra en effet s’agir de fusionner cette fonction avec celle de président de la Commission européenne, afin de simplifier le dispositif institutionnel communautaire et de donner un visage encore plus emblématique à l’UE aux yeux de ses citoyens. Le Président de la Commission européenne étant déjà membre de droit du Conseil européen, il s’agira simplement pour les chefs d’Etat et de gouvernement de le nommer également comme Président de cette autre institution afin de conforter sa capacité à promouvoir des initiatives d’intérêt commun et de susciter l’accord entre Etats-membres. Cette double nomination ne fera en somme que redonner au Président de la Commission le leadership qu’il exerçait au moment où la présidence du Conseil européen était soumise à une rotation semestrielle. Dès lors qu’elle ne requiert aucune modification des traités [30] , cette fusion des deux présidences pourra être expérimentée dans un premier temps, à la fois au regard de son efficacité politique mais aussi de sa contribution au renforcement de l’ancrage citoyen des institutions européennes.

Proposition 29 : confier le poste de Président du Conseil européen au Président de la Commission européenne

2.3.2 Désigner des président(e)s stables au Conseil des ministres

La présidence tournante du Conseil des ministres a longtemps présenté l’intérêt de favoriser l’ancrage politique de l’UE au niveau des gouvernements nationaux, amenés à s’impliquer plus directement dans la gouvernance commune, y compris afin d’insister sur des priorités en phase avec leurs agendas. Cet objectif est désormais hors d’atteinte dans une UE de 27 ou 28 pays, qui conduit les États membres à exercer la présidence tournante du Conseil tous les 14 ans… La durée semestrielle des présidences tournantes ne permet guère d’agir dans la durée, problème que l’établissement de « Trios » de présidences n’a qu’imparfaitement réglé. Du point de vue civique, les présidents concernés sont davantage des « intermittents du spectacle » que des personnalités incarnant les pouvoirs et les décisions de l’UE. La désignation très anticipée des pays appelés à exercer la présidence tournante (voir Tableau 4 ) conduit par ailleurs à des séquençages totalement déconnectés des cycles électoraux nationaux et du contexte politique global, et qui peuvent se révéler contre-productifs [31] .

Un tel principe de rotation semestriel a d’ores et déjà été abandonné au niveau du Conseil européen, avec l’institution d’un président stable, mais aussi en matière de politique étrangère et de défense, puisque c’est le Haut représentant, vice-Président de la Commission, qui assure la présidence du Conseil dans ces secteurs. Une logique comparable a été utilisée pour la désignation du président de l’Eurogroupe. Les titulaires de ces postes sont dès lors choisis par les États membres en raison de leur compétence présumée et sur la base d’arbitrages englobant un ensemble de postes à pourvoir (à la Commission notamment), à rebours du caractère aléatoire des désignations induites par le système de présidence tournante semestrielle (en vertu duquel les présidents sont choisis en raison de leur … nationalité).

Il serait donc bienvenu que cette nouvelle approche soit désormais appliquée à la présidence de l’ensemble des 10 formations du Conseil des ministres. Le fait d’avoir à désigner 9 présidents de manière plus ouverte est en effet susceptible de favoriser l’identification de personnalités plus adaptées, tout en créant les conditions d’un compromis entre États membres, puisqu’il devrait ainsi être possible de respecter les principaux équilibres politiques (petits et grands pays, droite et gauche, Nord-Sud-Est-Ouest, femme-homme…).

Une telle évolution devrait a minima être opérée au niveau du Conseil « Affaires générales », qui doit être en mesure d’exercer une coordination effective des travaux des autres formations du Conseil et un suivi transversal de la mise en œuvre des priorités politiques définies par les institutions européennes, en liaison avec le président du Conseil européen et le président de la Commission. Placer un président plus stable à la tête du Conseil Affaires générales serait d’autant plus utile dans cette perspective s’il s’agit d’une personnalité reconnue au niveau européen et suffisamment disponible pour cette tâche.

Sur cette base, trois options pourront être envisagées afin de mieux incarner le Conseil aux yeux des citoyens de l’UE :

– l’option « Haut Représentant » consisterait à nommer à la présidence de ses formations sectorielles le Vice-Président de la Commission (ou le Commissaire) concerné, sur le modèle utilisé pour les Conseils Affaires extérieures et défense : cette option présenterait des avantages en termes de cohérence et de visibilité politiques, tout en modifiant l’équilibre institutionnel au profit de la Commission ;

– l’option « Conseil européen » conduirait à designer des personnalités qualifiées extérieures, le cas échéant anciens membres des gouvernements nationaux (à l’instar des Présidents du Conseil européen) ou personnalités européennes dont l’expérience et l’expertise sont reconnues dans le secteur concerné : cette option présenterait des avantages en termes d’incarnation du Conseil et de disponibilité des présidents concernés ;

– l’option « Eurogroupe » consisterait à choisir les présidents du conseil parmi les membres des gouvernements nationaux, sur le modèle de la présidence de l’eurogroupe, c’est-à-dire pour une durée supérieure à 6 mois : elle leur permettrait d’agir davantage dans la durée, même si leur double casquette nationale et européenne ne serait pas forcément propice en termes d’incarnation.

Proposition 30 : désigner des présidents stables pour toutes les formations sectorielles du Conseil des ministres, en s’inspirant des pratiques en vigueur pour le Conseil relations extérieures ou le Conseil européen

A défaut, la désignation des présidences des formations du Conseil pourrait au moins avoir lieu à l’intérieur du « Trio » de présidences successives, déjà amenées à conclure un programme d’action portant sur 18 mois, lequel pourrait inclure la désignation des présidents des neuf formations du Conseil. Les trois États membres concernés pourraient ainsi exercer trois présidences du Conseil chacun, en fonction de leurs priorités respectives et des domaines dans lesquels ils peuvent bénéficier d’un ministre suffisamment légitime et disponible. Opter pour une durée d’un an et demi permettrait par ailleurs aux ministres concernés d’être un peu moins soumis aux urgences liées aux échéances d’une présidence semestrielle. Le fait de travailler davantage dans la durée devrait ainsi être profitable tant du point de vue de l’efficacité que du point de vue démocratique – cette innovation permettant elle aussi de donner des visages au Conseil, et donc à l’UE.

Tableau 4 Les présidences tournantes du Conseil des ministres (2016–2030)*

2.4 Mieux identifier les décideurs de la zone euro

Compte tenu de l’intensité des débats qu’ont suscités ces décisions et l’évolution de son fonctionnement, la zone euro mérite une attention particulière dans le cadre du débat relatif à la démocratisation de l’UE.

La crise de la zone euro a conduit à renforcer le Conseil européen, reconnu comme institution à part entière par le traité de Lisbonne. Ce « gouvernement de crise » a été justement critiqué lorsqu’il s’est mué en duopole (« Merkozy ») ou lorsque la nécessité de sauver quatre pays devenus non solvables (Grèce, Irlande, Portugal et Chypre) a rendu inévitable l’intervention d’une « Europe FMI » dont l’existence consacrait une rupture d’égalité formelle entre les États de l’UE. La parenthèse de la « Troika » étant refermée, il est indispensable de repartir sur de nouvelles bases politiques pour l’organisation de la zone euro.

Dans ce contexte, si on laisse de côté la BCE et ses instances, appelées à continuer à gérer la politique monétaire de la zone euro et à assumer de nouvelles fonctions en matière de supervision bancaire, le «  gouvernement » de la zone euro doit désormais être consolidé aux niveaux présidentiel et ministériel, en parallèle d’un renforcement de sa dimension parlementaire

2.4.1. Organiser des sommets réguliers pour la zone euro

Comme leur nom l’indique, les « Sommets de la zone euro » constituent un lieu de pouvoir spécifiquement dédié à la zone euro et dans lequel les chefs d’État et de gouvernement de cette zone sont appelés à trancher sur les grandes orientations à privilégier en termes de sauvetage des pays en difficulté et d’organisation de l’UEM. Le principe de tels sommets a longtemps été écarté, notamment par les autorités allemandes, au prétexte qu’ils auraient pu constituer une tentative de mise sous tutelle ou sous pression de la BCE. C’est la crise qui a précipité leur avènement en 2008, à la faveur de la présidence française de l’UE. Ils ont depuis lors été dotés d’un président stable (actuellement Donald Tusk) ainsi que d’un « Règlement intérieur » [32] détaillant leur organisation et leur fonctionnement.

Ce règlement intérieur prévoit notamment que le président de la Commission est membre de droit de tels sommets, que le président de la BCE est « invité à y participer », que le président de l’Eurogroupe peut être « invité à être présent » et que le président du Parlement européen peut être « invité à être entendu ». De par leur composition, ces sommets ont donc vocation à se réunir régulièrement, et pas seulement en période de crise, afin d’exercer un « leadership » sur l’ensemble des enjeux clés de la zone euro, en sollicitant l’expertise et les recommandations du Conseil, de la Commission et de la BCE.

Dans cette perspective, il serait très utile que, comme l’ont proposé les autorités françaises et allemandes, les Sommets de la zone euro puissent s’appuyer sur l’Eurogroupe, mais aussi sur le Conseil des ministres des Affaires sociales et de l’Emploi et toute autre formation du Conseil susceptible de nourrir une vision non réduite aux seuls enjeux économiques et financiers.

Proposition 31 : organiser un sommet semestriel des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro

2.4.2. Doter l’eurogroupe d’un president à temps plein

Proposition 31 : organiser un sommet semestriel des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro

Mis en place dès 1997, le Conseil des ministres de l’Économie et des Finances des pays de la zone euro, ou Eurogroupe, constitue la composante ministérielle naturelle du gouvernement de la zone euro. La crise de la zone euro a cependant mis en évidence les lacunes démocratiques d’un tel organe en termes de visibilité et de responsabilité : les conditions d’adoption du plan de sauvetage de Chypre, dont quasiment aucun membre de l’Eurogroupe n’a semblé ouvertement revendiquer la paternité, reste de ce point de vue un contre-exemple particulièrement catastrophique.

Dans ce contexte, concrétiser rapidement la proposition de doter l’Eurogroupe d’un président à plein temps serait bienvenu en termes d’efficacité comme de légitimité. Le bien public qu’est l’euro a de fait vocation à être pris en charge et incarné de manière continue, et non intermittente : c’est à un tel président que cette double mission doit incomber, non seulement afin qu’il puisse assurer le suivi des décisions prises dans le cadre de l’UEM mais aussi rendre des comptes aux États membres et aux parlementaires.

À terme, la fusion de ce poste de président de l’Eurogroupe et de commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires devrait être envisagée, conformément au schéma en vigueur en matière de PESC (UEM et PESC étant précisément deux domaines où il s’agit de combiner souverainetés nationales et approche européenne)

Proposition 32 : désigner un président à plein temps pour l’euro-groupe

Proposition 32 bis : confier la présidence de l’eurogroupe au Commissaire chargé des affaires économiques et financières

2.4.3. Renforcer les services européens dédiés au gouvernement de la zone euro

Proposition 32 bis : confier la présidence de l’eurogroupe au Commissaire chargé des affaires économiques et financières

Le « gouvernement de la zone euro » doit enfin s’appuyer sur un ensemble de services européens capables d’assurer plusieurs types de fonctions, en matière de sauvetage, de suivi des politiques budgétaires nationales et de coordination des politiques économiques et sociales nationales :

– il convient de continuer à s’appuyer sur la structure ad hoc gérant le « Mécanisme européen de stabilité  », qui doit comme prévu être intégré au cadre communautaire classique et dont le responsable doit faire l’objet d’auditions parlementaires fréquentes au niveau européen et national ;

– à moyen terme, il conviendrait d’augmenter substantiellement le plafond des garanties qui peuvent être accordées dans le cadre du « MESF » (mécanisme européen de stabilité financière), dont l’utilisation placera la Commission en première ligne, sous le contrôle du Parlement européen ;

– l’expertise européenne accumulée dans la mise en œuvre des récents plans de sauvetage doit enfin permettre de former une équipe pleinement européenne à l’avenir, en lieu et place de la « Troïka » : composée du « Trio » Commission, Eurogroupe et BCE (pour la partie bancaire), cette équipe constituera l’embryon d’un Fonds Monétaire européen et pourra ainsi agir sous le contrôle direct du « Parlement de la zone euro » (voir § 2.4.4.) , sans que la co-gestion avec le FMI ne vienne constamment obscurcir les responsabilités exercées par les uns et les autres, comme cela a été le cas entre 2008 et 2014 [33] .

Proposition 33 : intégrer le Mécanisme européen de stabilité au cadre communautaire, y inclus en termes de contrôle du Parlement européen

2.4.4 Renforcer la dimension parlementaire de la zone euro

La crise de la zone euro aura confirmé la nécessité d’un débat approfondi entre les représentants directs des citoyens, et qui ne peut se limiter aux « grands messes » épisodiques que constituent les Conseils européens et Sommets de la zone euro. La « gouvernance de la zone euro » laisse en effet apparaître un déficit démocratique substantiel : déficit de contrôle parlementaire de la Commission, qui agit sur instruction du seul Euro-groupe, lui même non soumis à un tel contrôle parlementaire ; absence de débat entre Conseil et Parlement européen pour l’adoption des orientations du « semestre européen » proposées par la Commission ; parlements nationaux ayant l’impression d’être corsetés dans leurs décisions budgétaires par les « injonctions » de Bruxelles, qu’ont en réalité contribué à définir des gouvernements dont le contrôle parlementaire est très variable…

La crise de la zone euro a stimulé la réflexion sur la manière de mieux associer parlementaires européens mais aussi nationaux à un tel débat, au point de générer d’importantes tensions entre ces deux catégories de représentants des citoyens. Il est donc primordial de souligner que l’enjeu central est d’organiser un accompagnement plus démocratique de la gouvernance de l’UEM, tant au niveau national qu’au niveau européen, et qui mobilise tous les parlements.

