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Rapport

Le bio en baisse : simple ralentissement ou véritable décrochage ?

Alors que le bio traverse une période difficile, Terra Nova a cherché à comprendre quelles étaient les causes de cette baisse de consommation. Dans ce rapport, nous formulons des propositions pour que le bio retrouve sa place de filière exigeante répondant aux enjeux de la transition et aux attentes des consommateurs.

Publié le 

Introduction

La qualité de l’alimentation est une préoccupation grandissante des Français, qui accordent de plus en plus d’attention au contenu de leur assiette. Signe de ces évolutions, une part croissante des ménages consomment des produits alimentaires bio quotidiennement (15% en 2021 contre 13% en 2020).

Toutefois, alors que le marché du bio a connu une forte croissance[1] ces dernières années, avec une consommation multipliée par 3,5 en 10 ans, la dynamique s’essouffle en 2021 et 2022. Les chiffres de l’Agence Bio, publiés en juin 2022, annoncent une baisse du chiffre d’affaires du secteur de 1,3% en 2021. Cette tendance se confirme au premier semestre 2022. Selon l’institut d’études spécialisé IRI[2], entre janvier et fin août 2022, le volume des ventes de produits bio a baissé de 7,6% dans la grande distribution, alors que la baisse se limite à 2,4 % pour les produits non bio.

On observe toutefois de fortes disparités en fonction des filières et des circuits de distribution, très diversifiés sur le marché du bio. Les ventes reculent principalement dans les grandes surfaces, qui représentent aujourd’hui 50% des achats, ainsi que dans les enseignes spécialisées[3]. Quant aux filières, les plus touchées sont les fruits et légumes, le rayon crèmerie, les viandes de bœuf et de porc et la charcuterie. En revanche, les ventes de boissons alcoolisées bio continuent d’augmenter.

Ralentissement conjoncturel ou amorce d’un retournement durable ?

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette baisse, à commencer par des facteurs conjoncturels. La désorganisation des chaînes logistiques suite à la crise du Covid-19, la pénurie de certaines matières premières et les répercussions de la guerre en Ukraine sur les prix de l’énergie (couplées aux effets d’une baisse de la production domestique d’électricité) et d’un certain nombre de denrées alimentaires ont entraîné le retour de l’inflation en France et en Europe, ainsi qu’une perte de pouvoir d’achat pour les ménages. Selon l’INSEE, en France, l’inflation a atteint 5,2% sur un an en janvier 2023. La hausse de prix des produits alimentaires est particulièrement forte, elle atteint sur un an 12,1% en janvier 2023, et 9,3% pour les produits frais[4]. Cette hausse des prix entraine une baisse de la consommation des ménages. Toujours selon l’INSEE, entre novembre 2021 et novembre 2022, les dépenses de consommation des ménages liées à l’alimentation ont diminué de 7%, ce qui se répercute également sur le bio.

Face à la hausse des prix de l’énergie et à la tension sur les prix des engrais, l’agriculture bio, qui nécessite moins d’engrais, et globalement moins d’intrants, a un avantage comparatif. La différence de prix entre les produits issus de l’agriculture biologique et ceux issus de l’agriculture conventionnelle tend à diminuer. Mais l’inflation n’est pas l’unique facteur, la baisse ayant commencé avant la hausse des prix.

Le bio est chahuté par le développement d’autres offres de valeur, notamment des produits frais et locaux, et n’a plus, dans l’esprit des consommateurs, le monopole du produit sain et de l’excellence alimentaire. Il souffre de méconnaissance, voire de méprises sur son cahier des charges et les bénéfices écologiques et sanitaires qu’il engendre. Les consommateurs, perdus dans la jungle des labels et des certifications, accordent moins de valeur au bio et ne sont pas toujours conscients des bénéfices environnementaux de l’agriculture biologique. Certains ne consentent plus à payer des prix plus élevés. C’est d’ailleurs dans les grandes surfaces, là où l’horizon de la démocratisation du bio semblait se dessiner mais où la concurrence sur les prix est la plus forte, que la baisse de la consommation était la plus importante en 2021 (baisse de 3,9% entre 2020 et 2021 et de 7,6 % entre juillet en fin aout 2022). Elle a pour conséquences le déréférencement[5] de nombreux produits bio et leur moindre exposition.

Dans le même temps, l’offre a continué à se développer fortement et les politiques européenne[6] et française ont accompagné ce mouvement en suscitant un rythme de conversion soutenu du côté des exploitants, lesquels cherchaient non seulement à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement et de la santé des consommateurs, mais aussi la possibilité d’élargir leurs marges en vendant plus cher leurs produits.  La France a mis en place dès les années 1990 une politique de soutien à l’agriculture biologique (programmes Horizon 2012 ou Ambition Bio 2013–2017 et 2017–2022) pour atteindre des objectifs ambitieux : 18% de la surface agricole utile (SAU) cultivée en bio en 2027[7] et 20% des fournitures de la restauration collective[8] en 2022. Paradoxalement, les aides au maintien, après avoir basculé en 2015 sur le second pilier de la PAC, dédié au développement rural, ont été transférées aux régions puis été totalement supprimées dans le PSN 2023–2027.

L’Europe promeut également l’agriculture biologique. Le règlement européen relatif à la production biologique adopté en 2018[9], la stratégie « de la ferme à la fourchette » (Farm to fork) de 2020[10], le plan d’action européen pour le développement de l’agriculture biologique arrêté en mars 2021, ou encore certaines des mesures contenues dans la prochaine PAC 2023–2027[11] traduisent cette ambition.  

Ainsi, en 2021 en France, 13,4% des exploitations agricoles étaient bio (contre 4% en 2010)[12]. Elles représentent 10,3% de SAU totale. En surface agricole utile, la France est aujourd’hui le leader européen de la production bio devant l’Espagne.

Ralentissement de la demande, croissance continue de l’offre : de nombreuses questions se posent désormais sur la soutenabilité du modèle économique de la filière bio. Sera-t-elle capable de susciter un rebond de la demande pour offrir des débouchés suffisants à une offre à la hausse ? Dans le cas contraire, il est à craindre que les exploitations agricoles qui font aujourd’hui le choix de la conversion en bio ne tombent dans un piège et que ne s’éloignent les gains collectifs – écologiques et sanitaires – liés à cette transformation progressive du modèle agricole.

Alors que les bénéfices sanitaires et environnementaux de l’agriculture bio sont aujourd’hui reconnus (amélioration de la qualité de l’eau, de l’air, séquestration du carbone, préservation de la biodiversité…), la dynamique ne doit pas s’essouffler. Un rapport récent de la Cour des comptes[13] préconise ainsi d’augmenter les moyens alloués au développement et au maintien de l’agriculture biologique pour atteindre l’ambition initiale et les objectifs fixés. Encore faut-il que la demande suive. Une meilleure sensibilisation des consommateurs aux spécificités et aux exigences du cahier des charges de la certification AB sera un facteur essentiel pour atteindre ces objectifs. Mais d’autres leviers devront être actionnés pour consolider le modèle économique de la filière.  

I. Une offre en forte augmentation

A. Origines et définition

Portés par des organisations syndicales telles que la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB) et par des mouvements associatifs d’agriculteurs et de consommateurs (Nature et Progrès notamment), les premiers cahiers des charges privés définissant les pratiques de l’agriculture biologique sont apparus en 1972. Sa première officialisation remonte à la loi d’orientation agricole (LOA) de 1980. En mars 1985, un cahier des charges a été homologué à l’échelle nationale et le logo AB a été créé par les pouvoirs publics pour développer une filière agricole plus respectueuse de l’environnement, interdisant l’usage des produits chimiques de synthèse, des OGM et limitant les intrants. Le terme « agriculture biologique » apparaît en 1991 dans un règlement européen qui reconnaît officiellement ce mode de production (règlement CEE 2092/91 du 24 juin 1991).

Afin de développer le commerce intra-européen et de permettre aux consommateurs de reconnaitre facilement les produits bio, ces règles ont été harmonisées par un règlement européen[14] en 2007. Le label correspondant est le label Eurofeuille. Il est obligatoire dans l’Union Européenne depuis le 1er juillet 2010 sur tous les produits alimentaires bio européens préemballés[15]. Il permet aux consommateurs d’identifier des produits 100% bio ou contenant au moins 95% de produits agricoles bio dans le cas des produits transformés, même lorsqu’ils proviennent d’autres pays (européens ou extra-européens). Il est accompagné d’une mention précisant l’origine des matières premières agricoles, le code de l’organisme certificateur et le pays certificateur. Les produits importés présentant le label Eurofeuille peuvent :

  • provenir de pays tiers dont la réglementation est jugée au moins équivalente à la réglementation européenne,
  • avoir été contrôlés et certifiés par des organismes reconnus par la commission européenne,
  • ou « avoir obtenu une autorisation d’importation délivrée par le ministère compétent d’un État membre ». En France, il s’agit du Ministère de l’Agriculture.

Le cahier des charges est unifié pour toute l’Europe. Il certifie un niveau de qualité et un mode de production et de transformation respectueux de l’environnement, du bien-être animal et de la biodiversité. Il impose la rotation des cultures et interdit l’utilisation de produits phytosanitaires et d’engrais de synthèse. Pour les élevages, l’alimentation des animaux doit être elle-même exclusivement issue de l’agriculture biologique, les traitements vétérinaires doivent être limités, et la production animale hors-sol est interdite, hormis pour l’apiculture. Des organismes certificateurs agréés par les pouvoirs publics, comme Ecocert, certifient la conformité des produits au cahier des charges. Ils autorisent l’utilisation du label Eurofeuille et du label français « AB ».

Le label AB, aligné sur les normes du label bio européen, est facultatif et peut être utilisé en complément du logo Eurofeuille. La marque AB est aujourd’hui propriété du ministère de l’Agriculture. Seules certaines catégories de produits, encore non harmonisés au niveau européen, peuvent utiliser uniquement le label AB. Il s’agit des produits issus de l’aquaculture, de l’élevage des lapins, escargots, autruches, ainsi que les aliments pour animaux de compagnie, sous réserve bien sûr qu’ils soient élaborés conformément à un cahier des charges français homologué. Des organismes certificateurs, au préalable agréés par l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), délivrent les autorisations d’utilisation sur les étiquetages.

L’ensemble des acteurs de la filière agro-alimentaires peut s’engager dans une démarche de conversion en bio : agriculteurs, producteurs, transformateurs, distributeurs, importateurs, exportateurs, restaurateurs. Ils doivent notifier leur activité auprès de l’Agence Bio et sont contrôlés chaque année par des organismes tiers agréés, tels Ecocert, Certipaq ou Qualité-France.

En 2021, en France, 87 600 opérateurs étaient certifiés AB. Il s’agit majoritairement de producteurs (59 847), de préparateurs (46 395) et de distributeurs (22 222) et d’importateurs (635). Attention, certains opérateurs cumulent plusieurs activités mais ne sont certifiés qu’une seule fois.

Le champ de la réglementation est aujourd’hui limité aux produits agricoles et aux denrées alimentaires. Il n’y a pas de certification AB hors alimentation animale et humaine.

Aujourd’hui bien connu des Français[16], ce label souffre néanmoins d’un manque d’information sur son cahier des charges et ses contrôles, voire parfois de fausses croyances. Selon l’Agence Bio, un Français sur deux s’estime insuffisamment informé sur ce que le label AB garantit, notamment sur la réglementation et les contrôles.

B. Des conversions de plus en plus nombreuses…

Poussés par des convictions écologiques, par un marché plus rémunérateur ou encore par des préoccupations sanitaires, de nombreux agriculteurs se convertissent à l’agriculture biologique. 13% d’entre eux sont aujourd’hui certifiés bio, soit 58 000 exploitants, et la filière bio représente 200 000 emplois directs (équivalents temps plein) [17] .

Certains bénéficient ou ont bénéficié pour cela d’un appui financier significatif. Il existe plusieurs types d’aides :

  • Les aides à la conversion pour soutenir les agriculteurs au moment de la conversion (accessibles à tous les exploitants dont les surfaces sont en première ou deuxième année de conversion, et versées pendant 5 ans). Elles vont augmenter de 90 millions d’euros (soit une augmentation de 36% par rapport à la programmation précédente) dans la programmation de la PAC (2023– 2027) pour atteindre 340 millions par an.
  • Les aides au maintien, versées sur une durée de 5 ans, également appelées « rémunération de reconnaissance pour services environnementaux ». Elles rémunèrent les services environnementaux rendus par les agriculteurs. Elles ont été supprimées en 2017. Quelques régions les ont reprises à leur compte, mais elles ont été définitivement supprimées au 1er janvier 2023. La nouvelle réglementation de l’éco-régime prendra la suite.
  • Les aides régionales dans le cadre des programmes de développement ruraux régionaux (PDRR) peuvent soutenir des agriculteurs bio pour des investissements, des installations et des certifications.
  • Le crédit d’impôt[18] :  Les entreprises agricoles dont 40% au moins des recettes relèvent de la production biologique peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt de 4 500€ (A compter du 1er janvier 2023)[19].  Le crédit d’impôt s’applique à l’impôt sur les bénéfices, peu importe le régime d’exploitation. Les activités entrant dans le champ de ce crédit d’impôt sont décrites dans l’article 63 du Code général des impôts.

