L’agroécologie remet la nature au cœur du Salon de l’agriculture – 20minutes


Que serait le Salon International de l’agriculture (SIA) sans le concours général ? À chacune de ses éditions, la plus grande ferme de France récompense à travers cette compétition les meilleurs produits du terroir français. Depuis 2010, une nouvelle catégorie s’est frayé un bout de chemin dans la célèbre épreuve. Le concours des pratiques agroécologiques gratifie les agriculteurs qui pratiquent l’agroécologie, un ensemble de techniques agricoles et d’élevages qui prennent en compte la préservation de la biodiversité.
La biodiversité entre dans la compétition
Avec presque 400 participants en 2020, la tenue de ce concours traduit une préoccupation générale du monde agricole pour la préservation de la biodiversité. Cette année, le SIA met même à l’honneur un jeu vidéo d’accompagnement à la conversion à l’agroécologie, Roots of Tomorrow (Les racines de demain). Sols non perturbés, plantations entourées, confusion sexuelle… devant leur écran ou dans les champs, les agriculteurs s’engagent donc de plus en plus dans des pratiques respectueuses de la vie, florale comme animale. Certains exploitants suivent directement la voie de l’agroécologie, qui vise à tirer le meilleur parti de la nature tout en maintenant ses capacités de renouvellement. D’autres de la plus connue agriculture biologique (label AB), où le recours à la plupart des produits chimiques de synthèse est notamment proscrit. Mais ces pratiques sont également empruntées par des paysans installés dans une agriculture conventionnelle.
Une augmentation de 30 % du nombre d’espèces
Robert-Pierre Cecchetti, producteur de pommes Pink Lady® Europe (partenaire de 20 Minutes durant le SIA 2022), est l’un d’entre eux : « nous avons pris conscience que les démarches d’agriculture raisonnée ne s’arrêtaient pas au pied de nos vergers. Nos arbres s’inscrivent dans tout un environnement que nous devons prendre en compte », relève-t-il. Dans son exploitation de plus d’une centaine d’hectares, Robert-Pierre Cecchetti s’appuie, entre autres, sur la confusion sexuelle afin de lutter contre les ravageurs : « Au lieu d’essayer de tuer les vers qui s’introduisent dans les pommes, on utilise la confusion sexuelle. On sature l’air de nos vergers des odeurs de phéromone femelle. Le mâle n’arrive donc plus à retrouver de femelles pour se reproduire et on diminue ainsi les vers dans nos exploitations. Cela nous permet de limiter l’emploi d’intrants. »
Blandine Arcusa, paysanne-boulangère en agriculture biologique dans le Var, produit ses propres céréales. Avec son compagnon Vincent, elle a mis en place un système de rotation : « Ce système établit le principe d’avoir des cultures différentes sur sa parcelle. En plus de favoriser la biodiversité autour des cultures, la rotation empêche l’établissement des ravageurs et des mauvaises herbes. La culture ne peut pas être mise à mal », expose-t-elle.
Prendre en compte la biodiversité, un choix qui porte ses fruits
Ces méthodes portent leurs fruits. D’après Vincent Bretagnolle, écologue au CNRS, « les études constatent une augmentation de 30 % du nombre d’espèces et de 50 % du nombre d’individus entre les parcelles d’agriculture biologique et conventionnelle » analyse-t-il lors d’un séminaire organisé par la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB). Plus qu’une protection de la biodiversité, ces systèmes sont également des garanties pour le consommateur : « ils sont de plus en plus nombreux à réclamer des produits locaux et non contaminés par des pesticides », note Philippe Pointereau, délégué au développement pour l’association Osaé : Osez l’agroécologie.
Si ces approches naturelles actent d’un volontarisme du monde agricole pour la préservation de la biodiversité, la démocratisation de l’agriculture vertueuse pour l’environnement demande du temps. « Il faudrait diminuer la taille des parcelles, alors que pendant cinquante ans, nous avons investi des parcelles plus grandes, en supprimant les haies. Cela requiert un changement de système complet. L’agriculteur se retrouve face à un moment inédit où l’on appliquait un modèle pendant cinquante ans de respecter une méthode et là il faudrait en appliquer une autre », explique Cécile Detang-Dessendre, directrice scientifique adjointe agriculture à l’Institut national de la recherche en agronomie (Inrae)
Tout un système à remettre à plat
Flavier Riberon, éleveur bovin en Haute-Loire, estime, lui, que les méthodes qui lui permettraient de favoriser la biodiversité sont encore trop onéreuses : « Il faut investir dans du matériel et ça coûte cher. J’essaie tout de même de faire attention. J’utilise peu de pesticides par exemple, pas plus que nécessaire. »
Le développement d’une agriculture attentive à la biodiversité se joue également avec d’autres acteurs. « L’agriculteur est juste un maillon de la chaîne. On ne peut pas demander à un agriculteur de rajouter des cultures qui vont fixer l’azote pour utiliser moins d’engrais, si là où il y est, personne n’est prêt à acheter sa nouvelle production. L’agriculteur travaille avec les outils qui sont à sa disposition. Il faut aussi que les systèmes en amont, comme les producteurs d’engrais et de pesticides, développent aussi les bonnes technologies », analyse Mathias Ginet, haut fonctionnaire et co-auteur d’un rapport pour le think-tank Terra-Nova intitulé « Souveraineté alimentaire et transition écologique : un projet pour l’agriculture française ».
Afin de tracer un chemin agricole respectueux de la biodiversité, le rapport de Terra-Nova propose « le développement d’outils de diagnostic et d’affichage de la qualité des sols ». Pour les sols les plus dégradés, l’étude propose une régénération sur dix ans. La nouvelle Politique agricole commune (Pac) – contestée par les associations d’agriculteurs bio – propose, de son côté, des mesures contraignantes comme la réduction de 50 % des pesticides d’ici 2030. Si tout le monde est d’accord pour défendre la biodiversité, on s’écharpe encore sur les moyens de le faire.