Indépendamment du nécessaire renforcement des activités de contrôle des gouvernements nationaux par leurs propres parlements (voir § 3–2), il est ainsi essentiel d’organiser une meilleure implication des parlementaires nationaux dans la gouvernance de l’UEM. L’article 13 du « Pacte budgétaire » européen a prévu à cette fin l’instauration d’une « conférence réunissant les représentants des commissions concernées » des parlements nationaux et du Parlement européen afin de débattre des questions économiques et budgétaires. Cette conférence interparlementaire est active depuis 2013, et il serait bienvenu d’en augmenter les ressources et l’audience.

Par souci de cohérence et de clarté, renforcer la dimension parlementaire de la zone euro aux yeux des citoyens de l’UE doit cependant conduire à conforter le rôle du Parlement européen, au sein duquel une « sous-commission zone euro » doit être instaurée. De telles sous-commissions existent déjà dans des domaines où l’UE n’a pas forcément plus de pouvoirs que pour la gouvernance de la zone euro, comme les droits de l’homme ou la défense : il est donc logique qu’une sous- commission du même type puisse être établie afin d’exercer des pouvoirs de suivi et de contrôle (l’euro est un bien public suffisamment précieux pour mériter une formation parlementaire spécifique).

Outre sa contribution à l’exercice des pouvoirs législatifs du Parlement européen, cette sous-commission zone euro pourra opérer un suivi global et permanent des orientations et décisions de l’UEM, et adopter des résolutions sur les décisions prises par les autorités exécutives. Elle devra également procéder à des auditions régulières de responsables de la zone euro, en particulier les Président de la BCE, des Sommets de la zone euro et de l’Eurogroupe. Elle doit également assurer un suivi de l’utilisation des fonds de sauvetage européens (MESF, MES), ainsi que le contrôle des fonds alloués dans le cadre d’un budget de la zone euro, qu’ils soient dédiés à la mise en œuvre de réformes structurelles nationales ou à un « Fonds de stabilisation cyclique » . Cette sous commission zone euro pourra enfin être un lieu de débat utile pour envisager la mise en place de mécanismes de mutualisation de l’émission des dettes nationales (fonds d’amortissement, euro-bills, euro-obligations, etc.) et être impliquée si des euro-obligations étaient émises pour financer les dépenses de l’UE, en matière d’investissement dans les réseaux transeuropéens par exemple [34] .

La sous-commission zone euro du Parlement européen a vocation à être principalement composée de députés issus des commissions « Affaires économiques et monétaires », « Emploi et affaires sociales » et « Budget » du Parlement européen. Elle doit être ouverte à l’ensemble des parlementaires qui souhaitent la rejoindre (dans la limite de 30 membres titulaires et autant de suppléants) et non pas réservée aux seuls parlementaires élus dans les pays de la zone euro. Alors qu’elle pourrait apparaître paradoxale, une telle ouverture doit être privilégiée pour plusieurs raisons : raisons juridiques, dès lors qu’il faudrait modifier les traités (articles 10.2 et 14.2 du TUE) pour en exclure les parlementaires élus dans les pays hors zone euro, ce qui renverrait cette réforme aux calendes grecques. ; raisons politiques, puisqu’il serait contreproductif de rétablir des frontières au sein du Parlement européen ; raisons philosophiques, car l’ensemble des pays de l’UE sont concernés par l’UEM et la plupart ont vocation à rejoindre la zone euro. Il est par ailleurs très improbable qu’un grand nombre d’élus issus de pays hors zone euro souhaitent participer aux travaux d’une telle sous-commission, et encore plus improbable qu’ils puissent y former un ensemble uni et susceptible d’en perturber les travaux. C’est donc sur ces bases qu’une simple modification du règlement intérieur du Parlement européen à l’été 2019 permettra de porter sur les fonds baptismaux une sous-commission du Parlement euopéen qui fera de facto office de « Parlement de la zone euro ».

Proposition 34 : créer une sous-commission zone euro au sein du Parlement européen, ouverte à tous les députés européens volontaires

3 – Renforcer les relations entre représentants et citoyens : les élections, et après ?

Renforcer l’ancrage démocratique de ceux qui nous représentent au niveau européen ne doit pas seulement conduire à affermir leurs liens avec les électeurs que nous sommes ou à leur permettre de mieux incarner les pouvoirs de l’UE. En ces temps de défiance diffuse envers les institutions représentatives, l’UE doit d’autant plus développer d’autres mécanismes de légitimation de ses décisions qu’elle souffre d’un déficit d’ancrage électoral structurel (voir partie 1).

Il s’agit donc d’intensifier les interactions entre les citoyens de l’UE et ceux qui nous représentent dans la conduite des « Affaires européennes », notamment en assurant une transparence maximale des travaux et des votes des institutions communautaires, en renforçant le pouvoir de contrôle des parlementaires nationaux, en développant les mécanismes de la démocratie participative et en mettant davantage en valeur les procédures consultatives existantes.

3.1. Imposer une transparence maximale des travaux et votes des institutions européennes

Aux yeux de ses citoyens, l’UE est synonyme de complexité, d’éloignement et donc d’opacité. Son irréductible complexité institutionnelle résulte de la nécessité d’unir une grande diversité d’intérêts nationaux, partisans et civiques, tout en organisant un partage des pouvoirs adapté à la sensibilité de ces intérêts, sur un mode mi fédéral, mi inter-gouvernemental. Son inévitable éloignement politique découle notamment du caractère limité des compétences qu’elle exerce. Mais c’est justement parce que ces dimensions incontournables du système politique européen obscurcissent la perception de l’UE par ses citoyens qu’elle doit être d’autant plus irréprochable du point de vue de la transparence de ses processus de décision et de ses votes !

A cet égard, le moins qu’on puisse dire est que, si des progrès ont été faits depuis les origines de la construction européenne, les institutions de l’UE sont encore très loin du compte – de sorte que de substantielles améliorations et même révolutions doivent être engagées au Parlement européen, au Conseil et à la Commission, avec un mot d’ordre : « Si vous voulez nos votes, donnez nous les vôtres ! » Ces révolutions sont vitales à l’heure des « fake news » et des théories du complot, dont la diffusion ne peut que bénéficier de la trop grande opacité dans laquelle sont prises de nombreuses décisions de l’UE.

3.1.1 Publiciser plus largement les relevés de vote des parlementaires européens

Le Parlement européen est assurément l’institution de l’UE la plus transparente à ce jour. Il le doit à son statut d’assemblée parlementaire, dont les élus n’ont souvent de cesse de rechercher l’attention du grand public et de faire connaître leurs positions. Il est donc possible de suivre l’intégralité des débats de ses sessions plénières et de ses commissions parlementaires, soit en prenant place dans le public, soit en liaison vidéo [35] , ce qui est salutaire d’un point de vue démocratique – sans oublier la diffusion d’éléments clés de ces débats via les réseaux sociaux ou l’accès libre aux documents leur servant de base. Plus essentiel encore, le Parlement européen produit aussi systématiquement le résultat des votes exprimés par ses membres, y compris lorsqu’ils résultent de « votes par appel nominal », afin que chaque Européen ait la possibilité de savoir quelle position a pris le ou les députés qui le représentent [36] .

Ces relevés de vote n’ont que deux défauts : ils sont présentés dans une forme très administrative, via des alignements de noms de famille empilés en dessous des catégories « oui », « non », « abstention » ou « absent » ; il ne sont pas si faciles à trouver sur le site du Parlement européen et mériteraient d’avoir leur place en page d’accueil et de faire l’objet d’une diffusion plus proactive, par mailing ciblés et via les réseaux sociaux. Le Parlement européen a heureusement contribué financièrement aux efforts de vulgarisation déployés par l’organisation « Vote Watch Europe », qui se livre à de très utiles mises en contexte et explication des enjeux de chaque vote, tout en indiquant précisément quel(le) député(e) a voté quoi lors des votes par appel nominal [37] . Ces précieuses données permettent à des acteurs de la société civile de mettre « des visages sur les clivages » structurant les choix politiques des parlementaires européens sur des enjeux clés, via des analyses [38] et fiches d’information plus lisibles et attractifs pour les citoyens de l’UE.

Il faut donc souhaiter que le Parlement européen puisse présenter des relevés de vote encore plus accessibles pour la législature 2019–2024 (en page d’accueil de son site et dans un format simplifié) et qu’il renforce son soutien matériel et financier aux organisations de la société civile diffusant ces données politiques clés au plus près des citoyens. Il serait même plus logique d’un point de vue démocratique qu’un site officiel dédié à l’ensemble des votes des institutions européennes soit mis en place afin d’offrir un accès direct aux Européens qui se demandent légitimement quelles positions défendent l’un ou l’autre de leurs représentants parlementaires ou diplomatiques – ce qui supposerait que Conseil et Commission consentent à d’énormes efforts complémentaires en termes de transparence.

Proposition 35 : rendre plus accessibles les relevés de vote des députés européens via un site offociel dédié et un format adapté au grand public

3.1.2 Imposer une transparence effective des débats et des votes du Conseil des ministres

Le traité de Lisbonne a introduit une forme de parallélisme bienvenu entre le fonctionnement du Parlement européen et celui du Conseil des ministres, lorsque ce dernier se réunit en formation législative. L’article 16.8 du traité sur l’UE dispose en effet désormais que « le Conseil siège en public lorsqu’il délibère et vote sur un projet d’acte législatif », et ce afin de garantir une transparence comparable à celle en vigueur au Parlement européen pour l’exercice de pouvoirs de nature similaire (en l’espèce législatifs). Il est fondamental, d’un point de vue juridique comme d’un point de vue politique, que de telles dispositions soient pleinement appliquées, afin que les parties prenantes, médias et citoyens, puissent avoir accès à la confrontation des positions en présence et mieux percevoir la manière dont les négociations communautaires peuvent conduire à des compromis ancrés dans la diversité des intérêts nationaux (et non « imposés par l’Europe de Bruxelles »).

Les bonnes intentions affichées par les rédacteurs du « Traité constitutionnel européen », dont les impulsions démocratiques ont été reprises par le Traité de Lisbonne, ont cependant été confrontées à l’épreuve des faits. Il n’est pas aisé de rompre avec la culture diplomatique des membres du Conseil des Ministres, qui ont toujours préféré forger des compromis subtils derrière des portes closes plutôt que d’étaler leurs divergences en public, mais aussi prendre des décisions par consensus plutôt que les formaliser par des votes. Plusieurs limites et imperfections substantielles entravent donc encore l’application effective d’une transparence qui soit en phase avec les aspirations des citoyens et observateurs de la chose publique européenne :

– il est tout d’abord souhaitable que les travaux et votes du Conseil des ministres soient aisément accessibles sur la page d’accueil du site de l’institution, ce qui n’est absolument pas le cas : la quête y conduisant est sans doute à la portée de lobbyistes professionnels ou de professeurs aguerris, mais certainement pas à celle de citoyens souhaitant en savoir plus sur la position de leur Etat [39] – il en va de même de la consultation de la base de données abritée par le site du Conseil ;

– il est également essentiel que l’accès vidéo [40] aux discussions du Conseil des ministres soit offert dès la page d’accueil, mais surtout que les citoyens désireux de les suivre puissent avoir accès à la traduction simultanée des prises de parole de l’ensemble des ministres concernés ; il y a certes des drapeaux des pays de l’UE dans la rubrique stockant les vidéos du Conseil, mais elles ne font que renvoyer à la prise de parole du représentant de son pays : cela ne permet en rien de comprendre les positions exprimées par ses homologues des autres pays et donc les bases sur lesquels sont forgés les compromis européens … ;

– il est aussi souhaitable que l’ensemble des travaux législatifs du Conseil des ministres fassent l’objet de la même publicité : à défaut, c’est toujours lorsque les discussions deviennent contradictoires, et donc intéressantes d’un point de vue politique et civique, que les exceptions à cette règle peuvent être invoquées ; à terme, il faut également que les travaux et votes du Conseil soient ouverts au public lorsqu’ils ne portent pas sur des décisions législatives, tant il est vrai que des décisions financières ou internationales méritent elles-aussi d’être adoptées dans des conditions de transparence en phase avec les attentes des citoyens de l’UE [41] .

– il serait enfin salutaire que soient rendues publiques les positions prises par les délégations nationales dans les groupes de travail du Conseil, lors des réunions du Comité des représentants permanents ou dans les « trilogues » avec la Commission et le Parlement européen (« bible » de la présidence synthétisant les positions nationales, position commune du Conseil, texte en discussion au trilogue…) : cette transparence apparaît d’autant plus souhaitable que c’est très souvent en amont des réunions formelles du Conseil des ministres que sont forgées et validées les décisions des Etats-membres.

Proposition 36 : organiser un accès effectif à l’ensemble des travaux législatifs du Conseil (y inclus avec la mise en ligne de vidéos assorties de traductions simultanées)

Le parallélisme des formes entre Parlement européen et Conseil des ministres doit aussi conduire à assurer une pleine publicité aux votes exprimés au sein de ce dernier. Même si le Conseil fonctionne largement sur la base du consensus, même si nombre de ces décisions sont prises en amont, il est essentiel que ses décisions soient formalisées via des relevés de votes indiquant clairement la position des États membres et rendus publics sur la page d’accueil du Conseil ou, mieux encore, sur un site interinstitutionnel dédié. A défaut, c’est en effet à nouveau le site de « Vote Watch Europe » qu’il faut aujourd’hui consulter pour obtenir une présentation graphique accessible des positions exprimées par les Etats-membres de l’UE [42] et savoir lesquels ont approuvé les décisions prises lorsque la majorité qualifiée est appliquée (les décisions à l’unanimité excluant la moindre opposition nationale).

Le surcroît de transparence démocratique récemment appliqué au fonctionnement du Conseil des ministres comporte cependant une autre limite de taille : il ne porte à ce stade que sur les projets de normes ou de décisions adoptés par les États membres. Aucune publicité n’est donc donnée aux conclusions des négociations n’ayant pas débouché sur un accord, alors que le Parlement européen rend publics tous ses votes, y compris ceux ayant conduit au rejet des projets présentés par la Commission. Cette lacune est d’autant plus fâcheuse que c’est précisément lorsque les Etats s’affrontent au Conseil sur des sujets clés que leurs dissensions défraient la chronique médiatique, et que les citoyens qu’ils représentent ont besoin de mieux connaître les positions et arguments de l’ensemble des acteurs en présence.

