Aller au contenu de la page
Note

Chômage: publier les bons chiffres

Les statistiques des demandeurs d’emplois, publiées hier par le Pôle Emploi, ont fait l’objet d’un choix sélectif du ministère des finances, qui a retenu les 2,7 millions de demandeurs de « catégorie A », et non les 3,9 millions des catégories « A, B et C ». Selon Stéphane Jugnot, statisticien-économiste, il est temps de mettre fin à cette distinction : la catégorie A ne peut plus aujourd’hui prétendre refléter seule l’activité réelle du service public de l’emploi.

Publié le 

Le Pôle emploi a publié hier les statistiques des demandeurs d’emploi à fin mai 2010. Bercy a communiqué sur un chiffre : 2.7 millions de demandeur de « catégorie A ». Un autre chiffre circule aussi : 3.9 millions de demandeurs de « catégories ABC ».

La France compte-t-elle 2,7 ou 3,9 millions de chômeurs, soit presque 50% de plus ? Les médias s’y perdent. Les chiffres circulent, les sigles se croisent et les analyses divergent, jusque chez les institutionnels de l’information statistique. Les différentes catégories de chômeurs n’évoluent pas au même rythme, ni parfois dans le même sens, jetant progressivement le doute sur les évolutions du chômage en France.

Les données statistiques sur les demandeurs d’emploi sont présentées en cinq catégories (de A à E). La plupart des demandeurs d’emploi inscrits au Pôle emploi sont tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi : certains sont sans emploi (catégorie A), d’autres exercent une activité réduite très courte de moins de 78 heures mensuelles (catégorie B) ou une activité réduite plus longue, de plus de 78 heures au cours du mois (catégorie C). Par ailleurs, certaines personnes inscrites à Pôle emploi ne sont pas tenues de faire des actes positifs de recherche d’emploi : elles sont soit sans emploi mais non disponibles immédiatement (catégorie D), soit en emploi (catégorie E).

Dans le prolongement du souhait de l’Autorité statistique de davantage de pédagogie et de clareté, il est temps de cesser de mettre en avant les demandeurs d’emploi de la seule catégorie A (ceux n’ayant exercé aucune activité durant le mois) pour privilégier le chiffrage d’ensemble des catégories A, B et C, c’est-à-dire tous les chômeurs soumis à l’obligation de recherche active d’emploi. La pédagogie autour des chiffres ne suffit pas. Il faut changer les indicateurs et tirer les conséquences du fait que la catégorie A ne peut plus aujourd’hui prétendre refléter seule l’activité réelle du service public de l’emploi, et encore moins l’évolution du chômage au sens du Bureau international du travail.

Avec le développement du chômage de longue durée qui oblige à chercher des revenus d’appoint, ce sont en effet près de 40% des inscrits de Pôle Emploi qui sont aujourd’hui en marge des statistiques les plus médiatisées de la catégorie A : 1,2 million de chômeurs que Pôle Emploi et l’Assurance chômage encouragent à cumuler un petit boulot d’attente avec une allocation chômage tout en restant inscrits et soumis aux obligations de recherche d’emploi. A l’origine, l’enjeu était d’éviter que les demandeurs d’emploi ne s’éloignent durablement du marché du travail, pas de les exclure des statistiques du chômage.

 En se limitant à la seule catégorie A, on laisse pourtant accroire que les autres demandeurs d’emploi ne sont pas tout à fait des « vrais » demandeurs d’emploi, alors même qu’ils ont les mêmes obligations et les mêmes droits. Car, dans la pratique, là où les statisticiens trient les chômeurs entre catégorie A, B ou C, les agents de Pôle Emploi, eux, ne connaissent sur le terrain qu’une seule et même réalité : le chômeur inscrit soumis à l’obligation d’une recherche active d’emploi.

 Qu’ils soient catégorie « A », « B » ou « C », ils doivent en effet tous répondre aux convocations des conseillers de Pôle Emploi ou de ses sous-traitants, déclarer et actualiser chaque mois leur situation, sous peine d’être radiés. Qu’ils soient catégorie « A », « B » ou « C », ils peuvent bénéficier des mêmes services et du même suivi personnalisé, et s’ils ont accumulé assez de droits, ils peuvent bénéficier de l’Assurance chômage sans cesser de tenir des petits boulots d’attente. 

Prendre en compte les demandeurs d’emploi inscrits en catégorie « ABC », c’est donc prendre en compte la réalité de l’activité du service public de l’emploi, de ses inscriptions et de ses sorties, mais c’est aussi mettre en avant la réalité du chômage de longue durée, qui se mesure actuellement sur l’ensemble de ces catégories.

En ne retenant pas les bons indicateurs, le risque est que le nombre de demandeurs d’emploi qui s’imprime dans les esprits s’éloigne de plus en plus de la réalité. La perception de la dégradation du marché du travail s’en trouve ainsi minorée, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur les moyens que notre pays est prêt à accorder au service public de l’emploi et à la lutte contre le chômage.

La France compte bien, aujourd’hui, 3.9 millions de chômeurs, et non 2.7. Mieux mesurer, c’est mieux agir.

Site Internet fabriqué avec  et  éco-conçu pour diminuer son empreinte environnementale.
Angle Web, Écoconception de site Internet en Savoie