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Note

Investir dans la transition écologique : quel financement des infrastructures ?

Pour réussir la transition écologique, des investissements massifs dans les infrastructures et les bâtiments sont indispensables, pour décarboner, s’adapter au changement climatique et préserver la biodiversité. Ces investissements sont massifs : de l’ordre de 30 Mds € supplémentaires par an d’ici à 2030 hors adaptation. Pour les financer, ce rapport plaide pour une double stratégie : d’une part, mobiliser autant que possible les financements privés, dans une logique partenariale conforme à l’intérêt général et refondée à l’aune de la transition écologique, et, d’autre part, trouver de nouvelles sources pour satisfaire les besoins de financements publics, qui resteront en tout état de cause très élevés.

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Introduction

Pays historiquement reconnu pour la qualité de ses infrastructures publiques[1], la France fait aujourd’hui face au défi de leur transformation et de leur adaptation pour réussir la transition écologique.

Condition même de l’activité économique, essentielles au quotidien des Français, les infrastructures sont au cœur des enjeux de la transition écologique : les routes et autoroutes doivent être transformées pour accueillir des mobilités « propres » (avec des bornes de recharge électrique, une meilleure connexion intermodale et une meilleure intégration à l’environnement), le réseau ferroviaire régénéré et développé, les aéroports convertis en « hubs multimodaux », des installations de production d’énergie renouvelable (photovoltaïques, éoliennes, etc.) et des centrales nucléaires déployées et les réseaux électriques renforcés et étendus pour accompagner l’électrification, la production, le transport et la distribution d’hydrogène ou de biogaz amplifiés, les réseaux de chaleur décarbonés, les usines de traitement et réseaux d’eau modernisés pour assurer l’accès à une eau de qualité dans un contexte de stress hydrique de plus en plus fort, les infrastructures de traitement et de valorisation des déchets développées dans le cadre d’une économie circulaire, les bâtiments publics rénovés…

Les usages associés aux infrastructures représentent aujourd’hui 50% de l’empreinte carbone de la France et la conception, construction et maintenance de ces dernières 3,5%[2]. Elles sont également particulièrement exposées au changement climatique, en particulier dans le domaine des transports, de l’électricité et de l’eau, avec le risque de bloquer le fonctionnement du pays. Elles posent enfin un enjeu tenant à leur impact sur les milieux naturels et la biodiversité – autre enjeu majeur, avec le climat, de la transition écologique : les infrastructures de transport contribuent par exemple à hauteur de 28% à l’artificialisation des sols[3].

Face à ces enjeux, la transition écologique impose une double transformation :

  • D’une part, un renouvellement des infrastructures existantes afin de réduire leurs impacts directs (approvisionnement en énergie, consommation d’eau, artificialisation des sols) mais aussi ceux des usages dont elles sont le support (avec notamment l’accueil de mobilités décarbonées en matière de transports) et de renforcer leur résilience ;
  • D’autre part, le déploiement de nouvelles infrastructures nécessaires à la décarbonation (installations d’énergie renouvelable, infrastructures de production, transport et distribution d’hydrogène, usines de traitement ou de valorisation des déchets, infrastructures de captage, stockage et utilisation du CO2) ainsi qu’à l’adaptation des territoires au changement climatique (digues, murs et ouvrages de soutènement).

L’enjeu est fondamental, car les infrastructures sont des « enablers » de la transition écologique de l’ensemble de l’économie. Compte tenu de l’urgence climatique, cette double transformation doit intervenir à un rythme sans précédent, s’agissant d’actifs qui, par nature, relèvent du temps long.

Cependant, cette double transformation achoppe sur une difficulté fondamentale : le financement.

Pour réussir la transition écologique, le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz publié en mai 2023 estime que l’investissement supplémentaire annuel total à horizon 2030 sera de l’ordre de 66 Mds€, représentant le solde entre davantage d’investissements climat (101 Mds€) et moins d’investissements fossiles (35 Mds€)[4]. Sur ce montant, les dépenses publiques représenteront 25 à 34 Mds€[5], reposant sur l’Etat mais aussi sur les collectivités territoriales – qui assurent environ 60% de l’investissement public en France. Au sein des dépenses publiques, les dépenses portant sur les infrastructures et la rénovation des bâtiments publics pèsent particulièrement lourd, respectivement 4 Mds€ et 10Mds€ par an, auxquels il convient d’ajouter 1 Md€ alloué à l’adaptation. Ces estimations ont récemment été confirmées par la Direction Générale du Trésor, qui, au global, estime les besoins supplémentaires bruts dans les postes bas-carbone à environ +110 Md€/an en 2030 par rapport à 2021 et les besoins supplémentaires nets à +63 Md€/an[6]. Elles constituent la base de la Stratégie Pluriannuelle des Financements de la Transition Écologique (SPAFTE) publiée en octobre 2024[7].

Or, ces dépenses doivent être réalisées dans un contexte de finances publiques particulièrement délicat. Les chiffres sont connus : une dette publique excédant 3 228 Mds€ à la fin du deuxième trimestre 2024, soit 112% du PIB ; un déficit public de 5,5% du PIB en 2023 et estimé à près de 6% en 2024 ; les taux de dépenses publiques (57,3% en 2023) et de prélèvements obligatoires (43,5%) parmi les plus élevés de l’OCDE… Cette situation a conduit la Commission à ouvrir une procédure de déficit excessif contre la France en juillet 2024, qui devrait imposer à la France un effort de consolidation de 0,5 point de PIB par an pendant quelques années.

Alors qu’un recul de la transition écologique sur l’agenda politique menace, tant au niveau européen qu’en France, il est à craindre que les dépenses en faveur de la transformation écologique des infrastructures en fassent les frais. Ce risque s’est matérialisé dès le début d’année 2024, avec la baisse de 400 M€ du budget du fonds vert, principal levier de financement des projets des collectivités territoriales en faveur de la transition écologique, et marque également la préparation du budget 2025, qui prévoit à ce stade une nouvelle baisse de 1,5 Md€ affecté au fonds vert sur plusieurs années et de 500 M€ pour l’électrification des véhicules. A l’évidence, dans la situation actuelle, le financement des investissements nécessaires à la transformation écologique des infrastructures par l’Etat et les collectivités territoriales n’est pas assuré.

Dans le même temps, il existe un potentiel de financement privé de ces infrastructures. La France compte des groupes de BTP et de gestion d’infrastructures qui sont des leaders mondiaux, dans de nombreux secteurs (VINCI, Bouygues, Eiffage, Engie, Veolia, Suez, etc.). Les investissements dans les infrastructures sont par ailleurs recherchés par les investisseurs institutionnels, notamment les fonds de pension, dans la mesure où ils offrent, sur le long terme, un rendement régulier et une protection contre l’inflation et la volatilité des marchés. Leur attractivité est renforcée par les règles de finance durable applicables aux investisseurs et aux banques, issues notamment du droit de l’Union européenne (règlement SFDR, taxonomie européenne). A titre d’exemple, en 2023, les levées par les fonds d’infrastructures français se sont maintenues à un haut niveau à 11,7 Mds€ et ces fonds ont investi 2,2 Mds€ en France. Si, depuis, la remontée des taux d’intérêt a eu un impact sur la dynamique de la collecte et des investissements, les infrastructures restent une classe d’actifs toujours attractive, notamment pour les investisseurs institutionnels.

La mobilisation de ces fonds n’est toutefois envisageable que dans des conditions de rentabilité minimales, assurant un retour sur investissement suffisant, et dans un cadre offrant une visibilité et une stabilité satisfaisantes. A la différence des fonds publics, la mobilisation des fonds privés est moins liée à la disponibilité de ces fonds qu’à la rentabilité des projets et à la viabilité du modèle économique.

Le rapport sur la compétitivité européenne remis en septembre 2024 à la Commission européenne par Mario Draghi[8] l’exprime clairement : pour répondre aux besoins d’investissement massifs au niveau européen et éviter une « lente agonie », estimés au total à 800 Mds€ supplémentaires par an, le financement doit être assuré par un mix public-privé. Cette perspective est également reprise par la Stratégie Pluriannuelle des Financements de la Transition Écologique. Il en va ainsi, notamment, en matière d’infrastructures et de transition écologique.

Dès lors, face au mur d’investissement dans les infrastructures, deux priorités stratégiques se dégagent, à très court terme :

  • Prioriser les projets à réaliser, en cherchant à minimiser le coût complet de la transition à long terme, dans le cadre d’une approche systémique, tenant compte des interactions entre secteurs et projets (électrification des mobilités et décarbonation de l’électricité, par exemple), et dynamique, intégrant la baisse des coûts de certains investissements dans le temps (cas de l’hydrogène bas carbone)[9] ;
  • Mobiliser le financement privé autant que possible et dans le respect de l’intérêt général, afin de réduire les besoins de financement public et de concentrer la dépense publique là où son impact est maximal.

Financement public et financement privé des infrastructures ne doivent pas être opposés mais considérés comme complémentaires, pour satisfaire l’ensemble des besoins.

Cette complémentarité mérite d’être mise en perspective historiquement. Par définition, les infrastructures relèvent de la responsabilité de la puissance publique – à qui il revient de s’assurer que le pays dispose des infrastructures répondant aux besoins des entreprises et des citoyens. Mais cette responsabilité peut prendre différentes formes et n’exclut pas l’intervention de personnes privées. De fait, le déploiement de nos infrastructures a, par le passé, connu toute une panoplie de configurations, de la prise en charge par l’Etat à l’initiative privée. De nombreuses infrastructures ont ainsi été réalisées et financées en tout ou partie par le secteur privé, dans un cadre défini par l’Etat : canaux (à l’image du Canal du Midi réalisé par Pierre-Paul Riquet), routes, ponts, voies ferrées (avec notamment la compagnie PLM, avant la création de la SNCF), réseaux d’eau, éclairage public, réseaux de gaz et d’électricité, réseaux de téléphonie…. La délégation au secteur privé des infrastructures publiques s’inscrit dans une tradition historique française, qui s’est d’ailleurs diffusée à l’étranger, notamment dans la seconde moitié du XXe siècle[10].  

En dépit de ce rôle historique, les « partenariats public-privé » (PPP) au sens large n’ont pas toujours bonne presse. Récemment, le recours accru à ce type de montages à partir de 2004 – qui a vu la création d’une nouvelle forme de « contrats de partenariat » – a soulevé des critiques ayant entraîné leur assèchement depuis 2012. Ces critiques sont parfois idéologiques, révélant une vision purement étatiste et une méfiance généralisée vis-à-vis du privé, dont il faut à notre sens se garder. D’autres critiques sont néanmoins justifiées, pointant notamment la complexité, la rigidité et les coûts de ces montages, qui ne sont pas adaptés à tous les projets. Il nous semble que le contexte actuel doit conduire à réexaminer sereinement l’intérêt de la gestion déléguée pour financer les investissements nécessaires à la transition écologique, en tenant compte de ces critiques et des enjeux du moment.

En résumé, l’équation du financement de la transformation écologique des infrastructures peut être posée ainsi : des besoins d’investissements massifs, des marges de manœuvres budgétaires et fiscales limitées pour la puissance publique, un financement privé disponible mais sous conditions.

C’est à la résolution de cette délicate équation qu’entend contribuer le présent rapport, réalisé dans le cadre d’un groupe de travail constitué d’experts pluridisciplinaires et alimenté par des auditions d’acteurs publics et privés des infrastructures (cf. Annexe). 

Une telle réflexion doit distinguer deux dimensions du financement.

D’une part, les modes de gestion, qui déterminent l’acteur économique – public ou privé – qui apporte les fonds et assure la gestion de l’infrastructure. A ce titre, dans le cas des infrastructures et des bâtiments publics, schématiquement, les investissements peuvent être réalisés selon trois grandes modalités, qu’on peut regrouper sous les termes de gestion publique, gestion déléguée ou gestion privée, et qui recouvre différents schémas contractuels (Encadré 1).

Encadré 1 – Modalités de réalisation des investissements dans les infrastructures

Les investissements dans les infrastructures peuvent d’abord être réalisés et financés dans le cadre d’une gestion publique, soit directement par l’Etat ou les collectivités territoriales, soit en confiant l’exécution des travaux à des entreprises privées, en concluant des marchés publics avec des entreprises spécialisées. On parle d’investissements et de services exécutés « en régie ». Dans le présent rapport, nous considérons également comme relevant de la gestion publique la réalisation d’activités économiques par des entreprises publiques ayant une activité marchande, au niveau national (SNCF Réseau ou EDF, par exemple) ou local, notamment sous forme de sociétés d’économie mixte locales (SEML) ou de sociétés publiques locales (SPL). On peut aussi y ajouter les structures publiques à fiscalité affectée, en charge de la réalisation de certains projets, telles que la Société du Grand Paris (devenue Société des Grands Projets).

Dans le cadre de la gestion déléguée, les collectivités publiques confient à un partenaire privé[11] une mission globale, incluant la conception, la réalisation sous maîtrise d’ouvrage privée, l’entretien, la maintenance, l’exploitation et le financement du projet, en lui transférant tout ou partie des risques du projet. Plus précisément, la gestion déléguée recouvre deux schémas principaux :

  • Les PPP au sens restreint ou contrats « à tiers financement »[12] : dans les marchés de partenariat, le partenaire privé ne supporte pas le risque d’exploitation. Il est rémunéré par un loyer versé par la puissance publique à partir de la mise à disposition de l’ouvrage (il s’agit donc d’un contrat basé sur la disponibilité). En d’autres termes, le projet est pré-financé par le privé puis payé par le public, avec un paiement étalé. Des marchés de partenariat peuvent être rapprochés les marchés globaux de performance énergétique à paiement différé (MGPE – PD), mis en place à titre expérimental en 2023 pour la rénovation des bâtiments publics[13] ;
  • Les concessions : dans une concession, le partenaire privé supporte le risque d’exploitation. Il est ainsi rémunéré en fonction des redevances versées par les utilisateurs (il s’agit donc d’un contrat basé sur la demande).

Enfin, certains investissements dans des infrastructures relèvent d’une gestion privée. Dans ce cas, à la différence des autres schémas, les actifs ne sont pas la propriété de la collectivité publique et le secteur privé assume seul la responsabilité de leur financement, de leur réalisation et de leur exploitation, dans un cadre défini par la régulation (et non par contrat). Cependant, la puissance publique peut être conduite à soutenir le secteur privé, dans les secteurs d’activité jugés stratégiques (notamment pour la transition écologique), mais trop risqués ou insuffisamment rentables pour attirer les investisseurs privés. Le soutien public aux investissements dans les infrastructures peut prendre la forme de subventions ou d’autres mécanismes financiers (garanties, prêts bonifiés, prises de participation, etc.). Tel est le cas, par exemple, dans le secteur des énergies renouvelables.

D’autre part, les sources de financement, qui déterminent l’acteur économique qui paye in fine : le contribuable ou l’utilisateur de l’infrastructure. Ainsi, aux trois grandes modalités d’investissement qui viennent d’être présentées correspondent deux grandes sources de financement :

  • L’imposition (via des impôts ou des taxes affectées), auquel est assimilé le recours à la dette (dont le remboursement a vocation à être assuré par l’impôt) ;
  • Les recettes issues de l’exploitation de l’infrastructure. Le recours aux concessions et à la gestion privée suppose de pouvoir mettre à contribution les utilisateurs des infrastructures à des niveaux assurant la rentabilité de l’investissement. Cette mise à contribution dépend de la capacité et du consentement à payer des utilisateurs et renvoie à des considérations de justice sociale, particulièrement dans un contexte de tension sur le pouvoir d’achat.

Ainsi, au sein de la gestion déléguée, les concessions et les PPP sont très différents, puisque dans un cas ils sont financés par les utilisateurs alors que dans l’autre par les contribuables.

Comme l’illustrent certains débats récurrents (sur l’avenir des concessions d’autoroutes, la gratuité des transports publics urbains ou encore la gestion de l’eau, par exemple), le choix entre ces différents schémas d’investissement est politique, l’Etat et les collectivités territoriales disposant d’une certaine liberté pour choisir entre gestion publique ou gestion déléguée et, dans certains cas, entre financement par le contribuable ou l’utilisateur. Notons néanmoins que des contraintes existent, notamment au niveau local, où s’applique le principe d’équilibre des services publics industriels et commerciaux[14].  

Figure 1 – Schémas d’investissement dans les infrastructure

Dans ce cadre, le présent rapport vise à :

  • Faire un état des lieux des besoins d’investissement dans les infrastructures, qui traduit l’ampleur et l’urgence des transformations à accomplir (1.) ;
  • Dégager une « doctrine » pour le financement de ces investissements, en identifiant notamment la « zone de pertinence » du financement privé (2.) ;
  • Formuler des propositions pour assurer les conditions de réussite de la gestion déléguée des infrastructures, à l’aune de l’intérêt général et des impératifs de la transition écologique (3.).

