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Note

Hollande an II : 22 pistes d’action pour l’emploi, le travail, l’industrie et la compétitivité

Un an après l’accession de François Hollande au pouvoir, Terra Nova propose une analyse critique des grandes options mises en place par le gouvernement en matière d’emploi et d’industrie, en les confrontant au contexte économique et social et à ses contraintes.

Publié le 

Par Martin Richer, coordonnateur du pôle Affaires sociales de Terra Nova

et le groupe de travail de Terra Nova chargé du rapport d’étape « Emploi – Industrie »

Le 8 juillet 2013

Prétendre dresser le bilan de l’action de François Hollande et de son gouvernement un an après son élection est aussi absurde que de se prononcer sur la performance d’un marathonien après huit kilomètres de course. C’est pourquoi Terra Nova a choisi d’inscrire l’analyse critique des choix opérés par l’exécutif dans le contexte des engagements pris lors de la campagne électorale, mais surtout des contraintes, des opportunités et des marges de manœuvre qui structurent l’environnement économique et social. Sur cette base, Terra Nova propose des pistes d’action pour l’An II et pour la suite du quinquennat. Est-il juste et pertinent d’accuser le gouvernement de n’avoir pas vu venir la crise ? Ce n’est pas la crise qui n’a pas été anticipée, mais la forte aggravation de celle-ci. Si l’on reprend les programmes électoraux des principaux candidats en 2012, l’évidence s’impose : aucun n’avait prévu une croissance zéro pour la France et une telle situation d’hétérogénéité de l’Union Européenne, handicapée par la concomitance de politiques récessives et de tentatives de relance trop isolées. Est-il juste et pertinent d’accuser ce gouvernement de ne pas tenir ses promesses ? C’est oublier que François Hollande a fait œuvre de pédagogie durant toute sa campagne (y compris lors des primaires de 2011), rappelant le poids de la contrainte de la dette et l’étroitesse des marges de manœuvre. Soucieux de la crédibilité de la parole publique, il s’est gardé de promettre plus qu’il ne pouvait tenir. Il a mis l’accent dès le début de sa campagne sur le défaut de compétitivité structurelle des entreprises françaises, l’ampleur de la désindustrialisation et les effets délétères du chômage de masse. Il a fait de l’assainissement des comptes publics, du redressement productif et de la réduction du chômage le cœur de son projet. Il n’a pas caché que les résultats ne s’obtenaient pas en un jour, ni même en une année… Foulées longues Dans un marathon, il y a des moments privilégiés où les efforts ne coûtent pas, où rien ne résiste à la fluidité des enjambées. Parmi ces longues foulées en apesanteur, on peut citer :- le rétablissement de la crédibilité extérieure de la France, qui permet à notre pays d’emprunter à des taux historiquement bas ; – les dispositifs permettant d’encourager l’innovation (avec une conception moderne et élargie de celle-ci) et la montée en gamme des produits, réponse pertinente aux enjeux de compétitivité ; – la priorité accordée à l’industrie et la mise en avant de son rôle central dans la dynamique économique du pays, l’effort entrepris pour restaurer l’image de l’industrie française ;- la meilleure compréhension des processus de restructuration d’entreprise, et les actions de préservation de l’emploi qui nécessitent une mise en synergie des acteurs au plus près du terrain, aujourd’hui facilitée par l’action de proximité des 22 commissaires au redressement productif en régions ; – la détermination d’un objectif ambitieux en matière de commerce extérieur (équilibre commercial hors énergie en fin de quinquennat) et la clarification des dispositifs facilitant l’accès aux marchés d’exportation, notamment pour les PME : sélection des couples produits-marchés prioritaires, simplification du paysage des aides à l’export, amélioration du financement, incitations en direction des grands groupes à accompagner leurs sous-traitants ; – le « choc de simplification » annoncé en avril 2013, qui reflète également une vision réaliste et pragmatique des obstacles à la croissance ; – les mesures prises pour mettre fin au non-respect des délais de paiement, qui représente aujourd’hui un facteur majeur de pénalisation financière pour les PME ; – la méthode d’implication des organisations syndicales, de conduite du dialogue social et de responsabilité partagée dans la mise en œuvre des grandes transformations sociales (à préciser toutefois que cette méthode sera mise à l’épreuve dans les mois qui viennent par trois grandes réformes non consensuelles : retraites, assurance chômage, formation professionnelle) ; – la loi sur la sécurisation de l’emploi (adoptée le 14 mai 2013 et issue de l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2013), aussi importante par la dynamique de dialogue social constructif qu’elle crée que par son contenu, qui concrétise de nombreuses innovations positives pour lesquelles Terra Nova a activement milité ; – le mode d’élaboration et de déploiement du changement, qui donne le temps à la concertation en amont des décisions (assises de l’entreprenariat, grande conférence sociale, rôle dévolu au Haut conseil du financement de la protection sociale, missions d’étude confiées à des experts…) et associe les corps intermédiaires et le Parlement. Faux-plat Il y a aussi, dans un marathon, ces longues périodes de faux-plat, qui lassent les muscles et fatiguent insidieusement. C’est le cas du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi adopté par le gouvernement en novembre 2012 à la suite des recommandations du rapport de Louis Gallois. Ce pacte a eu le mérite essentiel de focaliser les efforts sur toutes les dimensions de la compétitivité. Mais les 35 mesures qu’il contient restent encore insuffisamment communiquées et expliquées. Il faut davantage faire émerger, parmi les acteurs économiques et sociaux, des relais qui s’approprient ces mesures et contribuent à leur mise en œuvre en mode projet. Par ailleurs, le crédit d’impôt compétitivité et emploi (CICE) est un bon outil à court terme, mais ne doit pas obérer le besoin d’une réflexion plus globale sur les moyens de faire reposer le coût du financement de la protection sociale sur des facteurs autres que le travail. De même, les axes de la stratégie industrielle de la France restent à préciser. Des avancées ont été réalisées (renforcement du Conseil National de l’Industrie et des comités stratégiques de filières notamment), des initiatives visent à redonner à la France fierté et confiance dans son industrie. Quelques priorités sont identifiées (transition énergétique et éco-industries, santé et économie du vivant, numérique), mais on note l’absence d’un projet et d’une vision d’ensemble de ce que pourrait être une stratégie industrielle nationale à long terme. La connexion de cette stratégie aux instruments de financement reste également à concevoir et ne sera pas sans conséquences (par exemple, Bpifrance investira-t-elle en fonds propres exclusivement dans les secteurs prioritaires ?) de même que les choix en termes de technologies transversales (« enabling technologies »). Un effort plus déterminé doit être consenti pour mieux associer l’ensemble des parties prenantes à cette démarche d’élaboration. La création de Bpifrance, premier des 60 engagements de François Hollande, est certes accomplie sur le plan organisationnel. Mais le rapprochement de structures existantes (FSI, CDC Entreprises, OSEO) ne suffit pas à changer la donne. Il faudra juger de la mise en place d’une doctrine de financement et d’investissement qui reflète avec pertinence l’approche d’un financier « avisé mais patient ». Cette doctrine semble connaître une gestation difficile. Elle restera à confronter aux besoins du tissu économique et à évaluer, notamment par la mesure de son empreinte économique et sociale, par son effet d’entraînement sur la croissance des PME. L’insertion de l’économie française dans la mondialisation doit être repensée à la lumière des évolutions récentes (fragmentation des chaînes de valeur, qui offre des opportunités de délocalisation partielle plutôt qu’intégrale, de relocalisation de certaines activités ; effets des hausses de salaires dans les pays émergents, etc.). Terra Nova propose par exemple de favoriser des accords avec les pays du Maghreb pour y développer des partenariats industriels. Rétablir la confiance entre les entreprises et l’Etat constitue une ardente nécessité : les entrepreneurs ne sont pas des ennemis du changement mais des partenaires du redressement. Après des maladresses et des difficultés d’ajustement initiales, un mode de fonctionnement plus mature et partenarial est en marche. Au-delà, Terra Nova propose d’utiliser le nouvel outil que constitue le PEA-PME pour créer un véritable instrument d’épargne populaire, continuer à rapprocher les Français du monde de l’entreprise, rééquilibrer leur patrimoine (aujourd’hui concentré pour les deux tiers sur l’immobilier), drainer l’épargne longue vers les PME innovantes, développer une pédagogie de la prise de risque. Il faut aussi poursuivre les efforts visant à faire travailler mieux ensemble les grands groupes et les PME. Terra Nova propose de reconduire annuellement la conférence de l’achat public innovant (dont la première édition a été organisée à Bercy en avril 2013) pour inciter les acheteurs publics à prendre le risque – souvent gagnant – de solutions innovantes portées par les PME, d’inciter les grandes entreprises à publier la part de leurs achats réalisés auprès de PME françaises dans le cadre de la politique RSE et du reporting associé, de faire établir par les administrations d’Etat, les opérateurs publics et les hôpitaux des objectifs mesurables et des plans d’action du développement de l’achat public innovant auprès des PME et ETI françaises (Small Business Act à la française). La réforme de la formation professionnelle reste à concevoir : la France accuse dans ce domaine un retard important par rapport à ses principaux partenaires européens. L’effort de formation est mal réparti, trop dispersé et peu aligné avec les objectifs d’accompagnement des parcours professionnels. La prochaine réforme, contrairement à la précédente (accord interprofessionnel de janvier 2009) doit répondre aux enjeux. Terra Nova préconise de débuter sans attendre une démarche de concertation avec les partenaires sociaux visant à préparer la réforme de la formation professionnelle par la co-construction d’un diagnostic aussi partagé que possible, de mettre Pôle emploi et l’AFPA en capacité de proposer à au moins un chômeur sur deux une formation moins de deux mois après avoir perdu leur emploi. Par ailleurs, les entreprises et les administrations publiques doivent être beaucoup plus impliquées dans l’accompagnement et la construction des parcours professionnels de leurs collaborateurs. La politique du logement ne semble pas en mesure de changer la donne : le logement reste un frein majeur à la compétitivité du fait des coûts très élevés de l’immobilier (achat et location) et un obstacle à la fluidité du marché de l’emploi. Ces problématiques ne sont que partiellement visées par les réformes passées ou à venir. Le gouvernement (s’appuyant sur le dialogue social) a commencé à introduire des ruptures dans la gouvernance des entreprises : entrée de représentants des salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance des grandes entreprises, mise à disposition d’informations et de moyens à disposition des représentants du personnel pour enrichir la discussion sur la stratégie de l’entreprise, application plus stricte des dispositions concernant l’égalité professionnelle. Beaucoup cependant reste à faire dans ces domaines, notamment la concrétisation de la notation sociale. François Hollande a exercé un impact notable sur les priorités européennes. Alors que le débat en France s’est focalisé sur un aspect formel (la renégociation du traité européen), le curseur a bougé sur un aspect beaucoup plus tangible : le délai accordé aux pays pour atteindre l’objectif de 3 % de déficit budgétaire. Terra Nova recommande de poursuivre le dialogue avec les chefs d’Etat européens et la Commission pour convaincre de l’intérêt bien compris de l’UE de desserrer la contrainte budgétaire lorsque celle-ci conduit à l’étouffement, pour favoriser les mesures de croissance concertée. Mais l’essentiel reste à faire : capitaliser sur ces acquis pour convaincre de la nécessité d’une politique sélective d’investissements d’avenir à l’échelle européenne dans le cadre de programmes transversaux structurants pour la compétitivité (énergie, transition écologique, réseaux numériques…) favorisant les retombées industrielles. Si la cohésion des 28 (ou des 17 pays de la zone euro) n’est pas suffisante, la mise en œuvre du modèle des coopérations renforcées apporterait une réponse pertinente. A l’approche des échéances électorales de 2014, l’Europe doit changer radicalement et montrer qu’elle est une solution et non une source de contraintes. En l’absence de ces politiques, qui permettent de montrer aux citoyens que l’UE est protectrice, ces derniers continueront à se détourner de l’Europe et à chercher des solutions dans le repli… ou l’indifférence. Souffle court Dans un marathon, il y a aussi des moments de passage à vide, lorsque le souffle devient haletant et que la course n’est pas à la hauteur de la performance visée. La vaste réforme fiscale envisagée n’a pas eu lieu. De ce fait, le gouvernement n’a pas remis en cause le dispositif d’allègement de charges sur les bas salaires, qui représente un coût budgétaire considérable et crée des trappes à bas salaire, à pauvreté et à déqualification. Surtout, il s’inscrit à contre-courant de la politique d’innovation, de montée en gamme, d’enrichissement du travail et d’amélioration du positionnement de l’industrie française dans la compétition mondiale. Terra Nova propose de redéployer la moitié de ces allègements de charge vers des actions d’incitation à la montée en gamme (innovation, formation) et d’insertion professionnelle des jeunes. L’acte III de la décentralisation s’est égaré. Son ambition initiale a été totalement perdue de vue, phagocytée par les intérêts des différentes strates du « millefeuille administratif ». Or, l’enjeu sur le plan économique et social est considérable : la France manque cruellement de ces écosystèmes territoriaux qui font la force de l’Allemagne ou de l’Italie du Nord, propices au développement économique, à la facilitation des transitions professionnelles, rassemblant tous les acteurs dans une même dynamique : grands groupes et PME, banques, administrations locales, offre de formation, gestion de l’emploi, laboratoires de recherche. Ces enjeux sont désormais occultés par la préservation des rentes institutionnelles. Terra Nova appelle les acteurs économiques (pas seulement les pouvoirs publics) à miser résolument sur la décentralisation, le renforcement de leurs terminaisons en contact direct avec les entreprises et les citoyens, la subsidiarité. Le gouvernement n’a pas saisi l’opportunité de s’appuyer sur le travail comme levier du redressement productif. Comme son prédécesseur, il continue à occulter le travail derrière les urgences de l’emploi. Or, une politique résolument offensive vis-à-vis de la qualité du travail constituerait un levier de compétitivité, un facteur de sortie de crise pour les entreprises et un soutien de proximité au monde du travail, qui se sent aujourd’hui abandonné du politique. C’est pourquoi Terra Nova propose de remettre l’amélioration des conditions de travail au centre des politiques de qualité et de compétitivité et d’accompagner les suites de la négociation interprofessionnelle sur la qualité de vie au travail. Concrètement, il s’agit de favoriser l’expression directe des salariés, la reconnaissance, la négociation intégrative sur les différents volets de la qualité du travail, le renforcement des CHSCT, la professionnalisation du management et la prise en compte du facteur humain dans la conduite du changement et la gouvernance des entreprises. Le discours d’inversion de la courbe du chômage avant la fin de l’année est entendu comme une incantation. Malgré la « boîte à outils » (emplois aidés, contrats jeunes, loi de sécurisation de l’emploi, CICE, etc.), il manque terriblement de consistance et met à mal la crédibilité de la parole publique. Terra Nova souhaite que la politique de l’emploi ne se cantonne pas au traitement social du chômage et recommande à court terme de donner aux DIRECCTE et aux préfets de régions davantage de moyens pour pouvoir adapter les critères d’éligibilité (entreprises et bénéficiaires) des contrats de génération et des emplois d’avenir dans les territoires où la lenteur de leur montée en charge reflète une inadéquation entre l’offre et la demande d’emplois. Il faut également sans tergiverser étendre les emplois d’avenir aux PME du secteur privé. Il faut enfin adopter une approche plus créative de l’aménagement du temps de travail « tout au long de la vie » en brisant la séquentialité linéaire héritée du taylorisme : Entrée tardive et précarisée sur le marché du travailTravail excessivement intensif et pénalisant les équilibres (personnels, familiaux, sociaux) entre 30 et 45 ans Formation initiale Activation des droits à la retraite