Les entreprises qui bénéficient d’une aide à la conversion à l’agriculture biologique ou d’une aide au maintien de l’agriculture biologique peuvent bénéficier du crédit d’impôt lorsque le montant résultant de la somme de ces aides et de ce crédit d’impôt n’excède pas 5 000€ au titre de l’année considérée. Ce crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater L du code général des impôts (CGI) bénéficie aux entreprises agricoles imposées à l’impôt sur les bénéfices, quels que soient leur mode d’exploitation (entreprise individuelle ou société) et leur régime d’imposition (micro-BA, régime réel simplifié ou réel normal). Si le montant total résultant de la somme de ces aides et de ce crédit d’impôt excède 5 000€ au titre de l’année considérée, le montant du crédit d’impôt est alors diminué, à due concurrence de l’excédent, afin que le montant total de ces aides et de ce crédit d’impôt soit ramené à 5 000€.

  • La dotation Jeunes Agriculteurs (DJA) peut être majorée dans le cas d’une installation en bio.

Réservée aux moins de 40 ans, diplômés de niveau IV, elle est désormais géré directement par les régions. Certaines proposent un bonus pour l’agriculture biologique d’autre ont choisi de mettre fin à ce soutien (Bretagne, Grand-Est, Normandie)[20].

Les agences de l’Eau : Elles peuvent attribuer des aides à des projets de développement des filières bio réalisés sur des zones à enjeux eau ou zone de captage dans le cadre de la lutte contre les pollutions diffuses. Dans la plupart des agences de l’Eau, les demandes d’aides sont gérées au cas par cas et peuvent être déposées toute l’année. Ces trois dernières années, 285 M€ ont été versés en aides pour la conversion en agriculture bio.

  • Les éco régimes : Le programme stratégique national (PSN) est un document de planification stratégique, proposé par chaque Etat membre, pour définir les interventions et les modalités de mise en œuvre de la politique agricole commune (PAC) à l’échelle nationale.

Le PSN PAC de chaque État-membre doit ensuite être validé par la Commission européenne. La PAC représente 45,2Md€ sur 5 ans pour l’agriculture française (soit 9Md€ par an[21]). Le PSN français a été approuvé fin août, après avoir été retravaillé. La Commission le jugeait insuffisant car « ne permettant d’accompagner que partiellement la transition écologique des secteurs agricole et forestier ». La version définitive instaure un éco-régime spécifique à l’agriculture bio, crédité d’un bonus de 30 €/ha par rapport à la certification haute valeur environnementale (HVE), dont le cahier des charges est beaucoup moins exigeant. Les exploitations dont les surfaces sont 100% certifiées bio, ou en partie certifiées et en conversion sur l’intégralité du reste de l’exploitation, pourront en bénéficier, dans la mesure où au moins une parcelle ne reçoit pas ou plus d’aides à la conversion. Cet éco-régime remplace le paiement vert, des aides de la PAC attribuées aux exploitants et conditionnées à la production de services environnementaux.

En réaction aux difficultés que traverse l’ensemble des filières biologiques, le gouvernement a annoncé lors des 13èmes Assises de l’agriculture et de l’alimentation biologique, qui se sont tenues en décembre 2022, la mise en œuvre de plusieurs dispositifs afin « d’accompagner les professionnels et d’aider à la relance de la consommation ». Ainsi, 5M€ supplémentaires seront apportés au Fonds Avenir bio en 2023 (soit un total de 13M€), et 750.000€ en soutien à une nouvelle campagne de communication, ainsi qu’un renforcement des moyens financiers accordés à l’Agence Bio. Les critères du Fonds vont évoluer afin de pouvoir financer davantage de projets visant à structurer et développer des débouchés pour les filières bio.

C. Une offre qui varie selon les filières

La production française en AB est extrêmement disparate. Le développement de l’offre en bio varie selon les types de cultures, voire selon les variétés. En 2018, le bio ne représentait par exemple que 1,5% de la collecte nationale de céréales. En revanche, en 2019, le vignoble bio (surfaces certifiées + surfaces en conversion) représentait 14% du vignoble national.  Les surfaces bio sont plus nombreuses dans le sud, les pays de la Loire et l’est de la France. L’Occitanie à elle seule représente un quart des exploitations bio françaises : près de 18% de la SAU de la région est certifiée bio ou en cours de conversion.

En 2020, 60% des surfaces bio étaient fourragères, contre 47% dans l’assolement national. Cela inclut les fourrages en culture principale (cultures fourragères annuelles, prairies artificielles et temporaires) et la superficie toujours en herbe (surface occupée en herbe, semée depuis au moins 5 ans ou naturelle). 10,3% de SAU totale étant cultivés en bio, les terres en bio consacrées aux autres spécialités ne représentent donc que 4,1% de la SAU. Les surfaces fourragères sont essentielles pour nourrir le cheptel et nécessaires au bon fonctionnement de l’exploitation.

Chiffres clés 2021 (Source Agence Bio) 

Aujourd’hui en France 58 431 exploitations sont engagées en bio sur 416 000[22], soit 14% des exploitations agricoles.

10% de la surface agricole française est cultivée en bio.

81% des produits bio consommés sont français, majoritairement des œufs, du vin, du lait et des produits laitiers, de la viande fraîche.

Les secteurs où la part de bio est la plus importante sont les légumes secs (le bio représente 46% de la surface totale allouée à ce type de production), les plantes aromatiques (25%), la vigne (20%) et les fruits (16%).[23]

Les importations de produits bio en France diminuent : en 2020, 33,5% des produits bio consommés en France étaient importés contre 31,9% en 2021.  A l’exception des produits exotiques et de l’épicerie (par exemple banane, café, thé, cacao, sucres de cannes, fruits tropicaux) et des produits de la mer majoritairement importés (saumon d’Irlande et d’Ecosse et crevettes tropicales), les filières de transformation et de distribution bio sont approvisionnées principalement par des produits français.

La vente directe, souvent privilégiée par les consommateurs bio, induit l’achat de produits locaux non importés.

D. Portées par les distributeurs

Selon le 19ème Baromètre de la perception et consommation des produits bio publié en janvier 2022, 9 Français sur 10 consomment du bio dont 15% quotidiennement, et le nombre de consommateurs réguliers a augmenté en 2021 (76% en consomment au moins une fois par mois contre 73% en 2020). A souligner néanmoins, la baisse du nombre de nouveaux consommateurs (-4 points par rapport à 2020), avec seulement 11% de nouveaux acheteurs en bio.

Les distributeurs ont répondu à ces évolutions de consommation et on a observé ces dernières années un engouement très fort des enseignes pour le bio. La grande distribution, qui représente aujourd’hui 50% des débouchés, a multiplié le nombre de ses références bio, ce qui a permis de toucher un public plus large et de commencer à démocratiser l’accès à l’alimentation bio (même si les prix restent plus élevés que ceux des produits conventionnels et si elle se limite encore souvent, pour les consommateurs les moins aisés, aux plus grandes catégories comme le lait ou les œufs). 

Les distributeurs ont massivement développé leur offre de produits bio, notamment en multipliant les références bio de leurs marques distributeurs, telles que Casino, System U ou encore Carrefour, avec des prix souvent moins chers que les gammes bio des grands généralistes.

Aujourd’hui, la tendance s’inverse. Apres des années à avoir mis en valeur le bio en rayon et accru le nombre de références, la grande distribution limite désormais l’offre bio. Dans un récent courrier à l’attention des acteurs de la grande distribution, la FNAB, Synabio et Forebio critiquent la forte baisse des assortiments bio en grande distribution. Selon eux, en septembre 2022, l’offre avait reculé de 7.3 % depuis janvier 2022. Cette baisse est plus rapide que la baisse effective de la consommation de produits bio, mesurée à –5% sur la même période.

Depuis que la demande baisse, plusieurs filières, qui avaient fortement investi pour répondre à la demande des distributeurs et des consommateurs, se retrouvent en surcapacité, et sont contraintes d’écouler leurs produits sur le marché conventionnel, à des prix inférieurs aux coûts de production du bio.

IRI – Evolution des ventes et de l’offre bio (2022)[24]

Focus sur la filière lait de vache biologique

Le marché du lait de vache bio représentait 5,2% de la collecte laitière nationale en 2021. En raison de la surproduction de lait (les excédents étaient de 250 millions de litres en 2021), Lactalis, le premier groupe industriel laitier, a vu ses ventes de lait bio baisser de 2% entre 2020 et 2021 et a dû déclasser du lait bio vers la filière conventionnelle moins rémunératrice. L’entreprise a décidé de suspendre temporairement son soutien financier[25] aux nouvelles conversions en bio.  Selon son directeur général, le bio aurait « atteint son palier à 15 % du marché », et serait même « plutôt en régression dans certains pays ».  

En avril 2022, pour la première fois, les prix du lait conventionnel étaient supérieurs à ceux du bio. Le prix standard du lait conventionnel, en hausse de près de 23 % sur un an, s’établissait ainsi à 406€/ 1000l, soit 6€ de plus que le lait bio qui continuait de se replier (-1,8 %).[26]

Les conséquences sont dramatiques pour les producteurs de lait, qui ont investi du temps et de l’argent dans la conversion et dont les efforts ne sont pas récompensés, voire débouchent sur des pertes de revenus.

Depuis mai 2022, la collecte de lait de vache bio diminue. Cela s’explique par la sécheresse, les cessations d’activités et les décertifications.

Le cout de production et le prix de revient[27] sont plus élevés en production biologique qu’en exploitation conventionnelle.

Source : Agreste – Enquête mensuelle laitière SSP/ France Agrimer

Données moyennes nationales annuelles selon le type d’exploitation laitières [28]

E. …et poussées par les nouvelles règlementations sur la restauration collective

L’article 24 de la loi dite loi EGalim, imposait qu’au plus tard le 1er janvier 2022, les repas servis en restauration collective comptent 50% de produits de qualité et durables (y compris les produits CEE2 jusqu’au 31/12/2026 et HVE) dont au moins 20% de produits bio. Avec 3,7 milliards de repas servis par an, la restauration collective française (hôpitaux, cantines scolaires, restaurants d’entreprises ou Ehpad) constitue un levier de croissance important pour les filières bio. Toutefois, après une chute brutale des achats en 2020 liée à la crise sanitaire, les achats alimentaires bio du secteur ne s’élèvent aujourd’hui qu’à 6,6% de son volume total d’achats (377 millions €) soit la part des produits bio dans la consommation totale (6,6 % en 2021). Les objectifs fixés sont donc loin d’être atteints.

Les produits bio les plus fréquemment utilisés dans la restauration collective sont les fruits, légumes et produits laitiers.

Un des freins à l’approvisionnement en produits bio est d’abord le surcoût qu’il entraîne, susceptible de générer une hausse des prix pour les consommateurs finaux et notamment pour les familles dans les cantines scolaires. La limitation du gaspillage, l’approvisionnement en circuits courts et la généralisation des repas végétariens une fois par semaine peuvent permettre de mieux contrôler les coûts à l’avenir. Mais à court terme, le contexte d’inflation des prix à la consommation ne va pas simplifier l’équation.

Autre frein évoqué, l’accès aux produits bio. Les contraintes pour s’approvisionner en produits bio sont multiples : ruptures de stock de certains produits, difficultés à structurer des filières bio locales, contraintes liées aux règles d’allocation des marchés publics, efforts de sourcing, volumes importants sur lesquels s’engager, horaires de livraisons… Certains producteurs sont parfois réticents à contractualiser avec des cantines car ils craignent de ne pouvoir répondre dans la durée aux exigences du cahier des charges.  

II. Une dynamique qui s’essouffle

A. Baisse de la consommation par typologie de produits

Certains produits bio sont plus impactés que d’autres par la baisse en valeur de la consommation, notamment la farine (-18%), le beurre (-12%), le lait (-7%) et les œufs (-6%). Les fruits et légumes frais bio sont aussi en « vrai décrochage », avec des volumes d’achats en baisse de 11% sur un an, selon le président de l’interprofession Interfel, Laurent Grandin[29].

Il faut toutefois rappeler que l’année 2020 n’est pas forcément un bon point de comparaison. 2020 a en effet été une année exceptionnelle durant laquelle certaines habitudes de consommation ont été profondément modifiées. Du fait des confinements, les Français ont cuisiné davantage et ont privilégié les produits sains et locaux, ou simplement ceux qui restaient disponibles dans les rayons quand des pénuries menaçaient. Ils ont consommé par exemple davantage de farine bio, notamment lorsque la farine dite « conventionnelle » venait à manquer dans les supermarchés. Comme le souligne Pascale Hébel, économiste spécialiste de la consommation, directrice associée de la société de conseil C-Ways : « En 2020, le bio a d’abord été porté par les nombreuses ruptures de stocks : les gens achetaient ce qu’il restait en magasin et mettaient dans leur caddie des produits AB moins par choix que par obligation. » Il y a donc dans les baisses constatées en 2021 une part de correction.

