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Note

Plaidoyer pour une « sécu verte »

Un service public pour accompagner la transition écologique et protéger les Français

La crise écologique nous expose à deux types de chocs. D’une part, nous sommes exposés aux conséquences directes de la dégradation de notre environnement pour notre santé et nos conditions de vie. D’autre part, une mauvaise gestion de la transition écologique peut provoquer de graves conséquences sociales, économiques et politiques. Pour faire face à ce double risque, il est indispensable que les Français puissent s’appuyer sur une structure publique stable, lisible, protectrice et accessible.

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Introduction

Alors que les parlementaires viennent d’acter la suppression des zones à faibles émissions et la réintroduction de néonicotinoïdes tueurs d’abeille, et que le Président de la République s’oppose officiellement à une directive sociale et environnementale qu’il avait personnellement encouragée il y a à peine deux ans, la transition écologique ne semble exister aujourd’hui qu’à travers les critiques de ses opposants. L’imprévisibilité du Président américain et la recrudescence des tensions géopolitiques ont remplacé l’urgence climatique dans les médias et dans l’ordre de priorité des décideurs. Alors qu’en 2018–2019, lors de la crise des Gilets jaunes, les fins du mois étaient opposées à la fin du monde, aujourd’hui, c’est à de multiples fins du monde que les Occidentaux semblent confrontés. Guerre, insécurité énergétique, tensions commerciales internationales : autant de risques immédiats qui tendent à reléguer la crise écologique au second plan et à concentrer sur ses effets de bord le peu d’attention qui lui est accordé.

Cet effacement dans l’actualité et dans les priorités politiques est absolument contradictoire avec l’urgence de protéger les Français face aux risques écologiques croissants du XXIe siècle. Pendant que la classe politique se met d’accord pour reculer sur les principales mesures écologiques de ces dernières années, le changement climatique ne s’arrête pas, la dégradation de la biodiversité continue de mettre en péril les chaînes de valeur et les pollutions représentent un risque sanitaire toujours plus important. Le rôle de l’État devrait être de protéger les citoyens et les entreprises contre ces chocs environnementaux, mais aussi contre les risques que présente la transition elle-même. Car il ne faut pas nier que certaines actions de la transition écologique posent des difficultés pour certaines catégories de la population ou peuvent renforcer des inégalités existantes.  

Ces tensions, l’extrême-droite et les populistes s’emploient à les instrumentaliser. Depuis la crise des Gilets jaunes, ils ont perfectionné leur stratégie en dénonçant une « écologie punitive » imposée par des « élites hors-sol » à un « peuple attaché à son mode de vie ». Ils prétendent protéger les classes moyennes et populaires contre les effets de la transition écologique en appelant à renoncer à ces mesures. Mais ce faisant, ils préparent un abandon beaucoup plus grave : en retardant les adaptations indispensables, ils exposent ceux qu’ils disent défendre aux chocs futurs — qui toucheront les plus vulnérables avec une brutalité accrue. Il convient, au contraire, d’apporter des solutions fondées sur la réalité des freins identifiés, et non sur des peurs exacerbées par les discours populistes. C’est à cette condition que nous pourrons réconcilier transition écologique et justice sociale.

Face à cette situation, l’information et la pédagogie sont nécessaires, mais ne suffisent plus. L’échec de plusieurs décennies de discours parfois incantatoires sur l’écologie invite à une approche différente : poursuivre et accélérer la transition écologique, mais en écoutant et en répondant concrètement aux besoins et aux inquiétudes des citoyens. L’enjeu n’est pas de ralentir la transition sous la pression des résistances, car ce serait condamner à moyen ou long terme ceux qu’on aurait voulu épargner à court terme. L’enjeu est de protéger et d’accompagner, de façon juste, sûre et durable.

Pour cela, il est urgent d’envoyer un signal politique clair : la transition écologique ne nécessite pas simplement quelques ajustements ponctuels, mais une transformation de fond, qui s’étendra sur plusieurs décennies. Elle exige un cadre stable, pérenne et protecteur à la hauteur des bouleversements à venir.

Au XXe siècle, des esprits précurseurs, animés par la volonté de protéger les Français contre les chocs de la vie, avaient créé la Sécurité sociale. Les défis du XXIe siècle appellent, eux aussi, à un acte fondateur : la création d’un véritable service public de la transition écologique — une « Sécurité environnementale » ou « Sécu verte » — pour accompagner les citoyens, les entreprises et les territoires face aux bouleversements environnementaux et aux mutations à venir.

 

1. L’urgence de protéger les français

Lorsqu’on évoque la transition écologique, plusieurs risques sont à prendre en considération :

  • Les risques directs que le changement climatique et la dégradation de l’environnement font courir aux citoyens ;
  • Le renforcement des inégalités dans un monde basé sur un modèle linéaire et carboné ne faisant pas le choix d’une réorientation vers la neutralité carbone et le respect du vivant, dont les chocs affecteront plus fortement les plus vulnérables ;
  • Les impacts d’une transition écologique trop brutale et trop peu accompagnée qui participerait à creuser les inégalités sociales et territoriales.

Les premiers sont probablement les plus connus, même si trop souvent ignorés car jugés non-immédiats. Les derniers sont, pour leur part, ceux qui sont exploités les populistes afin de renoncer à toute ambition. Les risques, pour les plus précaires, de la poursuite du modèle actuels sont, quasiment absents du débat public alors même qu’ils devraient être au cœur de nos motivations pour changer de modèle.

1.1 Des vies en danger dans un environnement déréglé

Événements climatiques extrêmes, montée des océans, émergences de nouvelles maladies, conséquences diffuses des pollutions : autant de risques dus aux dérèglements environnementaux qui ne représentent plus seulement une menace abstraite pour les générations futures, mais mettent déjà en danger la santé et la sécurité des Français.

 

Une France à +4°C qui impacte plus fortement les plus vulnérables

Si les États poursuivent leurs actions pour lutter contre le changement climatique, mais sans augmenter leurs efforts, la France verra son climat se réchauffer d’environ 4°C d’ici la fin du siècle. Alors que l’Europe débat de l’adoption d’une cible 2040 de baisse des émissions de gaz à effet de serre compatible avec la trajectoire de la neutralité carbone, et que les Etats-Unis ont enclenché un retour en arrière durable, cette hypothèse est aujourd’hui relativement plausible. C’est pourquoi la France a adopté cette trajectoire de référence pour son 3e plan national d’adaptation au changement climatique présenté début 2025 ; et les experts de Météo France ont compilé les modèles climatiques existants pour évaluer ce que cela impliquera comme conséquences concrètes pour le territoire national[1].

Ainsi, les vagues de chaleur vont aller en s’aggravant. Des épisodes comme la canicule de 2003 – responsable de près de 15 000 décès prématurés – deviendront courants d’ici 2050. Ces vagues de chaleur toucheront plus particulièrement les plus vulnérables : les populations vivant dans des passoires thermiques sans moyens suffisants pour les rénover, ceux qui ne peuvent pas fuir les îlots de chaleur urbains en allant à la campagne ou à la mer, ou encore les personnes âgées isolées.

Les projections estiment également que les sécheresses augmenteront. La sécheresse majeure de 2022, dont le coût a été estimé à plus de 5 milliards d’euros[2] (dont 3,5 milliards d’euros uniquement pour les conséquences bâtimentaires du retrait-gonflement des argiles (RGA)) pourrait se reproduire beaucoup plus fréquemment. Là encore, ce sont les plus vulnérables qui en souffriront le plus : agriculteurs aux revenus déjà précaires qui pourraient perdre leurs productions plusieurs années de suite, propriétaires dont les maisons vont se fissurer à cause du RGA… Il en va de même pour les risques d’inondation ou d’avancée du trait de côte qui toucheront plus fortement les classes moyennes et populaires qui n’ont pas nécessairement les moyens de déménager, a fortiori quand l’investissement d’une vie aura perdu une part conséquente de sa valeur à cause de sinistres à répétition. En outre, certains biens deviendront inassurables, faisant peser sur les propriétaires tous les risques financiers en cas de fissures ou d’événement climatique extrême, ou les contraignant à acquitter des primes hors de portée.

 

Des risques sanitaires parfois encore sous-évalués

Au-delà des événements extrêmes, les dégradations de l’environnement entrainent aussi des risques pour la santé. Le changement climatique favorise par exemple la croissance de l’aire de répartition du moustique tigre, porteur de maladies vectorielles comme la dengue. Les cas autochtones (sans voyage) de dengue augmentent ainsi rapidement depuis leur première arrivée sur le continent européen en 2010. En 2024, ce sont 11 foyers de dengue avec 83 cas autochtones qui ont été recensés sur le territoire national, alors que 114 cas ont été identifiés sur toute la période de 2010 à 2022.

À cela s’ajoutent les polluants environnementaux qui impactent fortement la santé des Français. Ainsi, dans les grandes métropoles, la pollution de l’air est responsable d’environ 40 000 décès prématurés chaque année en aggravant les pathologies respiratoires, cardiovasculaires et neurologiques[3]. Cette mauvaise qualité de l’air touche principalement les populations les plus vulnérables, vivant souvent dans des quartiers plus exposés aux axes routiers ou à proximité des industries polluantes.

Autre pollution de l’environnement aux effets sous-évalués : les polluants d’origine agricole (pesticides et fertilisants) qui mettent en danger la santé des populations, soit par exposition directe, soit par contamination des milieux et de l’eau. Ils entrainent un risque accru de cancers, de troubles neurologiques, ainsi que des perturbations endocriniennes ou reproductives, principalement liées à une exposition chronique à de faibles doses. Les agriculteurs sont ainsi les premières victimes des pesticides avec plusieurs cancers aujourd’hui reconnus comme maladies professionnelles[4].

D’autres substances s’ajoutent aux polluants agricoles avec des effets parfois déjà reconnus sur l’être humain, parfois encore peu étudiés : polluants éternels (PFAS) des surfaces anti-dérapantes sur nos poêles de cuisson, perturbateurs endocriniens dans des produits du quotidien[5], microplastiques… Car, au-delà des effets directs de certaines substances, un autre risque existe, possiblement encore plus important : l’effet cocktail, c’est-à-dire les effets combinés et cumulés de plusieurs molécules simultanément présentes. Celui-ci reste mal compris et insuffisamment pris en compte dans les normes sanitaires mais il pourrait être l’un des grands dangers sanitaires du XXIe siècle. Une recherche de l’INRAE met en évidence que, même à faible dose, certains mélanges de substances toxiques peuvent avoir des effets plus importants que chaque composé pris isolément, soulevant des questions importantes sur les seuils de sécurité actuels[6].

1.2 Les inégalités creusées par le modèle carboné

Le modèle économique actuel, fortement dépendant des énergies fossiles, exacerbe les inégalités sociales et territoriales en France.

 

Des modes de vies qui pèsent plus sur le budget des classes moyennes et populaires

La première inégalité vient du choix de la zone de résidence et de la dépendance à la voiture qu’elle entraîne. Les ménages modestes sont en effet souvent contraints de résider en périphérie des centres urbains ou dans des zones rurales éloignées en raison du coût élevé du logement dans les centres-villes. Mais comme ils travaillent souvent dans le cœur de l’agglomération ou sa toute première couronne, ils sont entièrement dépendants de la voiture – et souvent de plusieurs voitures par ménage – et y consacrent une part importante de leur budget – carburants bien sûr, mais aussi assurance, entretien, contrôle technique, etc. Pour les ménages modestes, plus d’un cinquième de leur budget disponible est alors consacré aux transports, contre un peu plus de 11% pour les 10% les plus aisés[7], accentuant ainsi leur vulnérabilité économique face aux variations de prix des carburants – qu’elles soient dues aux chocs géopolitiques, aux fluctuations du cours du pétrole ou aux évolutions de taxes. Cela génère une insécurité économique constante et obligeant parfois ces ménages à des arbitrages douloureux. Certaines associations estiment ainsi que plus d’un adulte sur quatre est victime de « précarité mobilité » en France en 2021 (13,3 millions de personnes)[8].