Même si un passage systématique au vote formel n’est sans doute pas compatible avec la culture du Conseil, il serait salutaire que ce dernier puisse aussi rendre publiques les raisons pour lesquelles un projet d’acte n’a pu être adopté après plusieurs réunions successives, en produisant un relevé exposant la liste des États membres ayant voté pour ou contre. Cette transparence accrue serait de nature à mieux faire percevoir les logiques de confrontation et de compromis à l’œuvre au sein de cette institution, et qui font d’ailleurs le plus souvent écho à des clivages qui traversent les opinions publiques nationales. Elle éviterait par ailleurs le double langage souvent pratiqué par les Ministres nationaux, prompts à renvoyer à « Bruxelles » la responsabilité de décisions qu’ils ont contribué à adopter et à appuyer… La subtilité et l’opacité diplomatiques ne sont plus de saison alors que les controverses démocratiques s’accumulent en Europe : il est donc grand temps que le Conseil des ministres accomplisse la révolution culturelle dont le Traité de Lisbonne a posé les bases, et qu’il privilégie des pratiques politiques davantage en ligne avec les fonctions de deuxième chambre législative qu’il exerce au niveau européen.

Proposition 37 : publier des relevés couvrant l’ensemble des votes (positifs et négatifs) au Conseil des ministres sur un site dédié

3.1.3 Briser l’opacité des comités encadrant la Commission

La Commission européenne a proposé en 2017 plusieurs propositions de réforme visant à renforcer la transparence, et donc la légitimité politique, des décisions normatives qu’elle prend dans le cadre des « comités » encadrant son action. Il faut saluer cette volonté de mettre en lumière les processus décisionnels « comitologiques », techniques en apparence, mais qui touchent à des sujets particulièrement sensibles (tels que les OGM, les pesticides, les néo-corticoïdes, les normes relatives aux moteurs etc.) et conduisent en outre à l’adoption de plus de la moitié des normes européennes (voir Tableau 3) [43] .

L’opacité qui entoure l’action de ces comités constitue dès lors une anomalie choquante d’un point de vue démocratique : leurs activités font certes l’objet d’un rapport annuel synthétique [44] , mais le « registre » en forme de base de données proposé par la Commission pour accéder à leurs travaux est si complexe qu’il ne peut être utilisé que par des initiés [45] . Nul ne peut savoir qui a représenté son pays lors des réunions des dits comités, ni quelles positions ont exprimé les représentants des pays de l’UE au moment où ces comités ont émis leur avis. Il y a là deux béances démocratiques qu’il faut absolument combler pour garantir une transparence minimale sur ce pan important de la machine normative communautaire.

Au-delà des réformes favorisant l’expression de majorités claires de la part des représentants des Etats-membres (voir §-2.1.3), la Commission Juncker a formulé deux propositions bienvenues visant elles aussi à placer ces représentants devant leurs responsabilités politiques.

– La 1 ère proposition prévoit de rendre publiques les positions favorables et défavorables exprimées par les Etats-membres lorsque des comités d’appel sont réunis, après un premier vote négatif. Son adoption permettra d’imposer enfin la transparence à ces représentants étatiques, qui seront davantage conduits à assumer le contenu et les conséquences des décisions qu’ils concourent à prendre au niveau européen. Il serait d’ailleurs souhaitable que cet impératif de transparence soit appliqué à l’ensemble des procédures comitologiques, qu’il s’agisse de comités réunis en « 1 ere instance » ou en appel, qu’il s’agisse de « comités consultatifs » ou de « comités d’examen ».

Proposition 38 : rendre publics sous forme accessible l’ensemble des votes exprimés par les Etats-membres dans les comités encadrant les activités normatives de la Commission

– La 2 ème proposition formulée par la Commission Juncker consiste à organiser des réunions des « comités d’appel » au niveau politique, et non plus administratif : ces réunions se dérouleraient ainsi en présence des ministres des Etats membres et sous la présidence du Commissaire concerné. Il s’agirait de prendre les décisions les plus délicates sur la base d’une négociation entre acteurs politiques beaucoup plus clairement identifiés que les experts et/ou diplomates réunis jusqu’alors, et qui seraient bien davantage susceptibles d’en mesurer la portée et d’en assumer les conséquences. Cette possibilité de réunion au niveau ministériel est d’ailleurs déjà mentionnée par les règlements intérieurs des comités d’appel : il convient « simplement » d’y recourir en pratique, pour imposer l’appropriation et la visibilité que requièrent des processus normatifs particulièrement sensibles, et qui ne peuvent plus se dérouler dans l’opacité qui prévaut aujourd’hui.

Proposition 39 : réunir au niveau ministériel les comités d’appel encadrant l’activité normative de la Commission et rendre leurs votes publics

Voilà deux raisons de militer pour que la proposition de réforme de la comitologie formulée par la Commission Juncker en 2017 soit rapidement approuvée par le Conseil et le Parlement européen et qu’elle soit en vigueur pour les normes adoptées lors de la législature 2019–2024.

3.2. Accroître les pouvoirs de contrôle des parlementaires nationaux

C’est aussi au sein des États membres que le « déficit démocratique » de l’UE prend sa source, dès lors que de nombreux gouvernements peuvent valider des décisions importantes au niveau européen sans que leur action ne soit soumise à un contrôle et à un débat public approfondis. Et donc au niveau national, tout particulièrement en France et à l’occasion de la révision constitutionnelle en cours, que de vigoureux efforts de démocratisation parlementaire doivent être engagées – en complément des avancées complémentaires à promouvoir au niveau européen.

3.2.1 Corriger l’anomalie démocratique française : un Président à la fois tout puissant et irresponsable en matière européenne

La France est une anomalie parmi les démocraties de l’UE : son Président de la République définit et conduit la politique européenne de la nation sans rendre aucun compte à son Parlement. Angela Merkel doit rendre régulièrement des comptes au Bundestag, dont les décisions ont souvent été attendues avec anxiété ; le Président français n’a quant à lui même pas la possibilité juridique de se rendre devant le Parlement, où il doit déléguer le Premier ministre ou, plus souvent encore, le ou la ministre des Affaires européennes. Il faut changer la donne afin de mieux éclairer les choix et orientations privilégiés par le Président de la Républisue en matière européenne et de lui faire bénéficier des contributions de députés nationaux en contact direct avec leurs électeurs.

Cette exception française est contreproductive à l’heure où le Conseil européen ne se cantonne plus à la définition d’orientations générales mais forge bel et bien des compromis opérationnels et alors que la politique européenne de la France suscite de nombreuses controverses politiques et partisanes. Il n’y a guère que lorsqu’il s’exprime devant le Parlement… Européen que le Président de la République peut être confronté à des questions et remarques de la part d’élus français – ce qui renforce la caractère insolite de l’indépendance absolue dont il dispose au regard de son parlement national.

Réduire ce déficit démocratique français impose donc notamment de contrôler la participation du Président de la République au Conseil européen, dès lors qu’il n’est « redevable d’aucune des positions qu’il y défend, ni des décisions qui en résultent », comme l’ont souligné Claude Bartolone, Michel Winock et les membres de leur groupe de travail sur la réforme des institutions [46] . C’est dans cette perspective qu’ils ont proposé d’introduire une « exception européenne » dans la Constitution française : elle conduirait le Président de la République à dialoguer avec nos parlementaires nationaux avant et après les réunions du Conseil européen, comme le font ses autres homologues – le Premier Ministre demeurant par ailleurs le seul responsable de tout ce qui relève de la politique nationale.

Proposition 40 : permettre au Président de la Républque de rendre compte au Parlement de son action au niveau de l’UE via une « exception constitutionnelle européenne »

Seule une telle modification de notre Constitution permettrait à la France d’être soumise au droit commun du débat démocratique en matière d’Affaires européennes et de donner à nos élus nationaux le pouvoir de contrôle qu’ils ont légitimement titre à exercer. Si cette réforme n’était pas retenue, deux autres options plus pragmatiques devraient être privilégiées afin de renforcer l’ancrage démocratique de la politique européenne de la France :

– la 1 ère amélioration consisterait à prévoir la participation systématique du Premier Ministre aux réunions du Conseil européen, comme c’est le cas en période de cohabitation : cela lui permettrait de préparer et de rendre compte efficacement de ces réunions auprès des parlementaires nationaux et serait cohérent avec l’autorité qu’il exerce sur le Secrétariat général des Affaires européennes, chargé de préparer les positions françaises en vue de ces réunions [47]  ;

Proposition 40bis : assurer une présence du Premier Ministre aux réunions du Conseil européen afin qu’il puisse en rendre compte au Parlement

– la 2 nde option conduirait le Président de la République à prononcer chaque année devant le Congrès un « discours sur l’état de l’UE et la politique européenne de la France », afin de clarifier les principaux enjeux et grands axes de cette politique, y compris en répondant aux questions formulées par les députés et sénateurs [48]  ; cette innovation pourrait être inscrite dans la Constitution ou, a minima, faire l’objet d’un engagement pratique d’autant plus utile qu’il ne ferait pas double emploi avec les discours de politique générale et autres discours programme du Premier Ministre sur les enjeux domestiques [49] .

Proposition 41 : organiser chaque année devant le Congrès un discours présidentiel sur l’état de l’UE et la politique européenne de la France

Renforcer le contrôle parlementaire de la politique européenne de la France via l’une ou l’autre de ces innovations permettrait à la fois d’améliorer l’information des Français et de renforcer l’ancrage politique des grandes décisions européennes prises en notre nom. Ce ne serait pas seulement un progrès en termes de démocratie et de légitimité, mais aussi d’efficacité. Car un chef d’Etat et de gouvernement qui peut s’appuyer sur son Parlement n’est pas plus faible dans les débats bruxellois, bien au contraire, comme le montre l’exemple allemand : il est même parfois tactiquement utile de faire état des positions de ses élus nationaux pour améliorer sa position de négociation au niveau européen. En outre, une décision européenne ayant fait l’objet d’un débat parlementaire et public approfondi est souvent plus facilement comprise et appliquée que lorsqu’elle donne l’impression de tomber du ciel bruxellois ou de sortir de la « cuisse de Jupiter ». A l’inverse, on soulignera enfin que si notre chef d’Etat continue à pouvoir décider seul de l’envoi de troupes françaises en Afrique ou ailleurs, il aura d’autant plus de mal à obtenir une participation active des autres pays de l’UE, dans lesquels un débat parlementaire préalable est nécessaire.

Il n’est peut-être pas trop tard pour relever ce 1 er défi démocratique franco-européen dans le cadre de la révision constitutionnelle programmée dans notre pays, afin que puissent être mieux conciliés prise de décision française, débat citoyen et avancées de la construction européenne.

3.2.2 Placer les ministres sous contrôle parlementaire national

L’implication très hétérogène des parlements nationaux dans le contrôle des orientations défendues par leurs gouvernements contribue elle aussi à nourrir le déficit démocratique au sein même des pays de l’UE. Cette hétérogénéité traduit des choix constitutionnels et des cultures politiques eux-mêmes très variables selon les États membres (par exemple le « parlementarisme rationnalisé » de notre 5 ème République), dont la gestion plus ou moins démocratique des « Affaires européennes » n’est qu’une conséquence collatérale. Un tel contrôle parlementaire est en effet extrêmement précis dans des pays comme le Danemark et l’Allemagne (voir Tableau 5), mais beaucoup plus distendu dans des pays comme le Luxembourg ou la Roumanie – la France étant clairement en dessous de la moyenne européenne [50] .

La révision constitutionnelle de 1992 a certes conduit à inscrire l’Europe dans la Constitution française, notamment en créant une « Commission des Affaires européennes » à l’Assemblée nationale et au Sénat ; celle de 2009 a permis au Parlement national de donner son avis sur l’ensemble des projets d’actes de l’UE, et pas seulement les actes à dimension législative qui lui étaient seuls transmis jusqu’à lors ; la révision constitutionnelle programmée en 2019 ou 2020 doit amplifier ce mouvement ce renforcement du contrôle parlementaire des Affaires européennes dans notre pays. Ce renforcement est une affaire de légitimité : les décisions prises au niveau européen ont vocation à faire l’objet d’un contrôle de la part des élus du peuple, qui sont davantage au contact de leurs électeurs que des ministres n’ayant pas besoin d’être élus pour exercer leur mission. Un contrôle parlementaire accru est aussi positif en termes d’efficacité : il peut conforter la position de négociation d’un Etat au niveau européen, en lui donnant la possibilité d’arguer des réticences ou des ambitions de son assemblée ; il facilite l’application ultérieure des décisions prises au niveau de l’UE, et singulièrement la transposition des directives par les parlements concernés, dès lors qu’ils ne découvrent pas des textes dont ils n’ont pas eu connaissance en amont de leur adoption (comme c’est souvent la cas en France).

La qualité du contrôle parlementaire en matière d’Affaires européennes est subordonnée à la diffusion de documents d’information précisant clairement les enjeux pour le pays et les positions des autorités nationales : le rapport annuel détaillant les « relations financières de la France avec l’UE » [51] doit constituer une source d’inspiration pour les autorités gouvernementales, qui devraient diffuser chaque année un document de synthèse présentant l’ensemble des enjeux qu’elles traitent au niveau communautaire. L’intensité de ce contrôle dépend aussi du recours à l’élaboration de mandats parlementaires en amont des négociation du Conseil, mais aussi de l’usage de « réserves parlementaires » au moment de ces négociations si leur issue finale s’éloigne trop du mandat initial (le Parlement national est alors consulté à nouveau avant que le gouvernement ne donne son accord formel à ses homologues). Ces bonnes pratiques existent dans des pays comme le Danemark ou l’Allemagne et doivent être importées en France.