Sortie prématurée et douloureuse du marché du travail

A l’heure de la société de la connaissance, des nouveaux équilibres sociétaux et familiaux, il faut davantage accompagner les alternances et les chevauchements de ces temps d’apprentissage, de travail, de repositionnement professionnel, de soin donné aux autres, de réalisation de projets personnels. Alors que François Hollande candidat avait très justement fait de la jeunesse la priorité de son action future, celle-ci s’est peu à peu enlisée dans les méandres de l’action gouvernementale, malgré la progression du taux de chômage des jeunes qui atteint le niveau de 26 % dans notre pays. Comme beaucoup de pays d’Europe du Sud, en l’absence d’une réorientation forte, nous fabriquons une génération sacrifiée. Pour contrecarrer cette situation dans les meilleurs délais, Terra Nova appelle à remettre vigoureusement l’accent sur les actions en faveur de la jeunesse. Il s’agit d’amplifier le dispositif de « garantie jeunes » associé à l’accompagnement des jeunes vers un parcours de professionnalisation (emploi ou formation). Il faut accorder à ce programme la priorité dans la communication et les actions gouvernementales dès le second semestre 2013, et accroître les ressources mises à sa disposition afin de viser l’accompagnement d’au moins 300 000 jeunes. Enfin, l’équipe gouvernementale n’a pas tiré les conclusions des conséquences combinées de la réduction du temps de l’action (due au passage du septennat au quinquennat) et de l’exigence d’immédiateté de résultats de la part de l’opinion publique. Ces évolutions nécessitent une conduite du changement beaucoup plus structurée et forte d’une réelle cohésion. Or les points faibles apparents depuis de nombreux mois ne sont pas tous en voie de correction : dévalorisation de l’avant et de l’après-changement, initiatives portées par des ministres davantage mobilisés sur leur domaine de compétence que sur le travail collectif, déficit d’autorité, déficience de l’articulation des priorités et de l’explication du sens des efforts demandés aux Français. En route vers l’An II Malgré les ravages de la crise, le désenchantement et les difficultés, une très large majorité de Français (71 %) estiment que « la France a la possibilité d’enrayer son déclin ». Ces Français ont raison. Entre fatalité et volontarisme, le gouvernement a clairement choisi le second, même si le délai d’un an est ingrat : beaucoup de mesures ont été prises, les efforts ont été consentis mais les résultats ne peuvent encore se traduire de façon visible. Le gouvernement a construit un socle solide pour le déploiement du changement. Le marathon ne se court pas et ne s’évalue pas comme un sprint. C’est une course de fond, un effort de longue haleine, qui requiert plus de persévérance que de fulgurance. Le départ est plutôt réussi, même si le terrain est moins praticable que prévu et si quelques coureurs ont trébuché. On peut utilement s’inspirer d’un spécialiste de la discipline, Emil Zatopek, qui disait : « Si tu veux simplement gagner une épreuve, cours un kilomètre. Si tu veux changer ta vie, cours un marathon ».

La réussite d’un quinquennat se juge sur cinq ans. Qui se hasarderait à se prononcer sur la performance d’un marathonien au bout de huit kilomètres ? C’est pourtant l’exercice auquel se sont livrés bien des commentateurs à propos de la première année du quinquennat de François Hollande. A rebours de cette démarche, nous proposons dans ce document une analyse critique des grandes options mises en place, confrontées aux engagements pris lors de la campagne électorale, mais surtout aux nécessités du contexte économique et social. Nous proposons également des pistes d’action pour l’An II et pour la suite du quinquennat.

Dans cet esprit, Terra Nova formule dans cette note les propositions suivantes :

- Proposition n°1 : S’appuyer sur les structures régionales, particulièrement OSEO et les Direccte [1] , pour faire connaître toutes les mesures du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi auprès des acteurs économiques et sociaux, chefs d’entreprise des PME notamment.

- Proposition n°2 : Evaluer le fonctionnement et l’impact du CICE [2] et poursuivre la réflexion dans le sens d’un report d’une partie du coût de la protection sociale sur des facteurs autres que le travail. Envisager un plafonnement du CICE pour les entreprises de plus de 5 000 salariés (effectifs consolidés).

- Proposition n°3 : Redéployer la moitié des allègements de charge sur les bas salaires vers des actions d’incitation à la montée en gamme (innovation, formation) et d’insertion professionnelle des jeunes.

- Proposition n°4 : Finaliser la doctrine du gouvernement sur la prévention et les modalités des restructurations, afin de donner de la visibilité aux acteurs économiques et sociaux. Favoriser l’anticipation, le dialogue social, les actions coordonnées et pragmatiques.

- Proposition n°5 : Formaliser avec le Conseil national de l’industrie et le Commissariat à la stratégie et à la prospective l’ambition industrielle de la France, les plans d’actions et les engagements réciproques des différents acteurs pour y concourir (grands groupes industriels, PME, Etat, CGI [3] , Bpifrance, territoires, organismes sociaux concernés…). Donner au Commissariat le rôle d’évaluer les résultats de ces plans d’action en favorisant le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes.

- Proposition n°6 : Simplifier l’organisation administrative française et lancer, avec tous les acteurs économiques, une dynamique de décentralisation des décisions au niveau régional, afin de favoriser l’émergence de réels écosystèmes propices au développement économique.

- Proposition n°7 : Encourager les stratégies d’insertion de l’appareil productif français dans la mondialisation construites sur une logique de segmentation de la chaîne de valeur, qui offre des opportunités de relocalisation de certains fragments. Favoriser des accords avec les pays du Maghreb pour y développer des partenariats industriels.

- Proposition n°8 : Poursuivre la simplification et le « reengineering » des dispositifs d’accompagnement des PME et des ETI à l’international (financement/assurance et garantie/compétences).

- Proposition n°9 : Créer les conditions d’un succès du PEA-PME en mobilisant les réseaux bancaires, en développant l’information des actionnaires, en communiquant auprès des épargnants et en développant une pédagogie de la prise de risque. Au-delà, lancer une réflexion pour faire en sorte que le PEA-PME devienne un vrai instrument d’épargne populaire, et favoriser le développement de nouvelles formes d’épargne longue : finance participative ( crowdfunding ), business angels , bourse des PME et bourses régionales.

- Proposition n°10 : Créer un site internet permettant aux PME de consulter et renseigner (anonymement) les délais de paiement des grandes entreprises clientes.

- Proposition n°11 : dans le cadre de la politique RSE et du reporting associé, inciter les grandes entreprises à publier la part de leurs achats réalisés auprès de PME françaises. Faire établir par les administrations d’Etat, les opérateurs publics et les hôpitaux des objectifs mesurables et des plans d’action du développement de l’achat public innovant auprès des PME et ETI françaises (Small Business Act à la française).

- Proposition n°12 : Remettre l’amélioration des conditions de travail au centre des politiques de qualité et de compétitivité et accompagner les suites de la négociation entre les partenaires sociaux sur la « qualité de vie au travail » en favorisant l’expression directe des salariés, la reconnaissance, la négociation intégrative sur les différents volets de la qualité du travail, le renforcement des CHSCT [4] , la professionnalisation du management et la prise en compte du facteur humain dans la conduite du changement et la gouvernance des entreprises.

- Proposition n°13 : donner aux Direccte et aux préfets de régions davantage de moyens pour pouvoir adapter les critères d’éligibilité (entreprises et bénéficiaires) des contrats de génération et des emplois d’avenir dans les territoires où la lenteur du décollage reflète une inadéquation entre l’offre et la demande d’emplois. Etendre les emplois d’avenir aux PME du secteur privé.

- Proposition n°14 : ouvrir une négociation interprofessionnelle sur l’aménagement du temps de travail, le travail à temps partiel choisi et le temps de travail tout au long de la vie, en articulant les différents moments (éducation, formation, congés parentaux, repositionnement professionnel, accompagnement d’un ascendant en fin de vie…).

- Proposition n°15 : débuter sans attendre une démarche de concertation avec les partenaires sociaux visant à préparer la réforme de la formation professionnelle par la co-construction d’un diagnostic aussi partagé que possible. Mettre Pôle emploi et l’AFPA [5] en capacité de proposer à au moins un chômeur sur deux une formation moins de deux mois après avoir perdu leur emploi. Les entreprises et les administrations publiques doivent être beaucoup plus impliquées dans l’accompagnement et la construction des parcours professionnels de leurs collaborateurs.

