En démocratie, toute décision exige d’en livrer les raisons : la place de la science dans l’adoption de la loi Duplomb
La contestation de la loi Duplomb ravive la réflexion collective sur la place des savoirs scientifiques dans la décision publique. Chaque camp critique les failles de l’instruction scientifique conduite par l’autre – en particulier sur les incertitudes qui entourent l’impact de la réintroduction dérogatoire de l’acétamipride qui concentre la polémique.


Quelle procédure d’instruction scientifique y a-t-il eu dans le vote de ce texte, quelles auditions d’experts, quelle bibliographie à l’appui des argumentaires politiques ? Ces questions se posent aujourd’hui dans le contexte particulier d’une proposition de loi, portée donc par un parlementaire sans étude d’impact préalable ; elles se posent aussi à l’aune de connaissances scientifiques dont chacun reconnaît le caractère encore trop incertain pour décider ; elles se posent enfin dans une perspective épistémique spécifique, celle d’un régime d’action dérogatoire. En démocratie, seule une instruction objective détaillée des biens que la décision engendre, mais aussi des maux qu’elle peut produire, permet de justifier qu’un travail de mise en balance politique, conscient et éclairé, préside aux décisions. C’est la condition pour que chacun puisse en juger les raisons. Au total, la séquence actuelle illustre que nous ne disposons pas d’un cadre normatif clair et partagé pour discerner ce que devrait être l’interface entre expertise et décision, quelle combinaison de neutralité axiologique et de finalité décisionnelle ou politique devraient l’organiser, ni quelles procédures permettraient d’y associer une opinion publique éclairée.