Proposition 42 : transmettre chaque année au Parlement un rapport public sur les relations France-UE et la politique européenne de la France

Proposition 43 : systématiser l’usage des mandats et des réserves parlementaires pour les négociations conduites par le gouvernement français au niveau européen

C’est aussi en procédant à une modification plus « organique » qu’on pourra améliorer le contrôle parlementaire en matière européenne dans notre pays : il s’agit de conférer aux « Commissions des Affaires européennes » de nos deux chambres un statut comparable à celles des huit autres Commissions permanentes, alors qu’elles ne sont aujourd’hui que de simples délégations. Cette modification organique donnera à leurs membres tout le temps et les ressources nécessaires (disponibilité des parlementaires, nombre d’administrateurs en support, capacité à auditionner les autorités politiques nationales et communautaires…) pour exercer leur mission de contrôle du gouvernement et leur rôle d’éclaireur du débat national sur l’Europe. Tout juste faut-il leur permettre de pouvoir adhérer à cette Commission et à une autre Commission plus sectorielle, afin qu’ils puissent conserver un ancrage dans les travaux législatifs domestiques et bénéficier de cette double appartenance pour améliorer l’articulation entre normes européennes et droit national. Ce serait là une réforme à la fois symbolique et concrète, qui éviterait un étrange statu quo constitutionnel en matière européenne à l’heure où la France a élu un Président soucieux de renforcer le débat public sur l’UE et de consulter les citoyens sur son fonctionnement et son avenir.

Proposition 44 : créer des Commissions des Affaires européennes de plein exercice à l’Assemblée nationale et au Sénat

Tableau 5 Le contrôle parlementaire des autorités nationales sur les enjeux européens dans les Etats membres de l’UE

Etat Membre

de l’UE

Contrôle du chef d’Etat

et de gouvernement (2)

Limité

Fort

Contrôle

du

gouvernement

(1)

Limité

HUN (Hongrie)

LUX (Luxembourg) ROU (Roumanie)

FR (France)

GR (Grèce)

CY (Chypre)

POL (Pologne)

CZE (République Tchèque)

(8 États membres)

BE (Belgique)

FIN (Finlande)

LTU (Lituanie)

IRL (Irlande)

ES (Espagne)

BG (Bulgarie)

PT (Portugal)

(7 États membres)

Fort

EST (Estonie)

IT (Italie)

LET (Lettonie)

SK (Slovaquie)

HR (Croatie)

(5 EM)

DK (Danemark)

DE (Allemagne)

NL (Pays-Bas)

AT (Autriche)

SE (Suède)

SI (Slovénie)

MLT (Malte)

RU (Royaume-Uni)

(8 EM)

Source : données Wolfgang Wessels & Olivier Rozenberg, Observatory of parliaments after the Lisbon treaty ( http://www.opal-europe.org ) JL Sauron & Virginie Lanceron (L’administration nationale et l’Europe, La documentation française 2008 – Typologie Yves Bertoncini PSIA / Collège d’Europe

Le degré de contrôle du gouvernement varie notamment en fonction du degré d’information du Parlement, du nombre de débats et qu’il organise et de la nature de son pouvoir (consultatif ou mandat parlementaire)

Le degré de contrôle du chef d’Etat et de gouvernement varie notamment en fonction de sa participation à des débats parlementaires organisés en amont et en aval des réunions du Conseil européen

3.2.3 Amplifier les interventions des parlementaires nationaux au niveau européen

Les parlementaires nationaux ont développé des activités européennes au fur et à mesure de la montée en puissance de l’UE. Ils ont initié des échanges de vues sur des défis affrontés par leurs pays, mais aussi cherché à compenser la perte de pouvoirs qu’a suscité le transfert de compétences de l’UE : puisqu’il ne leur était plus possible d’adopter certaines normes et décisions directement (c’est à leurs gouvernements de le faire à Bruxelles, en liaison avec le Parlement européen), il leur faut au moins pouvoir en contrôler la teneur. Il est très bienvenu que ces parlementaires, qui bénéficient d’un ancrage électoral solide et de contacts réguliers avec leurs concitoyens, puissent faire entendre leur voix sur des enjeux européens et contribuer au débat public que les décisions de l’UE nécessitent.

C’est dans ce contexte qu’a été créée en 1989 la « Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires » (ou « COSAC »), qui a depuis lors permis aux parlementaires nationaux suivant les affaires européennes de se retrouver régulièrement, y compris pour prendre position sur les grandes orientations et décisions de l’UE. Il est également très positif que le « Pacte budgétaire » adopté en 2012 ait permis la mise en place d’une « Conférence interparlementaire » réunissant parlementaires nationaux et européens, appelés à dialoguer sur les politiques économiques, sociales et budgétaires conduites dans la zone euro (voir § 2.5). Il convient de multiplier ces occasions d’échanges entre parlementaires nationaux, spécialisés ou non dans les « Affaires européennes », afin de renforcer l’appropriation et la publicité des débats sur l’UE entre nos élus – la récente création d’une « Assemblée franco-allemande » va dans le même sens.

C’est cependant parce que les parlementaires nationaux se verront attribuer des pouvoirs effectifs qu’ils s’impliqueront pleinement dans leurs missions européennes et que le grand public pourra davantage s’intéresser à leurs travaux. Il est à cet égard très utile de leur avoir confié des prérogatives pour le contrôle de l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, qui doivent leur permettre de vérifier que l’UE n’outrepasse pas les compétences qui lui sont conférées, sujet politique ô combien sensible du point de vue des opinions publiques. Dans les domaines de « compétences partagées » entre l’UE et ses Etats-membres, les parlements nationaux peuvent ainsi adresser leurs interrogations ou objections à la Commission européenne, qui leur répond de manière directe et publique [52] . Les parlements nationaux peuvent également exercer ces pouvoirs de contrôle de manière collective, via des « avis motivés » ayant un impact proportionnel au nombre d’assemblées mobilisées

Les avis motivés des parlements nationaux en matière de contrôle de la subsidiarité

Chaque parlement national de l’UE a deux voix, qui sont partagées entre les deux chambres dans le cas de système bicaméral.

– Si les « avis motivés » exprimés par les parlements nationaux de l’UE rassemblent un tiers des voix qui leur sont attribuées, la Commission peut décider de maintenir, de modifier ou de retirer sa proposition en motivant sa décision (c’est la procédure dite du « carton jaune »). Ce seuil est moins élevé (un quart des voix) lorsqu’il s’agit de projets d’actes législatifs dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité.

– Lorsque les avis motivés représentent la majorité des voix et que le projet est présenté dans le cadre de la procédure de co-décision , la Commission peut décider de maintenir, de modifier ou de retirer sa proposition – dans le 1er cas, elle doit se justifier devant le Parlement européen et le Conseil (c’est la procédure dite du « carton orange ») : si une majorité simple des membres du Parlement européen ou 55 % des membres du Conseil estiment alors que la proposition enfreint le principe de subsidiarité, l’examen de la proposition législative n’est pas poursuivi.

Ces mécanismes parlementaires collectifs de contrôle de l’exercice des compétences de l’UE complètent utilement les possibles recours en annulation que les Etats-membres peuvent intenter auprès de la Cour de justice s’ils estiment que l’UE a outrepassé ses pouvoirs. Ils permettent en effet une intervention en amont de représentants élus des citoyens, qui méritent à ce titre d’avoir d’avantage d’impact. Depuis 2012, ils ont été utilisés au moment où la Commission lançait des initiatives législatives en matière de « droit à mener des actions collectives » (y compris le droit de grève), pour la création d’un « Parquet européen » ou pour la révision de la directive sur le « détachement des travailleurs ». Ils ont conduit la Commission à retirer son initiative législative dans le premier cas et à la maintenir dans les deux autres.

Ce premier bilan d’étape doit conduire à encourager l’intervention des parlements nationaux en matière de contrôle de la subsidiarité, dès lors qu’il est apparu qu’ils utilisent ces mécanismes de manière raisonnable et sélective [53] . C’est dans cette perspective qu’il serait salutaire de mettre en place deux autres procédures pour organiser l’intervention de ces parlements nationaux au niveau communautaire :

– la procédure dite du « carton rouge » aurait pour effet de bloquer les initiatives législatives de la Commission dès lors que 2/3 des voix des parlements nationaux auraient été réunis à leur encontre. Cet outil parlementaire conférerait un pouvoir à la fois politique et symbolique aux élus nationaux des Etats-membres de l’UE – sans grand risque de mettre en péril les capacités d’initiative de la Commission. Il adresserait un signal de réassurance bienvenu aux opinions publiques, qui pourraient ainsi constater que l’UE agit en réalité dans le respect des compétences qui lui sont conférées par les Traités européens, à de rares exceptions près, qu’un contrôle démocratique direct pourrait au besoin debusquer.

– la procédure dite du « carton vert » permettrait quant à elle aux parlements nationaux de proposer des actions à mener par l’UE ou visant à amender la législation communautaire en vigueur. Cette forme de droit d’initiative serait plus positive et pro-active et éviterait de limiter les parlements nationaux à un rôle de surveillant voire d’opposant en matière européenne . Il pourrait être ouvert à un avis des parlements nationaux réunissant la moitié des voix qui leur sont attribués dans le cadre des mécanismes de contrôle de la subsidiarité.

Proposition 45 : créer un mécanisme permettant aux parlements nationaux de l’UE de bloquer une initiative législative européenne ne respectant pas le principe de subsidiarité (« carton rouge »)

Proposition 46 : Accorder aux Parlements nationaux le droit de demander à la Commission européenne de formuler une initiative législative (« carton vert »)

3.3. Multiplier les procédures consultatives et participatives au niveau européen

Commission et Parlement européen ont compris de longue date que disposer d’une légitimité représentative ne constituait pas un « chèque en blanc » pour la législature : elles ont tôt recouru aux mécanismes de la démocratie consultative et participative. La Commission est composée d’un national par Etat-membre et investie par la majorité des membres du Parlement européen ; les membres du Parlement européen sont élus directement par les citoyens de l’UE et représentent une large gamme des courants d’opinion qui s’expriment dans les urnes ; pour autant, ces deux institutions s’efforcent de densifier leurs relations avec les citoyens et les « parties prenantes », ne serait-ce que pour compenser leur déficit de proximité avec eux (voir Partie 1). C’est aussi en développant le recours à ces mécanismes consultatifs et participatifs européens [54] qu’il sera possible de renforcer l’ancrage démocratique de l’UE au cours des prochaines années.

3.3.1. Amplifier l’audience des consultations lancées par la Commission

La Commission a pour mandat d’incarner « l’intérêt général européen » : en dépit de sa double légitimité représentative, c’est là un défi pour le moins vertigineux dans une Union de centaines de millions de citoyens issus de 28 Etats-membres unis « dans la diversité »… Plutôt que de s’en remettre à une forme de « science infuse » ou à une version éthérée de la volonté générale rousseauiste, le Collège bruxellois a préféré dès ses origines nourrir ses réflexions et propositions au contact direct des groupes d’intérêt et citoyens de l’UE. Il recourt en particulier à des procédures de consultation quasi-systématiques avant de formuler ses projets normatifs d’importance, en invitant l’ensemble des personnes et organisations intéressées à lui faire part de leurs remarques, dont il dresse une synthèse rendue publique [55] et en utilisant les résultats pour conduire une étude d’impact de la future proposition. Le Conseil, la Commission et le Parlement européen ont conclu dès 2003 un accord interinstitutionnel appelé « Mieux légiférer », prévoyant la multiplication des consultations publiques pour nourrir la conception des politiques de l’UE. Cette pratique consultative utile et bienvenue est encore insuffisamment connue : elle mérite une beaucoup plus ample publicité de la part des autorités européennes, nationales et locales, afin qu’un nombre maximal d’Européens puissent s’en saisir [56] .

La Commission s’efforce aussi de structurer le débat préalable au lancement de ses initiatives en soumettant régulièrement à la consultation des « Livres Verts » et des « Livres Blancs ». Les Livres verts ont pour but de stimuler une réflexion sur un sujet particulier et d’inviter les parties concernées (organismes et individus) à émettre leurs avis et propositions. Les « Livres blancs », qui font parfois suite aux « Livres verts », formulent des propositions d’action de l’UE dans un domaine donné et en s’efforçant de tracer les contours d’une forme de consensus politique européen. Il est d’usage que les acteurs économiques et sociaux, les autorités publiques (nationales ou locales) et même des personnes physiques envoient leurs contributions écrites au moment où ces Livres verts et blancs sous soumis à consultation – de telles contributions étant mises en ligne par la Commission, sauf objection de leurs auteurs. Là encore, la principale voie d’amélioration à privilégier sur ce registre dans un futur proche passe par l’amplification des moyens mis en œuvre pour renforcer la publicité et donc l’accès à ces procédures consultatives européennes au plus grand nombre, y compris via la création de sites nationaux dédiés.

Proposition 47 : renforcer l’audience des consultations publiques lancées par la Commission européenne via des sites dédiés au niveau national

3.3.2 Poursuivre la montée en puissance du droit de pétition

Le Traité de Maastricht a permis aux citoyens de l’UE d’exercer un « droit de pétition » sous forme de plainte ou de requête adressée au Parlement européen et portant sur des affaires d’intérêt public ou privé. Ce droit de pétition peut être exercé de manière individuelle ou collective par ces citoyens et il est également accessible aux entreprises, associations, ou organisations ayant leur siège dans l’UE. L’objet de la pétition doit naturellement porter sur des questions relevant des compétences de  l’UE et concernant directement les intéressé(e)s : il porte notamment sur les droits des citoyens, la lutte contre les discriminations, la protection des consommateurs, la santé publique, la libre circulation des personnes, des marchandises et des services, les questions environnementales, le bien-être des animaux, ou encore la reconnaissance des qualifications professionnelles [57] … Plus de 1000 pétitions citoyennes parviennent en moyenne au Parlement européen chaque année, ce qui témoigne de l’intérêt suscité par cette procédure participative. Sur cette base, sa « Commission des pétitions » peut notamment inviter la Commission à procéder à une enquête préliminaire, à lui fournir des informations concernant le respect de la législation communautaire, effectuer elle-même une visite d’information, une mission d’enquête parlementaire ou une audition des initiateurs des pétitions, interpeller les autorités européennes, nationales ou locales concernées…

De nombreuses pétitions ont abouti à une action législative ou politique, à des procédures d’infraction lancées par la Commission ou à des décisions préjudicielles de la Cour de Justice. La création d’un « Réseau des pétitions » en 2016 a permis de renforcer le dialogue avec les autorités et les parlements nationaux et la coopération avec la Commission européenne et le Médiateur européen et donc la probabilité que les questions soulevées par les citoyens dans leurs pétitions soient traitées et résolues. La création bienvenue, bien que récente, d’un « portail des pétitions » par le Parlement européen en 2014 et une promotion publique accrue de ce portail contribueront sans doute à inciter plus d’Européens à lancer de telles pétitions ou à les soutenir au cours des prochaines années, ce qui favorisera aussi le développement de la démocratie participative au niveau de l’UE [58] .

