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Note

Les femmes et le changement climatique

Les thèmes de la défense de l’environnement progressent dans l’opinion depuis plusieurs années. Au-delà de l’évolution d’ensemble, tous les milieux sociaux ne partagent pas, au même degré, la préoccupation écologique. On observe trop rarement les clivages qui partagent la population sur ce sujet. L’idée selon laquelle la sensibilité environnementale en général et climatique en particulier est portée par les catégories aisées et par la jeunesse diplômée correspond à une réalité assez bien documentée. Mais cette approche générale ne suffit pas à rendre compte de ce qui est en train de se passer dans les sociétés européennes et notamment dans la société française. La présente note est consacrée au rôle qu’y jouent les femmes à partir des données recueillies dans l’enquête Obs’COP 2020. Autant la question générationnelle et le niveau d’éducation sont des variables souvent étudiées dans le rapport à l’enjeu climatique, autant l’identité de genre reste peu analysée. Comment intervient-elle à la fois dans la perception des enjeux et dans les comportements au quotidien ? Y a-t-il une spécificité féminine et comment se combine-t-elle avec les catégories sociales ou le niveau d’étude ? Les données françaises confirment la plus forte mobilisation des femmes sur les questions environnementales, comparées aux hommes, et ceci bien souvent au sein de chaque milieu social ou catégorie d’âge. Elles se montrent en particulier davantage prêtes que les hommes à changer de mode de vie et mettent déjà leur conviction écologique en œuvre dans leurs choix de consommation en ce qui concerne les gestes de la vie courante. Consommer local, de saison, éviter le suremballage, limiter le chauffage… sont des pratiques que les femmes semblent investir, parfois contre les pratiques masculines de leur milieu social. C’est particulièrement vrai dans les catégories populaires et moyennes, et pas seulement en milieu urbain. Cette transformation de la société par la consommation rencontre cependant une limite : la question de la mobilité. Qu’il s’agisse de limiter l’accès des centres-villes aux voitures électriques ou d’instaurer un péage urbain, les femmes sont toujours en retrait, quel que soit le milieu social. Il y a là matière à réfléchir sur le fait que c’est sur les femmes que reposent le plus souvent les transports routiniers au sein des foyers (école, loisirs, courses), encore souvent réalisés en voiture, et que la perspective d’une complication de ces transports n’enthousiasme guère. L’inégal partage des tâches au sein des foyers, notamment en ce qui concerne la prise en charge de la complexité des déplacements quotidiens, représente une limite évidente de l’acceptabilité des mesures contraignantes visant à favoriser la transition écologique.
Publié le 

Introduction

Les progrès de la conscience écologique sont régulièrement soulignés, depuis quelques années, par les enquêtes d’opinion. La sociologie de ce mouvement est en revanche insuffisamment interrogée. Le cliché selon lequel la préoccupation environnementale en général et climatique en particulier est portée par les catégories aisées et par la jeunesse diplômée correspond à une réalité assez bien documentée. La sensibilité à l’environnement est classiquement plus forte chez les générations de moins de 60 ans et les personnes diplômées (Bozonnet, 2011 ; Gougou et Persico, 2019 ; ADEME 2020). Cependant, ces observations ne suffisent pas à rendre compte de ce qui est en train de se passer dans les sociétés européennes et notamment dans la société française.

Nous mettons l’accent ici sur le rôle qu’y jouent les femmes à partir des données recueillies dans l’enquête Obs’COP 2020 (voir encadré ci-après). Autant la question générationnelle et le niveau d’éducation sont des variables souvent étudiées dans le rapport à l’enjeu climatique, autant l’identité de genre reste peu analysée. Comment intervient-elle à la fois dans la perception des enjeux et dans les comportements au quotidien ? Y a-t-il une spécificité féminine, et comment se combine-t-elle avec les catégories sociales ou le niveau d’étude [1]  ?

La plus forte sensibilité des femmes aux enjeux environnementaux n’est pas, en soi, une découverte. Elle a déjà été soulignée lors des récentes échéances électorales. Aux élections européennes de 2019, par exemple, les listes EELV rassemblèrent 13,5 % des suffrages exprimés, mais l’écart hommes-femmes était de 8 points : 17 % des femmes contre 9 % des hommes avaient voté pour le parti écologiste.

La plus forte implication des femmes en matière environnementale s’observe également à l’étranger. Selon une étude de l’Université de Yale (2018), 63 % des femmes américaines s’inquiètent du réchauffement climatique contre 58 % des hommes (+ 5 points). Selon une étude du Pew Research Center (2015), 83 % des femmes américaines pensent que le changement climatique est un problème grave contre 66 % des hommes (+ 17) ; un écart qui est de 13 points au Canada, de 12 points en Australie, de 7 points au Royaume-Uni et de 6 points en Allemagne. Selon une étude de Mintel réalisée au Royaume-Uni en juillet 2018, 71 % des femmes britanniques déclarent essayer de vivre de manière plus responsable qu’un an plus tôt, contre seulement 59 % des hommes (+ 12). Plus précisément, les femmes sont plus impliquées dans le recyclage des déchets (77 % vs 67 %), l’usage économe de l’eau (38 % vs 30 %), la régulation du chauffage en cas d’absence (64 % vs 58 %)…

Par ailleurs, la littérature académique, singulièrement anglo-saxonne, se fait plus abondante sur le rôle des stéréotypes de genre dans la formation de ce clivage hommes / femmes sur les questions environnementales (A.-R. Brough et al ., 2016). Bien que différentes hypothèses aient été avancées par la sociologie, la théorie de la socialisation est aujourd’hui l’explication la plus mobilisée pour expliquer la formation de ces stéréotypes : l’éducation des filles dans les sociétés occidentales, qui valorise les comportements d’empathie, de coopération et de soin de l’autre (le «  care  »), entrainerait une attention plus forte, au sein des foyers, pour ce qui préserve la santé et l’environnement immédiat [2] . Une partie des enjeux écologiques serait prise dans ce champ de préoccupations.

Les données de l’enquête Obs’COP 2020 pour la France confirment cette surreprésentation des femmes dès qu’il s’agit de sensibilité aux enjeux environnementaux. Si cette sensibilité varie toujours en fonction de l’âge, du niveau de revenus et du niveau d’éducation, elle demeure malgré tout souvent plus élevée chez les femmes des classes moyennes et populaires que chez les hommes des milieux aisés.