- Proposition n°16 : Intégrer la politique du logement et l’accompagnement de la mobilité géographique à la démarche d’amélioration de la compétitivité, de sécurisation de l’emploi et de réduction du chômage.

- Proposition n°17 : Amplifier le dispositif de « garantie jeunes » associé à un parcours contractualisé et lui donner une priorité dans la communication et les actions gouvernementales dès le second semestre 2013. Accroître les ressources mises à sa disposition afin de viser l’accompagnement d’au moins 300 000 jeunes.

- Proposition n°18 : Accroître les capacités des dispositifs d’insertion professionnelle.

- Proposition n°19 : différencier les taux d’imposition sur les sociétés en fonction du réinvestissement et les droits attachés aux actions en fonction de la durée de détention ; concrétiser la notation sociale des entreprises.

- Proposition n°20 : Poursuivre le dialogue avec les chefs d’Etat européens pour convaincre de l’intérêt bien compris de l’Union européenne de desserrer la contrainte budgétaire lorsque celle-ci conduit à l’étouffement, pour favoriser les mesures de croissance concertée.

- Proposition n°21 : définir et exécuter une politique sélective d’investissements d’avenir à l’échelle européenne dans le cadre de programmes transversaux structurants pour la compétitivité (énergie, transition écologique, réseaux numériques…) favorisant les retombées industrielles.

- Proposition n°22 : mettre en place une fiscalité écologique à l’échelle européenne. Poursuivre sous forme d’une coopération renforcée la mise en place de la taxation sur les transactions financières.

Tenir compte de la situation défavorable de la France

On ne rappellera pas ici les éléments bien connus de « l’héritage ». Celui-ci est lourd et justifie la position prise par les Français en faveur d’une alternance, exprimée avec cohérence lors des élections présidentielles d’avril et mai 2012, puis des législatives de juin. Le contexte économique n’est pas celui qui était prévu par les différents candidats en 2011. Aucun d’entre eux ne mettait en avant une croissance zéro à l’échelle européenne (et même une légère récession de la France), avec une très forte hétérogénéité entre les pays européens (coexistence de politiques d’austérité d’une part, et de politiques de compétitivité d’autre part). On ne peut accuser François Hollande, comme l’on fait certains, d’avoir nié l’existence de la crise. On peut en revanche rappeler que la crise a été plus profonde que ne le prévoyaient les différents candidats. Comme l’a déclaré Stéphane Le Foll [6]  : « Nous avions anticipé la crise, mais nous n’avions pas anticipé l’aggravation de la crise ».

Le poids de la situation de départ est donc particulièrement lourd ; d’autant plus lourd que la période évaluée (douze mois) est courte. Les deux principaux ouvrages publiés par Terra Nova avant la campagne électorale sur le bilan du « sarkozysme » [7] montraient clairement l’impact délétère des politiques menées sur le plan de la compétitivité, de l’emploi et des conditions de travail. Une telle situation ne se redresse pas en quelques mois.

François Hollande en était conscient. Durant toute la campagne, il a constamment rappelé l’étroitesse des marges de manœuvre et le poids de la contrainte de la dette. « Ce qui est en cause, c’est la souveraineté de la République face aux marchés. Voilà pourquoi je veux redresser la France, redresser ses finances et son économie, » écrivait-il dans l’introduction de son « programme » [8] .

Prolongeant l’approche de Lionel Jospin en 2002, il a fait preuve d’une parcimonie raisonnée dans la formulation de ses propositions, avec la préoccupation constante d’éviter désespérance et résignation mais aussi celle du sérieux et de la volonté d’être en capacité de tenir ses engagements. Ce souci du respect de la parole publique est à porter à son crédit. Elle rompt avec les usages antérieurs et fonde la responsabilité du politique.

Inscrire le redressement dans la préservation de la crédibilité de la France

Dans le contexte de l’arrivée au pouvoir d’un président socialiste, il faut souligner la différence essentielle avec le seul précédent de la V e République : en 1981, quelques mois après l’arrivée de la gauche au pouvoir, le rendement des emprunts d’Etat s’était envolé alors que début décembre 2012, il est descendu sous la barre des 2 %. Le rétrécissement du « spread » avec l’Allemagne (120 points de base à l’été 2011) est le signe tangible du rétablissement de la crédibilité extérieure de la France. Certes, l’environnement macro-économique est très différent, de même que les anticipations des marchés financiers. Mais cette différence s’explique aussi par la politique rigoureuse (ou « sérieuse » dans la terminologie de Matignon) menée par le gouvernement Ayrault, qui a fait du respect des engagements internationaux pris par la France une priorité explicite. La crédibilité de cette politique vis-à-vis des marchés est le signe que l’effort de redressement des finances publiques commence à donner des résultats.

Alors que la France a perdu son label AAA chez Standard & Poors (avril 2012) puis chez Moody’s (décembre 2012), jamais elle n’a obtenu de meilleures conditions de financement. Le 9 juillet 2012, pour la première fois de son histoire, l’AFT (Agence France Trésor) a emprunté à des taux négatifs. Depuis début 2013, le coût moyen d’emprunt français à moyen et long terme (émissions à plus d’un an) est de 1,45 %, contre 1,86 % en 2012, 2,80 % en 2011, 2,95 % en 2009 et 4,15 % en moyenne sur la période 1998–2007.

L’impact positif de la crédibilité de l’effort de redressement des finances publiques est considérable. D’après Le Monde [9] citant Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis, une économie de 1 % sur les taux des emprunts à 7 ans – la durée moyenne des emprunts français – représente 1,7 milliard gagné chaque année pour le budget de l’Etat. De même, une étude de la Commission Européenne montre que l’impact d’une hausse des taux de 1 % sur la charge de la dette est de 1,8 milliard en année 1 puis de 8,2 milliards en année 5 et de 12,8 milliards en année 10.

Améliorer la compétitivité dans toutes ses dimensions

La compétitivité de la France est aujourd’hui clairement menacée. Nous reprenons la définition du Conseil économique, social et environnemental : la compétitivité est « la capacité d’une Nation à améliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et à leur procurer un haut niveau d’emploi et de cohésion sociale dans un environnement de qualité. Elle peut s’apprécier par l’aptitude d’un territoire à maintenir et à attirer les activités et par celle des entreprises à faire face à leurs concurrentes ».

Le gouvernement a fait preuve de lucidité en prenant la pleine mesure de la désindustrialisation, qui frappe notre pays depuis le milieu des années 1990. Nul besoin de revirement (ou de « révolution copernicienne » pour les uns, de « perméabilité aux sirènes du Medef » pour les autres) : dès le début de sa campagne, François Hollande a fait du redressement des comptes publics et du redressement productif le cœur de son projet. Il a présenté dès janvier 2010 un « pacte productif » reposant sur le diagnostic d’un « défaut de compétitivité structurelle » des entreprises françaises, conduisant au « déclin dont la désindustrialisation est le premier symptôme ».

Ce diagnostic était juste. Car la désindustrialisation a atteint un niveau particulièrement inquiétant. Eurostat vient de publier les chiffres définitifs pour 2011 : la part de l’industrie dans la valeur ajoutée en France est passée de 18 % en 2000 à 12,5 % en 2011, contre 22 % en Allemagne, 19 % en Suède, deux pays qui disposent comme la France d’une structure de coût de la main d’œuvre industrielle élevée et d’un haut niveau de protection sociale. Dans la zone euro, seuls le Luxembourg et Chypre sont derrière la France. Désormais, l’industrie pèse plus lourd dans l’économie grecque que dans l’économie française… sans parler de la Grande-Bretagne, dont Nicolas Sarkozy nous disait qu’elle était devenue un désert industriel…

Cette désindustrialisation fait peser une lourde menace puisque l’industrie est à la source de la très large majorité des gains de productivité, des exportations, des investissements et de l’innovation. L’industrie exerce un fort effet de levier sur l’emploi. Une étude sur des données américaines [10] montre que chaque emploi dans le secteur manufacturier contribue à soutenir 2,91 emplois ailleurs dans l’économie contre 1,54 dans les services aux entreprises et 0,88 dans le commerce de détail.

La France dispose cependant de bonnes capacités de résistance et d’atouts indéniables : elle est le 5 e exportateur mondial (parmi les pays dont la taille est comparable à la nôtre, la France est même le 2 e exportateur par habitant), et en 2012, la croissance des exportations en volume n’a pas été sensiblement différente de celle observée en Allemagne. Elle reste très attractive vis-à-vis des investissements étrangers, ce qui montre qu’elle offre un bouquet d’atouts appréciables dans la compétition internationale. L’étude annuelle d’Ernst and Young sur l’attractivité [11] montre que la France est au premier rang des pays européens d’accueil des investissements étrangers industriels avec 127 projets en 2012.

Le succès de l’Allemagne en termes de compétitivité est souvent attribué au « Kurzarbeit » et à la flexibilité horaire du travail. Cette expérience doit-elle servir d’exemple en France ? Le modèle de pression à la baisse sur les salaires pour améliorer la compétitivité-coût est souvent vu comme un repoussoir : il pourrait cacher la réelle compétitivité de l’Allemagne, qui ne tient pas à ses coûts modérés mais à son positionnement dans la chaîne de production, à la qualité de ses produits, à la solidité de son tissu de PME industrielles et à la constance de son dialogue social.

Guillaume Duval rappelle, dans son ouvrage Made in Germany, le modèle allemand au-delà des mythes [12] , la mauvaise interprétation en France dans le débat public du Mittelstand allemand. Les entreprises allemandes exportent car beaucoup d’entre elles fabriquent des machines : ainsi, même une PME dans ce secteur peut être numéro 1 mondial et exporter une forte part de sa production, ce qui ne sera pas le cas d’une entreprise bretonne de purée biologique, même si elle passe de 50 à 200 employés… Il faut donc s’interroger sur la possibilité pour la France de reconquérir une position dans le secteur des biens d’équipement.

De même, il nous invite à ne pas croire que le succès de l’Allemagne repose sur les réformes initiées par Gerhard Schröder : l’une des thèses du livre est « qu’il est probable que l’action de Gerhard Schröder a plutôt fragilisé à terme l’économie et la société allemande en permettant que s’y répandent la pauvreté et les inégalités » et que les performances de son industrie ne sont pas dues à la flexibilité du marché du travail. Les « mini-jobs » à faible salaire (et protection sociale réduite) sont concentrés dans les services et la population féminine. La production industrielle allemande qui concurrence nos exportations sur les marchés internationaux est au contraire fabriquée par des salariés fortement syndiqués, qui bénéficient de conventions collectives de qualité (même si le taux de couverture conventionnelle est en érosion sur la période récente).

Dans leur ouvrage L’industrie française décroche-t-elle ? [13] , Pierre-Noël Giraud et Thierry Weil avancent que « des comparaisons d’entreprises allemandes et françaises de taille similaire montrent que le taux d’encadrement est très supérieur en France : on y emploie environ deux fois plus de main d’œuvre indirecte ». Sur un plan plus qualitatif, ils ajoutent : « Une partie importante des personnels encadrants allemands, du contremaître au PDG, ont commencé par exercer les métiers de ceux qu’ils supervisent, avant de saisir les occasions de qualification et de promotion qui leur étaient offertes. Dans le système de ‘castes’ français, la position occupée dépend beaucoup du diplôme obtenu, lui-même étant très corrélé à l’origine sociale. » Cette comparaison avec le « modèle allemand », dont beaucoup ne veulent retenir qu’un élément pris isolément, montre que la notion de compétitivité est globale.

