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Rapport

Primaires : et si c’était à refaire ?

Terra Nova dresse un bilan raisonné des primaires et avance quatre propositions dans le débat public pour poursuivre le mouvement engagé en 2011.

Publié le 

Sommaire

1 – DES OBJECTIFS ATTEINTS

1.1 – La fin des querelles de leadership

1.2 – Un succès démocratique

1.3 – Une légitimité incontestée

1.4 – Une délibération de qualité

1.5 – Une prouesse logistique

1.6 – « L’effet primaire »

2 – PLUSIEURS DIFFICULTES ET QUELQUES EFFETS INATTENDUS

2.1 – La primaire accroît-elle la personnalisation de la vie politique ?

2.2 – Quel rôle pour le parti après les primaires ?

2.3 – Le destin des perdants

2.4 – Faut-il organiser des primaires de coalition ?

2.5 – Qui doit décider des investitures aux législatives ?

3 – PROPOSITIONS ET PISTES DE REFLEXION

3.1 – Faut-il ouvrir davantage la primaire ?

3.2 – Faut-il régionaliser le scrutin ?

3.3 – Faut-il modifier le mode de scrutin ?

3.4 – Faciliter l’organisation de primaires et la redéfinition des partis ?

3.5 – Que faire en cas de président sortant ?

INtroduction

En octobre 2011, les « primaires citoyennes » portaient à l’élection présidentielle celui qui allait devenir chef de l’Etat quelques mois plus tard. Terra Nova fut l’un des principaux artisans de cette innovation démocratique en France. Il lui revenait d’en proposer un bilan raisonné et d’en tirer des enseignements pour l’avenir : pour l’avenir de la gauche, mais plus largement encore pour l’avenir de notre démocratie.

Car la pratique des primaires semble appelée à s’étendre, non seulement dans des élections locales [1] , mais aussi dans d’autres familles politiques. A commencer par l’UMP qui a inscrit le principe de primaires ouvertes dans ses statuts en juin 2013 et qui vient d’adopter sa charte en la matière dans la perspective de 2017. Les primaires sont ainsi porteuses d’un nouveau droit démocratique accordé aux Français : non plus seulement celui de choisir leurs élus, mais celui de choisir leur(s) candidat(s) à l’élection, selon la famille de sensibilité politique dans laquelle ils se reconnaissent.

Il convient en conséquence de réfléchir aux moyens d’ancrer cette pratique dans la durée et de l’adapter aux leçons de l’expérience. Cette réflexion n’est pas vierge. Un premier bilan de l’expérience de 2011 avait été réalisé « à chaud » par un groupe de travail de Terra Nova dès 2012 [2] . Mais nous disposons aujourd’hui d’un recul qui permet d’envisager de façon plus globale et plus complète les conséquences de la « primaire citoyenne » de 2011, et de proposer de nouveaux aménagements, voire des évolutions différentes de celles qui avaient été retenues alors.

Il s’agit aussi d’adapter cette pratique au contexte d’une tripartition croissante de la vie politique nationale et locale. La primaire de 2011 avait été pensée dans le cadre d’un affrontement entre gauche et droite. Qu’en est-il dans le cadre d’un affrontement entre gauche, droite et extrême-droite ?

Les analyses qui suivent sont nourries des échanges qui ont eu lieu dans le cadre d’un séminaire organisé par Terra Nova en 2015 et auquel ont participé : Michel Balinski, Alain Bergounioux, Loïc Blondiaux, Alice Bonnet, Anne-Lorraine Bujon, Martial Foucault, Rida Laraki, Marc Lazar, Rémi Lefebvre, Thierry Pech, Romain Prudent, Benoît Thieulin et Henri Weber. Les propos exposés ici n’engagent toutefois que les signataires du présent document.

1 – Des objectifs atteints

« Et si c’était à refaire ? », questionne le titre de la présente étude. La réponse est sans hésitation : nous le referions. Comme l’écrivait Olivier Ferrand en 2012, ce « coup d’essai » fut un « coup de maître ». Les objectifs immédiats que la primaire de 2011 se proposait de poursuivre ont tous été atteints. Elle s’est affirmée au total comme un succès à la fois démocratique et stratégique.

1.1 – La fin des querelles de leadership

La primaire a tout d’abord permis à la gauche de sortir des querelles de leadership dans lesquelles elle était enferrée depuis le retrait de Lionel Jospin de la vie politique le 21 avril 2002. Des querelles que le Parti socialiste seul n’avait pas réussi à surmonter, ni lors de la précédente campagne présidentielle en 2007, ni lors du Congrès de Reims qui avait suivi. Le recours à une primaire interne en 2006, ouverte aux « nouveaux adhérents » mais toujours strictement limitée à l’enceinte du parti, n’avait pas installé la candidate, Ségolène Royal, dans une position aussi apaisée, légitime et confortable que celle de François Hollande en 2011. Quant au congrès de Reims en 2008, il avait achevé de créer un climat de défiance et de suspicion autour du Parti socialiste, de ses méthodes et de ses dirigeants. Au total, le PS avait donné, pendant près de dix ans, l’image d’une organisation otage de guerres fratricides, et du même coup peu disponible aux attentes de la société et aux mutations de son environnement économique. Ni les victoires électorales aux élections locales, ni les congrès successifs, ni les défaites aux élections nationales n’avaient conduit à une clarification stratégique.

En outre, beaucoup pensaient, parmi les concepteurs des primaires, que ces querelles de leadership empêchaient également le débat d’idées, ajoutant à l’impasse stratégique une impasse programmatique. Le Parti socialiste s’était longtemps bercé d’une idée fausse qui voulait que l’on parle des idées d’abord et des personnes ensuite. La réalité, a fortiori dans un régime dominé par l’élection présidentielle, c’est que les idées n’existent que portées par des personnes. Ainsi, dans la période 2002–2011, aussi longtemps que le PS n’eut aucun leader solidement établi, il évolua dans un contexte de combat des chefs permanent qui ne lui permit pas de rénover son offre politique.

Tel était le diagnostic, et au demeurant la première raison d’agir, des concepteurs des primaires. L’économiste Thomas Piketty avait résumé la situation dans une chronique parue au lendemain de la défaite de Ségolène Royal en mai 2007, chronique qui mérite d’être citée longuement car elle joua un rôle dans les premières réflexions qui allaient conduire à la conception des primaires portée par Terra Nova :

«  L’erreur fondamentale du PS est d’avoir cru, ou d’avoir feint de croire (…), qu’il était possible de repousser le choix du candidat après la rédaction du programme. Le résultat objectif est que, pendant quatre ans, de 2002 à 2006, les socialistes n’ont parlé de rien. Pour une raison simple : il était impossible pour qui que ce soit de prendre une position forte sur un sujet difficile, de peur de se faire canarder le lendemain matin par les petits camarades présidentiables. Résultat des courses : le programme adopté par le PS en 2006 est une fontaine d’eau tiède, dans laquelle toutes les questions qui fâchent ont été soigneusement évitées  ».

Thomas Piketty en tirait une conclusion qui fut débattue entre les fondateurs de Terra Nova quelques mois plus tard, débat duquel allait être tirée l’idée de primaires ouvertes et précoces. Voici sa conclusion :

«  La priorité aujourd’hui est de tout faire pour éviter cette erreur en 2007–2012. Il faut qu’avant de la fin de l’année 2007 ait lieu, sous une forme ou sous une autre, un vote des militants (éventuellement élargi aux sympathisants), auquel se soumettront tous ceux qui aspirent à mener le projet socialiste, et qui permettra de désigner un leader incontesté jusqu’en 2012.  » [3]

Il faut rappeler que, dans le premier rapport de Terra Nova sur le sujet, c’est cette idée d’une primaire précoce qui était mise en avant, non comme la plus audacieuse ou la meilleure, mais comme la plus réaliste. C’est ce que les auteurs du rapport appelaient la « Primaire de type parlementaire », solution alors jugée la plus en phase avec le fonctionnement du Parti socialiste, et plus à même de laisser au Parti un temps libéré des enjeux de leadership dans lequel il aurait pu se consacrer à l’élaboration du programme du candidat [4] .

C’est finalement l’option de la primaire présidentielle de type américain qui fut retenue. S’agissant du leadership, elle a clairement permis de sortir de l’impasse stratégique en désignant un représentant légitime et respecté. S’agissant des idées, elle a permis d’engager le débat programmatique, mais nullement de le clore (voir infra 2.1.).

1.2 – Un succès démocratique

La primaire de 2011 a été un indéniable succès démocratique. Elle a mobilisé 2,7 millions de citoyens au premier tour et près de 3 millions au second. Le Parti socialiste a réussi à mobiliser près d’un tiers de son électorat de référence à cette occasion [5] . Des citoyens désireux de ne pas se laisser imposer leur représentant dans la compétition présidentielle par des jeux d’appareil se sont rendus en masse dans les quelque 10 000 bureaux de vote ouverts à cette occasion partout sur le territoire. Plus de 700 000 votants ont également accepté de laisser leur adresse mail pour rester en lien avec le parti au-delà du scrutin.

La campagne des primaires a également entraîné un moment d’effervescence civique, voire de « jubilation participative » pour reprendre les mots de Marc Lazar [6] . Témoin, les débats télévisés contradictoires entre les candidats qui ont donné lieu à des audiences remarquables. Pour mémoire, le premier débat des six candidats à la primaire diffusé le 15 septembre 2011 sur France 2 a été suivi par 4,9 millions de téléspectateurs. Le dernier, diffusé avant le second tour le 12 octobre 2011 et opposant les deux finalistes, a réuni 5,9 millions de téléspectateurs. En tout, il y eut quatre débats contradictoires entre les candidats, soit plus que pour une présidentielle. La primaire a ainsi permis de concentrer les médias sur les débats de la gauche pendant sept semaines [7] , captant fortement l’attention publique et faisant une démonstration de modernité démocratique.

De même, alors qu’on pouvait craindre que la primaire démotive les militants du Parti socialiste en les dépossédant du pouvoir de désigner eux-mêmes leur représentant à la présidentielle, elle les a fortement mobilisés et ils y ont trouvé un motif de fierté, une image de modernité et des raisons supplémentaires de croire à la victoire après dix ans de gouvernements de droite.

Ce succès démocratique doit cependant être relativisé. D’abord parce que, comme le suggèrent les enquêtes disponibles, la primaire a inégalement intéressé les différentes catégories de la population et les différents territoires. Les catégories populaires et les jeunes en particulier se sont montrés peu sensibles à cette invitation, contrairement aux populations plus âgées et plus diplômées, selon une étude réalisée par Jérôme Fourquet en 2011 [8] . Les départements fortement urbanisés et de fortes implantations militantes socialistes ont davantage participé que les zones plus rurales et les banlieues populaires.

Ensuite parce que ce succès doit aussi aux circonstances dans lesquelles l’exercice a eu lieu. Si Dominique Strauss-Kahn avait été candidat, porté comme il semblait devoir l’être par des sondages très prometteurs, il est probable qu’aurait prévalu le scénario d’une primaire de « ratification » (moins de candidats, moins d’enjeux, moins de débats et peut-être un seul tour…), plus proche en somme de ce qui s’était produit lors de la primaire « fermée » de 2006. Par ailleurs, le succès de mobilisation autour de la primaire doit beaucoup aussi au fait que la gauche sortait de dix années d’opposition et que la personnalité du président sortant était un puissant intégrateur négatif parmi les sympathisants de gauche. Les circonstances politiques de l’automne 2011 étaient donc, à tous égards, très favorables.