Ce rapport adopte une perspective générale, couvrant les secteurs des infrastructures et de la rénovation des bâtiments publics dans leur globalité, afin d’identifier de grandes lignes directrices, permettant d’alimenter une stratégie de financement globale. Il pourra utilement être décliné, secteur par secteur, afin d’en adapter les principales conclusions aux spécificités de chacun.

 

1.  État des lieux : un mur d’investissement à surmonter en un temps record

Les investissements dans les infrastructures ne sont aujourd’hui pas à la hauteur des besoins pour assurer la transition écologique. Loin s’en faut. Trois secteurs concentrent les principaux besoins d’investissements : les transports et mobilités (1.1), l’énergie (1.2) et les services d’eau et d’assainissement (1.3)[15], auxquels doivent être ajoutés la rénovation des bâtiments publics (1.4) [16]

 

1.1 Les transports et mobilités

Le secteur des transports et des mobilités constitue le premier émetteur de gaz à effet de serre (GES) en France, avec 32% des émissions nationales en 2022, et le seul dont les émissions ont augmenté depuis 1990[17]. Il est aussi le plus consommateur d’énergie, représentant 32% de la consommation énergétique finale. Il contribue à hauteur de 28% à l’artificialisation des sols et impacte de façon très significative la biodiversité[18]. L’Etat identifie les transports comme le premier contributeur à l’effort de réduction des émissions de GES à fournir d’ici à 2030 (27% des 138 MtCO2e à supprimer)[19].

Dans un rapport récent[20], Terra Nova a mis en avant cinq grands leviers pour décarboner les transports et les mobilités : (i) accompagner l’électrification de la mobilité routière, (ii) réussir ”l’Acte II” du ferroviaire, (iii) déployer un plan de lignes de cars express et de covoiturage pour développer les mobilités partagées dans les territoires, (iv) faire du vélo un moyen de transport massifié et (v) utiliser les infrastructures de transport pour produire de l’énergie verte. A ces cinq leviers de décarbonation s’ajoute l’adaptation des infrastructures de transport, qui sont particulièrement fragilisées par le changement climatique.

Ces leviers supposent des investissements massifs dans les infrastructures, auxquels s’ajoutent l’investissement dans les véhicules (véhicules électriques[21], matériel roulant ferroviaire) et le financement de l’exploitation des services publics de transports collectifs[22]. Au global, les études estiment, pour la France, entre +34 et +57 Md€/an en 2030 les besoins d’investissements bruts supplémentaires dans les postes bas-carbone du secteur des transports par rapport à 2021 (entre +16 et +36 Md€/an en moyenne 2024–2030)[23]. Il s’agit là de rompre avec une tendance historique qui, depuis 1990, a vu les investissements publics dans les infrastructures de transport se maintenir en euros constants (autour de 24 Mds€ en 2022) mais diminuer en proportion du PIB[24].

Les principaux investissements dans les infrastructures de transports sont les suivants :

  • La transformation de la route pour accueillir les mobilités décarbonées, compte tenu de la part modale prédominante et pérenne du transport routier, qui est aujourd’hui de 83% des transports de voyageurs (stable depuis 30 ans) et 88% des transports de fret (en croissance) et restera prédominante y compris en cas de doublement de la part modale du ferroviaire de 10% à 20%. La décarbonation de la route passe, de façon prioritaire, par le déploiement d’infrastructures de recharge électrique. Au premier trimestre 2024, la France compte environ 2 millions de points de charge, dont 1 million chez les particuliers, 750 000 dans les entreprises et 130 000 points charge ouverts au public. L’Etat a fixé un objectif de 400 000 points de recharge ouverts au public d’ici à 2030, dont au moins 50 000 en recharge rapide. Le think tank I4CE a estimé les besoins d’investissement annuels sur ce poste à 2,2 Mds€ entre 2024 et 2030, soit 1,4 Md€ de plus qu’en 2022[25].

Le principal défi est de répondre aux besoins de mobilité électrique sur longue distance, sur le réseau autoroutier concédé et non concédé et le réseau routier national, pour les véhicules particuliers mais aussi les poids lourds, en tenant compte des besoins à horizon 2030. Le modèle économique de ces investissements est plus difficile à trouver, dans la mesure où ces besoins requièrent une recharge ultra-rapide (pour limiter les temps d’attente) et font face à des coûts d’exploitation plus élevés et une demande plus variable. Alors que, sous la législature précédente, le Gouvernement a engagé une remise à plat de l’ensemble des aides publiques au déploiement des bornes de recharge publiques, le financement de ces investissements reste un enjeu ouvert ;

  • Les infrastructures de report modal (transport ferroviaire, transports en commun urbains, vélos, transport fluvial), qui représentent un besoin d’investissement supplémentaire de 7 Mds€ par an entre 2024 et 2030 pour atteindre environ 20 Mds€[26]. En matière ferroviaire, la priorité doit être donné à la régénération du réseau (1 Md€ supplémentaire par an) et des gares, ainsi qu’à sa modernisation (500 M€ annuels supplémentaires). En matière de transports en commun urbain, notamment pour couvrir les « trajets long du quotidien », le Grand Paris Express et le déploiement de services express régionaux métropolitains (SERM) incluent des investissements ferroviaires mais aussi des pôles d’échanges multimodaux ou des voies routières réservées au car express ou au covoiturage. A titre d’exemple, Ile-de-France Mobilités (IDFM) et la Région Ile-de-France, ont présenté en fin d’année 2023 un schéma directeur des lignes de cars express régionaux prévoyant la création de 45 nouvelles lignes d’ici 2030, c’est-à-dire un quasi-doublement du nombre de lignes express, et le développement d’un réseau d’infrastructures plus étendu (gares routières, voies réservées) pour un montant de 250 M€. Des schémas directeurs similaires sont à l’étude dans d’autres régions. Ces projets apparaissent de nature à offrir de véritables gains qualitatifs, avec un impact écologique significatif, à un horizon de temps court, et pour des montants relativement modérés.

Le financement de l’ensemble de ces investissements est cependant aujourd’hui loin d’être assuré. D’une part, dans le secteur ferroviaire, la régénération et la modernisation du réseau se heurtent aux limites du modèle d’auto-financement, qui fait reposer l’intégralité du financement des dépenses d’exploitation et des investissements de renouvellement du réseau sur SNCF Réseau, alors que le niveau des péages ferroviaires est déjà élevé. D’autre part, dans les transports en commun urbains, le modèle de financement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) locales – qui repose sur un triptyque constitué pour près de la moitié des ressources du versement mobilité (VM), pour plus d’un tiers des contributions des collectivités et pour moins de 20% des recettes commerciales – laisse béant un besoin de financement entre 8,5 Mds€ et 11 Mds€ d’ici à 2030. La situation est plus inquiétante encore au niveau régional, les régions ne disposant d’aucune ressource spécifique pour combler un besoin de financement de 11 Mds€ d’ici à 2030 et le financement des dépenses d’exploitation du Grand Paris Express n’ayant toujours pas été fixé[27] ;

  • Enfin, le renforcement de la résilience des infrastructures de transports constitue un enjeu fondamental sur lequel il n’existe pas de vision globale, ni des investissements à réaliser, ni des moyens de les financer. Selon une étude récente d’I4CE, par exemple, « Engager des travaux pour l’adaptation des réseaux routiers et ferré pourrait nécessiter de quelques centaines de millions à quelques milliards d’euros par an d’investissements additionnels dans les prochaines décennies (s’il était par exemple décidé de renforcer la robustesse de tous les ouvrages hydrauliques), mais il s’agira surtout de se donner les moyens de bien prendre en compte les changements climatiques dans les investissements déjà prévus et d’établir des priorités au sein des stratégies de gestion du patrimoine »[28]. Le troisième plan national d’adaptation de la France au changement climatique (PNACC 3), présenté le 25 octobre 2024 et ouvert à consultation pour 2 mois[29], vise spéciquement la résilience des transports et des mobilités (mesure n° 30) mais reste à un niveau très général.

 

1.2 L’énergie

Le secteur de l’énergie est clé dans la transition écologique, qui passe par un développement des énergies décarbonées (énergies renouvelables et nucléaire) et une électrification massive des usages (en particulier, comme cela vient d’être indiqué, dans les mobilités).

Dans son panorama des investissements climat, le think tank I4CE estime les besoins d’investissement dans ce secteur de la façon suivante :

Figure 2 – Panorama des investissements dans le secteur de l’énergie

Investissements

Montants 2022 (en Mds€)

Besoins annuels 2024–2030 (en Mds€)

Energie

Energie renouvelable

9.2

11.9

Dont

Hydraulique

0.7

1.1

 

Eolien terrestre

2.0

3.4

 

Eolien en mer

3.1

1.0

 

Solaire photovoltaïque au sol

1.4

3.5

 

Solaire photovoltaïque sur toiture

2.2

2.7

 

Energies Marines Renouvelables (EMR)

0.2

0.0

 

Biogaz (cogénération)

 

0.2

Gaz et chaleur renouvelable

2.0

3.3

 

Biométhane (injection)

1.1

1.5

 

Biomasse collective

0.2

0.5

 

Géothermie haute énergie

0.3

0.2

 

Pyrogazéifiation

 

0.0

 

Réseaux de chaleur

0.3

1.1

Nucléaire

4.9

4.6

 

Historique (prolongation, Grand carénage)

4.6

4.5

 

Nouveau nucléaire (EPR)

0.3

0.1

Flexibilités

0

1,2

 

Electrolyseurs (hydrogène)

0

1,1

 

Méthanation

0

0

 

Batteries statiques

0

0,1

Réseaux électriques

6.1

10.5

 

Réseaux de transport – climat

0.8

1.9

 

Réseaux de transport – autres

0.9

2.2

 

Réseaux de distribution – climat

2.3

4.2

 

Réseaux de distribution – autres

2.1

2.2

Source : I4CE, 2023[30]

Ce tableau appelle une précision en ce qui concerne le nucléaire. Selon I4CE, jusqu’en 2030, les investissements ont vocation à rester stables et à se concentrer sur la prolongation du parc existant, à travers le programme du « grand carénage ». Relevons toutefois qu’EDF a indiqué avoir déjà investi 3 Mds€ dans le projet de Nouveau nucléaire à fin 2024[31]. En tout état de cause, après 2030, les investissements s’orienteront vers la construction de nouveaux réacteurs, atteignant selon I4CE environ 8 Mds€ par an, dans le but de construire 14 EPR (en plus de l’EPR de Flamanville) d’ici 2050. Or, le financement de ces investissements n’est pas assuré : il est difficilement envisageable de les financer sur le seul bilan d’EDF et, à ce stade, aucune aide de l’Etat n’a été prévue – le sujet étant en cours de discussion. Il s’agit d’une incertitude majeure sur la capacité du pays à réussir la transition écologique.

S’agissant de la production d’électricité renouvelable et des réseaux électriques, les modèles de financement sont en place, avec le soutien public aux installations de production d’énergies renouvelables (qui permet de dérisquer les investisseurs, grâce à la conclusion d’un contrat de complément de rémunération, assurant le paiement d’un tarif cible pour la vente de l’électricité, quels que soient les prix de marché) et le dispositif de TURPE (tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité) pour le financement des réseaux de distribution et de transport d’électricité. Cependant, compte tenu des besoins colossaux d’investissement pour accompagner l’électrification des usages, il convient de tenir compte, outre la capacité de l’Etat à supporter le coût croissant du dispositif de soutien, de deux contraintes fortes : la question foncière et l’acceptabilité des nouvelles installations de production, et la capacité des consommateurs à supporter le financement des investissements dans les réseaux.

 

1.3 Les services d’eau et d’assainissement

Devant répondre à des besoins multiples (des citoyens, des industries, de l’agriculture, etc.), touchés par le changement climatique (stress hydrique, aléas climatiques, problèmes de qualité), les services d’eau et d’assainissement (SEA) constituent un secteur sous tension, marqué par :

  • Des besoins d’investissements massifs pour répondre aux enjeux sanitaires, climatiques et environnementaux : traitement des micropolluants, modernisation des stations d’épuration, neutralité énergétique de stations d’épuration, développement de la réutilisation des eaux usées (REUT), renouvellement des réseaux et lutte contre les fuites (en France, en moyenne, le taux de fuite est de 20% mais peut monter à 50% dans certaines collectivités), prévention des risques d’inondations, etc. Alors que les investissements annuels sont d’environ 6,5 Mds€/an actuellement, les besoins d’investissement supplémentaires seraient de l’ordre de 15 Mds€ d’ici 5 ans (soit 3 Mds€/an) pour rattraper le retard pris . L’évolution de la réglementation relative à la qualité de l’eau potable et au traitement des eaux usées devrait de surcroît faire doubler les investissements nécessaires ;
  • Un financement fragilisé : le financement des services d’eau et d’assainissement repose sur le principe de « l’eau paie l’eau ». Ce principe atteint toutefois deux limites aujourd’hui. D’une part, les recettes des SEA sont assises sur les volumes d’eau consommés, la part fixe de l’abonnement étant plafonnée en droit et se limitant à 15–20 % en pratique, alors même que les SEA reposent sur une économie de coûts fixes (de l’ordre de 80 à 90%). D’autre part, dans un contexte de sobriété, les consommations sont en forte baisse (notamment chez les industriels), ce qui renforce la pression sur les budgets des SEA.

Une réflexion sur le modèle économique des SEA est dès lors indispensable pour financer les investissements nécessaires à la transition écologique.

 

1.4 Les bâtiments publics

Le secteur du bâtiment dans son ensemble (logements et bâtiments tertiaires) représente 45% de la consommation finale énergétique de la France en 2022 et 16% des émissions directes de gaz à effet de serre sur le territoire français en 2019. En son sein, le parc de bâtiments tertiaires est responsable d’environ 16% de la consommation finale d’énergie, et 6% des émissions de gaz à effet de serre de la France, soit 38% des émissions directes du parc des bâtiments[32]. Le parc immobilier public pèse assez lourd dans ce bilan, puisque ce parc représente environ 10% du parc français dans son ensemble (380 millions de m2), dont 25% appartiennent à l’Etat, 30% aux communes et 45% aux départements et aux régions.

L’Etat a fixé pour objectif de réduire la consommation d’énergie dans les bâtiments qui ont une surface d’activité tertiaire (ou un cumul de surfaces) égale ou supérieure à 1 000 m² d’au moins –40 % en 2030, –50 % en 2040, –60 % en 2050. La loi a par ailleurs renforcé les contraintes sur les passoires thermiques.

Il en résulte, pour les collectivités publiques, un besoin d’investissement supplémentaire annuel de 10 Mds€ par an d’ici à 2030[33]. A date, cet investissement est très loin d’être engagé, pour des raisons multiples, tenant au manque d’informations sur l’état actuel du parc, aux contraintes pesant sur la filière de rénovation et aux problématiques de financement[34].

2. Financement public / financement prive : quelle « doctrine d’emploi » ?

Face au mur d’investissement auquel font face les collectivités publiques pour transformer les infrastructures et bâtiments publics, et compte tenu des contraintes budgétaires qui pèsent sur elles, il est essentiel de dégager une « doctrine » permettant de mobiliser à bon escient les différents outils à leur disposition.

Une telle doctrine doit reposer sur deux grands principes :

  • La liberté de choix : il ne s’agit ni d’écarter d’emblée ni d’imposer l’un ou l’autre des schémas à l’Etat ou aux collectivités territoriales, dans une démarche qui serait idéologique[35]. L’analyse doit se faire au cas par cas, en fonction du contexte, des caractéristiques des projets ou encore des capacités techniques et financières de la puissance publique. Il est néanmoins possible de dégager des lignes directrices pour aider la puissance publique à s’orienter dans ce cadre de liberté ;
  • La maximisation de l’investissement : le choix entre les différentes formules contractuelles, au niveau de l’Etat ou de chaque collectivité territoriale, doit tenir compte de l’ensemble des besoins d’investissement, en s’assurant de la soutenabilité de la trajectoire d’investissement. Cela implique notamment d’éviter les effets d’éviction, c’est-à-dire des situations dans lesquelles un projet serait réalisé sous financement public mais contraindrait à renoncer à d’autres investissements pour des raisons budgétaires alors qu’il aurait pu être réalisé en mobilisant un financement privé. Il existe également des cas dans lesquels le décideur public renonce à un investissement alors qu’il aurait pu être réalisé sur fonds privés.

Dans cette perspective, ce rapport plaide pour exploiter pleinement le potentiel du financement privé des infrastructures, pour réduire les besoins de financement public (2.1). Néanmoins, ces besoins de financement public resteront en tout état de cause massifs et pour les satisfaire de nouvelles ressources publiques devront être dégagées (2.1.3).