Le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi adopté par le gouvernement en novembre 2012 à la suite des recommandations du rapport de Louis Gallois [14] , constitue probablement l’ensemble le plus systémique jamais mis en œuvre pour traiter de la problématique de la compétitivité dans toutes ses dimensions en dépassant l’opposition entre « compétitivité – coûts » et « hors coûts ». La plupart des experts s’accordent désormais sur le fait que cette opposition n’est pas très opérationnelle, comme l’a encore rappelé le rapport parlementaire présenté par Daniel Goldberg [15] .

Ce Pacte établit de façon très pragmatique la feuille de route de l’action du gouvernement envers les entreprises, en donnant de la visibilité et de la lisibilité à la cohérence de son plan d’actions. C’est à la fois un document pédagogique d’explication de la politique gouvernementale, et un contrat engageant le gouvernement envers le monde économique, permettant à celui-ci d’anticiper et de conforter sa vision pour les mois à venir.

Le document est synthétique, très opérationnel. Il faut en souligner la clarté. Pour autant, il ne semble pas qu’il ait reçu l’écho qu’on pouvait attendre. Il reste insuffisamment connu des chefs d’entreprise auxquels il s’adressait en premier lieu. La communication a-t-elle été insuffisante ? N’est-elle pas passée par les bons relais ? La méthode est-elle trop nouvelle ? L’attente de résultats, en termes de croissance et d’inversion de la courbe du chômage notamment, prévaut-elle à un point tel qu’elle chasse toute attention vis-à-vis des moyens mis en œuvre ?

Proposition n°1 : S’appuyer sur les structures régionales, particulièrement OSEO et les Direccte, pour faire connaître le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi auprès des acteurs économiques et sociaux, chefs d’entreprise des PME notamment.

Ce Pacte dresse la liste des 35 mesures mises en place à court terme (deux tiers d’entre elles ont déjà été lancées dans un délai de six mois, à mi-avril 2013) pour agir sur huit leviers majeurs de la croissance: la compétitivité, le financement des PME et ETI, la montée en gamme et l’innovation, la solidarité de l’appareil productif français, le développement à l’international et l’attractivité de notre territoire, l’adaptation de la formation aux besoins, la simplification de l’environnement réglementaire et fiscal et l’accompagnement par une action publique au service de la compétitivité.

Il comporte notamment des mesures en faveur de :

la réduction du coût du travail avec le crédit d’impôt compétitivité et emploi (CICE), mais aussi

celle du coût du capital pour les entreprises (réorientation de l’épargne des ménages, notamment vers le financement des PME, création de la banque publique d’investissement, réforme bancaire),

et surtout des politiques en faveur de la performance hors coût, visant la coopération (filières industrielles, promotion du « fabriqué en France »), l’innovation (pôles de compétitivité, crédit impôt recherche), la simplification administrative, l’encouragement des pratiques responsables sur le plan environnemental (fiscalité écologique).

C’est la première fois qu’un gouvernement de gauche admet clairement que la France est handicapée par un problème sérieux de compétitivité et que, même s’ils n’en constituent pas l’essentiel, les coûts salariaux en font partie intégrante. Dans son dernier rapport écrit avec Louis Schweitzer, Olivier Ferrand l’avait pointé avec force [16]  : « Les coûts de production en France sont très élevés, notamment par rapport à l’Allemagne. (…) Alors que le coût du travail dans l’industrie allemande était de 10 % supérieur à la France, il est aujourd’hui identique avec un coût horaire industriel de 33 euros. Mais à coût égal, l’Allemagne bénéficie d’une image de marque plus avantageuse, celle du « made in Germany ». Or l’Allemagne est le premier concurrent de la France sur les marchés européens et mondiaux. Sept produits et services français à l’export sur dix trouvent en face d’eux un produit ou service allemand concurrent. La dégradation de la balance commerciale française est fortement corrélée au redressement de la balance commerciale allemande. »

Cette perte de compétitivité n’est pas une vue de l’esprit. Terra Nova a estimé son impact sur la période 1998 – 2008 : « Une perte de plus de 100 milliards d’euros d’exportations, soit 5 points de PIB. (…) Nous avons perdu 0,5 % de pouvoir d’achat par an du fait du recul de notre compétitivité. Sans ce facteur, nous aurions au bas mot un demi-million de chômeurs en moins, ce qui nous ramènerait au niveau allemand, l’un des plus bas d’Europe, et notre déficit budgétaire serait moindre de 2,5 % avec une dette publique de 60 % » [17] .

A l’autre extrémité du spectre des opinions, il serait fallacieux de masquer le fait que dans de nombreux cas, la dégradation depuis dix ans de notre commerce extérieur de produits industriels résulte aussi d’échecs stratégiques d’entreprises. De même, on ne peut réduire la problématique de compétitivité de la France au seul « poids » des coûts salariaux.

Même COE-Rexecode, qui a beaucoup insisté sur la problématique salariale, constate dans sa propre étude [18] que les produits français sont positionnés au-dessus de la moyenne du marché international en termes de coûts mais aussi en termes de qualité, de contenu en innovation, d’ergonomie-design, de notoriété, de services associés aux produits. Ils sont cependant moins bien classés en termes de délais de livraison, de variété des fournisseurs, de prix et de rapport qualité-prix. Deuxièmement, les produits allemands sont eux presque toujours en tête sur tous les critères et dans tous les secteurs, à la notable exception des prix des produits agroalimentaires.

Philippe Askenazy [19] a montré « les incohérences de l’hypothèse d’un coût du travail excessif qui obérerait la compétitivité de la France ». Il observe que « de 2005 à 2012, les prix de production de l’industrie manufacturière ont bien moins progressé en France qu’en zone euro et singulièrement en Allemagne, sans que l’on observe de progrès de notre balance commerciale » et rappelle que « les estimations de la Commission européenne (Bilan approfondi pour la France du 30 mai 2012) montrent que l’essentiel des pertes françaises en matière d’exportations de biens manufacturés porte sur la compétitivité hors coût. »

Le point de vue des principaux intéressés, les responsables de sites industriels, va également dans le sens de relativiser le poids des coûts salariaux. Dans une étude menée fin 2012 par les consultants de Roland Berger en partenariat avec L’Usine Nouvelle [20] , les directeurs de sites industriels ont été interrogés sur leur perception de la compétitivité et de ses critères. Il en ressort que 63 % d’entre eux considèrent que leur site est compétitif, et 12 % le jugent même « très compétitif ». Ils ont dressé leur liste des critères les plus déterminants pour être compétitif et le coût du travail ne ressort pas comme étant le critère le plus important. Cité par 79 % des répondants, il arrive en quatrième position derrière les achats de matières premières (87 %), l’efficacité du système de production (80 %) et la maîtrise des processus industriels (79 %).

Il est clair que la problématique des coûts ne peut être évacuée pour autant. Le crédit d’impôt compétitivité et emploi (CICE) vise à améliorer dans un délai court le niveau des marges des entreprises françaises, dont toutes les études montrent qu’elles ont significativement baissé depuis 2008, pour leur permettre de préparer l’avenir. En 2011, le taux de marge des sociétés non financières est tombé à 28,4 %, son plus bas niveau depuis 1985 (26,4 %). Cette baisse est d’autant plus préoccupante que le taux de marge s’élève, la même année, à 41,2 % en Allemagne et à 38,6 % pour la moyenne de la zone euro. L’allégement procuré par le CICE représentera 4 % du coût de la masse salariale brute de l’entreprise hors salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC en 2013, pour un montant de 13 Md€ ; le taux sera porté à 6 % en 2014 et 2015, générant des réductions de coût de 20 Md€ pour chacune des deux années.

La mise en place dès mars 2013 d’un pré-financement du CICE par la Banque publique d’investissement (Bpifrance), qui sera bientôt suivie par les autres établissements bancaires, permet aux TPE et aux PME qui le souhaitent de bénéficier immédiatement d’une avance de trésorerie équivalente, sous forme d’une mobilisation de la créance publique en germe.

Le CICE a ainsi le mérite de pouvoir être mis à profit dès 2013 par les entreprises pour investir, innover et créer des emplois, alors que son impact sur les comptes publics n’interviendra qu’à partir de 2014. C’est bien un effet contracyclique qui est attendu : l’objectif est de générer de la croissance par des effets d’entrainement micro-économiques, en incitant les entreprises à réinjecter dès maintenant dans leur propre développement le bol d’air financier qui leur est alloué par cet allègement d’impôts.

OSEO (Bpifrance) a déjà mobilisé près de 500 millions d’euros pour les PME et TPE au titre du pré-financement du CICE, et 2 milliards d’euros sont prévus pour l’ensemble de l’année 2013. Même si les réductions de coûts associées ne correspondent en moyenne qu’à 0,8 % du chiffre d’affaires des entreprises, il faut rappeler que la marge nette moyenne des entreprises non financières est de 1 % du chiffre d’affaires ; ainsi, le CICE peut faire toute la différence entre situation bénéficiaires ou déficitaire.

La loi sur la sécurisation de l’emploi prévoit un contrôle de l’utilisation du CICE par le Comité d’entreprise (CE), de façon à éviter que les fonds issus du crédit d’impôt ne soient prioritairement dévolus à une hausse de la part des bénéfices distribués ou à une augmentation de la rémunération des dirigeants. Si le CE estime que l’utilisation du CICE n’est pas conforme aux objectifs de la loi (recherche, innovation, formation…), il peut saisir un comité régional prévu à cet effet dans lequel siègeront en particulier l’administration fiscale et l’administration du travail.

De même, la base de données unique définie par cette loi permettra au CE d’exercer une vigilance sur le partage de la valeur ajoutée. Celle-ci est nécessaire car le problème de compétitivité de notre pays, ainsi que la fragilité de la structure financière de nos entreprises, sont aussi dus au coût du capital (alors que certains ne veulent voir que celui du travail). Ainsi, l’économiste Philippe Askenazy observe que le taux de redistribution des dividendes nets des entreprises non financières a atteint en 2011 le chiffre record de 9 %, alors qu’il était historiquement de l’ordre de 4 %, et d’à peine 5 % voilà 10 ans. Gilbert Cette note également que les dividendes versés ont triplé depuis le premier choc pétrolier, passant de 3 à 9 points de valeur ajoutée en 2011, cette évolution résistant même à la crise actuelle.

La mise en place du CICE était originellement censée durer deux ans, dans l’attente de la réflexion sur le financement de la protection sociale (dont il est envisagé de reporter le coût ailleurs que sur le facteur travail). Elle doit faire l’objet d’un premier bilan d’étape : quelle aura été son utilisation réelle par les entreprises et quel impact peut-elle avoir pour le reste du quinquennat ? Faut-il prolonger le CICE, en réformer l’assiette (constituée actuellement par les rémunérations brutes soumises aux cotisations sociales, versées par les entreprises dans la limite de 2,5 fois le Smic) ? Quel équilibre trouver entre la volonté de favoriser un large spectre d’emplois non délocalisables mais, compte tenu de la structure d’emplois en France, faible qualification, notamment dans les services, tout en dynamisant la création d’emplois industriels, à plus haute qualification ? Comment faire en sorte que le CICE bénéficie prioritairement aux PME et ETI, plus fortement créatrices d’emplois, qu’aux grandes entreprises ? Quel lien établir avec les dispositifs d’allègement des cotisations sociales de plus en plus contestés ?

Peu de données aujourd’hui permettent de prévoir l’impact du CICE. D’après Mathieu Plane, après un effet légèrement récessif entre 2014 et 2016, le CICE « devrait permettre de créer, cinq ans après sa mise en place, environ 150 000 emplois, faisant baisser le taux de chômage de 0,6 point et il générerait 0,1 point de PIB en 2018 » [21] .

Proposition n°2 : Evaluer le fonctionnement et l’impact du CICE et poursuivre la réflexion dans le sens d’un report d’une partie du coût de la protection sociale sur des facteurs autres que le travail. Envisager un plafonnement du CICE pour les entreprises de plus de 5 000 salariés (effectifs consolidés).