Il reste cependant que l’expérience de 2011 s’inscrit dans un mouvement plus large de démocratisation des partis politiques qui touche beaucoup d’autres pays et qui tend à disqualifier les formes de sélection traditionnelles des candidats aux élections les plus importantes pour leur substituer la légitimité procédurale de scrutins ouverts. Outre les Etats-Unis (où la pratique des primaires a plus de cent ans, même si elle ne s’est généralisée que dans les années 1960–1970), on peut mentionner l’Italie, la Grèce et le Portugal en Europe, l’Argentine et le Mexique en Amérique latine, ou encore le Québec et la Turquie tout récemment…

1.3 – Une légitimité incontestable

La primaire citoyenne de 2011 a doté le vainqueur d’une légitimité incontestable et incontestée. D’abord dans l’opinion publique : elle a permis d’opposer à ceux qui mettaient en cause le manque d’expérience du candidat socialiste (qui n’avait siégé dans aucun gouvernement) le poids de très nombreux suffrages. Agissant comme une petite élection au suffrage universel, elle a donné au candidat une légitimité populaire d’entrant, lui permettant de mieux affronter la légitimité institutionnelle du sortant.

Mais elle a d’abord permis de l’imposer dans son propre camp : l’autorité d’un scrutin ouvert, l’acceptation des règles du jeu par l’ensemble des compétiteurs et l’expression par tous de la volonté de rassemblement ont désamorcé la « machine à perdre » en faisant taire les éventuelles tentations dissidentes des rivaux. L’onction d’un corps électoral infiniment plus large que celui des primaires partisanes de 2006 – où l’on compta environ 260 000 électeurs – a dissuadé les expressions critiques qui avaient nui à la candidature de Ségolène Royal en 2007. L’élection ayant eu lieu au suffrage universel des sympathisants en 2011, l’illégitimité du vote pouvait difficilement être invoquée par des candidats prétendant concourir ensuite au suffrage universel à la présidentielle.

La procédure a également permis de contenir les divisions de la campagne. L’engagement préalable de tous les candidats à soutenir celui qui sortirait vainqueur des urnes a créé les conditions psychologiques de rassemblement dès le début de la compétition, ainsi qu’un fort risque de réputation pour quiconque se serait aventuré à renier sa parole. Et la convention d’investiture qui a clôturé le processus, en mettant en scène le rassemblement de tous autour du vainqueur, a permis la reconnaissance officielle du vainqueur par les vaincus et de la qualité des vaincus par le vainqueur.

Certes, là encore, les circonstances et les contextes personnels ont été plutôt favorables au bon déroulement des opérations : les prétendants au leadership de 2002 ou 2007 étaient ou éliminés d’avance ou en retrait. Mais toujours est-il que les socialistes ont pu aborder la dernière ligne droite unis derrière leur représentant. La primaire a donné à ce dernier l’élan nécessaire pour aborder la compétition finale dans les meilleures conditions (voir infra 1.6.).

1.4 – Une délibération de qualité

La primaire ne s’est pas soldée par le couronnement de la « sondocratie » et de la démocratie d’opinion, contrairement à ce que certains redoutaient. Les sondages ont certainement aidé François Hollande dans sa course à l’investiture, mais ils sont loin d’avoir autant pesé qu’en 2006. En effet, en 2011, les scores du second tour n’ont pas conduit à un plébiscite aussi massif de celui qui avait le plus de chances de l’emporter selon les enquêtes d’opinion. Avec 39 % des voix au premier tour (contre 30 % à Martine Aubry) et 56,6 % au second tour, la victoire de François Hollande a été nette, mais beaucoup moins écrasante que celle de Ségolène Royal en 2006. Poussée alors par des sondages très favorables, la candidate avait raflé plus de 60 % des voix dès le premier tour et littéralement « tué le match ». Preuve en est que les électeurs sympathisants ne sont pas plus sensibles (le seraient-ils moins ?) aux sirènes de la démocratie d’opinion que les adhérents du parti [9] .

La primaire a également donné lieu à une délibération publique d’une qualité supérieure à ce qu’avaient connu les électeurs socialistes dans le passé. Comme le notait un journaliste de Libération, « le PS qui avait habitué les Français à l’inverse, a offert le visage d’une formation capable de débattre sans se battre » [10] . La primaire ouverte a permis aux débats d’idées sur des thèmes comme le « Care », la « démondialisation » ou le « sérieux budgétaire » de trouver place dans les médias et les meetings. Sur la mondialisation en particulier, les divergences de vues entre les candidats ont été très claires, d’Arnaud Montebourg, chantre de la « démondialisation », à Manuel Valls, refusant tout geste qui pourrait être vu comme un « repli sur soi », en passant par Martine Aubry, favorable au « juste échange » théorisé par le parti qu’elle dirigeait alors. L’immigration a également été source de débats de position : Manuel Valls avait évoqué l’idée de quotas migratoires par besoin et par pays, alors qu’Arnaud Montebourg avait appelé une régularisation massive des sans papiers vivant en France. Et les débats de l’entre-deux tours ont également été vifs et âpres, même s’ils n’ont jamais dérapé.

A titre de comparaison, il faut se souvenir de ce qui s’était passé en 2006 où les trois candidats d’alors – Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius – avaient interdiction de s’interpeller dans les débats télévisés. En 2011, la primaire a au contraire permis à des lignes politiques divergentes de se confronter, engageant un débat d’idées qui n’avait pas été aussi ouvert depuis longtemps entre socialistes. L’exercice n’a certes pas dissipé toutes les ambiguïtés programmatiques et idéologiques des uns et des autres, mais il a conduit à valider clairement la ligne générale de François Hollande qui était une ligne modérée si on la compare à celles que pouvaient incarner alors Arnaud Montebourg ou Manuel Valls. Certains pourront juger qu’elle n’était pas assez claire, mais il est difficile d’en faire procès à la procédure des primaires elle-même. Matteo Renzi en Italie a remporté les primaires pour la désignation du secrétaire du parti sur une ligne beaucoup plus claire et affirmée : cela dépend moins finalement de la procédure elle-même que de la manière de l’investir et de l’utiliser.

1.5 – Une prouesse logistique

Le Parti socialiste a réussi à organiser un scrutin loyal et irréprochable sur l’ensemble du territoire. Ce qui n’était pas une mince affaire dans le contexte de l’époque (l’ombre des manœuvres du congrès de Reims pesait encore sur le parti) et compte tenu du défi logistique que cela représentait (près de 10 000 bureaux de vote ont été installés à travers le pays).

Le fait qu’aucune contestation de nature à entacher la validité du scrutin n’ait vu le jour est en soi un résultat remarquable compte tenu de la nouveauté et de la difficulté de l’exercice. Les adversaires de la primaire promettaient pourtant de graves soucis sur ce terrain. Jean-François Copé mettait notamment en avant le risque de « fichage » des employés municipaux à cette occasion. Des juristes craignaient que le Parti socialiste ne s’engage dans un long parcours contentieux et que le navire des primaires ne se fracasse finalement sur une opposition du Conseil d’Etat ou du Conseil constitutionnel. Il n’en a rien été.

On peut d’ailleurs se demander si l’UMP, déchirée par ses guerres intestines depuis plus de deux ans, sera vraiment capable d’en faire autant. Côté socialiste, la gestation des primaires s’était accompagnée d’un long travail de réflexion et d’étude, à l’initiative de Terra Nova, puis à l’initiative du Parti socialiste lui-même [11] . L’UMP n’a pas réellement suivi le même chemin de maturation, se contentant pour l’essentiel de calquer l’expérience de 2011. Or cela risque de ne pas suffire. Car l’intérêt de la droite, qui plus est dans un contexte de tripartition du paysage politique, est de réaliser une primaire de coalition et non seulement une primaire de parti. Et pour cela, le cadre de 2011 n’est pas nécessairement le meilleur, comme on le verra.

1.6 – « L’effet primaire »

Au total, la primaire ouverte de 2011 s’est avérée une expérience très positive pour ceux qui en ont pris l’initiative. Sa contribution à la victoire du candidat Hollande ne peut être rigoureusement mesurée, mais elle est difficilement contestable. Il faut se souvenir qu’à la sortie de la primaire, les intentions de vote en faveur de François Hollande enregistrent une progression spectaculaire. Le candidat socialiste a bénéficié d’un véritable « effet primaire » que le journaliste Claude Weill résumait ainsi :

«  Sept points gagnés en un mois : ainsi peut-on qualifier l’effet primaire dont bénéficie (temporairement ?) François Hollande, selon la dernière vague du baromètre CSA. Le désormais candidat unique des socialiste recueille 35 % des intentions de vote à la présidentielle (« si le premier tour avait lieu dimanche prochain »), contre 28 % dans l’enquête précédente (19 et 20 septembre). Il grignote à la fois sur sa gauche (Mélenchon et Joly perdent chacun un point), et au centre, où il récupère une bonne partie des déçus de Villepin (-3) et des orphelins de Borloo (5 % en septembre). […] « L’effet primaire » joue également à plein au second tour, où François Hollande obtient un score de maréchal, avec 62 % des intentions de vote contre 38 % à Nicolas Sarkozy  » [12]

Si la primaire n’a pas permis au candidat de suivre une pente ascendante au cours des 6 à 7 mois qu’il avait encore à parcourir jusqu’à la présidentielle, elle l’a porté à un niveau très élevé et l’a probablement protégé d’une partie de l’érosion habituelle des favoris.

Cet «  effet primaire » n’est pas un cas isolé. Des études ont montré qu’en Amérique latine, par exemple, le bonus électoral d’un candidat à l’élection présidentielle désigné à travers des primaires est estimé de 4 à 6 % des suffrages [13] . D’autres travaux consacrés aux primaires aux Etats-Unis arrivent à des conclusions plus nuancées et peuvent à l’inverse faire apparaître une primary penalty quand la primaire est biaisée par une surmobilisation de militants radicaux ou quand elle conduit à l’affaiblissement financier du candidat. Mais le premier phénomène n’a pas été constaté pour le moment en France. Quant au second, il tient au contexte et à l’organisation des campagnes américaines, qui est assez différente de ce que l’on connaît en France.

2 – PLUSIEURS DIFFICULTES ET QUELQUES EFFETS INATTENDUS

L’expérience de 2011 est également porteuse d’autres enseignements qui révèlent des effets inattendus ou soulèvent certaines difficultés. Effets et difficultés qui étaient sans doute moins apparentes en 2012, lors du premier bilan réalisé par Terra Nova, ou moins aisées à formuler.

2.1 – La primaire accroît-elle la personnalisation de la vie politique ?

Selon certains observateurs, la primaire de 2011 aurait accru la personnalisation de la vie politique. Selon eux, cette méthode aurait alimenté la focalisation croissante du débat politique sur les personnes au détriment des idées et des propositions. Est-ce vraiment le cas ?

La campagne des primaires, on l’a dit, a donné lieu à des débats riches et dignes. Elle a donc été assez éloignée d’un simple concours d’ego ou de « vaches limousines » pour reprendre le mot d’Arnaud Montebourg. Mais il est naïf de penser que le jeu politique pourrait prendre des formes parfaitement désincarnées. La réalité est que les affrontements personnels ne datent pas d’hier dans l’histoire même du Parti socialiste et qu’ils n’ont pas attendu la primaire pour s’affirmer. On peut au moins les faire remonter aux années 1970 avec l’opposition entre François Mitterrand et Michel Rocard. En outre, cette personnalisation des débats à gauche fut particulièrement marquée dans les années qui précédèrent les primaires de 2011. On peut même considérer que le jeu des ambitions personnelles bloqua longtemps le débat d’idées à l’intérieur du parti dans la première moitié des années 2000, comme le notait Thomas Piketty en 2007 [14] .

On peut ajouter à cela des facteurs qui jouent sur l’ensemble des formations politiques, en France comme dans beaucoup d’autres démocraties modernes. L’omniprésence des médias, le développement de l’information en continue et des réseaux sociaux ont ainsi beaucoup contribué à la personnalisation du débat politique. Y compris dans des régimes parlementaires comme l’Allemagne où la personnalité de Merkel joue un rôle éminent et fortement valorisé dans l’espace public.