Ils sont également plus touchés par la précarité énergétique. Si, contrairement à une idée reçue, les ménages les plus modestes ne sont pas particulièrement surreprésentés dans les 5 millions de passoires thermiques que compte le pays[9], ils ont moins de moyens pour y faire face. En effet, les factures énergétiques très élevées qu’entraine le chauffage de ces bâtiments mal isolés représente souvent une part significative et difficilement supportable de leur budget. Contrairement aux ménages plus aisés qui, même lorsqu’ils résident dans ces passoires thermiques, disposent des moyens financiers suffisants pour chauffer convenablement leur logement, les classes moyennes et populaires se retrouvent contraintes de réduire leur consommation de chauffage, sacrifiant ainsi leur confort thermique et parfois leur santé pour éviter des dépenses insoutenables.

Par ailleurs, les inégalités persistent face aux possibilités de rénover ces logements pour réduire les factures et augmenter leur confort. Les classes moyennes, ayant souvent investi les économies d’une vie dans l’achat de leur logement, se retrouvent dans l’incapacité financière d’entreprendre des travaux de rénovation énergétique. Bien que ces travaux représentent un investissement possiblement rentable à long terme, le manque de ressources immédiates les enferme dans un cercle vicieux, aggravé par les nouvelles réglementations sur les passoires thermiques qui commencent à entraîner une dépréciation de la valeur patrimoniale de leur bien.

Enfin, notre modèle de consommation actuel encourage parfois la surconsommation à travers des pratiques telles que l’obsolescence programmée ou le renouvellement incessant des modes. Ce phénomène a des conséquences environnementales importantes, notamment dans les secteurs de la mode avec des décharges à ciel ouvert monstrueuses dans certains pays[10] ou encore des équipements technologiques qui nécessitent beaucoup de minerais dont le recyclage est encore balbutiant ; et il représente aussi un fardeau financier supplémentaire pour les classes moyennes et populaires incitées à consommer davantage pour suivre les standards sociaux ou atteindre un sentiment de bien-être. Le slogan de la marque d’ultra-fast-fashion Temu illustre parfaitement cet encouragement à orienter les aspirations des citoyens vers la consommation à outrance, telle que celle des ultra-riches : « Shop like a billionaire »

 

Une précarité renforcée par une structure fiscale inéquitable

Il s’agit souvent d’un impensé des politiques de transport : comme elles se déplacent plus en véhicules individuels du fait de l’absence d’alternatives rapides, sûres et bon marché, les classes moyennes et populaires des grandes périphéries sont les premières contributrices aux recettes fiscales de la mobilité, notamment à travers la Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Énergétiques (TICPE), estimée à 31 milliards d’euros par an. Paradoxalement, elles sont néanmoins souvent les dernières bénéficiaires des dépenses publiques en matière de transports, majoritairement concentrées sur les transports urbains et ferroviaires. Ainsi, ces populations financent un système dont les principales retombées profitent davantage aux urbains des centres-villes, creusant davantage les inégalités territoriales. Cela appelle deux conclusions : d’une part, les ménages concernés ont un intérêt évident à sortir de la dépendance à des carburants fossiles qui financent des dépenses publiques dont ils ne bénéficient souvent que peu ; d’autre part, il est urgent de réorienter la dépense publique de mobilité afin qu’elle permette de proposer plus d’alternatives aux populations périurbaines et rurales. Divers leviers pourraient être mis en œuvre pour réaliser cette transition dans la mobilité : déploiement de cars express à haute fréquence sur des voies dédiées, développement de centres d’intermodalité permettant de combiner voiture ou vélo avec les transports en commun, renforcement de trains express régionaux (type RER) lorsque cela est pertinent, ainsi que l’encouragement au covoiturage ou à l’usage de véhicules électriques.

Enfin, le système économique actuel repose sur une réalité parfois très inégalitaire : la pollution générée par certains acteurs représente des coûts supplémentaires portés par la collectivité. Par exemple, le coût de la dépollution visant à retirer les polluants agricoles de l’eau représente entre 750 millions et 1,3 milliard d’euros par an, intégralement financé par les consommateurs via leurs factures d’eau et la redevance qu’ils versent aux Agences de l’eau[11]. Selon une étude de 2011 du Commissariat général au développement durable, cela pourrait représenter un doublement de la facture d’eau dans les collectivités les plus polluées[12]. Il en va de même pour la gestion des algues vertes en Bretagne par exemple, ou encore des dépôts sauvages de déchets qui représentent plus de 400 millions d’euros par an à la charge des communes[13].

Ces coûts pèsent proportionnellement plus lourdement sur les classes moyennes et populaires qui voient leur reste à vivre diminué par les augmentations du prix de l’eau ou les hausses des taxes destinées à financer ces interventions. Même si les mécanismes de responsabilité élargie des producteurs (REP) commencent à rééquilibrer la balance en faisant contribuer financièrement les entreprises aux coûts autrefois supportés par la collectivité, d’importants défis demeurent qui menacent d’accentuer les injustices économiques et sociales.

Ainsi, le modèle économique linéaire, basé sur les énergies fossiles, qui privatise les profits en socialisant les externalités négatives, perpétue un système profondément injuste où les populations les plus vulnérables supportent de façon disproportionnée les coûts d’une économie polluante et coûteuse. À terme, cela exacerbe les inégalités économiques, sanitaires et sociales, soulignant l’urgence d’une transition vers des solutions plus équitables et durables. Pour les classes moyennes et populaires, une transition écologique bien pensée représente donc une véritable source de justice et de sécurité économique, constituant une forme d’assurance contre les chocs récurrents.

1.3 Les risques d’une transition écologique mal anticipée

Si la transition écologique est indispensable pour limiter les impacts développés ci-dessus, une mauvaise préparation ou un accompagnement insuffisant pourraient aussi aggraver les difficultés économiques et sociales des citoyens et accroître substantiellement l’insécurité des plus faibles. Une absence d’anticipation et un manque d’investissement approprié pourraient ainsi non seulement freiner les progrès écologiques, mais également amplifier les fragilités existantes et créer de nouvelles vulnérabilités.

 

Renforcement des inégalités et efforts pesant plus lourdement sur les plus modestes

Si les politiques écologiques sont mal calibrées, elles peuvent toucher de façon disproportionnée certaines populations, accentuant les fractures au lieu de les réduire.

La France en a fait l’expérience en 2018 : la hausse de la taxe carbone sur les carburants a catalysé le mouvement des Gilets jaunes. Concrètement, selon certains chercheurs, les 10 % les plus pauvres ont été environ 2,7 fois plus affectés (en proportion de leurs revenus) par la taxe carbone que les 10 % les plus riches, et les ménages ruraux/périurbains 1,4 fois plus que les citadins[14]. L’absence de redistribution des revenus de cette taxe carbone vers les plus vulnérables, par exemple pour les aider à changer de véhicule, l’a rendue inacceptable.

De même, la fronde actuelle contre les zones à faibles émissions (ZFE)[15] dans les grandes agglomérations, démontre la nécessité de mieux anticiper et accompagner afin de ne pas pénaliser disproportionnellement les plus précaires. Ainsi, lorsque les ZFE ont été instaurées par la Loi d’orientation des mobilités en 2019, les 20 % des plus modestes possédaient proportionnellement deux fois plus de véhicules plus vieux que la moyenne (Crit’air 3 et plus anciens) que les 20 % les plus aisés[16]. Ces données auraient dû conduire à une politique volontariste de remplacement des plus vieux véhicules, prioritairement pour les ménages n’ayant pas les moyens de changer de voiture et qui risquaient d’être touchés par des restrictions de circulation ; ainsi qu’à l’investissement dans des alternatives de transport efficaces et abordables.

Par ailleurs, les exemples précédemment détaillés démontrent clairement l’importance d’un soutien renforcé aux classes moyennes et populaires, pour les aider à sortir du piège de situations financièrement insoutenables. En effet, elles peuvent voir leur budget grevé par des dépenses croissantes liées aux factures de chauffage ou de carburant, ou à des dommages causés sur leurs biens par des événements climatiques extrêmes. Ces foyers peuvent manquer d’options, n’ayant pas les moyens nécessaires pour s’adapter ou déménager ; en particulier lorsque leurs biens, parfois acquis après d’importants efforts financiers, ont perdu de leur valeur (bâtiments en zones inondables ou RGA, véhicules interdits dans les ZFE, logements interdits à la location…), laissant ces ménages enfermés dans un cercle vicieux d’appauvrissement.

Ces risques entraînent aujourd’hui le creusement d’une nouvelle fracture sociale sur la question écologique, entre d’une part les classes moyennes et populaires qui considèrent que toute la contrainte repose sur elles ; et de l’autre, les classes supérieures, et en particulier les riches et les ultra-riches, qui donnent l’impression que les limites planétaires ne s’appliquent pas à eux. L’exemple des ZFE est ici aussi très parlant : les classes moyennes et populaires qui n’ont pas les moyens de changer de véhicules vivent comme une injustice le fait que de gros SUV neufs puissent circuler sans encombre. Ce sentiment est renforcé par certains comportements, symbolisés par les jets privés ou les yachts par exemple, avec des comparaisons faites entre l’empreinte de certains ultra-riches et des Français moyen[17]. Cette situation présente un risque important de rejet des politiques environnementales.

 

Factures territoriales et enjeux sur les représentations

Des vulnérabilités territoriales spécifiques existent également en cas de transition mal anticipée. Certaines régions ou filières économiques, déjà fragiles, pourraient subir un choc asymétrique. Par exemple, les zones industrielles liées à l’automobile (Grand-Est, Hauts-de-France) ou les bassins d’emplois du secteur aéronautique (Occitanie) pourraient être particulièrement impactés par les mutations vers des industries bas carbones et respectueuses du vivant. Les territoires dépendant du tourisme, comme les stations de ski, devront se réinventer pour faire face aux changements climatiques – un virage difficile sans appui.

Une transition injuste pourrait aussi accentuer la fracture territoriale entre métropoles qui attireraient les investissements verts et zones rurales/périurbaines qui risqueraient d’être oubliées et de cumuler les handicaps : moindre accès aux transports propres, aux formations, aux financements pour la transition… Le risque est alors de voir se creuser un fossé entre deux Frances : d’un côté, des urbains bénéficiant de la transition (meilleure qualité de vie, innovations technologiques, emplois nouveaux) et de l’autre, des zones périurbaines/rurales se sentant perdantes et opposées aux changements.

Les modes de vie des Français devront également évoluer (alimentation moins carnée, de saison et utilisant moins d’intrants, moindre usage de la voiture individuelle au profit des transports en commun ou du vélo, sobriété énergétique…). Une transition mal acceptée culturellement peut entrainer des résistances et des tensions. Les habitudes de consommation et de déplacement sont profondément ancrées : par exemple, la France rurale et périurbaine s’est construite autour de l’automobile, et imposer des restrictions ou hausses de prix sans alternative revient à contraindre fortement le quotidien de millions de personnes.

Ces évolutions pourraient, si elles ne sont pas accompagnées, amener des pans entiers de la population à se retrouver en opposition frontale aux mesures écologiques.

 

Risques liés à l’emploi et aux filières économiques

Du point de vue économique et de l’emploi, une transition brusque ou non préparée peut provoquer des pertes d’emplois concentrées dans certains secteurs, sans garantie que les nouveaux emplois « verts » compensent immédiatement les destructions. La décarbonation implique en effet la reconversion de filières entières : fermetures d’unités liées aux énergies fossiles (raffineries, centrales à charbon, usines produisant des plastiques vierges…), transformation de l’industrie automobile vers l’électrique, évolution de la filière aéronautique et du BTP… Sans anticipation, ces mutations peuvent laisser des territoires et des travailleurs en difficulté. Par exemple, si l’on instaurait brutalement une taxe carbone élevée sans mesures d’accompagnement, des modélisations estiment qu’en l’absence de redistribution des recettes, jusqu’à 167 000 emplois nets pourraient disparaître d’ici 2030 en France, avec une récession économique à la clé. En revanche, avec des politiques de compensation (recyclage des revenus de la taxe en baisses de charges pour les entreprises et aides aux ménages), la transition pourrait au contraire créer un solde positif d’environ 92 000 emplois à cet horizon[18]. Cela souligne l’importance des choix politiques pour éviter un scénario de « job killing » et au contraire saisir l’opportunité de la transition pour générer de nouveaux emplois (dans les énergies renouvelables, la rénovation thermique, les mobilités douces, l’agroécologie…).