Ces données montrent également que les femmes ne sont en général pas tellement plus sensibles que les hommes à la question spécifique du climat mais qu’elles sont, dans l’ensemble, beaucoup moins climatosceptiques qu’eux, et que leur inquiétude et leur pessimisme grandissent plus vite. Ces données invitent enfin à s’interroger sur l’écart entre sensibilité et comportement. En effet, il n’y a pas de lien direct entre le niveau de la préoccupation environnementale et les pratiques réelles, un phénomène très identifié chez les jeunes (ADEME, 2020).

Pour autant, les femmes semblent mettre davantage en cohérence leur inquiétude environnementale et leurs comportements, et ce notamment dans le domaine de la consommation – là aussi quel que soit le milieu social. Avec une limite, néanmoins, lorsqu’on aborde la question des modes de déplacement.

L’Observatoire international Climat et Opinions publiques (Obs’COP) L’Obs’COP est une enquête annuelle réalisée dans trente pays par IPSOS, à la demande d’EDF. L’objectif est de présenter un état des lieux international des opinions, connaissances, attentes et niveaux d’engagement face au changement climatique. Les pays ont été sélectionnés sur la base de leurs émissions en CO 2 en tonnes par an, selon leur localisation géographique, leur valeur d’exemplarité dans la lutte contre le réchauffement climatique et leur modèle économico-social : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Chili, Chine, Colombie, Corée du Sud, Égypte, Émirats Arabes Unis, Espagne, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Maroc, Mexique, Nigéria, Norvège, Pologne, Royaume-Uni, Russie, Singapour, Suède, Turquie. Échantillons représentatifs de la population âgée de 16 ans et plus. Entre 500 et 1 000 personnes par pays ; méthode des quotas. Terrain réalisé par Internet entre le 9 septembre et le 29 septembre 2020.

1. Une perception fÉminine des enjeux climatiques et environnementaux ?

1.1. La place de l’environnement dans les prioritÉs

Voilà déjà quelques années que l’environnement s’est hissé parmi les principales préoccupations des Français, et ce, du moins jusqu’ici, en dépit de la crise économique et sociale engendrée par l’épidémie de Covid-19. L’enquête Obs’COP 2020 ne fait pas exception à cette tendance : si l’on met de côté l’enjeu de la pandémie, l’environnement y arrive au troisième rang des préoccupations des personnes interrogées (Fig. 1).

Bien que ce rang soit le même chez les hommes et chez les femmes, la préoccupation environnementale est nettement plus marquée chez ces dernières : 52 % d’entre elles la citent comme une priorité contre 42 % pour les hommes (+ 10 points). Un écart que l’on retrouve également sur des sujets comme le coût de la vie (+ 14), l’éducation (+ 9) ou la pauvreté (+ 12).

Fig. 1. Les sujets de préoccupation : différences hommes / femmes

Question - Parmi cette liste, quels sont les sujets qui vous préoccupent le plus ?

Base : France – Total des citations

Ensemble

Hommes

Femmes

La délinquance, la criminalité

54%

51%

56%

Le coût de la vie (inflation, pouvoir d’achat, etc…)

49%

42%

56%

Le coronavirus

49%

46%

51%

L’environnement

47%

42%

52%

La pauvreté et les inégalités entre les citoyens

43%

37%

49%

Le système de santé

40%

38%

42%

Le terrorisme

38%

36%

39%

Les taxes et impôts

37%

36%

38%

Le chômage

35%

36%

35%

L’immigration

34%

38%

30%

Les retraites

34%

31%

35%

L’éducation, l’école

33%

28%

37%

La corruption

20%

22%

19%

Autre

1%

2%

1%

Les femmes semblent tirer vers le haut la conscience environnementale de la population : si leurs réponses étaient alignées sur celles des hommes, cette préoccupation rétrograderait de la troisième à la cinquième place du classement ; inversement, si les réponses des hommes étaient alignées sur celles des femmes, le sujet environnemental monterait de la troisième à la deuxième place.

Ces moyennes cachent, bien sûr, d’importantes disparités sociodémographiques. Le genre n’explique pas tout. Selon leur milieu social et leur âge, les femmes n’ont pas la même perception de la question environnementale, et les écarts avec les hommes varient, eux aussi, sensiblement. L’intensité de cette préoccupation évolue notamment en fonction des générations : 59 % chez les femmes de moins de 35 ans contre 38 % chez les plus de 65 ans (- 21 points) (Fig. 2). Elle culmine à 68 % chez les 16–24 ans : + 16 points par rapport à la moyenne des femmes, + 26 points par rapport à celle des hommes, + 30 points par rapport à celles des femmes de plus de 65 ans… On peut gager qu’il s’agit là davantage d’un effet de génération que d’un strict effet d’âge. Aujourd’hui, un gouffre sépare en tout cas les générations nées après 1980 de celles de l’après-guerre. Quoique moins marqué, ce décrochage des plus de 65 ans est également sensible chez les hommes (15 points d’écart entre les hommes de 25–44 ans et les plus de 65 ans).

Fig. 2. La préoccupation pour l’environnement selon le sexe et l’âge

Base : France

Inversement, cette préoccupation croît avec le niveau de revenus : 51 % pour les faibles revenus contre 65 % pour les revenus élevés (Fig. 3). Dans l’ensemble, plus on est aisé, plus on est porté à accorder de l’importance aux enjeux environnementaux. Et plus on monte dans la hiérarchie des revenus, plus les femmes semblent sensibles à la question environnementale, et plus l’écart avec les hommes est prononcé : de + 10 points dans les bas revenus, il monte à + 18 points et + 16 points dans les revenus moyens et élevés.

Fig. 3. La préoccupation pour l’environnement selon le sexe et le niveau de revenus

Base : France

La dynamique est sensiblement la même avec le niveau d’éducation : plus on est éduqué, plus on est sensible à la question environnementale (Fig. 4). Les femmes n’échappent pas à cette tendance. Si l’on croise les variables d’âge et de niveau d’éducation, on constate que, dans la tranche d’âge 35–49 ans, par exemple, la préoccupation environnementale atteint 58 % chez les femmes ayant un niveau d’éducation élevé contre 42 % chez celles ayant un niveau d’éducation faible ou moyen.

