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Note

Adaptation au changement climatique : comment passer à la vitesse supérieure

L’été 2019 a commencé par une vague de chaleur étonnement précoce, au cours de laquelle de nombreux records de température ont été battus. Un deuxième épisode, d’une intensité exceptionnelle, a suivi moins d’un mois après. La France a également connu en 2018–19 un long épisode de sécheresse. Comme l’ont rappelé plusieurs analyses, de tels événements deviennent de plus en plus probables avec le changement climatique et devraient de moins en moins nous surprendre . Il nous faut donc nous préparer, non seulement à la chaleur, mais également à toutes les autres conséquences des évolutions climatiques en cours. Il est nécessaire de s’adapter à ces changements tout en accélérant les efforts pour les contenir au maximum. Il ne s’agit plus de croire que l’adaptation serait un plan B ou même la préoccupation d’après. Les effets du changement climatique sont avérés et se font déjà ressentir. Réduction des émissions et adaptation ne doivent pas être opposées : elles sont désormais toutes deux indispensables. Car si les scientifiques sont suffisamment confiants dans notre capacité à nous adapter à un réchauffement global de 2 °C les choses deviennent bien plus hasardeuses au-delà. Au-dessus d’un certain seuil, il ne sera peut-être tout simplement plus possible de « s’adapter ». Les territoires ont tout à gagner à anticiper les évolutions du climat, et ils en ont les moyens. Impacts sanitaires, partage de la ressource en eau, expositions aux risques naturels : toutes les populations et tous les territoires seront affectés par les changements climatiques, certains plus durement que d’autres. Ne pas faire de l’adaptation au changement climatique une préoccupation clé des stratégies d’aménagement et de développement, c’est prendre le risque de s’enfermer dans des impasses, en se privant par exemple d’infrastructures suffisamment résilientes ou d’opportunités économiques viables dans un climat différent. De telles situations auraient des conséquences graves en matière de cohésion sociale et territoriale. De nombreuses décisions structurantes – aménagement, plans de filières, stratégie de formation, etc. – conditionneront notre capacité collective à vivre dans un climat qui change. Anticiper l’évolution des offres de service (logement, aménités urbaines, dessertes, sûreté, etc.), accompagner les filières économiques (par exemple en préparant l’évolution de l’offre touristique ou en soutenant l’ajustement, voire de possibles transformations, des pratiques agricoles), c’est au contraire rendre nos schémas d’attractivité, de cohésion et de solidarité robustes dans la durée. Terra Nova et I4CE détaillent ici tous ces enjeux et font 8 propositions pour passer à la vitesse supérieure.
Publié le 

I4CE et Terra Nova

Ce travail a été conduit par I4CE et Terra Nova.

I4CE – Institute for Climate Economics est un think tank qui fournit aux décideurs publics et privés une expertise sur les questions économiques et financières liées à la transition énergétique et écologique. I4CE contribue à mettre en œuvre l’Accord de Paris et à rendre, au niveau mondial, les flux financiers compatibles avec un développement faiblement carboné et résilient au changement climatique. I4CE a été fondé par la Caisse des Dépôts et l’ Agence française de développement , et est par ailleurs soutenu par la Caisse des Dépôts et Gestion Maroc. I4CE travaille depuis plusieurs années – notamment en partenariat avec Météo France et l’Onerc (MTES) au travers du Club Vitecc – sur l’adaptation des territoires au changement climatique. Ses travaux en cours portent également sur le rôle des Institutions financières publiques dans l’adaptation.

Terra Nova est un think tank progressiste indépendant. Son but est de produire et de diffuser des idées et des solutions politiques innovantes, en France et en Europe. La question écologique fait partie des grands défis que Terra Nova souhaite contribuer à relever, d’autant que ces interrogations renouvellent la plupart des autres grands défis socio-économiques. Après plusieurs travaux sur la transition énergétique Terra Nova souhaite également ouvrir la discussion sur l’adaptation.

Méthodologie

Cette note est issue d’un travail d’abord bibliographique couvrant un champ vaste sur les impacts du changement climatique et les initiatives d’adaptation ainsi que de la participation des auteurs à plusieurs groupes de travail sur la question au cours des dernières années (Pnacc, Dynamique Littoral…). Elle s’est également nourrie d’entretiens semi-directifs conduits entre l’automne 2018 et le printemps 2019 auprès de différents types d’acteurs – notamment le long de la chaîne de valeur de l’alimentation (de l’amont à l’aval, en incluant la logistique) qui a servi d’exemple directeur de l’analyse, mais également de responsables étatiques et territoriaux. Enfin, un questionnaire a pu être diffusé à toutes les régions françaises grâce à la collaboration de Région de France (cf. encadré et annexe 2).

INTRODUCTION

Alors que les conséquences du changement climatique sont chaque jour davantage perceptibles – comme l’a illustré l’été 2019 –, les citoyens et leurs représentants prennent plus nettement conscience de la nécessité de revoir les définitions de ce qui pouvait jusqu’à il y a peu être considéré comme un climat « normal », et de s’y adapter.

Mais anticiper et se préparer aux conséquences du changement climatique ne signifie pas renoncer à lutter contre ce dernier : les deux défis doivent être relevés de front, pour empêcher que le changement climatique ne franchisse des seuils critiques, tout en s’adaptant à certaines conséquences inévitables.

Les études ne manquent pas : la Commission mondiale pour l’adaptation (GCA) a publié un premier rapport en septembre 2019, dans lequel elle souligne l’importance cruciale – sociale, environnementale et économique – d’intégrer les conséquences du changement climatique dans nos choix de société (Global Commission on Adaptation 2019). En France, le 2 e Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc2) a été publié fin 2018, et la délégation à la prospective du Sénat a également produit en mai 2019 un rapport d’information sur le sujet (Dantec et Roux 2019). Plusieurs initiatives locales et sectorielles émergent également sur le terrain. Mais nous sommes encore loin de la mobilisation générale dont nous avons besoin.

Certains choix d’adaptation (végétalisation en ville, isolation des bâtiments) ne doivent faire l’objet d’aucune hésitation : leurs bénéfices sociaux, environnementaux et économiques futurs dépasseront de très loin leurs coûts. D’autres seront plus difficiles à faire : quel degré d’adaptation (en matière d’infrastructures, de chaînes logistiques, de stocks de ressources…) face aux événements climatiques souhaite-t-on avoir ? Ou plus précisément, quel niveau de robustesse peut-on se permettre de payer ?

Et même en supposant l’objectif d’adaptation clarifié, quelles approches et quelles stratégies privilégier : investir fortement dès que possible pour pouvoir faire face à un large éventail de situations ? Attendre, en espérant des innovations technologiques ultérieures, ou se préparer à réagir avec agilité au fil de l’eau ?

Certains choix supposent des débats à l’échelle nationale, voire continentale. Un certain nombre d’enjeux se posent de manière similaire d’un lieu à l’autre. La coordination entre acteurs et la mutualisation de ressources et d’expériences seront donc cruciales. D’autres demanderont des choix, et donc des processus de délibération, locaux. Compte tenu de leur rôle prépondérant en matière d’aménagement du territoire mais aussi de développement économique local, les collectivités locales seront en première ligne de ce défi de l’adaptation au changement climatique, qui devrait s’imposer parmi les thèmes importants des prochaines élections municipales.

1. Les territoires ont tout à gagner à anticiper les évolutions du climat et ils en ont les moyens

1.1. L’adaptation : un défi stratégique pour la cohésion et le développement économique

Le climat est un facteur essentiel à la santé économique de la plupart des territoires. Les filières du tourisme ainsi que les filières agricoles dépendent très directement de certaines conditions climatiques. Plus largement, de très nombreuses activités reposent sur des ressources, des infrastructures ou des équipements eux-mêmes sensibles au climat. La production d’énergie est, par exemple, très largement dépendante de la disponibilité d’une quantité suffisante d’eau (infrastructures hydroélectriques, refroidissement des centrales, etc.) ; la logistique repose sur des réseaux de transport qui doivent pouvoir fonctionner été comme hiver ; les conditions de travail sur des chantiers et la productivité des travailleurs dans les bureaux (y compris leur capacité de concentration) dépend de la température [3] . Sans même parler de l’habitabilité et donc de l’attractivité des villes. Si l’on a pu oublier pendant longtemps ce paramètre dans l’équation, c’est parce qu’il est depuis plusieurs centaines d’années globalement invariant [4] . La météo fluctue mais dans des limites bien connues et prises en compte dans la conception des systèmes et des infrastructures. Or, cette situation est en train de changer à une vitesse inédite, on en est aujourd’hui absolument certains (Giec 2014a, 2018).

La température moyenne mondiale a déjà augmenté de 1 °C depuis le début de la période industrielle. Cet indicateur traduit des changements bien plus différenciés localement. + 1 °C, cela peut paraître faible, mais il faut se rappeler qu’à peine 4 °C à 5 °C nous séparent en moyenne du dernier maximum glaciaire. La fréquence et l’intensité des événements extrêmes, la saisonnalité, la localisation géographique évoluent d’ores et déjà, et on en ressent les conséquences. Nous battons de plus en plus régulièrement des records (de chaleur, de longueur des périodes de sécheresse, de nombre d’ouragans en une même saison). Des indicateurs socio-économiques s’affolent : par exemple, depuis 1987, la date moyenne du début des vendanges en Champagne a avancé de plusieurs semaines. Parallèlement, les rendements agronomiques ont augmenté, tandis que la maturité moyenne du raisin a gagné 0,8 % de volume d’alcool probable [5] .

La transition énergétique poursuivie au travers de l’Accord de Paris de 2015, de la Loi de transition énergétique pour la croissance verte et de la Stratégie nationale bas carbone visent à limiter le réchauffement global à 2 °C. Il n’est pas certain aujourd’hui que cette cible sera atteinte [6] . Et quand bien même elle le serait d’ici la fin du siècle, une partie des tendances d’évolution en cours seront confirmées dans les prochaines décennies en raison de la grande inertie du système climatique : « Le proche avenir climatique du pays d’ici à 2050 est pour l’essentiel déjà écrit » (Sénat 2019). Ces changements ont des conséquences locales très concrètes pour la plupart des activités sensibles.

L’exemple de la chaine de valeur de l’alimentation Prenons l’exemple de l’alimentation : en décomposant le cycle de vie des produits, « de la fourche à la fourchette », on peut identifier des enjeux à chaque étape. Les premières questions sont liées à la production agricole et sont quantitatives : comment vont évoluer les rendements en fonction de l’évolution des conditions agro-climatiques (ensoleillement, température, pluviométrie, composition des sols…) ? Disposera-t-on de variétés de produits adaptées aux nouveaux contextes climatiques ? Les ressources nécessaires en eau seront-elles toujours disponibles localement en quantité suffisante, notamment pour les cultures fortement consommatrices ? D’autres enjeux fondamentaux concernent les terroirs et les produits : comment vont-ils évoluer sous l’effet des changements climatiques ? On pense aux vignobles, mais la question se posera également pour l’élevage (et donc aussi pour le lait et ses dérivés), dont les conditions (pâturages, élevage en extérieur ou en intérieur…) pourraient également fortement changer. D’autres questions surgissent encore en passant de l’agriculture aux différentes étapes de transformation réalisées par les coopératives et l’industrie agro-alimentaire [7] . Outre les enjeux de disponibilité des ressources en eau et en énergie, selon les filières, le maintien de la capacité à s’approvisionner en matières premières ne sera pas nécessairement garanti en toutes circonstances. La crise de 2007–2008, qui a vu exploser les cours mondiaux des denrées alimentaires de base (blé, riz, sucre, etc.), n’avait pas que des causes climatiques, mais elle peut donner une idée de ce qui nous attend : des événements climatiques extrêmes plus fréquents (sécheresses simultanées dans plusieurs grands pays producteurs, par exemple), conduisant à une pression sur les stocks de denrées alimentaires et dès lors à une hausse brutale des cours mondiaux. Dans de telles conditions, les pays habituellement exportateurs sont incités à conserver leurs stocks pour servir leur marché domestique et protéger leur population, augmentant du même coup très fortement le risque de troubles graves dans les pays et régions dépendants des importations. Certaines filières seront évidemment moins vulnérables que d’autres (le maraîchage en circuit court par rapport aux grandes cultures céréalières, par exemple), mais même une forte flexibilité dans le renouvellement de ses produits ne suffira vraisemblablement pas à elle seule à protéger l’industrie agro-alimentaire contre de tels phénomènes. Et même une fois le produit fabriqué, encore faudra-t-il le transporter et l’apporter jusqu’au consommateur, dont les préférences pourraient aussi changer : comment vont évoluer les infrastructures (routes, entrepôts…), les schémas logistiques, face à des phénomènes climatiques potentiellement plus intenses, plus longs et plus fréquents ? Et en bout de chaîne, comment feront les grossistes, les distributeurs, les commerçants pour s’adapter à des chaînes d’approvisionnement de plus en plus variables ? À chaque étape de la vie d’un produit alimentaire surgissent donc de nombreuses questions très concrètes face aux changements climatiques. Chaque secteur, chaque territoire, chaque acteur devra y apporter des réponses spécifiques. L’exemple de l’électricité Le secteur critique de l’énergie est aussi fortement dépendant des conditions climatiques, tant du côté de la demande que de l’offre d’énergie. La demande énergétique est en effet intimement corrélée à la température. Cela s’observe notamment sur la consommation d’électricité qui est fonction de la demande en chauffage et climatisation. Le changement climatique pourrait ainsi induire une plus forte consommation en été, sans que cela ne soit nécessairement compensé par une moindre consommation équivalente en hiver. Les conditions climatiques impactent également la production électrique, éolienne, solaire mais également hydroélectrique et nucléaire, les centrales ayant besoin de grandes quantités d’eau pour être refroidies. La disponibilité de la ressource en eau est même critique et peut entrainer des conflits d’usages. En 2018, EDF a été contraint de ralentir voire d’arrêter certains réacteurs nucléaires à cause de la chaleur. L’exemple du tourisme d’hiver Le tourisme de montagne est un autre secteur fortement dépendant des conditions climatiques. Les stations de ski françaises représentent une part significative de l’économie des régions de montagne. Avec 54 millions de journées-skieurs vendues en 2015, le secteur représente 2 Md€ et 120 000 emplois qui dépendent directement d’un produit d’appel – qui est aussi une ressource très finement gérée – : la neige. La disponibilité de neige est depuis toujours soumise à une forte variabilité naturelle, interannuelle et décennale. Commence à s’y superposer – notamment en moyenne montagne – une baisse sans équivoque de l’enneigement moyen (durée moyenne réduite de 10 % à 60 %), observée en particulier dans la tranche d’altitude de 1 000 m à 2 000 m. Cette baisse est attribuée par les scientifiques à l’augmentation des températures de l’air (+ 1 °C) qui raréfie les conditions favorables à des précipitations neigeuses et accélère la fonte du manteau. La question de la pérennité de ce secteur économique – notamment en moyenne montagne – est donc ouvertement posée et soulève de nombreuses inquiétudes économiques, politiques et sociales.