La primaire de 2011 ne peut donc être tenue pour responsable d’une évolution qui la précède et la dépasse très largement. On pourrait même dire qu’elle a permis de concilier deux tendances contradictoires des démocraties contemporaines : d’une part, la personnalisation croissante de la vie publique, de l’autre, une demande elle-même croissante de participation aux choix les plus décisifs (en l’occurrence, la désignation du candidat à l’élection la plus déterminante). Elle a également permis de civiliser l’affrontement des ambitions personnelles en lui imposant des règles et en organisant l’échange des arguments. Elle a enfin ouvert la compétition à des candidats qui, sans elle, n’auraient eu que peu de chances d’émerger. Cette dernière dimension avait été bien repérée par le député UMP Bernard Debré à la veille du scrutin de 2011 : il y voyait, non pas une institutionnalisation du « combat des chefs », mais au contraire l’occasion de se débarrasser de « la culture du chef », si présente dans l’histoire de la droite [15] . Autrement dit, le moyen d’ouvrir la porte aux outsiders et au renouvellement, plutôt que d’entretenir les positions des personnalités établies.

De fait, les primaires ouvrent le jeu, créent le débat, et conduisent à substituer une légitimité de type procédural à une légitimité dite « naturelle ». Et la première est finalement bien souvent d’une nature plus collective que la seconde…

L’argument de la personnalisation peut cependant renvoyer à un autre phénomène, à savoir la plus grande autonomie donnée au candidat par rapport aux idées de sa formation politique d’origine. En choisissant la procédure de la primaire et en dépossédant le corps militant du pouvoir de désigner lui-même le candidat, le PS aurait renoncé à la possibilité d’imposer ses idées et son programme à ce même candidat. Du même coup, elle lui aurait permis de s’affranchir rapidement des propositions du parti et de « jouer perso ».

De fait, le vainqueur de la primaire a pris assez rapidement quelques distances avec le programme présidentiel qu’avaient préparé les militants socialistes [16] . Témoin, les écarts entre le projet du PS publié en avril 2011 et les 60 engagements de François Hollande publiés dix mois plus tard, en janvier 2012, en particulier en matière de politique économique. Où le PS visait 2017 pour ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB, François Hollande visait 2013 et l’équilibre budgétaire en 2017. La trajectoire proposée par le candidat Hollande était donc beaucoup plus volontariste en termes de discipline budgétaire que celle défendue rue de Solférino, et elle donnait donc d’autant moins de marges de manœuvre pour la suite. Derrière ces chiffres se cachait également une importante différence d’appréciation, non seulement sur l’évolution de la conjoncture économique, mais également sur des dossiers aussi stratégiques que le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) que la gauche du parti aurait aimé voir renégocier avec Bruxelles.

Le PS ne contrôlait pas davantage les prises de position des autres candidats à la primaire. D’un Manuel Valls qui s’était prononcé en faveur de la « TVA sociale » à un Arnaud Montebourg qui plaidait pour la « démondialisation », l’attachement des candidats au programme du parti était à géométrie très variable. Seule l’ex-Première secrétaire du PS, temporairement en retrait de ses fonctions au sein du parti, Martine Aubry, s’approchait du rôle de « gardienne du temple » – et encore, cela ne l’empêchait pas de casser le consensus sur certains sujets comme l’augmentation du budget de la culture, par exemple. Au total, la primaire ne fut pas un simple concours entre des candidats défendant les positions communes du Parti socialiste, mais une bataille d’idées, de positions et de récits assez clairement divergents.

Les orientations et les arbitrages programmatiques ont donc en partie échappé au Parti, c’est un fait. Mais cette perte de maîtrise du parti ne s’est pas accompagnée d’un appauvrissement du débat d’idées. Et surtout, cette situation n’est pas totalement nouvelle. En 2006, Ségolène Royal, lors des primaires internes, s’en était prise au programme du parti qui, selon elle, ne devait pas être considéré comme un « petit livre rouge ». En 2002, le candidat désigné du Parti socialiste, Lionel Jospin, pouvait expliquer que son programme était « moderne, mais pas socialiste »… En 1981 même, les « 110 propositions » du candidat François Mitterrand n’étaient pas l’œuvre directe du Parti socialiste dont il était pourtant le Premier secrétaire, même si elles s’écartaient fort peu de ses idées. Cette mise à distance du parti est une première étape, presque obligée (du moins dans notre système politique), d’émancipation et de présidentialisation. Elle n’est que secondairement le fruit du mode de désignation du candidat.

Cet éloignement à l’égard des propositions du parti, constaté pendant la primaire puis pendant la campagne présidentielle, est encore plus marquant si l’on s’intéresse à la ligne politique qui a été défendue par la suite, dans l’exercice même du mandat présidentiel. La politique de compétitivité qui a été mise en place à partir de 2013 et le moment de clarification social-démocrate de janvier 2014 n’étaient pas à l’agenda du programme socialiste d’avril 2011, c’est un fait. Mais, là encore, il est difficile d’en imputer la responsabilité au mode de désignation du candidat à la présidentielle. Le « tournant de la rigueur » n’était pas non plus prévu dans les 110 propositions de François Mitterrand en 1981, et pourtant François Mitterrand n’avait pas été « libéré » de ses attaches au parti par une primaire ouverte. Ce type de réorientation politique en cours de mandat tient à d’autres facteurs, parmi lesquels on peut mentionner, non seulement une forte incitation institutionnelle à entretenir certaines ambiguïtés pour rassembler son camp à l’approche du scrutin présidentiel, mais aussi, de façon plus prosaïque, des erreurs d’appréciation sur l’évolution de la conjoncture macro-économique.

Au total, la primaire n’a pas accru la personnalisation de la vie politique au sens premier du terme. Elle n’a pas non plus entravé le débat d’idées entre socialistes, au contraire. Mais elle a inévitablement introduit davantage de jeu entre les positions des candidats et celles défendues par le parti. En pratique, la primaire n’est pas seulement une procédure d’arbitrage entre plusieurs personnalités : elle devient aussi un rouage supplémentaire du processus par lequel se développent les grandes lignes d’un programme que le vainqueur sera appelé à préciser par la suite. Mais, du même coup, ce processus pose question sur l’évolution du parti.

2.2 – Quel rôle pour le parti après les primaires ?

Qu’elle l’ait affaibli ou renforcé, la primaire de 2011 a en tout cas mis en évidence la nécessité de repenser le rôle du parti. Classiquement, à gauche, les partis se concevaient comme les lieux d’une synthèse entre un corps militant (capable de capter les attentes de la société et d’y être suffisamment enraciné pour y propager ses idées), un programme de gouvernement (cohérent avec les attentes sociales et les aspirations idéologiques de l’organisation) et une stratégie d’accès au pouvoir (passant par la désignation des candidats aux élections et permettant l’exécution du programme une fois aux affaires).

Ce n’est pas faire injure aux partis que de constater qu’ils sont désormais assez éloignés de cet idéal et qu’ils n’ont pas attendu les primaires pour le voir dépérir. Leur base militante est presque totalement absente de certains territoires et de certaines catégories sociales. Leur capacité à produire des idées et à élaborer une ligne cohérente peut légitimement faire débat. Et la stratégie d’accès au pouvoir sous la Ve République, plus encore depuis l’alignement des mandats présidentiel et législatif, passe par leur capacité à faire émerger un leader à qui le suffrage universel direct, s’il est élu, permettra, voire commandera de s’affranchir des consignes du parti…

Dans le même temps, les fonctions hier assumées par les partis ont été en partie prises en charge par d’autres acteurs : les attentes sociales s’expriment autant voire davantage par la voix des associations, des syndicats et des organisations non gouvernementales, et les idées nouvelles voient le jour aussi bien dans les think tanks et autres cercles de réflexion que dans le sein du parti… Une nouvelle division du travail politique s’est ainsi développée, érodant le champ des anciens partis intégrés.

Plus largement, les partis sont confrontés à une évolution globale de la démocratie qui voit décliner les fidélités longues à une famille ou à une organisation. Comme l’écrivait Alain Bergounioux à la veille des primaires de 2011, « Le militantisme est loin d’avoir disparu (…) mais il se porte de plus en plus sur des causes spécifiques qui ne nécessitent pas d’appartenir à des organisations durables et généralistes » [17] .

La primaire de 2011 a à la fois accéléré ce processus d’éclatement de la « forme parti » et ouvert la voie à une profonde recomposition. Le Parti socialiste s’est en effet privé, avec la primaire, d’une prérogative stratégique : la désignation du représentant de la gauche à l’élection maîtresse de la Ve République. Ce faisant, il a également laissé une partie du débat programmatique lui échapper au profit des candidats eux-mêmes, comme on l’a vu précédemment. A cet égard, les primaires ont bel et bien consacré la fin d’une époque et il est peu probable que l’on revienne en arrière.

Mais, dans le même temps, les primaires ont montré le chemin d’une recomposition possible : celle d’un parti qui ne se pense plus comme une organisation fordiste totalement intégrée, mais comme un animateur généraliste et un agent de coordination. Les partis vont en effet rester absolument nécessaires dans le futur, ne serait-ce que pour coordonner les différents acteurs qui contribuent à la nouvelle division du travail politique, pour dépasser l’éclatement des causes spécifiques [18] et pour organiser les grands rendez-vous de la vie démocratique. Cela suppose que les partis s’ouvrent davantage aux apports extérieurs, qu’ils soient capables de drainer les propositions et les idées et d’organiser leur confrontation. Cela suppose aussi des militants plus formés, capables de structurer de vastes réseaux de sympathisants et de les mobiliser efficacement le moment venu.

La primaire de 2011 a donné un avant-goût de cette recomposition. Le problème est que, jusqu’ici, le Parti socialiste n’a pas su ou pas pu se réinventer sur cette base. Contrairement à ce qui avait été imaginé un temps, il a peu capitalisé sur la mobilisation des primaires : les presque trois millions de citoyens qui se sont mobilisés à cette occasion ne lui ont pas permis de doper ses effectifs ; même s’il faut manier avec une grande prudence les chiffres qui circulent à ce sujet [19] , ceux-ci traduisent plutôt une décrue. En 2006 non plus, il n’avait pas su capitaliser sur les adhésions à 20 euros de la primaire. Les quelques 700 000 mails de votants qui avaient accepté de laisser leurs coordonnées au moment du scrutin en 2011 ont été peu sollicités, à part quelquefois au niveau local. Bref, la primaire devait rassembler une armée de réserve pour le Parti socialiste, qui n’a jamais vraiment vu le jour. Le fait est qu’elle a constitué un temps fort de la mobilisation politique, mais pas tellement l’amorce d’une relation plus longue et plus structurée avec les sympathisants. A cela, il existe d’ailleurs aussi des causes indépendantes de la volonté du parti, notamment le fait que la CNIL lui a interdit de constituer et d’utiliser un fichier d’électeurs déclarés de gauche (les fichiers ont dû être détruits immédiatement après le vote) [20] . L’environnement réglementaire ne favorise pas l’évolution des formations politiques de ce point de vue.

Au fond, tout s’est passé comme si le parti avait stoppé son évolution au lendemain de l’élection présidentielle. Il s’est d’ailleurs peu efforcé de répliquer l’organisation de primaires dans les élections locales (à quelques exceptions près, notamment à Marseille et à la Rochelle) [21] et il ne s’est pas mis dans la dynamique nécessaire pour développer l’acquis des primaires présidentielles (mobilisation des sympathisants sur des causes spécifiques, management de communautés en ligne, pétitions, pédagogie virale, propositions, jeu à contretemps…).

2.3 – Le destin des perdants

Le but de la primaire était de désigner un leader légitime et incontesté, et ce but a été clairement atteint. Mais les perdants ne l’ont pas tous été de la même façon ni au même titre. La primaire a aussi fonctionné comme un formidable accélérateur dans la carrière de candidats qui n’étaient encore que des outsiders dans la hiérarchie socialiste.

Les perdants se sont en effet classés dans un certain ordre, mesurant leur popularité respective dans l’électorat des sympathisants et prenant ainsi leurs marques pour la suite. La deuxième place de Martine Aubry lui a ainsi conféré une position stratégique, rendant son silence ultérieur assourdissant et les rumeurs périodiques au sujet de son « retour » susceptibles de fédérer rapidement les mécontents de la majorité parlementaire. C’est également vrai de la troisième place d’Arnaud Montebourg, qui avait d’ailleurs joué un rôle prépondérant dans la mise en place des primaires en tant que secrétaire national à la rénovation du Parti.