Fig. 4. Préoccupation pour l’environnement selon le sexe et le niveau d’éducation

Base : France

Il reste que l’origine sociale et les niveaux de revenus et d’éducation sont dans l’ensemble moins décisifs que l’identité de genre : une femme issue des classes moyennes est plus sensible aux enjeux environnementaux qu’un homme issu des CSP+, et une femme ayant un faible revenu reste légèrement plus sensible à l’enjeu environnemental qu’un homme à revenu élevé (Fig. 5). La préoccupation environnementale est également plus forte chez les femmes de 45–64 ans que chez les jeunes hommes de 16–24 ans. De même, une femme moyennement éduquée a une préoccupation environnementale équivalente à celle d’un homme de niveau d’éducation élevé. Et si l’on se concentre sur les personnes en activité, le tableau est encore plus net : les femmes en activité à revenu faible sont plus sensibles à la préoccupation environnementale que les hommes en activité à revenu élevé (59 % vs 54 %), et c’est alors dans la tranche des revenus les plus faibles que les écarts hommes / femmes sont les plus larges (+ 21 points).

Au total, les variables d’âge, d’éducation, de revenu et de CSP se « surimpriment » sur les différences de genre et tendent souvent à les aiguiser  : ainsi, les différences liées au genre sont particulièrement fortes dans les CSP+ (+ 17 points) et dans les CSP- (+ 13 points). Mais, dans l’ensemble, le genre reste la variable la plus forte de ce tableau. Le fait d’être une femme ou un homme oriente plus fortement le niveau de la préoccupation pour l’environnement que le fait d’être riche ou pauvre ou celui d’être fortement ou faiblement éduqué.

Fig. 5. La préoccupation pour l’environnement selon le sexe et la catégorie socioprofessionnelle

Base : France

1.2. La question climatique

Ces développements renseignent sur la préoccupation générale pour l’environnement mais pas sur ses différentes composantes. En particulier, elle ne dit rien sur la place du climat dans la hiérarchie des problèmes et des urgences perçues.

Quand on demande aux personnes interrogées quels sont, parmi une liste de problèmes liés à l’environnement, ceux qui sont les plus préoccupants dans leur pays, c’est le changement climatique qui est, le plus souvent, cité en premier. Mais là, les différences entre hommes et femmes sur la question climatique sont beaucoup plus ténues (Fig. 6) ; les hommes ayant un niveau de revenus moyen ou élevé sont même plus sensibles que les femmes du même milieu sur ce sujet ; idem pour les hommes ayant un niveau d’éducation moyen ou élevé (Fig. 7).

Les différences hommes / femmes sont, d’une manière générale, peu marquées sur l’ensemble des sujets liés à l’environnement, à l’exception des événements climatiques extrêmes et de la pollution des sols. Comme si la préférence générale des femmes pour l’environnement se dissipait à mesure que l’on entre dans les dossiers particuliers.

Fig. 6. Les préoccupations environnementales selon le sexe

Question – Quels sont, parmi la liste suivante, les problèmes liés à l’environnement que vous jugez les plus préoccupants dans votre pays ?

Base : France – Réponse citée en premier

Fig. 7. La place du climat parmi les préoccupations environnementales selon le sexe et le niveau d’éducation et le niveau de revenus

Base : France - Réponse citée en premier

Niveau de revenus

Niveau d’éducation

Si l’on observe l’ensemble des citations et non plus seulement les problèmes cités en premier par les personnes interrogées, la hiérarchie des enjeux change et fait ressortir la question des déchets et des événements climatiques extrêmes juste devant le changement climatique (Fig. 8).

Cependant, là encore, les différences hommes / femmes sont ténues, celles-ci marquant seulement une sensibilité légèrement plus prononcée sur les événements climatiques extrêmes, l’épuisement des ressources et la pollution des sols.

Fig. 8. Les préoccupations liées à l’environnement selon le sexe (ensemble des citations)

Question - Quels sont, parmi la liste suivante, les problèmes liés à l’environnement que vous jugez les plus préoccupants dans votre pays ?

Base : France – Total des réponses

Si la place du changement climatique dans ces classements ne révèle aucune sensibilité particulière des femmes par rapport aux hommes, il n’en va pas de même sur l’appréciation des causes de ce changement. Les femmes sont, dans l’ensemble, nettement moins climatosceptiques que les hommes : les trois quarts d’entre elles (74 %) sont convaincues par la théorie mettant en avant les origines anthropiques de ce phénomène contre les deux tiers des hommes (67 %), et seulement 13 % d’entre elles pensent qu’il est principalement dû à un phénomène naturel « comme la Terre en a toujours connu » contre 21 % des hommes.

Fig. 9. L’opinion sur les causes du changement climatiques selon le sexe

Question – Concernant ce changement climatique dont on entend parler, diriez-vous :

Base : France

Les femmes à faible niveau de revenus et d’éducation sont même moins climatosceptiques que les hommes présentant un haut niveau de revenus et d’éducation. En revanche, curieusement, les femmes ouvrières sont plus climatosceptiques que les hommes ouvriers.

Les femmes sont également plus pessimistes que les hommes sur les impacts du changement climatique (Fig. 10). Les conséquences de ce dernier sont vues comme uniquement négatives par 55 % des femmes contre 49 % des hommes, mais le clivage est encore plus net si on regarde les moins de 65 ans (60 % vs 52 %).

Au-delà de 65 ans, en revanche, femmes et hommes sont moins pessimistes et divergent beaucoup moins (41 % vs 40 %). Là encore, le clivage générationnel est très prononcé, que ce soit en population générale ou au sein du groupe des femmes.

Fig. 10. Les conséquences prévues du changement climatique

Question - À votre avis, le changement climatique aura-t-il, dans votre région…

Base : France

Moins de 65 ans

Plus de 65 ans

Ensemble

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

Uniquement des conséquences négatives

52%

52%

60%

40%

41%

Des conséquences à la fois négatives et positives

35%

33%

29%

49%

45%

Uniquement des conséquences positives

2%

4%

0%

2%

0%

Vous ne savez pas

11%

11%

11%

9%

14%

100%

100%

100%

100%

100%

La hausse de l’inquiétude face au changement climatique est également plus marquée chez les femmes en général (Fig. 11). Les trois quarts d’entre elles (75 %) indiquent qu’elles sont plus inquiètes qu’il y a un an sur le changement climatique contre deux tiers des hommes (67 %). Et un tiers d’entre elles (32 %) le sont « beaucoup plus ».