Au-delà des exemples sectoriels les plus souvent cités, ces questions touchent de nombreuses fonctions vitales de nos territoires et de l’économie. Bien qu’encore trop souvent confondue avec l’atténuation (i.e. la réduction des émissions de GES), la question de l’adaptation au changement climatique s’impose comme un enjeu crucial pour l’attractivité et le développement économique des territoires, dont la compréhension progresse.

Pourtant, l’économie et les institutions françaises n’y sont pas encore suffisamment préparées, trop d’acteurs se retranchant encore derrière de faux prétextes : un prétendu manque d’information pour agir, et la croyance démesurément optimiste selon laquelle on pourra, quoi qu’il arrive, voir venir et s’adapter au fur et à mesure.

1.2. La connaissance nécessaire pour agir est d’ores et déjà disponible

Ces changements et leurs impacts sont d’ores et déjà très bien documentés par des années de recherche scientifiques à l’échelle mondiale (Giec 2014b) mais aussi européenne et nationale, voire infranationale [8] . En France, une mission scientifique confiée à Jean Jouzel et réunissant différentes équipes de recherche [9] a publié cinq rapports intitulés « Le climat de la France au XXI e siècle  » mettant notamment à disposition des scénarios de changement climatique régionalisés à moyen (2021–2050) et à long terme (2071–2100) [10] . Ces scénarios sont accessibles via les outils en ligne Climat-HD (grand public) et Drias [11] . Ils permettent à différents acteurs dans différents secteurs (gestion des eaux, assurance, agriculture…) de réaliser leurs propres études de vulnérabilité et d’explorer différentes options d’adaptation. L’Observatoire national des effets du réchauffement climatique (Onerc) tient à jour une base de données d’indicateurs des changements en cours, des études réalisées et assure une veille scientifique du sujet accessible à tous [12] . La publication d’un rapport thématique annuel au gouvernement et au Parlement a également permis de traiter de sujets capitaux dans ce contexte de changement climatique tels que les événements météorologiques extrêmes (2018), le littoral (2015), l’arbre et la forêt (2014), les outre-mer (2012), la ville (2010), les coûts à attendre (2009) ou encore les risques sanitaires (2007). D’autres travaux thématiques et sectoriels, à l’image de l’étude Explore 2070 sur la ressource en eau ou le programme Accaf sur l’agriculture, éclairent certaines des conséquences du changement climatique.

Ce vaste socle de connaissances nous renseigne sur :

les conséquences de changements progressifs mais durables et irréversibles qui pourraient rendre des zones entières ou des activités non assurables [13] , mettre en péril certaines activités comme les sports d’hiver en moyenne montagne, le tourisme d’été ou encore des productions agricoles à certains endroits (le vin), ou bien rendre obsolètes certaines constructions (par exemple vulnérables au risque de retrait-gonflement des argiles (CGDD 2017)) ou certains aménagement (des infrastructures se trouvant sous-dimensionnées à certains endroits et surdimensionnées à d’autres) ;

les conséquences aiguës de situations inédites causées par des évènements météorologiques plus longs ou plus intenses que ceux que nous connaissons aujourd’hui, qui arrivent à des moments inattendus, qui se combinent ou se répètent au-delà de la capacité d’absorption de nos dispositifs de réponse actuels.

Le défi majeur est bien celui de l’appropriation de cette connaissance pour (re)découvrir et mieux qualifier les relations que l’on entretient avec le climat : comment celui-ci nous affecte ? Via quels phénomènes ? À partir de quand cela peut-il devenir problématique ? Etc.

À partir de cette analyse approfondie (explorant notamment les vulnérabilités et dépendances présentes et la manière dont elles pourraient évoluer face aux projections de changement climatique), il est possible d’interroger les plans de développement et les stratégies de gestion des risques qui pourraient être affectées par ces changements.

Exemples de changements de natures diverses qui questionnent nos modes de faire

Hausse du niveau de la mer : une tendance désormais certaine

La hausse du niveau de la mer s’est déjà accélérée et va se poursuivre pendant des siècle (Giec 2019; Jouzel et al. 2015) [14] . La submersion marine devient un aléa de plus en plus prégnant, et l’érosion – autre impact directement lié à cette hausse – n’est même plus un aléa : c’est une tendance certaine avec laquelle il faut composer sur les espaces littoraux. Le débat autour de l’indemnisation des habitants de l’immeuble du Signal en Gironde, qui a dû être évacué et menace de s’effondrer dans l’océan, est en cela emblématique des enjeux qui nous attendent. La hausse du niveau de la mer va poser la question de la relocalisation nécessaire de personnes, de biens et d’activités qu’il va bien falloir financer (CGEDD, IGA, and IGF 2019). Elle soulève également la question de nos manières d’aménager et d’habiter le littoral, à nouveau perçu comme un espace dynamique dans un contexte d’augmentation de la population littorale estimée à 19 % (+ 4,5 millions d’habitants) entre 2007 et 2040 (La Fabrique Écologique 2019; Cepri 2016). Des questions très similaires sur la manière d’aménager et de vivre avec le risque vont se poser vis-à-vis de l’évolution de l’aléa inondation fluviale (Cepri 2015).

Quand ce n’est plus si exceptionnel : l’exemple des épisodes cévenols

Sur le pourtour méditerranéen, les crues éclair se produisent généralement en automne, lorsqu’un air chaud et humide en provenance de la Méditerranée rencontre un air plus froid sur le continent. En automne, sur les Cévennes, la probabilité de dépasser des seuils élevés (300 mm/jour) a environ triplé en soixante-cinq ans. Il est difficile d’expliquer ces tendances sans invoquer l’influence humaine sur le climat. Plusieurs travaux semblent indiquer que ces augmentations suivraient une relation physique simple [15]  : plus l’air est chaud, plus il peut contenir de vapeur d’eau. L’intensification des épisodes de pluies extrêmes serait donc une conséquence directe du réchauffement [16] . Ces tendances peuvent nous amener à questionner les hypothèses de stabilité utilisées par exemple pour le dimensionnement d’infrastructures et à intégrer la possibilité non seulement d’événements inédits en intensité mais aussi plus fréquents. Face à des épisodes beaucoup plus fréquents, il est légitime de se demander jusqu’où on pourra considérer de les traiter comme des événements exceptionnels. Sources : Tramblay and Somot 2018 ; Vautard et al. 2015; Ribes et al. 2018 [17] .

Nouvelle normale et nouveaux extrêmes, questionner nos réponses habituelles : l’exemple des épisodes caniculaires et des politiques de santé publique

Établi à la suite de la canicule de 2003 qualifiée d’inédite et « exceptionnelle » pour « adapter le dispositif national de prévention et de soins à la survenue de ce type de phénomène climatique », le Plan national canicule définit 4 niveaux autour des 4 couleurs de la vigilance météo. Le niveau 4 (rouge) « correspond à une canicule avérée exceptionnelle, très intense et durable, avec apparition d’effets collatéraux dans différents secteurs (sécheresse, approvisionnement en eau potable, saturation des hôpitaux ou des opérateurs funéraires, panne d’électricité́, feux de forêts, nécessité d’aménagement du temps de travail ou d’arrêt de certaines activités…). Cette situation nécessite la mise en œuvre de mesures exceptionnelles. »

Selon certains scénarios, les projections climatiques indiquent que des épisodes comme celui de 2003 pourraient devenir plus fréquents, ce qui pourrait nous inviter à nous demander : dans quelle mesure faut-il considérer ce type d’épisode comme des événements exceptionnels ?

Les projections nous renseignent aussi sur ce qui serait exceptionnel demain. Dans un scénario de changement climatique fort, des températures supérieures à 50 °C seraient ainsi atteignables dans la plupart des régions françaises (Bador et al . 2017). Bien que devenant possible, une telle situation resterait extraordinaire. Faut-il tout de même s’y préparer ?

Source : Bador et al. 2017

Les épisodes de canicule ont des conséquences économiques, écosystémiques mais également sanitaires majeures (Terra Nova 2018). La chaleur impacte directement la santé des populations (malaises, syncopes) et exacerbe les effets de maladies chroniques comme les insuffisances respiratoires, le diabète, les maladies cardiovasculaires, neurologiques, cérébrovasculaires ou rénales [18] . Ces situations climatologiques sont aussi souvent combinées à des pics de pollution à l’ozone en ville auquel sont particulièrement vulnérables les populations les plus fragiles (enfants, séniors, travailleurs) [19] .

Des événements de nature nouvelle : des stratégies de gestion du risque de feu de forêt à adapter à des risques qui changent

Une multiplication des situations climatologiques propices aux canicules et aux sécheresses pourrait remettre en question l’efficacité des politiques de lutte contre les feux de forêt. C’est un sujet sur lequel commencent à se pencher des équipes de chercheurs comme celles d’ Irstea .

À la suite des grands incendies de forêt des années 1990 dans le sud-est de la France, une nouvelle stratégie de prévention et de lutte a été mise en place à partir de 1992. Celle-ci s’appuie sur un principe directeur : l’attaque massive des feux naissants. Il s’agit d’intervenir vite, avec tous les moyens disponibles dans le but d’éteindre les incendies le plus tôt possible et d’éviter leur extension. Cette stratégie s’est révélée très efficace avec une réduction de 25 % du nombre de départs de feux et de 60 % des surfaces brûlées. Ces progrès ont été possibles grâces à d’importants investissements et l’engagement des pompiers. Cependant, de récentes expériences montrent qu’en cas d’années exceptionnelles (2003, 2016, 2017), particulièrement chaudes ou ventées, certains incendies échappent à l’attaque précoce et s’étendent alors jusqu’à ravager plusieurs centaines ou milliers d’hectares. Ces cas amènent certains chercheurs à se demander si on n’aurait pas affaire à une « nouvelle génération d’incendies » qui pourrait remettre en cause les bonnes pratiques actuelles. Dans un contexte de changement climatique, ce type nouveau d’incendies pourrait alors se révéler redoutable. On observe en effet d’ores et déjà que l’aléa météo « feux de forêt » augmente régulièrement avec la température et s’étend en montagne et dans l’arrière-pays. Par ailleurs, la saison météo à risque s’allonge. Les modèles climatiques estiment que ces évolutions se poursuivront dans les prochaines décennies [20] . Les projections laissent entrevoir une augmentation des grands incendies intenses et/ou rapides lors des évènements météo extrêmes ; le développement d’incendies en montagne et au-delà de la région méditerranéenne jusqu’à atteindre des zones où la végétation est mal adaptée au feu. 2016 ou 2017 – voire 2003 – pourraient ainsi rétrospectivement apparaître comme des années normales au regard des évolutions en cours. Ces évolutions induiront des coûts supplémentaires pour la surveillance et la prévention de zones plus vastes (+ 20 % pour la prévention et la lutte pour une extension de 30 % en surface). Elles sont de plus à considérer en lien avec les changements d’occupation de l’espace (ex. urbanisation), en tenant compte du fait que les zones d’interface entre activités humaines et milieux naturels inflammables sont les plus difficiles à défendre par les pompiers. Les chercheurs qui travaillent sur ces questions avancent des solutions à court et moyen terme et n’hésitent pas à questionner de possibles changements radicaux dans la politique de lutte contre les feux. Il pourrait ainsi être nécessaire de rééquilibrer la prévention et la lutte et d’investir davantage dans une gestion active et intégrée des forêts. (Source : Chatry et al. 2010; Curt and Frejaville 2018).