L’opération a par ailleurs permis à des outsiders de se révéler aux yeux d’un public qui les connaissait relativement peu ou mal. Ce fut le cas en particulier de Manuel Valls qui, en dépit d’un score modeste (5.6 %), a fait démonstration de qualités politiques manifestes. Ces outsiders avaient en général peu d’ancrages historiques dans le Parti. C’était le cas encore une fois d’Arnaud Montebourg qui n’a jamais véritablement structuré un courant durable au sein du Parti, contrairement à des personnalités comme Benoît Hamon.

Ce côté « rampe de lancement » pour les outsiders a été bien noté par les promoteurs des primaires à l’UMP, comme le souligne Rémi Lefebvre : « Les primaires [y] ont reçu, comme au PS, le soutien d’outsiders dotés de faibles ressources collectives et militantes qui ont intérêt à bouger les lignes et subvertir les règles traditionnelles (Bruno Le Maire, Laurent Wauquiez, NKM, Xavier Bertrand…) ». Et un militant UMP d’expliciter : « Les primaires ont donné des idées aux dirigeants de l’UMP qui se disent ‘Valls, Montebourg… pourquoi pas moi ?’ Personne ne pensait qu’Hollande pouvait gagner. Ils se disent ‘au pire, je fais 5 ou 10 % et ensuite je suis incontournable’ » [22] . La visée n’est donc pas toujours la présidentielle elle-même, mais la manifestation d’un rapport de forces en vue de la composition d’un gouvernement futur.

Mais le résultat d’un candidat à la primaire prend sens aussi au regard de son parcours politique personnel. Les 5,6 % de Manuel Valls en 2011 sont un résultat intéressant pour celui qui est encore un outsider à ce moment-là. En revanche, les 7 % de Ségolène Royal sonnent comme un échec cinglant pour celle qui était la candidate des socialistes cinq ans plus tôt, même si cela ne l’empêchera pas de retrouver une place éminente dans l’exécutif quelques années plus tard.

Au final, juste avant le lancement de la campagne présidentielle, la primaire engage une redistribution des cartes qui repositionne les parcours politiques les uns par rapport aux autres. Tous ceux qui ont concouru à la primaire ont ainsi occupé ensuite une place singulière dans la majorité. Cet « effet de ranking » n’avait guère été anticipé par les promoteurs de la primaire en 2011. Celle-ci donne manifestement de la légitimité et donc de l’autorité au candidat désigné pour porter les couleurs de son camp, mais elle le lie aussi à ses challengers : ce sont des personnalités avec lesquelles il faut compter et composer par la suite. Avec le risque qu’un équipage trop nombreux, trop divers ou trop peu cadré ne conduise à de coûteux et complexes compromis dans l’exercice du pouvoir. C’est en tout cas une possibilité qui doit être prise en compte pour la suite. Ce n’est pas parce que la procédure de la primaire permet de gérer pacifiquement et efficacement les débats internes qu’elle les annule : elle hiérarchise les positions plus qu’elle ne les efface [23] .

2.4 – Faut-il organiser des primaires de coalition ?

Même si la question de l’ouverture des primaires est fortement liée aux contingences politiques du moment, on aurait pu imaginer une primaire plus ouverte, accueillant notamment le ou les candidats d’Europe Ecologie les Verts (EELV) – c’est d’ailleurs ce qu’avait souhaité Daniel Cohn-Bendit dans un premier temps. Il est à noter également que, dans sa contribution au congrès de Reims du Parti socialiste en 2008, François Hollande envisageait déjà une primaire élargie aux citoyens eux-mêmes et qui permette à un candidat commun de toute la gauche de gouvernement de se présenter au premier tour de l’élection présidentielle [24] .

Dans son premier rapport sur la question en août 2008, Terra Nova soulignait qu’ « une primaire pour toute la gauche, sur le modèle italien, serait utile. Elle aurait deux vertus. D’abord, une unification des partis de gauche, éloignant le spectre de l’élimination au premier tour de 2002. Ensuite, une mobilisation du « peuple de gauche » autour d’un candidat unique : cela réglerait le problème des reports de voix au second tour. » Mais les rapporteurs ajoutaient immédiatement : « Pour pertinente qu’elle soit, une telle primaire ne semble pourtant pas praticable en France. » En effet, l’élection présidentielle est un moment hyperbolique de la vie politique nationale. Pour de nombreuses formations politiques, le fait de présenter leur propre candidat à cette élection apparaît comme la condition sine qua non de leur existence, voire de leur survie politique, ainsi que la garantie d’un accès important aux médias. Et les rapporteurs de conclure : « Au fond, une primaire de toute la gauche n’a guère de sens en France car elle existe déjà, est efficace, parfaitement organisée et fortement médiatisée : il s’agit du premier tour de l’élection présidentielle ».

De fait, telle qu’elle s’est déroulée, la primaire de 2011 a été plus ouverte qu’en 2006, mais pas beaucoup plus « multicolore » : en dépit de la participation des radicaux de gauche, l’exercice a été essentiellement une compétition entre socialistes. Loin d’être une primaire de coalition, la primaire de 2011 est restée pour l’essentiel une primaire de parti. Faut-il le regretter ? Une plus grande ouverture aurait présenté des avantages, mais aussi quelques inconvénients qu’il ne faut pas négliger.

Parmi les avantages d’une primaire plus ouverte, bien sûr, une légitimité plus forte encore pour le candidat vainqueur et, sans doute en l’occurrence, une meilleure intégration des idées écologiques dans l’offre politique de la gauche de gouvernement. On peut imaginer également qu’une telle primaire de coalition aurait conduit le vainqueur à un score plus élevé au premier tour de l’élection présidentielle, enclenchant une dynamique plus puissante encore en vue du second tour, mais des réserves de voix plus modestes sur sa gauche.

Parmi les inconvénients, le risque qu’au premier tour de la présidentielle les électeurs écologistes ou du Front de Gauche se sentent moins appelés à voter pour un candidat issu des rangs du PS qu’ils ne l’auraient été par un candidat issu de « leur » formation politique : le « ratissage » des voix au premier tour en vue de leur « ramassage » au second, pour le dire dans le jargon des spécialistes de l’élection, fonctionnerait donc moins bien en cas de coalition. Autre inconvénient (sans doute plus grave que le précédent) : une primaire plus ouverte aux autres formations de la gauche risquerait d’être beaucoup plus conflictuelle dans les débats de campagne.

Au-delà des avantages et des inconvénients d’une primaire de coalition, celles-ci poserait des questions relativement inédites. Ainsi, la participation d’EELV ou de toute autre composante de la gauche ferait certainement des résultats de la primaire le critère des pactes d’alliance à suivre sur les élections législatives et sur les investitures… En 2011, le score du ou des candidats écologistes à une telle primaire de coalition aurait probablement mis les Verts dans une position moins avantageuse pour négocier les investitures ensuite avec le PS. Mais, comme on le verra, quelle que soit la forme de la primaire (de parti ou de coalition), il est certainement souhaitable que le lien soit plus étroit entre le résultat de l’élection et l’organisation des investitures législatives.

Toutes ces questions se posent aujourd’hui à l’UMP, avec une acuité d’autant plus grande que l’un des principaux candidats déclarés à la primaire, Alain Juppé, a clairement signifié son désir (et son intérêt) d’intégrer les centristes à l’exercice, et donc de mettre sur pied une véritable primaire de coalition… Dans ce cas, la primaire ne serait pas seulement un instrument procédural pour trancher la querelle de leadership au sein de l’UMP, mais aussi le levier du rassemblement de la droite de gouvernement. Une telle initiative présenterait un intérêt stratégique évident, mais elle soulèverait des difficultés programmatiques et idéologiques considérables, les idées du Centre se trouvant fort éloignées des positions du FN avec lequel la porosité de la droite de l’UMP va croissant…

L’évolution récente du paysage politique conduit cependant à réévaluer radicalement l’intérêt de primaires de coalition. La tripartition croissante de la vie politique nationale, du fait de la montée en puissance du Front national de Marine Le Pen, rend en effet cette option beaucoup plus intéressante que par le passé, quels que soient ses inconvénients. Il n’est pas sûr en effet que l’on puisse encore affirmer, comme le faisaient les auteurs du rapport de Terra Nova en 2008, que le premier tour de l’élection présidentielle soit la vraie primaire de la gauche, d’un côté, et de la droite, de l’autre. En réalité, avec un Front national au-dessus de 20 % des suffrages exprimés, le premier tour de l’élection présidentielle risque de devenir une « primaire républicaine », décidant de l’adversaire du Front national au second tour. Dans ce contexte, la dispersion des voix sur un trop grand nombre de candidats au premier tour est un risque létal pour les partis de gouvernement, de gauche comme de droite. A la lumière de ce contexte, des primaires plus ouvertes seraient un instrument de rassemblement souhaitable en vue d’une compétition où le scénario du 21 avril 2002 est devenu probable.

2.5 – Qui doit décider des investitures aux législatives ?

En 2011, le candidat investi par les primaires n’a pas pu véritablement prendre la main sur les investitures aux législatives. Celles-ci sont davantage restées sous le contrôle de la direction du parti et notamment de la candidate perdante au second tour, redevenue Première secrétaire du PS. C’est en effet le Bureau national issu du précédent Congrès, dirigé par Martine Aubry, qui a tranché les cas les plus sensibles et a plus généralement validé les investitures.

Encadré 1 – Les investitures législatives en 2011

Le 10 décembre 2011, le Parti socialiste a organisé sa convention nationale pour valider les candidatures. La Convention devait valider les investitures dans 438 circonscriptions (sur 577 sièges au total à l’Assemblée), une grosse centaine étant réservées aux partenaires de la majorité – une soixantaine pour Europe Écologie Les Verts, 35 pour le Parti radical de gauche, une dizaine pour d’autres partenaires.

Dans la plupart des cas, les candidats avaient été préalablement désignés par un vote des militants, les 1er et 2 décembre. Dans une trentaine de cas – les plus sensibles –, c’est le Bureau national du parti qui a directement tranché. Pour arbitrer ses choix, Martine Aubry, alors Première secrétaire, s’était fixée trois critères : diversité, parité et renouvellement.

Les arbitrages de l’instance dirigeante du parti ont cependant provoqué la colère de plusieurs élus et le choix des candidats dans certaines circonscriptions a posé problème. Ce fut par exemple le cas dans la 6e circonscription de Seine-Saint-Denis, la 1ère circonscription de Charente Maritime, la 9e circonscription des Français de l’étranger, la 1ère circonscription de la Somme, la 10e circonscription de l’Essonne… Dans chacune de ces circonscriptions et dans d’autres encore, les arbitrages ont été rendus sans que soient particulièrement pris en compte les résultats de la primaire et parfois à l’encontre même de ces résultats et sans que la décision soit jamais attribuée au candidat.

Un « contrat de mandature » a ainsi été signé entre le PS et EELV sous responsabilité conjointe de Martine Aubry et de Cécile Duflot dès le 15 novembre 2011. Un contrat assez avantageux pour les Verts puisqu’il leur réservait 60 circonscriptions et leur donnait de bonnes raisons d’espérer plus de 15 sièges, soit la possibilité de constituer un groupe parlementaire [25] .

Ce scénario pose un problème de respect du choix des électeurs de la primaire : en effet, ces derniers n’ont pas seulement choisi un candidat. Ils ont également choisi une ligne politique qui devait être portée, en cas de victoire, par le président, mais soutenue ensuite par une majorité parlementaire.

Ce comportement était contraire, enfin, à l’évolution qui aurait pu ou dû être celle du Parti socialiste. Il induisait une division du travail qui l’empêchait d’accepter pleinement la présidentialisation du régime induite par le quinquennat dès 2001.