Aider nos entreprises à innover et à effectuer une montée en gamme de leurs produits et prestations

Sans passer en revue l’ensemble des 35 mesures du Pacte, il y a lieu de souligner l’ampleur des nouvelles actions prises en faveur de l’innovation. Pourquoi les entreprises françaises ont-elles du mal à imposer leurs prix (sur le marché domestique et à l’export), à préserver leurs marges et à investir ? Parce qu’elles ne sont pas assez innovantes. Le retard de la France en matière de R&D est bien connu. La phrase du Plan intérimaire de 1982, que Jean-Pierre Chevènement avait fait sienne : « Il n’y a pas de secteurs condamnés, il y a des technologies dépassées », demeure porteuse de sens… à condition toutefois d’y inclure usages et produits.

Plus largement, ce retard concerne l’innovation dans son ensemble, qui va bien au-delà des technologies et de l’innovation produit, et concerne aussi la conception, le marketing, la collaboration avec les fournisseurs, les procédés de fabrication, la façon d’associer produits et services, etc. D’après Eurostat, la part du chiffre d’affaires des entreprises industrielles lié à l´innovation [22] est de 18 % en moyenne pour les 27 pays de l’UE, mais il n’est que de 16 % en France. Il est de 23 % en Allemagne, 21 % en Finlande ; 13 % en Grande-Bretagne, 12 % en Italie, 20 % en Espagne [23] . Un récent rapport de l’OCDE [24] a montré que dans le contexte de chaînes de valeur fragmentées au niveau mondial, ce sont les pays qui investissent le plus dans leur capital humain qui réussissent le mieux à tirer parti de cette conception élargie de l’innovation.

En complément des actions de soutien à la phase R&D, et notamment de la sanctuarisation du crédit d’impôt recherche pour les petites et grandes entreprises, le gouvernement a pour la première fois introduit des mesures portant sur l’aval : mise sur le marché des innovations et accompagnement des PME innovantes dans le lancement industriel et commercial de leurs innovations. Un crédit d’impôt innovation est instauré, afin d’étendre pour les PME l’assiette des allégements fiscaux aux dépenses de prototypes et d’installations pilotes. Pour combler les manques de financement auxquelles elles se confrontent souvent dans cette phase cruciale, la fameuse « vallée de la mort », OSEO, bientôt Bpifrance, a créé le PPI, Prêt pour l’innovation, qui pourra atteindre 1,5 M€ sur une durée de 7 ans. Bpifrance pourra également amplifier ses apports en fonds propres aux PME innovantes, en direct ou via des fonds de capital-risque, grâce à des dotations complémentaires par réallocation du Plan d’investissement d’avenir (PIA).

Les pôles de compétitivité sont confortés pour une phase 3.0. Il leur est demandé de devenir des « usines à produits d’avenir », et non plus des « usines à projets », en sélectionnant les projets en fonction de leurs retombées économiques et en accompagnant les PME dans cette phase de passage au marché, au-delà de la réussite du projet collaboratif pendant la phase de R&D. 110 M€ du PIA sont réalloués vers cet objectif, en étant mobilisables pour industrialiser les meilleurs projets soutenus par les pôles de compétitivité.

L’innovation de rupture est le deuxième axe central de la politique d’innovation, avec le souci de sélectionner : une commission Innovation 2030 est créée sous la direction d’Anne Lauvergeon, pour identifier les cinq à dix défis industriels auxquels la France doit prioritairement se préparer et sur lesquels sera concentré le financement public de l’innovation de rupture, avec une ferme volonté de se centrer sur quelques priorités. Un budget de 150 M€ sera alloué, avec une procédure d’appels à projets dans les domaines retenus.

La nécessité d’une politique volontariste de montée en gamme pose la question de la cohérence avec le dispositif actuel d’allègement de charges sur les bas salaires. Ils représentent un coût budgétaire considérable : 20,7 milliards d’euros pour 2011, selon le rapport du COE [25] publié fin avril 2013, contre seulement 4,1 milliards pour les emplois aidés, l’aide à l’insertion, à l’activité partielle et à l’apprentissage. Ils aboutissent à subventionner des emplois de service non délocalisables, et des emplois de fin de cycle, qui ne peuvent être sauvés à terme.

Les politiques d’abaissement de charges sur les bas salaires ont par ailleurs des effets pervers considérables :

Elles créent des « trappes à bas salaires et à pauvreté » en enchérissant l’augmentation des bas salaires.

Elles se transforment progressivement en « trappes à déqualification » en décourageant les chefs d’entreprises de former leurs salariés, de façon à éviter d’avoir à les augmenter.

Elles sont donc contradictoires avec les stratégies de compétitivité fondées sur l’enrichissement du travail et le positionnement sur des créneaux à forte valeur ajoutée. Pour financer l’abaissement de charges sur les bas salaires, elles nécessitent en effet un alourdissement du coût du travail qualifié.

Terra Nova a clairement pris position sur cette question : « Entre une stratégie de compétition salariale par les prix et une stratégie de compétition par l’innovation, Nicolas Sarkozy a continué à privilégier la première, comme son prédécesseur, sans corriger ses problèmes structurels de compétitivité et la fragilité de sa spécialisation industrielle. La stratégie de sortie de crise par l’allègement massif des charges sur les entreprises aboutit aujourd’hui à une impasse, et les aides aux entreprises n’ont pas été suffisamment rééquilibrées en faveur des PME, pourtant les plus touchées par la crise. » [26]

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a lancé une réflexion qui n’a pas (encore ?) abouti à la remise en cause d’un choix qui apparaît de plus en plus comme une contradiction. « Le soutien à l’emploi peu qualifié conduit progressivement à déqualifier nos entreprises et à proposer dans les entreprises de services des services de faible qualité. C’est cette baisse de la qualité de nos productions qui explique la perte de part de marché des biens et services français, qui elle-même contribue à l’anémie de notre croissance économique, qui elle-même justifie les politiques d’austérité et de pression sur les salariés. (…) Le redéploiement d’au moins la moitié des sommes en jeu, soit environ 15 milliards d’euros, dont les effets sur l’emploi sont négligeables mais délétères sur la mobilité ascendante, donne des marges de manœuvre majeures » [27] .

Proposition n°3 : Redéployer la moitié des allègements de charge sur les bas salaires vers des actions d’incitation à la montée en gamme (innovation, formation) et d’insertion professionnelle des jeunes.

S’occuper des restructurations silencieuses

Ce sont « les entreprises industrielles qui ferment » qui sont, pour les Français, le premier problème à résoudre pour sortir de la crise, comme l’indique le sondage sur la crise vue par les européens effectué par Ipsos/CGI/Publicis en avril/mai 2013 et publié par le journal Le Monde [28] . La France est le seul pays qui place ce problème en tête de liste.

Les restructurations médiatisées (Arcelor Mittal, PSA Aulnay, Petroplus…) ont saturé le débat public et laissé un goût amer d’inaboutissement. Pourtant, l’essentiel des restructurations sont celles dont on ne parle pas. C’est pourquoi l’action du ministère du Redressement productif qui a permis un réel impact dans le soutien à la croissance et à l’emploi est la mise en place des 22 commissaires en régions. D’après le bilan publié récemment [29] , « 368 dossiers ont déjà été traités avec succès, [ce qui] représente près de 48 116 emplois préservés sur un total de 59 308 emplois concernés pour l’ensemble du dispositif de défense et de promotion de l’activité industrielle sur notre territoire ». Le rapport donne pour chacune des 22 régions métropolitaines des exemples concrets d’entreprises qui ont bénéficié de l’intervention des commissaires.

On a certes souligné qu’il s’agissait là d’une stratégie défensive, qu’il faut impérativement compléter de l’élaboration d’une stratégie offensive, avec l’appui du Conseil national de l’industrie et des 13 comités stratégiques de filières, pour repositionner l’Etat dans son rôle de coordinateur et d’architecte d’une ambition industrielle nationale. Mais les risques de fermeture d’entreprises sont la réalité de tous les jours que l’Etat ne peut ignorer, et qu’il peut parfois contribuer à conjurer. Avant la mise en œuvre d’une restructuration et d’un plan social, des acteurs qui ne se parlaient traditionnellement pas travaillent dorénavant davantage ensemble et de manière plus efficace (le préfet, Pôle Emploi, les DRH des entreprises locales, les syndicalistes, les Direccte, etc.). Ce dialogue permanent entre les acteurs permet de mieux identifier, prévenir et parfois traiter les difficultés des entreprises de chacune des régions.

Sur les restructurations et la gestion des plans sociaux, la loi de sécurisation de l’emploi apporte de nombreuses modifications au cadre légal, qu’il faudra évaluer avec précision. De même, une proposition de loi a été élaborée par le groupe socialiste de l’Assemblée nationale sur la cession des sites rentables. Enfin une loi sur les licenciements boursiers a été évoquée.

Proposition n°4 : Finaliser la doctrine du gouvernement sur la prévention et les modalités des restructurations, afin de donner de la visibilité aux acteurs économiques et sociaux. Favoriser l’anticipation, le dialogue social, les actions coordonnées et pragmatiques.

Organiser le retour de l’Etat stratège… dans un pays qui se régionalise

Quelle est la stratégie industrielle de la France ? Certaines priorités sont affichées, notamment à travers le Programme des investissements d’avenir (PIA) géré par le Commissariat général à l’investissement (CGI) : la transition énergétique et les éco-industries, la santé et l’économie du vivant, le numérique. Mais on note l’absence d’un projet et d’une vision d’ensemble de ce que pourrait être une stratégie industrielle nationale à long terme.

La composition de la Conférence nationale de l’industrie, rebaptisée Conseil national de l’industrie, a été élargie et son rôle renforcé. 13 comités stratégiques de filières sont en ordre de marche, afin de préparer des « contrats de filière ». Ils ont pour mission de suivre l’évolution de l’activité et de l’emploi dans la filière, d’évaluer l’adéquation des mesures de politiques publiques spécifiques à la filière et de son dispositif de formation, de proposer des actions visant à améliorer la compétitivité de la filière. Des groupes de travail transversaux sur des sujets d’intérêt commun entre les différentes filières viennent compléter le dispositif.

C’est un lieu de dialogue utile, indispensable pour construire une vision partagée entre l’Etat, les industriels (grandes et petites entreprises) qui sont les premiers à être aux manettes quand il s’agit de stratégie industrielle, les partenaires sociaux, les territoires. Mais de ces réflexions n’émergent actuellement pas suffisamment les orientations structurantes de l’ambition industrielle de la France à 10 et à 20 ans, et l’identification de priorités d’actions et d’engagements réciproques, Etat / entreprises, grands groupes / PME. Qu’est-ce qu’une stratégie industrielle nationale si ce n’est la combinaison d’une vision stratégique partagée des axes sur lesquels muscler le développement de l’appareil productif national et articuler une solidarité de filière, avec une volonté politique de l’Etat, intervenant pour ce qui le concerne au service de cette ambition?

Tout le monde s’accorde sur l’absolue nécessité d’une stratégie volontariste de montée en gamme de produits, comme rappelé ci-dessus. Que fait-on au sein de chaque filière pour aider nos PME à la mettre en œuvre ? L’amélioration de notre balance commerciale passe par un développement pérenne des exportations des PME. Comment mettre en œuvre des stratégies de filières à l’exportation, dans lesquelles grands groupes et PME françaises peuvent s’épauler pour conquérir des marchés, à l’instar de pratiques courantes en Allemagne ou au Japon ?