Les changements climatiques sont des phénomènes complexes, multifactoriels et hétérogènes. Toutes les dynamiques à l’œuvre ne sont pas déterministes et parfaitement prévisibles. Pourtant, malgré les incertitudes qui demeureront toujours [21] nous disposons d’un niveau de connaissance – y compris à des échelles régionales – déjà extrêmement solide et suffisant pour agir. Il s’agit maintenant d’une question de volonté politique collective, afin d’adopter une attitude proactive et stratégique pour s’adapter à cette situation inédite.

1.3. Penser que l’on s’adaptera au fil de l’eau est un pari risqué

Face aux projections scientifiques d’évolution du climat, un discours très souvent entendu est que l’on s’adaptera au fur et à mesure (« on s’est toujours adapté »). En effet, la capacité des organisations humaines à s’adapter à de nouveaux environnements semble être un des atouts majeurs de notre espèce. Agilité et adaptabilité sont devenues des qualités très valorisées. L’environnement des organisations étant de plus en plus perçu comme en évolution permanente et rapide, la nécessité d’une anticipation spécifique des changements climatiques ne semble pas évidente. Elle apparaîtrait d’autant plus compliquée que, selon la trajectoire d’émissions de gaz à effet de serre qui sera suivie et selon les modèles utilisés, le futur climatique pourrait être très différent. Dans tous les cas, il s’agit de changements qui dépassent largement les variations naturelles du climat auxquelles nous sommes habitués. Malgré, ou justement à cause de ces incertitudes, plusieurs éléments laissent penser qu’attendre et voir venir est une option risquée :

Tout d’abord, nous n’avons aucun retour d’expérience permettant d’affirmer avec certitude que nous saurons nous y adapter au fil de l’eau. Par sa rapidité, ce changement est inédit dans l’histoire de l’humanité. Le changement de cette ampleur le plus rapide – jusqu’à aujourd’hui – dans l’histoire de la Terre a eu lieu, selon les scientifiques, il y a 56 millions d’années : la température a alors augmenté de 6 °C, mais cela a pris entre dix mille ans et vingt mille ans (Chen et al. 2018) [22] . On parle aujourd’hui de plusieurs degrés de réchauffement en à peine deux cents ans.

Ensuite, parce que l’on ne verra pas tout venir. Si certains impacts du changement climatique sont très visibles d’autres sont difficilement perceptibles. Il est, par exemple, difficile de se rendre compte au quotidien du déclin de la biodiversité alors que ses conséquences pourraient être dramatiques (WWF 2018). Ces « transformations silencieuses » sont d’autant plus dangereuses qu’elles peuvent être irréversibles et donc définitives. Si l’on n’anticipe pas, il sera trop tard quand on s’en rendra compte (Jullien 2005; Simonet 2016).

Même en gardant confiance dans la capacité globale de nos systèmes économiques et sociaux à faire face à des changements de l’ordre de + 2° C nous ne pouvons ignorer qu’une adaptation subie le serait au détriment de certains acteurs : certains territoires et certaines filières pourraient être de grands perdants s’ils ne préparaient pas leur transformation. Continuer d’investir aujourd’hui dans des activités que le changement climatique rendrait non viables, c’est s’exposer à devoir gérer demain des crises sociales et éventuellement sanitaires majeures. Symétriquement, ne pas anticiper, c’est potentiellement se priver d’opportunités intéressantes que l’on ne se donnera pas les moyens de saisir à temps.

Se contenter de réagir face à des changements déjà advenus peut par ailleurs conduire à prendre de mauvaises décisions. Dans l’urgence, ou mis devant le fait accompli, on peut ainsi mettre en œuvre des actions que l’on qualifie de « maladaptation » parce qu’elles contribuent à aggraver le phénomène (par exemple, faire face à des épisodes de canicules en installant des climatiseurs qui rejettent de l’air chaud dans les rues et aggravent l’effet d’îlot de chaleur urbain [23] ), à reporter ses conséquences sur d’autres (par exemple en construisant des digues qui aggravent l’érosion dans la commune voisine) ou à augmenter la vulnérabilité à de nouveaux risques (par exemple en misant sur l’irrigation quand certaines ressources en eau pourraient s’épuiser).

Tous les secteurs ne raisonnent pas sur les mêmes échelles de temps. Quand certaines activités économiques peuvent se permettre d’adapter leurs décisions de façon relativement agile (en changeant par exemple d’une année sur l’autre de fournisseur, en supposant qu’ils ne soient pas tous confrontés au même problème), d’autres ne peuvent se transformer que sur des temps beaucoup plus longs. Certaines évolutions ou reconversions nécessitent des investissements de long terme (par exemple dans de nouvelles infrastructures ou équipements, mais aussi dans la formation et l’acquisition de connaissances), de la R&D, de nouvelles compétences et des temps d’apprentissage incompressibles. Ne pas suffisamment anticiper, c’est alors s’enfermer dans des trajectoires perdantes.

De manière générale, toute approche attentiste aboutirait vraisemblablement à faire porter les risques du changement climatique principalement sur les territoires, les filières ou les citoyens les moins favorisés, que ce soit parce qu’ils sont dans un état de vulnérabilité initiale plus élevé et/ou parce que leurs moyens, et donc leurs capacités d’adaptation propres, sont limités.

Adopter une attitude proactive adaptée à ce qui est en jeu, en tenant compte du cycle de vie des équipements et des décisions, est une attitude bien plus stratégique. Cela ne signifiera d’ailleurs pas toujours des investissements immédiats : dans certaines circonstances (degré d’incertitude, coût…), attendre peut être un choix valide. Mais cela doit être un choix conscient et préparé.

2. Se projeter dans un climat qui change : avant tout une révolution culturelle

Il n’y a pas de réponse unique en matière d’adaptation. Selon le niveau de risque accepté et la vision politique portée, les solutions mises en œuvre peuvent varier. Pour considérer l’éventail des approches possibles, il faut commencer par faire tomber les obstacles culturels, et ensuite faire évoluer les incitations économiques ainsi que les normes et le cadre règlementaire.

2.1. Gestion du littoral, Catnat : préfiguration des débats à conduire

Le cas des territoires littoraux est emblématique d’une évolution fondamentale dans la stratégie de gestion des risques et de développement face à la submersion et à l’érosion marines. À la suite de la tempête Xynthia (2010) a été élaborée une Stratégie nationale de gestion du trait de côte. Cette stratégie (2012–15, puis 2017–19) a été conçue pour « disposer, sur tout le littoral, d’une vision à moyen et long terme de l’évolution du trait de côte permettant un aménagement durable et équilibré de ces territoires » tenant compte de l’effet du changement climatique sur le niveau de la mer. Son originalité est de basculer d’une logique techniciste et défensive (digues et maîtrise de la mer) à une « vision évolutive et non fixiste de l’interface terre-mer à court, moyen et long terme ». Il s’agit d’un véritable changement de paradigme, « éviter la défense systématique contre la mer et développer des systèmes d’adaptation raisonnés » expérimentant des modes de planification dynamiques. Ce type de philosophie pourrait nourrir de futurs dispositifs législatifs. Une mission parlementaire sur l’adaptation des territoires aux évolutions du littoral a été créée par le ministère de la Transition écologique et solidaire en avril 2019 et devrait rendre ses conclusions à l’automne. Celles-ci pourraient déboucher sur un projet de loi discuté au Parlement fin 2019-début 2020 [24] .

Cette question de l’attitude face au risque apparaît à nouveau à l’occasion des discussions sur l’évolution du régime d’assurance des catastrophes naturelles (Mission d’information du Sénat sur la gestion des risques climatiques 2019). En France, le régime Catnat joue depuis 1982 un rôle clé pour atténuer ce risque social grâce à un mécanisme de réassurance public basé sur la solidarité nationale [25] . Les catastrophes naturelles qui se situent alors hors du champ de l’assurance classique sont couvertes par ce régime. Cependant la question de la pérennité de ce système dans un contexte d’évolution du risque – notamment à cause du changement climatique – se pose.

« Une modernisation de nos politiques de prévention et d’indemnisation est indispensable pour relever durablement le défi du changement climatique » (Mission d’information du Sénat sur la gestion des risques climatiques 2019).

En 2015, l’Association française de l’assurance (AFA) a conduit une étude croisant des données socio-économiques – actifs exposés aux aléas naturels – et des projections climatiques pour apporter un éclairage sur le coût croissant que représenteront les aléas naturels en France au cours des 25 prochaines années (AFA 2015b). L’étude identifie les facteurs qui influencent le plus cette évolution – valeur des actifs exposés, changement climatique, répartition des richesses – et décrit l’évolution attendue dans la hiérarchie des périls. Cette étude a donné lieu à la rédaction d’un Livre blanc « Pour une meilleure prévention et protection contre les aléas naturels » (AFA 2015a). Ce document propose des recommandations pour une modernisation du régime Catnat insistant sur l’importance de préserver la solidarité et la nécessité d’y introduire une incitation à la prévention et au développement de la culture du risque.

« Le coût supplémentaire occasionné par les dommages matériels causés par le climat d’ici 2040 est évalué à 44 milliards d’euros, soit + 90 % par rapport au montant des dégâts cumulés des 25 années précédentes. De 48 milliards d’euros sur la période 1988–2013, les aléas naturels pourraient coûter 92 milliards d’euros d’ici 25 ans [26] . »

En 2015 et 2018 la Caisse centrale de réassurance (CCR) a réalisé des analyses sur les conséquences possibles de différents scénarios de changement climatique sur le système actuel mettant aussi en avant le caractère indispensable des politiques de prévention et d’atténuation pour préserver les fondements du régime Catnat (Moncoulon et al. 2016; CCR 2018, 2015) :

« À l’horizon 2050, le coût des catastrophes naturelles augmenterait de 50 % avec le scénario RCP 8.5 [changement climatique fort, scénario tendanciel] du fait de l’augmentation de la fréquence et de la sévérité des événements, de l’élévation du niveau de la mer et de la concentration des populations dans les zones à risques. La part de l’aléa est estimée à 35 % et celle de la concentration dans les zones à risques à 15 %. Les précédents résultats portant sur le scénario RCP 4.5 [stabilisation des émissions en 2100] montraient une augmentation des dommages due à l’aléa climatique estimée à 20 %. »

Ces travaux rappellent que, dans l’équation du risque, il y a non seulement l’aléa, mais aussi l’exposition et la vulnérabilité des personnes et des biens, ainsi que la capacité à s’adapter. Les acteurs économiques et territoriaux ont une action plus directe et immédiate sur la réduction de l’exposition et de la vulnérabilité de leurs actifs. L’enjeu est de mieux prendre en compte cette évolution des risques dans le développement économique, l’aménagement et la construction [27] . Concrètement, cela signifie favoriser et valoriser les efforts de réduction de l’exposition et de la vulnérabilité. Dans le cas du régime Catnat, plusieurs leviers pour décliner opérationnellement ce principe sont régulièrement avancés. Parmi eux, le besoin de mobiliser plus efficacement les fonds publics en faveur des projets de prévention des risques et d’adaptation [28] . Il serait également possible d’intégrer des critères d’accroissement de la résilience lors du financement de la reconstruction d’infrastructures sinistrées et d’y conditionner les conditions d’assurance future (à l’image de ce qu’a fait la ville de New-York après le passage de l’ouragan Sandy [29] ).

L’assurance des catastrophes naturelles est un maillon d’une architecture de répartition des risques et des responsabilités dans l’économie. Elle est un élément d’incitation parmi d’autres. Au-delà de la réforme spécifique du régime Catnat, le défi est donc bien celui d’une évolution plus globale de la manière dont le risque climatique est intégré dans les stratégies de développement des territoires. Jusqu’ici, en France, la logique dominante a été celle d’une maîtrise totale du risque, garantie par les autorités. Suite à de nouveaux évènements exceptionnels, ces dernières privilégient la précaution en revoyant à la hausse les exigences de robustesse ou de protection pour le futur.