B. Baisse de la consommation par circuit de distribution

La baisse des ventes de produits bio n’impacte pas similairement l’ensemble des canaux de distribution. Elle est principalement le fait des grandes surfaces alimentaires.  Selon l’institut IRI, entre janvier et fin août 2022, les ventes en valeur reculent dans la grande distribution (-5.6%) et dans les chaînes spécialisées (-4.8%). Dans les grandes surfaces, le nombre de références bio par magasin a ainsi baissé de 5% passant de 523 en moyenne début 2021 à 497 début 2022. Les surfaces spécialisées (La Vie Claire, Naturalia, Biocoop…) représentent 27% de la distribution du bio et sont, quant à elles, en repli de 1,8% en 2021.

De nombreux magasins spécialisés ont fermé leurs portes. Les sociétaires de la coopérative Les Nouveaux Robinson, par exemple, à l’origine de l’ouverture en 1993, du premier magasin bio d’Ile-de-France ont ainsi voté, en octobre 2022 la dissolution anticipée de la coopérative et la vente à venir de l’ensemble des actifs, dont l’entrepôt et les huit magasins restants.

III. Un contexte économique tendu

A. Le prix, principal frein à l’achat

Source : Association nationale de consommateurs et usagers (CLCV) décembre 2020[30]

Les écarts de prix entre le bio et le conventionnel sont importants. Plusieurs facteurs expliquent ce surcoût :

  • L’impossibilité d’utiliser des insecticides et herbicides engendre une augmentation de l’intensité en main-d’œuvre. A taille égale, une ferme bio génère en moyenne 30% d’emplois supplémentaires par rapport à une ferme conventionnelle[31]. Cet écart varie fortement selon les typologies de cultures[32]. C’est particulièrement vrai pour les productions à forte intensité en main-d’œuvre telles que le maraîchage, et moins pour les grandes cultures. La vente directe, plus importante dans les exploitations bio, nécessite également de la main-d’œuvre supplémentaire.

 

Nombre moyen d’hectares travaillés par unité de travail agricole selon le mode de production (2019, France)[33]

 

Agriculture conventionnelle

Agriculture biologique

Écart

Ensemble

60,60  

42,02

– 30,7 %

Grandes cultures

132,72 

133,12

0%

Maraîchage

9,20

5,35

– 41,8 %

  • Les rendements bio sont plus faibles particulièrement pour le maraîchage, le porc, la volaille et le vin. Ils sont liés notamment à la perte des récoltes les premières années et à la rotation des cultures.[34] Selon le rapport de la Cour des Comptes, entre 2015 et 2019, le maraîchage bio a produit en moyenne 19 000 €/ha/an (aides incluses) contre 31 000 €/ha/an pour le maraîchage conventionnel.
  • La taille des exploitations : la plupart des exploitations agricoles et des entreprises de transformation et de distribution bio sont petites et ne produisent pas de gros volumes permettant de réaliser des économies d’échelle et de mieux amortir certains coûts de production.
  • La marge commerciale unitaire de la grande distribution. En pourcentage, la marge sur les produits bio est 1,5 point plus élevée que sur les produits conventionnels. Les taux sont calculés sur les prix de revient agricole des produits bio, plus élevés que les prix de revient agricole des produits conventionnels. La marge est donc mécaniquement plus importante, puisque calculée sur un prix à la production plus élevé. Les distributeurs expliquent cette différence de d‘assiette par le vieillissement plus rapide des fruits et légumes bio qui induit sur les étals une perte plus importante et également par des frais de transports supplémentaires dus à des volumes moindres, limitant les économies d’échelle.

Si l’agriculture biologique engendre des surcoûts, en revanche, des économies sont réalisées sur d’autres postes de dépenses, notamment l’achat d’engrais et de produits phytosanitaires, et peuvent permettre de compenser une partie des charges.[35]  En grandes cultures par exemple, le poste engrais + traitement représente 75,98% des charges opérationnelles en non bio versus 34,19% en bio. Les charges opérationnelles sont les charges directement affectables : engrais, semences et protection phytosanitaires. [36]

Grandes cultures spécialisées

Bio

%

Non bio

%

Charges opérationnelles

234

 

508

 

Engrais

63

26,9

209

41,1

Semences

100

42,7

61

12,0

Traitements

17

7,3

177

34,8

Autres

53

22,6

61

12,0

Source : Etude du CER France 2019 ( à partrir des revenus 2016)

B. Inflation et baisse du pouvoir d’achat

La question du pouvoir d’achat a été l’un des sujets phares des récentes campagnes présidentielle et législatives, car elle est présente dans le quotidien des Français. Les craintes des ménages se focalisent en particulier sur les prix de l’énergie et de l’alimentation. Selon un sondage Harris Interactive pour Endenred, les Français anticipaient et redoutaient en juin 2022 les effets de l’inflation dans deux domaines en particulier : d’une part l’alimentation (88%), d’autre part les énergies (83%). Et de fait, l’inflation mesurée est très sensible dans ces deux secteurs. A commencer par les prix des énergies qui expliquent une grande partie l’évolution de l’indice des prix à la consommation (IPCH) et qui pèsent sur les dépenses contraintes ou pré-engagées des ménages, en dépit des efforts budgétaires considérables consentis par l’Etat pour amortir le choc (bouclier tarifaire, ristourne à la pompe, etc.).  La hausse des prix à la consommation s’est élevée à 5,2% en moyenne annuelle sur l’ensemble de 2022, un niveau moindre que la moyenne de la zone euro, mais très supérieur à la cible de la BCE (2%) et à ce qui était attendu avant la guerre en Ukraine.

Cette situation est d’autant plus problématique pour les ménages que l’évolution du salaire mensuel de base (SMB), bien que dynamique, est 1,5 fois moins rapide sur les trois premiers trimestres 2022, selon la Dares. Autrement dit, le pouvoir d’achat réel des consommateurs décroît. Chez les ménages les plus modestes, la part des dépenses énergétiques et alimentaires dans le budget étant supérieure à ce qu’elle est chez les ménages aisés, cette situation pousse à des arbitrages de consommation de plus en plus sévères.

Alors que la part de l’alimentation dans le budget général des ménages n’a cessé de décroître[37] depuis plusieurs décennies, habituant les consommateurs à une alimentation abondante et bon marché, il s’agit aujourd’hui d’un sujet de préoccupation majeure. Les Français estiment aujourd’hui dépenser pas moins de 30% de leurs revenus dans l’alimentation, à tort, pour la plupart d’entre eux : en réalité, en 2017, les 20 % des ménages les plus modestes (1ᵉʳ quintile de niveau de vie) consacraient en moyenne 18,3% de leur consommation aux dépenses alimentaires (produits alimentaires et boissons non alcoolisées), contre 14,2 % pour les 20 % des ménages les plus aisés (5ᵉ quintile).

La réalité est que les prix de l’alimentation étaient à la fois trop bas avant la crise pour pouvoir assurer un revenu décent aux producteurs, et qu’ils augmentent à présent trop vite compte tenu des pressions multiples auxquelles sont soumis les budgets des ménages.

Cette situation de tension s’explique par différents facteurs qui ne sont pas tous conjoncturels. La guerre en Ukraine joue bien sûr un rôle à la fois direct et indirect sur l’augmentation des prix alimentaires : directement, parce que les exportations depuis l’Ukraine ont été longtemps bloquées et les nouvelles récoltes dans cette région incertaines voire compromises, privant les marchés internationaux d’importantes quantités de denrées alimentaires (céréales, tournesol…) et d’intrants agricoles (notamment les engrais azotés) ; indirectement, parce qu’elle alimente une augmentation des prix de l’énergie qui se répercute sur les coûts de production des exploitations (gazole pour les engins, etc.)[38].  

Avant même le déclenchement de la crise ukrainienne, la pandémie de Covid-19 avait en outre profondément désorganisé les chaînes logistiques de la mondialisation, occasionnant une réduction des quantités de denrées disponibles ainsi que de certains matériaux d’emballage, et entretenant une montée des prix. A ces facteurs conjoncturels mais potentiellement persistants, s’ajoutent des rendements agricoles irréguliers et des récoltes décevantes du fait d’épisodes inhabituels et répétés liés au changement climatique (stress hydrique, inondations, gel tardif, canicules, etc.).

Ces différents facteurs sont les principaux ingrédients de la crise alimentaire mondiale qui a commencé à faire sentir ses effets. Dans ce contexte d’augmentation généralisée des prix à la consommation, les ménages ont encore moins de marge qu’auparavant pour consentir à payer plus cher des produits de qualité. Or, on l’a vu, les produits bio sont en moyenne plus chers que les produits issus de l’agriculture conventionnelle.

Même s’ils ont toujours été un frein pour les plus modestes, les prix du bio deviennent, dans cette situation de baisse du pouvoir d’achat, un véritable handicap au développement de ce type de consommation. Certains consommateurs vont devoir réaliser des arbitrages dans leurs achats et cet arbitrage ne sera sans doute pas favorable aux produits « premium » dont font partie les produits bio.

IV. Une concurrence forte

En outre, le secteur est de plus en plus concurrencé par d’autres offres (produits « locaux », « zéro résidu de pesticides », « sans additifs », « équitables »…), qui, parfois, s’approprient les codes du label bio sans offrir le même niveau d’exigence. Certaines de ces offres correspondent à de nouvelles attentes sociétales et sociales telles que la prise en compte du bien-être animal, la proximité géographique, la diminution des emballages plastiques, ou une meilleure rémunération des producteurs.

D’autres répondent à une montée de la défiance sur l’origine des produits bio et son empreinte carbone. Certains produits bio (café, fruits exotiques) sont importés d’outre-mer ou de pays lointains et doivent parcourir des distances importantes. La culture de fruits et légumes bio sous serre chauffée est autorisée, dans le respect des cycles saisonniers, ce qui a suscité l’opposition de la FNAB et du Synabio (Syndicat de l’agroalimentaire bio) qui en réclamaient l’interdiction. Par ailleurs, la rigueur des modes de production des produits bio dans des territoires lointains ou à l’étranger est parfois questionnée. Certains consommateurs se retrouvent ainsi dans une situation paradoxale. Ils souhaitent soutenir la production bio mais commencent à douter de ses vertus. Certains se tournent alors vers des produits locaux, pas forcément bio mais souvent plus abordables.

A. Des produits locaux

Le bio souffre de la forte concurrence des produits locaux qui sont de plus en plus plébiscités par les Français, notamment depuis la crise sanitaire. Selon une enquête du CRÉDOC, les produits locaux attirent majoritairement des consommateurs entre 45 et 60 ans, davantage préoccupés par des questions de localisation de l’activité alors que le bio intéresse, quant à lui, des populations plus jeunes et moins sensibles aux enjeux économiques. La question se pose ainsi pour de nombreux Français : vaut-il mieux opter pour une barquette d’agrumes bio récoltées en Espagne, ou bien pour une barquette d’agrumes non bio récoltées en France ?

Source : CREDOC, Enquêtes « Tendance de la consommation » – Infographie CGAAER. NB : le point de l’année 2020 correspond à l’enquête menée du 24 juin au 12 juillet 2020

Comme le rappelle un rapport[39] du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) publié en 2021, « Les produits locaux ne font pas l’objet d’une définition officielle. Différentes initiatives, publiques ou privées, déterminent leurs propres critères géographiques, de quelques kilomètres à 640 km. Il n’existe donc pas de données statistiques précises permettant de caractériser le volume de ces produits ». Ainsi, il est difficile d’estimer aujourd’hui les parts de marché que représentent les produits locaux car ils ne font pas l’objet d’une définition officielle et rigoureuse. La question du périmètre géographique est pourtant essentielle car les impacts environnementaux et la notion de proximité diffèrent selon la distance. De plus, les contours sont flous. S’agit-il de consommer des produits cultivés localement ou des produits transformés localement à partir d’ingrédients venus d’autres régions et/ou pays ? Si la consommation de produits locaux a toujours existé en France (marchés de plein vent ou ventes directes à la ferme), la pratique du « manger local » se répand de plus en plus depuis quelques années et elle est souvent associée à un certain nombre de présupposés et de vertus. Pour de nombreux consommateurs, l’alimentation locale est à la fois plus écologique et plus juste. Ce phénomène des « locavores » est international (projet villes en transition en Angleterre, créations de jardins collectifs et de fermes urbaines aux Etats-Unis, courant slow Food et association Via Campesina en Italie, association Regionalfenster en Allemagne, etc. ).

Plusieurs facteurs, plus ou moins rationnels, peuvent expliquer cette appétence pour la consommation de produits locaux :

  • Le besoin d’être rassuré sur les qualités sanitaires et nutritionnelles des produits.

Les dernières crises alimentaires (Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), également appelée « maladie de la vache folle », poulets à la dioxine, infection à la bactérie E. coli, etc.) ont engendré de la peur, de l’anxiété, voire une méfiance des consommateurs vis-à-vis de l’industrie agro-alimentaire et de ses longues chaînes de valeurs, considérant que la multiplication des intermédiaires augmente l’incertitude sur la transparence des processus de production et sur la traçabilité et la qualité des produits. La crise sanitaire, en remettant la santé au centre des préoccupations, est venue accentuer le phénomène. Certains se sont alors tournés vers des offres de proximité, pourtant pas nécessairement garantes de normes de sécurité sanitaire plus exigeantes que les grands groupes, dont les processus de fabrication sont souvent plus contraignants et plus contrôlés.