Quel rôle jouera la banque publique d’investissement dans la mise en œuvre de ces stratégies nationales de filières ? La création de Bpifrance, premier des 60 engagements de François Hollande, a été menée à terme, essentiellement par rapprochement de structures existantes (FSI, CDC Entreprises, OSEO). Il faudra juger de la mise en place d’une doctrine de financement et d’investissement qui reflète avec pertinence l’approche d’un financier « avisé mais patient ». L’apport en fonds propres par CDC Entreprises et le FSI se fait nécessairement de façon sélective. Qu’en sera-t-il des financements de trésorerie et de prêts-mezzanine ? Bpifrance maintiendra-t-elle une intervention large sur tous les secteurs, comme OSEO, ou servira-t-elle prioritairement les filières ou activités qui auront été identifiées comme stratégiques ? Il faudra également mesurer « l’empreinte sociale » de Bpifrance, c’est-à-dire son impact en termes d’emploi, de qualifications, d’investissements, dans les entreprises et les territoires dans lesquels elle intervient, son effet d’entraînement sur le financement des PME par le secteur bancaire. Il faudra enfin vérifier l’orientation de la politique d’intervention vers le principal objectif stratégique : aider les PME à grandir pour en faire des ETI, qui manquent aujourd’hui à notre système productif, et à se développer à l’international.

Elaborer des stratégies nationales de filières ne doit pas pour autant conduire à s’enfermer dans une vision industrielle restrictive d’intégrations verticales, qui correspond davantage à l’industrie du 20 e siècle qu’à celle du 21 e . L’industrie d’aujourd’hui et de demain, c’est celle qui fonctionne avec le numérique, les réseaux, la communication mondiale instantanée, c’est celle qui élargit et enrichit sa chaîne de valeur en développant les services associés à ses produits, c’est la culture du transversal, du matriciel, du management de projet et de la transition écologique. Il est indispensable d’encourager la diffusion, notamment dans les PME, des technologies transversales, numérique et outils collaboratifs bien sûr, mais aussi outils de conception, robotisation, prototypage, analyse et exploitation de données (la France est en retard dans l’utilisation du big data ), autant d’enjeux qui doivent compléter l’élaboration de stratégies de filières industrielles [30] .

On peut également se féliciter de voir les syndicats prendre une part active au débat. Le patronat et trois syndicats de salariés (CFDT, CFE CGC et CFTC) ont publié le 28 mai 2013 un rapport élaborant une vision commune : « Réinventer la croissance ». Dans ce rapport, ils identifient les conditions de la croissance dans sept « filières » : nouvelles technologies, économie verte, énergie, mobilité, patrimoine et savoir-faire français, besoins nouveaux liés à l’allongement de la vie, solutions de santé. Dans le prolongement de cette démarche, l’une des tables rondes de la Conférence sociale de juin a été dédiée aux filières d’avenir. Ce faisant, ils dépassent une vision uniquement défensive et proposent une approche décloisonnée du dialogue social : les partenaires sociaux deviennent aussi des partenaires économiques. De son côté, la CGT s’est fortement impliquée dans la négociation d’un accord européen entre la Confédération européenne des syndicats et Business Europe sur l’emploi des jeunes, conclu en juin 2013.

Cette définition d’une ambition industrielle pour la France n’a enfin de sens que si elle s’articule avec toutes les politiques impactant le développement de l’activité des entreprises, notamment les politiques fiscales et sociales, d’allocation des investissements publics, de recherche, d’enseignement supérieur, d’éducation, d’emploi et de formation. L’efficacité passe par un alignement des objectifs. C’est le rôle d’un Etat stratège. La création du Commissariat à la stratégie et à la prospective, avec un rôle de coordination des travaux des huit conseils chargés d’éclairer le gouvernement sur les grandes politiques nationales, est incontestablement une avancée dans cette voie.

Proposition n°5 : Formaliser avec le Conseil national de l’industrie et le Commissariat à la stratégie et à la prospective l’ambition industrielle de la France, les plans d’actions et les engagements réciproques des différents acteurs pour y concourir (grands groupes industriels, PME, Etat, CGI, bpifrance, territoires, organismes sociaux concernés…). Donner au Commissariat le rôle d’évaluer les résultats de ces plans d’action en favorisant le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes.

Ne passons pas sous silence la question centrale en France de l’articulation industrie-territoires. C‘est localement qu’on peut favoriser un écosystème propice au développement industriel, rassemblant tous les acteurs dans une même dynamique : grands groupes et PME, banques, administrations locales, offre de formation, gestion de l’emploi, laboratoires de recherche. Un tel écosystème fait, pour des raisons historiques et culturelles, la force du tissu économique allemand : c’est ainsi qu’est né le fameux Mittelstand [31] . Ce n’est pas l’histoire de la France, qui s’est construite dans le jacobinisme. Mais la France se soigne. Les régions se sont investies dans leur rôle d’accompagnement du développement économique. La plupart des pôles de compétitivité (probablement encore trop nombreux) ont montré leur efficacité dans la création d’une dynamique nouvelle autour des régions, laboratoires de recherche, grands groupes et PME.

Allons plus loin dans la clarification du rôle respectif de l’Etat et des régions. Simplifions et allégeons l’organisation administrative car c’est aussi un facteur qui compte dans la compétitivité. C’est une réforme politique et culturelle d’ampleur, souvent évoquée. La France peut-elle s’en passer ? Le besoin se fait de plus en plus pressant. Elle constituerait un volet majeur d’une politique courageuse de réduction structurelle des dépenses publiques. C’est un changement culturel qui ne concerne pas que les administrations d’Etat ou les collectivités territoriales, mais également les acteurs économiques. A l’image de l’annonce de Bpifrance de déléguer à ses directions régionales et aux équipes de FSI région les décisions de financement CT et MLT jusqu’à 3 M€ et d’investissement en fonds propres jusqu’à 4 M€, l’activité économique en France se porterait mieux avec des réseaux de grandes banques qui délégueraient en région une plus grande partie de leurs décisions d’octroi de financements.

Dorothée Kohler et Jean-Daniel Weisz notent dans leur conclusion sur le mode de fonctionnement du Mittelstand : « Une ligne de force a parcouru l’ensemble de ce rapport : l’interaction entre les entreprises et leur éco-système. Cette interaction est incarnée avant tout par la relation entrepreneur – Hausbank , dont le ressort ne repose pas seulement sur des questions de financement. Cette proximité, dont la contrepartie est l’ancrage local, permet un accompagnement des entreprises sur la durée. Ces interactions locales supposent bien entendu une organisation « décentralisée » des acteurs de l’éco-système qui s’accompagne à la fois de structures de contrôle et d’un haut niveau de professionnalisation des acteurs impliqués. L’exemple allemand peut certainement être une source d’inspiration pour plus déléguer en régions des dispositifs de financement et d’accompagnement » [32] . Une telle décentralisation éviterait la situation encore trop fréquente aujourd’hui de l’incapacité du système bancaire à soutenir les PME pour les aider à financer leurs besoins en fonds de roulement.

Proposition n°6 : Simplifier l’organisation administrative française et lancer, avec tous les acteurs économiques, une dynamique de décentralisation des décisions au niveau régional, afin de favoriser l’émergence de réels écosystèmes propices au développement économique.

Soutenir une stratégie active d’intégration positive dans la mondialisation et repenser l’accompagnement des PME à l’international

Le volet international est au cœur des stratégies industrielles et des solidarités de filières et ne saurait être dissocié de l’ambition industrielle pour la France évoquée ci-dessus. Là aussi l’appareil productif français souffre d’une trop forte dualité. D’un côté les grands groupes, tous mondiaux, qui ne pensent leur stratégie que de façon « globale » (« notre marché commun, ce n’est plus l’Europe, c’est le monde » déclare Benoit Potier, PDG d’Air Liquide [33] ). Pour certains, le marché français est devenu un marché secondaire, même s’ils y conservent des lieux de production, des centres de R&D et des activités tertiaires.

De l’autre, des PME insuffisamment présentes à l’international, que ce soit en termes d’exportations ou d’implantations. Et quand elles sont exportatrices, elles ne le sont pas suffisamment dans la durée [34] . Un quart d’entre elles ne le sont plus au bout d’un an.

S’il ne faut pas nécessairement adopter une vision pessimiste sur notre position dans le commerce international, force est de constater que concernant notamment les BRICS, l’Allemagne a su, contrairement à nous, conquérir ces marchés. La stratégie des Allemands a consisté à nouer des partenariats et à déployer des investissements de capacité et de sous-traitance dans toute l’Europe de l’Est. Les satellites politiques de l’URSS ont été transformés en satellites économiques de l’Allemagne. Les implantations internationales des entreprises allemandes tirent les exportations depuis l’Allemagne, dont une forte part provient du commerce intra-firme, notamment dans l’automobile et les biens d’équipement. Une étude des Douanes [35] sur la différence des stratégies des industries automobiles allemande et française a bien montré que la première a privilégié l’assemblage sur place, le parti pris du haut de gamme, ainsi que le redéploiement des ventes vers les zones émergentes à croissance rapide, alors que la seconde privilégie plutôt les implantations à l’étranger, quitte à réimporter des véhicules bas et moyen de gamme pour lesquels la demande est forte.

La France pourrait s’inspirer de l’exemple allemand pour développer une stratégie au Maghreb. Il s’agit d’adopter vis-à-vis de la mondialisation une démarche offensive : comment en tirer parti efficacement compte tenu des forces et faiblesses de notre outil productif ? Il convient de nouer des alliances, et pas nécessairement de dominer, conquérir… (cf. alliance Renault / Nissan, GDF Suez / China Investment Corporation). Il faut distinguer d’un côté la croissance organique créée par de tels partenariats, et de l’autre la croissance externe créée par les fusions-acquisitions.

La fragmentation internationale des chaînes de valeur a brouillé les cartes du commerce mondial et pose la question des restructurations, délocalisations et externalisations sous un jour nouveau. On peut se féliciter du chantier lancé par l’OMC et l’OCDE, visant à donner une image fidèle du commerce dans un monde globalisé, en raisonnant en valeur ajoutée et non en chiffre d’affaires. En effet, pratiquement les deux tiers du commerce mondial de biens manufacturés sont constitués de composants. Le contenu en importation des exportations des pays occidentaux et émergents s’est fortement accru. Par exemple, l’étude menée par Andrew Rassweiler sur les coûts de fabrication et d’assemblage d’un iPhone 3G fabriqué en Chine en 2009 et vendu aux Etats-Unis montrait que sur un total de 179,1 dollars, la Chine ne représente que moins de 4 % de ces coûts, contre 34 % pour le Japon, 17 % pour l’Allemagne, 13 % pour la Corée du Sud, et 6 % pour les Etats-Unis.

« La France, championne d’Europe du pessimisme » (titre du journal Le Monde présentant le sondage sur la crise vue par les Européens cité ci-dessus) ne sait plus comment se situer dans la mondialisation. Le dualisme de l’industrie française rappelé plus haut brouille l’image. On oublie facilement les succès des grands groupes français à l’international pour ne retenir qu’un manque de dynamisme, le sentiment d’une industrie qui n’est plus dans la course du commerce mondial face aux économies émergentes et la perte, du fait de la politique européenne, de la maîtrise de notre marché intérieur. Sans parler de l’Allemagne, l’Italie a une vision plus positive de son industrie, même traditionnelle, qui exporte bien et se glorifie de son secteur agro-alimentaire. Redonner confiance à la France passe par une vision positive de la façon dont l’industrie française peut s’insérer dans la compétition mondiale. Mettons en avant les « success stories » des PME innovantes dont la France ne manque pas. « Les objets de la nouvelle France industrielle », initiative qui rassemble chaque mois 800 personnes à Bercy est à souligner : quatre entrepreneurs sont à l’honneur de ces soirées et présentent leurs innovations en racontant comment ils ont trouvé en France compétences et ressources – souvent avec l’aide et la confiance de l’Etat et des organismes publics – pour concevoir, développer, produire et exporter.

Proposition n°7 : Encourager les stratégies d’insertion de l’appareil productif français dans la mondialisation construites sur une logique de segmentation de la chaîne de valeur, qui offre des opportunités de relocalisation de certains fragments. Favoriser des accords avec les pays du Maghreb pour y développer des partenariats industriels.