Fig. 11. L’évolution depuis un an de l’inquiétude face au changement climatique

Question - Concernant le changement climatique, diriez-vous que par rapport à il y a un an, vous êtes…

Base : France

Cette montée de l’inquiétude, plus vive chez les femmes de 16–24 ans, ne décroît pas sensiblement avec l’âge dans la suite de la distribution et culmine chez les femmes en activité ayant un niveau de revenus moyen (83 %), mais surtout dans la catégorie « un peu plus inquiète ». Chez les femmes, ce n’est pas le niveau de revenus qui tire l’inquiétude.

Fig. 12. Le profil par sexe et âge des personnes plus inquiètes qu’il y a un an

Question – Concernant le changement climatique, diriez-vous que par rapport à il y a un an, vous êtes… (S/T « plus inquiet »)

Base : France

Environnement et pandémie On aurait pu penser que la pandémie de SARS-Cov2 et la crise économique et sociale qu’elle a engendrée allaient faire reculer la préoccupation environnementale dans l’ordre des priorités des personnes interrogées. Cela n’a pas été le cas jusqu’ici. On l’a vu avec la montée de l’inquiétude sur la dernière année écoulée. On le mesure plus précisément avec la question : « Diriez-vous qu’avec la crise du coronavirus : vous faites de plus en plus attention à votre impact sur l’environnement ? / vous faites moins attention ? / vous n’avez rien changé ? » À cette question, une majorité (54 %) répond que « cela n’a rien changé » (55 % des femmes vs 53 % des hommes), suggérant que les deux sujets n’ont aucun lien l’un avec l’autre. Mais 38 % déclarent faire désormais plus attention à leur impact sur l’environnement, comme si la pandémie et la santé entraient en résonnance avec la question environnementale. Dans ce dernier ensemble, les différences hommes-femmes sont particulièrement prononcées chez les plus jeunes : 45 % des femmes de 16–24 ans déclarent faire plus attention contre 27 % des hommes du même âge. En revanche, chez les 25–44 ans, ce sont les hommes qui dominent (44 % vs 40 %).

2. De la prise de conscience aux comportements : une voie fÉminine par-delÀ les classes sociales ?

2.1. Le mode de vie comme moteur du changement

2.1.1. Renoncer à la croissance au profit de l’environnement : un choix que seules les femmes des milieux aisés osent faire

Avant d’aborder la question des comportements individuels en faveur de l’environnement, on peut examiner quels sont les grands principes d’action dans lesquels se reconnaissent les individus. On peut même parler de valeurs en ce qui concerne la première question, qui propose aux interviewés un dilemme entre deux options de politique économique [3] . L’une énonce « qu’on devrait donner la priorité à l’environnement même si cela peut ralentir la croissance économique de votre pays et faire perdre des emplois » ; l’autre, que l’on devrait au contraire privilégier « la croissance économique et [les] emplois même si cela peut avoir des conséquences néfastes pour l’environnement ». Deux options qui peuvent sembler caricaturales mais qui opposent une vision écologiste de l’économie, intimement liée à celle de la décroissance (Harribey, 2007), à une vision plus classique.

Les résultats à l’échelle mondiale produisent une courte majorité de 51 % en faveur de l’environnement, contre 34 % en faveur de la croissance et 15 % de « sans opinion » (Fig. 13) . En France, les résultats sont moins affirmés dans un sens comme dans l’autre : 47 % pour l’environnement et 29 % pour la croissance (25 % de « sans réponse »). Faut-il y voir une culture nationale empreinte de « troisième voie » ? Le fait est que ces 25 % ont été gênés par un choix trop difficile à faire, ou considèrent peut-être que concilier environnement et croissance est possible.

Les différences hommes / femmes, que ce soit dans le monde ou en France, ne se situent pas sur la préférence environnementale, contrairement à ce qu’on aurait pu supposer, mais sur le primat de la croissance, qui demeure plus masculin que féminin. Plus sensibles à l’environnement, les femmes paraissent donc moins attachées à la croissance mais ne militent pas davantage pour le primat environnemental s’il aboutit à sacrifier des emplois. Face à ce dilemme, elles choisissent plus souvent de ne pas répondre, notamment en France (29 % contre 17 % des hommes).

Fig. 13. Priorité à la croissance ou à l’environnement

Question – Parmi les deux propositions suivantes, avec laquelle êtes-vous le plus d’accord ? On devrait donner la priorité à…

Moyenne monde

France

Ensemble

Hommes

Femmes

Ensemble

Hommes

Femmes

L’environnement même si cela peut ralentir la croissance économique de votre pays et faire perdre des emplois

51%

51%

52%

47%

47%

47%

La croissance économique et aux emplois même si cela peut avoir des conséquences néfastes pour l’environnement

34%

38%

31%

29%

34%

24%

Vous ne savez pas

15%

11%

17%

25%

19%

29%

100%

100%

100%

100%

100%

100%

Le choix assumé de la décroissance au profit de l’environnement est directement indexé sur l’âge et le milieu social des répondants, ce qui n’est pas une surprise : plus on est jeune et/ou de milieu social élevé, plus on choisit l’environnement (Fig. 14). À l’inverse, les retraités et les ouvriers sont ceux qui choisissent davantage la croissance et l’emploi. On mesure ainsi 17 points d’écart entre les moins de 25 ans et les plus de 65 ans, et le même écart entre les cadres et les ouvriers. Il demeure que le choix environnemental, lorsqu’il est présenté comme incompatible avec la croissance, n’est majoritaire (supérieur à 50 %) que chez les moins de 35 ans et les catégories supérieures. Hommes et femmes de ces différents milieux et générations réagissent-ils différemment ?

Globalement, les femmes ne se distinguent pas réellement des hommes de leur milieu ou de leur âge en faveur de la priorité environnementale, sauf peut-être les femmes de milieu aisé et des plus jeunes générations. Ce sont plutôt les hommes qui marquent une préférence générale plus prononcée pour la croissance économique, toutes catégories sociales confondues, tandis que les femmes de tous les milieux semblent récuser l’opposition écologie / croissance et refusent davantage de choisir.

