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Note

Derrière le miracle de la baisse du chômage

Les récents chiffres du chômage, publiés par l’INSEE le 5 Juin dernier, montrent une baisse significative du nombre des chômeurs. Guillaume Duval, rédacteur en chef de la revue Alternatives Economiques, explique que cette bonne nouvelle a une cause problématique : le fléchissement de la population active, du à la fois au vieillissement et à une recherche d’emploi atone.

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Le 5 juin dernier, l’Insee publiait les chiffres officiels du chômage au 1er trimestre 2008. Ils faisaient apparaître ne baisse sensible du nombre des chômeurs, descendu à 2 000 000 de personnes, ainsi que du taux de chômage, ramené à 7,2 %, pour la première fois depuis 1982.

Cette bonne nouvelle a immédiatement donné lieu à un grand exercice d’autosatisfaction de la part du gouvernement : « grâce à l’accélération des réformes pour libérer le travail, moderniser le service public de l’emploi et soutenir la compétitivité des entreprises, l’économie française crée des emplois », s’est félicité Christine Lagarde, ministre de l’économie.

Pourtant ce n’est pas tant, en réalité, le dynamisme des créations d’emplois qui explique cette baisse que la stagnation de la population active. Une évolution qui a plutôt de quoi inquiéter si elle devait se confirmer au cours des prochains mois.

Les chiffres publiés par l’Insee ont surpris tous les observateurs. A commencer par l’Insee lui-même qui avait pronostiqué, dans sa note de conjoncture publiée en mars dernier, que le chômage cesserait de baisser cette année.

Le nombre des créations d’emplois au premier trimestre 2008, 57 000 emplois dans le secteur marchand, a été certes non négligeable mais quand même deux fois moins important qu’au premier trimestre 2007.

De son côté le nombre des chômeurs inscrits à l’ANPE fait apparaître, une fois corrigé des variations saisonnières, l’inflexion prévue par l’Insee : avec 7700 chômeurs de plus au premier trimestre 2008 par rapport au dernier trimestre 2007, il augmente de nouveau pour la première fois depuis 2005.

Au cours des dernières années les chiffres du chômage avaient donné lieu à de vives polémiques du fait que le nombre des chômeurs inscrit à l’ANPE baissait davantage que ceux recensés par l’Insee sur la base d’enquêtes réalisées directement auprès des français. D’où des accusations de manipulation à travers une politique de radiation agressive des chômeurs inscrits à l’ANPE.

Au premier trimestre 2008, on s’est retrouvé dans la situation inverse : le chômage a baissé davantage selon l’Insee que ce qu’on pouvait attendre au vu de l’évolution des inscrits à l’ANPE. Or, il paraît peu probable, dans le contexte actuel, que l’agence soit brutalement devenue laxiste au premier trimestre 2008. Comment expliquer dès lors le miracle des bons chiffres de l’INSEE ?

La réponse se trouve dans le détail des données publiées : entre le premier trimestre 2008 et le dernier trimestre 2007, ce qu’on appelle la population active, c’est-à-dire l’ensemble des gens qui ont un emploi ou en recherchent un, n’a augmenté, selon l’Institut statistique, que de 5 000 personnes en France, soit à un rythme annuel de 20 000 personnes. Alors que l’an dernier ce nombre avait augmenté de 122 000 personnes et plutôt de 200 000 personnes par an au cours des années antérieures.

Il fallait donc créer au minimum autant d’emplois supplémentaires chaque année, pour commencer à faire baisser le chômage. Le départ en retraite des baby boomers explique bien sûr cette inflexion, mais son effet n’aurait pas dû être aussi important que ne le mesure l’Insee au premier trimestre.

En effet, il aurait dû être compensé en partie par le fait que des gens, jusque là découragés de prendre un emploi, se remettent à tenter leur chance sur le marché du travail. Or cela ne s’est pas produit : à force de ne créer pour l’essentiel que des petits boulots mal payés et à temps très partiels dans les services aux personnes, les gens ont été, semble-t-il, découragés de chercher un emploi. Et du coup, l’Insee trouve qu’il y a moins de chômeurs.

Il faut toujours prendre les évolutions mesurées sur un seul trimestre avec beaucoup de pincettes, mais si cette tendance devait perdurer, elle n’aurait rien de rassurant pour l’économie et la société française. Même si elle contribue à limiter le nombre des chômeurs officiellement reconnus comme tels…

Guillaume Duval
Rédacteur en chef de la revue Alternatives économiques
Auteur de « Sommes-nous des paresseux ? Et trente autres questions sur la France et les Français » Ed. du Seuil

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