Cette tendance est le reflet d’un consensus social selon lequel, dans nos sociétés développées, certaines catastrophes sont inacceptables. Nous nous sommes habitués à un niveau de protection et de service que rien, jusqu’ici, n’a remis en cause. Cette situation a un effet pervers : elle n’encourage pas les acteurs à mettre la question du changement climatique sur la table : soit parce que les conceptions actuelles sont jugées déjà très robustes, soit parce qu’ils y voient un risque de normes encore plus contraignantes qui pourraient aller jusqu’à rendre les projets non viables. Les alternatives à un accroissement systématique de la robustesse ne sont jamais mises en discussion faisant courir un risque de maladaptation ou d’adaptation sous-optimale aux conséquences du changement climatique. Pourtant des alternatives existent à condition de mettre en discussion le niveau de risque acceptable et de penser de manière dynamique.

2.2. Mettre en discussion le niveau de risque acceptable et le niveau de robustesse visé

Il existe tout d’abord des cas où se justifie le fait de tendre vers une précaution maximale – et donc considérer tous les scénarios plausibles mêmes s’ils ne sont pas totalement certains –, notamment quand il s’agit de services critiques comme l’alimentation en électricité d’un hôpital, le refroidissement d’une centrale nucléaire ou l’accès à des installations de sécurité. Mais il y a d’autres situations où la question peut légitimement se poser.

Une politique territoriale de mobilité pourrait ainsi par exemple se demander pour chaque axe de transport si des interruptions préventives de circulation avec une procédure de retour à la normale bien préparée ne seraient pas une alternative acceptable à de lourds investissements de prévention des risques extrêmes. Prendre en compte de telles options de résilience, valoriser les possibles redondances et cibler là où un renforcement de la robustesse est vraiment nécessaire implique un dialogue intégrant toutes les parties-prenantes d’un territoire et une discussion ouverte sur le niveau de risque acceptable et de ce que sont les attentes et les impératifs [30] en termes, par exemple, de continuité de service : une route secondaire coupée quelques jours par an est sans doute supportable à condition qu’il y ait des itinéraires alternatifs, et ne justifie pas des investissements d’infrastructures disproportionnés. Dans le domaine de la logistique, des arbitrages seront par exemple nécessaires, qui viendront sans doute questionner la tendance actuelle à des délais de livraison toujours plus courts.

L’exemple du futur de la logistique Dans une étude prospective sur les évolutions possibles des activités de la logistique dans les prochaines décennies (DHL 2012), l’entreprise DHL a étudié un scénario intitulé « Global Resilience – local adaptation  ». Les auteurs de ce scénario envisagent la multiplication à cause du changement climatique des évènements extrêmes mettant en tension les chaînes logistiques internationales et source de coûts importants. En réaction, ils anticipent une régionalisation des circuits de production et de consommation. Le maintien de la sécurité d’approvisionnement entre les boucles régionales deviendrait alors une priorité. La fiabilité prendrait plus de place dans le service de transport que seraient capables d’offrir différents opérateurs et deviendrait un avantage concurrentiel fort. Garantir cette fiabilité demanderait le développement de systèmes plus redondants, proposant des options de secours et des solutions de repli telles que des entrepôts pour mettre les marchandises transportées à l’abri en cas d’interruption du trafic. Ces installations seraient bien évidemment coûteuses mais jugées nécessaires par la société car, sans elles, chaque rupture des circulations aurait un impact économique inacceptable. Une des dynamiques notables de ce scénario est le basculement dans un univers économique très différent, moins marqué par la recherche d’optimisation des ressources et de maximisation de l’efficacité que par celle de robustesse et de sécurité. Les réorganisations territoriales et sectorielles seraient également très importantes, favorisant les acteurs les plus agiles et capables d’opérer à des échelles différentes. Ce type d’approche a un intérêt heuristique très intéressant pour interroger des stratégies d’entreprises et des modèles d’affaire au regard du changement climatique dans le cadre de travaux de prospective comme ceux préconisés dans le PNACC. Source : https://delivering-tomorrow.de

Les doctrines de gestion dont nous héritons correspondaient à un certain contexte et doivent pouvoir être réinterrogées au regard du changement climatique. Ailleurs dans le monde, y compris dans des pays de l’OCDE, les doctrines peuvent être très différentes (il est par exemple totalement normal et accepté d’annuler des circulations ferroviaires par prévention aux Pays-Bas).

Là où la robustesse s’impose : l’exemple de RTE À la suite de la tempête Lothar en 1999, RTE a conduit un travail d’analyse du réseau de transport d’électricité pour distinguer deux niveaux de fiabilité et identifier les lignes à « sécuriser », c’est-à-dire à renforcer pour leur permettre de faire face à des évènements climatiques plus extrêmes. Ce travail se poursuit aujourd’hui pour intégrer le changement climatique dans l’équation et anticiper de possibles besoins d’investissements supplémentaires. Les conditions climatiques sont une variable centrale pour l’équilibre d’un réseau électrique : les températures influencent historiquement la demande (chauffage/climatisation) et, avec le déploiement des énergies renouvelables, les précipitations, l’ensoleillement et le vent influencent de plus en plus l’offre. Par ailleurs, le réseau de transport lui-même est exposé aux extrêmes climatiques. La continuité de l’approvisionnement en électricité étant vitale pour l’économie, les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution d’électricité s’efforcent d’anticiper toutes les situations possibles pour s’assurer que le réseau sera en mesure de répondre aux besoins en toutes circonstances. Pour RTE, la question posée par le changement climatique est : peut-il être à l’origine, pour le réseau, de situations critiques jusqu’ici jamais expérimentées et si oui, de quel type ? Pour y répondre, un travail a été mené avec Météo France pour générer des simulations d’années météo sous un climat modifié et identifier quels évènements problématiques pour RTE pourraient advenir [31] . En fonction de la réponse à cette question, des investissements sur le réseau peuvent être programmés pour assurer sa robustesse à une gamme élargie de possibilités climatiques.

Ces discussions doivent également être l’occasion de mettre en débat le niveau de socialisation des risques collectivement souhaitable et la manière dont ces derniers sont distribués : il s’agit ainsi de trouver le juste équilibre entre les incitations individuelles à faire les choix appropriés en matière d’adaptation, et la mutualisation des risques (ou des moyens) nécessaire pour assurer une solidarité entre territoires et entre citoyens, en particulier en faveur des plus vulnérables. Cette partie montre que l’adaptation n’est pas qu’une question d’ajustements techniques mais implique nécessairement des choix politiques. Il s’agit de considérer les options satisfaisantes et de savoir arbitrer entre robustesse et agilité, anticipation et confiance dans les capacités de réactions futures (qui se préparent aussi).

2.3. Penser de manière dynamique

La seconde voie à explorer est de rendre les stratégies de gestion du risque climatique moins binaires et plus dynamiques. C’est ce que l’on observe dans le cas déjà évoqué du trait de côte où des installations réversibles ou flexibles sont envisagées, où des modalités de retrait progressif de certaines zones sont évoquées. Dans le cas d’équipements, d’aménagements ou d’infrastructures à durée de vie longue – comme un système de défense contre les inondations ou un réseau de transport – appelées à évoluer dans le temps et à subir des phases de maintenance et de rénovation successives, des outils permettent de prévoir dès la conception initiale des options d’adaptation dans le futur et de calculer les coûts et bénéfices économiques associées à ces options d’évolution ou de réversibilité que l’on laisse ouvertes. La rénovation de la barrière de la Tamise – vaste infrastructure protégeant Londres des crues de son fleuve lors de fortes marées – est un exemple édifiant (cf. encadré). Ne sachant sur quelle hausse de niveau de la mer tabler, les promoteurs du projet ont opté pour une conception adaptable au cours du temps. Plutôt que de surinvestir dans un ouvrage surdimensionné ou au contraire de prendre le risque d’être dépassé en sous-estimant l’évolution du risque, une stratégie de réévaluation régulière des enjeux et d’ajustement du dispositif, techniquement prévue et économiquement évaluée, a été établie. Ce type de démarches peut amener à envisager une diversité de « chemins » d’adaptation possibles avec des points de décision situés dans le temps et des indicateurs de suivi dédiés [32] .

Protection de Londres contre les inondations, une approche dynamique Londres dispose depuis 1982 d’un système d’écluses qui protège la ville des inondations (crues du fleuve et hautes marées), dimensionné selon la crue milléniale. Ce système a été de plus en plus sollicité au début des années 2000. Une mission a été mise en place en 2002 pour proposer un plan de gestion des risques inondation à l’horizon 2100 et répondre à la question : faut-il envisager la construction d’une nouvelle infrastructure pour remplacer la barrière de la Tamise ? L’évaluation a tenu compte du changement climatique, de l’usure des équipements en place, de l’évolution de l’environnement physique, des transformations socio-économiques et du niveau de sensibilisation des populations et des institutions. Elle a été menée avec le MET office sur la base de projections climatiques intégrant l’incertitude. Ce travail a permis l’identification et l’analyse d’options et la proposition d’un plan en trois horizons de temps successifs, fondé sur la robustesse, l’adaptabilité, le séquençage et le monitoring des actions : 2010–2035 : maintien du niveau de protection et prise en compte du risque dans les nouveaux d’aménagement (1,5 Mds £) ;2035–2049 : renouvellement et renforcement des défenses existantes (+1m) ; réaménagement des abords du fleuve (1,8 Mds £) ;A partir de 2070 : envisager la construction d’une nouvelle barrière (7 Mds £).Cette proposition a donné lieu à l’adoption d’une stratégie en 2012 identifiant des séquences et des points de décision à partir de seuils critique suivis constituant des trajectoires d’adaptation. L’intérêt de l’analyse a été de pouvoir repousser les décisions les plus coûteuses (nouvelle infrastructure) tout en s’y préparant et en suivant au plus près les évolutions, et adapter la réponse au plus près. Sources : (UK Environment Agency 2012, 2016a, 2016b; Penning-Rowsell et al. 2013; Ranger, Reeder, and Lowe 2013)Bien que le contexte hydrologique soit très différent, la ville de Paris est également soumise à un fort risque d’inondation lors d’épisodes de crues de la Seine. Sans être à la hauteur de la crue de 1910, de récents évènements (2016, 2018) l’ont rappelé. Les organismes en charge de la gestion de ce risque comme l’EPTB Seine Grands Lacs ont également commencé à interroger la pérennité des aménagements et pratiques actuelles dans un contexte de changement climatique sans pour autant aboutir encore à une approche dynamique comparable à celle de Londres (OECD 2018).

Les innovations techniques pour accroitre la robustesse, l’adaptabilité ou la résilience des équipements comme des services sont déjà nombreuses. Les outils et méthodologies pour intégrer ces dimensions dans l’analyse des programmes et des projets sont disponibles. Le défi est de libérer ce potentiel en permettant les évolutions nécessaires du système d’incitation à la prévention, de répartition des risques et des responsabilités, et ce, tout au long de la vie des politiques publiques, des stratégies de développement territorial comme des équipements, de leur conception à la gestion des situations consécutive aux événements exceptionnels comme les catastrophes naturelles.

3. L’adaptation ne se décrète pas, c’est un processus qui se construit

En matière d’adaptation, les défis principaux ne seront pas le plus souvent d’ordre technique mais bien d’ordre organisationnel et politique. L’adaptation est donc avant tout une question de gouvernance.

3.1. Une appropriation encore trop lente et hétérogène des dynamiques d’adaptation

La question de l’adaptation n’est pas nouvelle et fait l’objet depuis déjà plusieurs années d’une prise en charge institutionnelle croissante, quoique toujours insuffisante.

L’Accord de Paris fait de l’adaptation un objectif aussi important que l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (article 2) et y consacre un article complet (article 7). La notion d’adaptation s’est-elle-même considérablement enrichie [33] au fil des rapports d’évaluation du GIEC.

En 2013, la stratégie européenne d’adaptation se fixait trois objectifs : promouvoir la mise en œuvre de stratégies d’adaptation nationales par tous les États-Membres, garantir la prise en compte des conséquences du changement climatique dans les politiques européennes (notamment dans les secteurs vulnérables de l’agriculture et de la pêche, dans les politique de cohésion et dans les infrastructures, par exemple via des recommandations pour les investissements dans les infrastructures critiques) et développer la connaissance pour intégrer l’adaptation dans la prise de décision (cf. la plateforme ClimateAdapt et les nombreux travaux de l’Agence européenne de l’environnement ). Cette stratégie, évaluée en 2018, est actuellement en cours de mise à jour.