Encadré 2 – Photographie du financement des infrastructures

Selon I4CE, sur les 100 Mds€ investis en faveur du climat en France en 2022 dans les secteurs des bâtiments, des transports et de l’énergie, les pouvoirs publics en financent environ un tiers, allant de 17% pour les véhicules bas-carbone et les énergies renouvelables jusqu’à 92% pour les infrastructures de transports. Cette part ne prend toutefois pas en compte les participations de l’Etat au sein des entreprises publiques telles qu’EDF et la SNCF[36].

Par rapport à d’autres pays européens, la France se caractérise par un recours fréquent à la gestion déléguée, mais qui reste relativement limité par rapport à l’ensemble des investissements publics. La gestion déléguée représente un montant d’investissement de 56,5 Mds€ sur la période 1990–2022 (contre 166 Mds€ au Royaume-Uni, 35 Mds€ en Espagne, 22 Mds€ en Allemagne ou 18 Mds€ en Italie)[37]. Les transports sont le premier secteur concerné. Le recours à la gestion déléguée a été particulièrement fort en 2011 (atteignant 13 Mds€, dont 9 Mds€ sous concessions). En 2022, 4,1 Mds€ d’investissements ont été signés dans le cadre de concessions.

Figure 3 – PPP et concessions conclues en France en volume (M€) entre 1990 et 2022

2.1 Exploiter le potentiel du financement privé des infrastructures

De façon générale, le choix entre les différents schémas d’investissement dans les infrastructures et bâtiments publics est guidé par deux grandes séries de considérations :

  • Des considérations liées à la maîtrise d’ouvrage, qui renvoient à la volonté de la collectivité de conserver la plus grande maîtrise sur le projet (qui conduit généralement à réaliser le projet sous maîtrise d’ouvrage publique) ou à l’intérêt de se reposer sur l’expertise du secteur privé pour conduire des projets complexes (qui justifie le recours aux concessions et autres PPP) ;
  • Des considérations financières : il s’agit alors de comparer les différents montages au regard du coût global du projet (en tenant compte des risques de retard et de surcoûts) [38], les modalités de financement (financement public, pré-financement privé avec paiement étalé, financement privé) et l’impact sur la dette publique.   

Dans le contexte de la transition écologique et au vu de la situation des finances publiques, les collectivités publiques devraient avoir pour objectif de réduire, autant que possible, les besoins de financement public des investissements dans les infrastructures et les bâtiments publics.

L’exploitation du potentiel du financement privé des infrastructures passe par trois leviers :

  • Lorsque l’utilisateur de l’infrastructure peut être mis à contribution, privilégier un financement de l’investissement par les recettes d’exploitation dans un cadre concessif ;
  • Si tel n’est pas le cas, avoir recours aux PPP, sous certaines conditions ;
  • Créer un effet multiplicateur en mobilisant des outils de financement publics pour attirer des capitaux privés vers les infrastructures partiellement couvertes par les usagers.

2.1.1 Intérêt du modèle concessif pour les investissements de la transition écologique

Le financement par l’utilisateur de l’infrastructure, lorsqu’il est possible – c’est-à-dire lorsque l’infrastructure est le support d’un service marchand – devrait être privilégié par les collectivités publiques. Ce choix est du reste en principe imposé par la loi au niveau local, qui impose l’équilibre des budgets des services publics industriels et commerciaux communaux et interdit aux communes de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre de ces services.

Dans une perspective de financement, trois raisons principales plaident en ce sens :

  • L’efficacité économique et l’équité du principe utilisateur-payeur et pollueur-payeur : l’actif est financé par les utilisateurs de l’infrastructure, en contrepartie de leur utilisation, et non par le contribuable national, qu’il bénéficie ou non de l’infrastructure. Ainsi, dans le domaine des autoroutes, on estime que 25% des péages sur le réseau concédé sont payés par des usagers étrangers. Rendre les autoroutes « gratuites » conduirait ainsi à un transfert de charges entre ces usagers étrangers et les contribuables nationaux, peu importe leur utilisation des autoroutes. Le principe utilisateur-payeur participe également d’une certaine forme d’équité intergénérationnelle, puisqu’il permet de financer un actif aujourd’hui en le faisant payer par l’utilisateur de demain ;
  • L’absence d’aggravation de la dette publique : le niveau d’endettement est devenu un des principaux freins à la réalisation des investissements. Or, les services marchands, dont les revenus proviennent majoritairement de l’exploitation, ne sont pas consolidés dans la dette publique. Tel est le cas des services réalisés dans le cadre de concessions ou par des entreprises publiques (sauf si le financement de ces dernières repose principalement sur des subventions ou des affectations de recettes votées en loi de finances, et non sur des ressources d’exploitation, comme dans le cas de SNCF Réseau ou de la Société des Grands Projets)[39] ;
  • La libération de capacités d’investissement pour d’autres investissements : en s’appuyant sur un financement par les utilisateurs, la collectivité publique préserve ses marges de manœuvre budgétaires (ou sa capacité d’endettement) pour réaliser d’autres investissements nécessaires à la transition écologique ou à d’autres fins.

Lorsque les recettes d’exploitation offrent des perspectives de rentabilité suffisantes pour financer un investissement se pose alors la question, pour la puissance publique, de le réaliser dans le cadre d’une gestion déléguée ou d’une gestion publique (la gestion privée étant réservée à des infrastructures qui ne sont pas la propriété de l’Etat ou des collectivités publiques).

A ce titre, le recours au secteur privé, dans le cadre du modèle concessif, présente plusieurs avantages :

  • Il permet de bénéficier de l’expertise d’entreprises spécialisées, présentes en France et à l’étranger, et avec une capacité d’innovation, alors que la collectivité publique ne dispose pas nécessairement des compétences requises en interne ou ne souhaite pas supporter les risques associés au projet ;
  • Outre leurs compétences, l’efficacité des entreprises privées provient également des économies d’échelle qu’elles génèrent en opérant sur un marché large, surtout dans des domaines où les coûts fixes sont élevés ;
  • La mise en concurrence du partenaire privé constitue une incitation forte à proposer le « juste » prix et à améliorer la performance (cf. section 3.1.3) ;
  • Le modèle concessif conduit à externaliser les risques du projet – partage des risques qui peut être adapté à la nature et aux caractéristiques des infrastructures concernées ;
  • Le contrat de concession étant un contrat global et de long terme, il conduit à optimiser le coût complet de l’infrastructure et à sanctuariser les dépenses de maintenance (qui sont souvent sacrifiées dans le cadre d’une gestion publique, du fait du principe d’annualité budgétaire et des aléas politiques qu’il implique). De plus, la rémunération du partenaire privé dépendant des recettes d’exploitation, il est incité à offrir la meilleure qualité de service aux utilisateurs.

Il est essentiel de garder à l’esprit que, si, dans le cadre d’une concession, l’actif est financé par le secteur privé, il reste la propriété de la collectivité publique et cette dernière conserve la responsabilité de la définition et du contrôle de l’intérêt général et de la qualité de service attendue.   

Marqueurs, historiquement, d’un « modèle français », les concessions ont ainsi vocation à être le véhicule d’investissement pour transformer ces infrastructures face aux enjeux écologiques.

Alternativement à la conclusion d’une concession avec un acteur privé, la puissance publique peut privilégier une gestion publique tout en restant dans le cadre d’un financement par les recettes d’exploitation. Elle crée alors généralement une entreprise publique, distincte de ses propres services, à qui elle confie l’investissement et l’exploitation de l’infrastructure. Ce choix peut être motivé par des facteurs politiques (liés à la volonté de maîtrise des projets), économiques (visant à éviter des coûts de contractualisation qui peuvent être importants) ou financiers (du fait d’exigences de retour sur investissement inférieures aux entreprises privées, ce qui doit permettre d’optimiser le coût du projet). Dans les secteurs régulés, ce choix est parfois imposé, comme en matière de distribution d’électricité au niveau local.

Il convient toutefois de relever que, d’une part, créer une entreprise publique suppose de se doter de compétences et de moyens suffisants et d’accepter de supporter les risques associés à l’investissement – ce qui n’est pas neutre en termes de mobilisation de ressources publiques. D’autre part, quand elles interviennent dans la sphère marchande, les collectivités publiques doivent respecter les règles de la concurrence et se comporter en « investisseur avisé » en économie de marché, à défaut de quoi leur intervention relève du régime des aides d’Etat[40]. Enfin, la littérature économique tend à montrer qu’un actionnaire public est généralement moins exigeant qu’un actionnaire privé sur la performance d’une entreprise (du fait d’incitations moindres), ce qui implique un contrôle et une régulation renforcée.

En réalité, en dehors de considérations purement politiques, le choix de confier un projet à une entreprise publique se justifie surtout lorsque les bienfaits attendus du recours au secteur privé ne se matérialisent pas, notamment en cas de faible concurrence sur le marché, plaçant la collectivité publique dans une situation d’asymétrie d’information et n’incitant pas le partenaire privé à optimiser son offre.

Figure 4 – Investissements susceptibles d’un financement par l’utilisateur dans un cadre concessif

Secteurs

Investissements

Commentaires sur le financement

Transports

Réseau de bornes de recharge électrique ouvertes au public

– Intervention des syndicats d’énergie ou concessions en cas d’insuffisance de l’initiative privée sur les voies publiques

– Concessions sur le réseau routier national ou autoroutier non-concédé (avec un besoin de subvention)

– Sous-concessions sur le réseau autoroutier (avec un besoin de subvention). Possibilité d’utiliser les péages autoroutiers pour financer une partie des investissements (ce qui réduirait le besoin de mobilisation des fonds publics)

Services express régionaux métropolitains (SERM)

Possibilité de financer certains investissements sur le réseau autoroutier concédé via les concessions d’autoroutes (pôles d’échanges multimodaux, voies réservées)

Régénération et modernisation du réseau ferroviaire

Financement dans un cadre régulé (par les redevances ferroviaires) mais insuffisant pour faire face aux besoins

Terminaux multimodaux de marchandises

Possibilité d’avoir recours à des concessions avec SNCF Réseau ou des collectivités territoriales ?

Résilience du réseau routier

Concessions sur le réseau autoroutier concédé

Energie

Réseaux électriques

Financement dans un cadre régulé (par le TURPE)

Réseaux gaziers

Financement dans un cadre régulé (via le tarif d’utilisation des réseaux de distribution et de transport de gaz naturel) mais problématique croissante de péréquation (cf. section 3.3.2)

Réseaux de chaleur

Concessions ou entreprises publiques locales (EPL)

SEA

Usines de traitement des eaux usées

Concessions

Renouvellement et modernisation des réseaux

Concessions, avec la nécessité de repenser l’équilibre économique (cohérence coûts / risques / rémunération)

2.1.2 Intérêt des autres schémas PPP

Si le financement par les recettes d’exploitation n’est pas envisageable, la collectivité publique doit alors choisir entre maîtrise d’ouvrage publique « classique » et PPP (ou contrats « à tiers financement ») (marchés de partenariat, MPGE-PD), dont le financement repose dans les deux cas, in fine, sur le contribuable.

Le recours à ces PPP peut alors être pertinent :

  • Pour des raisons tenant à la maîtrise d’ouvrage des projets : comme les concessions, ces contrats permettent de transférer certains risques et de s’appuyer sur les compétences et les moyens d’entreprises spécialisées, ayant une capacité d’innovation, stimulée par la concurrence. Par ailleurs, confier une mission globale au partenaire favorise une logique d’optimisation du coût complet du projet, appréhendé sur toute la durée du contrat (et non une optimisation des coûts de construction au détriment de l’exploitation de l’ouvrage, par exemple). Les PPP sont également considérés comme incitatifs à la performance, du fait des modalités de rémunération du partenaire (qui commence à compter de la mise à disposition et est soumise à des pénalités par rapport au niveau de performance attendu) et du contrôle exercé par les prêteurs ;
  • En considération du coût global : les coûts de financement sont généralement plus élevés dans le cadre de PPP qu’en cas de projets conduits sous maîtrise d’ouvrage publique. Mais cette comparaison doit être mise en perspective, quand on prend en compte les risques de retard et de surcoûts plus élevés dans les seconds que dans les premiers ;
  • Du fait de la « facilité de paiement » (équivalente à une forme de dette) que constitue le pré-financement par le partenaire privé et son remboursement par le biais d’un loyer, dans le cadre d’un paiement étalé dans le temps (et par dérogation à l’interdiction de paiement différé applicable en principe aux marchés publics).

Notons que, à la différence des concessions, les PPP ont un impact budgétaire au moment du paiement du loyer et sont en principe, en France, consolidés dans la dette publique[41].

En réalité, l’intérêt des PPP est, en transférant la maîtrise d’ouvrage et les risques des projets à un partenaire privé, de sécuriser les projets et d’améliorer la performance, alors que, comme l’ont montré de nombreux rapports, trop souvent l’Etat est un mauvais maître d’ouvrage (comme l’illustrent par exemple les chantiers culturels[42]) et néglige l’entretien et la maintenance de ses infrastructures (à l’image du réseau routier national). 

Si les PPP ont soulevé, par le passé, des critiques, des réponses y ont été apportées (Encadré 3). L’expérience passée montre que ces contrats ne sont pas pertinents dans certains cas, notamment pour les projets de petite taille, du fait de leur complexité, ou pour les services qui présentent de forts enjeux de mutabilité (technologique, règlementaire ou sanitaire), du fait de leur rigidité. Dans les autres cas, seule une étude au cas par cas, comparant les différents schémas possibles, peut permettre de trancher.

Encadré 3 – Retour sur la vague de PPP des années 2000, ses critiques et leurs réponses

Après l’adoption des contrats de partenariat en 2004, le recours aux PPP a connu un engouement assez fort, avec un pic en 2011 (à près de 4 Mds€) et un fort ralentissement après 2012. Au total, depuis 2005, 179 PPP ont été attribués par les collectivités locales et 64 par l’Etat.

Le ralentissement du recours aux PPP s’explique par les critiques qui leur ont été apportées, tenant notamment[43] :

  • A leur impact budgétaire, parfois mal pris en compte : la déconsolidation de l’investissement (jusqu’en 2010) et l’étalement de la dépense ont pu conduire certaines collectivités à investir au-delà de leurs capacités ou dans des projets mal calibrés, avec un impact décalé sur les dépenses publiques et une rigidification des budgets de l’Etat et des collectivités territoriales à long terme;
  • A leur complexité et leur rigidité, pouvant mettre les acheteurs publics en situation de risque, en cas de mauvaise définition du besoin ou d’asymétries d’information importantes avec le partenaire privé ;
  • Aux interrogations sur leur efficience par rapport aux projets réalisés sous maîtrise d’ouvrage publique, notamment en termes de coût global.

Certaines de ces critiques ont trouvé des réponses depuis avec, notamment, la mise en place de règles budgétaires plus strictes (consolidation dans la dette publique, création d’une étude de soutenabilité budgétaire), l’interdiction du recours aux PPP en-dessous de 10 M€, le renforcement de l’exigence de bilan favorable ou la mise en place de PPP « institutionnalisés »[44].

Par ailleurs, certaines de ces critiques ne sont pas spécifiques aux PPP, mais posent plus largement la question de l’analyse de la rentabilité socio-économique des investissements, de la professionnalisation de la commande publique et de la relation partenariale avec les entreprises (cf. section 3.1).

Même si le recours aux PPP est plus limité aujourd’hui, ils ont ouvert la voie à une modernisation de la commande publique, avec le développement des marchés globaux (qui, à la différence des PPP, ne transfèrent pas la maîtrise d’ouvrage et sont soumis à l’interdiction du paiement étalé).

En tout état de cause, ils restent un schéma contractuel répondant à des besoins des acheteurs publics, qu’il s’agit de bien identifier et respecter.

Aussi, dans le contexte actuel, il apparaît que le recours aux schémas « à tiers financement » de type marchés de partenariat – qui avaient connu un « âge d’or » entre 2005 et 2012 – pourrait être accru pour réaliser certains investissements nécessaires à la transition écologique[45]. C’est notamment la raison pour laquelle la loi a créé le marché global de performance énergétique à paiement différé (MGPE-PD) pour la rénovation énergétique des bâtiments publics, pour une période d’expérimentation de 5 ans.

Encadré 4 – Comparaison du coût de financement privé et de l’emprunt public

Le surcoût du financement privé (dans le cadre de concessions ou de marchés de partenariat) par rapport à un endettement public est souvent opposé à la gestion déléguée. Il convient toutefois de ne pas donner à cet argument une portée générale et systématique.

Ce surcoût est, dans la plupart des cas, réel. Avant la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, en 2017, on estimait que ce surcoût se situait, dans les hypothèses les plus hautes, à environ +17% en cas de cession de créances au profit des banques et à +23% en dette projet (en 2017)[46]. Il serait aujourd’hui en moyenne de l’ordre de 8%.