  • L’attention portée à l’empreinte écologique de son alimentation.

Cette idée est partagée par de nombreux Français. Pourtant, il y a peu de liens entre le caractère local d’un produit et ses qualités environnementales. Selon le rapport de France Stratégie[40] Pour une alimentation saine et durable, l’impact carbone lié au transport sur de longues distances n’est pas toujours prépondérant, en tout cas beaucoup moins que les conditions de production. Le transport représente 17% de l’émission de gaz à effet de serre dans le bilan carbone d’un produit en rayon contre 50 à 55% pour la production.[41] Or, le mode de production d’un agriculteur, même s’il est « local », n’est pas forcément vertueux[42] ! Le caractère local n’est donc en aucun cas la garantie d’une production durable.

  • Par protectionnisme économique

En privilégiant la consommation de produit locaux, les consommateurs peuvent souhaiter soutenir le tissu économique, la création d’emplois et de richesses dans leur territoire, voire défendre leur écosystème local. Ils veulent freiner les effets des pures logiques de marché et de la concurrence « libre et non faussée », considérant que l’alimentation n’est pas une marchandise comme les autres.

  • Par souci des producteurs

En décidant d’acheter des produits locaux, les consommateurs peuvent avoir le sentiment d’œuvrer à l’amélioration des conditions de vie des agriculteurs de leur environnement géographique en les plaçant au cœur des chaînes d’approvisionnement locales et en limitant le nombre d’intermédiaires susceptibles de capter la valeur.

  • Pour se « reconnecter » à son alimentation et jeter les bases d’un « localisme alimentaire ».

Certains consommateurs veulent limiter leur dépendance à l’industrie agroalimentaire et souhaitent « reprendre la main » sur un système qui leur semble trop mondialisé. Les plus militants d’entre eux rêvent d’une autonomie alimentaire locale. Les choses ne sont pourtant pas si simples. Plusieurs expérimentations ont été réalisées, notamment à Montpellier. Elles concluent que les capacités de productions locales existantes sont trop faibles pour atteindre l’autosuffisance. Ainsi, dans l’Hérault, il faudrait supprimer tous les vignobles et les remplacer par des cultures céréalières, maraichères et de l’élevage. De plus, face aux aléas climatiques qui sont de plus en plus fréquents, la concentration de la production à un seul endroit est risquée. Par exemple, la sécheresse comme celle de l’été 2022 aurait pu mettre en péril l’ensemble de la production.

  • Approche souverainiste et politique :

La consommation de produits locaux, avec sa dimension identitaire peut aussi être marquée par une dimension idéologique ou politique. En opposition au « global » qui viendrait détruire les spécificités culturelles, le local privilégierait « l’authenticité et l’art de vivre à la française ». Cette position est reprise par certains partis d’extrême droite. Comme l’indique sur son blog Hervé Juvin, ancien Député européen qui conseillait Marine Le Pen sur les questions d’écologie : « Le XXIe siècle sera celui du localisme (…), le siècle va être celui du retour aux origines, du local opposé au global, du proche opposé au lointain, du produit d’ici et des siens opposé au produit nomade, siècle aussi du concret, du sourcé, du stable, du défini, et même, du limité. ». Bien sûr, de telles mesures de protectionnisme économique auraient pour conséquences l’augmentation des prix et le développement de pénuries.

Si le local présente des limites comme on l’a vu plus haut, il est toutefois essentiel de ne pas l’opposer au bio. Dès lors qu’ils sont optimisés et concernent des produits issus de pratiques agricoles durables, les circuits courts de proximité présentent un potentiel important en termes de débouchés, nécessaires pour viabiliser la continuité de développement du bio et fournir des revenus aux agriculteurs qui se sont convertis. De plus, les débouchés locaux, en limitant le nombre d’intermédiaires permettent en effet aux producteurs de conserver la valeur et de retisser les liens qui se sont parfois distendus entre agriculteurs et consommateurs[43] .

La campagne « Manger bio et local, c’est idéal »[44] de la FNAB informe ainsi sur les différences et les convergences entre ces deux offres de valeur et promeut leur complémentarité pour répondre aux exigences de proximité et d’impact social et environnemental positif. Depuis seize ans, les acteurs de l’Agriculture Biologique organisent chaque année des évènements pour aller à la rencontre des consommateurs et des citoyens et leur faire découvrir les produits bio locaux à travers des animations variées.

Quelles différences entre local et circuit courts ?

L’agriculture biologique entretient un lien privilégié avec le tissu local. Elle est d’ailleurs plus représentée que l’agriculture conventionnelle dans les circuits courts.

Selon la définition donnée par le Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Pêche en avril 2009, le circuit court est un mode de commercialisation des produits agricoles qui n’implique qu’un intermédiaire au maximum entre le producteur et le consommateur. Il s’exerce donc soit par la vente directe du producteur au consommateur (vente à la ferme, marché de producteurs, vente par correspondance hors plateformes…) soit par la vente indirecte, à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire entre l’exploitant et le consommateur.

Même si elle ne fait pas partie de la définition stricto sensu du circuit court, la dimension géographique se trouve souvent, même de manière implicite, au cœur des projets collectifs visant à développer les circuits courts.

B. Les produits frais

Pour être considéré comme « frais » au moment de la vente, un produit doit répondre aux trois critères suivants[45] :

  • Avoir de bonnes qualités organoleptiques et hygiéniques
  • Ne pas avoir été conservé par l’adjonction d’additifs ou de conservateurs mais uniquement par la réfrigération et/ou la pasteurisation.
  • avoir été produit ou fabriqué depuis moins de  30 jours.

Les grandes surfaces spécialisées dans la vente de produits frais se multiplient à l’image des enseignes « Grand Frais », présentes sur tout le territoire, principalement dans les périphéries des grands centres urbains. C’est un véritable succès et plus de 20 nouveaux magasins devraient ouvrir en 2023[46]. Ce distributeur mise sur une offre de produits régionaux et issus – pour la plupart – de petites productions. L’objectif est de concurrencer les rayons frais des grandes surfaces traditionnelles et de miser principalement sur le vrac, les produits non transformés et les produits locaux. De plus, pour éviter aux consommateurs de fragmenter leurs achats, ce qui est très fréquent pour les achats bio, les enseignes proposent sur un même site une boucherie, une poissonnerie, une crémerie, parfois une boulangerie, ainsi qu’un peu d’épicerie. D’autres distributeurs proposent également des ventes de produits frais en ligne, sous la forme de paniers livrés directement à domicile. La facilité d’accès et les prix, souvent plus accessibles que les produits bio, en font des produits très concurrentiels face au bio.

C. Des autres labels

Il existe aujourd’hui une multitude d’appellations, de marques et de certifications. En rayon, les logos « Bio partenaire », « Bio Cohérence » côtoient les labels AB et Eurofeuille au détriment d’une bonne identification par les consommateurs. Certains d’entre eux sont moins exigeants en termes de cahier des charges que le label AB. C’est le cas du label Haute Valeur Environnementale (HVE), niveau 3 de la certification agricole environnementale des exploitations agricoles, mise en œuvre en 2012 par le Ministère de l’Agriculture lors du Grenelle de 2009. Souvent critiqué par les acteurs de la filière bio qui lui reprochent son manque d’exigence environnementale, le HVE avait l’ambition de permettre l’identification d’un palier intermédiaire entre le bio et le conventionnel. Selon un communiqué du ministre de l’agriculture en décembre 2021, 13% des exploitations françaises étaient certifiés bio contre 7% HVE (multiplication par 20 en trois ans)[47]. Il est utilisé uniquement en France et la mention est attribuée par le Ministère à une exploitation dans son ensemble. Moins contraignante pour les agriculteurs, le développement de la certification HVE est ainsi beaucoup plus rapide que celui de l’agriculture bio. Dans sa réponse à l’envoi du PSN, la Commission européenne s’étonnait d’ailleurs que le label HVE puisse offrir un même niveau de rémunération que l’agriculture bio, « alors que [son] cahier des charges est beaucoup moins contraignant ». Un nouveau référentiel[48], plus exigeant en matière environnementale est entré en vigueur à partir du 1er janvier 2023.

Alors que certains labels ont été créés par des instances nationales et européennes (Eurofeuille, AOC, AOP…), d’autres l’ont été directement par les filières ou des producteurs volontaires (« Zéro Résidu de Pesticides ») avec des processus de contrôle et de certification variables. Pourtant les labels doivent assurer au consommateur un processus d’élaboration, de production et de transformation spécifique. C’est un gage de qualité additionnel susceptible de justifier l’augmentation du prix du produit.

Les allégations nutritionnelles telles que les mentions « sans nitrites » ou « sans pesticides » se multiplient également pour la plus grande confusion des consommateurs. La multiplication de sigles, logos ou pictogrammes sur les emballages risque de brouiller le message et de créer l’incompréhension.

Conséquence de ce foisonnement d’offres, le niveau de confiance des labels reste très faible : 53% des consommateurs accordent leur confiance aux labels, 34% sont réservés et 13% ne sont pas convaincus. Le rapport de la Commission des affaires économiques du Sénat, publié en juin 2022, préconise un meilleur encadrement des labels et un renforcement des dispositifs de contrôle. « Avec la multiplication des labels privés, il faut travailler à une définition officielle de ce qu’est un label" rappelle Florence Blatrix-Contat, rapporteure de la Commission.

La généralisation du Nutri-score, qui vise à faciliter l’information du consommateur sur la qualité nutritionnelle du produit, vient aussi concurrencer le label AB. Recommandé officiellement par les pouvoirs publics français, ce logo fournit au consommateur une information sur la qualité nutritionnelle globale des produits. Il peut ainsi comparer les produits et orienter ses choix vers des aliments de meilleure qualité nutritionnelle. Fondée par l’arrêté du 31/10/2017, la démarche d’engagement des industriels en faveur du Nutri-score est volontaire mais il est largement déployé par les professionnels de l’alimentation[49] . La part de marché des marques engagées dans le Nutri-Score a dorénavant dépassé les 50% des volumes de ventes. Néanmoins, le Nutri-score ne donne aujourd’hui aucune indication ni sur la qualité environnementale du produit ni sur son processus d’élaboration. Il fournit des informations sur la composition du produit. L’objectif premier n’est pas d’aider le consommateur à orienter ses choix vers une consommation alimentaire plus respectueuse de l’environnement. Il s’agit uniquement d’améliorer la qualité nutritionnelle de son alimentation.

Pour y remédier, la Loi Climat et Résilience impose la mise en place d’un affichage de l’impact environnemental des biens et services. L’article 15 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a établi une phase d’expérimentation visant à déterminer les méthodes les plus susceptibles d’être retenues pour déployer un affichage environnemental harmonisé par secteur. Cet article a depuis été remplacé par l’article 2 de la loi Climat et résilience, publiée le 24 août 2021. Il prévoit une nouvelle expérimentation de l’affichage environnemental. Ces expérimentations sont pilotées par l’ADEME et le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.  La priorité est actuellement à la finalisation des expérimentations sur les secteurs alimentaires et textiles. L’objectif étant un ajustement du dispositif afin de permettre un déploiement large de l’affichage environnemental dans les années à venir, pour l’ensemble des produits de consommation et services. Des précisions sur les nouvelles orientations seront présentées courant 2023.

Plusieurs outils ont été proposés dans le cadre de l’expérimentation officielle sur l’affichage environnemental

  • Le label éco-score, utilisé notamment par l’application Yuka, permet de comparer facilement l’impact des produits alimentaires sur l’environnement. Il s’appuie sur l’analyse du cycle de vie (ACV) calculé à partir de données publiques (Agribalyse). Cette méthode d’analyse mesure les émissions de carbone d’un produit à chaque étape de sa vie. Elle intègre les impacts de la production, du transport et fabrication, et les emballages. Néanmoins, certains enjeux environnementaux, tels que la biodiversité, la protection des espèces menacées, ou encore l’approvisionnement local ne sont pas pris en compte dans l’ACV. Un système de bonus/malus complète le score pour permettre de couvrir un champ plus large de facteurs. Ainsi, dans le calcul de la note finale, les produits labellisés AB et Eurofeuille génèrent 15 points supplémentaires qui viennent s’ajouter à la note globale et les labels Nature & Progrès, Bio Cohérence, Demeter bénéficient d’un bonus de 20 points. C’est une belle reconnaissance du label AB qui pourrait susciter l’encouragement à la conversion de la part des acteurs de l’industrie agroalimentaire.
  • Le label Planet-score est quant à lui porté par les acteurs de l’agriculture biologique et l’UFC-Que Choisir. Conçue par l’Institut de l’Agriculture et de l’Alimentation Biologique (ITAB), il repose sur les différentes étapes de la vie du produit, sur ses effets sur l’environnement (pesticides, biodiversité, climat) et le bien-être animal pour les produits intégrant des produits laitiers ou des œufs. Le Planet-score comporte une notation globale et une note en dessous une note pour chacun des trois critères suivants : « pesticides » (santé et toxicité environnementale), « biodiversité » et « climat ».