Cela suppose d’investir massivement dans la formation professionnelle et les parcours de reconversion, en anticipant les besoins en compétences des métiers verts et en soutenant la transition des salariés issus des secteurs en déclin. Par exemple, la rénovation énergétique des bâtiments pourrait nécessiter entre 170 et 250 000 travailleurs supplémentaires d’ici 2030 dans le bâtiment[19], ce qui est un gisement d’emplois considérable, à condition d’orienter la formation et l’apprentissage dans cette voie. Si ces besoins ne sont pas anticipés, un manque de main-d’œuvre qualifiée pourrait freiner la transition d’un côté, tandis que le chômage frapperait les anciens métiers en déclin de l’autre côté – un paradoxe pouvant alimenter frustrations et coûts sociaux.

* *

Les risques sont donc de nature multiple : attachés à la crise environnementale elle-même, au renforcement des inégalités dans un système carboné et linéaire, mais aussi aux impacts de la transition écologique.  Il est urgent de ne plus considérer les enjeux écologiques comme des actions « pour la planète » mais bien comme l’anticipation et la prévention de ces risques qui menacent notre modèle économique et social, la cohésion nationale, et parfois même la sécurité des Français.

À l’inverse, une transition écologique bien anticipée peut générer des bénéfices tangibles pour les citoyens : baisse des factures énergétiques, amélioration de la qualité de vie et de la santé grâce à la réduction des pollutions, mais aussi la création d’emplois durables non-délocalisables dans les filières vertes.

Cependant, pour y parvenir, il convient de mettre en place une politique d’accompagnement proactive, qui identifie les possibles effets de bords et ne nie pas les difficultés mais y apporte une réponse, afin de garantir une meilleure justice sociale et territoriale. C’est essentiel afin que la transition écologique devienne une source de cohésion sociale plutôt qu’un facteur supplémentaire de tension.

Malheureusement, ce n’est pas le chemin que prend la classe politique aujourd’hui.

 

2. Diagnostics partiels et mauvaises réponses

Plutôt que d’apporter des réponses matures à ces menaces, la classe politique semble actuellement se concentrer quasiment exclusivement sur les impacts d’une transition mal maîtrisée et mal anticipée. Ce faisant, elle se satisfait de son aveuglement sur tous les autres facteurs de danger pour les Français et la société en général, au premier rang desquels les premiers impacts du changement climatique et les conséquences sanitaires des pollutions.

Cette situation politique est aussi la conséquence d’une écologie militante qui s’est trop longtemps concentrée sur l’urgence à prévenir les dérèglements environnementaux, parfois en minimisant voire en niant les difficultés qui pourraient être rencontrées par les différents acteurs. Ces difficultés ont trop souvent été jugées non-recevables dans une approche caricaturale de dénonciations des « lobbies » sans distinction entre les arguments fallacieux de certains et les enjeux réels et tangibles d’autres. Nous traversons donc une sorte de période de « retour de bâtons », savamment exploitée par les populistes.

L’un des problèmes majeurs de ce rejet est qu’il repose sur des diagnostics partiels qui amènent nécessairement de mauvaises réponses. La transition écologique est-elle un long fleuve tranquille sans conséquence sur les modes de vie des Français ? Bien sûr que non. Les différentes dispositions prises ces dernières années sont-elles parfaitement calibrées et accompagnées ? Là encore, la réponse est non. Faut-il par conséquent y renoncer pour protéger les Français ? Évidemment qu’il ne le faut pas car ce serait les condamner à être impactés à la fois par les conséquences des dérèglements environnementaux et par le creusement des inégalités d’un monde carboné.

C’est l’une des erreurs majeures de l’extrême-droite quand elle se présente comme la défenseuse du peuple contre ces impacts non-désirés dans les modes de vie des Français. Il existe cependant de vrais freins à l’action qui conduisent à des réticences chez les citoyens. Les identifier permettrait d’y apporter de véritables solutions et de sortir de l’impasse dans laquelle la classe politique s’est elle-même piégée.  

2.1 Faux diagnostic, mauvaises solutions et vrai cynisme de l’extrême-droite

Dans sa stratégie de conquête du pouvoir, l’extrême-droite a décidé de se positionner comme la protectrice supposée d’un « peuple » qui ne serait pas compris des « technocrates hors-sol ». Sa stratégie consiste à alimenter l’illusion qu’elle seule entendrait les colères des citoyens, aussi diversifiées voire contradictoires soient-elles. Pour cela, elle a besoin de nourrir ces colères, et non d’y répondre, afin de garantir qu’elles finiront par la porter au pouvoir. Dans cette stratégie bien connue des populistes, l’écologie n’est pas épargnée. Comme d’autres politiques, les mesures de transition écologique sont accusées d’être imposées par des élites technocratiques déconnectées, à une population attachée à ses traditions et à son mode de vie. Cette opposition, savamment entretenue, permet de mobiliser les craintes et les ressentiments d’une partie de la population qui voit dans l’écologie une restriction de ses libertés et des sacrifices disproportionnés, le tout sans apporter de réelle protection aux citoyens face aux chocs environnementaux à venir.

 

« Écologie punitive » et syndrome de l’autruche

Les mouvements populistes entretiennent l’idée que les mesures nécessaires à la transition écologique iraient à l’encontre des intérêts de la population, et en particulier des classes populaires. L’un des leviers majeurs de cette rhétorique repose sur la dénonciation d’une écologie dite « punitive ». Le Rassemblement national l’a par exemple imposée en slogan lors des dernières législatives. Le parti appelait en effet à « en finir avec l’écologie punitive », prenant pour cible trois politiques en particulier : les restrictions de circulation dans les zones à faibles émissions (ZFE), la fin de ventre des véhicules thermiques neufs à l’horizon 2035 et les évolutions récentes du diagnostic de performance énergétique (DPE) – comprendre l’interdiction de location des passoires thermiques. Face à ces trois « reculs » qui pénaliseraient injustement les travailleurs et les classes populaires, le RN proposait une mesure unique : « localisme » et circuits courts[20].

Aucune solution donc pour limiter la pollution de l’air qui, chaque année, tue prématurément plus de 40 000 personnes en France[21] ; ni pour encourager l’émergence d’une filière de véhicules électriques à petits prix qui permettraient aux ménages d’économiser de lourdes dépenses de carburants ; ni pour permettre aux classes moyennes et populaires d’isoler leurs logements et faire baisser leurs factures de chauffage.

Si le diagnostic selon lequel ces mesures peuvent présenter des effets de bord est juste, un recul systématique est parfaitement inadapté. En effet, il n’apporte pas de réponse à long-terme à tous les risques que nous avons décrits précédemment et qui continuent de peser sur les Français. C’est un classique syndrome de l’autruche avec des politiques conservateurs qui refusent de voir les problèmes à 360° et préfèrent les ignorer purement et simplement.

 

L’entretien des peurs comme moteur électoral

Cette approche est révélatrice du fait que l’extrême-droite n’a pas réellement l’intention de protéger les citoyens des chocs climatiques à venir ou des effets sanitaires des pollutions, mais qu’elle est dans une pure démarche de conquête électorale. Dans cet objectif, elle a stratégiquement intérêt à exacerber les peurs et les colères suscitées par ces mesures qu’elle qualifie de punitives. Plutôt que de proposer des réponses concrètes et constructives aux défis environnementaux, elle préfère donc cultiver les inquiétudes et l’insatisfaction populaire, sources de précieux dividendes électoraux, en particulier dans les zones périurbaines ou rurales. Cyniquement, elle n’a d’ailleurs aucun intérêt à contribuer activement à la résolution effective des problèmes réellement rencontrés par ces populations, car une telle implication réduirait les frustrations qu’elle instrumentalise politiquement et priverait ainsi le mouvement populiste de l’un de ses principaux carburants électoraux.

Cette rhétorique de dénonciation d’une écologie punitive qui polarise l’opinion en opposant les « Français ordinaires » aux « élites écolo-bobos », s’inscrit également dans un registre identitaire. Dans ce cadre, l’écologie politique est dénoncée comme une idéologie supplémentaire cherchant à déconstruire la France historique. Aux yeux de l’extrême-droite, le discours écologiste radical rejoint d’autres combats progressistes perçus comme hostiles aux traditions : on l’accuse de s’attaquer aux traditions culinaires (barbecue, charcuterie, …), aux fêtes chrétiennes (polémique sur les sapins de Noël jugés non écologiques), aux coutumes rurales (chasse le dimanche) ou encore à nos paysages (combat contre les éoliennes). Le message sous-jacent est clair : seuls les nationalistes défendraient l’héritage culturel français – de la cuisine au paysage – contre une idéologie verte présentée comme mondialisée, technocratique, urbaine, et surtout déconnectée des réalités.

Avec ce discours, le RN recherche en particulier à l’électorat périurbain ou rural, celui des pavillons et des lotissements, qui dépend de la voiture et apprécie son jardin individuel. Ce public redoute que la transition écologique ne leur impose de changer leurs habitudes contre leur gré. Cette stratégie n’est pas nouvelle a même été qualifiée de « vote barbecue » par certains analystes dès 2012, tant le FN devenu RN capitalise sur l’attachement à ces symboles du mode de vie français[22]. A l’époque, le coût de l’essence cristallisait l’essentiel des critiques, désormais étendues à toutes les politiques écologiques qui pourraient avoir une incidence concrète dans la vie des Français. Cette rhétorique repose sur une caricature volontaire du projet écologique, assimilé à un projet autoritaire visant à uniformiser les comportements et à nier les spécificités locales et culturelles.

 

Solutions en-deçà des enjeux

Alors que le RN se défend de tout climatoscepticisme, il base son projet écologique sur deux mesures principales, cohérentes avec son ADN identitaire mais largement insuffisantes pour protéger les Français face à tous les risques liés aux questions écologiques : le développement massif du nucléaire et le localisme. Au-delà des débats récurrents sur le nucléaire, ces deux propositions sont généralement admises comme importantes pour la transition ; mais, seules, elles sont parfaitement déconnectées des ordres de grandeur de la transition nécessaire pour atteindre la neutralité carbone, faire cesser la dégradation de la nature et nous protéger contre les effets des changements climatiques.

Ainsi, la nécessité d’accélérer le déploiement des capacités de production renouvelables est désormais unanimement reconnue[23] ; à l’inverse du programme de campagne de Marine Le Pen qui appelait à un moratoire sur les installations de capacités éoliennes et photovoltaïques, voire au démantèlement d’éoliennes existantes. Si la plupart des scénarios de RTE incluent également l’installation de nouvelles capacités nucléaires, ils ne vont jamais au-delà de 14 nouveaux EPR. Les 20 nouveaux EPR que le programme présidentiel du RN propose de construire en moins de 15 ans[24] ne sont donc qu’un exemple supplémentaire de leur déconnexion des réalités.

Quant à la promotion des circuits courts, elle est certes importante et nécessaire mais présente deux biais. Le premier : ce n’est pas parce qu’un produit est produit localement qu’il est forcément bon pour l’environnement car sa production peut être source de pollutions, quel qu’en soit le lieu. Le second biais est celui des émissions de CO2 : le transport de biens de consommation n’a souvent qu’une très faible part à leur empreinte carbone. Si la majeure partie des achats se faisaient en local mais que l’on continuait à se chauffer au fioul ou à rouler en voiture thermique, ça ne changerait rien.