En France, une Stratégie nationale d’adaptation a été adoptée dès 2007 suivie en 2011 par le premier Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC) qui a couvert la période 2011–2015. Ce premier plan était structuré autour de quatre objectifs : (1) Protéger les personnes et les biens ; (2) éviter les inégalités devant les risques ; (3) limiter les coûts et tirer parti des avantages et (4) préserver le patrimoine naturel. Intersectoriel et interministériel, ce plan couvrait 20 domaines d’action [34] au travers de 84 actions déclinées en 242 mesures visant à incorporer l’adaptation au sein de l’ensemble des politiques publiques.

En 2014, le CESE a rendu un avis sur «  l’adaptation de la France au changement climatique mondial  » insistant sur trois axes prioritaires : (1) penser les services futurs d’adaptation, ouvrir le débat dans la société (santé, agriculture, forêt, biodiversité, mer océan pêche) ; (2) intégrer l’adaptation dans l’action publique sur la base de règles communes et (3) développer la connaissance fondamentale et appliquée. Pour le conseil, il convenait « de s’approprier l’idée d’un futur très sensiblement différent de notre présent et d’intégrer ce paramètre dans toutes les études sur les secteurs de production, les métiers et les pratiques professionnelles ».

Le premier PNACC a fait l’objet d’une évaluation en 2016 qui a constitué le point de départ d’un processus de concertation pour l’élaboration du deuxième Plan national (2018–2022) présenté en décembre 2018. Les travaux ont été organisés selon six domaines d’action, qui structurent les priorités du nouveau Plan : Gouvernance et pilotage ; Connaissance et information ; Prévention et résilience ; Adaptation et préservation des milieux ; Vulnérabilité de filières économiques ; Renforcement de l’action internationale. Le PNACC2 entend ainsi se distinguer par « une plus grande implication des acteurs territoriaux, une attention forte portée à l’outre-mer, l’implication des grandes filières économiques et la priorité donnée aux solutions fondées sur la nature partout où cela a du sens ». Parmi ces actions phares on peut citer le développement d’un centre de ressources sur l’adaptation (CEREMA) - hwww.adaptation-changement-climatique.fr/ – ou encore l’établissement de prospectives économiques pour identifier les filières à risque et les mesures d’accompagnement. Lors de la présentation du PNACC 2, le Ministre de la Transition écologique et solidaire a évoqué un financement de 3,5 Md€ contre 17 M€ pour le précédent Plan. Il ne s’agit pas là d’une enveloppe ad-hoc directement dédiée à l’adaptation, mais du volume d’actions financées (par exemple, dans le périmètre des politiques de l’eau) qui devront tenir compte des effets du changement climatique pour continuer l’adaptation du pays [35] .

Jusqu’ici les pouvoirs publics ont, à travers le PNACC, privilégié une démarche de sensibilisation et de diffusion de bonnes pratiques (y compris d’ailleurs à destination des acteurs publics et de l’État lui-même, encore loin d’être exemplaire). Cette démarche est une première étape. Pour Ronan Dantec, sénateur et président de l’ONERC, le PNACC 2 « doit être vu comme le point de départ permettant d’ouvrir des discussions stratégiques sur des secteurs comme l’urbanisme, l’agriculture et le tourisme, […] il doit permettre d’affronter progressivement les tabous ».

Cependant, comme le souligne le même Ronan Dantec en tant que coauteur du rapport de la délégation du Sénat à la prospective, au-delà de l’État, du monde scientifique et de quelques acteurs pionniers, la déclinaison opérationnelle des acquis sur l’adaptation « reste insuffisante ». Il y a un vrai enjeu non seulement de diffusion et de précision de l’information mais également de création d’une culture commune et d’une mobilisation politique à l’échelle de l’enjeu au niveau national et au niveau territorial.

Des bonnes initiatives locales loin d’être généralisées

Au-delà de l’action directe de l’État – par exemple, au travers de la mise à jour des normes et des référentiels ou des outils de planification (PPR, SDAGE, etc.), la sensibilisation ou la mise à disposition de connaissances – beaucoup d’actions d’adaptation ne peuvent passer que par une appropriation des enjeux par chaque territoire et chaque secteur de l’économie.

Des outils de mise en œuvre et de suivi de l’adaptation sont peu à peu développés, notamment par l’ADEME [36] ou via des structures dédiées comme les Observatoires régionaux des effets du réchauffement climatique [37] .

Au niveau régional les Schémas Régionaux Climat Air Énergie, désormais intégrés aux SRADDET, contiennent notamment des orientations permettant l’adaptation au changement climatique.

Résulats du questionnaire aux régions de France Avec le soutien de Régions de France, nous avons pu faire circuler un questionnaire aux 13 régions métropolitaines et 5 régions d’outre-mer françaises pour mieux décrire comment le sujet était perçu et traité dans chacun de ces territoires [38] . Nous avons reçu des réponses de 11 régions (9 régions métropolitaines et 2 régions outre-mer) [39] . L’exécutif régional s’est déjà exprimé sur l’adaptation dans 7 des 11 régions mais selon des entrées qui peuvent varier, de la planification (SRADDET) à la gestion des risques en passant par le développement économique. Pour deux tiers des répondants, l’information disponible sur les impacts du changement climatique reste insuffisante car trop faiblement appropriable à l’échelle du territoire et non connectée aux prospectives de développement économique locales. Pour 9 répondants sur 11, les régions peuvent jouer un rôle de mobilisation, d’animation et d’accompagnement à l’adaptation ; pour 8 sur 11, elles ont un rôle de prescription et, pour 7 sur 11, un rôle de financement de l’adaptation. 9 répondants citent les collectivités infrarégionales comme un acteur auprès duquel agir en priorité ; 8 citent les filières économiques du territoire et 5 les citoyens [40] .

Pour accélérer le processus d’appropriation, différentes initiatives émergent à l’échelle territoriale à l’interface du monde scientifique et de celui des décideurs. Toutes les conditions ne sont cependant pas encore réunies pour que ces dynamiques se généralisent et aillent au bout de la logique d’appropriation.

La Région Nouvelle Aquitaine a, par exemple, réuni sous la direction du climatologue Hervé Le Treut un comité scientifique composé d’experts pluridisciplinaires, indépendants et permanents, mandaté pour « apporter aux acteurs du territoire les connaissances nécessaires à leur stratégie d’adaptation au changement climatique ». Ce collectif Acclimaterra (cf. encadré) a publié deux rapports sur « Les impacts du changement climatique en Aquitaine » qui ont permis une appropriation forte de ces enjeux par les acteurs économiques du territoire. Des démarches comparables commencent à émerger dans différents territoires, à l’initiative des exécutifs régionaux ou de collectifs de chercheurs ou d’acteurs – voir par exemple le GREC Sud, ReCO (en Occitanie) ou encore Ouranos AuRa (en Auvergne Rhône-Alpes) [41] .

L’exemple du collectif Acclimaterra Le deuxième rapport d’Acclimaterra, publié en 2017, élargit le périmètre de l’analyse à la région Nouvelle Aquitaine. Il décrit par domaine, à partir de la littérature scientifique existante, les leviers de l’adaptation territoriale en prenant en compte les spécificités de la Région. Des recommandations sont faites pour les différents types de territoires : urbains, milieux humides, forêts, montagnes et littoraux, mais aussi pour les activités économiques associées : agriculture, pêche et conchyliculture et pour la gestion de la ressource en eau. Parmi les leviers politiques et sociétaux, le rapport rappelle l’importance de la « mémoire des événements climatiques » qui permet de réduire la vulnérabilité actuelle et de mieux connaître et appréhender les risques.Les auteurs s’intéressent aux instruments juridiques existants pour l’adaptation, en particulier à l’échelle territoriale avec le SRADDET, le PCAET et le PLU-I. Ils insistent notamment sur le choix de la localisation du bâti. Si les collectivités sont présentées comme les « chefs d’orchestre des politiques climatiques », l’échelle régionale apparaît la plus pertinente pour « déterminer des synergies entre les actions d’atténuation du changement climatique et celles d’adaptation ». Mise à l’honneur dans ce rapport, elle « apporte une dimension systémique à la définition d’actions d’adaptation au changement climatique ». Les domaines de l’énergie, de la participation citoyenne et des enjeux climatiques dans les territoires urbains sont traités de manière inédite en comparaison au premier rapport. Concernant le domaine de l’énergie, sont analysées la consommation et les sources de production d’énergie du territoire tout en rappelant que la transition énergétique doit s’inscrire dans un modèle plus durable d’utilisation des ressources naturelles permettant de découpler croissance économique et consommation d’énergie. Les auteurs insistent aussi sur l’importance d’accroître l’implication, voire la participation des citoyens à la mise en œuvre des projets, facteur d’une meilleure acceptabilité sociale des mesures d’adaptation. Côté villes, les recommandations portent surtout sur la maîtrise de l’étalement urbain via l’aménagement de villes compactes, organisées de manière multipolaire, et le développement des mobilités douces (marche, vélo), moins dépendantes de systèmes de transport complexes, potentiellement vulnérables en cas de phénomènes climatiques tels que des crues. Ce rapport, auquel plus de 240 chercheurs ont contribué, constitue un travail inédit d’élucidation des enjeux locaux et d’accompagnement à la prise de décision dans tous les domaines affectés par le changement climatique. S’appuyant sur une expertise poussée, il a pour objectif de permettre le passage d’une phase de diagnostic à une phase de solution. Hervé Le Treut incite toutes les régions à adopter une démarche similaire afin de créer une expertise à l’échelle de leur territoire, essentielle à leur adaptation. Source : http://www.acclimaterra.fr

Il s’agit là d’un effort inédit et très riche mais qui ne semble pas encore suffisant et ne dispose pas des moyens de pleinement se déployer. Une étape supplémentaire serait de nourrir des démarches prospectives sur l’évolution des territoires et notamment des filières économiques les plus structurantes.

A l’échelle de l’intercommunalité, ce sont les Plan Climat Air Energie Territoriaux que doivent réaliser toutes les EPCI de plus de 20 000 habitants qui doivent comporter un volet adaptation au changement climatique. Certains territoires sont particulièrement avancés [42]  : c’est notamment le cas de grandes villes comme Paris (cf. encadré) ou Lyon qui disposent de stratégies élaborées.

Stratégies d’adaptation et de résilience de la Ville de Paris La Ville de Paris dispose d’un volet adaptation très complet dans sa politique climat, qui s’incarne dans une stratégie adaptée en 2015 . Celle-ci entend répondre à cinq enjeux : (1) canicules et îlots de chaleur urbains, (2) inondations, (3) sécheresses, (4) tension sur les ressources (alimentaires et énergétiques) et (5) biodiversité, tout en assurant une veille sur des enjeux émergents (risques sanitaires, système assurantiel, migrations climatiques…). L’objectif affiché est « d’adapter Paris […] tout en la rendant plus attractive, plus agréable à vivre et plus résiliente ». La stratégie s’articule atout de cinq axes : (i) protéger les Parisiens face aux événements climatiques extrêmes (actions de surveillance, information, continuité des services publics, prévention, gestion de crise…), (ii) garantir l’approvisionnement en eau, en alimentation et en énergie (maîtriser les consommations, créer de nouveaux puits, renforcer l’accès gratuit à l’eau, renforcer les filières locales, renforcer la résilience des réseaux…), (iii) vivre avec le changement climatique (nature et eau en ville, transformation du bâti et des documents d’urbanisme…), (iv) accompagner les nouveaux modes de vie et renforcer la solidarité (travail sur les horaires, aménagement des conditions de travail, télétravail…) et (v) récupération d’eau, dispositifs de solidarité. En parallèle, et dans le cadre de sa participation à la dynamique des 100 Resilient Cities financée par la fondation Rockefeller, la Ville de Paris s’est dotée d’un Chief Resilience Officer [43] et d’une stratégie de résilience. Plus large et transversale (sans rattachement administratif particulier), celle-ci prend en compte simultanément plusieurs sources de stress chroniques et la capacité à répondre à des évènements majeurs plus rares. C’est un panel de risques qui est considéré (inégalités sociales, économiques, territoriales ; terrorisme et sécurité ; changement climatique ; pollution de l’air ; Seine et risques liés au fleuve ; gouvernance territoriale) et auxquels répondent des solutions transversales articulées autour de trois piliers: les habitants (focus #1 : les solidarités) ; les infrastructures ; la gouvernance. Cette stratégie donne lieu à la mise en œuvre de projets (notamment expérimentaux) concrets comme le projet Oasis (transformation des cours d’école en îlots de fraîcheur) ou la création d’une réserve de citoyens formés aux risques et ambassadeurs de la résilience. »L’exemple de Paris est notamment intéressant car il établit un lien explicite et direct entre adaptation et cohésions sociale et territoriale . Les solidarités – notamment à l’échelle du quartier (ex. capacité à veiller les uns sur les autres et à s’entraider ; existence d’espaces publics frais partagés) – sont ainsi mises en avant comme un facteur essentiel de la résilience de la ville. Les liens entre la ville et les territoriaux plus ruraux dont elle dépend pour son alimentation en eau et en nourriture sont aussi soulignés. Source : www.apc-paris.com/plan-climat/adaptation

Au-delà de ces meilleures pratiques, le constat général demeure néanmoins que l’appropriation des enjeux d’adaptation au niveau local reste un processus lent, très hétérogène et encore largement incomplet.