Si les consommateurs sont sensibles à la dimension environnementale de leur alimentation, le sujet des conditions de travail et de la rémunération des producteurs les préoccupe également. Preuve de cet intérêt, le succès de la marque « C’est qui le patron » qui garantit aux producteurs une rémunération stable et des contrats de 3 ans. Aujourd’hui, la marque commercialise plus de 30 produits, vendus en grande distribution, soutient plus de 3 000 producteurs partout en France et plus de 12 800 sociétaires sont engagés dans la démarche.

Enfin, le commerce équitable répond lui aussi à cette demande. Le consommateur achète le produit à un prix garantissant au producteur une juste rémunération de son travail, dans un cadre social ainsi mieux préservé. Les produits issus du commerce équitable peuvent être locaux ou exportés (café, cacao). Les articles 257 et 275 de la loi Climat et Résilience ont ajouté une dimension environnementale supplémentaire au commerce équitable. A compter du 1er janvier 2023, l’agroécologie et la protection de la biodiversité seront reconnues comme parties intégrantes du commerce équitable et viendront compléter la définition légale du commerce équitable dans la loi. Le recours à un label pour toutes entreprises se réclamant du commerce équitable deviendra obligatoire.

En 2020, la FNAB a ainsi lancé son label « Bio. Français. Equitable » avec pour objectif de proposer un cadre clair ainsi que des outils de valorisation aux opérateurs économiques souhaitant s’engager dans des démarches de partenariats bio basés sur les principes du commerce équitable. Cette démarche concerne l’ensemble des opérateurs impliqués, des producteurs aux porteurs de marque des produits finis. Les produits sont labellisés, et non les opérateurs. Néanmoins, pour que le produit fini puisse être labellisé, tous les opérateurs doivent être évalués conformément aux critères du cahier des charges. Le label « Bio Equitable en France »[50] a également été créé en mai 2020 par des producteurs désireux de défendre un modèle d’agriculture écologique et durable. L’association est pilotée par plusieurs organisations de producteurs engagés.  Ils ont créé une alliance avec distributeurs (Biocoop) et des entreprises de transformation et ont élaboré un cahier des charges exigeant tant sur le plan social que sur le plan environnemental.

La concurrence des autres labels est de plus en plus forte. Il est donc essentiel de rappeler sans cesse aux consommateurs que le bio est la seule certification publique dont les bienfaits environnementaux et sanitaires sur la santé des consommateurs ont été vérifiés et confirmés scientifiquement (cf. étude BioNutriNet).

V. Et maintenant ? Quelles perspectives ?

Ces constats et analyses mettent en évidence les évolutions importantes du bio. Ils pointent les limites, mais aussi les opportunités du secteur. Le bio présente, et cela depuis plusieurs années, des fragilités, mais a aussi des atouts à faire valoir, notamment pour répondre aux grands enjeux que sont la lutte contre le changement climatique, l’adaptation à ses effets, ainsi que la protection des ressources et de la biodiversité.

A. Les risques

Soutenabilité du modèle économique

Si la demande continue de baisser, le modèle économique de l’agriculture bio, même en augmentant les subventions publiques, ne pourra trouver son équilibre  et assurer sa prospérité. Faute de débouchés, le nombre de conversions en bio risque de diminuer[51]et certains producteurs pourraient cesser d’être certifié ou/et revenir vers une agriculture conventionnelle. Laure Verdeau, directrice de l’Agence Bio interrogée par Le Monde en 2022 indiquait avoir comptabilisé 2 173 arrêts fin août, ce qui représente 3,7% de l’ensemble des producteurs bio au 1er janvier 2022. Il y a un an, le nombre d’arrêts était de 1 533, soit 2,9 %. Elle estime qu’à la fin 2022 nous avons dépassé les 5%.

La baisse de rentabilité liée à la diminution des ventes, à la baisse des prix de vente ou au déclassement des produits, risque d’entraîner des faillites ou des arrêts de la production. L’arrêt des subventions au maintien et le gel des nouveaux projets de conversion par les distributeurs faute de débouchés commerciaux ne vont pas aider. Cela risque d’anéantir les efforts humains et financiers déployés par les producteurs bio qui ont déjà entamé leur transition, qui innovent dans les modes de production, de commercialisation et sont ainsi mieux préparés à inventer de nouveaux modèles agricoles et alimentaires. Ces expériences avortées freineront le travail de sensibilisation et de promotion du dispositif auprès des autres agriculteurs.  

Bio et souveraineté alimentaire

Que ce soit au plan européen ou national, le sujet de la souveraineté alimentaire s’est imposé dans le débat public lors de la crise sanitaire, puis à nouveau lors de l’invasion russe en Ukraine.

Aujourd’hui, malgré toutes nos exportations, c’est le reste du monde qui contribue à nous nourrir plutôt que l’inverse[52]. En valeur, notre modèle agricole a une balance commerciale excédentaire. Mais en calories, nous restons importateurs vis-à-vis du reste du monde. Garantir notre souveraineté alimentaire à moyen et long terme supposerait d’accroitre considérablement nos volumes de production afin d’atteindre l’auto-suffisance. Cette logique ne fait pas nécessairement bon ménage avec le développement de l’agriculture biologique, associé à de moindres rendements. C’est un argument souvent utilisé au détriment du bio, pour justifier l’utilisation des intrants chimiques comme les pesticides ou les engrais azotés. Toutefois, cette logique productiviste ne ferait que remplacer une dépendance par une autre. L’intensification de la production engendrerait en effet une dépendance encore plus marquée aux énergies fossiles, notamment aux engrais azotés qui sont fabriqués à partir de grandes quantités de gaz. Elle accoiserait en outre la dégradation des sols, épuisés par des décennies de productivisme.

De plus, favoriser les rendements en production végétale n’empêchera pas le déficit de compétitivité d’autres filières ; notamment l’élevage hors sol (volaille et porc), et aquaculture. 

Enfin, il est essentiel de rappeler que la quantité de nourriture gaspillée dans l’Union européenne est plus élevée que celle importée (153,5 millions de tonnes contre 138 millions de tonnes en 2021).[53]

B. Les atouts

Le bio moins sensible à l’inflation ?

La hausse du coût des intrants, consécutive à la hausse des prix de l’énergie va se répercuter davantage sur le prix des produits issus de l’agriculture conventionnelle que sur ceux des produits bio, ce qui pourrait atténuer la différence de coûts et donc de prix entre les deux. Selon une analyse publiée par l’institut IRI, en grande distribution notamment, le niveau d’inflation des produits labellisés « AB » reste inférieur à celui des produits conventionnels, pour les deux tiers des 42 catégories analysées par l’institut.  L’inflation semble impacter davantage les produits agricoles conventionnels et, dans une moindre mesure, les produits bio, d’où un écart de prix qui se réduit.

La propension du secteur à contractualiser sur le long terme permet d’amortir la hausse des coûts et de limiter la volatilité des prix du bio. Moins sensibles aux évolutions de cours, les marchés bio, subissent moins de fluctuations de prix que les marchés de produits conventionnels.

L’agriculture bio plus résiliente face au changement climatique

L’agriculture est directement concernée par le changement climatique. Elle participe à son accélération et, en même temps, en subit directement les effets car elle est très exposée aux risques climatiques et aux aléas météorologiques.  C’est un secteur fortement émetteur (19% des émissions de GES françaises en 2015), mais qui est aussi porteur de solutions pour lutter contre ses effets car il a un rôle central dans la production d’énergie décarbonée et dans la séquestration du carbone.

Source : Synthèse du scénario de référence de la stratégie française pour l’énergie et leclimat – Direction générale de l’énergie et du Climat – 01/01/2020

Les externalités négatives générées aujourd’hui par l’agriculture conventionnelle sont estimées entre 0,9 Md € et 1,5 Md €/an pour les traitements de la pollution des eaux[54],  à environ 200 M€/an pour la pollution de l’air liée aux pesticides et engrais agricoles et entre 70 et 100 M€/an concernant a minima les atteintes à la biodiversité liées à l’eutrophisation des milieux (algues vertes)[55]. De plus, les agriculteurs font face chaque année à des aléas climatiques dont la fréquence et l’intensité augmentent.  

L’agriculture bio semble moins impactée que l’agriculture conventionnelle à cet égard. Plusieurs facteurs expliquent la plus forte résilience : 

  • La qualité des sols : grâce aux rotations des cultures et à la non utilisation des produits chimiques de synthèse, l’agriculture bio assure une meilleure qualité de l’assolement. Les sols cultivés en bio sont ainsi plus propices au développement des racines et à la rétention d’eau dans le sol, ce qui diminue la sensibilité des cultures en AB aux stress hydriques.
  • La diversification des cultures (espèces, variétés, saisonnalité) favorise une diversité génétique qui assure une meilleure résilience des cultures face à des chocs météorologiques .
  • La protection des haies et le maintien de bandes enherbées et des arbres évite les possibles ruissellements et les coulées de boues susceptibles d’impacter les cultures.

Source : étude ITAB- Externalités de l’AB -  2016

Le renouvellement des générations : une opportunité pour l’agriculture bio

Plus d’un quart des exploitants agricoles en 2020 avaient plus de 60 ans (+ 5 points par rapport à 2010)[56] et 58 % des exploitants agricoles actifs avaient plus de 50 ans. Cela signifie que, sur les vingt prochaines années, les ventes d’exploitation vont augmenter et de nombreux jeunes devront racheter les fermes d’agriculteurs partant à la retraite. Si l’on souhaite maintenir les exploitations en bio et éviter les décertifications, la phase de transmission est un moment clé. Alors que l’on observe une vraie appétence des nouveaux installés pour la production bio et en particulier chez les éleveurs, (un jeune sur deux aspire à devenir un exploitant agricole « bio ») il est crucial de ne pas les désinciter et de faire de cette nouvelle génération des promoteurs de l’agriculture biologique.

Les bénéfices écologiques et sanitaires de l’agriculture bio sont nombreux et prouvés et il est essentiel de continuer à développer des mesures de soutien et d’accompagnement du secteur. La décennie 2010–2020 a été un véritable accélérateur et a permis au secteur de changer d’échelle. Néanmoins, des fragilités sont apparues, concernant notamment le modèle économique de cette agriculture.  Nous formulons ci-après quelques propositions pour répondre à ces faiblesses, susceptibles de remettre en cause ce développement.

V. Propositions

SENSIBILISER LES CONSOMMATEURS AUX BIENFAITS DE LA CONSOMMATION DE PRODUITS BIO, RENFORCER LA CONNAISSANCE ET LA CONFIANCE DU LABEL AB

Dans l’esprit du public, le label bio se résume trop souvent à la seule non utilisation de produits chimiques de synthèse. Son rôle dans la transition écologique et les services écosystémiques rendus sont pourtant beaucoup plus larges. Pour améliorer l’information du public et la compréhension des multiples bénéfices du bio, il faut expliquer ce qu’est le label AB, ses obligations, ses modalités de contrôle, et informer consommateurs et agriculteurs des co-bénéfices économiques, écologiques et sanitaires du bio. La récente campagne #Bioréflexe, à laquelle plusieurs organisations et interprofessions (Cniel, Cnipt, Cnpo, InterApi, Interbev, Intercéréales Interfel, Synalaf, Terres Univia) ont contribué aux cotés de l’Agence Bio et du Ministère de l’agriculture, est, pour cette raison, une initiative à reconduire.[57]

Proposition 1 : Diffusion chaque année d’une grande campagne de communication sur les spécificités et bienfaits de l’agriculture biologique pilotée par l’Agence Bio.
Proposition 2 : La thématique de l’alimentation est de plus en plus présente dans la sphère médiatique, il faut s’appuyer sur ces relais pour contribuer à faire changer le regard sur le bio. Certains chefs (Guillaume Gomez, François-Régis Gaudry, Thibaut Spiwack…), présents dans les médias et les réseaux sociaux pourront être des ambassadeurs du bio.

Le bio devra impérativement être intégré au futur affichage environnemental sur les produits alimentaires. La démarche d’expérimentation mise en œuvre par l’ADEME est encore en cours.  Le label retenu devrait apparaître sur les emballages de nos produits dans sa version officielle à la fin de l’année 2023.

Proposition 3 : Rendre obligatoire dans la méthodologie du futur score environnemental certifié par l’Etat la prise en compte du label AB – s’assurer, quel que soit le dispositif retenu, d’un bonus significatif pour les produits certifiés en bio. Le critère bio devra également être valorisé dans le cadre d’un futur affichage environnemental européen.