Par ailleurs, dans son « contre-budget », présenté en octobre 2024, le RN marque bien son rejet de toute mesure écologique : suppression du plan vélo qui doit pourtant aider à sortir de la dépendance à la voiture (et à ses factures de carburants) ; suppression de l’augmentation du malus automobile qui ne touche que les véhicules neufs donc n’impacte que très peu les classes moyennes et populaires qui se fournissent majoritairement sur le marché de l’occasion ; baisse des aides aux énergies renouvelables qui nous permettent de gagner en souveraineté énergétique et sont désormais moins chères que du nouveau nucléaire ; diminution des subventions aux entreprises, collectivités et associations pour soutenir des projets concrets de terrain… Face à cela, le RN propose une baisse de la TVA sur les carburants qui représente 10 milliards d’euros de pertes pour l’État pour un retour limité aux conducteurs, les expériences démontrant que les baisses de TVA ne sont jamais intégralement reversées aux consommateurs. Au total, les réductions proposées sur le dos de l’écologie s’élèvent à plus de 8 milliards d’euros, soit 58% des économies envisagées par le RN, témoignant d’une volonté assumée de ne pas investir dans une transition qui pourrait être mieux acceptée des Français.

La courte-vue de l’extrême-droite sur l’écologie contribue à entretenir l’illusion d’une écologie qui pourrait se faire sans aucun changement au quotidien. Cette illusion retarde dangereusement l’action pourtant indispensable, alors que la transition écologique est la seule voie capable de protéger les citoyens face aux chocs environnementaux déjà à l’œuvre et appelés à s’intensifier, tout en les sortant des impasses dans lesquelles notre modèle économique carboné et linéaire les a enfermés.

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Ce chemin d’un rejet massif des politiques écologiques tracé par les populistes fait aujourd’hui des adeptes, dans la droite conservatrice mais aussi à la droite du bloc central. Dans la continuité des conservatismes portés par certaines industries et autres lobbies, la classe politique est désormais obnubilée par les conséquences négatives de la transition écologique et en a oublié le sens et l’objectif : protéger les Français face aux inégalités du système carboné et aux chocs environnementaux, qu’ils soient extrêmes et soudains ou latents. Ce nouveau positionnement est particulièrement inquiétant à un moment où l’énergie devrait être mise sur l’accélération de la transition écologique et non son recul. Ceci implique en particulier d’identifier et de faire advenir les conditions de l’acceptabilité de ces mesures.

Car si la récupération politique par l’extrême-droite de ces craintes et de ces colères est fallacieuse et contre-productive, cela ne signifie pas pour autant qu’il faille les ignorer. Aucun dirigeant aujourd’hui ne peut affirmer que les premières mesures concrètes de la transition écologique se font sans aucun impact ni effet de bord. C’est l’une des erreurs fréquentes des discours politiques en faveur de la transition écologique : nous avons tendance à minimiser les conséquences pour les populations concernées et à nous concentrer sur les bienfaits collectifs, sur les économies réalisées ou encore sur l’amélioration de la santé. Pourtant, ces peurs, ces remises en question de mode de vie et ces incidences concrètes dans le quotidien des citoyens existent bel et bien. Et elles méritent d’être étudiées avec plus d’intelligence que ce que font les populistes afin d’y apporter de vraies réponses, durables et adaptées, et non de simples reculs qui ne feraient que repousser les problèmes.

 

2.2 Les réels freins au passage à l’action

La préoccupation pour l’environnement reste très importante dans un contexte où 84% des Français considèrent par exemple que leur territoire sera obligé de prendre des mesures importantes dans les décennies à venir pour s’adapter aux nouvelles conditions climatiques[25]. Pourtant, un écart persiste entre les intentions déclarées et les changements de comportement concrets. 72% des citoyens affirment ainsi vouloir en faire davantage au quotidien pour lutter contre le changement climatique[26] ; mais divers obstacles – psychologiques, économiques, sociaux et culturels – freinent le passage à l’action. Pour répondre efficacement aux véritables craintes et problématiques des Français, il est important de les décrypter.

 

La décorrélation entre l’effort et son impact

Un premier frein majeur réside dans le sentiment d’impuissance ou d’inutilité que beaucoup associent à l’action individuelle pour l’environnement. De nombreuses personnes ont l’impression que leurs gestes quotidiens ne « changent pas grand-chose » et ne sont pas à l’échelle du problème. Un Français sur cinq considère ainsi qu’il ne sert à rien de changer son comportement, car cela ne ferait pas de différence[27].

Ce sentiment s’explique en partie par la difficulté à mesurer concrètement les effets de ses propres actions. Les retombées positives d’un geste écologique sont diffuses, souvent invisibles à l’échelle individuelle, et s’inscrivent dans le long terme. Plus d’un tiers des Français déclarent qu’ils seraient incités à consommer de manière plus responsable si l’impact positif de leurs actions était plus tangible et plus clairement visible dans leur quotidien[28]. En l’absence de retours visibles, l’engagement peut faiblir.

Sur ce sujet, il pourrait y avoir des distinctions à opérer entre grands enjeux environnementaux. En effet, l’impact marginal de l’action d’un seul individu – qui réduirait sa consommation de viande ou même cesserait de prendre l’avion – est parfaitement invisible dans la lutte contre le changement climatique, problématique par nature mondiale et avec des effets qui vont s’étaler sur plusieurs siècles. Ce genre de calcul d’impact n’a de sens qu’à l’échelle collective, et c’est l’addition de toutes ces réductions individuelles qui commence à avoir du poids. Pour parler impact des actions individuelles sur le climat, il faut donc passer par des généralisations telles que « Si tous les Français faisaient ce même geste, alors la réduction de gaz à effet de serre serait de X% ».

A l’inverse, certaines actions peuvent avoir des effets immédiats ou presque, et ne pas nécessiter l’engagement de beaucoup d’individus. Par exemple, renaturer une cour d’école ou un centre urbain permet de lutter immédiatement contre les effets d’îlots de chaleur, de tirer les bénéfices de la nature sur la santé mentale, tout en offrant un refuge pour la biodiversité qui peut alors revenir, tels que des oiseaux ou des insectes. L’arrêt de l’usage des pesticides sur les terrains agricoles situés dans les zones de captage des eaux permet aussi de faire baisser immédiatement la pollution de ces sources, et réduit les coûts de dépollution.  Pour ce type d’action – plutôt liées à l’adaptation au changement climatique, à la biodiversité ou aux pollutions – le lien de causalité peut être très facilement démontré et l’impact positif ressenti de manière très rapide.

Car la société française n’est pas fataliste : la majorité reste convaincue que les actions individuelles, cumulées, peuvent peser si tout le monde s’y met. En effet, 67% des Français estiment que l’impact serait significatif si chacun adoptait des changements dans ses pratiques[29]. Le défi est donc de rendre plus lisible le lien entre l’effort fourni par chacun et les bénéfices collectifs qui en résultent, afin de lever ce frein psychologique.

 

Les contraintes économiques

Le deuxième frein, très concret, concerne les contraintes économiques et financières. Il apparaît clairement dans les enquêtes d’opinion que le coût élevé, réel ou perçu, des alternatives écologiques est un obstacle majeur pour une grande partie de la population. Ainsi, 77% des Français considèrent que le prix trop élevé des produits ou services « responsables » constitue un frein majeur à une consommation plus écologique[30]. Qu’il s’agisse de la rénovation énergétique des logements, de l’achat d’un véhicule électrique ou encore de l’accès à une alimentation biologique, les solutions restent souvent inaccessibles pour de nombreux ménages.

Pourtant, certaines sont de bons investissements et moins coûteuses dans la durée que leurs équivalents carbonés : elles nécessitent un investissement initial important mais permettent des réductions de dépenses récurrentes comme le chauffage dans le cas de la rénovation ou de carburant dans celui du véhicule électrique. Malheureusement, pour de nombreux ménages, ce premier investissement reste aujourd’hui trop important pour leur budget, parfois même avec les aides proposées par l’État ou les collectivités. Par exemple, alors que 69% des Français expriment un intérêt pour investir dans des solutions d’énergie renouvelable pour leur logement, ils ne sont que 26% à le prévoir dans les 12 prochains mois, le coût initial étant jugé prohibitif par la majorité[31].

Cette réalité nourrit le sentiment que la transition écologique est une affaire de privilégiés, réservée à ceux qui ont les moyens d’investir dans des modes de vie plus durables. Elle nourrit aussi le ressentiment vis-à-vis de politiques qui ne rendent pas toujours suffisamment accessibles ces solutions.

Ce sentiment est renforcé par des dispositifs d’aides parfois jugés trop compliqués ou difficilement accessibles. Le dispositif MaPrimeRenov’ qui vise à soutenir les projets de rénovation thermique des logements fait par exemple l’objet de commentaires intégralement négatifs sur le site développé par le Gouvernement pour témoigner de ses expériences avec les administrations[32]. Or la rénovation d’une habitation est déjà un projet très complexe : il nécessite parfois de faire intervenir plusieurs corps de métiers, pour des travaux que l’on n’est pas nécessairement en capacité de superviser soi-même, et qui supposent un gros investissement financier. Il s’agit donc là d’une situation où la complexité inhérente au projet ne devrait pas être aggravée par la difficulté à obtenir des subventions publiques. Si l’on veut pouvoir lever les freins liés aux difficultés techniques et financières, il est nécessaire que l’État prenne à sa charge une part de cette complexité, plutôt que de parfois renforcer celle qui pèse déjà sur les ménages. C’était l’esprit de la mise en place de Accompagnateurs Rénov’ prévue par la loi Climat & Résilience mais le dispositif devrait faire l’objet d’un retour d’expérience approfondi car il ne semble pas remplir cet objectif.

 

Le sentiment d’injustice et d’inéquité

Au-delà des considérations individuelles, un sentiment d’injustice sociale peut entraver la mobilisation en faveur de la transition écologique. Beaucoup de Français jugent la répartition des efforts inéquitable, ce qui entame leur volonté de s’engager. Ils ont le sentiment que certaines industries, certains milieux sociaux ou certains pays ne jouent pas le jeu, et que des sacrifices sont demandés de façon disproportionnée, toujours aux mêmes catégories (souvent les classes moyennes et populaires).

Par exemple, 83% des Français estiment que c’est aux entreprises de “faire mieux” et de produire de manière plus responsable, signe que l’opinion attend des acteurs économiques puissants qu’ils prennent leur part plutôt que de reporter la responsabilité sur les consommateurs. De même, une proportion importante de citoyens considère que la France en tant que nation ne doit pas agir seule : 37% des Français trouvent qu’on en demande « trop » à leur pays en matière d’action climatique – une perception qui renvoie à l’idée d’un fardeau mal partagé, où certains se sentent lésés. Ainsi, en 2022, 56% des Français considéraient qu’adopter des comportements écologiques est inutile tant que les « gros pollueurs » ne font pas d’efforts. Cette attitude conduit à une forme d’attentisme : chacun attend que « les autres » (entreprises, pouvoirs publics, voisins) agissent en premier, alimentant un cercle vicieux d’inaction.

Mais les grandes entreprises, les industries ou les autres États ne sont pas les seuls à générer ce sentiment d’injustice.

Car les citoyens se disent largement favorables à la transition écologique à condition qu’elle soit menée de manière socialement équitable. Deux tiers des Français indiquent en effet qu’ils sont prêts à des changements importants de leurs modes de vie s’ils sont « partagés de façon juste entre tous les membres de notre société », en faisant ainsi la première condition de consentement à la transition[33].

L’acceptation des politiques écologiques par le plus grand nombre passera donc par des actions visant les populations les plus aisées. Elles pourraient viser certains symboles de l’ultra-richesse comme les jets privés ou les yachts. En effet, si leur impact climatique reste très limité du fait de leur très faible nombre, ils symbolisent l’affranchissement par les plus riches des contraintes qui devraient s’imposer à tous pour respecter les limites planétaires. L’acceptabilité passera aussi par des mesures de justice fiscale, dans un contexte où près d’un tiers des Français jugent que les hauts revenus devraient contribuer davantage au financement public[34]. Un tiers des Français serait par exemple d’accord pour une augmentation de la taxe carbone, si ses recettes étaient reversées aux ménages modestes (directement ou sous forme de baisses d’impôts) ou au financement de la transition écologique.