Proposition 48 : renforcer l’audience du « portail des pétitions » crée auprès du Parlement européenne via des campagnes d’information et de communication

3.3.3 Faciliter le recours à l’initiative citoyenne européenne

L’exercice du monopole de l’initiative législative confié à la Commission est fortement encadré au niveau européen : le collège bruxellois doit en effet s’inspirer des conclusions du Conseil européen et des orientations du Parlement européen pour la formulation de son programme de travail annuel. Ce monopole de l’initiative législative traduit la nécessité, dans une construction multinationale, de confier la rédaction du contenu des propositions législatives européennes (directives, règlements et décisions) à l’institution dont la mission est de promouvoir l’intérêt général européen. Au fil du temps, les processus préparatoires ont gagné en sophistication (voir §-3.3.1.), avec la consultation de l’ensemble des parties prenantes concernées : cela permet à la Commission d’identifier les contours d’un consensus final en bénéficiant d’une légitimité politique et d’une expertise technique propres à garantir la qualité de ses propositions, de lancer les négociations sur de bons rails et de veiller à ce qu’elles ne s’écartent pas de leurs objectifs initiaux [59] .

Mettre en cause ce monopole de l’initiative législative, en le confiant par exemple au Parlement européen, pourrait fragiliser la position de la Commission dans un « triangle institutionnel », au sein duquel son rôle d’intercesseur a d’ores et déjà été relativisé au regard de la forte hausse du nombre d’accords en première lecture entre le Conseil et les parlementaires européens. Dans l’immédiat, mieux vaut donc élargir et faciliter l’usage du droit d’initiative confié aux citoyens de l’UE depuis le Traité de Lisbonne, c’est-à-dire la possibilité donnée à un million de citoyens de l’UE originaires d’au moins sept Etats-membres de demander à la Commission de proposer une initiative législative. Ce droit d’initiative citoyenne offre en effet un potentiel d’évolution plus prometteur tout en donnant lui aussi corps à la notion de démocratie participative au niveau européen. Au printemps 2019, quatre des initiatives éligibles lancées depuis 2011 ont en effet réussi à franchir le seuil d’un million de signatures (elles ont respectivement porté sur l’accès à l’eau, le statut de l’embryon, la vivisection et l’interdiction du glyphosate) ; vingt-six n’y sont pas parvenues ; une quinzaine d’autres ont été retirées ; plus d’une dizaine d’autres sont en cours [60] . Ces dizaines d’initiatives citoyennes ont contribué à générer un authentique débat pan-européen, auquel la Commission a été ou est en position de donner suite ou non – ce qu’elle doit à chaque fois justifier publiquement.

Le premier bilan chiffré disponible indique cependant que de nombreuses mobilisations citoyennes ont été confrontées à des difficultés à la fois techniques, juridiques et politiques qui ont entravé leur développement. Il fait apparaître la nécessité de simplifier les conditions d’exercice de ce droit d’initiative citoyenne, notamment s’agissant :

– des conditions de recueil des signatures (avec la mise à disposition d’un système de collecte en ligne) ;

– du délai de 12 mois imposé pour cette collecte, qui apparaît trop court pour des acteurs associatifs dépourvus de moyens d’action suffisants au niveau pan-européen (un délai de 24 mois serait par exemple préférable) ;

– du renforcement des moyens financiers et techniques mis à disposition des promoteurs d’initiatives citoyennes afin qu’ils assurent une communication plus efficace auprès des citoyens potentiellement intéressés [61] .

Il appartient aux autorités européennes et nationales de procéder à ces améliorations, qui contribueront elles aussi au renforcement de la démocratie participative au niveau de l’UE [62] .

Proposition 49 : porter à 24 mois le délai de collecte des signatures nécessaires au lancement d’une initiative citoyenne européenne

3.3.4 Mieux médiatiser et mieux cibler les sondages d’opinion européens

La Commission a commancé dès les années 1970 à commander des enquêtes d’opinion lui permettant de recueillir l’avis des citoyens de la « Communauté économique européenne », puis de l’UE, selon des techniques et un champ d’application qui se sont sans cesse sophistiqués depuis lors. Si elle a été rejointe plus récemment par le Parlement européen [63] , les « Eurobaromètres » demeurent une source d’information de référence [64] , qui permettent de sonder des « échantillons représentatifs » des peuples de l’UE, et donc d’évaluer au mieux leurs perceptions et leurs attentes

Les principales enquêtes d’opinion commandées par la Commission européenne

– « L’Eurobaromètre standard » est constitué d’environ 1000 interviews en face-à-face par pays et donne lieu à des rapports publiés deux fois par an : ces rapports incluent par exemple des questions récurrentes sur le sentiment d’appartenance des peuples de l’UE, sur leur degré de confiance ou d’approbation vis-à-vis de ses institutions ou de ses politiques, sur leur vision de l’avenir de leur pays et de l’Europe…;

– Les « Eurobaromètre spéciaux » sont basés sur des études thématiques approfondies intégrées dans les vagues de sondages Eurobaromètre Standard et réalisées pour les services de la Commission ou d’autres institutions de l’UE : les thèmes sont choisis au gré de l’actualité politique et des initiatives sur lesquelles travaille l’UE ;
– Les « Eurobaromètres Flash » sont des entretiens téléphoniques portant sur un thème donné et permettant à la Commission d’obtenir des résultats plus rapidement, en se concentrant si besoin sur des groupes cibles spécifiques (exemple des agriculteurs) ;

– Les « études qualitatives » étudient les motivations, les sentiments, les réactions de groupes sociaux choisis à l’égard d’un sujet européen donné, en écoutant et analysant leur façon de s’exprimer dans des groupes de discussion ou lors d’entretiens non-directifs.

Il est d’usage que l’ensemble des résultats des « Eurobaromètres » soit mis à la disposition du grand public et des analystes et observateurs les plus avisés, en parallèle de leur transmission aux décideurs publics européens et nationaux. Ces derniers ont donc en leur possession des données leur permettant de mieux cerner les attentes et aspirations des opinions publiques, dont ils tiennent beaucoup plus compte qu’on ne le dit : à cet égard, ces « sondages représentatifs » constituent bel et bien l’un des plus courts chemins vers les citoyens dans une UE de plusieurs centaines de millions d’habitants, fut-ce sur le registre de la « démocratie d’opinion ».

Encore faudrait-il cependant que les peuples de l’UE et ses principaux relais d’opinion soient conscients de l’existence de ces sondages et des données qu’ils font apparaître : cela leur permettrait en effet de « se représenter » la coexistence de points de vue différents, tout aussi légitimes, et qui ne font qu’illustrer « l’unité dans la diversité » que professe l’UE. Deux actions complémentaires favoriseraient cette salutaire prise de conscience :

– d’une part le renforcement des moyens financiers, humains et techniques dédiés à la diffusion des résultats des « Eurobaromètres », afin qu’ils puissent être connus du public le plus large, partout dans l’UE ;

– d’autre part et surtout la création d’« Euro-thermomètres », qui porteront non sur de grandes thématiques mais sur l’adoption programmée de règlements, directives ou décisions précises, au sujet desquels la position des citoyens européens serait recueillie et rendue publique (comme c’est le cas en France vis-à-vis d’un nombre incalculable de réformes ou de propositions gouvernementales…).

Proposition 50 : créer des « eurothermomètres » permettant de sonder les opinions publiques en amont des grandes décisions prises par les institutions européennes

C’est aussi à cette double condition que les citoyens de l’UE pourront mieux évaluer la manière dont leur voix est prise en compte par ceux qui les représentent au niveau européen entre deux échéances électorales.

3.3.5 Organiser davantage de panels citoyens délibératifs au niveau de l’UE

Des mécanismes de démocratie participative sont utilisés de manière croissante au niveau de l’UE afin de consolider les liens entre représentants et représentés, sur une base beaucoup plus qualitative et interactive que celle offerte par les enquêtes d’opinion : il s’agit d’inviter des « panels » de citoyens à débattre d’enjeux européens et de formuler des avis et propositions ayant un impact sur les politiques, le fonctionnement et l’avenir de l’UE.

Plusieurs conditions doivent être réunies pour garantir la qualité de ces initiatives délibératives : il faut notamment réunir un échantillon représentatif de la population de l’UE, mettre à disposition des citoyens concernés tous les éléments d’information et d’expertise sur les sujets évoqués, leur permettre de délibérer entre eux de manière contradictoire et sur un agenda qu’ils contribuent à définir, enfin recueillir leur opinion à l’occasion d’un vote collectif. L’Institut Jacques Delors s’est efforcé de remplir ces conditions et de jouer un rôle pionnier sur ce registre, en organisant deux expériences de « sondages délibératifs », « Tomorrow’s Europe » et « Horizon UE » [65] , avec l’appui matériel de la Commission et du Parlement européen. Ces projets ont permis à un échantillon représentatif de citoyens non initiés, venus de toute l’UE, de confronter leurs points de vue dans l’hémicycle du Parlement européen, puis de prendre position sur des enjeux européens clés. A défaut de pouvoir mobiliser plusieurs centaines de citoyens, les institutions européennes peuvent aussi recourir à l’organisation de rencontres d’une dizaine de personnes invitées à discuter pendant quelques heures sur une question européenne particulière sous la conduite d’un animateur spécialisé. La proposition d’Emmanuel Macron de réunir un « panel citoyen » quelques mois après les élections européennes de mai 2019 s’inscrit dans le même esprit visant à mieux articuler démocratie représentative et démocratie participative au niveau de l’UE.

Même si leur représentativité n’est pas garantie, d’autres initiatives participatives ont utilement contribué à une telle articulation civique au cours des derniers mois, en combinant rencontres directes et questionnaires électroniques. Ainsi des « consultations citoyennes sur l’Europe » [66] organisées à l’initiative de la France au printemps 2018 : elles ont en effet mobilisés en France plusieurs dizaines de milliers de citoyens lors d’un millier de réunions publiques, et de manière plus limitée dans les autres pays de l’UE. Ces consultations se sont également nourries d’un questionnaire en ligne élaboré par un panel représentatif de citoyens de l’UE, qui a lui aussi peiné à trouver son public. Les synthèses qui en ont résulté ont été transmises au Conseil européen et ont permis de dresser un état des lieux utile, sinon révolutionnaire, des attentes des citoyens de l’UE [67] . La consultation populaire pan-européenne « We Europeans » [68] , co-organisée par Civico Europa et Make.org, a plus récemment permis de recueillir l’avis de plus d’un million de participants issus de toute l’UE et de faire apparaître leurs principales priorités pour la construction européenne. Le développement de ces consultations directes, physiques ou en ligne, doit naturellement être encouragé, quand bien même elles font apparaître des résultats plus illustratifs que parfaitement représentatifs – dès lors que les participants impliqués n’ont quasiment jamais le même profil sociologique que la population globale. Il va de soi qu’il convient également de garantir une synthèse rigoureuse des opinions émises et un suivi méticuleux des suites données aux recommandations formulées par les citoyens ainsi réunis – qu’elles soient positives ou négatives, et plus encore dans le 2 ème cas.

Proposition 51 : réunir systématiquement des panels citoyens en amont des grandes décisions prises par les institutions européennes

3.4. Valoriser la consultation d’autres représentants nationaux au niveau européen

Mieux légitimer les décisions de l’UE doit enfin conduire à valoriser davantage les interactions établies entre des représentants des citoyens traditionnellement consultés par les institutions européennes, sans que leurs interventions soient suffisamment bien perçues à ce stade par les Européens.

3.4.1 Mieux identifier nos représentants au « Comité des régions »

Le « Comité des Régions » a été institué par le traité de Maastricht pour rapprocher l’UE de ses citoyens en organisant la participation des autorités régionales et locales au processus législatif européen [69] . Il est aujourd’hui composé de 350 membres répartis entre les pays de l’UE en fonction de leur population (voir Tableau 6) et nommés pour cinq ans par le Conseil sur proposition des Etats membres. Les traités de Maastricht et d’Amsterdam ont identifié les domaines dans lesquels la Commission, le Conseil et le Parlement européen doivent obligatoirement consulter le Comité des Régions lorsqu’ils légifèrent (santé, éducation et culture, cohésion économique et sociale, réseaux d’infrastructures transeuropéens, environnement, emploi, politique sociale, formation professionnelle et transports). En dehors de ces domaines, la Commission, le Conseil et le Parlement européen peuvent aussi consulter le Comité des régions sur des propositions qui ont un impact important sur le plan local et régional. Le Comité peut enfin émettre des avis de sa propre initiative, mais également saisir la Cour de Justice s’il estime que les principes de subsidiarité ou de proportionnalité ont été violés dans les domaines pour lesquels sa consultation est obligatoire. Par leur présence et leur action, les 24 membres français du comité des régions [70] et leurs homologues contribuent à densifier les liens entre l’UE et ses citoyens, en exerçant une mission bénévole mais salutaire [71] .

