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Note

UMP/FN : vers un bloc néoconservateur

Dans un article publié sur LeMonde.fr en réponse au débat « Nicolas Sarkozy favorise-t-il la banalisation des idées du FN ? », Olivier Ferrand montre que le scénario d’une alliance entre la droite de gouvernement et la droite populiste, voire de la prise de pouvoir majoritaire par l’extrême droite, a été rendu possible par Nicolas Sarkozy. L’UMP, en se radicalisant, a cherché à siphonner l’électorat du FN. Elle en a aussi banalisé les idées, entrainant la constitution d’un bloc néoconservateur.
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À travers toute l’Europe, la crise provoque des fièvres populistes. Les symptômes sont les mêmes : le repli identitaire, le ressentiment social et plus largement la recherche de solutions alternatives face à l’échec des partis de gouvernement – de droite comme de gauche. Les conséquences, aussi : une recomposition violente du paysage électoral.

  Lorsque la droite populiste s’élève à un étiage qui la rend incontournable, la droite de gouvernement se radicalise et fait alliance, pour accéder ou demeurer au pouvoir, créant un bloc de nature néo-conservatrice. Le centre-droit, de culture chrétienne-démocrate, fait sécession et rejoint le camp progressiste. C’est typiquement ce qui s’est passé en Italie, où l’alliance Berlusconi-Ligue du Nord-Alliance Nationale a provoqué le basculement à gauche des chrétiens-démocrates, au sein du Parti démocrate.  

La France pouvait échapper à ce scénario. La politique française, fondée sur la légitimité présidentielle et le fait majoritaire, rend peu probable la nécessité d’une alliance pour gouverner, et inimaginable la prise de pouvoir majoritaire par l’extrême droite. Nicolas Sarkozy l’a pourtant rendu possible. C’est la particularité du cas français : la recomposition électorale n’est pas initiée par l’extrême droite, mais par la droite.   Historiquement, avec le gaullisme social de l’UMP et les chrétiens-démocrates de l’UDF, la droite de gouvernement française se positionne au centre-droit de l’échiquier politique. A partir de 2007, Nicolas Sarkozy rompt avec ce positionnement historique et radicalise son camp.  

Le sarkozysme met en œuvre une rupture anti-humaniste. Elle se caractérise par la recherche systématique de coupables, de boucs émissaires à désigner à la vindicte populaire. Il y a toujours les bons citoyens à protéger et les mauvais à bannir hors de la communauté nationale – les immigrés, les musulmans, la racaille de banlieue, les délinquants, les assistés, les fonctionnaires privilégiés…   Cet anti-humanisme se déploie dans le débat sur l’identité nationale. Il défend une vision régressive de la nation, figée sur l’identité fantasmée du passé, à tentation ethnique (blanche), à coup sûr culturaliste (religieuse, les racines chrétiennes). Une identité fermée, qui exclut les générations de Français d’immigration récente, considérés comme des étrangers sur leur propre sol.  

Une telle rupture se retrouve aussi dans la politique d’immigration, de plus en plus brutale. « Rafles » policières de sans-papiers, jusqu’aux enfants dans les écoles ; délit de solidarité ; expulsions de réfugiés politiques vers l’Afghanistan ; climat de soupçon dans les préfectures ; chasse aux Roms… L’exemple du Calaisis, qui concerne les demandeurs d’asile en transit vers l’Afghanistan, est édifiant : fermeture du centre d’hébergement d’urgence de Sangatte, démantèlement des campements de fortune de la « jungle », jusqu’à la condamnation à l’errance. Une chute de Charybde en Scylla.  

La politique pénale subit le même processus de radicalisation. Le champ des « criminels », des « monstres » s’élargit toujours plus. La répression s’intensifie. La politique de « castration chimique » pour les pédophiles est emblématique. Jusqu’à l’évocation inouïe par Michèle Alliot-Marie de la castration physique – une mutilation d’Etat, une vision de la France digne d’Orange Mécanique. Même la peine de mort n’est plus taboue.  

Les dérapages verbaux, autrefois apanage du Front national, se multiplient au sein de la majorité. Des « Auvergnats » (« Quand il y en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ») jusqu’à « la France n’est plus la France », en passant par les musulmans qui doivent se montrer « discrets » ou « remettons-les dans les bateaux », la frontière entre l’UMP et l’extrême droite devient floue. Au point que l’hebdomadaire Newsweek, en octobre dernier, choisit Nicolas Sarkozy pour illustrer sa « une » sur la montée de l’extrême droite en Europe.  

La radicalisation de l’UMP obéit à un pari stratégique : la volonté de siphonner l’électorat du FN. Ce pari est couronné de succès en 2007 mais ne s’avère pas pérenne. Le sarkozysme ne parvient pas à fidéliser les voix du FN. C’est que le rapport de forces s’est inversé : Nicolas Sarkozy, au zénith de sa popularité en 2007, n’est plus crédible aujourd’hui ; le FN, affaibli à l’époque par un vieux leader en fin de carrière, est dynamisé par une Marine Le Pen moderne et charismatique.  

Après la radicalisation de l’UMP, on assiste maintenant à la deuxième étape : la banalisation d’un Front national « new look », qui se débarrasse de ses oripeaux infréquentables, antisémites, nostalgiques de Vichy, aux relents néo-nazis, et qui – lui – ne dérape plus. Le FN sort de son ghetto protestataire pour muer en un parti de droite nationale, qui aspire à gouverner, sur le modèle de l’Alliance nationale en Italie. « Donnez-nous les manettes », clame désormais Marine Le Pen.  

La dernière étape est déjà écrite : la constitution d’un bloc néoconservateur, entre une UMP droitisée et un FN dédiabolisé. Cette jonction n’est pas pour tout de suite, encore qu’on en voit de nombreux signes annonciateurs, dont le rejet du front républicain au profit du « ni-ni ». Mais le « big bang » politique est lancé.

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