Enfin, les inégalités économiques et fiscales ne sont pas les seules qui génèrent ce sentiment d’injustice. Cela passe aussi par l’impression que les pouvoirs publics et les politiques seraient déconnectés des problématiques réelles des citoyens. A la question « Avez-vous le sentiment d’être confronté(e) personnellement à des difficultés importantes que les pouvoirs publics ou les médias ne voient pas vraiment ? », ce sont près de six Français sur dix qui répondent oui. Et 42 % ont l’impression de vivre dans un territoire délaissé par les pouvoirs publics. Cette impression de déconnexion est bien sûr attisée par les discours populistes, et la situation n’est très probablement pas aussi sombre que le prétendent certains ; mais elle appelle néanmoins à une remise en question de la manière dont sont construites les politiques publiques, et de leur adaptabilité dans le contexte des défis du XXIe siècle.

 

La difficulté à remettre en cause des habitudes et des représentations

Enfin, le poids des habitudes de vie et de certaines représentations culturelles constitue un frein d’ordre socio-psychologique. Adopter des comportements plus sobres suppose souvent de bousculer des routines bien ancrées, ce qui se heurte à des attachements profonds et à la résistance naturelle au changement.

Un exemple intéressant est celui de la consommation de viande. 57% des Français déclarent ne pas vouloir renoncer à la consommation de viande (même s’ils comprennent l’enjeu climatique lié à l’élevage) ; et ils sont même 66% chez les hommes[35], illustrant ici un biais social important faisant de la viande l’un des symboles de la virilité. Le sujet a pris une portée politique lorsque la députée Sandrine Rousseau (Les Écologistes) en a fait un cheval de bataille, provoquant un mouvement de réaction de la part de personnes arborant fièrement leurs barbecues couverts de viande. La viande est alors devenue l’étendard des Français qui ne veulent pas qu’on leur dise comment se comporter ni quoi consommer.

La tentative de l’ancienne ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, d’ouvrir le débat sur le modèle d’habitat pavillonnaire avait déclenché le même type de réaction. La ministre soulignait justement l’enjeu de faire évoluer nos représentations afin de ne plus définir la réussite sociale à travers l’acquisition d’un pavillon avec jardin : la petite maison individuelle au sein d’un lotissement éloigné de tout commerce et souvent du bassin d’emploi, oblige en effet les habitants à l’usage d’un ou plusieurs véhicules pour leurs activités quotidiennes et leur impose d’importantes factures de carburant. Elle mettait en exergue la nécessité de repenser les centres urbains afin qu’ils soient plus agréables à vivre et puissent représenter un nouvel idéal. Ses propos avaient alors été interprétés, à tort, comme une critique du mode de vie de millions de Français et une remise en cause de leur liberté de choisir leur mode d’habitation. Les caricatures des populistes et des lobbies du secteur n’avaient évidemment pas aidé à ouvrir un vrai débat de société, au-delà des clichés et des anathèmes.[36]

Ces différents débats marquent l’un des enjeux importants de la transition écologique : celui des représentations sociales et culturelles. Beaucoup définissent encore la réussite sur la base d’aspects matériels (nombreux biens de consommation, voitures récentes, pavillon avec jardin, voyages nombreux à l’autre bout du monde…) ; une définition qui entre en conflit cognitif avec les injonctions à la sobriété en faveur de la transition. Le comportement des stars et des influenceurs, ou encore l’univers de la publicité[37], entretiennent ces représentations qui sont encore tenaces. Les classes moyennes en particulier vivent comme une injustice ce qu’elles considèrent comme un refus de leur droit à atteindre certains éléments de cette réussite sociale, là où les plus riches « ne se gênent pas ».

Par ailleurs, beaucoup vivent dans l’illusion que la transition écologique peut se faire sans bousculer massivement nos modes de vie, de production et de consommation ; et de nombreux politiques – plutôt à droite voire à l’extrême-droite de l’échiquier – alimentent cette chimère en ne proposant que des actions à la marge et beaucoup d’énergie nucléaire. Cela amène à ce qu’une partie de l’opinion mise sur des solutions technologiques futures plutôt que sur l’évolution des comportements. Ainsi, 30% des Français situés politiquement à droite estiment qu’il n’est « pas utile de changer nos modes de vie » car les innovations technologiques suffiront à résoudre la crise climatique, une croyance beaucoup moins répandue à gauche (15%)[38]. Cette foi dans la technologie ou dans un statu quo amélioré (« techno-optimisme ») peut conduire à minimiser l’importance des transformations individuelles et collectives à entreprendre, et surtout à différer une action que chacun sait pourtant urgente.

Or, tout changement massif d’habitudes restera majoritairement rejeté par les Français tant que cette illusion perdurera. L’exemple de la Convention citoyenne pour le climat est ici révélateur : lorsque des citoyens ont été formés et ont compris l’ampleur des défis, ils sont prêts à des mesures radicales. Cela illustre la nécessité d’un discours puissant et sincère sur la réalité des efforts à faire pour atteindre la neutralité carbone et restaurer la biodiversité, loin des propos « rassuristes » souvent entendus.

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En définitive, les populistes se trompent de diagnostic et, par conséquent, de remède. En érigeant l’écologie comme l’ennemie d’un supposé « peuple » trahi par les « élites », ils détournent l’attention des véritables freins à la transition : le sentiment d’injustice dans la répartition des efforts, les freins économiques et techniques, la difficulté d’accès à certains dispositifs publics, le poids des habitudes ou encore la difficulté à percevoir l’impact de ses propres actions. Ce faisant, ils n’apportent aucune solution sérieuse ni crédible aux difficultés vécues par les Français.

Pire encore : en entretenant l’illusion que la transition pourrait être évitée ou différée, ou qu’elle pourrait se faire sans effort ni transformation, ils désarment les citoyens face aux bouleversements à venir. Ceux qu’ils prétendent protéger seront ainsi les premiers à souffrir des effets des dérèglements climatiques, et les derniers à bénéficier des opportunités offertes par la transition, faute de préparation, d’investissement et d’accompagnement.

C’est donc un double abandon : abandon face à la crise écologique, et abandon face aux besoins réels des citoyens. Répondre à ces enjeux exige au contraire de s’attaquer à la racine des difficultés, d’investir dans des solutions durables, de rendre la transition désirable et accessible à tous, et de construire un projet collectif qui n’élude ni les efforts nécessaires, ni les aspirations légitimes des citoyens. L’écologie peut – et doit – être populaire, à condition qu’elle soit juste, incarnée et à l’écoute des réalités du quotidien. Pour la puissance publique, cela implique de repenser son lien avec les citoyens sur la transition écologique en établissant un service public dédié.

 

3. De la sécurité sociale à la sécurité environnementale

Face à un défi aussi important et protéiforme que la transition écologique, on ne pourra pas se contenter de petites mesures correctrices. La neutralité carbone et la restauration du vivant appellent des changements profonds de nos modes de vies de de nos modes de production et de consommation qui vont impacter tous les acteurs, des citoyens aux entreprises en passant par les collectivités. Dans le même temps, les impacts des dérèglements environnementaux vont s’intensifier, affectant toujours plus de personnes et mettant en péril des chaînes de valeur économiques.

Le XXIe siècle va donc voir se renforcer deux risques pour les Français : les conséquences directes des dérèglements environnementaux d’un côté ; et les remises en question de certains paradigmes et habitudes de l’autre. Face à ces deux risques complémentaires, l’un des rôles de l’État est de protéger les Français.

Dans ce contexte, il devient impératif et urgent de protéger les Français avec autant de détermination et de vision que ceux qui, aux XIXe et XXe siècles, ont voulu répondre aux défis sociaux majeurs de leur époque : inégalités criantes et vulnérabilités sociales exacerbées par une industrialisation rapide et souvent brutale, couplée à des crises répétées et dévastatrices. Aujourd’hui, ce sont les risques écologiques – qu’ils soient climatiques, sanitaires, économiques ou sociaux – qui constituent les nouveaux défis existentiels et globaux du XXIe siècle. Ces défis ne se sont pas à une menace abstraite ou lointaine : ils impactent directement et quotidiennement la vie des citoyens, influencent leurs perspectives d’avenir et accentuent les fragilités déjà existantes.

Malheureusement, face à ces enjeux particulièrement complexes et interdépendants, la classe politique actuelle semble manquer de détermination dès qu’elle rencontre des difficultés dans la mise en œuvre des politiques écologiques. Plutôt que d’affronter et de lever un à un les véritables obstacles structurels et psychologiques à la transition écologique, elle préfère souvent reculer, abandonnant des mesures nécessaires dès les premières résistances. Cette attitude, qui se base sur des diagnostics incomplets entraîne nécessairement des réponses insuffisantes et mal ciblées qui n’apportent aucune protection réelle aux citoyens face aux chocs à venir.

Afin de ne pas tomber dans les pièges du populisme et d’apporter des réponses pratiques aux Français, il est urgent de repenser l’organisation même de l’Etat en tenant compte des véritables freins à l’action, pour les dépasser. Tout comme le Conseil économique et social est devenu le Conseil économique, social et environnemental en 2008 pour répondre aux défis du XXIe siècle, il s’agit aujourd’hui de faire évoluer l’offre de service public pour qu’elle inclue cet enjeu. Cette offre devra être construite autour des besoins des citoyens, et pilotée par une structure stable et pérenne, dédiée à la protection des Français face à ces nouveaux défis : la Sécurité environnementale (ou « Sécu verte »).

 

3.1 Les ambitions de la Sécurité sociale comme inspiration

En 1945, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, c’est une même volonté de protection qui a conduit à fonder la Sécurité sociale. Même si les conditions et les défis sont différents, il est utile d’identifier les points de convergence entre les ambitions qui ont conduit à construire la protection sociale au XXe siècle et les enjeux que présentent les défis écologiques au XXIe siècle.

 

Protéger « l’ensemble de la population du pays contre l’ensemble des facteurs d’insécurité »[39]

En 1945, la Sécurité sociale française est ainsi créée avec une ambition simple, exprimée par Alexandre Parodi, Ministre du Travail : « la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances, il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes »​. Selon Pierre Laroque, souvent considéré comme l’un des pères de la Sécurité sociale, elle visait ainsi à libérer les travailleurs de « la hantise du lendemain »[40], avec un principe fondateur clair : assurer à tous les citoyens un socle de sécurité économique, quelles que soient les épreuves rencontrées.

Même si les critiques existent et que les Français ne perçoivent pas toujours la chance que représente un tel filet de sécurité, la Sécurité sociale participe à réduire l’angoisse vis-à-vis de ces risques par la certitude du soutien en cas de besoin. Contrairement à ce qui peut se passer ailleurs dans le monde, comme par exemple aux Etats-Unis, personne en France ne craint de ne pas pouvoir accéder à une chirurgie vitale, ou de se retrouver endetté à vie parce qu’il n’aurait pas la bonne assurance. Et les retraites des Français ne risquent pas de s’envoler en cas de crise bancaire comme en 2008.

Dans un contexte où plus de 10 millions de Français présentent aujourd’hui des symptômes d’éco-anxiété – dont plus de 4 millions de manière forte ou très forte[41] – les dérèglements environnementaux causés par les activités humaines sont de nouvelles sources d’incertitudes, voire de « hantise du lendemain » auxquelles il conviendrait également d’apporter des réponses pour redonner confiance en l’avenir. Cette réponse devra inclure deux éléments distincts : protéger les Français contre les conséquences que les dérèglements environnementaux pourraient avoir sur leurs vies ; et les accompagner dans leurs transitions pour qu’ils ne subissent pas négativement les changements de modes de vie et de consommation nécessaires à la neutralité carbone et à la restauration du vivant.

 

Garantir la justice sociale face à ces risques

A travers l’ambition de garantir la confiance en l’avenir pour tous, les pères fondateurs de la Sécurité sociale en dessinent une autre qui peut également inspirer les enjeux écologiques : celle de la justice sociale. En effet, le système vise à corriger une inéquité entre classes sociales, certaines étant beaucoup plus vulnérables aux aléas de la vie. Cette ambition est inscrite dans l’exposé des motifs de l’ordonnance instaurant la Sécurité sociale : « débarrasser les travailleurs de […] cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère. »

Des mots qui résonnent fortement aujourd’hui dans les débats sur la transition écologique, avec des mesures parfois accusées d’être indolores pour les populations aisées et/ou urbaines, tandis qu’elles plongent les classes moyennes et populaires dans une impasse. Cette inégalité génère un profond sentiment d’injustice sociale, susceptible de freiner l’adhésion collective à la nécessaire transformation écologique.