Fig. 14. Croissance ou environnement : les réponses par âge et catégorie sociale

Question – Parmi les deux propositions suivantes, avec laquelle êtes-vous le plus d’accord ? On devrait donner la priorité à…

Base : France

2.1.2. Le militantisme par la consommation

Autant les femmes paraissaient plus mal à l’aise avec l’opposition environnement / économie, autant on les voit plus déterminées face à une autre alternative pour lutter contre le changement climatique : changer nos modes de vie ou faire confiance au progrès technique et scientifique.

En France, le débat n’est pas si vivace, peu de voix défendant l’option technologique seule pour lutter contre le réchauffement climatique [4] , et le questionnaire ne propose pas de position intermédiaire. Seuls 26 % des Français croient en la technologie seule, et ce score dépasse rarement 35 % ailleurs dans le monde [5] .

Le changement de mode de vie, choisi à une très forte majorité par les hommes (60 %), l’est encore plus par les femmes (68 %), qui rejettent ainsi plus nettement l’autre option (12 % vs 22 % chez les hommes) (Fig. 15).

Si les femmes des catégories moyennes et populaires ne sont pas acquises à la priorité environnementale contre la croissance, elles le sont beaucoup plus au changement de mode de vie, notamment dans les catégories moyennes, peut-être parce que celui-ci paraît possible sans sacrifier le pouvoir d’achat. Elles apparaissent ainsi plus motivées que les hommes de leur milieu.

Fig. 15. Progrès technique ou changement de mode de vie ?

Question - De ces trois opinions, laquelle se rapproche le plus de la vôtre ?

– C’est principalement la modification importante de nos modes de vie qui permettra de limiter le changement climatique

– C’est principalement le progrès technique et les innovations scientifiques qui nous permettront de trouver des solutions contre le changement climatique

– Il n’y a rien à faire, on ne pourra plus limiter le changement climatique

Base : France

Dans la même logique, les femmes attribuent davantage aux consommateurs qu’aux autres acteurs le devoir d’agir pour le climat : 62 % contre 54 % chez les hommes. On retrouve ce différentiel quel que soit l’âge, le niveau d’éducation ou le niveau de revenus, même si les femmes aisées sont particulièrement en pointe : les femmes voient, davantage que les hommes, le consommateur au centre de l’action climatique.

Il y a donc un militantisme par la consommation potentiellement à l’œuvre chez les femmes, qui se traduit par une pratique plus fréquente du boycott d’un produit ou d’une marque en raison de son impact environnemental (on parle aussi de «  buycott  »).

51 % des femmes déclarent avoir déjà « boycotté un produit ou une marque en raison de son impact sur le changement climatique » (contre 42 % chez les hommes), mais cette pratique est aussi un fait de génération : elle est plus fréquente chez les femmes de moins de 50 ans alors que, au-delà, il n’y a plus de différences de genre.

2.2. Comportements quotidiens et mesures acceptables : la dynamique sÉlective des femmes des catÉgories moyennes et populaires

2.2.1. Politiques publiques : les femmes rarement plus favorables aux mesures contraignantes

Un certain nombre de politiques publiques plus ou moins contraignantes sont testées dans l’Obs’COP en termes d’acceptabilité. Elles couvrent le champ des taxes, du renchérissement de certains produits ou services, de la limitation de la circulation automobile et du remplacement des centrales fossiles.

Les seules mesures bénéficiant d’un soutien très majoritaire de la population générale en France (qu’on situera arbitrairement à 60 %) sont des mesures sans coût direct pour les répondants. Il en est ainsi du développement des énergies renouvelables. Quant à obliger les propriétaires [6] à procéder à l’isolation thermique de leur logement ou à renchérir le coût des produits fabriqués à l’étranger, il s’agit de contraintes indirectes ou qui ne touchent pas tout le monde (Fig. 16).

En revanche, l’acceptabilité diminue sensiblement face aux taxes (40 % pensent acceptable de taxer davantage les ordures ménagères et 34 %, le renchérissement des énergies carbonées) et aux restrictions de circulation (36 % pour limiter l’accès des centres-villes aux voitures électriques et 25 % pour instaurer un péage urbain à l’entrée des grandes villes).

Ce phénomène est d’autant plus manifeste quand les niveaux de revenus sont faibles : ainsi de la taxe carbone, soutenue par seulement 25 % des bas revenus ( vs 44 % des répondants aux revenus les plus élevés) ou de la taxation des véhicules polluants (55 % vs 67 %), comprise comme une pénalisation du diesel.

Fig. 16. L’acceptabilité des mesures pro-climat (% « acceptable »)

Question - Voici des mesures que l’on pourrait adopter dans votre pays pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Pour chacune d’entre elles, dites-moi si elle vous paraît acceptable ou pas acceptable. (% de réponses « Acceptable »)

Base : France

Dans les foyers aisés ou moyens, les femmes sont rarement plus favorables aux mesures contraignantes que les hommes, sauf sur la taxe sur les véhicules polluants ou les ordures ménagères (Fig. 17). Dans les milieux populaires, les femmes ne sont pas plus favorables aux taxes ou aux obligations que les femmes des autres milieux sociaux, mais elles peuvent être plus ouvertes que les hommes de leur propre milieu : c’est le cas en ce qui concerne le renchérissement des produits étrangers, l’isolation des logements, et même certaines taxes.

En revanche, il y a un thème sur lequel les femmes sont bien plus réservées que les hommes : ce sont les limitations de circulation ou de transport. Qu’il s’agisse de limiter l’accès des centres-villes aux voitures électriques ou d’instaurer un péage urbain, les femmes sont toujours en retrait, quel que soit le milieu social.

Il y a là matière à réfléchir sur le fait que c’est sur les femmes que reposent le plus souvent les transports routiniers au sein des foyers (école, loisirs, courses), encore souvent réalisés en voiture, et que la perspective d’une complication de ces transports n’enthousiasme guère. Le renchérissement des énergies carbonées comme l’essence trouve également moins de supportrices que de supporters, peut-être pour la même raison (l’utilisation quotidienne de la voiture).

Sans doute ces réserves de la part des femmes au sujet des limitations de circulation ou de transport varient-elles en fonction de leur lieu de résidence. C’est un point que nous n’avons pas exploré dans le cadre de cette note mais qui pourra être développé ultérieurement. Il est probable que, comme on le verra plus loin à propos du monde rural, l’implantation résidentielle dans l’habitat individuel périurbain se traduise par une plus forte réticence à limiter ses mobilités ou à en accepter le renchérissement.

