Les élections présidentielles françaises sont d’une grande importance pour toute l’Europe – et l’Union européenne plus particulièrement. Par son histoire, sa position géographique et sa taille, la France a toujours été un protagoniste de la construction d’une Europe unie. Ces dernières années en particulier, la France a joué un rôle décisif dans l’élaboration de l’agenda européen, qu’il s’agisse de la réforme de la zone euro, de l’autonomie stratégique, de la coopération en matière de défense ou encore de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Il en a été de même pour l’ambitieux programme « Next Generation EU », mis en place pour faire face aux conséquences de la pandémie et promouvoir la transformation numérique et verte de nos économies. Ce programme représente un tournant important dans l’intégration européenne.
Nous allons avoir besoin de voir la France continuer à jouer un rôle de premier plan dans les mois et les années à venir, pour porter des idées audacieuses à même de sortir les Européens de leur complaisance collective et forger plus étroitement leur unité. Nous en aurons plus que jamais besoin depuis le retour tragique de la guerre en Europe, qui a déjà provoqué en Ukraine de nombreuses pertes humaines ainsi que des destructions de masse. La guerre aura sans nul doute des conséquences à la fois lourdes et durables. Jusqu’à maintenant, elle a entraîné l’exode de nombreux réfugiés en quête de protection vers les pays de l’Union européenne, un choc énergétique ainsi que de fortes augmentations des prix du carburant, de l’alimentation et des transports. Assistons-nous au début d’une nouvelle crise économique combinant inflation et récession ? Les crises n’ont malheureusement pas manqué ces dernières années en Europe.
Cette période est un test pour l’Union européenne, qui devra trouver des solutions communes à des problèmes difficiles. Comment créer un pilier européen de défense au sein d’une alliance atlantique plus solide ? La France plaide depuis longtemps en faveur d’une coopération européenne étroite en matière de défense, mais avec peu de succès tangible jusqu’à présent, certains pays considérant les deux objectifs incompatibles, tandis que d’autres ne souhaitent tout simplement pas dépenser plus pour la défense. Avec la guerre en Ukraine, les choses ont radicalement changé. Et l’Allemagne a changé plus que n’importe quel autre Etat. L’unité atlantique et une coopération européenne plus étroite en matière de défense devraient être considérées comme des objectifs complémentaires plutôt qu’incompatibles. Qui d’autre que la France peut porter cette idée avec conviction et montrer la voie ?
L’Europe devra construire une politique énergétique commune moins dépendante des approvisionnements russes. Elle devra également renforcer son autonomie stratégique à une époque où les chaînes d’approvisionnement mondiales ne peuvent plus être tenues pour acquises. L’euro peut certainement jouer un rôle important dans cette direction – à la condition que nous osions. Ici aussi, la France a été à l’avant-garde avec des idées audacieuses. Puisse-t-elle continuer à l’être !
Nous avons atteint un moment critique où les pays membres vont devoir décider collectivement s’ils sont disposés et capables de transformer progressivement l’Union européenne d’une puissance commerciale et réglementaire en une puissance géopolitique apte à défendre des intérêts et des valeurs communes. Si nous n’y arrivons pas, les conséquences seront graves pour l’Europe dans une période de rivalité stratégique croissante et d’instabilité dangereuse sur la scène mondiale. Certains dirigeants politiques français le comprennent beaucoup mieux que d’autres.