3 – PROPOSITIONS ET PISTES DE REFLEXION

Plusieurs sujets de réflexion sont ouverts en vue de futures primaires citoyennes, que ce soit à gauche ou à droite.

3.1 – Faut-il ouvrir davantage la primaire ?

Dans le contexte d’une tripartition croissante de la vie politique nationale, la division des forces de gauche au premier tour de l’élection présidentielle peut être extrêmement coûteuse, voire fatale. De ce point de vue, des primaires plus ouvertes seraient un levier souhaitable de rassemblement de la gauche pour affronter l’élection dans les meilleures conditions.

La perspective d’une primaire de coalition « à l’italienne » pose cependant de nombreux problèmes. Deux d’entre eux sont particulièrement difficiles à résoudre : comment motiver les autres formations politiques de gauche pour participer à un tel exercice ? Et comment gérer une primaire qui risque de mettre de nombreux candidats sur les rangs ? La deuxième question sera traitée plus loin (voir infra 3.2. et 3.3.). Concentrons-nous ici sur la première.

Pour motiver les autres formations politiques, à commencer par le Front de gauche et Europe Ecologie les Verts, la question des investitures législatives est certainement décisive. De ce point de vue, il n’est sans doute pas souhaitable de reproduire à l’avenir le scénario de 2011 où les Verts ont pu refuser d’entrer dans la primaire, tout en négociant un accord d’investitures très avantageux longtemps avant la présidentielle de manière à ne pas jouer leur destin législatif dans une négociation d’entre-deux tours sur la base de leurs résultats au premier tour de l’élection.

Autrement dit, si l’on veut favoriser une primaire plus ouverte, il faut conditionner des accords d’investiture précoces à la participation à la primaire et, éventuellement, faire des résultats à cette primaire la base de négociation des investitures ou de la composition de la commission qui y préside . Il ne s’agit pas ici de préfigurer une majorité parlementaire monochrome, mais d’introduire une plus grande cohérence entre la stratégie présidentielle et la stratégie législative – ce que commande l’esprit des institutions, qu’on les juge positivement ou pas. Charger les primaires d’un tel enjeu serait d’ailleurs une forte incitation pour les compétiteurs à mobiliser largement leurs sympathisants, augmentant du même coup la légitimité globale de l’exercice.

Dans le cas contraire (c’est-à-dire dans le cas où telle ou telle formation de gauche refuse de concourir à la primaire), les accords d’investiture devraient sans doute attendre l’élection présidentielle et l’étalonnage de l’audience électorale de chaque candidat au premier tour de ce scrutin [26] . Il n’est pas du tout certain que les formations concernées aient à y gagner.

Par ailleurs, il serait dans la logique et des institutions de la Ve République telles que nous les connaissons, et de la primaire présidentielle telle que nous la concevons, de confier au candidat victorieux le soin de nommer le président de la commission d’investiture, de réfléchir aux modalités de sa composition en cohérence et dans le respect de la diversité du parti et des résultats de la primaire. Ce choix clair tirerait toutes les conclusions de la présidentialisation croissante du régime (depuis le passage au quinquennat et l’inversion du calendrier électoral) et respecterait davantage la parole des électeurs.

Pour endiguer le second risque – le fait qu’un grand nombre de candidats se présentent sur la ligne de départ –, c’est à l’organisation et au mode de scrutin qu’il faut s’intéresser comme on va le voir à présent.

3.2 – Faut-il régionaliser le scrutin ?

Comment gérer une primaire qui risque de mettre de nombreux candidats sur les rangs ? Si l’on veut éviter un trop grand nombre de candidats ou limiter les effets de « ranking » de la primaire telle qu’elle s’est déroulée en 2011, notamment dans l’hypothèse d’une primaire de coalition par définition plus ouverte, on pourrait envisager un scrutin organisé en consultations régionales successives, sur le modèle de ce que font les deux grands partis américains outre-Atlantique. Il est à peu près certain que ceux qui obtiendraient les scores les plus faibles lors des deux ou trois premières consultations seraient fortement incités à retirer leur candidature et/ou à rejoindre la bannière de tel ou tel autre candidat. A l’arrivée, l’offre se concentrerait probablement assez vite autour des figures clés. La balkanisation de l’offre serait ainsi évitée, ainsi que les risques qui peuvent lui être attachés, à commencer par le risque d’un « 21 avril interne » (du fait d’un trop grand nombre de candidatures, un candidat susceptible de réaliser un large score au second tour est éliminé au premier…).

Il est à noter d’ailleurs que dans leur Rapport pour des primaires ouvertes et populaires , Arnaud Montebourg et Olivier Ferrand plaidaient initialement pour deux phases distinctes dans l’organisation du scrutin : une « phase d’éliminatoires » et une « phase de décision » [27] . Or la première devait prendre la forme d’un « marathon par élimination progressive » en trois votes organisés successivement dans différents territoires, sur la base de circonscriptions territoriales. Le but était de maintenir l’intérêt citoyen et médiatique et de ne qualifier pour la phase finale que les candidats ayant une chance réelle à la présidentielle. Les candidats auraient alors eu l’occasion de se forger une légitimité sur le terrain et pendant la primaire. Ensuite, les votes éliminatoires auraient pu se dérouler comme suit :

Le premier tour a lieu dans 10 départements limitrophes. Seuls les candidats ayant dépassé le seuil des 5 % des votants peuvent poursuivre la primaire ;

Le second tour a lieu dans 20 départements limitrophes. Seuls les candidats ayant dépassé le seuil des 10 % des votants peuvent poursuivre la primaire;

Enfin, le troisième tour a lieu dans les départements restants. Seuls les candidats ayant dépassé le seuil des 25 % des votants peuvent se présenter au premier tour de la primaire.

La phase finale consistait, elle, en l’organisation d’un scrutin uninominal à deux tours au plan national. Les candidats disposaient d’un mois pour faire campagne avant le premier tour. Les deux finalistes disposaient, eux, d’un mois supplémentaire avant le second tour. Pour être investi, le candidat à la présidentielle devait obtenir la majorité absolue des voix au plan national.

Cette solution, très lourde, n’a finalement pas été retenue. On lui a préféré des règles de parrainage des candidats suffisamment légères pour ne barrer le chemin à aucun candidat sérieux.

Naturellement, l’organisation d’une succession de consultations régionales ouvertes impliquerait que l’on renonce au scrutin uninominal à deux tours qui a finalement été retenu pour la primaire de 2011. Elle risque aussi d’introduire des biais différents selon que l’on commence par telle ou telle région : la dynamique qui se met en place peut varier sensiblement en fonction du scénario retenu. Les débats sur l’ordre et la géographie du vote sont ainsi un classique des primaires américaines depuis leurs origines [28] . C’est pourquoi, si l’on voulait retenir l’option d’une régionalisation du scrutin, il serait nécessaire de définir cinq ou six grandes régions, de manière à neutraliser au maximum les biais locaux liés à l’ordre des consultations.

Par ailleurs, si l’on en juge par l’expérience américaine, le premier scrutin local peut accorder au gagnant un avantage plus que proportionnel à ses résultats électoraux. Celui-ci peut bien n’avoir réalisé que 20 % des suffrages exprimés lors de la première consultation, cela suffira à attirer à lui l’argent, la publicité, les invitations, etc. Autrement dit, un infime pourcentage de la population lui donnera un élan démesuré.

Un tel scénario paraît donc difficilement envisageable en France. En outre, contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis, cette option ne pourrait pas s’appuyer sur l’héritage du fédéralisme [29] . Il semble plus prudent en conséquence de l’exclure.

3.3 – Faut-il modifier le mode de scrutin ?

On peut néanmoins tenter de résoudre la difficulté en modifiant le mode de scrutin. En 2011, le choix d’un scrutin majoritaire uninominal à deux tours consistait tout simplement à imiter le scrutin présidentiel lui-même, c’est-à-dire à transformer la primaire en une « petite présidentielle ». Parce qu’il est le plus commun et le plus traditionnel en France, ce mode de scrutin est spontanément le mieux accepté par le plus grand nombre.

Toutefois, comme on l’a déjà souligné, cette méthode ne présente pas que des avantages. Dans le cas d’un nombre élevé de candidats au premier tour, il pourrait très bien ne pas sélectionner les meilleurs candidats pour le second. C’est ce qui s’est passé à grande échelle le 21 avril 2002 : du fait d’une forte dispersion de l’offre et des voix, l’un des candidats susceptible de rassembler le plus grand nombre de suffrages au second tour s’est trouvé éliminé dès le premier, biaisant considérablement le choix finalement proposé aux Français. Comme le notaient Michel Balinski et Rida Laraki dans une note transmise au Parti socialiste en 2011 à quelques mois des primaires, « la présence de candidats purement stratégiques, n’ayant aucune chance d’être élus, a déterminé le gagnant : si C. Taubira n’avait pas été en lice, le second tour aurait opposé J. Chirac et L. Jospin ; et si Pasqua s’était présenté à la place de Chevènement, le second tour aurait pu voir L. Jospin affronter J.-M. Le Pen. Cela démontre que la présence de J.-M. Le Pen au second tour en 2002 résulte davantage du hasard des candidatures mineures que de la seule volonté des électeurs. » Et les auteurs de noter : « Des primaires aussi aléatoires sont tout à fait possibles ». En effet, ce genre de déconvenues peut très bien se produire à l’échelle d’une primaire, a fortiori si elle est plus ouverte qu’en 2011 et qu’elle appelle un plus grand nombre de candidats sur la ligne de départ.

Inversement, si la peur de nouveaux « 21 avril » grandit, l’encouragement au vote utile dès la primaire de coalition risque de dissuader les « petites »  formations de s’y engager. En effet, le scrutin majoritaire à deux tours ne rend pas la perspective d’une primaire de coalition très hospitalière à leurs yeux. Car elles savent qu’à ce jeu, une voix donnée à un « petit » candidat est une voix perdue pour un « grand » candidat. Dans l’hypothèse d’une forte pression au rassemblement, le résultat des « petites » formations risque donc d’être faussé à la baisse par le scrutin.

Enfin, l’intérêt de la primaire n’est pas de durcir les clivages entre des candidats qui vont devoir ensuite se rassembler autour du vainqueur. Or, comme on vient de le voir, le vote majoritaire est par construction binaire : donnant sa voix à l’un des candidats, chaque électeur la retire à tous les autres. La primaire étant une compétition entre des personnes ayant vocation à se rassembler et qui partagent a priori plus d’accords que de désaccords, il serait pertinent de privilégier des modes de scrutin plus « fins » et plus équitables.

Pour toutes ces raisons, il pourrait être envisagé de passer, pour les primaires, du vote majoritaire uninominal à deux tours au « jugement majoritaire » à un tour , tels que l’ont conçu Michel Balinski et Rida Laraki [30] . Le jugement majoritaire demande à chaque électeur d’évaluer tous les candidats au lieu d’en choisir un seul, comme cela se pratique traditionnellement. L’électeur serait, dans ce cas, invité non plus à donner sa voix à tel ou tel candidat (c’est-à-dire à la retirer à tous les autres), mais à juger chaque candidat en lui attribuant une mention : par exemple, la mention A pour un candidat jugé excellent, la mention B pour un candidat jugé très bon, et ainsi de suite jusqu’à une mention F pour les candidats jugés insuffisants ou « à rejeter ». Concrètement, dans le cadre d’une primaire de gauche, les électeurs seraient invités à répondre à la question : « Pour être le candidat à la présidence de la République de la gauche, je juge en conscience que ce candidat est : Excellent, Très bien, Bien, Assez Bien, Acceptable, Insuffisant ». Naturellement, le langage commun des mentions peut être décliné de différentes façons, mais le principe reste toujours le même : les électeurs sont invités à évaluer chaque candidat en lui attribuant une mention. En somme, l’électeur passe d’un choix d’adhésion univoque et exclusif à un rôle de juge évaluateur.

