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Revue de presse

Une taxe carbone pour les énergéticiens français et allemands

Contre le charbon, Terra Nova propose un prix plancher du CO2 dès 20 euros la tonne.
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Comment faire sortir du charbon la production électrique européenne ? En relançant le couple franco-allemand et en entraînant le reste de l’Union à sa suite. C’est, en substance, ce que proposent six économistes, dans une note publiée mercredi 30 août par le cercle de réflexion Terra Nova. Les auteurs, spécialistes du climat, proposent la fixation – pour les énergéticiens français et allemands dans un premier temps –, d’un prix plancher de la tonne de carbone émise, autour de 20 à 30 euros. Mise en place à partir de 2020, elle permettrait à la France, selon les auteurs, de tenir la feuille de route présentée le 6 juillet par le ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, visant la fermeture des centrales à charbon nationales d’ici 2022.

« Il est évident que notre proposition implique une forte dose de diplomatie, mais si la France parvient à convaincre l’Allemagne de mettre en œuvre un tel système, les centrales à charbon sortiront très rapidement du marché, estime l’économiste Alain Grandjean, coauteur de la note. L’arrivée d’un nouveau président en France et la tenue prochaine des élections allemandes vont ouvrir une opportunité d’action historique. » En outre, le climat est à l’agenda diplomatique des deux pays : l’Allemagne organise, en novembre, la 23e conférence sur le climat (COP23), et le président français a annoncé cet été la tenue à Paris, le mois suivant, d’un « sommet d’étape » sur la lutte contre le réchauffement climatique, à l’occasion des deux ans de l’accord de Paris.

Pour les auteurs de la note, la mise en place d’un prix plancher du carbone commun aux productions électriques française et allemande renforcerait la coopération entre Paris et Berlin sur la question climatique. Elle aurait vocation à être ralliée par d’autres pays d’Europe de l’Ouest, dont en premier lieu l’Espagne et l’Italie. Et ce, indépendamment des institutions communautaires.

Corriger les carences du marché carbone européen

De fait, la proposition des six économistes vise d’abord à corriger les carences de l’une de ces institutions, à savoir le marché carbone européen – ou système européen d’échange de quotas (ETS). Ce dernier couvre les émissions des secteurs énergétiques et de l’industrie lourde qui, au total, comptent pour 45 % de l’ensemble des émissions du Vieux Continent. Mais, de l’avis général, cette Bourse au carbone fonctionne mal. Trop de quotas en stock combinés à une demande structurellement faible conduisent à un cours du carbone bloqué dans les limbes – autour de 6 euros la tonne ces jours-ci.

Le prix plancher du carbone proposé par Terra Nova entend précisément corriger ces prix structurellement bas. Mais la mesure ne serait appliquée qu’au secteur de l’énergie. « Une des raisons du blocage actuel vient de l’opposition des industries lourdes européennes à un tel prix plancher. De fait, elles sont soumises à la concurrence internationale, et font valoir qu’il n’y a pas de taxe carbone aux frontières de l’Europe, explique M. Grandjean. Au contraire, le marché européen de l’énergie n’est pas soumis à une telle concurrence et peut répercuter tout surcoût sur ses clients. » Maintenir les grosses industries très énergivores en dehors du dispositif permettrait de débloquer la situation, plaident M. Grandjean et ses coauteurs.

Selon leurs simulations, le prix plancher proposé renchérirait le coût de l’électricité de 6 à 7 euros par MWh en France et de 10 à 11 euros par MWh en Allemagne. Surtout, elle rendrait rapidement non rentable la combustion du charbon : le problème lancinant de la surcapacité électrique européenne (une capacité installée en hausse de 20 % entre 2008 et 2015 face à une réduction de 5 % de la consommation) se corrigerait spontanément au détriment de la source d’énergie la plus polluante.

Une proposition inspirée du Royaume-Uni

La proposition de Terra Nova n’est pas révolutionnaire. Elle s’inspire de la décision unilatérale du Royaume-Uni qui a mis en place, dès 2013, un tel dispositif à sa production électrique – une décision rendue possible par l’insularité du pays et l’autonomie du marché britannique de l’électricité. L’expérience est-elle concluante ? « Les données présentées dans la note s’arrêtent en 2015, explique l’économiste Philippe Quirion, chercheur (CNRS) au Cired et contributeur de l’association NégaWatt, qui n’a pas contribué au travail de Terra Nova. Mais en 2016 la tendance est encore plus nette : le prix plancher mis en œuvre unilatéralement par ce pays lui a permis de quasiment sortir du charbon dans la production électrique. »

La proposition de Terra Nova n’est cependant pas sans écueils : la sortie du charbon devrait, au moins dans un premier temps, être compensée par un recours accru au gaz – d’où une dépendance accrue à la Russie. En outre, rappelle M. Quirion, la France n’a jusqu’ici jamais réussi à rassembler ses partenaires autour de l’idée d’un prix plancher du carbone. « Une raison souvent avancée dans les autres pays est que la France défendrait cette option pour améliorer les résultats d’EDF et la rentabilité des centrales nucléaires, et ce n’est sans doute pas faux, précise-t-il. Fermer des centrales nucléaires en France en parallèle pourrait affaiblir cet argument. »


Stéphane Foucart


 

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