L’Allemagne a une culture commerciale et entrepreneuriale plus développée que la nôtre (constat établi dès la fin du 19 e siècle [36] ). Il ne suffit pas d’innover, il faut également vendre. La faiblesse des PME françaises réside aussi dans le développement commercial à l’international et les métiers qui lui sont liés : marketing, connaissance des attentes clients dans les marchés étrangers, stratégie commerciale et de distribution… Même la pratique courante de l’anglais ou de l’espagnol fait souvent défaut chez nos chefs d’entreprise, sauf dans les jeunes générations.

La crise n’a fait que renforcer cet axiome : croissance et internationalisation vont de pair. L’enquête semestrielle de conjoncture sur les PME [37] indique que « seules les PME très exportatrices (plus du quart de leur activité à l’international) conservent en 2012 une croissance du chiffre d’affaires significative : +3,9 % contre +0,9 % pour les « moyennement » exportatrices, et une baisse de CA de –1 % pour les non exportatrices ». Ces PME ont maintenu en 2012 leur niveau investissement par rapport à 2011. De même, « seules les PME exportatrices ont créé des emplois en 2012 et les intentions d’embauche en 2013 ne sont positives que chez les entreprises exportatrices, et chez celles qui font de l’innovation au sens large », le couple innovation et international étant fortement lié. L’indicateur (solde d’opinions positives et négatives) de rentabilité courante des entreprises exportatrices est enfin, bien que négatif en fin 2012, largement supérieur pour les entreprises fortement exportatrices (-5 contre +11 fin 2011) que pour les non exportatrices (–17 contre – 4 fin 2011).On retrouve les mêmes écarts de tendance entre exportatrices et non exportatrices chez les PMI.

Bonne nouvelle : le nombre de PME exportatrices repart à la hausse en 2012 indique Ubifrance, mais elles ne sont que 119 000 (contre 117 000 en 2011)… sur 1 300 000, 4 fois moins qu’en Allemagne. Au-delà du manque de pérennité de l’effort à l’international souligné plus haut, elles souffrent d’une orientation géographique peu favorable. Deux tiers de leurs ventes restent focalisées sur l’Union européenne, elles ont insuffisamment pris le tournant des pays tiers, alors qu’un tel mouvement est sensible pour les entreprises de plus de 250 salariés.

L’augmentation des parts de marché en Europe doit certes être le premier objectif pour les PME, pour des raisons de proximité et de facilité grâce à l’intégration du marché européen, mais aussi parce qu’il continuera, compte tenu de sa taille et malgré une croissance économique modérée, à constituer 20 % des potentiels d’importations à l’horizon 2022 selon une étude de la Direction générale du Trésor et d’Ubifrance publiée en décembre 2012 [38] . La France doit renverser la tendance et reconquérir des parts de marché au Royaume-Uni, en Espagne, en Allemagne et en Italie, doper ses ventes dans les pays du Nord de l’Europe, où la performance est bien en dessous du potentiel, et en Pologne.

L’étude poursuit en identifiant comme marchés les plus dynamiques dans les dix prochaines années en termes d’importations les Etats-Unis, le Royaume Uni, le Japon, la Pologne, le Canada et l’Espagne parmi les dix premiers, aux côtés de la Chine (largement en tête), de la Corée du sud, de la Russie, de l’Inde habituellement cités. Le gouvernement a ainsi fixé comme deuxième objectif la diversification des exportations des PME vers les pays émergents, dans lesquels seules nos grandes entreprises sont aujourd’hui performantes, en mettant l’accent sur la construction de réelles stratégies à l’international afin de travailler dans la durée.

Sur la base des atouts des entreprises françaises et des perspectives de croissance de la demande dans les pays cibles à marchés porteurs, quatre besoins et secteurs d’activité ont été sélectionnés : mieux se nourrir (IAA, équipements agricoles, diététique, sécurité et traçabilité alimentaire), mieux se soigner (dispositifs et équipements médicaux, pharmacie, cosmétique, services de santé), mieux vivre en ville (construction et efficacité énergétique, transports urbains, ingénierie et construction urbaine, matériels et services environnementaux), mieux communiquer (numérique embarqué, logiciels, composants et produits électroniques à haute valeur ajoutée, sécurité, e-services). Ces priorités viendront compléter les activités dans lesquelles la France a de forts atouts traditionnels à l’international : l’aéronautique, l’énergie, le luxe, l’automobile…

La stratégie à l’export et les objectifs ont été clarifiés. Inverser la tendance et franchir ce pas ambitieux pour nos PME afin qu’elles concourent à l’objectif d’équilibre commercial hors énergie en fin de quinquennat exige de renforcer (en intensité, pas en nombre) et de simplifier les outils d’accompagnement des PME et des ETI à l’international.

Selon une étude publiée en février 2013 par Ernst and Young, 70 % des entreprises jugent qu’en dehors de celles qui portent sur l’innovation, les aides octroyées aux entreprises sont souvent inefficaces, notamment sur l’export. Les acteurs sont trop nombreux et mal coordonnés : Ubifrance, Coface, OSEO, CCI, régions, pôles de compétitivité, CNCCEF [39]

Des mesures ont été récemment annoncées pour améliorer le dispositif et lui donner plus de lisibilité : création d’un catalogue unique de produits financiers complémentaires Coface / Bpifrance, mise en place progressive de conseillers Ubifrance dans le réseau régional de Bpifrance pour apporter aux PME avec le plus gros potentiel à l’exportation un accompagnement personnalisé à la définition d’une stratégie à l’export. Les fonds d’investissement ciblés sur les PME fortement exportatrices seront encouragés par Bpifrance qui s’est vu allouer 150 M€ pour les accompagner.

Là aussi la réussite du dispositif dépendra de l’articulation entre les échelons nationaux et régionaux, de la simplicité de l’offre pour les entreprises, de son adéquation aux besoins (financement dans les pays cibles/compétences), et de la capacité à les accompagner dans la durée.

Proposition n°8 : Poursuivre la simplification et le « reengineering » des dispositifs d’accompagnement des PME et des ETI à l’international (financement/assurance et garantie/compétences)

Rétablir la confiance entre les entreprises et l’Etat

La réussite du redressement productif nécessite de fédérer toutes les énergies. A ce titre, on peut regretter certaines maladresses à l’égard des entrepreneurs et de l’esprit d’entreprise. Le mouvement des « pigeons », une taxation des plus-values qui devra être revue, les propos prononcés à l’occasion des grandes négociations (conférence sociale de juillet 2012 ou accord interprofessionnel de janvier 2013) ou des restructurations d’entreprises (PSA, Arcelor Mittal) ont cristallisé ces incompréhensions.

Réconcilier les valeurs de la gauche avec celles de l’entreprenariat devrait aller de soi : les entrepreneurs font partie de ceux qui n’acceptent pas le statu quo , qui veulent aller de l’avant, qui croient au progrès. Ils ne sont pas des ennemis du changement mais des partenaires du redressement. Il est significatif de voir, dans le sondage effectué sur la crise vue par les européens, que 53 % des français voient prioritairement dans les PME des acteurs proposant des solutions constructives à la crise, largement devant les grandes entreprises (26 %), les institutions européennes (20 %), le gouvernement, les syndicats et l’opposition.

C’est aussi une nécessité à l’heure où menacent l’extension du chômage et la désindustrialisation. Bien sûr, la France qui s’engage pour l’avenir, qui innove, qui investit, n’est pas seulement celle des entrepreneurs. C’est aussi celle des chercheurs, des enseignants, des commerçants, des salariés sur lesquels pèse aujourd’hui une grande partie du risque d’entreprendre. Mais la politique économique se doit d’être beaucoup plus en appui de la France qui crée des emplois. Les enquêtes internationales [40] montrent également, à rebours des idées reçues, que les Français aiment les entrepreneurs et soutiennent leur action.

Le gouvernement a créé des occasions qui permettront d’améliorer cette relation à l’entreprise :

la mise en œuvre des 35 mesures du pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi ;

le « choc de simplification » annoncé en mars 2013, qui correspond à une attente forte des entrepreneurs ;

la suite des Assises de l’entrepreneuriat, qui ont donné leurs premiers résultats fin avril 2013.

Les Assises de l’entrepreneuriat ont fait réfléchir ensemble plus de 300 acteurs de la vie économique, dont de nombreux chefs d’entreprise, des universitaires, des experts, des administrations et des cabinets ministériels, au sein de neuf groupes de travail : l’esprit d’entreprendre, la fiscalité, le financement, l’innovation, l’accompagnement, la responsabilité sociale… Là aussi la méthode vaut autant que les résultats : réformer par le dialogue, s’appuyer sur l’analyse des acteurs eux-mêmes pour identifier les verrous et élaborer les mesures les plus à même d’accompagner les entreprises dans une dynamique de croissance et de création d‘emplois.

Souhaitant marquer la considération apportée à cette démarche et réaffirmer une position d’écoute envers les chefs d’entreprise au plus haut niveau de l’Etat, François Hollande a conclu ces assises en annonçant les mesures retenues à court terme à la suite des 44 propositions émanant des groupes de travail :

amélioration du statut de JEI [41] ,

simplification et allégement du régime des plus-values mobilières, pour clore la controverse ouverte à l’automne,

encouragement à l’investissement dans les PME innovantes des grandes entreprises ou des particuliers (PEA-PME),

reconnaissance – enfin – de l’innovation non technologique par la prise en compte du design ou du marketing dans les dépenses éligibles,

lancement à titre expérimental de « maisons de l’international » aux Etats-Unis ou en Asie pour faciliter le développement des PME sur ces marchés,

création d’un visa entrepreneur pour attirer les jeunes talents étrangers en France ou faciliter leur création d’entreprise à la suite de leurs études en France…

Avec l’assurance-vie, le PEA a été le seul véhicule d’épargne qui a échappé à la politique de « barémisation » des revenus du patrimoine mise en œuvre dans la cadre de la loi de Finances pour 2013. Pourtant, dans son état actuel, il ne reflète pas les priorités économiques. En effet, sur les 118 milliards d’euros d’encours drainés par les 7 millions de comptes PEA, 3 % seulement des fonds alimentent des PME ou des ETI. Comme l’a annoncé François Hollande le 29 avril 2013, en clôture des Assises de l’Entrepreneuriat, le plafond des versements sur un PEA sera augmenté de 132 000 € à 150 000 €. Par ailleurs, le gouvernement va créer dans le PEA un compartiment dédié aux titres des PME (cotées ou non) afin de favoriser le placement en actions. Le plafond de ce PEA sera fixé à 75 000 € et ce compartiment bénéficiera des mêmes règles fiscales que le PEA (les prélèvements sociaux seront appliqués mais l’imposition sera dégressive avec une exonération au bout de 5 ans).

Il faut utiliser le PEA-PME pour continuer à rapprocher les Français du monde de l’entreprise, à rééquilibrer leur patrimoine, aujourd’hui concentré pour les deux tiers sur l’immobilier, tout en dynamisant leur patrimoine financier trop exposé aux actifs à court terme à faible rendement (livrets bancaires, fonds en euros…).

Proposition n°9 : créer les conditions d’un succès du PEA-PME en mobilisant les réseaux bancaires, en développant l’information des actionnaires, en communiquant auprès des épargnants et en développant une pédagogie de la prise de risque. Au-delà, lancer une réflexion pour faire en sorte que le PEA-PME devienne un vrai instrument d’épargne populaire et favoriser le développement de nouvelles formes d’épargne longue : finance participative ( crowdfunding ), business angels , bourse des PME et bourses régionales.

Le « choc de simplification » annoncé en avril 2013 reflète également une vision réaliste et pragmatique des obstacles à la croissance. Comme le soulignait la Commission pour la libération de la croissance française [42] dans son rapport rendu en janvier 2008, « les coûts engendrés par la complexité normative ont été évalués par la Commission européenne à 3 % du PIB européen, tandis que l’OCDE les chiffrait à 3–4 % du PIB selon les pays. Pour la France, ce coût est estimé à 60 milliards d’euros. » Dans leur rapport de la Mission de lutte contre l’inflation normative remis en mars 2013, Jean-Claude Boulard et Alain Lambert notent : « Il y a urgence à traiter l’inflation normative, car le risque est grand de la voir s’aggraver. En effet, lorsque la puissance publique n’a plus beaucoup de moyens financiers, elle est, par compensation, tentée d’agir par prescriptions d’autant plus facilement que le prescripteur n’est pas le payeur. (…) Le stock est évalué à 400 000 normes. Il s’est constitué au fil du temps par addition, sédimentation, superposition, comme les couches d’une géologie juridique ».