MIEUX ÉVALUER L’IMPACT DE LA DÉMARCHE HVE ET AUGMENTER LES EXIGENCES DE SON CAHIER DES CHARGES

Incohérence, manque d’ambition, approche non-systémique, comparaison sévère avec l’agriculture biologique… les critiques à l’égard du label HVE sont nombreuses.  Comme indiqué dans une note de l’Office français de la biodiversité (OFB), « L’analyse détaillée des indicateurs de résultats de la certification environnementale HVE démontre que les seuils retenus ne permettent pas de sélectionner des exploitations particulièrement vertueuses […]. Cette certification ne devrait pouvoir être prise en compte dans le cadre de politiques publiques environnementales, ou en tant qu’argument de commercialisation sans tromperie du consommateur, qu’à la condition d’une révision profonde des critères d’éligibilité ». Pour que ce label ne « cannibalise » pas inutilement l’intérêt du bio, il faut en démontrer objectivement les bénéfices et les comparer à ceux du bio, à la fois en termes qualitatifs et en termes quantitatifs. Pour cela, des études d’impact à grande échelle sont nécessaires pour apprécier le changement réel de modèle des agriculteurs et de leurs pratiques culturales.

Proposition 4 : Mettre en place une véritable évaluation des performances environnementales et des co-bénéfices associés du dispositif HVE suite au relèvement du niveau d’exigence de son cahier des charges et les comparer à celles du bio, à la fois en termes qualitatifs et quantitatifs.

 

ENRICHIR LE CAHIER DES CHARGES POUR PRENDRE EN COMPTE LES NOUVELLES ATTENTES DES CONSOMMATEURS

Le cahier des charges associé au logo du label AB pourrait ainsi être réexaminé pour intégrer une dimension sociale (notamment une plus juste rémunération des producteurs) et répondre aux incompréhensions exprimées par certains consommateurs sur le label AB. En réponse à ces nouvelles demandes, la FNAB a récemment ajouté neuf critères sociaux pour l’obtention de son label. Parmi ces nouveaux critères, construits avec le soutien de la CFDT Agri-Agro, on trouve notamment l’encadrement des conditions de travail et la valorisation du statut de salarié agricole.

Proposition 5 : Ajouter au cahier des charges du label AB des obligations en termes de rémunération et de formation des salariés et le respect de la règlementation sur l’emploi des travailleurs détachés.

Une des difficultés sera de former à ces nouvelles obligations les organismes certificateurs agréés par les pouvoirs publics afin qu’ils puissent réaliser les contrôles. Cela prendra néanmoins du temps.  Autre difficulté, le cahier des charges du label AB est calé sur le cahier des charges européen (à 95%), qui a été modifié en 2018 et dont les nouvelles mesures sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021. La démarche pour de nouvelles dispositions risque de prendre au moins dix ans.

FAVORISER L’ACCESSIBILITÉ AU BIO POUR LE DÉMOCRATISER

Si les grandes et moyennes surfaces représentent 50% du marché bio, la configuration des réseaux de commercialisation du bio engendre encore des inégalités. Sur l’ensemble du territoire, il existe pourtant 26 000 points de vente directe contre 18 000 grandes surfaces. Malgré cela, les circuits courts développés et privilégiés par les agriculteurs bio tels que les marchés de plein vent ou les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP), limitent l’accès à la consommation des biens qu’ils produisent aux personnes appartenant à des classes sociales aisées et souvent informées. Comment démocratiser davantage l’accès aux circuits courts ? Les commerçants du quotidien comme les boulangers ou les bouchers peuvent être des intermédiaires ou des relais du drive fermier (le consommateur passe commande en ligne et récupère ses produits auprès d’un intermédiaire). Cette question se pose aussi dans les territoires ruraux, qui ne sont pas mieux positionnés. L’agriculture y est plus présente qu’ailleurs mais les circuits courts y sont plus faiblement représentés[58]. En effet, les bassins de consommation sont moins importants et les exploitants présents sont souvent regroupés dans des structures collectives qui assurent traditionnellement la commercialisation en filières longues.

Proposition 6 : Encourager les collectivités (communes et intercommunalités) à promouvoir et soutenir la création d’AMAP sur leur territoire pour améliorer l’accessibilité de tous à la vente directe. Utiliser les mairies, les salles communales et les maisons France Services comme lieux de distribution.

L’écart de prix entre le bio et le conventionnel est le premier frein au développement du bio. Pour réduire cet écart plusieurs solutions existent : la réduction des coûts de production grâce à la mutualisation ou à l’efficacité opérationnelle, ou la réduction des prix en diminuant le taux de TVA. Reprise par Yannick Jadot lors de la récente campagne présidentielle, cette dernière proposition est notamment portée par Michel-Edouard Leclerc[59] : « Je propose plutôt de supprimer la TVA sur les produits de qualité comme le bio, pour le rendre plus accessible et permettre à la population la plus modeste d’y avoir, elle aussi, accès. Je propose la TVA zéro pour le bio, forcément plus cher. Ça ne doit pas être réservé aux plus riches. »

Certains producteurs pourraient en profiter pour simplement élargir leurs marges et la réduction de la TVA ne se retrouvera pas nécessairement dans les prix. Dans le cas de l’agriculture bio, une telle captation au bénéfice des producteurs serait cependant moins critiquable que dans le cas bien connu des restaurateurs, les agriculteurs ayant des revenus souvent très limités. A défaut de contribuer exclusivement à la démocratisation de la consommation de bio, une telle baisse de la TVA rendrait alors la filière bio plus attractive pour les producteurs.

Des négociations européennes pourraient avoir lieu suite à la révision de la directive portant sur la TVA[60] (directive 2022/542 du conseil de l’UE du 5 avril 2022) qui indique « les États membres devraient avoir la possibilité de contribuer à une économie verte et neutre pour le climat en appliquant des taux réduits aux livraisons ou prestations de biens ou services respectueux de l’environnement  »

Proposition ­7 : Mise en place d’un taux de TVA très réduit à 2,1% sur les produits bio.

Une autre option favorable à la démocratisation du bio consiste à soutenir la demande des ménages qui en sont le plus souvent exclus en fléchant le « chèque alimentaire » vers ce type de produits. Issue de la Convention citoyenne pour le climat, cette proposition attend toujours sa mise en œuvre concrète. Pour le moment, le chèque alimentaire s’est résumé au versement d’une prestation en numéraire aux ménages modestes à la rentrée 2022. Un chèque alimentaire ciblé sur ces ménages mais exclusivement affecté à certains produits alimentaires de qualité – produits frais, de saison et/ou bio, par exemple – pourrait créer de nouveaux débouchés, toucher un public nouveau et éviter la diminution continue du nombre de références bio dans les grandes surfaces. Tout le monde n’a pas accès aux réseaux spécialisés, aux circuits courts notamment dans la périphérie des grands centres urbains et dans les quartiers politique de la ville (QPV). Pour éviter les déréférencements de produits et la limitation des offres, il faut stimuler la demande.

Proposition 8 :  Assurer l’éligibilité des produits AB au chèque alimentaire

Pour contrer l’inflation, plusieurs enseignes de la grande distribution ont lancé des opérations commerciales en soutien au pouvoir d’achat des Français en limitant la hausse de prix sur les produits du quotidien. Certains produits de premières nécessités labellisés bio (sucre, lait, café, biscottes, compotes, …) devraient être inclus dans ces offres.

Proposition 9 : Inciter la grande distribution à intégrer des produits bio français dans leurs opérations "prix bloqués » ou développer une offre spécifique de produits bio à prix coutants.

FORMER LES PROFESSIONNELS (ACTUELS ET FUTURS) DE LA FILIÈRE AGRO-ALIMENTAIRE À L’UTILISATION DES PRODUITS BIO

Nous sommes à un moment de bascule de notre modèle agricole car, dans les dix prochaines années, 100 000 agriculteurs partiront à la retraite, sur environ 400 000, soit un quart. Cette transition doit être anticipée. Il est indispensable de donner envie à de nouveaux agriculteurs de travailler en bio et de les former à cette pratique.  Les chambres d’agriculture peuvent être des relais. Le bio a largement pénétré l’univers des lycées agricoles mais il faut continuer d’intégrer cette dimension dans les référentiels de formation des futurs agriculteurs et former la prochaine génération d’agriculteurs à l’agriculture biologique.

Il est indispensable de sensibiliser ces professionnels aux spécificités du label AB afin qu’ils puissent en comprendre les bienfaits et déconstruire quelques idées reçues. Ces éléments ne font pas toujours partie des compétences requises pour l’obtention d’un CAP cuisine aujourd’hui. Concevoir des recettes à base de produits bruts de saison, mieux associer les céréales et les légumineuses sont autant de contraintes particulières attachées à la préparation/transformation de produits bio auxquelles les futurs cuisiniers devraient être préparés pour devenir eux-mêmes des agents actifs des transitions agricole et alimentaire. Certaines écoles de boulangerie et pâtisserie proposent déjà des formations et initiations aux produits biologiques.

Proposition 10 : Identifier les compétences nécessaires à la préparation des produits alimentaires bio, ainsi que les contraintes particulières attachées à la préparation/transformation de produits bio et adapter en fonction les référentiels de formation de CAP / BEP et écoles hôtelières.

ASSURER DES DÉBOUCHÉS

La meilleure façon de conjuguer bio et proximité est de multiplier les débouchés locaux des productions des agriculteurs bio. Des applications et des sites existent déjà, par exemple Kuupanda qui facilite la prise de commande avec des producteurs locaux, Distri ou Alancienne qui permettent de géolocaliser et/ou d’acheter des produits locaux en direct via les producteurs ou des magasins.

Proposition 11 : Stimuler la vente directe ou en circuit court en généralisant des outils de sourcing géolocalisés.

1. Améliorer l’accès de la restauration collective aux circuits courts ou à la vente directe 

La restauration collective publique, avec chaque année 3 milliards de repas servis dans 80 000 restaurants collectifs (cantines scolaires de la crèche à l’université, hôpitaux, EHPAD, restaurants administratifs…)[61] constitue un puissant levier pour soutenir le développement de l’agriculture bio en lui trouvant de nouveaux débouchés, notamment pour les productions en surproduction (yaourt, œuf, porc, etc.)..  Pour répondre aux exigences des lois Egalim et Climat et Résilience, les collectivités s’approvisionnent auprès des producteurs (en gré à gré, via une plateforme ou un groupement de commandes) et auprès de grossistes ou de centrales d’achat. L’approvisionnement en produits bio est néanmoins complexe pour de nombreux acteurs de la filière[62] (manque de structuration des filières bio locales, contraintes des marchés publics, etc.). Le mode d’approvisionnement le plus répandu en restauration collective reste l’achat auprès de grossistes.

Une des solutions est le développement de groupements de producteurs. Structurés ainsi, ils peuvent répondre aux appels d’offres lancés par la restauration collective publique. C’est ce qu’a fait par exemple la Chambre d’agriculture de la Somme, en créant « Somme Produits Locaux », une SAS qui réunit plus d’une soixantaine de producteurs. Ainsi fédérés, ils ont la possibilité de répondre aux marchés publics donnant accès à la restauration collective. Moyennant un droit d’entrée, chaque producteur du territoire peut adhérer à l’association.

Une société coopérative agricole, une union de coopératives agricoles, une société d’intérêt collectif agricole, une association, une société commerciale ou un groupement d’intérêt économique peuvent être reconnus, par arrêté ministériel, organisation de producteurs (OP). Au 1er janvier 2022, tous secteurs confondus, 596 organisations de producteurs et 33 associations d’organisations de producteurs étaient reconnues en France. Certaines de ces organisations regroupent uniquement des producteurs bio. En se réunissant, les producteurs peuvent également agir sur les prix en limitant la concurrence entre une multitude de petits producteurs isolés.

Proposition 12 : Automatiser la mise en place de sites internet régionaux qui mettent en lien acheteurs et producteurs locaux référencés AB et qui permettent de centraliser l’offre à destination des acteurs publics de la restauration hors domicile en proposant un catalogue numérique des offres de proximité. Associer au dispositif le réseau Manger bio ici et maintenant (MBIM) et les associations interprofessionnelles régionales bio ( interbio) .

2. Développer une offre de restauration qualitative dans les cantines d’entreprises.

Les entreprises ont une responsabilité sociétale, tant au niveau de la qualité de l’alimentation proposée à leurs salariés, qu’au niveau de leur implication auprès des producteurs bio de leur territoire. Pour certains salariés le repas de midi est parfois le seul vrai repas de la journée. Plusieurs entreprises ont déjà commencé. C’est le cas d’Orange, qui s’est rapproché de Corabio, groupement rhône-alpin du réseau FNAB. Corabio a pris en charge la phase de diagnostic, le suivi et la formation des équipes de restauration, le développement des approvisionnements locaux et la sensibilisation des salariés. Cette expérimentation sur un des restaurants d’Orange à Lyon a ensuite permis de déterminer un modèle d’approvisionnement en bio local. L’enjeu est double. Il faut sensibiliser et former les entreprises de restauration collective (Elior, Sodexo, Compass…) qui vont devoir changer leur process d’achat et leurs pratiques, mais également expliquer à leurs clients qu’il faudra payer un peu plus cher.