Cependant, ce surcoût financier peut être compensé par des gains d’efficience résultant du contrat de PPP (concession ou marché de partenariat) et justifié par le transfert de risque de la personne publique vers son partenaire privé. Or, les études tendent à montrer que les PPP « surperforment » généralement par rapport à la maîtrise d’ouvrage publique – avec un écart atteignant près de 20% en phase de construction[47].

Par ailleurs, la question du coût du financement privé mériterait également être posée : la mise en place de règles plus ou moins contraignantes en faveur du financement de la transition écologique pourrait permettre de diminuer ce coût, notamment en ce qui concerne les banques (taxonomie verte, ratios prudentiels d’exposition au risque climatique…).

Figure 5 – Investissements susceptibles d’autres schémas à « tiers financement »

Secteurs

Investissements

Commentaires sur le financement

Transports

Services express régionaux métropolitains (SERM)

Possibilité d’avoir recours à des marchés de partenariat pour réaliser certains investissements (pôles d’échanges multimodaux par exemple) ?

Energie

Energies renouvelables « publiques »

Possibilité pour les collectivités locales de réaliser des installations de production d’énergie renouvelable dans le cadre du régime de l’autoconsommation individuelle, mais frein de l’interdiction du paiement différé (cf. section 3.2.2)

Réseaux d’éclairage public

Marchés publics de performance énergétique, mais frein de l’interdiction du paiement différé

Bâtiments publics

Rénovation énergétique des bâtiments publics

MGPE-PD

 

2.1.3 Mobilisation d’outils de financement publics pour attirer les capitaux privés

Dans le cadre de la gestion déléguée ou de la gestion privée des infrastructures, les Etats ou les collectivités territoriales peuvent mobiliser différents moyens pour attirer des capitaux privés dans des secteurs pas encore matures, très risqués ou à rentabilité faible.

Ces outils sont, classiquement, des subventions. Ces dernières s’inscrivent de plus en plus dans une logique de marché et de concurrence. Ainsi, dans le domaine des énergies renouvelables[48], le régime de soutien est passé, pour les installations les plus importantes, d’un régime d’obligation d’achat avec tarifs fixes, dans le cadre de guichets, à un régime de contrats de complément de rémunération – venant sécuriser les porteurs de projet en cas de prix de marché trop faibles – après mise en concurrence. Ce système de contrats de complément de rémunération accordés après appels d’offres a vocation à s’étendre à d’autres domaines, comme les infrastructures de capture, stockage et utilisation du carbone (CCUS) ou l’hydrogène bas-carbone[49].

Les exemptions fiscales ou les crédits d’impôts sont également mobilisés pour encourager l’investissement privé dans certains secteurs ou certaines régions. En réponse à l’Inflation Reduction Act (IRA) américain de 2012, d’un montant de 400 Mds$, l’Union européenne et la France, avec la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, utilisent plus largement ce type d’outils.

Enfin, de nouveaux instruments financiers public-privé se sont développés, qui apportent à des actifs un financement public en capital ou en dette (garanties, prêts bonifiés, fonds propres ou quasi-fonds propres), souvent accordés par des banques publiques d’investissement (Bpifrance ou la Caisse des Dépôts en France), avec un coût moindre par rapport à un financement privé, pour générer un effet d’entraînement du secteur privé.

Ces dispositifs de soutien à l’investissement privé ont vocation à diminuer dans le temps voire à disparaître avec la maturation technologique, la baisse des coûts de production et le développement des marchés concernés.

Il est, en tout état de cause, essentiel de donner aux investisseurs de la visibilité et d’assurer la stabilité du cadre juridique et financier dans lequel ils interviennent (cf. également à ce sujet, pour ce qui concerne la gestion déléguée, section 3.2.4).

A titre d’exemple, dans le domaine de la mobilité électrique, la nécessité d’un soutien public aux bornes de recharge ouvertes au public mérite d’être appréciée en fonction des configurations territoriales. Mais, plus largement, il est surtout indispensable que l’Etat maintienne une politique cohérente sur la mobilité électrique et évite de revenir sur les règles qui ont été fixées (notamment l’interdiction de vente de véhicules à moteur thermique en 2035).   

Figure 6 – Investissements susceptibles d’un effet d’entraînement du secteur privé

Secteurs

Investissements

Commentaires sur le financement

Transports

Réseau de bornes de recharge électrique ouvertes au public

Investissement privé, le cas échéant avec soutien public, dans certaines configurations (domicile, milieu urbain, parkings commerciaux, etc.)

Energie

Energies renouvelables

Investissement privé, dans le cadre du système de soutien actuel (cf. Introduction)

Investissement privé, dans le cadre de contrats de gré à gré (PPA en électricité, BPA pour le biométhane par exemple)

Hydrogène

Investissement privé, avec soutien public

Nucléaire

Investissement par EDF, avec soutien de l’Etat

Captage, stockage, utilisation du CO2 (CCUS)

Investissement privé, avec soutien public

Réseaux électriques

Possibilité d’investissement privé en matière d’interconnexions

2.2 Dégager de nouvelles ressources pour le financement public des infrastructures

Le recours à des schémas de gestion privée ou déléguée (concessions, marchés de partenariat, MGPE-PD) est un levier majeur pour réduire le besoin de financement public dans les infrastructures mais il ne suffira pas, à l’évidence, à réaliser tous les investissements nécessaires.

Il est dès lors indispensable de réfléchir aux moyens de financer les dépenses publiques dans ce domaine. Cette réflexion s’inscrit dans un cadre contraint, compte tenu du niveau de la dette publique et de la pression fiscale déjà forte, qui, sans rentrer dans un débat qui dépasse le cadre de ce rapport, limite les possibilités de recours massif à la dette – même si l’investissement dans les infrastructures peut être considérée comme de la « bonne » dette, par opposition à celle qui finance des dépenses de fonctionnement – ou d’augmentation importante du niveau global des prélèvements existants.

En centrant la réflexion sur le périmètre des infrastructures, cinq axes pour assurer le financement public des infrastructures peuvent être mis en avant : l’augmentation du recours aux financements européens (2.2.1), la réforme de la fiscalité énergétique (2.2.2), la mise à contribution des énergéticiens via les CEE (2.2.3), la captation de la valeur créée par les nouvelles infrastructures (2.2.4), et la valorisation du patrimoine public (2.2.5).

2.2.1 Augmenter le recours aux financements européens

Intégralement financé par de la dette, le plan de relance NextGenerationEU, de plus de 800 Mds€, décidé par l’Union européenne lors de la pandémie du Covid-19, regroupe plusieurs instruments de financement d’investissements dans les infrastructures et pour la transition écologique, notamment le fonds européen InvestEU, le Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe (dans le secteur des transports) et le Programme pour une Europe numérique. Or, l’enveloppe disponible est loin d’avoir été consommée (selon la Cour des comptes européennes, seuls 213 Mds€ avaient été déboursés fin 2023) et peut donc être mobilisée, sous la forme de subventions ou de prêts aux projets d’investissements.

Par ailleurs, dans son récent rapport, Mario Draghi défend l’idée d’un nouveau grand emprunt européen pour financer les 800 Mds€ d’investissements supplémentaires annuels qu’il identifie. Si cette proposition n’est pas sans soulever des difficultés politiques (la plupart des Etats membres y sont opposés), juridiques (l’emprunt lancé en février 2021 l’avait été sur une base exceptionnelle, et non pérenne) et financières (l’UE devra trouver des ressources pour rembourser sa dette), elle n’en demeure pas moins une piste qui fait pleinement sens en matière d’infrastructures, compte tenu de la dimension européenne et de l’impact écologique de nombreuses infrastructures.

2.2.2 Revoir la fiscalité énergétique

La réforme de la fiscalité énergétique apparaît comme indispensable à la fois pour lutter contre le changement climatique (en orientant les comportements) et dégager de nouveaux financements (étant précisé qu’à fiscalité inchangée, les recettes fiscales nettes d’accise sur les énergies s’éroderaient de 13 Mds€ en 2030 et 30 Mds€ en 2050 dans un scénario compatible avec la neutralité carbone, du fait de l’électrification des usages)[50]. Ces financements pourraient être affectés à la transition écologique (et notamment aux infrastructures).

Dans un rapport récent, la Cour des comptes a souligné la nécessité de « revoir la structure et le niveau de la fiscalité de l’énergie, en visant une plus grande cohérence avec la politique énergétique et climatique de la France » [51]. Elle dégage trois scénarios d’évolution : (i) un scénario « socle », dans lequel la structure de la fiscalité de l’énergie est simplement ajustée pour corriger des problèmes de conformité au droit de l’Union ou des incohérences manifestes, (ii) un scénario « carbone », dans lequel la fiscalité de l’énergie est mieux alignée sur le contenu carbone des énergies et les autres externalités, ce qui suppose de reprendre la trajectoire carbone gelée après le mouvement des gilets jaunes et (iii) un scénario « rendement », dans lequel la fiscalité de l’énergie est recentrée sur un objectif de rendement et la tarification du carbone passe par d’autres instruments (notamment les permis d’émission).

A très court terme, une première étape indispensable est de supprimer les principales dépenses fiscales injustifiées. D’après le PLF 2024, les dépenses « brunes » atteignent 13,1 Mds€ (dont 2,2 Mds€ de mesures exceptionnelles de protection des consommateurs à la suite de la forte hausse des prix de l’énergie, qui avaient atteint plus de 20 Mds€ en 2023) [52]. Parmi ces dépenses « brunes », on compte 7,9 Mds€ de dépenses fiscales qui devraient progressivement être supprimées. Comme l’a montré le mouvement des agriculteurs en 2024, ces mesures représentent néanmoins souvent un fort enjeu politique (comme les tarifs réduits d’accises sur les énergies pour le transport routier de marchandises, les industries et l’agriculture ou les dispositifs en faveur du logement neuf) et leur suppression n’est pas sans soulever des difficultés.

Cette réflexion doit par ailleurs être menée en lien avec le marché carbone européen, qui a vocation à s’étendre, à partir de 2027 aux secteurs du bâtiment et du transport routier, avec un plafond de prix à 45 euros par tonne de carbone émise jusqu’en 2030 et accompagné d’un Fonds social pour le climat pour soutenir les ménages les plus modestes face à la hausse prévisible des coûts du chauffage et du transport.

L’acceptabilité sera naturellement clé dans la mise en place de telles réformes, qui dépend de plusieurs facteurs :

  • La prévisibilité des dispositifs ;
  • L’existence d’alternatives décarbonées ;
  • L’allocation des recettes supplémentaires générées en faveur de dépenses « vertes » dans les secteurs impactés. A cet égard, le « budget vert » mis en place au niveau de l’Etat et des collectivités territoriales, qui permet d’identifier les dépenses budgétaires et fiscales favorables et défavorables à l’environnement, peut être un outil de pilotage et de pédagogie utile auprès des citoyens[53] ;
  • La perception d’une répartition juste des efforts, alors qu’aujourd’hui la fiscalité de l’énergie est régressive, pesant davantage sur les ménages modestes et les ménages dans les zones de faible ou moyenne densité.

2.2.3 Mettre à contribution les énergéticiens via les CEE

Le recours par les collectivités publiques aux certificats d’économies d’énergie (CEE) [54] pourrait être augmenté pour financer les investissements dans les infrastructures et, en priorité, les bâtiments publics. Il conviendrait à cette fin de faciliter la valorisation des économies d’énergie dans le cadre de regroupements de collectivités pour atteindre le seuil d’éligibilité aux CEE et de développer de nouveaux programmes visant le financement des études comme des travaux.

Les CEE ont vocation à minimiser la sollicitation des finances publiques de façon significative. Ainsi, le think tank I4CE estime que, sur un montant total de dépenses des collectivités locales entre 28 et 33 Mds€ en 2030 (soit 18 à 23 Mds€ de plus qu’en 2023), « conserver le dispositif des Certificats d’économies d’énergie (CEE) tel qu’il existe aujourd’hui donnerait une mobilisation stable de leur part à près de 5 milliards d’euros, tandis qu’une alternative visant à réduire les dépenses de l’État et des collectivités serait de les mobiliser à hauteur de 9 milliards d’euros »[55].

Ce type de financement n’est toutefois pas sans limite puisqu’il pèse, in fine, sur les ménages et entreprises du secteur tertiaire (le coût des CEE pour les énergéticiens étant répercuté sur les prix) et peut donc poser des sujets d’acceptabilité[56]. Le dispositif des CEE fait par ailleurs l’objet de critiques récurrentes, portant notamment la surévaluation des économies d’énergie censées être réalisées, un renchérissement de son coût (autour de 6 Mds€ en 2023) et l’existence de fraudes, ce qui a conduit la Cour des comptes à appeler récemment à une « réforme d’ampleur »[57]. Les investissements des collectivités publiques dans l’éclairage public ou la rénovation de leurs bâtiments pourraient trouver leur place dans cette réforme.

2.2.4 Capter la valeur créée par les nouvelles infrastructures

Le déploiement de nouvelles infrastructures crée de la valeur pour les territoires qu’elles desservent (par exemple : l’augmentation du prix des biens immobiliers ou la croissance de l’activité économique), qu’il peut être légitime de chercher à capter en partie pour les financer.

Tel a été le modèle retenu, en particulier, pour la réalisation du Grand Paris Express : plusieurs prélèvements additionnels aux impôts fonciers et une part régionale de la taxe de séjour ont été affectées à la SGP, qui lui ont permis de lever de la dette pour financer les investissements.

Il est envisagé aujourd’hui de décliner ce modèle localement pour déployer certaines nouvelles lignes à grande vitesse, comme le Grand Projet du Sud-Ouest (GPSO), ainsi que les services express régionaux métropolitains (SERM), en affectant à des structures locales certaines recettes fiscales[58] et en les autorisant à s’endetter sur cette base. La mise en place de tels financements doit cependant tenir compte du potentiel fiscal des régions concernées[59]. Elle pourrait être plus facilement acceptable si elle intervenait après la mise en service de l’infrastructure, s’appliquant ainsi aux entreprises venues dans le territoire du fait de la nouvelle infrastructure en tenant compte des taxes.

2.2.5 Valoriser le patrimoine public

Les collectivités publiques détiennent un patrimoine public – constitué principalement de propriétés immobilières (bâtiments, foncier) ou de participations financières – qu’il apparaît possible de mieux valoriser, pour financer les investissements dans la transition écologique.

Cette valorisation peut passer par différentes voies :

(i) Valoriser le patrimoine immobilier public par la politique immobilière

La politique immobilière des collectivités publiques devrait être mise au service de la transition écologique, autour de trois axes :

  • L’optimisation de la gestion des bâtiments publics : alors que beaucoup de bâtiments publics sont sous-utilisés, vétustes ou mal adaptés aux besoins actuels, rationaliser les usages, améliorer l’efficacité énergétique et réduire les coûts liés à l’entretien est une priorité. A ce titre, l’Etat s’est fixé pour objectif de libérer 25% de ses surfaces de bureaux d’ici 2032 et, dans ce cadre, la résiliation de baux doit permettre de générer une économie de 1 Md€ en dépenses annuelles d’entretien et de loyers (aujourd’hui 1/5 des bureaux occupés par l’Etat sont loués, pour un montant de 1,8 Md€) ;
  • La valorisation du patrimoine immobilier par des cessions mais surtout par des mises en location. Financièrement, conclure des baux avec le secteur privé sur des bâtiments prestigieux peut être préférable, à long terme, à des cessions sèches, dans la mesure où la collectivité perçoit des loyers et peut faire porter des travaux de rénovation ou de transformation par le secteur privé, les bâtiments demeurant une propriété publique ;
  • Le développement de nouveaux projets immobiliers, de rénovations ou de transformations pour de nouveaux usages, en s’appuyant sur le secteur privé pour ne pas peser sur les finances publiques. De tels projets pourraient reposer sur différentes formes de contrats de « gestion déléguée du patrimoine immobilier » (concessions bâtimentaires à usage mixte, marchés de partenariat, etc.). 

Au niveau de l’Etat, une telle politique pourrait relever d’une foncière immobilière de l’Etat – idée actuellement à l’étude – détenue par l’Etat.

(ii) Valoriser le patrimoine immobilier public par de nouvelles activités

Le patrimoine foncier public peut être la source de revenus pour les collectivités publiques, à travers la perception de redevances d’occupation. Le développement d’activités commerciales, s’il ne porte pas atteinte au service public, peut ainsi servir à financer des investissements publics.

Le patrimoine public bâti et non bâti représente également un gisement important pour la production d’énergies renouvelables, notamment d’origine photovoltaïque. Déployer des énergies renouvelables sur ce patrimoine présente plusieurs avantages : (i) contribuer aux objectifs de développement des énergies renouvelables, essentiels pour l’action climatique mais aussi l’indépendance énergétique du pays, (ii) répondre à un obstacle majeur à la réalisation de ces objectifs, dans la mesure où une grande partie de ce foncier (comme par exemple les toits des bâtiments ou des parkings, les délaissés autoroutiers, les terrains longeant les voies ferrées, etc.) sont exempts de conflits d’usage et ne posent pas de problème majeur d’impact environnemental ou d’acceptabilité et (iii) générer des recettes, à travers des redevances d’occupation ou la vente de l’électricité produite.