Il n’est pas possible de miser sur une appropriation spontanée des enjeux de l’adaptation par l’ensemble des acteurs, ou même sur une injonction généralisée. L’adaptation ne se décrète pas, c’est un processus qui se construit et cela prend du temps et peut impliquer des changements profonds des modes de faire.

3.2. L’adaptation comme un défi de gouvernance : le plus dur, c’est de s’y mettre

A chaque fois, il s’agit d’arrêter d’attendre les décisions parfaites et discuter collectivement de l’approche privilégiée. Selon les cas, il peut s’agir d’adaptation incrémentales, au fil de l’eau, ou de véritables transformations de son modèle. Le plus souvent il n’y a pas qu’un seul choix ni une seule stratégie possible (on peut choisir de suivre de très près les phénomènes et de réagir de façon agile aux évolutions, on peut devancer des changements, on peut se diversifier pour en atténuer les conséquences, on peut saisir les moments opportuns pour engager des transformations radicales – par exemple, à la suite d’un incident en choisissant de ne pas reconstruire à l’identique mais de se projeter dans l’avenir…). Dans tous les cas, il est nécessaire de construire un accord acceptable entre les parties prenantes. En cela, le principal défi de l’adaptation est avant tout un défi de gouvernance et passe par la mise en place de socles de compréhension communs, d’instances de discussion, d’expérimentations de solutions puis d’arbitrages et des dispositifs d’accompagnement permettant leur mise en œuvre dans des conditions sereines.

L’exemple de la gouvernance de la ressource en eau Le changement climatique fait notamment planer le risque d’une pression accrue sur les ressources en eau qui pourrait affecter de nombreux acteurs. Pour s’y préparer, de nombreuses études ont été menées à l’échelle de grands bassins (Rhône, Seine, Garonne, Loire, Rhin, Durance, etc.), dans le cadre de différents projets de recherche, souvent initiés par les Agences de l’eau ou les Comités de Bassin.Il s’agit la plupart du temps de démarches pluridisciplinaires qui articulent autour d’un bilan offre-demande (souvent à l’horizon 2050) de la ressource en eau. Celui-ci met en balance des projections de la ressource disponible (issues d’un couplage entre projections climatiques et modèle hydrauliques) et les besoins anticipés pour différents usages (estimés à partir de prospectives d’évolution de facteurs démographiques et économiques intégrant notamment l’urbanisation, l’activité agricole ou encore la production d’énergie). La plupart de ces projets montrent des tendances à la baisse de la ressource en eau et une sévérité accrue des étiages, sous l’effet notamment d’une hausse de l’évapotranspiration liée à l’augmentation des températures. Ces bilans permettent d’alerter sur des tensions potentielles et donc des choix qu’il faudra faire. Ils peuvent être un point de départ pour imaginer et mettre en discussion différentes mesures d’adaptation (stockage, économie, meilleure utilisation…). Le principal sujet de discussion identifié est celui de la gouvernance de la ressource : comment priorise-t-on les usages ? Comment partage-t-on les efforts à consentir et l’eau disponible ? Certains des projets menés présentent des innovations intéressantes. Le projet Garonne 2050 a par exemple utilisé des mises en récits pour expliciter les hypothèses et présenter les arbitrages entre différentes options d’adaptation plus ou moins acceptables (économies, nouvelles infrastructures, changement de mode de gestion…). Le projet Hyccare Bourgogne a testé une méthode de design territorial et de co-construction des actions d’adaptation avec les acteurs. Le projet Adapt’eau a mis l’accent sur le diagnostic sociétal, géohistorique, géochimique et faunistique pour mettre à l’épreuve de solutions d’adaptation. Certains s’inscrivent dans la continuité des pratiques actuelles, d’autres n’hésitent pas à envisager des ruptures possibles (ex. comportements, modes de gestion, solutions non conventionnelles).En 2012, un exercice du même type a été réalisé à l’échelle nationale. Cette étude intitulée Explore 2070 a donné une base de comparaison et nourri différents exercices territoriaux de planification (Aurélie Carroget et al. 2017).

Source : (Aurélie Carroget et al. 2017)C’est sur la base notamment de ce socle de connaissances que s’est organisé de novembre 2018 au printemps 2019 le deuxième volet des Assises de l’eau sur le thème : « Changement climatique et ressource en eau : comment les territoires, les écosystèmes et l’ensemble des acteurs vont ils s’adapter ? » [44] .

3.3. Passer à la vitesse supérieure : recommandations

Face à un changement climatique désormais bien visible, il est plus que temps de faire de l’adaptation un sujet de préoccupation partagé de l’échelle nationale à l’échelle locale.

Appropriation politique, mise en cohérence et mobilisation des ressources

Cette mobilisation collective nécessite d’abord une réelle appropriation politique, économique et sociétale du sujet. Elle requiert ensuite de se donner les moyens de mettre en œuvre les mesures prévues par le PNACC et les dispositifs existants (ex. volet adaptation des Plan climat territoriaux).

Créer les conditions de l’appropriation implique de veiller à ce que pour chaque thématique concernée, les responsabilités soient bien distribuées. Chantier par chantier, il est primordial d’identifier clairement des référents en charge du sujet et de mettre en place des dispositifs de suivi et d’évaluation continue de sa prise en compte.

Il s’agit ensuite de soulever explicitement la question de l’adaptation au changement climatique à l’occasion de chacun des grands débats portant sur des sujets de politique publique ou d’aménagement structurants sur le long terme et forcément affectés par le changement climatique. On pense notamment aux propositions qui devraient être faites – par le Gouvernement ou le Parlement – pour adapter le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles [45] ou encore au futur débat législatif sur l’adaptation des territoires littoraux face à l’évolution du trait de côte [46] . Le sujet devrait aussi pouvoir être porté dans les discussions sur la planification des infrastructures (transport, énergie…) bien sûr, mais aussi sur le plan tourisme [47] , la gestion de l’eau [48] , la mise en œuvre de la loi d’orientation des mobilités, l’avenir de la politique agricole, l’évolution du droit de l’urbanisme ou encore les politiques de santé. A chaque fois, il est indispensable de tenir compte des conséquences du changement climatique en France et des choix collectifs nécessaires pour y faire face.

Porter ce sujet requiert enfin de mobiliser les ressources humaines et financières pour comprendre où sont les vulnérabilités, évaluer les options disponibles et mettre en œuvre, de façon suivie les solutions retenues. L’adaptation doit pour cela s’inscrire au cœur des nouveaux modes de coopération entre l’État et les territoires, associant intelligemment capacités d’initiative et d’expérimentation locales et accessibilité de ressources et de solutions mutualisées.

Articuler les échelles

Outre sa responsabilité sur son propre champ de compétences, l’Etat a également une double vocation vis-à-vis des autres acteurs (territoriaux, économiques…) : d’une part produire l’information, l’expertise et les outils nécessaires et, d’autre part, inciter l’ensemble des acteurs à s’en saisir.

Une meilleure prise en compte de l’adaptation demande ensuite un travail d’appropriation par les collectivités et tous les acteurs – notamment économiques – des territoires, qui doit être porté par les exécutifs régionaux et locaux. Des ressources doivent aussi être dédiées à la territorialisation et à la diffusion des connaissances scientifiques ainsi qu’à l’animation de démarches collectives. Là où des dynamiques de type Groupes régionaux d’expertise sur les changements climatiques (GREC) ont émergé, l’accès à des ressources humaines et financières est en effet apparu comme la première difficulté à surmonter [49] . L’information et la montée en compétence des acteurs ou l’accès à des services d’ingénierie sont des éléments fondamentaux pour renforcer la capacité d’adaptation des territoires : il faut se donner les moyens de les acquérir. Aujourd’hui, l’observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC) ne dispose par exemple que d’un effectif très limité qui ne lui permet pas d’offrir aux acteurs économiques et territoriaux de réels services d’appuis et d’expertise.

Enfin, à l’échelle des filières économiques, le défi consiste à interroger les implications du changement climatique sur la gestion des risques et les perspectives de développement à moyen et long terme. Il s’agit d’intégrer le changement climatique aux stratégies sectorielles, en construisant des hypothèses solides d’évolution intégrables aux réflexions stratégiques, aux côtés d’autres tendances structurantes de l’avenir (ex. transitions énergétique, numérique et démographique) [50] .

Pour passer à la vitesse supérieure, nous identifions 8 pistes d’actions – portant sur les échelles nationales et territoriales – autour de ces trois axes clés : le portage politique, l’intégration systématique du paramètre changement climatique et la mobilisation des moyens humains et financiers :

🡪 Garantir un portage politique fort et incarné en cohérence avec les politiques publiques pertinentes :

R1 – au niveau national : identifier des personnes référentes sur le sujet dans les différents cabinets ministériels, et installer une coordination politique transversale qui pourrait être assurée par un responsable de l’adaptation directement rattaché au Premier ministre.

R2 - au niveau territorial : mobiliser les associations d’élus (Association des Maires de France, France Urbaine, Régions de France…) pour faire de l’élaboration d’une stratégie territoriale d’adaptation une priorité des exécutifs locaux.

🡪 Un des constats récurrents quand on observe les dynamiques qui avancent et mobilisent (comme Acclimaterra en Nouvelle Aquitaine (cf. encadré)) c’est bien d’être portée et soutenue à haut niveau politique.

🡪 Intégrer systématiquement la question et coordonner les efforts aux différentes échelles :

R3 - au niveau national : inscrire dans les missions de principaux opérateurs publics et agences de l’État dotées de responsabilités en matière de planification et de régulation (infrastructures, eau, logement, énergie, assurance, régulation financière, santé…) le mandat explicite de tenir compte des évolutions du climat et de contribuer en fonction de leurs compétences à la résilience de l’économie.

R4 – au niveau national : confier au Haut Conseil pour le Climat la responsabilité d’évaluer la compatibilité des politiques gouvernementales avec les enjeux de l’adaptation, notamment dans la construction des grands projets d’infrastructures, les politiques économiques et les politiques de gestion des risques naturels et en vérifiant que l’ensemble des conséquences potentielles du changement climatique sur la politique considérée ont bien été envisagées et que les options retenues reflètent explicitement le niveau de risque collectivement accepté/le niveau de robustesse visé.

🡪 Le Royaume-Uni dont le UK Committee on Climate Change a fortement inspiré la mise en place du Haut Conseil pour le Climat en France a mis en place des mécanismes permettant d’évaluer et de garantir la cohérence des actions du gouvernement mais également des principaux opérateurs publics avec ses objectifs d’adaptation, par exemple l’Adaptation Reporting Power (encadré).

Une obligation de reporting au Royaume Uni Le Royaume-Uni est un des pays européens où la politique d’adaptation est la plus structurée. Le Climate Change Act de 2008 a instauré l’Adaptation Reporting Power instituant une dynamique d’évaluation de la vulnérabilité et des progrès de mise en œuvre de stratégies d’adaptation pour les différentes agences nationales mais également pour d’autres organisations (comme les gestionnaires d’infrastructure). Cette mesure est mise en œuvre par cycles successifs : un premier avec des obligés et des volontaires (105 organisations, 2009), un second sur une base uniquement volontaire mais à partir de critère prédéfinis (86 organisations, 2013), le troisième à nouveau volontaire avec des critères conseillés (2018, 59 réponses). Ces rapports – réalisés sur la base de projections de référence du Met Office – ont nourri les analyses de risque nationale ainsi que le 3 ème National Adaptation program (2018). Pour en savoir plus : https://www.gov.uk/government/consultations/climate-change-adaptation-reporting-power-plans-for-the-third-round

R5 - aux niveaux national et territorial : identifier clairement sur tous les sujets structurants le ou les organismes en charge de porter et d’animer les dynamiques sectorielles. Il s’agira de créer les conditions de réalisation d’exercices prospectifs [51] , du développement des outils de suivi et de former les relais locaux d’accompagnement des différents acteurs (notamment économiques tels que les CCI) aux enjeux de l’adaptation, afin de favoriser la diffusion d’informations et la prise d’initiatives. De telles démarches doivent aller un cran plus loin que les évaluations régionales des enjeux scientifiques et socioéconomiques conduits par les GREC ou d’autres initiatives similaires.