En effet, Le mode de vie des périurbains actifs, notamment dans les ménages bi-actifs, est l’un des plus consommateurs d’espace, que ce soit pour les déplacements pendulaires domicile-travail ou pour faire le lien entre lieux d’habitation, de consommation, de loisirs, de services…

Si cette hypothèse se vérifiait, on serait fondé à appréhender cette réticence féminine non seulement à la lumière de la répartition genrée des tâches au sein du foyer, mais aussi à la lumière des différents niveaux de contrainte géographique auxquels sont exposées les femmes.

Autre réserve féminine plus forte, dans un tout autre domaine : le nucléaire, et ce, quel que soit le milieu social, même s’il s’agit de remplacer des centrales fossiles. Ce n’est guère une surprise car la réticence féminine au nucléaire est une constante des études sur le sujet.

Fig. 17. L’acceptabilité des mesures contraignantes selon le sexe et le niveau de revenus

Question - Voici des mesures que l’on pourrait adopter dans votre pays pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Pour chacune d’entre elles, dites-moi si elle vous paraît acceptable ou pas acceptable. (% de réponses « Acceptable »)

Base : France

Revenus

2.2.2. Comportements quotidiens : les femmes à l’avant-garde de la consommation responsable

Sur les pratiques quotidiennes, on constate des décalages très importants entre hommes et femmes dans les catégories populaire et moyennes : les femmes semblent très en avance sur les hommes (Fig. 18).

Elles sont plus mobilisées que les hommes dans le champ de la consommation alimentaire et du tri des déchets, et d’une manière générale dans le champ de la gestion du budget du ménage (économies d’énergie, achats responsables, etc.). 93 % d’entre elles déclarent privilégier systématiquement ou de temps en temps les fruits et légumes de saison (contre 86 % des hommes). De même, 75 % d’entre elles déclarent limiter leur consommation de viande animale (contre 59 % des hommes), 84 % privilégier des produits avec le moins d’emballage (contre 74 % des hommes), et 95 % trier leurs déchets (contre 89 % des hommes). De même, elles veillent plus que les hommes à limiter le chauffage ou la climatisation à leur domicile.

En revanche, dans la lignée de ce que l’on constatait plus haut, elles semblent moins impliquées dans tout ce qui touche aux mobilités. On ne note pas de différence sensible sur l’usage de la voiture (61 % des femmes et 60 % des hommes déclarent éviter de l’utiliser systématiquement ou de temps en temps), sur l’usage du vélo et des transports en commun.

Fig. 18. Les actions individuelles pratiquées systématiquement ou presque : différences hommes/femmes

Question - Voici des actions individuelles qui contribuent à la lutte contre le changement climatique. Pour chacune d’entre elles, dites-moi si (% vous les faites systématiquement ou presque)

Base : France

Si l’on examine le graphique ci-après, qui détaille les attitudes hommes / femmes par milieux sociaux (Fig. 19), on constate une sur-mobilisation des femmes en faveur d’une consommation écologique dans tous les milieux sociaux, tendance qui efface même les différences sociales entre femmes sur des gestes comme la limitation des emballages et du chauffage, le fait de favoriser les fruits de saison ou d’éviter les produits venant de pays lointains.

Les femmes des catégories populaires sont donc particulièrement mobilisées relativement à leur milieu. C’est notamment le cas de la moindre consommation de viande, où la différence de comportement déclaré entre hommes et femmes atteint 29 points dans les milieux modestes contre moins de 5 points dans les catégories moyennes ou aisées.

Ici, il faut sans doute tenir compte des différences de régime alimentaire entre milieux sociaux, notamment le fait que la consommation de viande demeure plus élevée dans les milieux populaires (CREDOC, 2018).

Cette très forte mobilisation déclarée des femmes modestes en faveur d’une moindre consommation de viande est peut-être une réaction aux pratiques de leur milieu, notamment celles des hommes, qui paraissent peu décidés, de leur côté, à réduire leur propre consommation. L’hypothèse est qu’elles chercheraient, par l’exemple, à faire bouger les pratiques au sein même de leur famille – mais nous ne disposons pas d’éléments supplémentaires pour la confirmer.

En ce qui concerne les déplacements, en revanche, on ne constate pas de mobilisation féminine plus forte dans certains milieux sociaux en particulier, et notamment pas dans les catégories aisées, où les femmes ne paraissent pas plus motivées que les hommes dès qu’il s’agit de limiter le recours à l’avion et à la voiture, d’utiliser les transports en commun ou de pratiquer le vélo.

Fig. 19. Pratiques environnementales selon le sexe et le niveau de revenus

Question – Voici des actions individuelles qui contribuent à la lutte contre le changement climatique. Pour chacune d’entre elles, dites-moi si (% « vous les faites systématiquement ou presque »)

Base : France

Revenus

Un dernier cliché : l’idée selon laquelle les femmes urbaines seraient à la pointe des comportements écologiques est fausse.

Si on met de côté le fait d’éviter de prendre la voiture, plus facile en ville, les femmes des campagnes sont autant, voire plus, attentives que les femmes des villes aux fruits de saison, au suremballage et à la provenance locale des produits. Face aux mesures incitatives ou contraignantes, les femmes urbaines et rurales se distinguent peu, sauf sur la question du prix de l’essence, plus sensible chez ces dernières pour des raisons très intuitives (Fig. 20).

Fig. 20. Pratiques environnementales et mesures acceptables selon le sexe et le lieu d’habitation

Différences significatives à la moyenne

Catégorie d’agglomération x Sexe

Base : France

Total

Urbain

Rural

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

Actions individuelles (% le fait systématiquement ou presque

Trier vos déchets

83%

78%

86%

81%

91%

Privilégier les fruits et légumes de saison

62%

54%

65%

61%

74%

Limiter le chauffage ou la climatisation de votre logement

50%

47%

53%

44%

53%

Choisir des produits avec le moins d’emballages possible

33%

27%

36%

28%

45%

Éviter d’acheter des produits fabriqués dans des pays lointains

31%

26%

31%

33%

40%

Limiter votre consommation de viande

29%

22%

37%

16%

35%

Éviter de prendre l’avion

27%

25%

26%

35%

35%

Éviter de prendre la voiture

22%

24%

26%

12%

14%

Prendre les transports en commun

20%

21%

26%

7%

8%

Recourir à des énergies renouvelables pour vous chauffer ou pour produire votre électricité