L’objectif d’équité initialement porté par la Sécurité sociale peut donc servir d’exemple pour guider les politiques écologiques. Les pères fondateurs avaient alors poussé loin le souci de justice en instaurant un système solidaire fondé sur un principe simple mais puissant : chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Une telle logique pourrait inspirer la mise en place d’un accompagnement adapté dans la transition écologique, assurant que les efforts et les coûts soient équitablement répartis selon les capacités financières et sociales de chacun. Cela permettrait d’éviter que la transition écologique ne devienne un facteur supplémentaire de fracture sociale, mais qu’elle soit plutôt un levier d’unité et de cohésion autour d’objectifs communs.

 

Différence majeure : privilégier la prévention sur la réparation

La Sécurité sociale, telle qu’elle a été initialement conçue et mise en place au milieu du XXe siècle, a principalement privilégié une logique d’intervention après-coup. Autrement dit, elle s’est structurée autour de la réparation ou de l’indemnisation une fois que les risques sociaux, tels que la maladie, l’accident du travail ou la vieillesse impécunieuse, se sont effectivement réalisés. Ce modèle a indéniablement permis une protection efficace et rapide des individus en garantissant un revenu de remplacement en cas d’aléa. Cependant, cette approche centrée exclusivement ou presque sur l’intervention ex-post présente une limite structurelle majeure : elle tend historiquement à marginaliser, voire à négliger, les efforts préventifs, c’est-à-dire les actions destinées à éviter ou à réduire la probabilité que ces risques surviennent.

En effet, l’action préventive implique d’agir bien avant que le risque ne se matérialise, nécessitant souvent des investissements importants et des changements comportementaux ou organisationnels en profondeur. Même si des efforts ont indéniablement été faits ces dernières décennies (campagnes de prévention du cancer, lutte contre le tabagisme, formations professionnelles…), le système traditionnel d’assurance sociale peine structurellement à financer ces mesures préventives, qui, par nature, ne donnent pas toujours lieu à des résultats immédiatement visibles ou tangibles. Ce manque de prise en compte de la prévention a pu conduire à une réponse réactive plutôt que proactive aux défis sociaux, limitant ainsi l’efficacité potentielle de la protection offerte par la Sécurité sociale.

À l’inverse, les défis du XXIe siècle appellent avant tout à une logique préventive et anticipatrice. Son objectif principal sera d’intervenir en amont des crises écologiques, en cherchant non seulement à protéger les citoyens des conséquences directes des chocs environnementaux (comme les catastrophes climatiques, les vagues de chaleur ou la montée des océans), mais aussi à atténuer de manière proactive les effets potentiellement négatifs liés aux transitions nécessaires vers une économie et des modes de vie plus durables.

Même si elle s’inspire des ambitions de la Sécurité sociale, cette future institution publique devra incarner le passage d’une logique principalement curative à une autre avant tout préventive.

 

Un cadre stable et sécurisant, mais qui apporte peu de réactivité

La Sécurité sociale est une organisation très stable, qui a su évoluer – parfois difficilement – pour mieux répondre aux enjeux de son époque. Au sortir de la guerre, les concepteurs de la Sécurité sociale perçoivent avant tout les risques liés aux maladies et aux accidents, à la famille et à la vieillesse ; mais soulignent que « Le but final à atteindre est la réalisation d’un plan qui couvre l’ensemble de la population du pays contre l’ensemble des facteurs d’insécurité » tout en reconnaissant qu’« un tel résultat ne s’obtiendra qu’au prix de longues années d’efforts persévérants ». Une vingtaine d’années plus tard, les risques sont ainsi répartis en trois « branches » avec leurs fonctionnements distincts : maladie, famille et vieillesse (retraites). Les accidents du travail prendront plus tard leur indépendance de la branche maladie pour devenir formellement une quatrième branche. Enfin, en 2021 est créée une cinquième branche dédiée à l’autonomie des personnes âgées et handicapées.

L’instauration de cette cinquième branche est un exemple à la fois de l’évolution possible de la Sécurité sociale pour intégrer de nouveaux risques ; mais aussi du manque de flexibilité du système puisque les débats ont duré plus de quinze ans avant d’aboutir à cette création, avec deux présidents successifs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, s’engageant à sa mise en place sans tenir leur promesse. C’est la crise du COVID-19 qui permettra finalement de faire aboutir les débats.

La stabilité de la Sécurité sociale et sa pérennité sont des éléments cruciaux, en ce qu’elles génèrent de la confiance sur le long-terme pour les Français, mais le système présente aussi une limite intrinsèque : son absence de réactivité.

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Pour répondre aux risques environnementaux, il s’avère donc très utile de s’inspirer des éléments de la Sécurité sociale qui permettent de créer les conditions de la confiance. Cependant, « s’inspirer de » ne signifie pas nécessairement s’inscrire dans ce cadre. Le précédent de la branche autonomie devrait refroidir toute personne qui souhaiterait créer une sixième branche de la Sécurité sociale, dédiée aux risques écologiques, comme un rapport sénatorial le proposait en 2022[42]. Plutôt que de suivre strictement cette voie, il serait plus opportun d’explorer des solutions alternatives permettant de conjuguer stabilité institutionnelle et agilité face aux urgences environnementales.

 

3.2 Donner confiance par un interlocuteur clairement identifié et stable

Les dérèglements environnementaux génèrent des risques inédits, diffus, systémiques, appelés à s’aggraver dans les années à venir. Parallèlement, la transition écologique exige des transformations profondes de nos modes de vie, de production et de consommation, qui sont parfois perçues comme trop radicales, pas assez équitables ou trop difficiles à mettre en œuvre pour une partie de la population. Ces bouleversements génèrent un climat d’incertitude et d’éco-anxiété grandissant. Pour faire face à ce double risque, il est indispensable que les Français puissent s’appuyer sur une structure publique stable, lisible, protectrice et accessible.

La « Sécurité environnementale » aurait vocation à jouer ce rôle : un interlocuteur pérenne et incarné, adapté aux enjeux du XXIe siècle, capable d’apporter des réponses concrètes aux peurs et aux doutes que suscite la transition écologique. Elle serait le bras armé d’une puissance publique renouvelée, qui assume pleinement son rôle de protecteur et d’accompagnateur face aux mutations nécessaires. Son ambition ne serait pas seulement technique, mais avant tout politique et sociétale : reconstruire un pacte de confiance autour de la promesse que personne ne sera laissé au bord du chemin.

En s’attaquant de front aux réels freins identifiés au passage à l’action, la Sécurité environnementale permettrait de lever les blocages psychologiques, économiques, sociaux et culturels en donnant à chacun les moyens concrets, justes et compréhensibles de s’engager et, du même coup, de se protéger. Elle incarnerait un pilier de la politique publique capable de réconcilier les Français avec l’écologie, à condition que celle-ci soit vécue comme une sécurité partagée plutôt qu’une contrainte subie.

 

S’assurer de l’efficacité de ses actions pour dépasser la peur de décorrélation entre les efforts et leurs impacts

Face au sentiment d’impuissance individuelle, cette Sécu verte proposerait des diagnostics personnalisés, gratuits et hiérarchisés. Chaque citoyen pourrait ainsi réaliser un diagnostic basé à la fois sur son empreinte environnementale individuelle, sa situation socio-économique, sa capacité d’investissement, son territoire, etc. Ce diagnostic permettrait de produire des recommandations d’actions qui seraient non seulement adaptées à la situation socio-économique de chaque individu, mais aussi hiérarchisées en fonction de leur efficacité. Cela permettrait donc de répondre à l’angoisse de savoir si les actions réalisées sont réellement efficaces et ont un impact tangible pour lutter contre les dérèglements environnementaux.

Ainsi, un célibataire vivant en appartement dans un centre-ville ne se verrait pas proposer les mêmes actions qu’une famille nombreuses d’un territoire rural vivant dans une maison individuelle.

Ce diagnostic pourrait être réalisé de multiples manières afin de s’adapter à la diversité des publics : via un portail web pour les plus dématérialisés, à travers un accompagnement par des agents dédiés et dans les maisons France service, mais également à travers des campagnes d’aller-vers où des personnes de confiance pourraient proposer un diagnostic directement à domicile (partenariat avec des postiers, membres d’une réserve citoyenne…).

La Sécurité environnementale aurait par ailleurs la mission de renforcer la lisibilité de l’impact collectif et individuel en permettant de mesurer et communiquer les effets agrégés de chaque action (ex. : « si tous les habitants de votre quartier faisaient ce geste, cela permettrait d’économiser X tonnes de CO2 »).

Cette reconnaissance concrète de l’utilité de chacun contribuerait à restaurer la confiance et à valoriser l’engagement.

 

Rendre accessibles et faciles les aides afin de lever les freins techniques et financiers

Pour surmonter les freins techniques et économiques, les actions suggérées par le diagnostic personnalisé seraient accompagnées d’indication vers les aides disponibles (nationales et locales). La Sécurité environnementale centraliserait ainsi les aides existantes et en simplifierait l’accès. Il s’agit de faciliter l’accès aux aides financières mais aussi aux conseils les plus pertinents pour chaque action, selon chaque situation individuelle. Ainsi, un propriétaire dont le diagnostic suggérerait de prioriser la rénovation de son logement serait pris en charge par les équipes conseillant sur cette thématique (réseau des Accompagnateurs Rénov’) ; tandis qu’une personne dont l’action la plus efficace serait d’allonger la durée de vie de ses équipements ménagers se verrait indiquer les réparateurs agréés autour de chez lui.

Cette Sécu verte simplifierait en outre le recours aux aides financières grâce à une carte vitale écologique, directement utilisable chez les artisans ou pour des achats responsables.

Sur le modèle de la carte vitale pour la santé, celle-ci permettrait tout d’abord d’accéder aux aides disponibles auprès d’acteurs labellisés comme par exemple des aides pour une rénovation thermique réalisée par un artisan certifié RGE, des aides au changement de véhicule chez un concessionnaire agréé ou encore des aides à la réparation de l’électroménager chez un réparateur agréé. Ce faisant, elle limiterait les contraintes pour accéder aux aides et rendrait ces actions plus accessibles.

Elle pourrait également servir de « portefeuille vert » alimenté selon le niveau de revenus, les besoins et l’impact des projets soutenus. Elle servirait à l’achat de produits verts (électroménager de dernière génération, produits issus de l’agriculture biologique…). L’Etat pourrait verser sur cette carte un montant dépendant du niveau de revenus, avec des aides plus importantes pour les populations précaires et modestes. Cela pourrait se faire sans augmentation budgétaire en commençant par y verser l’équivalent d’aides qui existent déjà (chèque énergie, chèque bois…) mais sont parfois complexes pour les citoyens ; même si une réflexion plus globale devrait être lancée sur les montants les plus justes pour réduire les inégalités liées à la transition. Il pourrait par ailleurs être proposé une défiscalisation pour les primes que les entreprises pourraient verser sur ce portefeuille vert, renforçant ainsi l’incitation à un abondement privé.

La carte vitale permettrait ainsi une orientation proactive vers les aides disponibles, simplifierait leur accès pour les citoyens, garantirait un reste-à-charge réduit pour les ménages modestes, tout en intégrant une logique de guichet unique. En étalant dans le temps les coûts d’investissements, en soutenant les modèles économiques et produits durables et en limitant les avances de frais, la Sécu verte ferait de la transition une opportunité économique tangible. Elle pourrait s’appuyer sur des partenariats avec des entreprises de l’économie sociale, des collectivités et les banques publiques pour garantir l’accès effectif aux droits.

 

Garantir l’équité de l’action en fonction de l’empreinte environnementale et des capacités de chacun pour lutter contre le sentiment d’inéquité

Pour répondre au sentiment d’injustice, la Sécurité environnementale agirait sur trois axes complémentaires.

D’une part, dans la continuité de la situation actuelle, les barèmes d’aides seraient progressifs, en soutenant plus fortement ceux qui en ont le plus besoin. Les ménages modestes, les classes moyennes fragiles et les territoires vulnérables bénéficieraient ainsi d’un soutien renforcé, garantissant que la transition ne creuse pas davantage les inégalités existantes.