🡪 Certaines filières pionnières – parmi lesquelles la filière vin ou la filière lait (cf. encadré) – ont engagé des travaux de ce type-là. L’ADEME anime également des réflexions en ce sens, notamment sur d’autres produits agricoles (pommes, maïs et bovin viande (ADEME 2019)). Ce sont souvent les filières les plus directement impactées et/ou les mieux structurées et les mieux dotées qui sont à même de s’engager seules dans ces démarches. Équiper et accompagner le déploiement de ces réflexions collectives, y compris au-delà des filières les plus avancées, est essentiel [52] .

L’exemple de l’avenir de la moyenne montagne Quand l’enneigement devient trop incertain pour garantir la viabilité du modèle économiques de stations de sport d’hiver en moyenne montagne, deux options d’adaptation sont généralement discutées : investir dans les capacités de production de neige de culture (efficace jusqu’à un certain niveau de réchauffement au-delà duquel les conditions ne permettent plus la production de neige artificielle) et diversification de l’économie locale. Pour nourrir la réflexion stratégique des projets de recherche (Spandre 2016) vont au-delà de la compréhension des phénomènes naturels en modélisant l’évolution de l’enneigement tenant compte des caractéristiques propres de chaque domaine skiable, y compris des pratiques de gestion de la neige. De telles approches permettent d’intégrer à l’analyse des questions comme la disponibilité de la ressource en eau et l’énergie nécessaire pour produire de la neige de culture. Les résultats préliminaires indiquent tous une baisse du nombre et de la durée des créneaux disponibles pour la production de neige de culture. D’autres projets (projet ADAMONT) cherchent également à caractériser l’impact de ces changements sur l’économie de territoires (ex. Parc du Vercors et des Préalpes) en intégrant tous les secteurs d’activités et en co-construisant les connaissances directement avec les parties prenantes. Le but d’une telle approche participative et intégrée est de proposer un véritable cadre de gestion adaptatif. Source : www.irstea.fr/fr/impacts-du-changement-climatique-et-adaptation-en-territoire-de-montagne-projet-adamont L’exemple de la filière lait L’interprofession laitière s’est saisie directement de la question en engageant en 2015 une étude – CLIMALAIT – associant les instituts techniques de la filière et Météo France pour évaluer l’évolution du climat et son impact sur les exploitations laitières, à l’horizon 2050 pour 22 zones géographiques selon un scénario de changement climatique fort. Cette étude a permis le développement d’indicateurs météorologiques et agroclimatiques (température, pluie, bilan hydrique, …) pertinents pour la filière ainsi que d’un outil original appelé Rami Fourrager. Destiné aux éleveurs et à leurs conseillers cet outil permet de traduire à l’échelle de l’exploitation, les conséquences du changement climatique en tenant compte des spécificités de chaque système d’élevage. Des ateliers ont été organisés pour tester l’outils avec 6 éleveurs dans chaque région autour du cas concret d’une exploitation. Les résultats ont été très encourageants, mettant en lumière une diversité des implications très concrètes du changement climatique sur l’activité (avec des enjeux sur la disponibilité du fourrage lors d’épisodes secs, la préservation de l’autonomie alimentaire de la filière, la santé et le confort des animaux) mais aussi des solutions d’adaptation disponibles. Si beaucoup des réponses identifiées sont incrémentales et pourront facilement être déployées dans le temps certaines requièrent une anticipation et des investissements (ex. R&D sur les mélanges prairiaux, adaptation des bâtis). D’autres pourraient mettre du temps avant d’être acceptées et soulèvent des questions qu’il vaut mieux se donner le temps de traiter (par exemple sur les conséquences en termes d’image ou de carbone du passage de la prairie vers une alimentation moins sensible aux sécheresses). Les porteurs du projet identifient encore des défis à relever pour la filière : pour généraliser cette démarche d’appropriation des enjeux en diffusant l’outil auprès de tous les éleveurs, pour aborder des questions de changements plus systémiques non traitées jusqu’ici (évolution de races voire de modèles d’élevage) ainsi qu’un travail encore balbutiant sur l’aval de la filière.La présence d’une structure comme l’interprofession laitière (CNIEL) à même de prendre l’initiative de lancer une étude, l’existence d’une expertise et de moyens à mobiliser font probablement partie des facteurs de réussite de la démarche. Source : http://idele.fr/reseaux-et-partenariats/climalait.html

R6 – au niveau territorial : intégrer le contrôle des risques liés au changement climatique dans les processus de décision de la collectivité. Les risques liés au changement climatique doivent être pris en compte dans l’ensemble des décisions et investissements structurels.

🡪 Y dédier les moyens nécessaires

R7 - au niveau national : doter l’État d’une capacité d’expertise et de moyens dédiés à la mise en œuvre du plan national d’adaptation, ainsi qu’à la mise à disposition de l’expertise nécessaires à l’élaboration de stratégies d’adaptation territoriales (notamment au sein des PCAET). Des moyens supplémentaires, en particulier en termes d’ingénierie technique et financière, devraient donc être alloués en s’appuyant sur les acteurs compétents et disposant d’ores et déjà de relais dans les territoires et le monde économique telles que l’ADEME, l’ONERC (via les DREAL), le Cerema ou la nouvelle Agence des territoires.

R8- au niveau territorial : mobiliser les ressources nécessaires – notamment humaines, d’ingénierie et d’animation au sein des collectivités pour (i) animer des démarches de mobilisation des acteurs du territoire afin (ii) d’identifier et de permettre une prise de conscience collective des vulnérabilités aux changement climatique puis (iii) d’impulser des exercices de prospective territoriale, (iv) de faire émerger des initiatives concrètes d’adaptation et (v) de les mettre en œuvre . Le financement de ces actions doit également pouvoir reposer sur des ressources pérennes et des instruments appropriés à leur nature [53] , parfois différente de projets plus classiques, et à leur niveau de maturité. En appui des services locaux, donner aux collectivités locales un droit de sollicitation des services et opérateurs de l’État précités pour monter en compétence et être accompagnés dans la conception de stratégies, l’animation de démarches territoriales et le montage (technique et financier) des projets.

🡪 Ailleurs dans le monde de véritables « services d’adaptation » se sont constitués et proposent des solutions d’accompagnement des acteurs économiques et territoriaux allant de l’évaluation scientifiques des impacts à l’évaluation de mesures d’adaptation. Au Québec par exemple le consortium Ouranos est largement financé par le gouvernement pour jouer ce rôle (cf. encadré).

Ouranos « Organisme à but non lucratif qui développe des projets collaboratifs impliquant un réseau de 450 chercheurs, experts, praticiens et décideurs issus de différentes disciplines et organisations.A la fois un pôle d’innovation sur la climatologie régionale, l’évaluation des impacts, des vulnérabilités et de l’adaptation aux changements climatiques ainsi qu’un lieu de concertation permettant à la société québécoise de mieux s’adapter à l’évolution du climat, et ce, dans une perspective de développement durable.Sa mission est d’acquérir et développer les connaissances sur les changements climatiques, leurs impacts, ainsi que les vulnérabilités socioéconomiques et environnementales, de façon à informer les décideurs sur l’évolution du climat et les aider à identifier, évaluer, promouvoir et mettre en œuvre des stratégies d’adaptation nationales, régionales et locales ».Largement soutenu financièrement par le gouvernement du Québec pour appuyer l’organisation dans le développement de collaborations scientifiques internationales en matière de climatologie, de science des impacts et d’adaptation aux changements climatiques. Pour en savoir plus : https://www.ouranos.ca

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Annexe : questionnaire adressé aux régions

Présentation et questionnaire envoyé par Régions de France à ses adhérents – réponses collectées du 13 Mars au 8 Avril 2019 via un formulaire en ligne

Adaptation au changement climatique des Régions de France

L’objectif de cette étude initiée par Terra Nova et I4CE, Institute for Climate Economics – est de favoriser une prise de conscience politique des conséquences concrètes du changement climatique en France pour les filières et les territoires. Elle se situe dans un contexte de mise en œuvre du 2ème Plan National d’Adaptation au Changement Climatique. L’enquête ci-dessous vise à récolter des éléments d’information pour compléter l’état des lieux et mieux comprendre comment le sujet est aujourd’hui appréhendé à l’échelle des Régions. Il s’agit d’aborder non pas la question de la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour limiter le changement climatique mais bien les actions d’adaptation aux conséquences (i.e. évolution des conditions climatiques et impacts) que nous n’aurons pas pu éviter.

Liste des questions

Selon vous, la Région dispose-t-elle de suffisamment d’informations sur les impacts du changement climatique sur son territoire ?

Comment la région s’informe-t-elle sur les changements climatiques déjà observés (existe-t-il par exemple un observatoire régional des effets du changement climatique ou une structure similaire) ?

L’adaptation à ces changements et plus largement aux impacts des évolutions en cours du climat est-elle un thème sur lequel l’exécutif régional s’exprime régulièrement ?

Quelle sont pour vous les principales motivations ou incitations qui peuvent amener à agir sur le sujet ?

Avez-vous connaissance du 2ème Plan National d’adaptation au changement climatique et du rôle qu’il accorde à l’échelle régionale ?

Quelle est la posture privilégiée aujourd’hui par la Région sur ce sujet ?

Réagir aux changements au fur et à mesure qu’ils posent problème

Suivre les dynamiques impulsées par d’autres acteurs ou échelles de gouvernance

Anticiper et adapter une attitude proactive

Existe-t-il des démarches de réflexion / prospective sur l’adaptation du territoire régional au changement climatique associant les parties prenantes ? Si oui, sous quelle forme ?

Quel(s) rôle(s) la Région peut-elle jouer pour encourager l’adaptation ?

Prescription (plans, schémas…)

Financement

Mobilisation, animation, accompagnement

Autre

Auprès de quels acteurs en priorité ?

Collectivités infrarégionales

Filières économiques

Société civile

Citoyens

Autre

Via quel(s) outil(s), levier(s) ?

Comment sont pris en compte les enjeux d’adaptation dans les projets décidés/financés par la Région ?

Y-a-t-il des actions ou des projets conduits ou soutenus par la Région que vous souhaiteriez mettre en avant ? Si oui lesquels ?

Avez-vous connaissance de projets ou d’actions menées par d’autres acteurs du territoire en faveur de l’adaptation ? Si oui, lesquelles ?

Quels sont les freins et les besoins que vous identifiez pour que l’action régionale en la matière puisse être renforcée ? (Information, moyens, volonté politique, compétences…) ?

Avez-vous connaissance d’actions menées dans d’autres Régions qui vous paraissent intéressantes ? Si oui, lesquelles ?

Quel(s) service(s) est(sont) en charge de ces questions au sein de la Région ? A quelles thématiques ces questions sont-elles rattachées ?

Vous êtes :

Un élu

Un agent de la Région

Autre

Remarque, commentaires, informations complémentaires

  1. Voir http://www.meteofrance.fr/actualites/75205437-suivi-hydrologique-sur-la-france-le-26-aout-2019

  2. Au moins 5 fois plus selon les premières analyses des scientifiques http://www.cea.fr/presse/Pages/actualites-communiques/environnement/vague-chaleur-juin-2019-climat.aspx ; voir aussi (Oldenborgh et al. 2019).

  3. https://theconversation.com/lepisode-caniculaire-de-juin-pourrait-couter-jusqua-12-milliards-deuros-79973

  4. Bien que la Terre ait connu de grands changements climatiques à l’échelle des temps géologique, son climat est globalement stable depuis environ 10 000 ans. Cela signifie que nos civilisations humaines se sont développées dans une fenêtre climatique très particulière dont nous sommes en train de sortir à un rythme inédit.

  5. Pour retrouver le détail de cet indicateur et des 26 autres suivis par l’Onerc, voir https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/ONERC_Brochure_impacts_en_France_PDF_WEB.pdf

  6. Le Plan national d’adaptation retient l’hypothèse d’un réchauffement global moyen de 2 °C et suppose ainsi que la transition écologique visée par l’Accord de Paris sera réussie. A contrario, en se basant sur la trajectoire d’émissions actuelle, sans réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, des changements climatiques bien supérieurs (de l’ordre de 3 °C à 4,5 °C à la fin du siècle) pourraient advenir.

  7. https://www.novethic.fr/actualite/environnement/agriculture/isr-rse/ces-5-aliments-symboliques-de-notre-mode-de-vie-sont-menaces-par-le-rechauffement-climatique-146526.html

  8. Cet important travail de recherche s’est notamment développé dans le cadre européen du Research FP7 Environment Programme et en France au travers des 12 appels à projets du programme Gicc – Gestion et impacts du changement climatique. Piloté par le ministère de l’Écologie et soutenu par l’Ademe pour développer les connaissances en appui aux politiques publiques en considérant le changement climatique sous l’angle de ses impacts et de l’adaptation ce programme a permis de financer 105 projets entre 1999 et 2016. Des travaux partenariaux, associant différents organismes de recherche dans plusieurs disciplines, des entreprises et des acteurs locaux ont été menés dans des secteurs aussi divers que l’eau, l’agriculture, les transports, l’urbanisme etc. D’autres initiatives de recherche thématiques (ex. dans le cadre du programme Liteau sur les littoraux), sectorielles (par exemple dans l’Assurance ou l’agriculture) ou locales ont également été conduites par une diversité d’acteurs (ex. Inra, Agences de l’eau, Ademe, Régions).