Ils y seront de toutes façons incités par la loi Climat et Résilience, qui imposent aux restaurants collectifs privés, comme les restaurants d’entreprises, de proposer 50% de produits durables et de qualité dont au moins 20% de produits bio (ou en conversion) à partir du 1er janvier 2024.[63]

Proposition 13 : Inciter les restaurants d’entreprise à adopter un cahier des charges intégrant 20 % de produits biologiques, former les équipes de restauration

3. Promouvoir davantage le bio dans la restauration commerciale et les services de livraison de repas

Seuls 2% des restaurants sont labellisés bio en France. Aujourd’hui, si l’on souhaite sélectionner un restaurant qui utilise des produits bio, via les plateformes de livraison, pour un repas d’affaires ou un déjeuner entre collègues, il est cependant possible d’utiliser des applications localisant les enseignes proposant des plats bio. C’est le cas de l’application MyEdenred qui aide à trouver les enseignes les plus proches grâce à un système de géolocalisation ou encore Place to bio et Etiquettable. Pour avoir davantage de visibilité, ces restaurateurs écoresponsables pourraient bénéficier d’un avantage concurrentiel via les titres restaurants. Ces derniers sont financés en partie par l’employeur, qui doit obligatoirement prendre à sa charge entre 50 et 60% de sa valeur, les  40 à 50% restant étant à la charge du salarié. L’entreprise pourrait augmenter sa prise en charge si le salarié les utilisait dans des restaurants « éco-responsables ». L’objectif étant d’encourager ses salariés à privilégier ces restaurants en prenant en charge les éventuelles hausses de prix. Un titre restaurant « premium » pourrait ainsi être créé. Les restaurants ayant obtenu le label AB mais aussi d’autres comme Ecotable (restaurants servant plus de 50% d’ingrédients issus de l’agriculture biologique) pourraient être éligibles.

Proposition 14 : Utiliser le ticket restaurant comme un levier pour les restaurateurs – leur donner envie de se convertir au bio pour élargir leur clientèle.
Proposition 15 : Créer une plateforme de chefs engagés pour l’environnement qui s’engagent à mettre certains produits bio à la carte de leur restaurant et  intégrer l’approvisionnement  bio aux critères de sélection de l’Etoile verte du guide Michelin.

4. Créer de filières territoriales et développer les projets de mutualisation

Le coût des produits bio est un frein pour de nombreux consommateurs. Les économies d’échelle peuvent permettre de réduire ce coût. De nombreux collectifs de producteurs ont ainsi été créés, pour travailler de manière collective et commercialiser des volumes plus importants et plus réguliers. Cela leur permet de renforcer leur pouvoir de négociation et de rééquilibrer les relations commerciales qu’ils entretiennent avec les acteurs économiques de l’aval de leur filière. Ils mutualisent ainsi les coûts liés à la transformation et à la vente des produits et réduisent les frais logistiques. Certains agriculteurs mettent en commun leurs outils de stockage et de transformation et travaillent ensemble à la commercialisation, par exemple en vendant des paniers de fruits et légumes. Ces initiatives locales sont bénéfiques mais restent insuffisantes. L’implication croissante des collectivités territoriales dans le développement des circuits de proximité, notamment en milieu urbain ou péri-urbain, peut permettre d’accélérer ce mouvement. Les nombreux Projets alimentaires territoriaux (PAT) mis en place récemment illustrent l’intérêt pour ces questions.

Les PAT réunissent des acteurs intéressés par les enjeux de l’alimentation (collectivités, entreprises agricoles et agroalimentaires, artisans, citoyens, etc.), qui se regroupent, établissent un diagnostic du territoire et cherchent des solutions concrètes pour répondre à des problématiques locales. Issus de la loi n°2014–1170 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014, ils sont élaborés à des échelles territoriales diverses : de la petite commune à la grande région, en passant par les parcs naturels régionaux, les pays ou les départements. 370 PAT étaient reconnus par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation au 1er avril 2022.

Le développement des filières bio fait partie des objectifs poursuivis par de nombreux PAT. Plusieurs actions peuvent être mises en œuvre : établir un diagnostic de la progression de l’agriculture biologique, sensibiliser élus aux spécificités et intérêts de l’agriculture biologique ou encore créer une régie municipale agricole (cf. PAT Pays du Grand Bergeracois ou de Mouans Sartoux). Dans le cadre des PAT, certaines métropoles s’engagent à fournir leurs cantines pendant plusieurs années avec un produit spécifique produit sur le territoire. C’est une garantie de prix et de durée pour le producteur, qui lui permet, grâce à ces marges, de s’équiper, éventuellement en mutualisant les investissements.

Proposition 16 : Continuer à développer les PAT – faire connaitre les bonnes pratiques, les évaluer et les généraliser

5. Accroitre le développement des contrats tripartites ou des doubles contrats bipartites 

L’agriculture bio ne pourra se développer que si les acteurs en aval s’adaptent eux aussi. Car, dans le cas contraire, les exploitants peineront à trouver des débouchés. Pour éviter des décertifications, il faut leur donner des garanties en leur assurant un prix rémunérateur, des contrats équitables et de la visibilité à moyen terme. Ces contrats apparaissent comme des outils de coordination à privilégier pour garantir sur la durée des débouchés et un accompagnement des agriculteurs. Ils assurent une stabilité des échanges et une possibilité d’anticipation. Les contrats tripartites lient producteurs agricoles, industriels et distributeurs. Le distributeur s’engage à acheter des volumes, sur une durée minimale à un prix défini. En contrepartie, les producteurs doivent suivre un plan de progrès coconstruit autour de critères agroécologiques. Les contrats bipartites producteur-fournisseur et fournisseur-distributeur sont liés, et toute modification d’un contrat ayant une incidence sur le prix est reportée sur l’autre contrat.

Picard a ainsi monté un partenariat avec la FNAB. Picard a signé trois contrats tripartites avec des organisations de producteurs sélectionnées par la FNAB et un transformateur, par lesquels elle s’engage sur trois critères : des partenariats sur la durée (au moins 3 ans), la garantie d’un prix juste et un versement supplémentaire de 1% au minimum de ses ventes aux agriculteurs, qu’ils pourront réinvestir dans la filière comme ils le souhaitent pour leur permettre de développer leur activité. Le label « Bio.Français.Equitable » de la FNAB apposé sur les produits Picard témoigne de cet engagement de la marque auprès des producteurs. De leur côté, les organisations de producteurs ont dû intégrer de nouvelles pratiques et notamment satisfaire à de nombreux contrôles et analyses afin de s’adapter aux exigences de Picard.

Proposition 17 : Etendre les contrats entre organisations de producteurs bio et distributeurs.

6. Développer davantage les filières de transformation bio

Aujourd’hui, une grande partie des produits transformés comme l’épicerie, les boissons non alcoolisées et les produits traiteur-surgelés sont importés car nous n’avons pas assez d’industrie de transformation bio. Pour réduire leur dépendance aux importations et à la grande distribution et réinvestir des filières intermédiaires, des producteurs se regroupent pour créer des ateliers de transformation et des points de vente directs. Le Comptoir des viandes bio Unebio par exemple, récupère les carcasses, les oriente directement vers les bouchers ou les retravaillent sur place, ce qui permet de vendre tous les morceaux. Ces démarches, très locales, devraient davantage être soutenues.

Proposition 18 : Développer localement des ateliers de transformation, dans le cadre programmes de développement agricole ou rural locaux, qui pourraient être en cofinancement FEADER ou LEADER.

AIDER LES PRODUCTEURS BIO À GÉNÉRER DE NOUVELLES RESSOURCES ÉCONOMIQUES

Pour aider les agriculteurs à s’engager dans la transition écologique, il faut proposer des solutions technologiques, contractuelles, économiques innovantes pour les accompagner dans leur transformation et leur garantir des revenus.

Alors que les aides au maintien sont supprimées, il est nécessaire d’aider les agriculteurs à identifier de nouvelles ressources financières. Parmi les dispositifs déjà existants, la production et la vente d’énergie permettent de générer des revenus complémentaires pour les agriculteurs. Certains produisent de la biomasse (cultures dédiées, résidus de culture, cultures intermédiaires et effluents d’élevage) et l’utilisent pour la production de biocarburants et la méthanisation. Au sein d’un méthaniseur, des déchets organiques et des résidus agricoles sont chauffés pour être digérés sans oxygène et générer du gaz, principalement du méthane, ainsi qu’un coproduit organique azoté qui peut servir de fertilisant, le digestat. D’autres revendent le gaz ou l’électricité produits directement aux opérateurs de réseaux énergétiques ou encore louent des surfaces pour les installations de panneaux solaires ou d’éoliennes.[64].

Encore faut-il que les agriculteurs puissent financer les infrastructures nécessaires et se former à leur utilisation. Le Fonds Avenir Bio, qui finance des investissements immatériels et matériels des opérateurs économiques qui développent des produits biologiques, pourrait aider à faire connaitre et à financer ces dispositifs. Le fonds, par des appels à projet, soutient d’ores et déjà la diversification des produits et débouchés et la réalisation d’économies d’échelle.

Proposition 19 : Mieux valoriser économiquement les bénéfices écologiques de l’agriculture biologique et intégrer au modèle économique le développement de services annexes : production d’énergie verte, biométhanisation, économie d’eau, stockage de carbone.
Proposition 20 : Utiliser le Fonds avenir bio ou les  aides aux investissements de FranceAgriMer pour accompagner les agriculteurs bio qui souhaitent développer des activités annexes telles que la production et la vente d’énergies vertes.

Faire du stockage de carbone un levier économique à travers l’émission de crédits carbone agricole.

L’agriculture biologique rend de nombreux services à la santé humaine et à l’environnement. Pour être réellement valorisées, ces externalités positives doivent être rémunérées. Il existe déjà plusieurs dispositifs à cet effet[65]. L’éco-régime, qui constitue une nouveauté de la PAC 2023–2027, rémunère mieux les agriculteurs certifiés AB. Son versement, sous la forme d’une aide directe, est conditionné à la mise en œuvre de pratiques en faveur de l’environnement. L’agriculteur reçoit une rémunération en échange du respect d’un cahier des charges favorable à l’environnement. Une prime « stockage du carbone » pourrait être ajoutée. L’allongement des cultures intermédiaires, la couverture du sol, les semis sous couvert, le développement des prairies temporaires et des cultures intermédiaires entre deux récoles, ainsi que l’apport de matière organique sur les sols, comme le fumier ou le compost sont autant de pratiques « à fort potentiel de stockage », souvent pratiquées par l’agriculture bio qui pourraient être rémunérées.  

La valeur tutélaire de la tonne de carbone sera, selon le rapport Quinet II, de 250€ / tonne de CO2 en 2030. Le différentiel de séquestration entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle[66] est de 0.5Cc/ha, on peut  donc formuler des hypothèses de bénéfices de 125€/ha.

C’est également l’objectif du Label bas carbone. Des collectivités, entreprises, ou associations peuvent acheter les crédits carbones pour compenser leurs propres émissions de CO2. Un agriculteur, si son projet est validé par le ministère, peut se faire rémunérer ses efforts en vendant de gré à gré sur un marché volontaire les tonnes de carbone économisées. À ce jour, une quarantaine de structures dont plus de 30 grandes entreprises sont déjà partenaires du Label Bas-Carbone et se sont déjà engagées à hauteur de plus d’un million d’euros. Néanmoins, l’accès reste complexe pour les agriculteurs car la participation se fait à des échelles très variées, du projet individuel au projet collectif intégrant plusieurs dizaines d’exploitants. Les premiers projets certifiés révèlent des coûts pouvant être supérieurs à 100 euros par tonne de gaz à effet de serre réduite ou séquestrée[67].

Proposition 21 : Rendre obligatoire le label bas carbone pour certaines entreprises fortement émettrices de C02.
Proposition 22 :  Inciter toutes les filières agricoles à créer leur méthodologie et valider leurs indicateurs à l’image des démarches engagées par la filière laitière et porcine.
Proposition 23 : Considérer le label AB comme un « price Premium » pour les agriculteurs bénéficiant du label carbon farming, la tonne carbone étant mieux rémunérée dans le cadre d’une exploitation certifié AB.

Conclusion

La démocratisation du bio s’est accompagnée d’une perte de confiance vis-à-vis du label AB et d’une dépréciation de l’image du bio. Les attentes sociales et sociétales évoluent et le bio n‘y répond plus totalement. La multiplication des labels et des certifications décrédibilise le label AB et engendre de la confusion pour les consommateurs. C’est cette confiance qu’il faut absolument reconstruire pour stopper le décrochage, assurer des débouchés aux nombreux producteurs, transformateurs et distributeurs qui se sont convertis au bio et donner envie aux futurs agriculteurs de s’installer en bio pour que transmission rime aussi avec transition.

Après des années d’efforts pour développer l’offre, il faut maintenant soutenir la demande et réussir à toucher tous les consommateurs sensibles aux facteurs nutritionnels et écologiques de leur alimentation, qui sont nombreux, mais qui n’ont pas forcément les moyens de consommer bio.

A l’exception de certains produits, les prix du bio sont encore en moyenne aujourd’hui plus élevés que ceux de l’alimentation issue de l’agriculture conventionnelle. A moins de faire baisser les prix, en en augmentant les volumes et en allégeant les surcouts liés au changement de pratiques agricoles, le public cible reste aujourd’hui limité aux catégories sociales le plus favorisées. Or, le développement du marché est conditionné à l’accroissement de la demande. Mais est-ce encore possible sur un marché aussi restreint ? Serait-il arrivé à maturité ? Le prix est-il un frein insurmontable pour attirer des nouveaux consommateurs ? 