Il est donc d’autant plus dommageable que leur rôle et leur activité soient si faiblement perçus par le grand public, y compris lorsqu’ils organisent des consultations auprès des organisations et citoyens concernés par leurs travaux [72] . Ce déficit de notoriété appelle bien sûr un renforcement des actions d’information et de communication déployées par le Comité des régions et ses membres. Peut-être doit-il aussi inciter à conforter la lisibilité et la légitimité du Comité des régions en y nommant précisément des représentants des… régions, comme le font nombre d’Etats-membres de l’UE. Il se trouve que la France a choisi d’y nommer seulement 12 représentants des conseils régionaux, ainsi que 6 représentants des départements et 6 des communes – tous étant désignés par le Premier ministre sur proposition des associations d’autorités locales. Nommer exclusivement des représentants des « régions à dimension européenne » créées en France en 2016 serait plus logique [73] et contribuerait sans doute à favoriser une meilleure appréhension de leurs missions par les citoyens dont ils ont vocation à promouvoir les intérêts et préoccupations au niveau européen.

Proposition 52 : réserver la présence française au Comité des régions à des représentants des conseils régionaux

Tableau 6 Répartition des délégations nationales au Comité des régions et au Comité économique et social européen en 2018

Délégation nationale

Délégués

Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni

24

Espagne, Pologne

21

Roumanie

15

Autriche, Belgique, Bulgarie, Grèce, Hongrie, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Suède

12

Croatie, Danemark, Finlande,

Irlande, Lituanie, Slovaquie

9

Lettonie, Slovénie

7

Estonie

6

Chypre, Luxembourg, Malte

5

Total

350

Source : Données CDR et CESE (2018) – Yves Bertoncini PSIA / Collège d’Europe

3.4.2 Diversifier nos représentants au comité économique et social européen

Les membres du Comité économique et social européen [74] (CESE) sont consultés depuis 1957 par les institutions européennes sur la plupart des projets de l’UE en matière législative et politique afin d’indiquer s’ils leur semblent adaptés à la situation économique et sociale de leur pays et s’ils servent les intérêts de leurs mandants. Les 350 membres du CESE sont répartis à part égale entre trois groupes: celui des employeurs (organisations patronales type MEDEF), le groupe des travailleurs (syndicats type CFDT, CGT, etc.) et le groupe des « activités diverses » (organisations d’agriculteurs, de professions libérales, de consommateurs, etc.). Les membres du CESE sont désignés par les gouvernements nationaux et nommés par le Conseil pour un mandat de 5 ans renouvelable ; le nombre de membres par État est proportionnel à la population de chaque pays, ce qui conduit la France a désigner 24 membres [75] . Là encore, l’activité de ces représentants contribue utilement à mieux associer les acteurs économiques et sociaux et les organisations de la société civile à la formulation des décisions prises par l’UE en notre nom.

Pour la conforter, la récente réforme du Comité économique et social français pourrait utilement inspirer des ajustements visant à rendre plus représentative la composition de son homologue européen. Il serait par exemple bienvenu de créer un 4 ème groupe dédié aux acteurs de la société civile et aux représentants des organisations non gouvernementales et non syndicales : ils sont en effet porteurs d’une vision spécifique des enjeux économiques et sociaux et bénéficient en outre d’un ancrage citoyen substantiel, qui contribuerait à renforcer celui des activités du CESE au sens large. De la même manière qu’il serait bienvenu de créer un groupe dévolu aux acteurs s’efforçant de relever les défis environnementaux, climatiques et énergétiques, qui font aujourd’hui partie des priorités des Européens et de l’UE, alors qu’ils n’étaient qu’à peine évoqués au moment de la création du CESE. Sans doute cette réforme de la composition du CESE pourra-t-elle contribuer à convaincre davantage de citoyens de l’UE de l’intérêt de prêter attention à ses travaux et à leur valeur ajoutée des avis qu’il formule auprès de la Commission, du Conseil et du Parlement européen.

Proposition 53 : élargir la composition du Comité économique et social européen en créant un groupe « Société civile »

3.4.3 Légitimer l’action des représentants d’intérêt au niveau européen

La forte présence des représentants de groupes d’intérêts au niveau communautaire [76] . tient à la fois à la dimension fortement économique, sociale et budgétaire de la construction européenne et à la politique d’ouverture de la Commission et du Parlement européen (voir § 3.3.1.). S’ils ne représentent pas les citoyens au sens strict, mais des intérêts matériels et/ou philosophiques, ces acteurs ont la possibilité d’intervenir dans le processus décisionnel de l’UE de manière à la fois informelle et formelle, aussi bien pour contribuer à la mise sur agenda de tel ou tel enjeu que pour orienter le contenu des décisions des institutions européennes. Ces interventions ont vocation à renforcer la légitimité des décisions de l’UE aussi bien en amont (en se manifestant au stade des consultations) qu’en aval (la qualité et l’application des décisions doivent s’en trouver améliorées). Elles jouissent cependant d’une très mauvaise image dans notre pays, où le terme de « lobbying » est connoté de manière péjorative, et de surcroît associé à l’image de l’UE – alors même qu’il est naturellement tout aussi répandu à Paris qu’à Bruxelles et Strasbourg.

Dans ce contexte plutôt adverse, valoriser l’intervention des représentants des groupes d’intérêt doit à la fois inciter à rappeler l’utilité de leurs interventions et à organiser une stricte régulation de leurs activités.. Il s’agit en particulier d’assurer une représentation équilibrée et pluraliste des groupes d’intérêt et d’éviter les pressions excessives ou l’accès privilégié de certains d’entre eux aux informations et aux décideurs politiques ; mais aussi de garantir que ces interventions s’effectuent de manière transparente [77] .

Ces conditions sont souvent réunies lorsque les représentants des groupes d’intérêt sont sollicités de manière formelle par les institutions communautaires à divers stades du processus décisionnel européen. Ainsi de la désignation de centaines de spécialistes au sein des innombrables « groupes d’experts » ou « comités consultatifs » constitués par la Commission [78]  ; ainsi aussi des relations privilégiées établies avec des forums ou groupes de contact auxquels participent la plupart des groupes d’intérêts actifs dans tel ou tel secteur, par exemple l’aide au développement (la confédération « Concord » [79] ), le commerce [80] ou les questions sociales (la « plateforme sociale » [81] ). Au-delà de leur présence au sein du Comité économique et social européen, patronats et syndicats ont même le privilège d’être consultés par la Commission dans le cadre des « Comités du dialogue social », mais aussi celui de pouvoir s’emparer d’un thème de négociation en vue de déboucher sur la conclusion d’accords interprofessionnels ou sectoriels : ces accords doivent ensuite être mis en œuvre soit par voie de directives adoptées par les institutions européennes, soit par voie d’accords autonomes repris au niveau national ou régional par des conventions collectives.

C’est lorsque les représentants de groupes d’intérêt se livrent à des interventions informelles auprès des décideurs de l’UE, en leur transmettant leurs prises de position via des courriers postaux ou électroniques, des conversations téléphoniques ou des contacts personnels, que la nécessité de respecter des obligations de pluralisme et de transparence est d’autant plus forte. Les modalités de ces interventions ont constitué l’un des principaux enjeux du « Livre blanc sur la gouvernance » publié en 2001 par la Commission, puis de l’« initiative européenne en matière de transparence » qu’elle a lancée en 2005. Cette initiative a conduit à l’adoption de mesures visant essentiellement à organiser l’identification des représentants de groupes d’intérêt et à mieux encadrer leurs relations avec les décideurs communautaires, parmi lesquelles :

– la création de registres visant à inventorier les représentants d’intérêts entrant au contact avec les institutions européennes, aussi bien auprès du Parlement européen que de la Commission [82] , qui ont même établi un registre conjoint [83]  : il s’agit de répertorier les organisations qui cherchent à influencer le processus législatif et la mise en œuvre des politiques des institutions européennes tout en mettant en évidence les intérêts défendus, par qui et avec quelles ressources [84]  ;

– l’adoption de « codes de conduite » destinés aux représentants d’intérêt, aussi bien au Parlement européen qu’à la Commission [85]  : ils incluent la nécessité d’indiquer clairement les intérêts représentés, de fournir des informations complètes et non trompeuses et l’obligation de ne pas inciter le personnel de l’UE à enfreindre les règles et normes de comportement qui lui sont applicables ;

– enfin la déclaration de l’existence de contacts et réunions avec les représentants de groupes d’intérêts, qui ne peuvent théoriquement être reçus que s’ils sont inscrits sur les registres de transparence.

La floraison de ces « registres », « codes » et autres « déclarations » traduit la salutaire volonté de transparence affichée par les institutions communautaires et contribue sans nul doute à mieux éclairer l’activité des groupes d’intérêts aux yeux du grand public. Il reste à garantir qu’elle s’applique pleinement à l’ensemble des groupes d’intérêt actifs au niveau de l’UE, y compris auprès du Conseil et des gouvernements nationaux, tout en permettant une identification effective des intérêts défendus par tel ou tel représentant et acteur. Tant qu’elles demeureront, les lacunes ponctuellement constatées contribueront au maintien d’une forme d’opacité qui stimule en retour la réalisation d’études plus ou moins étayées sur l’activité des représentants des groupes d’intérêts actifs au niveau communautaire, mais aussi d’inévitables dénonciations de l’influence occulte réelle ou supposée qu’ils exercent [86] .

Proposition 54 : rendre obligatoire l’inscription de l’ensemble des groupes d’intérêt aux registres de transparence établis auprès de la Commission, du Parlement européen mais aussi du Conseil

conclusion

Modifier les pratiques politiques, en France et en Europe, puis réviser la Constitution et les traités

Les analyses et recommandations formulées dans ce rapport traduisent toutes la double volonté de consolider la démocratie représentative au niveau de l’UE et de renforcer le sentiment que ses institutions prennent bien leurs décisions en notre nom, au nom des Européens « unis dans la diversité ». Elles dessinent des perspectives d’évolution et de réforme complémentaires visant respectivement à affermir les liens entre les électeurs et leurs représentants européens, à mieux incarner le pouvoir européen et ceux qui décident au sein de l’UE et à développer les interactions entre représentants et citoyens entre deux élections. Toutes les propositions de réformes présentées ici contribueraient à des degrés divers à améliorer l’ancrage démocratique de l’UE, aussi bien au niveau communautaire qu’au niveau national, et à court comme à moyen termes .

Ces recommandations sont formulées alors que la France sort d’un « grand débat » national ayant mis en lumière une demande populaire de démocratisation qui ne saurait s’arrêter aux frontières du pays. Il s’agit donc bel et bien d’y prendre des décisions améliorant l’ancrage démocratique de nos institutions pour tout ce qui relève de la gestion des « Affaires européennes », y compris dans le cadre de la révision constitutionnelle programmée. Ces recommandations sont également mises en débat en amont d’élections européennes décisives pour l’avenir de l’UE et son fonctionnement, et au moment où les chefs d’Etat et de gouvernement se réunissent à Sibiu afin de dégager des propositions ambitieuses sur ces deux registres.

Dans cette perspective, il va de soi qu’il convient de distinguer entre les propositions pouvant être mises en œuvre de manière rapide, via la modification des pratiques politiques des autorités nationales et des institutions européennes, de celles qui nécessiteraient une révision des traités européens et de la Constitution française, par nature plus complexe et plus longue (voir Tableau 7).

C’est aussi parce que le renforcement de la démocratie représentative européenne aura été engagé au niveau national, puis de manière pragmatique au niveau communautaire, que cette modification ultérieure des traités européens apparaîtra comme une suite logique et désirable, plutôt que comme une perspective mythique oscillant entre « totem et tabou ». L’essentiel est de se persuader que la poursuite du mouvement de démocratisation de l’UE est indispensable pour favoriser l’implication de ses citoyens dans la formation des décisions cruciales qu’elle est appelée à prendre, dans un contexte politique et géopolitique qui appelle plus que jamais à faire vivre et prospérer la coexistence entre les peuples de notre continent.

Annexe

Renforcer l’ancrage démocratique de nos représentants européens : principales propositions aux niveaux français et communautaire

Renforcer l’ancrage démocratique de nos représentants au niveau européen suppose la mise en œuvre des propositions complémentaires formulées ci-avant, qui présentent les caractéristiques suivantes d’un point de vue politique et juridique :

– les trois quarts des propositions de ce Rapport ont vocation à être appliquées au niveau communautaire, ce qui implique de convaincre de leur bien-fondé un nombre significatif d’Etats-membres et de forces politiques européennes (voir colonne 1) ;

– un quart des propositions formulées dans ce Rapport concernent la gestion des Affaires européennes en France et requiert donc des réformes qui dépendent de la seule volonté des autorités et forces politiques nationales (voir colonne 2) ;

– Près de 90% des propositions de ce Rapport supposent la modification de règles de nature législative ou la transformation des pratiques politiques, aussi bien au niveau communautaire qu’au niveau national : elles peuvent donc être mises en œuvre au cours des prochains mois, notamment à la faveur de l’entrée en fonction des nouveaux titulaires des principales institutions européennes à l’été-automne 2019 ;

– Environ 10% des propositions de ce Rapport requièrent la révision des traités européens ou de la Constitution française [87] (elles sont signalées en italique ci-dessous) : ces propositions peuvent donc s’inscrire dans un horizon de court terme pour notre pays (puisqu’une révision constitutionnelle y est programmée) et davantage sur le moyen terme au niveau communautaire.