Au dépouillement, chaque candidat recevrait un certain pourcentage pour chaque mention : par exemple, 36 % des électeurs auraient accordé la mention « Bien » au candidat X. Pour départager les candidats, on déterminerait pour chacun d’eux sa « mention-majoritaire », c’est-à-dire la mention la plus élevée approuvée par une majorité des électeurs. Le gagnant serait celui ayant la mention-majoritaire la plus élevée. On trouvera ci-après un exemple fictif issu d’une expérimentation réalisée en 2011 auprès d’un public de 468 habitants d’Alfortville sur la base de la primaire ouverte de 2011.

Tableau 1 : Résultats d’une expérience conduite à Alfortville en 2011 auprès d’une population de 468 personnes

Très bien

Bien

Assez bien

Passable

Insuffisant

A rejeter

François Hollande

40,14 %

34,41 %

12,54 %

7,17 %

2,51 %

3,23 %

Martine Aubry

33,33 %

35,84 %

12,90 %

7,53 %

3,58 %

6,81 %

Arnaud Montebourg

12,19 %

28,32 %

23,66 %

13,98 %

11,83 %

10,04 %

Manuel Valls

10,75 %

17,56 %

27,24 %

16,49 %

12,19 %

15,77 %

Ségolène Royal

11,83 %

15,05 %

25,81 %

18,28 %

12,19 %

16,85 %

Jean-Michel Baylet

1,43 %

4,66 %

14,70 %

21,15 %

30,11 %

27,96 %

Résultats : La mention majoritaire de François Hollande est « Bien » car plus de 50 % des électeurs l’ont jugé au moins « Bien ». Sa mention majoritaire est en outre affectée d’un coefficient positif (Bien+ 40,14 %) car son pourcentage de mentions meilleures que « Bien » (40,14 %) est supérieur à son pourcentage de mentions moins bonnes que « Bien ». Par la même logique, Manuel Valls est affecté (Assez Bien– 44,45 %) car son pourcentage de mentions moins bonnes qu’« Assez Bien » (44,45 %) est supérieur à son pourcentage meilleures qu’ « Assez Bien ».

Sur ces mêmes bases, on arrive au classement suivant :

1) François Hollande : Bien + 40,14 % ; 2) Martine Aubry : Bien + 33,33 % ; 3) Arnaud Montebourg : Assez bien + 40,51 % ; 4) Manuel Valls : Assez Bien – 44,45 % ; 5) Ségolène Royal : Assez Bien – 47,32 % ; Jean-Michel Baylet : Insuffisant + 41,94 %.

La méthode du jugement majoritaire est particulièrement adaptée aux primaires, et singulièrement à la perspective de primaires de coalition, pour plusieurs raisons :

1) Tout électeur donne son opinion sur tous les candidats : il n’est plus question d’en choisir un et d’éliminer tous les autres. Ainsi, l’électeur n’est plus tenté de voter « utile » en sacrifiant ses convictions. Il peut toujours favoriser, s’il le souhaite, le candidat ayant le plus de chance de l’emporter en lui accordant une très bonne mention, mais cela ne l’empêche pas de donner également une bonne mention (voire la même) au candidat dont il se sent le plus proche. L’influence des sondages sur le scrutin s’en trouve du même coup limitée.

2) Pour la même raison, les « petits » partis n’ont plus à craindre la sanction du « vote utile ». Une primaire qui adopterait la méthode du jugement majoritaire permettrait ainsi de mettre en exergue leur véritable popularité dans le corps électoral des sympathisants.

3) Un vainqueur peut être élu avec la mention-majoritaire Bien+, mais des concurrents peuvent le talonner avec une mention-majoritaire Bien. Il n’y a donc plus ou peu de candidats de tendances ou de courants rejetés : le gagnant pourra être le meilleur parmi plusieurs candidats bien ou correctement jugés. Le scrutin consiste toujours naturellement – car c’est sa fonction – à distinguer les candidats, mais il produit des écarts potentiellement moins stigmatisants pour les perdants.

4) Il n’est plus possible pour des candidats mineurs ou stratégiques de fausser le résultat final : les pourcentages des mentions obtenus par un candidat ne dépendent pas de la présence ou de l’absence d’un autre candidat. La pluralité est assurée sans risque de faire perdre son camp.

5) Un tour suffit. Les déchirements potentiels de deux finalistes au second tour sont évités et avec eux, le trouble idéologique que peuvent introduire les ralliements stratégiques contre-nature entre les deux tours. En outre, les frais d’organisation du scrutin sont limités d’autant. A quoi on peut ajouter que « l’effet de ranking  » est atténué, sans que l’émergence d’outsiders soit entravée. En effet, le jugement majoritaire ne nuit pas nécessairement aux outsiders : les candidats les moins connus du public n’ont pas de raison particulière d’être bien ou mal notés. En ce sens, cette méthode n’accorde pas de prime particulière aux candidats les plus installés.

6) Parce qu’elle donnera à l’électeur la possibilité de s’exprimer pleinement, cette méthode d’élection est de nature à susciter un regain d’enthousiasme politique et donc une participation accrue.

Le jugement majoritaire peut cependant réduire la théâtralisation de la vie politique en érodant ses clivages et en adoucissant ses affrontements. Dans un tel scrutin, l’intérêt de chaque candidat est en effet d’être le plus rassembleur possible et de souscrire à une conception plus « consensualiste » de la démocratie. Mais, en même temps, n’est-ce pas une garantie intéressante pour une primaire, qui plus est si elle est ouverte à différentes familles politiques et si, en conséquence, sa conflictualité potentielle est élevée ?

Certains pourraient craindre cependant que ce mode de scrutin soit jugé trop compliqué par les électeurs. Le sondage réalisé en 2011 par Terra Nova et OpinionWay à l’occasion d’une expérimentation du jugement majoritaire pour l’élection présidentielle est de ce point de vue très instructif et assez largement contre-intuitif [31] . Il en ressort que ce mode de scrutin est en réalité très simple dans la pratique, et assez largement plébiscité ex post. 59 % des Français sondés ont ainsi « apprécié de voter avec le jugement majoritaire ». Surtout, ce fut particulièrement le cas dans les franges de l’électorat qui ressentent le plus vivement le malaise démocratique qui traverse la société française. Ainsi, non seulement 81 % des électeurs Front national ont apprécié cette façon de voter, mais 62 % ont préféré voter avec ce mode de scrutin qu’avec le scrutin traditionnel. Alors même que cette méthode de vote avait conduit à un très mauvais résultat pour Marine Le Pen, puisqu’elle se classait dernière, 55 % des sondés lui ayant accordé la plus mauvaise mention.

Disons-le enfin à ceux qui pourront douter trop vite de cette idée, et chez qui le scrutin majoritaire à deux tours n’élèverait aucun doute : ce n’est pas parce qu’elle est nouvelle qu’elle manque de sérieux et de pertinence. Le jugement majoritaire a été salué par la communauté scientifique, en particulier les Prix Nobel Kenneth Arrow, Robert Aumann et Eric Maskin. Et non sans raison : il répond à certaines des difficultés soulevées depuis deux cents ans par les réflexions de Condorcet, Borda ou Laplace dans la recherche d’un mode de scrutin à la fois équitable et efficace. En dehors de la sphère académique, cette méthode reçut il y a quelques années le soutien d’un esprit aussi aiguisé et averti de la chose électorale que le constitutionnaliste Guy Carcassonne.

Certes, cette proposition bouleverserait de longues habitudes. Mais le principe même d’élections primaires ouvertes bouleversait, lui aussi, beaucoup de vieilles habitudes en 2011 et il fut accueilli avec le même scepticisme conservateur par ceux qui le plébiscitent aujourd’hui, y compris à droite. Par ailleurs, le cadre des élections primaires n’étant pas encore figé par une longue pratique, elles offrent un terrain propice à l’adoption de méthodes innovantes.

3.3 – Comment faciliter l’organisation de primaires et la redéfinition des partis ?

Si l’on veut diffuser les bénéfices de la primaire à plus grande échelle – notamment en termes de mobilisation civique et de renouvellement des représentants –, il convient de faciliter la consultation des sympathisants à tous les niveaux d’élection. Jusqu’ici, les primaires locales ont été peu nombreuses et ont souvent été sous le contrôle de notables locaux qui les ont volontiers empêchées quand il n’était pas certain qu’elles leur soient favorables. Or, si leur généralisation à tous les niveaux paraît peu raisonnable, il faut faire en sorte qu’elles soient possibles partout et qu’elles ne dépendent pas du seul bon vouloir et des intérêts immédiats des élus en place.

C’est pourquoi le Parti socialiste pourrait ajouter à ses statuts un article indiquant que les élections primaires ouvertes doivent être une possibilité pour tous les niveaux d’élection, en précisant les conditions requises à chaque échelon pour qu’elles aient lieu . Afin d’éviter l’emprise des seuls insiders locaux, la décision finale pourrait revenir au Conseil national du parti [32] qui examinerait les requêtes formulées par des sections ou des candidats locaux, pourvu que celles-ci aient recueilli l’appui d’un certain nombre de militants et/ou d’un certain nombre de membres des instances fédérales ou nationales, ces différents seuils variant naturellement en fonction du type d’élection considéré. Le Conseil national pourrait ainsi déclencher des élections primaires en fonction, non pas tant des intérêts locaux de tel ou tel, mais en fonction du contexte politique et de l’intérêt général du parti. Une telle procédure serait de nature à renforcer le rôle du parti et des militants sans hypothéquer les chances de renouvellement des élus sur le terrain et en faisant vivre le lien entre militants et sympathisants.

Les élections législatives et présidentielle resteraient cependant en marge de ce dispositif. Nous reviendrons plus loin sur le cas de l’élection présidentielle (cf. ci-après 3.5.). Concernant les élections législatives, l’investiture des candidats pourraient passer par deux chemins. Le premier est celui de la commission des investitures dont il a été question plus haut (cf. ci-dessus 3.1.). Le second serait celui d’une primaire législative, comme il en existe aux Etats-Unis pour les candidats au Congrès. Toutefois, ce second chemin soulève au moins trois difficultés :

Dès lors que les élections législatives ont lieu dans la foulée de l’élection présidentielle, le temps manque pour organiser une primaire spécifique dans chaque circonscription et trouver le temps d’une campagne dédiée.

Des primaires locales dans chaque circonscription viendraient renforcer l’ancrage local des candidats, ce qui n’est peut-être pas souhaitable si l’on veut que les futur(e)s député(e)s se soucient d’abord et avant tout de l’intérêt national.

Pour les raisons évoquées plus haut (cf. ci-dessus 3.1.), il paraît souhaitable de lier plus fortement investiture présidentielle et investitures législatives. C’est en tout cas dans la logique d’un régime que l’adoption du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral a considérablement présidentialisé. Certains peuvent le regretter. Il n’en reste pas moins que c’est le cadre de référence qui s’impose à la réflexion stratégique des acteurs.

Il nous semble donc plus cohérent de renoncer à des primaires législatives. En revanche, une plus grande ouverture aux primaires locales (municipales, départementales…) donnerait du « grain à moudre » à un parti recentré sur l’organisation et l’animation du débat politique. Ce développement des primaires locales ponctuerait davantage la vie militante et densifierait le lien entre le parti et ses sympathisants. Le rôle des militants locaux comme celui du parti au niveau national s’en trouverait renforcé. Ce pourrait être également l’occasion de renouer avec les catégories populaires a priori les plus éloignées de ce type de procédures.

Par ailleurs, pour aider à leur repositionnement, il serait bon également que les partis soient autorisés à utiliser les fichiers d’électeurs au-delà de la primaire elle-même, moyennant des garanties à définir quant à la protection des libertés. Cela faciliterait grandement leur évolution vers un rôle d’organisateur et d’animateur du débat politique et démocratique. De nouveaux leviers de modernisation seraient ainsi à portée de main pour des organisations militantes qui risquent, dans le cas contraire, de rester au milieu du gué.

3.4 – Que faire en cas de président sortant ?