Après des années de baisse de la dépense des ménages liées à l’alimentation, la crise du pouvoir d’achat vient questionner nos modes de consommation et peut représenter un vrai moment de bascule en transformant à nouveau notre relation à l’alimentation. Après avoir disposé pendant de nombreuses années d’une nourriture abondante et bon marché, il va falloir faire évoluer nos pratiques et nos habitudes. Plusieurs leviers existent pour limiter les coûts : augmenter la part de protéines végétales, limiter notre consommation de viande, réapprendre à cuisiner des produits bruts et de saison, gaspiller moins, acheter en vrac. Des solutions existent pour rendre compatible la nécessité de nous nourrir autrement et le maintien du pouvoir d’achat des ménages.

Cette révolution est possible mais engendre une prise de risque économique qui ne devra pas être supportée uniquement par les agriculteurs. Elle devra être accompagnée par tous les acteurs de la filière, aval et amont, et par de grandes campagnes de marketing social. Il faut résoudre l’équation prix, qualité, respect des modes de production écologique. Pour cela il faut sécuriser les relations commerciales en privilégiant la contractualisation de long terme. Le bio étant le premier pas vers une alimentation plus durable, chaque acteur de la chaine a une responsabilité pour le rendre plus accessible.

Les bienfaits de l’agriculture biologiques ne doivent pas être remis en question par les crises qui se sont succédées, l’évolution des pratiques agricoles est nécessaire pour répondre aux enjeux de la transition écologique. Ce serait une erreur stratégique de remettre en cause les grandes orientations du pacte vert et le soutien public à l’agriculture bio. Pour limiter notre dépendance aux engrais et répondre au choc climatique, notamment aux enjeux d’adaptation et de résilience, il est nécessaire et urgent de changer de modèle. Espérons que les concertations nationales et régionales qui vont commencer en janvier 2023 dans le cadre de la préparation de la future loi d’orientation et d’avenir de l’agriculture prendront en compte ces dimensions.

Remerciements : Eric Adam, Directeur des relations institutionnelles, Groupe Carrefour; Catherine Experton, Responsable des études, Agence Bio; Xavier Fender, Maraicher; Fanny Giansetto, Maître de conférences, Présidente de Ecotable; Mathias Ginet, Conseiller technique agriculture / cabinet du Président de la République et cabinet de la Première ministre; Eric Jumbert, Directeur de la croissance, Danone; Thierry Pech, Directeur général de Terra Nova; Christian Renault, Économiste. Associé et consultant AND-I depuis 1983. Expert des filières agro-alimentaires biologiques et conventionnelles; Ophélie Riesler, experte climat et consultante indépendante; Vincent Rousselet, Directeur général, Bio Equitable en France; Laure Verdeau, Directrice générale de l 'Agence Bio, Thibault Di Maria, en charge de la communication globale chez Ecotone


[1] Le taux de croissance est de 12,2 % en 2020, 13,3 % en 2019, 15,9 % en 2018, 17,6 % en 2017, 21,7 % en 2016 (source : Agence Bio Évaluation de la consommation alimentaire biologique. Édition 2021 – Données 2020)

[2] Entreprise spécialisée dans la gestion des données dans les secteurs des Produits de Grande Consommation, de la parapharmacie, de la grande distribution et des médias : https://www.iriworldwide.com/IRI/media/IRI-Clients/International/fr/IRI-Le-bio-en-grandes-surfaces-alimentaires_sept-22.pdf

[3] A l’inverse, la vente directe de produits bio a augmenté en 2021 de 7,9% par rapport à 2020

[4] https://www.insee.fr/fr/statistiques/6653898

[5] Voir la lettre ouverte aux acteurs de la grande distribution : 2022 lettre ouverte GD 25 11.pdf – Zoho WorkDrive

[6] En juin 2021, le Parlement a adopté une résolution sur « la stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 : ramener la nature dans nos vies » qui prévoit l’affectation d’au moins 25% des terres agricoles à l’agriculture biologique.

[7] Selon le projet stratégique national (PSN) transmis fin 2021 par la France à la Commission européenne.

[8] les repas servis en restauration collective dans tous les établissements chargés d’une mission de service public

[9] Règlement (UE) 2018/848 du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques.

[10] Feuille de route établie par la Commission européenne dans le cadre du Pacte vert européen qui impose notamment de consacrer 25% des terres agricoles à l’AB en 2030, réduire de moitié l’usage de pesticides et de 20% celui des antibiotiques dans l’élevage

[11] La rémunération de l’agriculture biologique a notamment été revue à la hausse.

[12] En 2021, on compte 58 413 exploitations en agriculture biologique, soit 13,41% des exploitations agricoles en France. Les surfaces bio, en hausse de 9% depuis 2020, atteignent 2,78 millions d’hectares.

[13]  Rapport public “Le soutien à l’agriculture biologique”

[14] Règlement (CE) n°834/2007 du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques

[15] RCE 834/2007 et règlements d’application.

[16] Aujourd’hui, 97% des Français reconnaissent la marque AB (d’après le baromètre Agence Bio/CSA 2018). .

[17] Infographie – L’agriculture biologique | Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire

[18]Article 244 quater L du CGI

[19] BOI-BA-RICI-20–40 – BA – Réductions et crédits d’impôt – Crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique | bofip.impots.gouv.fr

[20] Quelle place pour la bio dans la Dotation Jeune Agriculture à partir de 2023 ? – Produire Bio (produire-bio.fr)

[21] Source :  Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire- LE PLAN STRATÉGIQUE NATIONAL PAC 2023–2027

[22] Chiffres recensement agricole 2020

[23] Infographie – L’agriculture biologique | Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire

[24] https://www.iriworldwide.com/IRI/media/IRI-Clients/International/fr/IRI-Vision-Le-Mensuel-2022_P9_2022.pdf

[25]Primes de 40 €/1 000 litres de lait pendant les trois ans de conversion, avances de trésorerie, accompagnements pédagogiques, formation…

[26] Source : Agreste Conjoncture – Juin 2022

[27] Le cout de revient est (égal au coût de production de l’atelier lait duquel sont déduits le montant des aides et les autres produits (ventes des petits veaux, des vaches de réforme, etc.)

[28] Tableau de bord indicateurs du CNIEL Janvier 2023

[29] https://www.lalsace.fr/economie/2022/01/31/baisse-de-la-demande-de-produits-bio-on-veut-endiguer-cette-chute-brutale

[30] https://www.clcv.org/storage/app/media/uploaded-files/dp-enquete-prix-fruits-legumes-bio-et-conventionnels.pdf

[31] Bio et emploi / avis du CNA (2015) : https://www.cna-alimentation.fr/v2/wp-content/uploads/2017/03/CNA_Avis74.pdf

[32] Source: Recensement agricole 2010

[33] Source : Cour des Comptes – Le soutien à l’agriculture biologique- 30/06/2022

[34] D’après un rapport d’information du Sénat sur les financements publics consacrés à l’agriculture biologique ( 29/01/2020), les rendements des surfaces en agriculture biologique sont très inférieurs à ceux des surfaces en production conventionnelle : une baisse de rendement de 20 à 25% pour les végétaux, voire de 50 à 60% pour le blé tendre.

[35] Rapport de la Cour des Comptes 2021 : « Malgré la difficulté d’obtenir des résultats statistiquement  significatifs compte tenu de la faiblesse des échantillons disponibles, il  apparaît que les exploitations bio, dans leur ensemble, présentent des résultats économiques comparables à ceux des exploitations  conventionnelles pendant la période 2015–2019. Cette similitude masque néanmoins d’importantes disparités selon les productions »

[36] Pour obtenir l’ensemble des couts de production, il faut ajouter les charges de structure (mécanisation, frais divers, gestion, assurances, carburant, fermage…) et les charges supplétives (rémunération de la main d’œuvre familiale et des capitaux propres)

[37] Selon les données de l’ INSEE, l’alimentation représentait 29 % du total du budget de consommation des ménages en 1960 et seulement 17 % en 2019 .

[38] Voir Note de Mathias Ginet pour Terra Nova : “Guerre en Ukraine : comment sauver la sécurité alimentaire sans sacrifier la transition agroécologique ?”

[39] Rapport du CGAAER n°20074 : Les produits locaux

[40] France Stratégie – Pour une alimentation saine et durable  

[41] A nuancer néanmoins car l’empreinte carbone du transport diffère selon les produits. Les fruits et légumes par exemple, la production émet proportionnellement peu mais la réfrigération pendant l’acheminement consomme beaucoup d’énergie.

[42] Branden Born & Mark Purcell Avoiding the Local Trap – Scale and Food Systems in Planning Research

[43] Flaminia Paddeu, maître de conférences en géographie à l’université Paris 13: « Manger Local : Leurres et promesses  »

[44] https://bioetlocal.org/Le label Bio Equitable en France a été créé par l’association Bio Équitable en France portée par plusieurs organisations de producteurs engagés dans l’agroécologie, alliés à des entreprises de la bio. Le cahier des charges du label garantit des échanges commerciaux équilibrés et durables.

[45] note_cnc1990modifiee40392.pdf (economie.gouv.fr)

[46] Créée sous la forme juridique d’un GIE, Grand Frais réunit de plusieurs sociétés différentes (fruits et légumes, la crémerie et la poissonnerie, viande, etc. –) qui versent des charges fixes pour payer les caisses, le chauffage ou la sécurité.

[47] 24 827 exploitations étaient certifiées HVE en France soit 7 % des exploitations– chiffre en date du 1er janvier 2022

[48] Tableau-modifications-criteres-HVE-2023.pdf (chambre-agriculture.fr)

[49] Réponse du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation publiée dans le JO Sénat du 15/07/2021 : «  En juillet 2020, 415 entreprises étaient engagées dans la démarche Nutri-score en France, dont les parts de marché représentent environ 50 % des volumes de vente. »

[50] Le label Bio Equitable en France a été créé par l’association Bio Équitable en France portée par plusieurs organisations de producteurs engagés dans l’agroécologie, alliés à des entreprises de la bio. Le cahier des charges du label garantit des échanges commerciaux équilibrés et durables.

[51] L’Agence Bio estime à 4 070 le nombre de nouvelles fermes du secteur recensées entre janvier et fin août 2022, soit une progression de 7 %. Ce chiffre atteignait 5 411 sur la même période en 2021, affichant alors une croissance des effectifs de 12 %.

[52] Voir Note de Mathias Ginet pour Terra Nova :  “Guerre en Ukraine : comment sauver la sécurité alimentaire sans sacrifier la transition agroécologique ?”

[53] Source : Feedback-EU-2022-No-Time-To-Waste-report.pdf (feedbackglobal.org)

[54]  Bommelaer O. et Devaux J. (2011), Coûts des principales pollutions agricoles de l’eau, Paris, Commissariat

général au développement durable, 34 p.

[55] Marcus V. et Simon O. (2015), « Les pollutions par les engrais azotés et les produits phytosanitaires : coûts et

solutions », Études et documents, n° 136, décembre, Commissariat général au développement durable, 30

[56] Compétitivité de la ferme France (senat.fr)

[57] Selon l’Agence Bio, cette communication a permis d’augmenter les ventes de produits laitiers de 4 % et celles des fruits et légumes de 5% ( en volume).

[58] Agreste 2012 – https://draaf.pays-de-la-loire.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Agreste_2012_04CircuitsCourts_cle851261.pdf

[59] https://www.leparisien.fr/economie/michel-edouard-leclerc-il-faut-supprimer-la-tva-sur-les-produits-bio-14–03–2019–8032095.php

[60] L_2022107FR.01000101.xml (europa.eu)

[61] Source : Agir pour l’environnement

[62] Voir rapport de Terra Nova 2020 «  Les enfants à table : accélérer la transition alimentaire dans les cantines scolaires »

[63] Légifrance – Publications officielles – Journal officiel – JORF n° 0196 du 24/08/2021 (legifrance.gouv.fr)

[64] Pour rappel, le scénario de référence sur lequel s’appuie la SNCB envisage que deux tiers de la biomasse totale mobilisée à l’horizon 2050 pour la production d’énergie proviendront directement ou indirectement du secteur agricole

[65] La Commission européenne a adopté fin novembre une proposition relative à un premier cadre volontaire à l’échelle de l’UE pour certifier de manière fiable la séquestration de carbone de haute qualité. Cette proposition sera examinée par le Parlement européen et le Conseil. Sur la base de quatre critères (quantification, additionnalité, stockage à long terme, durabilité), la Commission élaborera des méthodes de certification adaptées pour les différents types d’activités de séquestration du carbone. La première réunion du groupe d’experts est prévue pour le premier trimestre de 2023.

[66] Salon Gattinger and al., 2012 Enhanced top soil carbon stock under organic farming, PNAS, vol 109 no 44, 6p

[67] Certification carbone : la Commission propose un cadre exigeant qui devra aussi être incitatif – I4CE

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