A titre d’exemple, le Groupe SNCF, deuxième propriétaire foncier du pays après l’Etat, vise une capacité de puissance installée de 1 GW à horizon 2030 sur une partie de son foncier, représentant 15 à 20% de ses besoins actuels en électricité. De même, VINCI Autoroutes, qui exploite la moitié du réseau autoroutier concédé, estime le potentiel de production sur son périmètre à 1 GW, ce qui correspondrait à la consommation des véhicules électriques circulant sur le réseau autoroutier concédé en 2030.

(iii) Gérer les participations financières de l’Etat de façon plus dynamique

L’Etat (via l’Agence des participations de l’Etat ou APE) gère un ensemble de participations financières dans le secteur concurrentiel valorisé à environ 150 Mds€. Ces participations portent sur 84 entités, dont 10 cotées, avec des niveaux de participation très variables, principalement dans les secteurs de l’énergie, des transports et de l’industrie[60].

Avant la crise sanitaire, l’Etat avait défini sa doctrine d’intervention autour d’une politique plus sélective de l’actionnariat public, pour contribuer au désendettement et financer l’innovation et les besoins des participations les plus essentielles[61]. La crise sanitaire a remis en cause cette doctrine, en réduisant, à court terme, les capacités de cessions de participations publiques et en accroissant les besoins de participations publiques dans certaines entreprises. C’est dans ce contexte qu’a été abandonnée, notamment, la privatisation d’ADP, dont l’Etat espérait près de 9 Mds€. Aucune cession significative n’est envisagée en 2024, du fait notamment de niveaux de valorisation actuels insatisfaisants pour une grande partie des participations et des incertitudes pesant sur le marché. Par ailleurs, malgré les recommandations de la Cour des comptes, la doctrine de l’Etat actionnaire n’a pas encore été remise à jour[62].

Dans le cadre d’une telle remise à jour, une gestion plus dynamique du portefeuille devrait être envisagée afin de contribuer au financement de la transition écologique, notamment pour faire face au mur d’investissement dans les infrastructures et les bâtiments publics.

Il s’agirait d’activer différents leviers, en fonction des secteurs et des entreprises concernées (qui présentent une forte hétérogénéité et appellent donc une analyse au cas par cas) :

  • Gérer les participations de l’Etat comme un actionnaire privé, ce qui implique notamment de rechercher des effets de levier dans le financement des investissements ou d’appliquer une politique de distribution des dividendes privilégiant le réinvestissement dans des investissements créateurs de valeur (plutôt que dominée par des considérations budgétaires de court terme) ;
  • Faire entrer des actionnaires privés minoritaires dans certaines entreprises 100% publiques afin de renforcer les incitations à la performance (un actionnaire privé étant généralement plus exigeant que l’Etat) et de générer de nouvelles recettes pour l’Etat, tout en conservant les prérogatives liées au contrôle du capital (dans la prise de décisions stratégiques ou la nomination des dirigeants par exemple) ;
  • Envisager de céder le contrôle de certaines entreprises à une triple condition :
    • Exclure de telles opérations pour les entreprises les plus stratégiques, appréciées au regard de différents critères (souveraineté, intérêts publics échappant à la logique de marché, risque systémique). Les entreprises concernées doivent être des infrastructures économiques, à la performance mesurable, et à la rentabilité relativement certaine et prévisible ;
    • S’assurer que les conditions de marché, la maturité et les perspectives de l’entreprise concernée et les projets poursuivis par l’Etat justifient de privilégier des recettes de court terme aux dividendes de long terme ;
    • Mettre en place un cadre permettant à l’Etat de protéger les intérêts publics, indépendamment de la nature publique ou privée de l’exploitant, par la réglementation (contrôle des investissements étrangers, régulations sectorielles) ou par le contrat (concessions). Ainsi, dans le domaine des infrastructures, telles que les infrastructures de transport, il ne doit s’agir en aucun cas de céder les infrastructures elles-mêmes, qui doivent rester publiques, mais uniquement les sociétés qui les exploitent, dans le cadre de contrats de concession ou d’un régime réglementaire renforcé, et sous le contrôle d’un régulateur (comme cela était envisagé pour ADP). Ces schémas doivent par ailleurs permettre à l’Etat de toucher des revenus, via notamment les redevances d’occupation.

Le respect de ces conditions ainsi que l’affectation des recettes à des projets d’investissement concrets, au service d’une stratégie de long terme, sont indispensables pour assurer l’acceptabilité de ce type d’opérations – qui est un enjeu majeur.  

3. La nécessaire refondation de la gestion déléguée à l’ère écologique

La réalisation des investissements dans les infrastructures et les bâtiments publics pour assurer la transition écologique passe par un recours accru au financement privé, notamment dans le cadre de concessions ou, lorsque la mise à contribution des utilisateurs n’est pas envisageable, dans le cadre de marchés de partenariat ou autres formes de marchés « à tiers financement ».

Cependant, ce recours n’est possible qu’à la condition de préserver les intérêts publics et d’assurer l’acceptabilité des projets. Il est nécessaire de tenir compte des critiques dont fait parfois l’objet la gestion déléguée pour assurer les conditions de réussite de l’investissement privé dans les infrastructures et bâtiments publics.

Par ailleurs, la transition écologique conduit également à réinterroger certains aspects de ces contrats, notamment en ce qui concerne la rémunération du partenaire privé et la tarification des services associés aux infrastructures. Cette réflexion a une dimension économique (quelles modalités de rémunération dans un contexte de changement climatique et de sobriété croissante ?) mais aussi sociale (quelles réponses aux enjeux d’équité et d’acceptabilité dans les modalités de tarification des services ?).

Dans cette perspective, nous formulons ici quelques propositions autour de trois axes : renforcer la puissance publique pour qu’elle exerce pleinement ses prérogatives (3.1), lever certains obstacles freinant aujourd’hui les investissements (3.2) et repenser la tarification pour assurer une « transition juste » (3.3).

 

3.1 Réarmer la puissance publique pour garantir l’intérêt général

La réussite de l’investissement privé dans les infrastructures et bâtiments publics passe par une implication forte de la collectivité publique, accompagnée d’une montée en compétence. Déléguer n’est en effet pas se décharger d’une responsabilité mais impose, pour la partie publique, d’exercer pleinement ses prérogatives, à différents stades de l’investissement, et donc d’avoir une véritable capacité de décision, de suivi et d’évaluation du service. Cette problématique se pose aussi bien au niveau de l’Etat que des collectivités territoriales.

3.1.1 Renforcer la planification, la programmation et la définition des besoins

La puissance publique doit d’abord jouer son rôle en amont de la réalisation de l’investissement, au stade de la planification, de la programmation et de la définition des besoins.

(i) Décloisonner et opérationnaliser la planification des investissements

La planification des investissements est une étape clé de la transition écologique. De ce point de vue, le processus de planification porté au niveau national par le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) va dans le bon sens, qui permet de définir des objectifs, des trajectoires et les principales mesures à mobiliser, et se décline désormais au niveau des régions, avec les COP régionales.

S’agissant plus spécifiquement des infrastructures et bâtiments publics, il convient de souligner l’importance, dans le cadre de cette planification, d’avoir une approche à la fois :

  • Multi-acteurs : la planification doit donner lieu à une concertation avec l’ensemble des acteurs publics et privés concernés : l’Etat, les autorités de régulation, les collectivités territoriales et les gestionnaires des infrastructures, mais aussi les acteurs du secteur économique et de la société civile[63] ; et
  • Multi-secteurs : les outils de planification doivent par ailleurs assurer la coordination entre les différents secteurs d’activité alors même que ceux-ci peuvent relever d’autorités organisatrices distinctes (transport, numérique, énergie thermique, électrique, gaz). La Cour des comptes a ainsi relevé que « l’interdépendance croissante des réseaux (électricité, gaz, transport, eau, télécommunications) rend indispensable la coordination des différents opérateurs », notamment au moyen d’un outil cartographique d’indentification des interdépendances[64]. Au niveau local, le Plan Air Energie Territorial doit permettre d’assurer une telle coordination et être dès lors renforcé.

Un enjeu fondamental est de faire passer la planification d’un exercice théorique à une réalité opérationnelle. Pour cela, il est indispensable que des acteurs intervenant longtemps en silos travaillent ensemble pour définir précisément, puis réaliser les investissements nécessaires. A titre d’exemple, pour bien planifier le déploiement d’un réseau de bornes de recharge électrique sur le réseau autoroutier, les sociétés concessionnaires d’autoroutes et Enedis, gestionnaire du réseau de distribution d’électricité, doivent se coordonner étroitement. De même, la réalisation de pôles d’échanges multimodaux implique généralement plusieurs autorités organisatrices de la mobilité, les gestionnaires d’infrastructures, les opérateurs de transport, etc.  

(ii) Renforcer et coordonner la programmation des investissements dans les contrats de concession

Au niveau des contrats de concession, il est important de bien définir la programmation des investissements ainsi que son suivi tout au long du contrat.

Il convient de s’assurer de la cohérence de cette programmation avec la planification et, le cas échéant, de permettre une certaine coordination entre différentes concessions, dans un souci d’optimisation des investissements à réaliser. Des clauses pourraient être insérées en ce sens dans les cahiers des charges des concessions.

Dans le même sens, il est nécessaire, dans certains secteurs régulés comme l’électricité et le gaz, de veiller à la cohérence entre la programmation des investissements définie au niveau de concessions locales et les pouvoirs du régulateur national qui fixe la tarification des réseaux et se prononce sur les plans des réseaux.

Le suivi de la programmation des investissements devrait être bien encadré par le cahier des charges ainsi que la possibilité de faire évoluer cette programmation tout au long du contrat dans le respect de son équilibre général (ce qui renvoie également à la problématique de la mutabilité des contrats – cf. section 3.2.3).

Le rapport d’information remis par le concessionnaire à l’autorité concédante et communiqué aux usagers devrait permettre d’assurer la transparence nécessaire à l’égard des usagers, afin de rendre acceptables les éventuelles évolutions tarifaires liées à la programmation des investissements, en identifiant les investissements consacrés à la transition écologique.

(iii) Définir les besoins en tenant compte de l’enjeu écologique et en favorisant l’innovation

La définition des besoins détermine très largement la réussite d’un investissement. Elle vise à définir les caractéristiques du projet, en cohérence avec les objectifs qu’il poursuit. La loi prévoit désormais explicitement que « La nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale ». A ce titre, les aspects d’efficacité énergétique ont notamment vocation à prendre une importance croissante, avec la consécration du principe de primauté de l’efficacité énergétique au niveau européen[65].

Il convient par ailleurs de souligner l’importance d’accueillir l’innovation dans la définition du projet, afin de pouvoir intégrer des solutions nouvelles aux investissements. Dans cette perspective peuvent être utilisées différentes procédures telles que le sourcing (c’est-à-dire la consultation du marché avant de lancer un projet), les procédures permettant d’échanger avec les candidats (négociations, dialogues compétitifs) ou les variantes.

3.1.2 Renforcer l’exercice du pouvoir de contrôle de la puissance publique

Confier au secteur privé la réalisation d’un investissement ne signifie pas l’abandonner au secteur privé. Pour reprendre les mots de Léon Blum, alors commissaire du gouvernement au Conseil d’Etat, au sujet des concessions, « La concession représente une délégation, c’est-à-dire un mode de gestion indirecte, elle n’équivaut pas à un abandon, à un délaissement »[66]. Une fois le contrat conclu, l’exercice du contrôle par la collectivité publique doit être pleinement effectif tout au long de la durée du contrat, et pas uniquement lors de son renouvellement, comme on le constate trop souvent aujourd’hui.

Ce renforcement du contrôle pesant sur le partenaire privé impose que la collectivité publique dispose concrètement des moyens (agents, conseils extérieurs) lui permettant d’assurer son pouvoir de contrôle, mais aussi des compétences et du savoir-faire nécessaires. Cet enjeu de professionnalisation de la commande publique se pose notamment au niveau des collectivités territoriales – surtout celles de taille petite ou moyenne. Ces dernières ont intérêt à se regrouper pour réaliser des projets complexes. Les collectivités territoriales peuvent aussi se faire accompagner par Fin Infra, le pôle d’expertise de la Direction générale du Trésor, qui peut les conseiller sur la structuration juridique et financière de leur projet.

Par ailleurs, une amélioration des contrats s’avère également indispensable en :

  • Portant une attention particulière au choix des indicateurs de performance. Il s’agit de définir des obligations de résultats, plutôt que de moyens, pour assurer une amélioration du service rendu et, également de mieux intégrer des considérations liées à la transition écologique.

Pour améliorer la « performance écologique », le partenaire privé pourrait ainsi être soumis plus systématiquement à des objectifs de réduction des émissions de GES, d’économies d’énergie, de préservation de la biodiversité, de réduction des déchets, de lutte contre la pollution plastique, etc. A ces objectifs devraient être associés des mécanismes contractuels incitatifs, tels que un système de bonus / malus impactant la rémunération du partenaire privé (cf. également section 3.1.2) ;

  • Donnant un rôle central, dans les concessions, au rapport d’information annuel de l’activité concédée remis par le concessionnaire pour qu’il soit un véritable outil de suivi mais aussi d’évaluation de la qualité du service (y compris dans ses aspects environnementaux).

3.1.3 Renforcer la pression concurrentielle ou la régulation pesant sur le partenaire privé

Bénéficier des bienfaits de la concurrence est un des motifs majeurs pour avoir recours aux schémas privés d’investissement. La mise en concurrence organisée pour attribuer les contrats doit en effet permettre de réaliser l’investissement (et le cas échéant, exploiter le service) dans des conditions de performance optimales et au meilleur coût.

Au stade de l’attribution, il est essentiel d’assurer une mise en concurrence effective et, notamment, de réduire les avantages dont bénéficient généralement les candidats sortants, en termes d’information sur le contrat ou de structure de coûts.

Les bienfaits de la concurrence ne s’arrêtent toutefois pas à l’attribution du contrat, puisque, pendant son exécution, le partenaire privé reste incité à la performance par l’éventualité que, en cas de mauvaise exécution du contrat, à la fin de ce dernier, la collectivité publique décide de reprendre la gestion du service ou le confie à un concurrent.

Dans cette perspective, les incitations à la concurrence sont d’autant plus fortes que la durée du contrat n’est pas trop longue. Cependant, dans le domaine des infrastructures, la réalisation d’investissements lourds en capital implique des durées relativement longues pour pouvoir les amortir[67]. En outre, la programmation et la mise en œuvre de nouveaux investissements en cours de contrat peut conduire à des allongements de la durée lorsqu’aucune autre option de financement n’est satisfaisante (hausse des prix ou des tarifs, soulte).

Dans ces hypothèses, il apparaît justifié de renforcer la régulation à laquelle est soumis le partenaire privé, en passant d’un modèle de régulation « price cap » – dans lequel la rémunération du titulaire dépend de ses coûts prévisionnels et non réels, ce qui l’incite à optimiser ces coûts mais peut conduire à une rente au sens économique du terme en cas de surperformance ou d’erreur dans les prévisions – à une régulation plus proche du modèle « cost plus » – dans lequel les tarifs s’ajustent aux coûts réels, ce qui exclut toute rente financière mais, en contrepartie, est peu incitatif à la performance.

En ce sens, les concessions aéroportuaires offrent un exemple de système mixte dans lequel les tarifs ont vocation à s’inscrire dans un cadre pluriannuel[68] avec la conclusion de contrat de régulation économique (CRE) qui en déterminent l’évolution en fonction de différents paramètres (prévisions de coûts, de recettes, investissements programmés, objectifs de performance, etc.) sous le contrôle de l’Autorité de Régulation des Transports (ART), ou, à défaut de CRE, sont homologués chaque année par cette dernière. Dans les activités sous monopole public, comme la gestion du réseau ferré national par SNCF Réseau ou des réseaux de transport et de distribution d’électricité par RTE et Enedis, une régulation de type « cost plus  » est utilisée pour assurer la performance du gestionnaire d’infrastructure.

 

3.2 Lever certains obstacles pour faciliter les investissements

Il existe aujourd’hui des freins importants, juridiques mais aussi culturels, à la mobilisation du financement privé au service de la transition écologique des infrastructures, qui ne sont pas toujours justifiés.

3.2.1 Simplifier et standardiser les contrats

La complexité de certains montages contractuels, qui requièrent des procédures de passation souvent longues et une ingénierie juridique et financière sophistiquée, peut constituer un obstacle à la réalisation des investissements, soit au regard des capacités de la collectivité publique, soit au regard des caractéristiques du projet. Sur ce dernier point, au-delà des grands projets d’investissements, un enjeu majeur pour décarboner les infrastructures et bâtiments publics est en effet de permettre la réalisation d’investissements plus « incrémentaux » (travaux de rénovation énergétique, déploiement d’innovations) dans des délais suffisamment rapides, pour lesquels des montages lourds et complexes ne sont pas adaptés.