D’autre part, le diagnostic personnalisé indiquerait la nécessité d’efforts plus importants pour ceux dont l’empreinte écologique est la plus forte ; et, à l’inverse, soulignerait les efforts plus limités à faire par les plus modestes, dont le mode de vie a généralement une plus faible empreinte écologique. Il participerait donc à réduire la pression sur les plus modestes, tout en leur donnant accès à des aides pour améliorer non seulement leur empreinte mais aussi leur confort et réduire leurs dépenses courantes (rénovation énergétique, véhicule électrique).

Ainsi, l’ampleur et la nature des actions demandées tiendraient compte non seulement des capacités économiques, mais aussi de l’impact environnemental réel de chacun, instaurant une équité d’engagement dans la transition. Ceux qui disposent de ressources plus importantes ou dont les modes de vie génèrent des pressions environnementales plus fortes seraient ainsi sollicités de manière plus ambitieuse. Ce principe « d’effort proportionné » serait un levier puissant pour restaurer la légitimité de la transition écologique et pour réduire le sentiment d’injustice.

Enfin, en créant un guichet unique pour les aides disponibles, la Sécurité environnementale participerait également à identifier les soutiens qui manqueraient ou qui seraient mal conçus et ne rencontreraient pas leur public. Il s’agirait donc aussi d’un outil de retour d’expérience pour une amélioration continue des dispositifs. L’objectif serait alors de lutter de cette façon contre le sentiment de dispositifs déconnectés des besoins réels des citoyens.

Toutefois, la Sécu verte à elle seule ne suffira pas à répondre totalement aux attentes de justice. Il faudra également mettre en œuvre des mesures symboliques fortes pour démontrer que les efforts les plus substantiels sont bien exigés des plus aisés. Cela pourra passer par une fiscalité écologique renforcée sur les produits et comportements de luxe ayant une empreinte carbone démesurée : yachts, jets privés, voitures de très grosse cylindrée, produits de consommation de luxe très carbonés. Ces mesures auraient une portée éminemment symbolique et pédagogique : elles montreraient que les limites planétaires s’appliquent à tous, et en premier lieu à ceux qui disposent de plus de moyens. Les taxes perçues pourraient ainsi directement abonder le financement de la Sécu verte, créant un cercle vertueux de redistribution et de soutien aux transitions nécessaires.

 

Faire de la Sécurité environnementale un partenaire du quotidien pour accompagner et faciliter l’évolution des mentalités

La Sécu verte ne serait pas seulement un outil technique : elle incarnerait un choix politique clair, celui d’inscrire durablement la transition écologique dans la structure même de l’État et dans la vie quotidienne des Français. Sa simple existence, sa stabilité et son action dans la durée contribueraient à changer profondément les mentalités.

Premièrement, parce qu’en créant une institution pérenne dédiée à l’adaptation aux défis écologiques, l’État montrerait qu’il ne s’agit pas d’une simple correction temporaire ou d’un ajustement marginal, mais bien d’une transformation structurelle de notre modèle de société. Cette inscription dans le temps long donnerait aux citoyens un signal clair : la transition écologique est un pilier de leur quotidien et des politiques publiques pour les décennies à venir.

Deuxièmement, en levant progressivement les freins matériels, psychologiques et financiers qui pèsent aujourd’hui sur les individus, la Sécurité environnementale instaurerait un filet de sécurité solide face aux bouleversements à venir. Elle rassurerait les citoyens en leur offrant la certitude qu’ils seront accompagnés dans l’évolution de leurs modes de vie et de consommation, indispensable pour atteindre la neutralité carbone et restaurer pleinement la biodiversité d’ici le milieu du siècle. Alors que des mesures écologiques plus ambitieuses, et parfois contraignantes, devront être prises dans les décennies à venir pour tenir nos objectifs environnementaux et garantir la stabilité de nos sociétés, la perspective d’un accompagnement stable et protecteur rendrait ces transformations plus acceptables. Les Français n’auraient plus à craindre d’être abandonnés face aux défis climatiques : ils sauraient qu’un dispositif public est là pour amortir les chocs et soutenir les efforts. Elle participerait de ce fait à ce que, peu à peu, le sentiment de solitude ou d’angoisse face à la transition laisse place à un sentiment d’appartenance à un projet collectif, juste, sécurisé et porteur d’espoir.

Ainsi, l’évolution des mentalités ne serait pas dictée par des injonctions moralisatrices mais rendue possible par une transformation du contexte institutionnel lui-même. Les citoyens, en voyant que le système s’adapte et protège, seraient plus enclins à évoluer eux-mêmes, à modifier leurs habitudes et à s’engager durablement dans un projet collectif de transformation. La Sécurité environnementale agirait donc comme un facteur de stabilité psychologique et sociale dans un monde en transition rapide, en construisant les bases d’une écologie désirable, confiante et populaire.

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Parce qu’elle prend en compte les réalités de terrain, les inégalités d’accès, les réticences et les aspirations profondes, la Sécu verte est bien plus qu’une politique technique : elle est un levier de confiance, de justice, de capacité d’agir et de mobilisation collective. Elle permettrait à chacun de jouer un rôle clair, utile et reconnu dans la transformation du pays. Elle renouerait avec le rôle protecteur de l’État et poserait les bases d’une protection sociale du XXIe siècle, à la hauteur des bouleversements à venir. C’est en offrant à chacun les moyens de participer à la transition – sans culpabilisation, sans isolement et sans injustice – que l’on pourra construire un futur partagé, soutenable et désirable. Un futur dans lequel l’écologie rime avec dignité, solidarité et souveraineté collective.

3.3 Faire mieux mais pas nécessairement avec plus

Dans une période de fortes tensions budgétaires, l’idée de créer une Sécurité environnementale peut susciter des inquiétudes légitimes. Pourtant, sa mise en place ne suppose pas de partir d’une feuille blanche, ni de créer une énième administration coûteuse. Au contraire, elle s’appuierait sur la rationalisation et la convergence de dispositifs, d’opérateurs et d’outils déjà existants, afin de mieux accompagner la transition à coût maîtrisé.

Car, si la Sécurité écologique s’apparente à la Sécurité sociale dans ses intentions et dans la sécurité qu’elle amènerait aux Français, ce n’est pas le cas dans son mode d’organisation. La volonté de protéger les Français des défis écologiques renvoie bien à celle des pères de la Sécurité sociale de les protéger face aux risques de la vie ; mais la Sécurité écologique ne serait pas une énième branche de la Sécurité sociale, ne se traduirait pas par une nouvelle assurance sociale et n’appellerait pas nécessairement un budget ou une administration dédiés.

 

Le diagnostic personnalisé basé sur des outils existants

Le premier levier est l’utilisation et l’extension d’outils déjà développés. Le diagnostic personnalisé, pilier de l’accompagnement individuel, pourrait être construit à partir de l’outil « Nos gestes climat » de l’ADEME[43], enrichi pour intégrer les enjeux de biodiversité, de ressources naturelles et de santé environnementale.

En croisant ces informations avec des données dont disposent déjà l’administration fiscale ou la Caisse nationale d’allocations familiales (revenus, composition du foyer, propriétés, localisation du logement), il serait possible de proposer à chaque citoyen un diagnostic précis, personnalisé et automatisé. Ce socle technique existe déjà en grande partie : il s’agira davantage d’intégrer, de mutualiser et d’améliorer des briques existantes que d’investir massivement dans de nouveaux développements.

Ce diagnostic serait accessible en ligne, pour permettre un accès simple et rapide à ceux qui sont familiers des outils numériques. Toutefois, pour garantir que personne ne soit laissé de côté, un grand plan de formation des agents publics devra être engagé. Ces agents, au contact direct des citoyens dans les guichets de proximité, devront être formés aux enjeux écologiques, à l’utilisation des outils de diagnostic, et à l’accompagnement des personnes les moins à l’aise avec les démarches numériques. Cet investissement en temps et en compétences sera indispensable pour assurer l’accessibilité effective du dispositif et garantir une équité d’accès à l’information et aux aides de la transition écologique.

 

Faire converger administrations et opérateurs pour construire un service public efficace

La Sécurité environnementale pourrait émerger en mettant en réseau et en rationalisant les acteurs publics déjà engagés sur la transition écologique : ADEME, France Rénov’, Agence nationale de la cohésion des territoires, Banque des Territoires, Bpifrance, CEREMA, etc.

Plutôt que de créer d’emblée une superstructure lourde, il s’agirait d’abord de mieux coordonner leurs actions, de clarifier leurs missions respectives et de favoriser leur coopération à travers des conventions d’objectifs communs, une gouvernance partagée et des outils informatiques interopérables. Cette approche pragmatique de convergence devra toutefois rester évolutive : une fusion plus poussée des opérateurs pourra être envisagée si, à terme, elle apparaît comme la solution la plus efficace et la plus lisible. Le choix entre coordination renforcée et création d’une administration unique dépendra de l’efficacité constatée sur le terrain et de l’adhésion des usagers.

La gouvernance devra être construite de manière partenariale, en associant État et collectivités territoriales. Elle pourrait aussi inclure les partenaires sociaux et la société civile, à l’image de la gouvernance paritaire historique de la Sécurité sociale.

 

S’appuyer sur les aides existantes pour garantir un démarrage rapide, maîtrisé et plus efficace

Le dispositif de soutien de la Sécurité environnementale peut se construire, au moins dans un premier temps, sur la base des subventions et dispositifs existants, sans budget additionnel immédiat. Il s’agit de mieux organiser et rendre plus accessibles les aides déjà disponibles, plutôt que d’engager de nouvelles dépenses massives dès le lancement.

Un travail de cartographie rigoureux des dispositifs existants, de repérage des doublons et de comblement des lacunes devra être mené pour assurer une véritable rationalisation de l’action publique. Cette rationalisation permettra de dégager des marges d’efficacité sans alourdir la dépense publique : une promesse de sérieux budgétaire indispensable pour crédibiliser la Sécu verte.

Grâce au guichet unique, les aides pourraient être rendues plus accessibles à ceux qui en ont réellement besoin : le diagnostic personnalisé permettrait d’identifier automatiquement les dispositifs auxquels chaque citoyen est éligible, simplifiant ainsi l’accès aux droits et évitant les pertes d’opportunité.

De plus, la Sécu verte pourrait instaurer une boucle de retour d’expérience systématique, permettant d’ajuster les dispositifs en fonction de l’usage réel et des besoins identifiés sur le terrain. Cette approche améliorerait non seulement l’efficacité des aides existantes, mais également leur performance économique : en maximisant leur effet de levier sur l’investissement privé, en ciblant mieux les bénéficiaires et en encourageant les cofinancements publics-privés.

À travers ce travail d’amélioration continue, la Sécurité environnementale renforcerait l’impact de chaque euro investi, tout en préparant de manière structurée les hausses d’investissements qui seront nécessaires à moyen et long terme. Car il faudra reconnaître que, pour atteindre les objectifs de neutralité carbone et de restauration de la biodiversité, des investissements publics supplémentaires seront inévitables. Les travaux de Selma Mahfouz et Jean Pisani-Ferry[44] rappellent ainsi que nous ne sommes pas encore aux niveaux d’investissement nécessaires pour réussir la transition écologique. Mais la création de la Sécurité environnementale n’implique pas d’emblée une explosion budgétaire : elle permettra, dans un premier temps, de faire mieux avec ce que nous avons, tout en préparant, de manière maîtrisée, les montées en puissance futures.

 

La symbolique essentielle d’un guichet unique pour générer la confiance

Aujourd’hui, les citoyens comme les entreprises se sentent souvent perdus dans un maquis d’aides, de dispositifs et d’interlocuteurs différents. La Sécu verte devra répondre à cette attente de clarté en devenant la seule et unique porte d’entrée pour tous les besoins liés à la transition écologique.

En centralisant l’accès aux aides, aux conseils et aux dispositifs existants, la Sécurité environnementale simplifiera le parcours des citoyens et leur évitera d’avoir à naviguer dans un paysage administratif complexe, parfois amplifié par des communications privées ou commerciales peu fiables (comme dans le cas de la rénovation énergétique). Elle prendra ainsi à sa charge une partie de la complexité inhérente à la transition, offrant un accompagnement clair, sécurisé et de confiance.