La question est aujourd’hui dans toutes les têtes : s’il voulait être candidat à sa succession en 2017, François Hollande devrait-il et pourrait-il passer par une nouvelle consultation des sympathisants de gauche dans le cadre d’une élection primaire ?

Dans le bilan réalisé « à chaud » en 2012 par Terra Nova, il était proposé de consulter les militants pour décider de suspendre ou de maintenir la primaire dans une telle circonstance. C’était l’objet de la Proposition n° 2 qui précisait : « Dans le cas d’un président sortant susceptible de se représenter, un vote militant sera organisé un an avant la présidentielle pour suspendre ou maintenir l’organisation de la primaire. »

Cette proposition comporte un aspect apparemment paradoxal en ce qu’elle redonne le pouvoir au corps militant : ce sont ceux-là mêmes que l’on a dépossédés de la faculté de désigner seuls le candidat, qui décideraient ou non de sa possible reconduction… Elle ignore aussi la légitimité institutionnelle du président sortant : si la primaire a vocation à désigner un leader, est-elle nécessaire dès lors que les institutions semblent désigner elles-mêmes ce leader ?

Cette position est pourtant bien proche de ce qu’induisent les statuts actuels du Parti socialiste. D’abord parce que le principe de la désignation du candidat à l’élection présidentielle par une primaire citoyenne y est désormais inscrit [33] . Ensuite parce que ces statuts pourraient certes être modifiés mais de deux façons seulement : soit à l’occasion d’un Congrès national ordinaire qui redonnerait la parole aux militants [34] , soit par une révision des statuts à l’occasion d’un référendum organisé auprès des adhérents.

L’enjeu politique le plus immédiat est donc de savoir quelle option le Parti socialiste pourrait retenir lors de son prochain Congrès en juin 2015. A priori, cinq possibilités s’offrent à lui :

Parler d’autre chose :

Ce n’est pas l’option la moins probable… Par souci de ne pas ouvrir la boîte de Pandore, le parti pourrait préférer ne pas en parler du tout. Cela reviendrait à prolonger l’indécision et, au cas où il n’y aurait pas de primaire en 2016, à « s’asseoir » sur ses statuts. Cette option, qui est la plus paresseuse mais, à court terme, peut-être la plus prudente, présenterait un défaut majeur : après avoir fait une démonstration de modernité et de transparence en 2011, le parti donnerait le sentiment que les règles du jeu sont de nature parfaitement circonstancielle. Or le mépris des partis pour leurs propres règles d’organisation fait partie des motifs de la défiance qu’ils inspirent aujourd’hui dans l’opinion : on y voit volontiers, à tort ou à raison, un indicateur de l’estime qui est la leur plus généralement pour la loi commune. De plus, ce genre d’arrangements avec la règle au moment où l’UMP s’apprête à organiser sa primaire risque d’inverser les polarités du progrès démocratique et de faire perdre son avantage au PS dans ce domaine.

Décider d’une exception pour 2017 :

Le Parti renoncerait alors à organiser une primaire pour cette échéance spécifique, mais pas pour les suivantes. Cette position vaudrait précédent et reviendrait à considérer que c’est au Congrès de suspendre ou de maintenir la primaire.

S’obliger statutairement à passer par un vote des militants en cas de président sortant :

C’est stricto sensu la proposition défendue par Terra Nova dans son rapport de 2012.

Supprimer la primaire de ses statuts :

Le Parti ferait sortir cette obligation de ses statuts, se redonnant ainsi toute liberté d’organiser ou pas des primaires dans le futur, selon les circonstances politiques.

Inscrire dans les statuts une dérogation structurelle pour le sortant candidat à sa réélection :

En cas de Président sortant socialiste désireux de se présenter, le Parti s’interdirait d’organiser une primaire. Cette option obligerait le PS à soutenir le Président sortant, quoi qu’il arrive.

Encadré 2 - La pratique américaine en cas de président sortant

L’idée est très répandue en France, selon laquelle, aux Etats-Unis, le président sortant au terme d’un premier mandat n’est pas tenu de passer par de nouvelles primaires pour candidater à sa propre succession. La réalité est assez différente. En effet, le candidat du parti démocrate ou du parti républicain est systématiquement désigné par un vote des délégués à la convention nationale du parti. Or ces délégués sont désignés par les élections primaires qui ont lieu dans les différents Etats. Autrement dit, les primaires sont systématiques, mais, dans le cas d’un président sortant, elles se résument le plus souvent à une simple formalité. Dans certains cas, toutefois, des candidats sérieux se mettent sur le chemin du sortant, notamment lorsque celui-ci est perçu comme affaibli. Gerald Ford vit ainsi Ronald Reagan s’opposer à lui en 1976. Lyndon Johnson finit même par renoncer à se représenter en 1968 après avoir perdu la primaire du New Hampshire (qui est traditionnellement la première).

Cette pratique de la primaire systématique prend toutefois un sens très différent dans un pays qui accorde en général un sérieux avantage au sortant. Comme le soulignent régulièrement les observateurs de la vie politique américaine, la première question en cas de président candidat à un deuxième mandat est de savoir s’il y a de bonnes raisons de se séparer de lui. Ce biais tient notamment à la relative brièveté du mandat présidentiel (quatre ans) aux Etats-Unis.

Une sixième solution pourrait consister à inscrire dans les statuts une dérogation structurelle pour le sortant (proposition 5) sauf si l’équivalent d’une « procédure de défiance » est activée. Celle-ci consisterait, par exemple, dans un vote des militants à la majorité des deux tiers, qui ne pourrait être organisé que sous des conditions assez exigeantes (réunir un nombre assez élevé de signatures d’élus, par exemple). Si cette défiance est obtenue, deux conséquences s’ensuivent : 1) le président sortant ne peut se représenter sous les couleurs du Parti socialiste, 2) une primaire est organisée dans les conditions prévues par les statuts pour déterminer le candidat du Parti.

Cette solution aurait l’avantage d’articuler les deux légitimités en présence. La première est celle qui est issue de l’histoire et de la fonction éminente occupée par le sortant. Le Président de la République, encore en exercice au moment de sa déclaration de candidature, est supposé être « au-dessus des partis » : il serait étrange et potentiellement contre-productif qu’il doive renouveler sa légitimité de façon aussi partisane si longtemps avant le scrutin. On pourrait craindre que l’exercice n’affaiblisse considérablement son autorité dans l’exercice de ses responsabilités durant les six ou huit derniers mois de son mandat, ce dont le pays et son image internationale pourrait avoir à souffrir. La seconde légitimité qui est en jeu est celle qui est issue du parti. Elle est évidemment d’un moindre niveau. Pour autant, le parti ne saurait être pris en otage par le sortant au seul motif qu’il est le vainqueur de la compétition précédente. Cela reviendrait en effet à mettre les moyens du parti au service d’un candidat, quand bien même celui-ci se serait radicalement détourné des valeurs et des aspirations du parti.

La solution du vote de défiance consisterait à exiger du corps militant qu’il fasse la démonstration qu’aux yeux d’une très grande majorité d’adhérents, le sortant ne correspond plus du tout aux idées et aux aspirations du Parti, en entourant ce choix, du fait de sa particulière gravité, de conditions de réalisation difficiles à réunir.

Cette sixième solution présente toutefois deux inconvénients majeurs qui la rendent quasiment impraticable. Le premier consiste dans ses effets politiques : on imagine les désordres et les risques de désunion qui pourraient naître de telles campagnes négatives, même si elles n’aboutissaient pas au résultat recherché. Le second tient plus simplement au calendrier : si le parti voulait avoir le temps d’organiser une primaire après ce vote de défiance, cette procédure devrait être déclenchée près d’un an avant l’élection présidentielle. Condamnant en pratique l’éventuelle candidature du Président sortant, elle aurait des conséquences gravement dommageables sur l’exercice de sa fonction dans la dernière année du quinquennat.

Cette difficulté de calendrier pèse d’ailleurs sur presque tous les scénarios. L’intérêt d’un Président sortant désireux de se succéder à lui-même est d’entrer en campagne le plus tard possible. Quatre présidents ont tenté de se faire réélire sous la Ve République, et ils se sont tous efforcés de faire des campagnes éclair (47 jours en moyenne entre leur entrée en campagne et le premier tour…) [35] . Or les primaires nécessitent davantage d’anticipation et ne peuvent être improvisées au dernier moment, ne serait-ce que pour des raisons logistiques.

Il ne faut pas perdre de vue cependant que, dans une situation de tripartition de la vie politique, le premier tour de l’élection présidentielle peut être fatal à ceux qui s’y présentent divisés. Pour le dire autrement, ce premier tour ne peut plus être conçu comme une primaire de gauche et une primaire de droite en attendant la confrontation finale de la droite et de la gauche au second tour. Or comment choisir le candidat commun de la gauche (ou de la droite) sinon en passant par une primaire de coalition ?

D’un côté, la tripartition de la vie politique pousse à organiser une primaire de rassemblement. De l’autre, l’intérêt d’un Président sortant, potentiellement candidat à sa succession, pousse à éviter l’épreuve de la primaire. A défaut de pouvoir trancher cette difficulté en général, il nous paraît sage d’adopter une septième option. Celle-ci consisterait à :

Maintenir le caractère systématique de la primaire présidentielle ouverte quand il n’y a pas de président sortant.

Rendre la primaire optionnelle dans le cas d’un Président sortant. En pratique, il reviendrait alors au parti d’apprécier son opportunité dans le cadre de son Conseil national.

Cette dernière option laisse ouverte une possibilité qui peut paraître délicate, mais qui ne doit pas être exclue : c’est que, conscient de la nécessité de réunir très largement son camp et formellement investi par les instances ordinaires de sa formation politique d’origine, le Président sortant prenne lui-même l’initiative d’appeler à une primaire de coalition à laquelle il se porterait candidat.

Ce choix nécessiterait cependant qu’il entre en campagne plus tôt que ses prédécesseurs dans la fonction. Il faut cependant faire observer que la plupart des prédécesseurs en question, à l’exception de Valery Giscard d’Estaing en 1981, n’étaient que des « demi-sortants », si l’on peut dire, car ils sortaient en réalité d’une situation de cohabitation (François Mitterrand en 1988, Jacques Chirac en 2002). Cette situation les plaçait dans une position plus confortable que leurs successeurs (Nicolas Sarkozy en 20012 et potentiellement François Hollande en 2017). Or, du fait de l’alignement des mandats présidentiel et législatif, cette situation risque de ne pas se reproduire avant longtemps. Et peut-être faut-il imaginer, de ce fait, des campagnes plus longues pour le sortant.

Pour théorique qu’elle paraisse aujourd’hui et en dépit des difficultés qu’elle soulève, cette option d’une primaire de coalition appelée par le sortant mérite réflexion. Comment satisfaire l’impératif croissant de rassemblement dans un contexte de tripartition de la vie politique sans en passer par cet exercice ? Accepter la perspective de candidatures multiples en 2017 reviendrait en tout cas à prendre un risque élevé d’éviction dès le premier tour.

Conclusion

Avec le recul, l’expérience des primaires ouvertes de 2011 s’affirme comme un tournant de la vie politique nationale : elle a fortement inscrit à l’agenda des formations politiques de droite et de gauche un nouveau mode de légitimation du candidat à l’élection présidentielle ; elle a ouvert un débat d’idées et des échanges respectueux au sein du parti ; elle a contribué au renouvellement du casting politique national en faisant monter des outsiders ; elle a mis en exergue la nécessité d’une redéfinition de la fonction des partis politiques ; elle a enfin souligné qu’une large partie de l’électorat est prête à se mobiliser pour peu qu’on l’invite à prendre part de façon sérieuse aux décisions qui comptent…

Pour toutes ces raisons, il importe d’étendre cette pratique et de l’inscrire dans la durée. C’est pourquoi nous pensons que les partis, à commencer par le Parti socialiste, devraient la rendre possible (mais non systématique) à tous les niveaux d’élection locale. C’est pourquoi aussi nous pensons qu’ils devraient systématiser la primaire pour l’élection présidentielle lorsque le président sortant n’est pas issu de leurs rangs ou que celui-ci ne souhaite pas se représenter.