Différentes techniques peuvent être mobilisées pour contourner ces obstacles :

  • Expérimenter des contrats plus simples, adaptés à certains types d’investissements. Telle est la démarche qui a été mise en œuvre, par exemple, avec les marchés globaux de performance énergétique à paiement différé (MGPE-PD) pour la rénovation des bâtiments publics, qui permettent de déroger à titre expérimental à l’interdiction du paiement différé en évitant certaines lourdeurs des marchés de partenariat (avec, notamment, une évaluation préalable à la conclusion du contrat plus simple) (cf. section 3.2.2) ;
  • Avoir davantage recours aux contrats-cadres, qui permettent de présélectionner un ou plusieurs partenaires privés en vue de conclure un contrat établissant tout ou partie des règles relatives aux commandes à passer au cours d’une période donnée. Cette technique d’achat, utilisée aujourd’hui surtout pour des achats d’exécution dans le cadre de la gestion publique – pourrait également être utile pour des besoins d’investissements récurrents ou portant sur plusieurs ouvrages, comme en matière de rénovation énergétique ;
  • Etablir des contrats-types, pour aider les collectivités publiques, notamment locales, dans leur ingénierie contractuelle, à l’instar des modèles de cahiers des charges de concession de distribution d’électricité et de gaz négociés au niveau national par la FNCCR et France urbaine avec, respectivement, Enedis et GRDF, ou encore du modèle de contrat de concession pour les réseaux de chaleur réalisé en 2023 par le réseau Amorce et la FEDENE.

3.2.2 Supprimer l’interdiction du paiement différé à des fins écologiques

Le droit de la commande publique français (rien ne l’imposant au niveau européen) interdit en principe le paiement différé dans le cadre des marchés publics[69]. Cette interdiction a pour but de protéger les finances publiques, en évitant que le recours au paiement différé (qui est une forme d’endettement et rigidifie les budgets publics à long terme) soit systématique.

Cependant, face à l’urgence écologique, il est légitime de réinterroger ce principe, pour faciliter la réalisation des investissements nécessaires à la transition écologique. C’est pourquoi, avec les MGPE-PD, la loi a permis aux collectivités publiques, à titre expérimental et pendant une durée de 5 ans, de déroger au principe de l’interdiction du paiement différé lorsqu’elles concluent des contrats de performance énergétique sous forme de marché global, pour faciliter les investissements privés dans les opérations de rénovation énergétique des bâtiments publics.

Un dispositif similaire pourrait être envisagé pour d’autres infrastructures publiques afin d’accélérer la transition écologique, comme, par exemple, les réseaux d’éclairage public pour financer des opérations de relamping ou de pilotage intelligent ou encore pour les installations de production d’énergie renouvelable réalisées par des collectivités publiques dans le cadre du régime de l’autoconsommation individuelle (pour alimenter un réseau de bornes de recharge pour véhicule électrique par exemple).

3.2.3 Renforcer la mutabilité des contrats pour verdir et adapter les infrastructures et bâtiments existants

Les infrastructures et les bâtiments publics sont des actifs de longue durée, dont la plupart est gérée dans le cadre de contrats d’une à plusieurs décennies. Compte tenu de l’urgence climatique, il est indispensable de « mettre à niveau » écologiquement les infrastructures et bâtiments publics existants, y compris lorsque le terme de leur contrat est encore assez éloigné.

Cette exigence renvoie à la possibilité de modifier les contrats en cours pour réaliser de nouveaux investissements. Cette question des avenants « de décarbonation » ou « de verdissement » se pose notamment dans les secteurs des transports, de l’eau et de l’assainissement, des déchets ou du chauffage urbain, pour décarboner l’approvisionnement en énergie, déployer des innovations améliorant le bilan carbone ou renforcer la résilience au changement climatique. Elle concerne également les bâtiments publics réalisés et construits dans le cadre de marchés globaux ou de marchés de partenariat de longue durée.

A cet égard, le droit de la commande publique, issu du droit européen, est relativement contraignant, puisqu’il s’oppose en principe à toute modification « substantielle » des contrats en cours, pour assurer le respect des principes de transparence, de non-discrimination et d’égalité de traitement.

Cependant, il prévoit différents fondements qui peuvent être invoqués pour justifier des avenants « de décarbonation » ou « de verdissement », en fonction, naturellement du contexte, des caractéristiques des projets et de l’objet et de la durée du contrat. Tel est le cas en particulier des « travaux, fournitures ou services supplémentaires devenus nécessaires », le critère de la nécessité pouvant être considéré comme satisfait au regard de nouvelles réglementations (par exemple le décret tertiaire en matière bâtimentaire ou les obligations d’équiper les parkings d’ombrières photovoltaïques) ou – mais de façon moins évidente – au regard de l’impact d’un investissement sur une trajectoire de décarbonation. Ces possibilités sont aujourd’hui peu utilisées. Le recours à ces dispositions mériterait d’être précisé, soit par un texte spécifique, soit par le juge[70].

En tout état de cause, des clauses liées au changement climatique, dans ses deux volets (mitigation, adaptation), ou à la biodiversité, devraient désormais être systématiquement prévues dans les nouveaux contrats de longue durée pour permettre aux parties de mettre en œuvre des investissements de décarbonation ou de verdissement en cours de contrat.

3.2.4 Garantir le respect de l’équilibre des contrats

Pour que des entreprises et des investisseurs privés acceptent de financer des investissements dans les infrastructures, il est indispensable qu’ils aient une visibilité sur la rentabilité de leur investissement (en rapport avec les risques auxquels ils s’exposent) et de leur garantir la stabilité du cadre juridique et fiscal dans lequel ils évoluent. Or, dans la période récente, on a pu observer une tendance des collectivités publiques – et en premier lieu de l’Etat – à remettre en cause ce principe.

L’équilibre des contrats n’est ainsi pas toujours assuré. Ainsi, à la recherche de recettes, l’Etat a pris plusieurs décisions revenant sur des engagements qu’il avait pris auprès d’investisseurs privés (en limitant de façon rétroactive les revenus des producteurs d’énergie renouvelable ou en accroissant la fiscalité sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes ou les gestionnaires d’aéroports, par exemple). Au niveau local, les cas dans lesquels les collectivités publiques imposent à leur cocontractant des contraintes ou des surcoûts allant au-delà des prévisions des parties (qu’il s’agisse d’évènements imprévisibles ou de modifications unilatérales du contrat) ne sont pas rares[71].

Dans ces cas, il appartient au juge d’assurer la conciliation entre les motifs d’intérêt général invoqués par la puissance publique et la protection des droits des entreprises et des investisseurs privés. Mais, de façon générale, les collectivités publiques devraient davantage porter attention à ces enjeux d’équilibre contractuel, dans une perspective de long terme. Si les collectivités publiques sont légitimes à demander à leurs partenaires privés de supporter les risques d’un projet ou, à l’inverse, de partager les revenus excédentaires d’un projet, cela doit se faire dans un cadre clair, connu de tous avant la réalisation de l’investissement et préservé pendant la durée du contrat.

Plus largement, au-delà du respect de l’équilibre des contrats, l’instabilité du cadre juridique et fiscal est un frein à la mobilisation de financements pour les projets. A titre d’exemple, la chute des montants alloués au fonds chaleur dans le budget pour 2025 fragilise des projets de réseaux de chaleur, portés par des acteurs publics ou privés, qui ont parfois nécessité 2 à 3 ans de développement. Ce type de recul de la part de l’Etat dissuade les investisseurs et doit être évité.

 

3.3 Repenser la tarification pour assurer une « transition juste »

La doctrine que défend le présent rapport consiste à mettre à contribution les utilisateurs des infrastructures, pour financer les investissements nécessaires à la transition écologique (conformément, du reste, au principe d’équilibre budgétaire des services publics industriels et commerciaux au niveau local). Une telle approche n’est envisageable, naturellement, que sous réserve de la capacité et de la disposition à payer des utilisateurs, qui doit s’apprécier au cas par cas, en tenant compte des enjeux de pouvoir d’achat et de justice sociale.

Cela étant posé, dans le contexte de transition écologique, la tarification des infrastructures doit relever un triple défi : concilier exigence de sobriété et financement par l’utilisateur, assurer une nouvelle péréquation et tenir compte des problématiques sociales et d’acceptabilité.

3.3.1 Concilier sobriété et équilibre économique

Faire face au mur d’investissements dans les infrastructures représente un défi d’autant plus grand que le modèle de la gestion déléguée, et en particulier les concessions, est remis en cause par l’impératif de sobriété attaché à la transition écologique. Il existe en effet une contradiction entre, d’une part, la logique économique de la concession, qui repose sur la demande et les recettes d’exploitation, et, d’autre part, la sobriété, qui implique une modération de la demande et donc une baisse, toutes choses égales par ailleurs, de ces recettes. Ce problème se pose tout particulièrement dans certains secteurs comme l’eau, les déchets, les réseaux de gaz ou de chaleur ou encore les aéroports.

Plusieurs orientations se dégagent dans ce contexte : revoir les mécanismes de tarification pour envoyer un signal-prix écologique, augmenter les tarifs pour investir dans un contexte de sobriété, décorréler la rémunération du gestionnaire de l’infrastructure et les volumes en rémunérant la performance écologique et en générant de nouveaux revenus.

(i) Appliquer le principe pollueur-payeur à la tarification

En principe, le tarif payé par l’usager rémunère la prestation dont il bénéficie : il est donc basé sur les coûts du service (y compris les coûts d’investissement dans l’infrastructure) et dépend des volumes consommés[72].

Néanmoins, les services publics intègrent de plus en plus une logique de signal-prix écologique, qui peut prendre plusieurs formes :

  • La modulation des tarifs pour limiter les consommations en période de pointe : dans le domaine de l’énergie, la loi prévoit ainsi que « la structure et le niveau des tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution d’électricité sont fixés afin d’inciter les clients à limiter leur consommation aux périodes où la consommation de l’ensemble des consommateurs est la plus élevée au niveau national. Ils peuvent également inciter les clients à limiter leur consommation aux périodes de pointe au niveau local  »[73]. Des dispositions similaires existent en matière de tarification de l’acheminement du gaz[74]. Dans le domaine des transports, on peut également rapprocher de ces dispositifs la modulation des tarifs mises en place sur certaines autoroutes pour fluidifier le trafic et de la création d’une redevance de congestion par la directive Eurovignette, récemment modifiée[75] ;
  • La modulation des tarifs pour inciter au verdissement : dans le domaine des transports, en matière d’autoroutes, l’article L. 122–4 du code de la voirie routière impose, pour toute nouvelle concession, de prévoir la mise en place d’une tarification différenciée selon les niveaux d’émission des véhicules. Telle est également la logique de la directive Eurovignette, qui, outre la redevance de congestion qui vient d’être évoquée, prévoit différents outils pour mettre en oeuvre le principe pollueur-payeur, notamment la modulation de la redevance d’infrastructure (nos péages actuels) et la création d’une redevance pour coûts externes ;
  • La progressivité des tarifs pour encourager la sobriété : envisageable dans certains secteurs comme l’eau ou les déchets, la tarification progressive repose sur un système de tranches, dans laquelle la part variable du prix varie en fonction du volume consommé, ce qui permet de distinguer les usages « essentiels » et les usages « de confort » et de pénaliser les consommations jugées excessives. Certaines collectivités ont mis en place un tel système dans le secteur de l’eau. Par exemple, depuis 2012, la ville de Dunkerque distingue trois catégories d’usage de l’eau auxquelles elle applique des tarifs croissants : la consommation d’eau « essentielle », celle « utile » et celle relevant du « confort ». Ce système a eu des résultats assez positifs : il a permis de faire baisser la consommation d’eau des ménages de 8 à 10% et de faire bénéficier 80% des ménages d’une baisse de prix (concentrant donc l’effort sur les 20% restants, grands consommateurs de confort mais aussi familles nombreuses)[76].

Dans ces systèmes, certaines catégories d’utilisateurs supportent les coûts engendrés par d’autres pour inciter à une évolution des usages.

Un tel système est juridiquement possible, mais encadré : le régime des redevances pour service rendu interdit en principe de dépasser le coût du service rendu et les modulations (qui reviennent à faire payer plus certaines catégories d’utilisateurs pour financer ceux dont les comportements sont plus vertueux) doivent rester proportionnées[77]. Une alternative pour contourner ces contraintes est de créer une taxe.

Cependant, de tels systèmes ne sont pas sans poser certaines difficultés : ils sont généralement très complexes à mettre en œuvre (ce qui peut nuire à l’acceptabilité du tarif) ; ils peuvent engendrer des inégalités entre catégories d’utilisateurs (par exemple : les ménages les moins aisés, dont les véhicules sont généralement plus polluants, ou encore les familles nombreuses, qui ont des véhicules plus grands ou consomment plus d’eau) ; ils sont peu efficaces si l’élasticité-prix est faible. Le secteur de l’eau illustre ces limites, comme l’a montré un rapport récent du Conseil économique social et environnemental (CESE)[78]. Enfin, l’introduction de tarifs modulés ou progressifs pose la question du maintien de l’équilibre économique de l’activité concernée si l’ensemble des utilisateurs modifient leur comportement.

Dès lors, de tels systèmes tarifaires ne devraient être mis en œuvre que si les conditions techniques, économiques et sociales en sont remplies.

(ii) Augmenter les tarifs pour investir dans un contexte de sobriété

Pour faire face au double défi du mur d’investissement et de la diminution des ressources résultant de comportements plus sobres, une réflexion mérite d’être engagée sur une augmentation des tarifs, en tenant compte des enjeux de pouvoir d’achat et de justice sociale (cf. section 3.3.3).

Tel est le cas dans le secteur de l’eau, où les besoins d’investissement sont immenses (cf. section 1.3) mais les ressources insuffisantes : d’une part, la part fixe (abonnement) est plafonnée par la loi[79] et représente en moyenne seulement 15 à 20% de la facture d’eau alors que les services d’eau et d’assainissement ont des coûts fixes de 80 à 90% ; d’autre part, les consommations d’eau sont en baisse chez les industriels et chez les ménages. Dès lors, une augmentation des tarifs semble inévitable. Au-delà du niveau des tarifs, elle pourrait passer par des changements dans la structure de ces derniers. Ainsi les acteurs du secteur plaident pour une augmentation du plafond de la part fixe (voire le déplafonnement total pour certaines catégories d’utilisateurs comme les résidences secondaires)[80]. Même si le prix de l’eau en France est relativement faible (4,30€/m³ soit 0,8 % du budget des ménages), cette réforme nécessiterait d’être expliquée pour être acceptée. Elle devrait aussi s’accompagner d’autres évolutions, tenant notamment à la revue des tarifs appliquées entreprises, qui bénéficient parfois aujourd’hui de tarifs dégressifs (étant précisé que les ménages ne comptent que pour 20% de la consommation d’eau).

Dans le secteur aéroportuaire, on peut s’interroger sur le principe de modération tarifaire qui s’applique aux redevances aéronautiques, alors que certains aéroports – comme les aéroports de Paris – font face à des besoins d’investissement élevés, notamment pour être mieux connectés aux autres modes de mobilité, dans un contexte où le trafic aérien, dont dépend leurs revenus, a vocation à être de moins en moins dynamique. 

(iii) Rémunérer la performance écologique

Rémunérer le partenaire privé en fonction de sa performance écologique permet de décorréler sa rémunération du volume et de l’inciter à améliorer l’impact écologique de ses activités, y compris en contribuant à la modération de la demande.

Il est ainsi envisageable de lier la rémunération du partenaire privé à l’atteinte d’objectifs de baisse des volumes, d’économies d’énergie ou d’optimisation de la gestion des infrastructures, dans le cadre de véritables « contrats de performance écologique ». Ce modèle correspond à celui des contrats de performance énergétique. Ce type de contrats couple un investissement destiné à améliorer l’efficacité énergétique d’un bâtiment et la garantie de diminution des consommations d’énergie, la rémunération du partenaire étant corrélée au niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique générée par l’investissement.

Cette logique s’étend aujourd’hui à d’autres secteurs, notamment dans le secteur des déchets, avec les « contrats de performance déchets », qui, dans le cadre d’un contrat global, intéressent le titulaire du contrat aux objectifs de collecter et traiter le moins de déchets résiduels possibles, de maximiser prévention et réemploi ou d’améliorer la qualité du tri sélectif.

Notons néanmoins que, dans le cadre de concessions, en l’état du droit, un tel mode de rémunération pose la question du transfert du risque d’exploitation au titulaire et ne saurait être que partiel.

