Primaire socialiste : un potentiel électoral de deux à quatre millions d’électeurs
Arnaud Montebourg, secrétaire national à la rénovation du Parti socialiste, et Olivier Ferrand, président de Terra Nova, ont remis il y a quelques jours à Martine Aubry un projet de « charte de la primaire », détaillant leurs propositions pour son organisation opérationnelle (règles de compétition, procédures de réunification, organisation logistique). Leur objectif principal : maximiser la participation électorale des citoyens. Quel est le potentiel électoral de la primaire ? 2 à 4 millions d’électeurs, selon le sondage que vient de réaliser Opinionway pour Terra Nova. Dans sa note de commentaire, Bruno Jeanbart, directeur général adjoint d’Opinionway et administrateur fondateur de Terra Nova, souligne que le facteur clé de succès pour accomplir ce potentiel est moins politique que technique : c’est l’organisation opérationnelle de la primaire qui fera la différence.
A moins d’un an des premières primaires ouvertes jamais organisées en France par un parti politique, une étude réalisée pour Terra Nova par OpinionWay donne de précieuses indications sur l’électorat potentiel qui pourrait participer à ce scrutin.
1 – LE FORT SOUTIEN DE L’ELECTORAT DE GAUCHE AUX PRIMAIRES INDUIT UN POTENTIEL DE PARTICIPATION IMPORTANT
Depuis que l’idée d’organiser des primaires ouvertes pour désigner le candidat du Parti Socialiste a émergée en 2008, toutes les enquêtes ont souligné le soutien de l’opinion à ce principe, novateur en France mais déjà expérimenté par la gauche à l’étranger. Les sympathisants de gauche et en particulier les sympathisants socialistes, tout comme les Français, y sont favorables et très largement (respectivement 87%, 92% et 74% dans l’ensemble de la population ).
Dès lors, la question essentielle pour la réussite de ces primaires réside dans la capacité à transformer cette adhésion au principe en participation électorale lors du scrutin. L’enquête réalisée pour Terra Nova confirme que ce potentiel existe et qu’il est élevé. En effet, à ce jour, 24% des sympathisants de gauche et 32% des sympathisants socialistes se déclarent extrêmement motivés pour aller voter à l’occasion de ces primaires (note 10 sur une échelle de 1 à 10). Compte tenu de la part des Français se déclarant proches de la gauche ou du PS (respectivement autour de 40% et 25% aujourd’hui), ce sont donc entre 2 et 4 millions de personnes (selon que les primaires mobiliseront les électeurs de gauche ou uniquement socialistes) qui aimeraient participer à cette première en France. L’électorat potentiel à un scrutin de ce type représente donc entre 5 et 10% du corps électoral, chiffre en phase avec l’expérience italienne, preuve qu’il n’est pas inaccessible.
Comparé aux 200.000 électeurs de la primaire de 2006, qui mobilisa à l’époque fortement adhérents et certains sympathisants (pour preuve, le succès de la campagne d’adhésion à 20 euros lancée en amont du vote), la nouvelle formule a tout pour permettre de renforcer encore un peu plus la légitimité du vainqueur. Cela alors que dans certaines catégories de la population, pourtant favorable à la gauche, comme les électeurs les plus jeunes, l’envie de participer à la primaire semble pouvoir être maximisée (seuls 16% des moins de 25 ans proches de la gauche sont aujourd’hui des électeurs potentiels, contre 28% des 50 ans et plus). Le potentiel de participation aux primaires se révèle donc élevé, mais cela ne doit pas occulter le nécessaire travail de mobilisation auprès de cibles stratégiques pour la gauche mais moins enclins à « voter spontanément ».
2 – LES CONDITIONS DE REUSSITE DES PRIMAIRES SONT PROBABLEMENT PLUS TECHNIQUES QUE POLITIQUES
Pour autant, faire passer les électeurs de l’envie de voter à la participation effective n’est pas chose facile, surtout à l’occasion d’un scrutin qui constitue une innovation forte dans la vie politique française. Comme l’a bien souligné le rapport de Terra Nova de 2008, l’enjeu des Primaires va bien au-delà du choix final du candidat ou de la candidate amené à représenter les socialistes lors de la Présidentielle de 2012. Elles doivent être l’occasion de pré-mobiliser l’électorat de gauche, de débattre avec lui des orientations pour le pays et de préparer le candidat socialiste à la campagne présidentielle elle-même.
Certes, la participation peut dépendre des « conditions politiques du scrutin », à savoir de l’offre finale : selon que le résultat de la primaire apparaîtra comme plus ou moins indécis, la participation finale pourrait varier sensiblement. Toutefois, l’expérience italienne a prouvé que même une primaire de ratification pouvait mobiliser fortement l’électorat de gauche lorsqu’il s’agit de préparer un scrutin d’alternance. L’hypothèse selon laquelle l’un des prétendants « écraserait » la compétition en se présentant comme l’immense favori est donc compatible avec un succès de participation, à condition que le favori suscite un élan et un enthousiasme qui aille au-delà de la primaire.
En revanche, le succès de la primaire résidera probablement dans ses conditions techniques de mise en œuvre. De ce point de vue, le travail à accomplir pour réussir ce scrutin est d’autant plus important qu’il constituera une première en France. Des questions qui peuvent sembler aussi basiques à résoudre que le choix des lieux accueillant les électeurs, le nombre de bureaux de vote, leur dispersion géographique ou le coût éventuel de participation à la primaire auront un impact décisif sur le nombre d’électeurs final.
Un exemple parmi d’autres : 29% des Français se sentant proche de la gauche et vivant en zone rurale souhaitent aujourd’hui absolument voter lors des primaires (note 10), contre 21% de ceux habitant les agglomérations de 100.000 habitants et plus. Or, il sera évidemment plus facile d’organiser le scrutin au plus près des électeurs dans les grandes villes que dans les campagnes et de disposer d’un maillage du territoire fin en zone urbaine.
Plus que la configuration politique des primaires, le déploiement logistique nécessaire à leur bonne organisation sera décisif dans leur succès final, permettant de répondre ainsi à la promesse faîte aux électeurs de gauche, celui de s’approprier le choix de leur héraut pour 2012.