Ce guichet unique ne serait pas seulement un outil de simplification administrative : il incarnerait la volonté politique de rendre la transition écologique lisible, accessible et prioritaire sur le temps long. En proposant un interlocuteur unique, stable et identifiable, la Sécu verte renforcerait la confiance des citoyens envers l’action publique. Elle enverrait le signal que la transition n’est pas une politique parmi d’autres, soumise aux aléas, mais une transformation durable du pays, soutenue par une organisation pérenne.

Chaque citoyen devra pouvoir s’adresser à la Sécurité environnementale, que ce soit via une plateforme numérique ou dans des guichets physiques adossés par exemple aux Maisons France Services, pour obtenir un conseil personnalisé, accéder à ses droits ou être orienté vers les dispositifs adéquats. Donner à ce service public une identité forte, lisible et accessible à tous sera essentiel pour en faire un réflexe naturel et pour ancrer la transition écologique dans le quotidien des Français.

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Ainsi, loin d’être un gouffre budgétaire supplémentaire, la Sécurité environnementale pourra être construite avec pragmatisme et efficacité, en faisant mieux avec les ressources déjà disponibles, et en répondant concrètement aux attentes de protection, de lisibilité et de justice des citoyens face aux défis écologiques du XXIe siècle.

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La transition écologique est aujourd’hui prise en étau entre deux périls : celui du retour en arrière mettant en danger l’atteinte de la neutralité carbone et de la pleine restauration du vivant – et ainsi la stabilité de notre modèle économique, social et sociétal ; et celui la manipulation populiste des résistances qu’elle suscite. Face à ce double risque, il ne suffit plus d’appeler à la responsabilité individuelle : il faut refonder collectivement un cadre protecteur et juste.

La Sécurité environnementale constitue une réponse ambitieuse et pragmatique dans ce contexte. En garantissant un filet de sécurité face aux bouleversements à venir, en accompagnant les citoyens dans les transformations nécessaires et en corrigeant les inégalités de la transition, elle lutte contre l’éco-anxiété et les sentiments d’abandon que les populistes exploitent. Là où ces derniers proposent l’inaction et l’isolement, la Sécu verte propose la préparation, la solidarité et la résilience. Elle permet de rendre la transition à la fois plus acceptable et plus accessible, et de renforcer la confiance dans l’avenir.  

Porter ce projet, c’est affirmer que la transition écologique ne sera pas un luxe réservé aux plus favorisés, mais une protection offerte à tous. C’est renouer avec l’esprit fondateur de la République : celui d’une promesse de progrès partagé, même dans l’adversité.

S’appuyant sur les dispositifs existants, rationalisant les structures actuelles, améliorant l’efficacité de l’action publique sans alourdir à court terme les budgets, la Sécu verte incarne une voie de crédibilité et de réalisme. Elle prépare ainsi, de manière sérieuse et maîtrisée, les investissements futurs qui seront nécessaires pour être à la hauteur de la transition à venir.

Au-delà de son aspect technique, elle porte un projet politique profond : faire de l’écologie un élément de cohésion, de justice sociale et de confiance collective, plutôt qu’un nouveau motif de division ou d’angoisse. La création d’une Sécurité environnementale, stable, lisible et protectrice, serait ainsi un acte fondateur pour ancrer durablement la transition écologique dans notre pacte républicain. Elle inscrit l’écologie non comme une succession de mesures ponctuelles et anxiogènes, mais comme une grande transformation collective, protégée, équitable et durable.


[1] Météo France, À quel climat s’adapter en France selon la TRACC [trajectoire d’adaptation au changement climatique] ?

[2] https://www.notre-environnement.gouv.fr/actualites/breves/article/combien-a-coute-la-secheresse-exceptionnelle-de-2022

[3] https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/pollution-et-sante/air/articles/pollution-atmospherique-quels-sont-les-risques

[4] Dans le Code rural et de la pêche maritime : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006138457/

[5] « Ces substances peuvent être présentes de façon naturelle dans l’environnement. Mais notre exposition est décuplée par l’utilisation des produits d’usage courant comme les produits plastiques, des détergents, des produits cosmétiques ou dans des aliments transformés. » : https://www.anses.fr/fr/content/les-perturbateurs-endocriniens-un-defi-scientifique

[6] https://www.inrae.fr/actualites/prendre-compte-effets-pesticides-procedures-reglementaires

[7] Données de 2017, avant l’augmentation des prix des carburants due à l’attaque russe contre l’Ukraine. Ces données couvrent toutes les dépenses de transport au-delà de la seule voiture, y compris les transports publics, l’avion, le TGV ou encore les taxis : Insee, “En 2017, les ménages consacrent 11 % de leur revenu disponible à la voiture” : https://www.insee.fr/fr/statistiques/5358250#:~:text=p%C3%A8sent%20d%C3%A8s%20lors%20davantage%20sur, en%20transports%20collectifs%20est%20sup%C3%A9rieure

[8] « Baromètre des mobilités du quotidien 2021 » par Wimoov et FNH : https://www.fnh.org/13–3-millions-de-francais-en-precarite-mobilite/, cité dans le rapport « Territoires ruraux : en panne de mobilité » du Secours Catholique : https://www.secours-catholique.org/sites/default/files/01-Images-actualites/2024-MOBILITE%20RURALE-22%20avril%2024.pdf

[9] Selon une étude du Ministère de la transition écologique de janvier 2022, environ 18% des ménages du 1er quintile occupent une passoire thermique contre près de 16 % de ceux du 5e quintile : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2022–07/document_travail_60_parc_logements_dpe_juillet2022.pdf

[10] https://www.nationalgeographic.fr/environnement/2023/04/notre-amour-pour-la-fast-fashion-deborde-dans-le-desert-datacama

[11] https://www.banquedesterritoires.fr/les-pesticides-premiere-source-de-pollution-de-leau-potable-en-france#:~:text=, par%20an%2C%20int%C3%A9gralement%20financ%C3%A9

[12] Cette étude n’a a priori pas été mise à jour. Depuis, la consommation de pesticides, en particulier les plus dangereux a baissé. Cependant, les tests menés sur l’eau sont plus complets et identifient donc plus de substances qu’auparavant. Il n’y a donc pas lieu de penser que ces estimations ont massivement évolué. CGDD, « Coûts des principales pollutions agricoles de l’eau » : https://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/docs/Temis/0070/Temis-0070550/19342.pdf

[13] https://www.banquedesterritoires.fr/lutte-contre-les-decharges-sauvages-les-principales-mesures-actees

[14] https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/11/16/gilets-jaunes-comment-rendre-juste-la-taxe-carbone-et-minimiser-ses-impacts-sociaux_5384629_3232.html#:~:text=facture%20%C3%A9nerg%C3%A9tique%20des%20m%C3%A9nages%20fran%C3%A7ais, plus%20touch%C3%A9s%20que%20

[15] Voir la note détaillée « L’attaque contre les ZFE : un cas d’école de l’exploitation des peurs par les populismes », Marine Braud pour Terra Nova : https://tnova.fr/ecologie/climat/lattaque-contre-les-zfe-un-cas-decole-de-lexploitation-des-peurs-par-les-populismes/

[16] https://side.developpement-durable.gouv.fr/Default/doc/SYRACUSE/788360/les-voitures-des-menages-modestes-moins-nombreuses-mais-plus-anciennes?_lg=fr-FR

[17] Le jet privé de Bernard Arnault a ainsi été scruté par les internautes et ses émissions comptabilisées : « 176 tonnes de CO2 en un mois de vols, c’est dix-sept ans d’empreinte carbone pour un Français moyen » : https://www.liberation.fr/lifestyle/gastronomie/jet-prive-de-lvmh-bon-vent-bernard-20220609_KR2NVXVPK5HZRK5CBNZ2HWUCCQ/?redirected=1

[18] « Transition énergétique : faut-il craindre pour l’emploi ? », Conseil d’analyse économique, novembre 2023 : https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae080-environnement-emploi-231115.pdf

[19] « Rénovation énergétique des bâtiments : quels besoins de main-d’œuvre en 2030 ? », France Stratégie & Dares, septembre 2023 : https://www.strategie.gouv.fr/publications/renovation-energetique-batiments-besoins-de-main-doeuvre-2030

[20] https://x.com/RNational_off/status/1808612113545347198

[21] https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/pollution-et-sante/air/articles/pollution-atmospherique-quels-sont-les-risques

[22] https://www.slate.fr/story/56885/vote-barbecue-vote-fn

[23] Etude sur les futurs énergétiques à horizon 2025 coordonnée par RTE : https://www.rte-france.com/actualites/futurs-energetiques-neutralite-carbone-2050-principaux-enseignements

[24] Programme dit « Marie Curie » présenté pour les présidentielles de 2022 et qui annonçait 5 paires d’EPR dès 2031 et 5 paires supplémentaires en 2036 : https://www.lesechos.fr/elections/presidentielle/presidentielle-marine-le-pen-voit-le-salut-de-la-france-dans-lenergie-nucleaire-1393440

[25] Etude d’Opinionway pour l’Ademe, Les représentations sociales du changement climatique – 25ème vague du baromètre, novembre 2024 : https://librairie.ademe.fr/societe-et-politiques-publiques/7728–9356-les-representations-sociales-du-changement-climatique-25eme-vague-du-barometre.html

[26] Etude Parlons Climat de juin 2022 : https://www.destincommun.fr/media/gtlpkfu1/etude-parlons-climat-juin2022-destincommun.pdf

[27] Enquête Ipsos Jour de la Terre 2024 d’avril 2024 : https://www.ipsos.com/fr-fr/jour-de-la-terre-25-pourcent-des-francais-pensent-quils-font-deja-tout-ce-quils-peuvent-pour-lenvironnement

[28] Etude Ipsos / MACIF d’octobre 2023 : https://presse.macif.fr/actualites/etude-ipsos-macif-les-francais-plus-attentifs-a-leur-impact-la-consommation-responsable-nest-plus-un-mythe-639c-821df.html#:~:text=De%20plus%20en%20plus%20lucides, consommation%20dans%20son%20environnement%20quotidien

[29] Etude Ipsos Jour de la Terre 2024

[30] Sondage Ipsos / MACIF sus-cité

[31] Baromètre d’opinion : Attitudes des Français à l’égard de la qualité de l’air et de l’énergie, Ademe de 2022 : https://www.ademe.fr/presse/communique-national/barometre-dopinion-attitudes-des-francais-a-legard-de-la-qualite-de-lair-et-de-lenergie/#:~:text=pour%20investir%20%2825

[32] https://www.plus.transformation.gouv.fr/consulter-experiences

[33] Etude d’Opinionway pour l’Ademe de novembre 2024

[34] Enquête CREDOC / Ademe, Sensibilité à l’environnement, action publique et fiscalité environnementale, juin 2024 : https://librairie.ademe.fr/societe-et-politiques-publiques/7608-sensibilite-a-l-environnement-action-publique-et-fiscalite-environnementale-l-opinion-des-francais-en-2024.html

[35] Sondage Ipsos / MACIF sus-cité

[36] https://www.liberation.fr/societe/logement/et-si-le-modele-du-pavillon-avec-jardin-etait-vraiment-une-impasse-20211018_ULDFKYEL5ZDERC5RL5ITQGK4EI/?redirected=1&redirected=1&redirected=1

[37] Voir le rapport « Contribution et régulation de la publicité pour une consommation plus durable » par l’IGF, l’IGEDD et l’IGAC, décembre 2024

[38] Étude Parlons Climat de juin 2022 sus-citée

[39] Extrait de l’exposé des motifs de l’Ordonnance du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale

[40] Allocution prononcée lors de l’inauguration de l’enseignement de la Sécurité sociale à l’École nationale d’organisation économique et sociale, le 23 mars 1945

[41] Éco-anxiété en France (Étude 2025), Ademe

[42] https://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21–594-notice.html

[43] https://nosgestesclimat.fr

[44] Les incidences économiques de l’action pour le climat | Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan

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