(iv) Diversifier les sources de revenus

La diversification des revenus des partenaires privés dans le cadre de contrats de concession va également dans le sens d’une décorrélation des volumes consommés et participe d’une amélioration de l’équilibre économique de l’exploitation dans un contexte de sobriété.

Plusieurs types d’activités sont à cet égard envisageables, en fonction des secteurs et des infrastructures concernées :

  • Le développement d’activités commerciales compatibles avec le service public : à titre d’exemple, les aéroports ont développé de nombreuses activités commerciales (boutiques et restaurants dans les aéroports, mais aussi hôtels voire centres commerciaux autour de l’aéroport). Pour attirer le financement privé, la régulation aéroportuaire évolue vers un système de « caisse aménagée » (déjà applicable aux aéroports de Paris et de Nice), dans lequel les recettes issues de ces activités ne sont pas prises en compte en totalité dans le calcul des redevances aéroportuaires payées par les compagnies aériennes. Elles participent néanmoins de la rentabilité globale des aéroports et de leur capacité à lever du financement pour investir[81] ;
  • Le déploiement d’infrastructures d’installation de production d’énergie renouvelable (cf. section 2.2.5) ; ou
  • Le positionnement sur de nouveaux services complémentaires de leur cœur de métier : à titre d’exemple, dans le secteur de l’eau et de l’assainissement se développent des pratiques d’économie circulaire générant de nouvelles sources de revenus (ou des économies), comme le retraitement des boues (biogaz, engrais, récupération des ressources), le recyclage des conduites de distribution d’eau ou la récupération de chaleur[82].

3.3.2 Assurer une nouvelle péréquation « écologique »

La transition écologique pose de façon assez nouvelle la question de la péréquation en matière d’infrastructures – qui jusqu’ici renvoyait surtout aux aspects d’équité territoriale.

Cette question se pose à un double niveau :

  • Il s’agit d’abord de financer des investissements nécessaires à la transition écologique, mais qui n’ont pas un modèle économique suffisamment robuste pour s’auto-financer, au sens où il ne peut être envisagé de faire supporter en totalité la charge des investissements aux utilisateurs. On peut citer différents exemples, tels que la régénération et la modernisation du réseau ferroviaire structurant (dans un contexte où les redevances ferroviaires sont déjà très élevées en France), la transformation des aéroports en « hubs multimodaux » connectés à des gares ou encore le déploiement d’un réseau de bornes de recharge électrique sur le réseau autoroutier dimensionné pour couvrir les besoins à horizon 2030–2035 ;
  • Il s’agit également de continuer à assurer le financement d’infrastructures historiquement liées à une économie carbonée, qui ont vocation à se décarboner progressivement, mais vont conserver a minima un rôle assurantiel pendant la phase de transition. Cette problématique est particulièrement prégnante pour les réseaux de gaz, qui ont vocation, d’une part et pour l’essentiel, à être toujours utilisés en biométhane (avec la même molécule de méthane mais produite de façon locale, notamment par méthanisation de biomasse), d’autre part, à être pour partie convertis ou rétrofités pour accueillir d’autres sources d’énergie (hydrogène), et, enfin, pour certaines dessertes gaz qui ne seraient plus utilisées, à être déclassés[83]. Or, ces évolutions ne pourront peser sur les seuls consommateurs de gaz, d’autant que leur nombre diminue. Dès lors que le réseau de gaz joue alors un rôle assurantiel déterminant dans l’apport de puissance au système énergétique, la rémunération du service rendu appelle une réflexion large qui dépasse le seul périmètre du réseau de gaz.

Pour financer ces investissements, il apparaît nécessaire de mettre en place un mix reposant sur plusieurs sources :

  • L’auto-financement, par les recettes versées par les utilisateurs des infrastructures concernées, dans la mesure de leur capacité à payer ;
  • La péréquation tarifaire, en mettant à contribution les utilisateurs d’autres infrastructures rentables. Il s’agit d’avoir une approche globale, tenant compte des interdépendances entre des infrastructures distinctes et des bascules opérées par la transition écologique. Une telle péréquation est néanmoins encadrée juridiquement par plusieurs séries de règles : le principe de contrepartie (selon lequel « la redevance doit trouver sa contrepartie directe dans les prestations fournies par le service ou dans l’utilisation de l’ouvrage »), qui est central dans le régime des redevances pour service rendu, l’interdiction des subventions croisées ou encore l’équilibre budgétaire des services publics à caractère industriel et commercial. Sans aller jusqu’à une remise en cause générale de ces principes, qui pourrait nuire au bon fonctionnement des marchés et à l’acceptabilité des tarifs par les utilisateurs, il semble possible, dans le cadre du droit applicable, de mettre en place certains dispositifs assurant le financement de certains actifs par les utilisateurs d’autres actifs, en particulier au sein d’un même secteur, en considération du service rendu, interprété de façon plus large du fait de l’évolution du système. On peut penser, par exemple, au financement d’investissements en faveur des mobilités partagées par les utilisateurs de l’autoroute (qui permettent de réduire les congestions) ou au financement du stockage de gaz par les utilisateurs du réseau de gaz ;
  • L’octroi de subventions, financées sur le budget général ou par des taxes affectées. Le renforcement de la taxation du carbone dans le transport routier pourrait ainsi, par exemple, financer l’accompagnement de l’électrification de la mobilité[84].

Ce sujet de la péréquation « écologique » renvoie notamment au système autoroutier et à la contribution de ce dernier à la transition écologique. Il convient de relever que, aujourd’hui, les sociétés concessionnaires d’autoroutes contribuent (via des impôts et taxes et des redevances) au budget de l’Etat à hauteur d’environ 40% de leurs recettes, soit près de 5 Mds€ par an, dont 935 M€ sont versés à l’AFIT France, représentant un quart de son budget, et servent à financer des investissements dans les transports, y compris en dehors du réseau autoroutier concédé (réseau routier, réseau ferré)[85]. Le maintien voire l’augmentation d’une telle source de financement à l’avenir est souhaitable, dans des conditions qui devront néanmoins tenir compte des contraintes juridiques, en particulier de la directive Eurovignette[86].

3.3.3 Tenir compte des problématiques sociales et d’acceptabilité

Pour financer les investissements dans les infrastructures par un recours accru à l’utilisateur plutôt qu’au contribuable, il est indispensable d’accompagner cette démarche par la mise en place de dispositifs sociaux, pour des raisons à la fois d’équité et d’acceptabilité.

Il existe à cet égard deux voies principales :

  • La tarification sociale : en matière de services publics industriels et commerciaux, la loi organise, au cas par cas, la modulation des tarifs pour des tarifs sociaux. Ainsi, dans le domaine des transports, la loi prévoit une réduction d’au moins 50% pour les usagers des services de transports urbains réguliers dont les ressources sont égales ou inférieures à un plafond[87]. Dans le domaine de l’eau, la loi Brottes du 15 avril 2013 a légalisé la prise en compte de la composition et du revenu des ménages dans la définition des tarifs. Certaines collectivités – comme la ville de Dunkerque – ont combiné sur cette base une tarification progressive (à but environnemental) et un subventionnement au profit des ménages les plus modestes (à but social), dans le cadre d’une tarification « éco-solidaire » ;
  • Des aides forfaitaires sur critères sociaux, notamment sous forme de « chèques » : dans le secteur de l’énergie, les dispositifs de tarif de première nécessité (TPN) pour l’électricité et de tarif spécial de solidarité (TSS) pour le gaz naturel mis en place en faveur des ménages précaires ont été remplacés en 2018 par le chèque énergie, sur la base d’un critère de revenu[88]. La mise en place de « chèques eau » a également été décidée dans certaines collectivités.

Si la définition du « bon » dispositif d’accompagnement dépend des services concernés et des réalités sociales et territoriales, il est possible, sur la base des évaluations existantes[89], de dégager quelques lignes directrices :

  • Il est d’abord essentiel d’éviter les biais sociaux dans la composition des tarifs. A titre d’exemple, l’évaluation de la politique menée par la ville de Dunkerque dans le domaine de l’eau a montré que la définition des tranches associées à la tarification progressive défavorisait les familles nombreuses, car elles avaient été calculées pour des ménages de 4 personnes ; un chèque eau avait été mis en place pour les foyers de plus de 5 personnes mais a été peu utilisé[90] ;
  • L’effectivité des dispositifs d’accompagnement social est un enjeu majeur, surtout dans les cas où les aides ne sont pas automatiques. Il s’agit là de la principale limite des dispositifs de « chèques ». Il apparaît dès lors indispensable de mettre en place un accès automatique à l’aide financière ;
  • L’accès et l’analyse approfondie des données socio-fiscales est un pré-requis à la réussite de ces dispositifs, qui nécessitent une coopération étroite avec les administrations de sécurité sociale et des moyens techniques et humains adaptés.

Conclusion

La transition écologique ne se fera pas sans une transformation des infrastructures de transport, d’énergie, d’eau et d’assainissement, de déchets ou des bâtiments publics, qui conditionne la décarbonation des usages, la résilience des territoires et la préservation de la biodiversité. Cette transformation requiert des investissements massifs à engager dans un délai très court – de l’ordre de 30 Mds€ supplémentaires par an d’ici à 2030 hors adaptation.

Pour financer cette transformation, une approche partenariale entre le secteur public et le secteur privé est indispensable. Il s’agit, pour l’Etat et les collectivités publiques, de chercher à mobiliser les financements privés pour réduire les besoins de financements publics. Cette mobilisation doit, naturellement, se faire dans un sens conforme à l’intérêt général, et tenant compte des impératifs de la transition écologique.

Les outils existent. Ils renvoient d’abord à la gestion déléguée, et, en premier lieu, au modèle concessif, qui permet de réaliser des investissements en mettant à contribution les utilisateurs et en s’appuyant sur des entreprises spécialisées, sans peser sur la dette publique, mais dans un cadre défini et contrôlé par la puissance publique. Si, à la différence des concessions, ils font appel au contribuable, les autres formes de PPP (marchés de partenariat, marchés globaux de performance énergétique à paiement différé) peuvent permettre, pour des projets d’investissement qui le justifient, d’instaurer un partage des risques efficace, évitant des dérapages de budget et de calendrier. Enfin, la mobilisation de fonds publics (sous la forme de subventions, d’aides fiscales, de garanties, d’avances remboursables, de prêts bonifiés ou de fonds propres) peut avoir un effet multiplicateur pour attirer des investisseurs privés dans des secteurs pas encore matures, très risqués ou à rentabilité faible.

Ces outils doivent être améliorés et modernisés. Il s’agit, d’abord, de s’assurer que la puissance publique est en mesure d’exercer pleinement ses prérogatives dans la définition des investissements et leur contrôle, condition sine qua non de la réussite de la gestion déléguée. Il s’agit, ensuite, de lever certains freins à l’investissement, en simplifiant les contrats, en facilitant leur adaptation aux enjeux écologiques ou en assurant la stabilité du cadre juridique, contractuel et fiscal. Il s’agit, enfin, d’assurer une tarification adaptée au défi de la « transition juste », qui soit à la fois suffisamment élevée, écologiquement cohérente et socialement équitable.

En tout état de cause, les besoins de financements publics resteront très importants et nécessiteront de trouver de nouvelles ressources publiques, au niveau européen, national ou local. L’équation du financement des investissements pour la transition écologique n’a ainsi pas de solution unique mais doit passer par un ensemble de solutions.

Alors que l’urgence écologique est chaque jour plus pressante, il est plus que temps de mobiliser les financements disponibles, dans le cadre d’une stratégie globale et de long terme, déclinée et adaptée à chaque projet.

Annexe : groupe de travail

Ce rapport résulte des travaux d’un groupe de travail présidé par Benoît Thirion, avocat en droit public (Hoche Avocats), comprenant :

  • Cécile Fontaine, cheffe du département des Affaires publiques et juridiques de la FNCCR,
  • Hélène Hoepffner, professeur agrégée de droit public, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne,
  • Emmanuel Pélisson, président de Finance Consult,
  • Stéphane Saussier, professeur de sciences économiques à l’IAE Paris-Sorbonne et directeur de la Chaire Économie des Partenariats Public-Privé.

    Le groupe de travail a réalisé des auditions d’acteurs publics et privés dans le cadre de ses travaux.

Annexe : auditions

Le groupe de travail remercie les personnes qui ont accepté d’être auditionnées, et notamment :

  • Blaise Rapior, Jean-Vianney d’Halluin, Estelle Esparcieux-Bossière, Direction des concessions, VINCI Autoroutes
  • Amélie Lummaux, Pierre-Edouard Pivois, Direction Développement durable et Projets, Direction juridique, Groupe ADP
  • Julien Touati, CEO, Reed Management SAS
  • Jean Bensaïd, Directeur, Fin Infra
  • Arnaud Brunel, Directeur général, Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (Sipperec)
  • Wassin Ballout, Rémi Borel, Michael Varescon, Direction de la stratégie, Direction des affaires publiques, Direction juridique, EDF
  • Sébastien Lacombe, Cathia Volker, Direction de la régulation, Direction des affaires publiques, Engie
  • Alexandre Mayol, maître de conférences HDR en économie à l’Université de Lorraine et titulaire de la Chaire Ressources Naturelles et Économie Locale

 


[1] Par « infrastructures », nous désignerons l’ensemble des installations, ouvrages et équipements qui conditionnent l’activité économique et qui sont de la responsabilité de la puissance publique (Etat et collectivités territoriales). Elles concernent notamment les secteurs de la mobilité et des transports, l’énergie, le numérique, l’eau et l’assainissement et les déchets. Nous y ajoutons également les bâtiments publics, qui posent des problématiques de financement similaires et sont également clés dans la transition écologique.

[2] Carbone 4, Le rôle des infrastructures dans la transition bas-carbone et l’adaptation au changement climatique de la France, rapport pour la FNTP, décembre 2021.

[3] Les infrastructures de transport arrivent au deuxième rang en termes d’utilisation, après l’habitat (42 % des surfaces artificialisées estimées). Source : France Stratégie, Objectif « zéro artificialisation nette » : quels leviers pour protéger les sols ?, juillet 2019.

[4] J. Pisani-Ferry, S. Mahfouz, Les incidences économiques de l’action pour le climat, Rapport pour France Stratégie, mai 2023. Ce montant ne prend pas en compte un certain nombre d’investissements, notamment l’agriculture.

[5] Ibid. p. 111. Ces dépenses publiques relèvent de différentes catégories : des dépenses directes (rénovation des bâtiments publics, infrastructures, recherche publique), des dépenses de soutien à l’investissement et à l’équipement des ménages et des entreprises, l’appui à la transition vers l’économie verte (décarbonation de l’industrie, formation professionnelle, accompagnement des reconversions) et les investissements d’adaptation.

[6] DG Trésor, « Quels besoins d’investissements pour les objectifs de décarbonation français en 2030 ? », Document de travail, avril 2024.

[7] Stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale, octobre 2024.

[8] The future of Europe competitiveness, report by Mario Draghi, septembre 2024.

[9] Cf. sur cette approche S. Hallegate, « Du bon usage du coût d’abattement pour piloter la transition », Billet d’analyse, I4CE, 4 avril 2023.

[10] Cf. sur ces aspects historiques X. Bezançon, 2000 ans d’histoire du partenariat public-privé, Presses de l’ENPC, 2004.

[11] Etant précisé que la collectivité publique peut choisir d’être actionnaire du partenaire privé, comme dans le cas des sociétés d’économie mixte à opération unique (SEMOP).

[12] Les PPP ne correspondent pas à une catégorie juridique et cette appellation peut être utilisée dans un sens large (elle englobe alors les concessions) ou un sens restreint. Les termes de contrats « à tiers financement » lui sont souvent préférés aujourd’hui dans la terminologie officielle, compte tenu de la charge négative associée aux « PPP ».

[13] Loi n° 2023–222 du 30 mars 2023 visant à ouvrir le tiers financement à l’Etat, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.

[14] L’article L. 2224–1 du CGCT dispose que les budgets des services publics industriels et commerciaux (SPIC), exploités en régie, affermés ou concédés par les communes, doivent être équilibrés en recettes et en dépenses. De surcroît, l’article L. 2224–2 interdit aux communes de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre de ces services. Cependant, la collectivité de rattachement peut décider une prise en charge des dépenses du SPIC dans son budget général dans trois cas : si des exigences conduisent la collectivité à imposer des contraintes particulières de fonctionnement ; si le fonctionnement du service public exige la réalisation d’investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d’usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs ; et si, après la période de réglementation des prix, la suppression de toute prise en charge par le budget de la commune aurait pour conséquence une hausse excessive des tarifs.

[15] On peut également mentionner le secteur des déchets, qui représente 3,5% des émissions de GES en France est clé dans un contexte de développement de l’économie circulaire. Néanmoins, les études sur les besoins d’investissements supplémentaires dans ce secteur sont peu développées. A titre indicatif, Rexecode les évalue à environ +1 Md€ par an à horizon 2030 (Rexecode, Les enjeux économiques de la décarbonation de la France. Une évaluation des investissements nécessaires, Document de travail n°83, 2022).