  9. Météo France, CEA, CNRS, UVSQ et UPMC, Cerfacs, BRGM, Erema et Cnes.

  10. Les volumes 3 (2012) & 5 (2015) sont consacrés à la question du niveau de la mer : « De la planète aux côtes françaises ».

  11. « Drias a pour vocation de mettre à disposition des projections climatiques régionalisées réalisées dans les laboratoires français de modélisation du climat. […] Drias propose une démarche d’appropriation en trois étapes : l’Espace Accompagnement présente un guide d’utilisation et de bonnes pratiques pour les projections climatiques. L’Espace Découverte permet de visualiser et géolocaliser les projections climatiques au plus près des territoires […] et l’Espace Données et Produits permet de télécharger ces paramètres et indices climatiques sous forme de données numériques »

  12. Cf. https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/adaptation-france-au-changement-climatique#e3

  13. Ailleurs dans le monde, on commence en effet on commence à rencontrer des situations dans lesquelles, suite à des évènements climatiques extrêmes et au constat d’un risque croissant (aléa*exposition) des zones sont devenues non assurables. C’est par exemple le cas des villes de Emerald et Roma dans le Queensland où l’assureur Suncorp a cessé en 2011 d’assurer pendant un temps (jusqu’à la mise en place de nouveaux aménagements) de nouvelles activités. Ailleurs c’est une hausse significative des coûts de l’assurance qui est observée (ex. National Flood Insurance Policy, Florida, 8 %).

  14. À l’échelle française les scénarios de référence sont ceux présentés en 2015 par la commission sur le climat de la France au XXI e siècle présidée par Jean Jouzel. Ils prévoient une hausse de 26 cm à 82 cm en 2100 selon les scénarios de réchauffement. Ces projections étaient construites à partir du précédent rapport du GIEC et pourraient être actualisées suite à la publication du rapport spécial du GIEC sur les océans et la cryosphère paru en septembre 2019 https://www.ipcc.ch/report/srocc/ .

  15. Appelée relation de Clausius-Clapeyron selon laquelle la pression de vapeur saturante de l’air augmente d’environ 7 % par degré de réchauffement.

  16. D’autres travaux indiquent même que les pluies intenses de courte durée, à l’échelle d’une heure, se sont intensifiées deux fois plus rapidement que ce que prévoit la théorie. Les raisons exactes de ce constat restent discutées (physique des nuages, circulation de large échelle)

  17. http://pm22100.net/01_PDF_THEMES/97_ARTICLES_DIVERS/48_OCTOBRE_2018/181017_pluis_extemes_avis_science.pdf

  18. https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/impacts-du-changement-climatique-sante-et-societe ; https://theconversation.com/comment-la-canicule-affecte-notre-sante-100839

  19. Outre ses conséquences en période de canicule, le réchauffement climatique aura également de nombreux effets de nature épidémiologique. Il risque d’étendre la saison de transmission de nombreuses maladies et leur portée géographique, d’autant que la population sera plus urbaine et plus dense (70 % de la population mondiale résidera dans les villes en 2050). Les maladies transmises notamment par les insectes pourraient ainsi s’étendre à des régions jusqu’ici épargnées, à l’instar du paludisme qui pourrait toucher l’Europe

  20. https://theconversation.com/incendies-en-france-lete-2017-risque-de-devenir-la-norme-84814

  21. Dues à la variabilité naturelle du climat – qui est un système chaotique –, aux limites de nos capacités de modélisation et surtout aux doutes quant aux trajectoires de réduction des émissions de GES qui seront suivies.

  22. « Ce pic du « Paléocène-Eocène Thermal Maximum » (PETM), a chamboulé la faune, la flore et le paysage. Il a été la plus rapide et la plus importante perturbation climatique de notre ère. Jusqu’à aujourd’hui. Car la Terre vit désormais une situation inédite. » https://www.unige.ch/communication/communiques/2018/rechauffement-climatique-linquietante-lecon-du-passe/

  23. https://theconversation.com/le-prix-a-payer-pour-un-monde-toujours-plus-climatise-63027

  24. . https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/communique-presse-adaptation-des-territoires-face-aux-evolutions-du-littoral-francois-rugy-annonce . Des propositions de loi avaient déjà été déposées en 2016 et 2018 sans que leur examen aille à son terme. On y trouvait notamment des idées comme la mise en place de zones d’activité résiliente et temporaire (Zart), cf. https://www.actu-environnement.com/ae/news/urbanisation-littoral-vers-nouveaux-outils-pour-gerer-montee-mer-28310.php4 ; https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/201701/une_proposition_de_loi_pour_adapter_les_territoires_littoraux_au_changement_climatique.html

  25. « Le régime cat’ nat’ prévoit une extension obligatoire du contrat d’assurance avec l’application d’une surprime dans les polices d’assurance dommages permettant de financer une Caisse centrale de réassurance intervenant ensuite en tant que réassureur public avec la garantie de l’État. www.ffa-assurance.fr/infos-assures/assurance-des-catastrophes-naturelles ; www.ccr.fr/-/indemnisation-des-catastrophes-naturelles-en-france

  26. Les phénomènes de retrait-gonflement des sous-sols liés à la sécheresse, tout comme les phénomènes de submersion marine, apparaissent comme les périls présentant les plus fortes évolutions prévisibles en matière de fréquence et d’intensité

  27. « Les risques climatiques ont été insuffisamment intégrés à l’aménagement du territoire. […] Les risques doivent être réellement intégrés à l’aménagement du territoire. Cela suppose en particulier de revoir les normes de construction, et de développer un aménagement prospectif tenant compte du changement climatique, avec un réel effort d’innovation en matière d’urbanisme » (Mission d’information du Sénat sur la gestion des risques climatiques 2019)

  28. « La politique de prévention reste inachevée » (ibid)

  29. www1.nyc.gov/site/orr/challenges/challenges.page

  30. De telles approches sont d’ores et déjà déployées dans d’autres contextes. Dans certains projets de développement dans les pays du sud par exemple, un passage à gué, submersible mais facile à nettoyer après une crue peut ainsi être préféré à un pont couteux et régulièrement endommagé lors de fortes pluies. Tout le défi est de bien définir l’enjeu prioritaire : dans cet exemple où la route était principalement utilisée par des agriculteurs pour livrer leur récolte l’impératif était une réouverture sous 3 jours leur permettant de ne pas perdre le fruit de leur travail.

  31. http://www.meteofrance.fr/documents/10192/22603710/DP_servicesclim.pdf

  32. A noter, l’outil Trajectoire’Climat proposé par l’ADEME aux collectivités s’inscrit pleinement dans cette compréhension dynamique des enjeux. Il reste aux collectivités à se saisir de cet outil comme d’un réel levier d’animation territoriale. https://www.ademe.fr/objectif-climat-construire-trajectoires-dadaptation-changement-climatique-territoire

  33. L’adaptation est aujourd’hui définie par le GIEC (2014) comme la « démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences », elle peut être incrémentale (« mesures d’adaptation ayant pour objectif principal le maintien de la nature et de l’intégrité d’un système ou d’un processus à une échelle donnée ») ou « transformationnelle » (« adaptation qui change les éléments fondamentaux d’un système en réponse au climat et à ses effets »).

  34. Actions transversales, santé, eau, biodiversité, risques naturels, agriculture, forêt, pêche et aquaculture, tourisme, énergie et industrie, infrastructures et services de transport, urbanisme et cadre bâti, information, éducation et formation, recherche, financement et assurance, littoral, montagne, action européenne et internationale et gouvernance.

  35. Pour plus d’information sur le PNACC 2 voir : www.ecologique-solidaire.gouv.fr/francois-rugy-lance-deuxieme-plan-national-dadaptation-au-changement-climatique

  36. Voir notamment les outils Impact’Climat (Démarche de diagnostic de l’impact du changement climatique sur le territoire), Objectif’Climat (Méthode de suivi-évaluation des politiques d’adaptation au changement climatique et Trajectoire’Climat).

  37. Ex. Observatoire des effets du changement climatique (Rhône Alpes), Observatoire Régional Energie-Climat (Guadeloupe), Observatoire pyrénéen du changement climatique.

  38. Le questionnaire a été envoyé par Région de France aux référents « environnement » de l’association. Les réponses ont été collectées du 13 mars au 8 avril 2019. Le questionnaire se composait de 18 questions ouvertes à choix multiples ou texte libre. Il était introduit par le texte suivant : « L’objectif de cette étude initiée par Terra Nova et I4CE, Institute for Climate Economics – est de favoriser une prise de conscience politique des conséquences concrètes du changement climatique en France pour les filières et les territoires. Elle se situe dans un contexte de mise en œuvre du 2ème Plan National d’Adaptation au Changement Climatique. L’enquête ci-dessous vise à récolter des éléments d’information pour compléter l’état des lieux et mieux comprendre comment le sujet est aujourd’hui appréhendé à l’échelle des Régions. Il s’agit d’aborder non pas la question de la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour limiter le changement climatique mais bien les actions d’adaptation aux conséquences (i.e. évolution des conditions climatiques et impacts) que nous n’aurons pas pu éviter. »

  39. Émanant principalement des services responsables des questions environnement-climat (9 chargés de mission et un directeur) et d’un élu.

  40. Retrouvez les résultats complets en annexe.

  41. Cf. http://www.grec-sud.fr/wp-content/uploads/2019/01/TB_OrganismesFronti%C3%A8res_Marseille191218.pdf

  42. L’ADEME identifie et valorise notamment des actions locales exemplaires au travers des Trophée de l’Adaptation au changement climatique : https://www.ademe.fr/expertises/changement-climatique-energie/passer-a-laction/comment-sadapter-changement-climatique/trophees-ladaptation-changement-climatique-territoires

  43. Devenu depuis Délégué Général à la Transition Écologique et à la Résilience

  44. Cf. https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/assises-leau-trouver-des-solutions-meilleure-gestion-leau – cette séquence a abouti à un « pacte de 23 mesures pour faire face au dérèglement climatique qui affecte nos ressources en eau ».

  45. Le Président de la République s’est engagé à ouvrir prochainement cette réforme, pour laquelle les assureurs ont d’ores et déjà établi des positions communes et qui a fait l’objet d’un rapport d’information du Sénat publié à l’été 2019 (Mission d’information du Sénat sur la gestion des risques climatiques, 2019)

  46. Qui devrait faire suite à la remise du rapport de la mission parlementaire confiée par le gouvernement au député Stéphane Buchou en avril 2019

  47. Qui à ce jour ne fait pas référence aux enjeux climatiques : https://www.gouvernement.fr/action/plan-tourisme

  48. Cf. mise en œuvre du « pacte de 23 mesures pour faire face au dérèglement climatique qui affecte nos ressources en eau » adopté à l’issue des Assises de l’eau à l’été 2019

  49. C’est notamment le cas, outre la Nouvelle-Aquitaine, en Région Sud (GREC-Sud), en Auvergne Rhône-Alpes (Ouranos AuRA) et en Occitanie (ReCCO). Ces groupes parviennent jusqu’ici à conduire leur activité avec un budget dédié allant de 80 à 200k€ par an et correspondant la plupart du temps aux rémunérations des personnes qui en assurent l’animation et la gestion.

  50. Selon les contextes ces prospectives peuvent prendre différentes formes : intégration du climat comme variable centrale dans des travaux plus larges ; test de sensibilité des stratégies ou scénarios existants à différentes évolutions possibles du climat ; exercices dédiés de co-construction de stratégies d’adaptation au changement climatique.

  51. Le PNACC prévoit la réalisation d’une « étude prospective de portée générale [pour] identifier les filières qui doivent être mobilisées en priorité à partir d’une analyse de leurs vulnérabilités actuelles et futures ». Le Ministère de l’environnement a lancé à l’automne 2019 la réalisation de cette étude.

  52. L’agriculture, le bâtiment et le tourisme figurent notamment parmi les filières prioritaires (Dantec et Roux 2019, PNACC 2 2018).

  53. En prévoyant notamment des outils adaptés au financement de l’animation mais également d’investissements qui peuvent présenter des caractéristiques différentes de projets standards (par exemple des solutions fondées sur la nature pour lesquelles les indicateurs de risque ou de ROI peuvent être différents de solutions d’ingénierie classique).

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