1 – Affermir les liens entre les électeurs et leurs représentants européens

Propositions

Au niveau communautaire

Au niveau français

Améliorer le mode d’élection

des parlementaires européens

Proposition 4 : créer des listes transnationales réunissant 27 candidats issus d’une moitié des Etats-membres

Proposition 5 : promouvoir la présence de 10% de non-nationaux sur les listes de candidats aux élections européennes, par voie juridique ou des incitations financières

Proposition 1 : instituer en France des euro-circonscriptions électorales formées sur la base des régions créées en 2015

Proposition 1bis : rattacher les députés européens élus en France à des circonscriptions administratives calquées sur les régions créées en 2015

Proposition 2 : mettre en place un vote préférentiel pour les élections européennes en France

Proposition 3 : maintenir une interdiction stricte du cumul du mandat de député européen avec la présidence d’un exécutif local

Consolider le système des « Spitzenkandidaten » pour élire le Président de la Commission

Proposition 6 : confier au « Spitzenkandidat » arrivé en tête le droit de concourir pour la présidence de la Commission européenne

Proposition 7 : organiser des primaires « ouvertes » pour la désignation des candidat(e)s à la présidence de la Commission européenne

Proposition 8 : diffuser massivement des versions traduites des programmes et manifestes des partis politiques européens

Proposition 9 : insérer les logos des partis politiques européens sur les bulletins de vote aux élections européennes

Conforter la légitimité représentative hybride des membres de la Commission européenne

Proposition 10 : choisir les membres de la Commission parmi les candidats aux élections européennes (article 17 TUE) [88]

Proposition 11 : maintenir le principe d’un national par Etat-membre au sein de la Commission européenne

Proposition 12 : promouvoir un (re)découpage des portefeuilles de Commissaires conformes aux priorités politiques de l’UE

Proposition 13 : donner au Président de la Commission la capacité juridique de nommer les membres de son équipe (Article 17 TUE)

Proposition 14 : promouvoir l’adoption d’un « contrat de mandature » entre Parlement européen, Commission européenne et Conseil européen

2 – Donner des visages aux Européens qui décident en notre nom

Propositions

Au niveau communautaire

Favoriser l’expression

de majorités européennes mieux identifiables

Proposition 15 : fixer entre 3% et 5% le seuil d’éligibilité au Parlement européen dans tous les pays de l’UE

Proposition 16 : accorder une « prime majoritaire » au parti arrivé en tête aux élections européennes (10% des sièges)

Proposition 17 : accorder une prime majoritaire aux groupes politiques principaux pour l’attribution des responsabilités au sein du Parlement européen (bonus de 10%)

Proposition 18 : étendre le vote à la majorité des suffrages exprimés au Parlement européen

Proposition 19 : utiliser le vote à la majorité qualifiée comme aiguillon politique plutôt que comme outil d’un passage en force

Proposition 20 : étendre le champ des votes à la majorité qualifiée au Conseil en matière fiscale et en matière de politique étrangère [89] [90]

Proposition 21 : ne plus décompter les abstentions dans les votes à la majorité exprimés par les Etats-membres au sein des comités présidés par la Commission

Tendre vers un bicamérisme égalitaire entre

Parlement européen

et Conseil des ministres

Proposition 22 : généraliser le vote en codécision sur tous les enjeux aujourd’hui soumis à une simple consultation ou approbation du Parlement européen [91]

Proposition 23 : donner au Parlement européen un pouvoir de codécision pour l’adoption du cadre financier pluriannuel de l’UE

Proposition 24 : ramener le cadre financier pluriannuel de l’UE à 5 ans afin de le synchroniser avec les élections européennes [92]

Proposition 25 : donner au Parlement européen un pouvoir de codécision sur le lancement de négociations commerciales internationales

Proposition 26 : accorder un pouvoir de codécision au Parlement européen pour la définition des orientations principales de la politique étrangère

Incarner

le pouvoir européen

via des présidences stables

Proposition 27 : élire le Président du Parlement européen pour toute la durée de la législature (5 ans) plutôt qu’une moitié

Proposition 28 : élire le Président du Conseil européen pour un mandat de 5 ans non renouvelable (article 15 TUE)

Proposition 29 : confier le poste de Président du Conseil européen au Président de la Commission européenne [93]

Proposition 30 : désigner des présidents stables pour toutes les formations sectorielles du Conseil des ministres, en s’inspirant des pratiques en vigueur pour le Conseil relations extérieures ou le Conseil européen (article 16 TUE & article 236 TFUE)

Mieux identifier

les décideurs de la zone euro

Proposition 31 : organiser un sommet semestriel des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro

Proposition 32 : désigner un président à plein temps pour l’euro-groupe

Proposition 32 bis : confier la présidence de l’eurogroupe au Commissaire chargé des affaires économiques et financières

Proposition 33 : intégrer le Mécanisme européen de stabilité au cadre communautaire, y inclus en termes de contrôle du Parlement européen (article 136 TFUE)

Proposition 34 : créer une sous-commission zone euro au sein du Parlement européen, ouverte à tous les députés européens volontaires

3 – Renforcer les relations entre représentants et citoyens : les élections, et après ?

Propositions

Au niveau communautaire

Au niveau français

Pour une transparence maximale des travaux et votes des institutions européennes

Proposition 35 : rendre plus accessibles les relevés de vote des députés européens (via un site dédié et un format adapté au grand public)

Proposition 36 : organiser un accès effectif à l’ensemble des travaux législatifs du Conseil (y inclus avec la mise en ligne de vidéos assorties de traductions simultanées)

Proposition 37 : publier des relevés couvrant l’ensemble des votes (positifs et négatifs) au Conseil des ministres sur un site dédié

Proposition 38 : rendre publics sous forme accessible l’ensemble des votes exprimés par les Etats-membres dans les comités encadrant les activités normatives de la Commission

Proposition 39 : réunir au niveau ministériel les comités d’appel encadrant l’activité normative de la Commission et rendre leurs votes publics

Accroître

les pouvoirs de contrôle

des parlementaires nationaux

Proposition 45 : créer un mécanisme permettant aux parlements nationaux de l’UE de bloquer une initiative législative européenne ne respectant pas le principe de subsidiarité ou « carton rouge » (protocoles n°1 et 2 aux traités européens)

Proposition 46 : accorder aux Parlements nationaux le droit de demander à la Commission européenne de formuler une initiative législative ou « carton vert » (protocoles n°1 et 2 aux traités européens)

Proposition 40 : permettre au Président de la République de rendre compte au Parlement de son action au niveau de l’UE via une « exception constitutionnelle européenne » (article 18 de la Constitution)

Proposition 40bis : assurer une présence du Premier Ministre aux réunions du Conseil européen afin qu’il puisse en rendre compte au Parlement

Proposition 41 : organiser chaque année devant le Congrès un discours présidentiel sur l’état de l’UE et la politique européenne de la France

Proposition 42 : transmettre chaque année au Parlement un rapport public sur les relations France-UE et la politique européenne de la France

Proposition 43 : systématiser l’usage des mandats et des réserves parlementaires pour les négociations conduites par le gouvernement français au niveau européen

Proposition 44 : créer des commissions des Affaires européennes de plein exercice à l’Assemblée nationale et au Sénat (article 43 de la Constitution)

Multiplier les procédures consultatives et participatives sur les sujets européens

Proposition 48 : renforcer l’audience du « portail des pétitions » crée auprès du Parlement européen via des campagnes d’information et de communication

Proposition 49 : porter à 24 mois le délai de collecte des signatures nécessaires au lancement d’une initiative citoyenne européenne

Proposition 50 : créer des « euro-thermomètres » permettant de sonder les opinions publiques en amont des grandes décisions prises par les institutions européennes

Proposition 51 : réunir systématiquement des panels citoyens en amont des grandes décisions prises par les institutions européennes

Proposition 47 : renforcer l’audience des consultations publiques lancées par la Commission européenne via des sites dédiés au niveau national

Proposition 48 : renforcer l’audience du « portail des pétitions » crée auprès du Parlement européen via des campagnes d’information et de communication

Proposition 51 : réunir systématiquement des panels citoyens en amont des grandes décisions prises par les institutions européennes

Valoriser la consultation d’autres représentants nationaux au niveau européen

Proposition 53 : élargir la composition du Comité économique et social européen en créant des groupes « Société civile » et « Energie-environnement » (article 300 TFUE)

Proposition 54 : rendre obligatoire l’inscription de l’ensemble des groupes d’intérêt aux registres de transparence établis auprès de la Commission, du Parlement européen et du Conseil

Proposition 52 : réserver la présence française au Comité des régions à des représentants des conseils régionaux

Source : L’UE en notre nom – Renforcer l’ancrage démocratique de nos représentants européens, Terranova, Yves Bertoncini (dir.) Mai 20

  1. Sur ce registre, voir Yves Bertoncini : « L’UE : prison des peuples ou cages à poules ? », Policy paper, Institut Jacques Delors, mai 2014

  2. A cet égard, il va de soi que formuler des réponses à l’ensemble des défis auxquels l’UE est confrontée va bien au-delà des propositions politiques et institutionnelles figurant dans le présent rapport – pour une vision plus large, voir notamment « L’Europe à l’heure des choix : nos propositions pour l’Union européenne », Note, Pôle Europe de Terranova, mars 2019 http://tnova.fr/notes/europe-l-heure-des-choix-nos-propositions-pour-l-union-europeenne

  3. Sur ce thème, voir Yves Bertoncini, Europe : le temps des fils fondateurs, Essai, Michalon, 2005

  4. Il est nécessaire d’être député national pour faire partie du gouvernement au Royaume-Uni, mais tel n’est pas du tout le cas dans nombre de pays de l’UE, dont la France.

  5. Les élections européennes sont organisées sur la base des règles et usages en vigueur dans les Etats-membres de l’UE, qui doivent cependant se conformer à des « principes communs », dont l’usage du mode de scrutin proportionnel.

  6. Sur le lien logique entre déficit de compétences de l’UE et déficit de participation aux élections européennes, voir Yves Bertoncini, « Europe : le piège de l’abstention », Policy paper, Institut Jacques Delors, mai 2014

  7. Il a été prévu qu’aucun pays ne pouvait avoir moins de 6 députés européens afin de permettre la représentation de plusieurs partis, mais aussi que le pays le plus peuplé (l’Allemagne) ne pourrait en avoir plus de 96 ; l’Allemagne a donc 16 fois moins de députés européens que Malte alors qu’elle compte 200 fois plus d’habitant – d’où le caractère « dégressif » de l’application du principe de proportionnalité dans l’atribution des sièges par pays (plus les pays sont peuplés, moins ils ont de députés par habitant).

  8. Les développements qui suivent font directement écho à deux tribunes co-signées avec Olivier Mousson et publiées par le Mouvement Européen – France « Elections européennes : attention à la marche arrière ! », novembre 2017 et «  Elections européennes : pour un scrutin plus proche des électeurs ! » janvier 2018.

  9. Concrètement, cela revient à indiquer sur la liste de candidature aux élections europénnes une région d’affiliation pour chaque candidat.

  10. Exercer un mandat de député européen suppose notamment de participer chaque mois à deux semaines de travail en commission à Bruxelles et à une semaine de vote en session plénière à Strasbourg (la dernière semaine étant dévolue au retour en cirsconscription).

  11. Cette stricte interdiction des cumuls est d’autant plus nécessaire pour éviter le départ en cours de mandat des députés européens élus à la présidence d’exécutifs locaux.

  12. Il est prévu que 14 pays de l’UE obtiennent des sièges supplémentaires au Parlement européen après le Brexit, au premier rang desquels la France (qui passera de 74 à 79 sièges).

  13. Martin Schulz puis Franz Timmermans, chefs de file du parti S&D en 2014 et 2019, ont été désignés sans avoir à affronter de concurrents lors des votes internes de ce parti.

  14. Certains des développements qui suivent font directement écho à un rapport co-signé avec Antonio Vitorino : «  Réformer la « gouvernance » européenne  », Institut Jacques Delors, septembre 2014.

  15. Pour de plus amples précisions sur ce sujet, voir « Pour un quiquennat européen », Rapport, Terra Nova, 2017.

  16. L’accord interinstitutionnel « Mieux légiférer » est accessible en ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32016Q0512(01)&from=FR

  17. La « Déclaration commune sur les priorités législatives 2017 » est accessible en ligne : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16–4360_fr.htm

  18. Sur le Conseil européen et la « scène politique » européenne, voir Luuk Van Middelaar, Quand l’Europe improvise , Paris, Gallimard, 2018.

  19. Formalisés par une décision du Conseil datant de 2002, ces principes communs prévoient aussi l’interdiction de cumuler les mandats de député européen et de député national, mais laissent les Etats-membres libres d’adapter les règles de l’élection à leurs traditions constitutionnelles et à leurs usages politiques (par exemple en termes d’âge minimal d’éligiblité, de format des circonscriptions, de seuil minimal pour avoir des élus, etc.), voir https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2002:283:0001:0004:FR:PDF

  20. Le Conseil de l’UE a décidé en juillet 2018 que les Etats membres ayant plus de 35 élus au Parlement européen devaient fixer un seuil d’éligibilité compris entre 2 % et 5 % avant 2024 : il s’agit donc d’étendre cette mesure à l’ensemble des pays de l’UE en retenant le seuil de 3%.

  21. Il faut obtenir 5% des suffrages pour envoyer des représentants au Parlement européen dans un pays comme la France, mais ce seuil est fixé à 1% dans certains pays de l’UE comme Chypre et il n’y pas de seuil dans un pays comme l’Allemagne.

  22. Sur ces enjeux, voir « Des visages sur des clivages – Les élections européennes de mai 2014 », Yves Bertoncini et Thierry Chopin, Rapport, Institut Jacques Delors, Fondation Robert Schuman, 2014

  23. Ces larges accords transpartisans peuvent par exemple être observés sur les votes relatifs aux droits de l’homme ou à la protection des consommateurs, qui ne sont guère clivants.

  24. Seuls 30 % des votes du Parlement européen ont traduit une confrontation entre droite et gauche lors de la législature 2009–2014, contre 30% une majorité de grande coalition et 40% une majorité de consensus incluant les partis plus radicaux (voir « Des visages sur des clivages » op. cit.).

  25. L’inventaire intégral des articles prévoyant un vote à l’unanimité et un vote à la majorité qualifiée peut être consulté dans Yves Bertoncini et Thierry Chopin, Politique européenne : Etats, pouvoirs et citoyens de l’UE , Manuel, Sciences PO – Dalloz 2010, annexe 2

  26. La Hongrie et la Slovaquie ont choisi de déposer un recours en annulation contre cette décision devant la Cour de Justice de l’UE, qui leur a donné tort ; la Commission a ensuite décidé d’introduire un recours en manquement contre les Etats qui n’appliquaient pas cette décision, à savoir la Hongrie, la Pologne et la République tchèque.