[16] Par souci de cohérence, dans un contexte où il existe de nombreuses études avec des méthodologies distinctes, les estimations des besoins reprises dans ce rapport se basent principalement sur les travaux de Jean-Pisani Ferry et Salma Mahfouz, du think tank I4CE et de la Direction Générale du Trésor, qui font autorité et aboutissent à des résultats cohérents. Ces estimations constituent également la base de la SPAFTE.

[17] SDES, Chiffres clés du climat, 2023.

[18] France Stratégie, Objectif « zéro artificialisation nette » : quels leviers pour protéger les sols ?, Juillet 2019.

[19] SGPE, Mieux agir : la planification écologique, synthèse du plan, septembre 2023.

[20] P. Geoffron, B. Thirion, « Décarboner les transports et les mobilités : quelles réponses efficaces face aux urgences ? », rapport pour Terra Nova, juin 2023.

[21] Pour mémoire, selon le think tank I4CE, les investissements dans les véhicules électriques devraient atteindre 39,9 Mds€ par an en moyenne entre 2024‑2030, soit 25,3 Mds€ de plus qu’en 2022. Source : I4CE, Panorama des investissements Climat, Edition 2023, novembre 2023.

[22] Selon un rapport du Sénat, pour que la France atteigne ses engagements en matière climatique, l’offre de transports en commun du quotidien devra progresser de 20 à 25 % d’ici 2030, ce qui engendrera une augmentation des dépenses de fonctionnement prévisionnelles cumulée jusqu’en 2030 entre 15 et 18 Mds€ pour les AOM locales, de 11 Mds€ pour les AOM régionales et de 20 Mds€ pour Ile-de-France Mobilités. Source : Rapport d’information fait au nom de la commission des finances du Sénat sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) par MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, 4 juillet 2023.

[23] DG Trésor, « Quels besoins d’investissements pour les objectifs de décarbonation français en 2030 ? », Document de travail, avril 2024.

[24] SDES, Bilan annuel des transports en 2022, novembre 2023.

[25] I4CE, Panorama des investissements Climat, Edition 2023, novembre 2023.

[26] Ibid.

[27] Rapport d’information fait au nom de la commission des finances du Sénat sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) par MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, 4 juillet 2023.

[28] I4CE, Anticiper les effets d’un réchauffement de +4°C : quels coûts de l’adaptation ?, avril 2024.

[29] https://www.ecologie.gouv.fr/presse/presentation-du-plan-national-dadaptation-changement-climatique.

[30] I4CE, Panorama des investissements Climat, Edition 2023, novembre 2023. Il convient de relever que les réseaux gaziers (réseaux de gaz, réseaux d’hydrogène, terminaux méthaniers) ne sont pas couverts dans ce rapport.

[31] https://www.publicsenat.fr/actualites/economie/epr2-le-pdg-dedf-prevoit-3-milliards-deuros-sur-ses-fonds-propres-en-2024.

[32] France Nation Verte, Le fonds vert, Axe 1 : Rénovation énergétique des bâtiments publics locaux, mai 2024.

[33] J. Pisani-Ferry, S. Mahfouz, Les incidences économiques de l’action pour le climat, Rapport pour France Stratégie, mai 2023.

[34] Cf. sur ce sujet N. Leverrier, V. Ravillon, Le parc immobilier de l’Etat fait-il sa part ?, Carbone 4, avril 2024.

[35] A l’image, par exemple, de la proposition du Nouveau Front Populaire d’« aller vers la gestion de 100% publique de l’eau en régies locales ». 

[36] I4CE, Panorama des investissements Climat, Edition 2023, novembre 2023.

[37] Source : Auriol E. et Saussier S (2025) « Private Participation in Infrastructures: What role for public-private partnerships? », Rapport CEPR-LTI à paraître.

[38] Etant toutefois précisé qu’en pratique la collectivité publique tend à prendre en compte le coût annuel du projet sur un horizon de quelques années plutôt que le coût global du projet, du fait notamment du principe d’annualité budgétaire.

[39] Cf. Cour des comptes, La dette des entités publiques : Périmètre et risques, Communication à la commission des finances du Sénat, janvier 2019. Les administrations publiques (APU) dont la dette est considérée comme publique au sens de Maastricht sont en effet définies comme « l’ensemble des unités institutionnelles dont la fonction principale est de produire des services non marchands ou d’effectuer des opérations de redistribution du revenu et des richesses nationales. Elles tirent la majeure partie de leurs ressources de contributions obligatoires » (source : Insee).

[40] Ainsi, leur participation à l’entreprise publique doit alors être notifiée à la Commission européenne et être considérée comme compatible avec le marché intérieur au regard des objectifs qu’elle poursuit.

[41] En application des règles européennes, un PPP peut être déconsolidé dans le bilan de la collectivité publique uniquement si le partenaire privé est réellement le « propriétaire économique » de l’actif, c’est-à-dire s’il en assume toutes les obligations et en retire tous les bénéfices. Cependant, en France, les clauses contractuelles retenues par les parties – et, la plupart du temps, exigées par les partenaires privés et leurs prêteurs – ne permettent pas de satisfaire ce critère. Tel est le cas recours par exemple du recours au dispositif de la cession de créances. L’abandon de ces pratiques entraînerait une déconsolidation des PPP mais, en contrepartie, une augmentation de leur coût. Cf. sur ce sujet : IGD, Consolidation ou déconsolidation des PPP : critères, méthodologies et enjeux, octobre 2019).

[42] Cour des comptes, Rapport public annuel 2012, Les grands chantiers culturels : l’hypothèque budgétaire, février 2012.

[43] Cf. sur ces aspects : IGF, Mission d’évaluation des partenariats public-privé, rapport n° 2012-M-027–02, décembre 2012 et Rapport d’information fait au nom de la commission des lois du Sénat sur les partenariats public-privé par MM. Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli, 16 juille 2014.

[44] Loi n° 2014–744 du 1er juillet 2014 permettant la création des SEMOP. Ces entreprises mixtes, titulaires de PPP, sont souvent vues comme un moyen de réduire l’asymétrie entre la collectivité et son partenaire privé. Notons cependant que la participation au capital et la participation aux organes de direction n’est pas une garantie suffisante ; elles dépendent des moyens mobilisés et de la qualité de l’information, comme dans une relation purement contractuelle (Cf. en ce sens G. Eckert, « La SEMOP, instrument de renouveau de l’action publique locale ? », AJDA 2014, p. 1941 ; J. de Brux, F. Marty, « Les partenariats public-privé institutionnalisés : intérêts, limites et risques d’une structure hybride public-privé », RFDA n°157, 2016).

[45] On notera en ce sens qu’un récent rapport de l’Inspection générale des finances estime que les PPP présentent « un potentiel de développement dans le domaine de la transition écologique » (Inspection générale des finances, L’investissement des collectivités territoriales, Rapport n° 2023-M-030–04, octobre 2023).

[46] Institut de gestion déléguée, Modalités de réalisation et de financement des projets d’infrastructure : comment choisir ? octobre 2017.

[47] Cf. notamment ANAP (Agence Nationale d’Appui à la Performance des établissements de santé et médicosociaux), Evaluation des procédures d’investissements en santé, juin 2015 ; EY Consulting, Etude de sensibilité sur le coût global et les externalités positives du partenariat public privé en matière d’infrastructure ferroviaire, rapport pour l’AGIFI (Association Française des Gestionnaires d’Infrastructures Ferroviaires), décembre 2023.

[48]             Au sein des énergies renouvelables, l’hydroélectricité est dans une situation particulière, dans la mesure où les barrages hydrauliques ont été historiquement déployés dans le cadre de concessions. Ce régime fait toutefois aujourd’hui l’objet de discussions entre la Commission européenne, l’Etat et EDF, qu’il n’entre pas dans le cadre de ce rapport de trancher.

[49] France Nation Verte, Investir en France dans les infrastructures de décarbonation, octobre 2023.

[50] Source : DG Trésor, « Les enjeux économiques de la transition vers la neutralité carbone », Rapport intermédiaire, décembre 2023.

[51] Cour des comptes, La place de la fiscalité de l’énergie dans la politique énergétique et climatique française, 6 septembre 2024.

[52] Cf. sur ces aspects le rapport de l’IGF, Adaptation de la fiscalité aux exigences de la transition écologique, mai 2023.

[53] Rapport sur l’impact environnemental du budget de l’Etat, PLF 2024, octobre 2023.

[54] Pour mémoire, le dispositif des CEE oblige, dans le cadre d’un marché, les fournisseurs d’énergies et les vendeurs de carburants automobiles à soutenir des actions d’économies d’énergie, afin d’atteindre un objectif global pluriannuel réparti entre eux en fonction de leur volume de vente auprès des particuliers et des entreprises tertiaires. Il ne pèse donc pas sur les finances publiques.Un dispositif assez similaire a été mise en place en matière de biogaz avec les certificats de production de biogaz (CPB).

[55] I4CE, Financement de la transition : quelles marges de manoeuvre autour du besoin de financement public ?, juillet 2024.

[56] Notons que, à la différence du financement par la dette ou dans le cadre de concessions, le financement par ce dispositif pèse sur les générations actuelles et n’opère pas de transfert temporel.

[57] Cour des comptes, Les certificats d’économies d’énergie : un dispositif à réformer car complexe et coûteux pour des résultats incertains, Communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, juillet 2024.

[58] Notamment : versement mobilité, taxe locale sur les bureaux, taxes sur les surfaces de stationnement, DMTO, TSE, taxe sur les certificats d’immatriculation, TICPE, etc. Des recettes non fiscales sont aussi parfois évoquées (péages urbains, valorisation foncière par exemple).

[59] Dans un rapport récent, la Cour des comptes souligne néanmoins que « Solliciter les entreprises locales est concevable sur la base des externalités positives engendrées par les SERM, mais le potentiel fiscal dans les autres régions n’est pas comparable à celui de l’Ile-de-France. Quant aux autres recettes, les limites rencontrées en Ile-de-France pourraient ailleurs produire les mêmes effets ». Source : Rapport particulier de la Cour des Comptes sur la Société du Grand Paris, Exercices 2017 et suivants, 19 janvier 2024.

[60] Projet annuel de performances, Compte d’affectation spéciale – Participations financières de l’Etat, Annexe au PLF2024.

[61] Il avait ainsi annoncé le recentrage du portefeuille de l’Etat actionnaire géré par l’APE autour de trois axes prioritaires : (i) les entreprises stratégiques qui contribuent à la souveraineté de notre pays (défense et nucléaire), (ii) les entreprises participant à des missions de service public ou d’intérêt général national ou local pour lesquelles l’État ne détient pas de leviers non actionnariaux suffisants pour préserver les intérêts publics ainsi que (iii) les interventions dans les entreprises lorsqu’il y a un risque systémique.

[62] Cour des comptes, L’agence des participations de l’Etat, juillet 2024.

[63] On prendra pour exemple la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui se traduit au niveau régional par des objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables fixés dans le cadre de comités régionaux de l’énergie où sont représentés l’Etat, les collectivités et les entreprises du secteur de l’énergie et en particulier les gestionnaires des réseaux, ou encore les COP régionales, mises en place sous l’égide de l’Etat et coanimées par le préfet de région et le président du conseil régional, qui ont vocation à réunir les acteurs locaux publics, privés, et de la société civile.

[64] Cour des comptes, Rapport public annuel 2024 « L’action publique en faveur de l’adaptation au changement climatique », p. 370. En ce sens, à titre d’exemple, le nouveau Paquet relève que « La stratégie pour l’intégration du système énergétique de l’UE souligne l’importance d’une planification et d’une exploitation coordonnées du système énergétique en vue d’atteindre les objectifs en matière de décarbonation » et appelle les gestionnaires d’infrastructures à « œuvrer en faveur d’un degré d’intégration plus élevé en tenant compte des besoins du système au-delà des vecteurs énergétiques spécifiques » (considérant 128 de la Directive (UE) 2024/1788 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 concernant des règles communes pour les marchés intérieurs du gaz renouvelable, du gaz naturel et de l’hydrogène).

[65] La nouvelle directive 2023/1791 du 13 septembre 2023 dite « Efficacité énergétique » impose aux Etats membres de veiller à ce que les solutions en matière d’efficacité énergétique soient évaluées dans les décisions en matière de planification, de politique et d’investissement majeur d’une valeur de plus de 100 M€ chacune ou de plus de 175 M€ pour les projets d’infrastructures de transport. L’application de ce principe de primauté de l’efficacité énergétique concerne les systèmes énergétiques comme les secteurs non énergétiques, lorsqu’ils ont une incidence sur la consommation d’énergie et l’efficacité énergétique, tels que les secteurs des transports, de l’eau et des technologies de l’information et de la communication (TIC).

[66] Conclusions sur CE 11 mars 1910, Cie générale française de tramways.

[67] Étant précisé que la durée des contrats de concession est fixée en fonction de la nature et du montant des prestations ou des investissements demandés au concessionnaire (article L. 3114–7 du code de la commande publique).

[68] La durée des CRE est aujourd’hui de 5 ans. Mais une extension à 15 ans pour le premier contrat pluriannuel, plus adaptée à des investissements lourds, est envisagée pour les CRE des concessions nouvellement attribuées.

[69] Article L. 2191–5 du code de la commande publique.

[70] Cf. sur ce sujet H. Hoepffner, Les avenants au service de la transition écologique, Contrats et Marchés publics, n° 5, mai 2024.

[71] Cf. également en ce sens P. Terneyre, T. Laloum, Droit des contrats administratifs : renversons quelques tables pour la reprise économique !, n° 7, juillet 2021.

[72] En droit, les tarifs relèvent du régime des redevances pour service rendu, qui se distingue des taxes.

[73] Article L. 341–4 du code de l’énergie.

[74] Article L. 452–2–1 du code de l’énergie.

[75] Directive 1999/62 du 17 juin 1999 modifiée par la directive 2022/362 du 24 février 2022.

[76] Mayol A. (2017), Social and Nonlinear Tariffs on Drinking Water: Cui Bono? Empirical Evidence from a Natural Experiment in France, Revue d’économie politique, 127 (6): 1161–1185.

[77] Cf., sur le régime des redevances pour service rendu, Conseil d’Etat, Redevances pour service rendu et redevances pour occupation du domaine public, Rapports et études, 2002.

[78] Avis du CESE, Eau potable : des enjeux qui dépassent la tarification progressive, novembre 2023.

[79] Article L. 2224–12–4 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

[80] On pourra notamment se reporter à : « Sobriété : vers un nouveau modèle de financement des services d’eau et d’assainissement : Les 25 propositions des collectivités et des entreprises » publié en juin 2024 par la FNCCR, Intercommunalités de France et la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E).

[81] Cf. sur ce sujet ART, Enjeux et perspectives des systèmes de caisse dans le secteur aéroportuaire, janvier 2023.

[82] Cf. sur ce sujet M. Salvetti, Un pacte vert pour les services d’eau et d’assainissement pour un modèle de service et de financement rénové, Florence School of Regulation, Centre Robert Schuman, 2022.

[83] Cf. sur ces aspects le rapport publié par la Commission de régulation de l’énergie « Avenir des infrastructures gazières aux horizons 2030 et 2050, dans un contexte d’atteinte de la neutralité carbone », avril 2023. Ce rapport estime le déclassement à environ 5% des réseaux.

[84] Nous renvoyons sur ces aspects à P. Geoffron, B. Thirion, « Décarboner les transports et les mobilités : quelles réponses efficaces face aux urgences ? », rapport pour Terra Nova, juin 2023.

[85] ASFA, Chiffres clés 2024, juillet 2024.

[86] La directive Eurovignette impose en effet de ne prendre en compte dans les péages que les coûts de l’infrastructure concernée, ce qui remet en cause l’existence de certaines taxes aujourd’hui prises en compte dans les péages.  

[87] Article L.1113–1 du code des transports.

[88] Dans un rapport de 2022, la Cour des comptes a estimé que ce dispositif fonctionne correctement mais a souligné son manque de cohérence vis-à-vis des objectifs de réduction de la précarité énergétique (du fait du choix du critère de revenu, qui ne recoupe pas nécessairement la précarité énergétique) et de lutte contre le réchauffement climatique (car il bénéficie aux énergies carbonnées et décarbonnées).

[89] Cf. par exemple dans le domaine de l’eau le rapport de la mission parlementaire flash sur le bilan de l’expérimentation d’une tarification sociale de l’eau de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale de février 2022.

[90] Mayol A. (2017), Social and Nonlinear Tariffs on Drinking Water: Cui Bono? Empirical Evidence from a Natural Experiment in France, Revue d’économie politique, 127 (6): 1161–1185.

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