14%

13%

10%

22%

18%

Vous déplacer à vélo

10%

11%

11%

6%

6%

Mesures acceptables (% Acceptable)

Développer les énergies renouvelables

91%

90%

92%

89%

91%

Obliger les propriétaires à bien isoler leur logement

69%

71%

71%

64%

65%

Rendre plus chers les produits fabriqués à l’étranger

67%

66%

66%

66%

71%

Remplacer les centrales au charbon ou au fuel par des centrales au gaz

60%

65%

55%

62%

55%

Instaurer une taxe lors de l’achat d’un véhicule polluant

58%

65%

53%

49%

62%

Remplacer les centrales au charbon ou au fuel par des centrales nucléaires

56%

66%

49%

63%

43%

Instaurer une taxe sur les billets d’avion

53%

53%

49%

56%

58%

Taxer davantage les ordures ménagères pour inciter à moins gaspiller

40%

41%

41%

40%

34%

Limiter l’accès des centres villes aux voitures électriques ou hybrides

36%

39%

34%

37%

34%

Rendre plus chères les énergies qui produisent du CO 2 , comme le gaz, l’essence…

34%

39%

33%

32%

25%

Instaurer un péage urbain à l’entrée des grandes villes

25%

28%

24%

25%

22%

3. Des attitudes aux pratiques : une cohÉrence fÉminine plus marquÉe ?

Les sciences sociales ont maintes fois montré cette contradiction : d’une part, un consensus croissant dans les populations occidentales sur la nécessité et l’urgence de l’action environnementale ; d’autre part, l’écart systématique entre cette conscience écologique et les pratiques individuelles concrètes (Bozonnet, 2007). La question ici consiste à examiner s’il y a, dans l’Obs’COP, une cohérence plus marquée ou non chez les femmes entre le fait de choisir l’environnement comme priorité et leurs comportements réels.

On a donc divisé la population en deux groupes ; ceux qui mettent l’environnement parmi les priorités du pays, quel que soit son rang (les « pro-enviro »), et ceux qui ne le font pas (les « non-enviro »). Ces deux groupes dans l’Obs’COP 2021 sont respectivement de 47 % et 53 %. Globalement, l’analyse confirme la contradiction entre attitudes et comportements . On constate bien un certain nombre de pratiques plus fréquentes chez les pro-enviro, toutefois elles se limitent à la modération du chauffage et au suremballage. Sur d’autres gestes, le plus souvent les différences sont faibles ou les pratiques restent très minoritaires (Fig. 21).

Chez les femmes, certains gestes sont davantage stimulés par leur sensibilité environnementale, comme s’il y avait une plus grande cohérence. C’est le cas des pratiques de consommation (emballages, viande, chauffage). Mais, par exemple, sur le fait d’éviter de prendre la voiture, s’il y a 14 points d’écart de pratique entre femmes pro-enviro et femmes non-enviro, les pratiquantes restent tout de même très minoritaires (31 %). Il y a sans doute dans ce domaine trop de contraintes exogènes liées à l’impossibilité de se passer de la voiture et qui contrecarrent la sensibilité écologique.

En revanche, on constate bien une acceptabilité plus forte des politiques publiques, notamment les taxes , chez les femmes pro-enviro versus les femmes non-enviro. La cohérence féminine semble donc là aussi plus forte, mais il faut rester prudent. D’abord parce qu’il s’agit de dispositions déclarées, et non de comportements observés. Ensuite, parce que dans sept cas sur onze, les femmes pro-enviro sont moins positives que les hommes pro-enviro, notamment sur la taxe carbone et sur la limitation d’accès aux centres-villes. Il demeure donc une réticence féminine aux contraintes sur la mobilité, que la conscience des enjeux environnementaux et climatiques ne désamorce pas tout à fait.

Fig. 21. Croisement entre la sensibilité à l’environnement et les pratiques concrètes / mesures acceptables

Base : France

Total

Sexe

L’environnement comme priorité

Sexe x priorité environnement

Homme

Femme

Enviro priori-taire

Enviro PAS priori-taire

DELTA

Homme

Femme

Enviro priori-taire

Enviro PAS priori-taire

DELTA

Enviro priori-taire

Enviro PAS priori-taire

DELTA

Actions individuelles – (Faites systématiquement ou presque)

Trier vos déchets

82%

78%

86%

89%

77%

12

85%

73%

12

91%

80%

11

Privilégier les fruits et légumes de saison

62%

57%

66%

69%

55%

13

67%

51%

16

70%

60%

10

Limiter le chauffage ou la climatisation de votre logement

49%

46%

52%

57%

42%

14

54%

40%

13

59%

44%

14

Choisir des produits avec le moins d’emballages possible

33%

27%

38%

41%

25%

16

31%

24%

7

48%

26%

22

Éviter d’acheter des produits fabriqués dans des pays lointains

30%

29%

32%

36%

25%

11

35%

24%

12

37%

27%

10

Limiter votre consommation de viande

26%

19%

33%

33%

20%

13

22%

16%

5

41%

25%

16

Éviter de prendre la voiture

23%

21%

24%

28%

17%

11

24%

18%

7

31%

17%

14

Prendre les transports en commun

20%

18%

22%

24%

16%

7

19%

16%

3

27%

17%

10

Recourir à des énergies renouvelables pour vous chauffer ou pour produire votre électricité

14%

17%

12%

16%

13%

3

18%

16%

2

14%

10%

4

Vous déplacer à vélo

10%

10%

10%

12%

8%

5

13%

8%

5

12%

7%

5

Mesures acceptables – (% Acceptables)

Développer les énergies renouvelables

90%

89%

92%

95%

87%

8

93%

86%

7

96%

87%

8

Obliger les propriétaires à bien isoler leur logement

69%

66%

72%

78%

62%

16

74%

60%

14

81%

63%

18

Rendre plus chers les produits fabriqués à l’étranger

69%

69%

69%

75%

63%

12

71%

67%

4

78%

59%

19

Remplacer les centrales au charbon ou au fuel par des centrales au gaz

60%

67%

54%

59%

61%

–1

66%

67%

0

54%

54%

0

Instaurer une taxe lors de l’achat d’un véhicule polluant

58%

61%

55%

68%

49%

18

71%

54%

17

65%

44%

21

Remplacer les centrales au charbon ou au fuel par des centrales nucléaires

57%

68%

47%

52%

60%

–8

60%

73%

–12

47%

47%

0

Instaurer une taxe sur les billets d’avion

53%

54%

51%

61%

46%

15

63%

48%

15

59%

43%

16

Limiter l’accès des centres-villes aux voitures électriques ou hybrides

38%

41%

34%

46%

30%

16

52%

34%

18

42%

26%

16

Taxer davantage les ordures ménagères pour inciter à moins gaspiller

37%

37%

37%

46%

30%

16

40%

35%

5

49%

24%

25

Rendre plus chères les énergies qui produisent du CO 2 , comme le gaz, l’essence…