  27. Un descriptif intégral du partage du pouvoir décisionnel entre Conseil des ministres et Parlement européen thème par thème peut être consulté dans Yves Bertoncini et Thierry Chopin, Politique européenne : Etats, pouvoirs et citoyens de l’UE, Manuel, Sciences PO – Dalloz 2010, annexe 3

  28. L’article 312 du TFUE stipule que le cadre financier pluriannuel est « établi pour une période d’au moins cinq années ».

  29. La présidence du Parlement européen a été partagée par les conservateurs du PPE et les Libéraux-démocrates entre 1999 et 2004, avec un demi-mandat de Nicole Fontaine suivi d’un demi-mandat de Pat Cox.

  30. L’article 15 du TUE indique que le Président du Conseil européen « ne peut pas exercer de mandat national », mais il n’exclut pas formellement qu’il puisse être également titulaire d’une autre fonction européenne (en l’espèce Président de la Commission)

  31. La France est ainsi appelée à exercer sa prochaine présidence tournante du Conseil au 1 er semestre 2022, soit en pleine campagne électorale, présidentielle puis législative…

  32. Le « Règlement intérieur » des sommets de la zone euro est accessible en ligne : https://www.consilium.europa.eu/media/20363/qc3013400frc_web.pdf

  33. Déterminer si le FMI a joué un rôle plus positif ou plus négatif que l’UE dans la gestion de la crise grecque ressort d’un débat stimulant – que ce Rapport n’a pas vocation à traiter.

  34. Pour des analyses et propositions détaillées sur ce thème, voir Yves Bertoncini, «  Les parlements et la gouvernance de l’UEM  », Tribune, Institut Jacques Delors, avril 2014

  35. Le Parlement européen dispose d’un Centre multimédia qui donne un accès vidéo à ses sessions plénières et aux réunions de ses commissions https://multimedia.europarl.europa.eu/fr/home

  36. Le site du Parlement européen consacre l’une de ses rubriques aux documents inventoriant les votes de ses membres sujet par sujet : http://www.europarl.europa.eu/plenary/fr/votes.html?tab=votes

  37. Les relevés de vote du site « Vote Watch Europe » sont disponibles sur leur site, y compris via une base de données exhaustive : https://www.votewatch.eu/en/term8-european-parliament-latest-votes.html

  38. Voir par exemple l’analyse des votes clés du Parlement européen 2014–2019 réalisée par le Mouvement Européen-France https://europeennes2019.mouvement-europeen.eu/lanalyse-des-votes-cles-du-parlement-europeen/ ou “Le vote des parlementaires européens élus en France sur 21 enjeux clefs (2009 – 2014), Rapport, Institut Jacques Delors, mai 2014 (Yves Bertoncini, Thierry Chopin, Lucie Marnas, Virgine Timmermans et Claire Versini)

  39. Les résultats des votes publics est accessible sur le site du Conseil ( https://www.consilium.europa.eu/fr/ ) via la rubrique « Documents et publications » puis la sous rubrique « Registre des documents », puis la sous-sous rubrique « Résultats et procès-verbaux des sessions et réunions » et la sous-sous-sous rubrique « Résultats des votes publics » et donc via une adresse interminable https://www.consilium.europa.eu/register/fr/content/out/?PUB_DOC=%3E0&RESULTSET=1&DOC_SUBJECT=VOTE&i=VT&ROWSPP=25&ORDERBY=DOC_DATE%20DESC&DOC_LANCD=FR&typ=SET&NRROWS=5000&DOC_YEAR=2019

  40. Les vidéos des réunions du Conseil des ministres ouvertes au public sont accessibles à l’adresse suivante : https://video.consilium.europa.eu/en/webcasts

  41. Il est logique que des discussions portant sur le sauvetage de tel ou tel pays ou des négociations commerciales internationales ne se déroulent pas sous les yeux des investisseurs ou de concurrents des Européens, mais ce type de discussions sont relativement rares .

  42. Le relevé des votes publics exprimés en Conseil des ministres peut être consulté sur le site de vote Watch Europe à l’adresse suivante : https://www.votewatch.eu/en/term8-council-latest-votes.html

  43. Les Comités sont saisis par la Commission pour l’élaboration des actes normatifs les plus importants qu’il lui revient d’adopter (règlements, directives, décisions) – à l’exception des actes délégués et des actes normatifs d’importance mineure.

  44. Les rapports annuels sur les travaux des comités encadrant les décisions normatives de la Commission sont accessibles à http://ec.europa.eu/transparency/regcomitology/docs/annual_report_2017_fr.pdf

  45. Pour consulter le registre comitologie, voir http://ec.europa.eu/transparency/regcomitology/index.cfm

  46. Voir « Refaire la démocratie », par le groupe de travail sur l’avenir des institutions co-présidé par Claude Bartolone et Michel Winock, Assemblée nationale, Rapport_n° 3100 du 2 octobre 2015.

  47. Le Ministère des Affaires étrangères est compétent pour coordonner les positions françaises sur tout ce qui relève de la politique étrangère et de sécurité commune.

  48. Sur ce sujet et d’autres propositions de démocratisation, voir « Pour une réforme constitutionnelle incluant la dimension européenne ! », Aurélien Caron, Mouvement Européen – France, Mai 2018

    https://mouvement-europeen.eu/pour-une-reforme-constitutionnelle-incluant-la-dimension-europeenne/

  49. Une option minimale serait de consacrer systématiquement une partie substantielle des discours prononcés devant le Congrès à la politique européenne de la France, en permettant un droit de réponse et un droit de suite aux parlementaires.

  50. Sur ce sujet, voir notamment les travaux d’Olivier Rozenberg et de Wolfgang Wessels accessibles sur le site de l’Observatoire des Parlements nationaux après Lisbonne (OPAL) : www.opal-europe.org.

  51. Ce « jaune budgétaire » adressé aux parlementaires est accessible en ligne : https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/files/documents/jaunes-2019/Jaune2019_relations_financieres_UE.pdf

  52. Les remarques formulées par le Sénat et l’Assemblée nationale et les réponses de la Commission sont ici : http://ec.europa.eu/dgs/secretariat_general/relations/relations_other/npo/france/2018_en.htm

  53. Sur ce registre, voir les travaux du Sénat français : http://www.senat.fr/rap/r15–322/r15–3224.html et « Union européenne : Mieux légiférer avec les parlements nationaux », Rapport d’information n° 84 (2015–2016) de MM. Jean Bizet et Simon Sutour, fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 15 octobre 2015 et laRésolution du Sénat n°41 (2015–2016) du 20 novembre 2015

  54. Les référendums sur les enjeux européens ne sont pas inclus dans les mécanises participatifs ici évoqués : ils ne peuvent en effet être organisés qu’au niveau national (sauf dans quelques pays de l’UE, dont l’Allemagne et la Belgique).

  55. Les consultations publiques organisées par la Commission européenne sont accessibles sur ce site dédié : https://ec.europa.eu/info/consultations_fr

  56. La consultation publique européenne sur le changement d’heure est l’une des rares à avoir récemment bénéficié d’une visibilité médiatique : https://ec.europa.eu/info/consultations/2018-summertime-arrangements_fr

  57. Toutes les pétitions envoyées au Parlement européen peuvent être consultées à l’adresse suivante http://www.europarl.europa.eu/committees/fr/peti/search-in-documents.html

  58. Voir le portail des pétitions du Parlement européen : https://petiport.secure.europarl.europa.eu/petitions/fr/home

  59. La Commission peut retirer ses propositions législatives si elle considère que leur contenu est dénaturé par les négociations entre Conseil et Parlement européen.

  60. La liste des initiatives législatives proposées au titre du droit d’initiative citoyenne sont accessibles sur ce site dédiée http://ec.europa.eu/citizens-initiative/public/welcome?lg=fr , où il est possible de marquer son soutien aux initiatives en cours.

  61. Sur les outils de communication mis à disposition des promoteurs d’initiatives citoyennes européennes, voir http://ec.europa.eu/citizens-initiative/public/communication

  62. L’adoption d’un nouveau Règlement relatif aux « ICE » en Décembre 2018 apporte à cet égard des améliorations bienvenues, sans cependant étendre le délai de collecte des signatures https://data.consilium.europa.eu/doc/document/PE-92–2018-INIT/fr/pdf

  63. pour consulter les « Parlemètres » publiés par le Parlement européen, voir par exemple http://www.europarl.europa.eu/at-your-service/fr/be-heard/eurobarometer/parlemeter-2018-taking-up-the-challenge

  64. Voir le site de la Commission européenne dédié aux Eurobaromètres : http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/general/index/general/doChangeLocale/locale/FR/

  65. Pour plus d’informations sur les projets « Tomorrow’s Europe » et « Horizon UE », voir https://institutdelors.eu/wp-content/uploads/2018/01/tomorrow_s_europe_presentation_short.pdf et http://institutdelors.eu/wp-content/uploads/2018/01/futursdefisue-timmerman-ne-ijd-dec14.pdf

  66. La liste des consultations citoyennes sur l’Europe organisées en France et les synthèses de nombre d’entre elles sont accessibles en ligne : https://www.quelleestvotreeurope.fr/je-participe.html

  67. Le rapport de synthèse global des consultations citoyennes sur l’Europe est disponible ici : https://www.quelleestvotreeurope.fr/fileadmin/_TLEv3/Consultations-citoyennes/CONSULTATIONS-CITOYENNES-SUR-L-EUROPE-rapport-complet.pdf

  68. Les données et préférences citoyennes recueillies dans le cadre de « We Europeans » sont accessibles sur le site dédié à ce projet : https://weeuropeans.eu/fr

  69. Pour en savoir plus, voir le site du comité des régions : https://cor.europa.eu/fr

  70. La liste des 24 membres français du Comité des régions au printemps 2019 est consultable sur le site de l’institution https://cor.europa.eu/FR/members/Pages/Delegation.aspx?country=France

  71. Les membres du comité des régions ne perçoivent pas de salaires, mais seulement des indemnités liées à leurs frais de déplacements et aux travaux qu’ils effectuent (il en va de même pour les membres du Comité économique et social européen).

  72. Les consultations organisées par le Comité des régions sont accessibles sur son site : https://cor.europa.eu/fr/engage/Pages/consultations.aspx

  73. Les régions françaises les plus peuplées seraient ainsi invitées à désigner deux représentants, contre un pour les régions les moins peuplées.

  74. Pour en savoir plus sur le Comité économique et social européen, voir https://www.eesc.europa.eu/fr

  75. La liste des 24 membres français du CESE est accessible via la base de données figurant sur son site : https://memberspage.eesc.europa.eu/#/?mandate=mem&language=en&country=FR&v=1554734371882

  76. Sur ces enjeux, voir notamment Justin Greenwood, Representing Interests in the European Union , Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2007 et Emiliano Grossman , Sabine Saurugger , Les groupes d’intérêt : Action collective et stratégies de représentation , Paris, Armand Colin, 2006.

  77. Pour des propositions détaillées sur ce sujet, voir Pour un quinquennat européen, Rapport, Terranova, 2017

  78. Pour consulter le registre des groupes d’experts constitués par la Commission, voir http://ec.europa.eu/transparency/regexpert/index.cfm?do=faq.faq&aide=2&Lang=FR

  79. Voir http://www.concordeurope.org

  80. Voir http://trade.ec.europa.eu/civilsoc/csd_proc.cfm

  81. Voir https://www.socialplatform.org/

  82. Le registre de transparence de la Commission est accessible en ligne : https://ec.europa.eu/info/about-european-commission/service-standards-and-principles/transparency/transparency-register_fr

  83. Le registre de transparence commun à la Commission et au Parlement européen est accessible en ligne : http://ec.europa.eu/transparencyregister/public/homePage.do

  84. Près de 12 000 entités sont enregistrées sur le registre de la Commission au printemps 2019, dont la moitié d’organisations professionnelles et syndicats, 1/3 d’organisations non-gouvernementales, puis des cabinets de consultants ou d’avocats, des think-tanks et groupes de réflexion ainsi que des représentants d’autorités locales ou de communautés religieuses.

  85. Voir https://webgate.ec.europa.eu/transparency/regrin/infos/codeofconduct.do?locale=fr#regles

  86. Voir par exemple http://www.corporateeurope.org/ et http://www.alter-eu.org/

  87. Les propositions de réforme de la Constitution française font directement écho à une prise de position plus large du Mouvement européen – France élaborée sous la direction d’Aurélien Caron et accessible en ligne : https://mouvement-europeen.eu/pour-une-reforme-constitutionnelle-incluant-la-dimension-europeenne/

  88. Rendre obligatoire le choix des membres de la Commission européenne parmi les candidats aux élections européennes (ou élus au Parlement européen) requiert une révision de l’article 17 du TUE ; ce choix peut aussi relever d’une « bonne pratique politique » de nature facultative et mise en œuvre sans révision des traités.

  89. L’activation des clauses dites « passerelles » mentionnées par l’article 48 du Traité sur l’Union européenne permet de réformer les modes de décisions au Conseil et au Parlement européen sans révision des Traités européens : ces modifications supposent un vote à l’unanimité des Etats-membres, aussi bien pour passer de l’unanimité à la majorité qualifiée au Conseil que pour passer d’une procédure législative spéciale (approbation, consultation) à la procédure législative ordinaire (codécision) au Parlement européen.

  90. L’activation de la « clause passerelle » mentionnée à l’article 48 du Traité sur l’Union Européenne pour passer d’un vote à l’unanimité à un vote à la majorité qualifiée au Conseil est exclue pour les « décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense ».

  91. La mise en œuvre des propositions 21, 22, 24 et 25 peut être opérée via l’invocation de la clause passerelle de l’article 48 du TUE (voir note de bas de page ci-dessus) et donc sans révision des traités.

  92. L’article 312 du TFUE stipule que le cadre financier pluriannuel est « établi pour une période d’au moins cinq années ».

  93. L’article 15 du TUE indique que le Président du Conseil européen « ne peut pas exercer de mandat national », mais il n’exclut pas formellement qu’il puisse être également titulaire d’une autre fonction européenne (en l’espèce Président de la Commission)

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