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Revue de presse

En finir avec les inégalités salariales femmes-hommes

Delphine Chauffaut a travaillé durant plus de 10 ans dans l’évaluation et la construction des politiques publiques ; elle a été récemment conseillère en charge de l’égalité professionnelle au cabinet de la Secrétaire d’Etat en charge des droits des femmes. Elle signe une étude sur « les inégalités salariales entre les femmes et les hommes » pour Terra Nova.
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Delphine Chauffaut a travaillé durant plus de 10 ans dans l’évaluation et la construction des politiques publiques ; elle a été récemment conseillère en charge de l’égalité professionnelle au cabinet de la Secrétaire d’Etat en charge des droits des femmes. Elle signe une étude sur « les inégalités salariales entre les femmes et les hommes » pour Terra Nova.

Historiquement, quelle est l’évolution du phénomène des inégalités salariales ces dernières années ? Peut-on parler d’une réduction du différentiel et donc d’une avancée en matière d’égalité ?

Sur le temps long, nous assistons à une réduction des inégalités de salaires ; l’interdiction des différences de salaires, le développement des carrières continues des femmes, les progrès de leur éducation ont réduit ce différentiel. Toutefois, depuis les années 90, ces progrès se sont interrompus ; des politiques publiques doivent donc prendre le relai des évolutions sociales.

A défaut d’être justifiés, ces écarts ont bien des causes. Quelles sont-elles selon vous ?

Les causes de ces écarts sont multiples, et tiennent tant au marché du travail qu’aux rôles différenciés des hommes et des femmes dans la société. On peut segmenter ces facteurs en quatre grandes causes :

– Une différence dans le temps de travail ; les femmes représentent 80% des salariés à temps partiel. Si une partie de ce temps de travail réduit est « choisi », la majorité est imposé, soit par les contraintes du postes, soit par les contraintes personnelles des femmes

– Une différence dans les métiers exercés ; les femmes sont très majoritaires dans les métiers de service à la personne, les hommes dans le bâtiment … et cette ségrégation, dont on pourrait multiplier les exemples, s’accompagne de rémunérations en moyenne plus élevées dans les secteurs très masculins

– Une différence dans les postes ; les femmes subissent le « plafond de verre » et atteignent moins souvent les postes de responsabilité mieux rémunérés

– Enfin, une part reste non expliquée ; il s’agit pour partie de discrimination – illégale – mais aussi pour partie de facteurs divers, comme le fait que les femmes travaillent plus souvent dans des entreprises qui rémunèrent moins leurs salariés.

Le phénomène varie-t-il selon les catégories socio-professionnelles ?

Effectivement, les écarts de rémunération sont plus importants parmi les cadres, et cet écart s’accentue quand on monte dans la hiérarchie des entreprises. De nombreux travaux montrent que les femmes dirigeantes sont moins nombreuses, mais aussi moins payées que les hommes dirigeants.

Parmi les bas revenus, l’existence du salaire minimum limite de fait les inégalités de salaire horaire. On assiste toutefois à un autre mécanisme, qui est le recours, essentiellement pour les femmes, à des emplois à temps très partiels – le cas typique des emplois de service à la personne – ; qui produit des rémunérations mensuelles très faibles, souvent sous le seuil de pauvreté.

Votre étude ne s’en tient pas à dresser un tableau de la situation. Vous préconisez des pistes de réflexion et des propositions pour neutraliser les sources de ces inégalités. Lesquelles ?

Nous disposons d’une législation très fournie, et il semble que, sur ce plan, les progrès résident essentiellement dans la mise en œuvre effective des outils à notre disposition : ainsi, moins de 40% des entreprises qui y sont assujetties ont réalisé un plan pour l’égalité entre les femmes et les hommes en leur sein.

Nous proposons alors deux grands axes de pistes de travail.

Des pistes immédiates, agissant principalement sur l’information des salariés. Ainsi, un système d’information publique sur les niveaux moyens de rémunération permettrait à chacun-e de se positionner par rapport à la moyenne. Parallèlement, la détection via des outils statistiques des entreprises qui ont de fort différentiels de salaire, et leur accompagnement par les pouvoirs publics, permettraient de réduire rapidement les écarts élevés au sein des entreprises.

Des pistes de plus long terme, qui visent à modifier les stéréotypes liés aux métiers et aux conditions d’emploi et de travail, pour en limiter la dimension inégalitaire. Ainsi, les plans pour la mixité des métiers, la rénovation des organisations de travail – et notamment la suppression du présentéisme, entendu comme la présence excessive sur le lieu de travail -, mais aussi la promotion de modèles d’organisation familiale plus égalitaires seront des voies de moyen terme pour qu’hommes et femmes atteignent les mêmes métiers, les mêmes postes.

D’une façon générale, toutes les politiques qui ont un lien avec l’emploi (politique familiale, fiscale, économique …) devraient s’interroger sur leurs effets sur les inégalités d’accès aux emplois qu’elles peuvent engendrer.

Enfin, je voudrais citer une « petite » mesure qui me tient à cœur. Dans le cadre de la réforme en cours du compte personnel de formation, intégré au compte personnel d’activité, pourrait être prévu un mécanisme de « sur dotation » en heures de formation des personnes à temps partiel (dont nous avons vu qu’elles sont pour grande majorité des femmes). Ainsi, elles pourraient bénéficier de plus de possibilités de reconversion, et ne subiraient plus la double peine du temps partiel : moindre rémunération et moindre possibilité d’évolution.

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