33%

37%

29%

40%

26%

14

43%

32%

11

37%

19%

19

Instaurer un péage urbain à l’entrée des grandes villes

25%

28%

22%

29%

20%

9

31%

25%

6

28%

15%

13

Conclusion

Les données françaises de l’Obs’COP confirment la plus forte mobilisation des femmes sur les questions environnementales, comparées aux hommes, et ceci bien souvent au sein de chaque milieu social ou catégorie d’âge. Plus mal à l’aise que les hommes s’il fallait choisir entre environnement et croissance économique, elles sont davantage convaincues de la nécessité de changer de mode de vie.

Les générations de l’après-guerre demeurent plus indifférentes à l’environnement, y compris les femmes, mais lorsqu’il s’agit d’agir au quotidien, ces différences, comme celles liées au revenu, au niveau d’éducation ou au milieu de vie, s’effacent et montrent une population féminine en tendance très impliquée dans une transformation de la société par la consommation. Consommer local, de saison, éviter le suremballage, limiter le chauffage… sont des pratiques que les femmes semblent investir, parfois contre les pratiques masculines de leur milieu social. C’est particulièrement vrai dans les catégories populaires et moyennes, et pas seulement en milieu urbain.

Il est probable néanmoins que l’enjeu climatique, qui inquiète pourtant des femmes moins climatosceptiques que les hommes, ne jouisse pas d’une attention spécifique. À tout le moins, il n’est pas suffisant pour que les femmes pourtant mobilisées sur l’environnement transforment cette sensibilité en actes lorsqu’il s’agit de restreindre des déplacements émetteurs de CO 2 . Et l’hypothèse d’une taxe carbone rebute au moins autant les femmes que les hommes, notamment dans les catégories populaires. Autrement dit, les véritables leviers d’une décarbonation de l’économie butent, chez les femmes, sur l’asymétrie des rôles qu’elles subissent au sein du foyer. Dans le cas des pratiques de consommation, cette asymétrie joue un rôle transformateur positif. Mais, dans le cas des déplacements et de la dépendance à la voiture, elle rend les femmes très réticentes à accepter une complication supplémentaire de la vie quotidienne au nom du climat. Ce facteur a sans doute favorisé la forte présence des femmes sur les ronds-points à l’automne 2018, phénomène qui avait marqué tous les observateurs.

Bibliographie

ADEME, 2021, Les Français et l’environnement , enquête annuelle, vague 7.

Jean-Paul Bozonnet, 2007, «  De la conscience écologique aux pratiques  » , 2007, PACTE, IEP de Grenoble.

Jean-Paul Bozonnet, 2011, « La sensibilité écologique » in N. Lewis, R. Barbier, P. Boudes, Jean-Paul Bozonnet, J. Candau Bozonnet, M. Dobré, F. Rudolf (dir.), Sociologie de l’environnement , Laval, Presses de l’Université Laval.

Aaron R. Brough, James E. B. Wilkie, Jingjing Ma, Mathew S. Isaac, David Gal, 2016, Is Eco-Friendly Unmanly? The Green-Feminine Stereotype and Its Effect on Sustainable Consumption , Journal of Consumer Research, vol. 43, n° 4, décembre 2016, p. 567–582.

CREDOC, Les nouvelles générations transforment la consommation de viande , Consommation et modes de vie, n° 300, septembre 2018.

François Dubet et Danilo Martucelli, 1996, « Théories de la socialisation et définitions sociologiques de l’école » , Revue française de sociologie , 37–4 , p. 511–535.

Florent Gougou, Simon Persico, 2019, « Protéger l’environnement ou défendre la croissance ? », in Pierre Bréchon éd., La France des valeurs. Quarante ans d’évolutions, Presses universitaires de Grenoble.

Jean-Marie Harribey, 2007, «  Les théories de la décroissance : enjeux et limites  », Cahiers français, « Développement et environnement » , La Documentation française, n° 337, mars- avril 2007.

Sandra Hoibian, 2012, Enquête sur les attitudes et comportements des Français en matière d’environnement, Crédoc / ADEME, Rapport n° 279, janvier 2012.

Aaron M. McCright, Chenyang Xiao, 2013, Gender and Environmental Concern: Insights from Recent Work and for Future Research , Society And Natural Resources , vol. 27, n° 10.

Lynnette C. Zelezny , Poh-Pheng Chua , Christina Aldrich , 2000, Elaborating on Gender Differences in Environmentalism , Journal of Social Issues , vol. 56, n° 3, p. 443–457.

  1. Bien qu’il eût été possible d’examiner les résultats dans les trente pays ou par grandes aires culturelles, nous avons choisi de nous restreindre au cas de la France pour ne pas multiplier le nombre de variables à manier, et aussi parce que sa sociologie nous est mieux connue. Sauf mention particulière, lorsque nous parlerons des hommes et des femmes, il s’agira donc d’hommes et de femmes français. La comparaison avec d’autres pays (notamment nos voisins allemands, italiens, britanniques ou espagnols) devrait faire l’objet d’un autre travail.

  2. Pour une revue synthétique des différentes approches, voir McCright et Xiao, 2014 ; Zelezny , Chua , Aldrich , 2000. Sur la théorie de la socialisation : Dubet et Martucelli, 1996.

  3. Une question semblable figure d’ailleurs dans l’European Value Survey (EVS), dont la dernière vague a été réalisée en 2018. (Gougou et Persico, 2019, pp. 350–355.)

  4. A l’inverse de ce qu’expriment certains acteurs de la Silicon Valley comme Elon Musk ou encore le mouvement transhumaniste.

  5. C’est le cas en Norvège, Chine, Émirats Arabes Unis, Égypte et Arabie Saoudite.

  6. 58 % des ménages en 2018.

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