Mais les primaires ouvertes risquent de se voir confier un nouveau rôle dans les temps qui viennent : non plus seulement celui de désigner le représentant d’une famille politique constituée comme ce fut le cas en 2011, mais celui de réunir des formations politiques à la fois proches et différentes dans un contexte marqué par la montée du Front national et la tripartition de la vie politique. A la fonction arbitrale de la primaire risque donc de s’ajouter une fonction fédérative qui invite à en redéfinir certains rouages. C’est pour tenir compte de cette situation qu’il nous semble opportun de modifier le mode de scrutin de la primaire ouverte et de substituer au scrutin majoritaire à deux tours la méthode du jugement majoritaire.

Enfin, la question du président sortant doit être réexaminée à la lumière de ce nouveau contexte. S’il nous paraît opportun de suspendre le caractère systématique de la primaire dans le parti dont le sortant est issu s’il souhaite se succéder à lui-même, la nécessité de rassembler au-delà de sa famille politique d’origine pourrait inciter celui-ci à appeler lui-même à une primaire de coalition.

  1. Le PS et l’UMP ont organisé neuf primaires ouvertes aux élections municipales de 2014.

  2. Florence Chaltiel , Harold Huwart , Marie-Laure Fages , Olivier Ferrand , Romain Prudent , « Les primaires : Une voie de modernisation pour la démocratie française. De l’expérience socialiste au renouveau citoyen », Terra Nova, novembre 2011.

  3. Thomas Piketty, « Plus jamais ça », Libération , jeudi 10 mai 2007.

  4. Olivier Duhamel et Olivier Ferrand, Pour une primaire à la française, Terra Nova, août 2008, pp. 81 et sq.

  5. Jérôme Fourquet, « Géographie électorale des primaires socialistes », disponible ici : http://www.ifop.com/media/pressdocument/392–1-document_file.pdf

  6. Marc Lazar, « Leçons italiennes pour primaires françaises », Slate.fr , 1er septembre 2009.

  7. S’appuyant sur les données du CSA, Rémi Lefebvre note que « le PS a bénéficié entre juillet et octobre 2011 d’un temps d’antenne en moyenne supérieur de 80 % à celui de la majorité. En septembre 2011, sur les chaînes d’information, le temps de parole de socialistes a été de l’ordre de 150 % supérieur à celui de la majorité ». Voir Rémi Lefebvre, « La conversion incertaine de l’UMP aux primaires. Effets de mimétisme, logiques endogènes et incertitudes statutaires », à paraître. Il est à noter que Rémi Lefebvre avait fait partie des voix les plus critiques sur le projet de primaires de 2011. Voir Rémi Lefebvre, Les primaires socialistes. La fin du parti militant , Paris, Raisons d’agir, 2011.

  8. http://www.ifop.com/media/pressdocument/392–1-document_file.pdf

  9. En 1995 déjà, lorsque le PS avait dû départager Henri Emmanuelli et Lionel Jospin dans la course à la candidature, il avait préféré Lionel Jospin, jugé plus capable de l’emporter, alors qu’il venait de plébisciter un an plus tôt Henri Emmanuelli au poste de Premier secrétaire au Congrès de Liévin.

  10. Libération , le 13 octobre 2011, cité par Rémi Lefebvre, « La conversion incertaine de l’UMP aux primaires… », article cité.

  11. La chronologie des travaux de la gauche sur la question des primaires témoigne de l’intensité de sa réflexion sur le sujet entre 2008 et 2011 : Olivier Duhamel et Olivier Ferrand, Pour une primaire à la française (25 août 2008) ; Olivier Ferrand et Arnaud Montebourg, From campaign to governance (30 mars 2009) ; Rapport (17/06/09) de la commission sur les primaires du Parti socialiste, Pour des primaires ouvertes et populaires (17 juin 2009) ; Olivier Ferrand et Arnaud Montebourg, Primaire : comment sauver la gauche ? (Seuil, août 2009) ; Arnaud Montebourg, Rapport d’orientation sur la rénovation du parti socialiste (28 mai 2010) ; Convention du Parti socialiste, La rénovation (3 juillet 2010).

  12. Claude Weill, « Hollande et l’effet primaire  », lenouvelobs.fr , 20 octobre 2011.

  13. John. M. Carey et John Polga-Hecimovich, «  Primary Elections and Candidate Strenght in Latin America », The Journal of Politics, 68, 3, 2006, pp. 530–543, cite par R. Lefebvre et D. Giannetti, « Adoption, institutionnalisation et diffusion des primaires ouvertes. Une approche comparée franco-italienne » (à paraître).

  14. Thomas Piketty, « Plus jamais ça », article cité.

  15. Déclaration citée par L’Humanité , 7 octobre 2011.

  16. Disponible ici : http://www.parti-socialiste.fr/static/projet2012_integrale.pdf

  17. Alain Bergounioux, « Primaires or not primaires ? », Pouvoirs , 3/2011 (n° 138), pp. 47–56.

  18. Les élections récentes aux États-Unis montrent que cet éclatement des causes spécifiques se poursuit outre-Atlantique et même qu’il s’accentue. Les groupes militants mobilisés sur telle ou telle cause « test » pèsent très lourd, notamment dans les primaires, tirant les candidats vers des prises de positions souvent éloignées des opinions majoritaires dans l’ensemble de la population qui est, en moyenne, très peu politisée. Cela contribue à une crise de confiance envers les élites politiques, et à l’impression qu’à Washington, plus personne ne parle pour les Américains ordinaires.

  19. Les chiffres concernant le nombre d’adhérents du PS sont toujours sujets à caution car une assez grande opacité règne sur ce sujet. Toutefois, fin 2012, au congrès de Toulouse, le PS revendiquait 173 486 adhérents contre 232 511 au congrès de Reims en 2008.

  20. Pour mémoire, le PS avait fait appel au ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, pour qu’il lui facilite la tâche pour récupérer les données sous forme de fichiers informatisés afin de pouvoir organiser la primaire. Ce dernier a accepté : il a demandé aux préfets, par voie de circulaire, que les listes électorales soient adressées rue de Solferino sous forme de fichier informatisé pour les villes de plus de 5.000 habitants. La CNIL s’était par ailleurs prononcée en juillet 2011 sur les conditions d’organisation des primaires du Parti Socialiste au regard de la protection des données à caractère personnel. Ensuite, jusqu’au 21 octobre, elle a contrôlé toutes les étapes du dispositif de vote des primaires pour vérifier leur conformité à la loi dite « informatique et libertés ». Des contrôles ont été réalisés à l’occasion de la destruction des listes papier utilisées lors de cette élection. La CNIL n’a pas relevé de manquement majeur. Durant le scrutin, les agents de la CNIL ont procédé à des contrôles afin d’évaluer les conditions de mises en œuvre des fichiers nécessaires aux opérations de vote.

  21. Rémi Lefebvre, « La diffusion des primaires ouvertes à l’échelle locale. Un processus limité et maîtrisé », Recherche socialiste , 68–69, décembre 2014.

  22. Témoignage recueilli et cité par Rémi Lefebvre, « La conversion incertaine de l’UMP… », article cité.

  23. Aux Etats-Unis, les primaires peuvent même fonctionner comme un fusil à deux coups. Reagan échoue en 1976, et fait probablement échouer son camp au passage, mais il se fait connaître, affine son discours, et s’assure de ses soutiens pour gagner en 1980, transformant durablement son parti au passage…

  24. François Hollande, « Donner une cohérence à la gauche et un espoir à la France ».

  25. Ils obtinrent finalement 17 sièges au Palais Bourbon, soit 7 de plus que le Front de gauche qui avait pourtant recueilli davantage de voix au premier tour. Par ailleurs, cet accord prévoyait « qu’entre 15 et 20 % des députés, soit une centaine de sièges seraient élus à la proportionnelle », ce qui répondait à une demande d’EELV. Une proposition qui se retrouvera dans les 60 engagements de François Hollande (engagement n° 48). Voir ici le texte de l’accord : http://fr.scribd.com/doc/72830036/Le-texte-de-l-Accord-entre-Martine-Aubry-et-Cecile-Duflot

  26. Ce qui laisserait fort peu de temps pour rendre des arbitrages en la matière dans la configuration du calendrier électoral de 2002, 2007 et 2012. Les dépôts des candidatures aux législatives devait avoir lieu en effet, en 2007 et en 2012, entre le 14 et le 18 mai, soit au lendemain de l’élection présidentielle.

  27. Voir Olivier Ferrand et Arnaud Montebourg, Primaire : comment sauver la gauche , Paris, Seuil, 2009, p. 122 et sq.

  28. Voir Christine Zumello et Barbara Turquier, « La Fabrique du candidat républicain. Retour sur les primaires », La Vie des Idées , 30 octobre 2012. Disponible ici : http://www.laviedesidees.fr/La-Fabrique-du-candidat.html . Le fait que l’Iowa et le New Hampshire ouvre traditionnellement le bal des primaires républicaines est ainsi une source de débat sans fin…

  29. Cette organisation n’est d’ailleurs pas toujours vue positivement outre-Atlantique. Elle peut même s’assimiler pour beaucoup à un mal nécessaire – parce que le territoire est si grand, parce que le suffrage est indirect et parce que les partis nationaux sont en réalité des super-structures dont l’autorité sur les antennes régionales n’est pas assurée. En outre, l’existence même d’un État fédéral et d’un exécutif national est parfois elle-même vue comme un mal nécessaire, qui menace toujours de dénaturer la « vraie » démocratie à la Jefferson, qui ne peut être que locale.

  30. Voir Michel Balinski et Rida Laraki, Majority Judgement : Measuring, Ranking and Electing , M.I.T. Press, 2010. Voir aussi des mêmes auteurs, « A theory of measuring, electing and ranking » Proceedings of the National Academy of Sciences , USA 104 (2007) 8720–8725.

  31. http://www.tnova.fr/sites/default/files/Terra %20Nova %20– %20Sondage %20OpinionWay %20jugement %20majoritaire %20avril %202011.pdf

  32. Le Conseil national est le parlement du Parti socialiste. Il est composé de 204 membres élus par le Congrès national et de 102 Premiers secrétaires fédéraux, chefs de file des socialistes dans leur département. La fonction principal du Conseil national est d’exécuter et de faire exécuter la motion d’orientation adoptée par le Congrès national. Il se réunit au moins quatre fois par an.

  33. Voir les articles 5.3.1., 5.3.2. et 5.3.3. des statuts du Parti socialiste. L’article 5.3.1 précise : « Le candidat à la présidence de la République est désigné au travers de Primaires citoyennes ouvertes à l’ensemble des citoyens adhérant aux valeurs de la République et de la gauche et co-organisées par les formations politiques de gauche qui souhaitent y participer. Les candidats aux Primaires doivent s’engager à soutenir publiquement le candidat désigné et à s’engager dans sa campagne. Au moins un an avant l’élection présidentielle, le Conseil national fixe le calendrier et les modalités d’organisation des Primaires ». L’article 5.3.2 établit les conditions de participation au scrutin. L’article 5.3.3 détaille les modalités d’organisation des primaires citoyennes.

  34. Selon l’article 6.1. des statuts du Parti socialiste, « La modification des statuts (…) est de la compétence exclusive du congrès national ordinaire. Aucune proposition de modification ne peut être soumise à la délibération du congrès sans avoir été adressée aux sections et aux fédérations trois mois au moins avant la réunion d’un congrès national ordinaire ».

  35. Lors de l’élection présidentielle de 1981 (26 avril et 10 mai), le président sortant Valéry Giscard d’Estaing annonce officiellement sa candidature le 2 mars. En 1988, François Mitterrand ne se déclare qu’un mois avant le premier tour. En 2002, Jacques Chirac entre en lice le 11 février 2002 (premier tour 21 avril 2002). Enfin, Nicolas Sarkozy fait une déclaration de candidature à sa succession exactement dix ans plus tard, le 11 février 2012.

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