Renforcer la confiance et l’esprit de partenariat entre les grands groupes français et les PME

La mise en place de la médiation inter-entreprises en 2010 était une mesure positive du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Elle a permis de pacifier en partie la relation entre les grands donneurs d’ordres et les PME sous-traitantes.

Il faut poursuivre cette approche de partenariat, notamment grâce aux chartes de bonnes pratiques d’achats. Il faut également élargir la problématique aux retards de paiement : 13 milliards d’euros qui manquent à la trésorerie des entreprises [43] . L’impact est donc équivalent à plus de la moitié du CICE. Ces retards étaient descendus à 9 jours en 2011 mais sont remontés à 12 en 2012 et continuent à progresser. Ils n’existent pas en Allemagne : les donneurs d’ordre allemands payent leurs fournisseurs en avance pour toucher l’escompte (pratique très répandue) ou à temps car on respecte les contrats !

Le rapport de la mission conduite par le sénateur Martial Bourquin (mai 2013), qui a travaillé sur les contours d’une politique responsable d’achat, propose des pistes intéressantes en impliquant les commissaires aux comptes dans la publication et la certification des délais de paiement des entreprises et la mobilisation de la DGCCRF sur le contrôle des abus. Un site Internet où les PME pourraient renseigner et avoir accès aux délais de paiement des entreprises clientes leur permettrait de savoir quel est le délai moyen de paiement pratiqué par leurs clients et pourrait les aider dans leurs négociations avec ceux-ci. Ce site pourrait être placé sous la responsabilité des services de la médiation inter-entreprises. Sur cette base, l’Etat paierait plus vite les entreprises qui paient rapidement leurs propres fournisseurs.

Proposition n°10 : Créer un site Internet permettant aux PME de consulter et renseigner (anonymement) les délais de paiement des grandes entreprises clientes

D’un point de vue microéconomique, il y a entre la France et l’Allemagne une différence notable dans le traitement réservé aux PME par les grandes entreprises. En France, les PME et ETI ont du mal à se développer, car les grandes entreprises les considèrent insuffisamment comme des partenaires stratégiques. Quand elles s’intéressent à leurs innovations, c’est souvent avec l’objectif de les racheter pour éviter toute concurrence, et non de les accompagner dans leur propre développement. Contrairement à l’idée reçue selon laquelle la nécessité prioritaire est de mettre en œuvre des conditions favorables à la création d’entreprise, le problème est bien plus la mortalité trop rapide des PME, et donc la mise en place d’un accompagnement efficace dans la durée.

De façon plus générale, la solidarité entre les grandes entreprises et les PME et ETI françaises est l’un des axes majeurs à consolider, notamment à travers les comités stratégiques de filière. Les PME le soulignent, les témoignages sont nombreux : les grandes entreprises françaises sont moins réceptives aux propositions des PME, notamment innovantes, que leurs homologues étrangères. Trouver le bon contact est laborieux et quasiment impossible sans introduction : cadres dirigeants de grands groupes et chefs d’entreprise de PME n’évoluent pas en France, à la différence de l’Allemagne, dans les mêmes réseaux. Quand le contact s’établit, la prise de décision des grands groupes est lente et nécessite de nombreux allers et retours : PME et grand groupes n’ont pas le même rapport au temps.

La France est forte de grandes entreprises figurant en nombre parmi les leaders mondiaux de leurs secteurs. Mais ces champions mondiaux raisonnent à l’échelle mondiale, et la nationalité de leurs fournisseurs n’est plus un critère de sélection. Sauf pour des prestations effectuées sur le territoire national, qui requièrent la proximité, le coût complet y compris logistique, les délais et la fiabilité de l’approvisionnement, la capacité à délivrer le même produit ou la même prestation dans les différents centres de production établis dans le monde ( global sourcing ) priment sur toute considération de nationalité.

Les grands groupes se plaignent à juste titre d‘une insuffisance en France d’entreprises de taille intermédiaire qui auraient la capacité de les accompagner dans leur stratégie d’implantation à l’international. Mais une ETI est une PME qui a grandi, ou des PME qui se sont regroupées. C’est le processus de croissance des PME qui est en panne en France, pas la création d’entreprises, qui continue à faire preuve d’un fort dynamisme, notamment depuis 2009 à la suite de la création du statut d’auto-entrepreneur, unique en Europe : 550 000 nouvelles entreprises par an, dont 308 000 auto-entrepreneurs (56 %), mais dont seulement la moitié survivra au bout de cinq ans ; 27 500 se créent avec au moins un salarié (2,9 salariés en moyenne), 7000 créeront au fil du temps jusqu’à 10 emplois, et 1000 sont statistiquement appelées à en créer plus. Renforcer la solidarité entre les grands groupes et les PME, notamment innovantes, c’est faire de nos champions mondiaux un atout pour faire grandir les PME françaises et les développer à l’international, et demain leur permettre de devenir des ETI. Et c’est pour les grands groupes tirer parti dans la compétition mondiale d’un tissu précieux de PME françaises qui peuvent leur apporter agilité et créativité en termes d’innovation.

Les administrations d’Etat, les opérateurs publics, les hôpitaux et les collectivités territoriales ne doivent pas être en reste. Si les dernières peuvent afficher aujourd’hui une part d’achat substantielle auprès des PME (38 % en valeur, 61 % en nombre de marchés) [44] , car elles cultivent des relations de proximité, c’est beaucoup moins le cas des premiers, et notamment de l’Etat (17 % en valeur, 46 % en nombre de marchés).

En complément de la proximité, c’est souvent le facteur innovation qui peut jouer pour inciter les acheteurs des grands groupes et de l’Etat à se tourner vers les PME. La première conférence de l’achat public innovant a été organisée à Bercy en avril 2013, pour inciter les acheteurs publics à prendre le risque – souvent gagnant – de solutions innovantes portées par les PME, et leur démontrer que la démarche est possible dans le respect des procédures d’achat public.

Proposition n°11 : dans le cadre de la politique RSE et du reporting associé, inciter les grandes entreprises à publier la part de leurs achats réalisés auprès de PME françaises. Faire établir par les administrations d’Etat, les opérateurs publics et les hôpitaux des objectifs mesurables et des plans d’action du développement de l’achat public innovant auprès des PME et ETI françaises ( Small Business Act à la française).

Replacer le travail au cœur des politiques de compétitivité

La thématique du travail reste absente des priorités gouvernementales. Comme l’indiquait Philippe Askenazy [45] , « le travail s’est éclipsé du débat social à mesure que l’emploi l’envahissait ». De ce point de vue, le gouvernement Ayrault n’a pas marqué de rupture par rapport au précédent. Comme l’avait justement noté Olivier Ferrand [46] , la méritocratie appelée de ses vœux par Nicolas Sarkozy « prétendait valoriser l’entrepreneur et le travail (…) mais dans les faits, la plupart des mesures fiscales prises par la droite depuis 2002 favorisent la rente : dévitalisation de l’ISF, bouclier fiscal, allégement des droits de succession et de la fiscalité sur les dividendes… ».

Or une politique résolument offensive vis-à-vis de la qualité du travail constituerait un levier de compétitivité et un facteur de sortie de crise. Le manque d’appétence de nos entreprises pour l’innovation et pour l’investissement dans le capital humain a des conséquences sur le travail. Celui-ci est dans notre pays trop standardisé et ne fait pas assez appel à l’initiative et aux capacités d’autonomie des opérateurs. Une comparaison européenne permet de le constater concrètement [47]  : la proportion des salariés qui indiquent que leur travail implique des tâches complexes met en évidence une nette opposition entre l’Europe du Sud (Italie : 44 %, Espagne : 43 %) et l’Europe du Nord (Allemagne : 68 %, Grande-Bretagne : 62 %, pays nordiques : tous au-dessus de 65 %). La France, avec 53 %, occupe une position intermédiaire, mais qui reste inférieure à la moyenne des 27 pays de l’UE (58 %). Une autre façon, plus prospective, d’apprécier la qualité du travail est de s’intéresser à ce qui l’enrichit, à savoir l’acquisition de qualifications et la formation, ainsi qu’à son caractère protecteur en termes d’emploi. On constate alors que la proportion de salariés qui affirment que leurs perspectives d’emploi futur sont meilleures grâce à leur formation n’est que de 62 % en France, contre 71 % pour la moyenne des 27 pays de l’UE et en particulier 68 % en Allemagne, 75 % en Grande-Bretagne, 75 % en Italie et même 82 % en Espagne.

Les systèmes productifs reposent sur la combinaison de quatre critères que l’on peut regrouper sous l’acronyme CQFD : Coûts, Qualité, Fonctionnalité-flexibilité, Délais. Choisir de se battre uniquement ou essentiellement sur le premier revient à enclencher une spirale d’érosion de la position concurrentielle, qui conduit à la chute, à plus ou moins long terme. Pour s’attaquer aux trois autres, on ne peut faire l’économie de l’appel à la motivation et l’engagement des salariés, c’est-à-dire à la relation qu’ils entretiennent avec leur travail. C’est dans l’enrichissement du travail que l’on peut trouver les ressources qui permettent de reconstruire une offre différente, intéressante pour les clients et utile socialement.

Les enquêtes comparatives de la Fondation de Dublin [48] montrent que la France est mal positionnée en termes de qualité du travail comme de conditions de travail. La proportion de travail avec un niveau d’autonomie faible et procédurier (avec un rythme de travail élevé et standardisé), est importante en France. Par ailleurs, la France connaît un degré d’autonomie dans le travail qui s’affaiblit, ce qui traduit une organisation en voie d’appauvrissement. A contrario, l’Allemagne présente l’exemple d’un cercle vertueux entre la qualité des conditions de travail, la fidélité des salariés et la qualité de la production.

Face à la concurrence des pays à coûts sociaux et environnementaux plus bas que les nôtres, il faut chercher à sortir de la nasse de la compétitivité par la différenciation. Dans un pays comme le nôtre, la différenciation est liée aux compétences, à la créativité, à la réactivité des salariés, et non au coût de la main d’œuvre.

Il s’agit aujourd’hui de remettre le travail au centre des problématiques de compétitivité et de redressement productif. La France doit continuer à rechercher de nouveaux modes d’insertion dans la mondialisation, plus respectueux de ses hommes et plus en cohérence avec ses avantages compétitifs. La créativité, les compétences relationnelles et émotionnelles, le rapport au travail, l’autonomie et les échanges de savoirs sont désormais les facteurs clés de l’efficience individuelle et collective [49] .

La mauvaise qualité des conditions de travail en France a des conséquences connues : stress et plus largement, montée des maladies professionnelles, fréquence du harcèlement, risque suicidaire, etc. Elle a aussi des conséquences moins visibles. Si notre pays affiche une des espérances de vie les plus élevées du monde (84,8 ans pour les femmes et 78,4 ans pour les hommes en 2012), l’espérance de vie en bonne santé, elle, reste à la traîne par rapport à d’autres pays européens. Ainsi, à 65 ans, une Française peut espérer vivre en bonne santé 9,9 ans, contre près de seize ans pour une Norvégienne du même âge ! Pour les hommes, ce nombre s’établit à 9,7 années pour la France contre 10,4 pour les Pays-Bas, 12,4 pour le Danemark, 14,7 pour la Norvège… En France, les différences d’espérance de vie en bonne santé constituent un marqueur d’inégalité sociale très affirmé.

Proposition n°12 : Remettre l’amélioration des conditions de travail au centre des politiques de qualité et de compétitivité et accompagner les suites de la négociation entre les partenaires sociaux sur la « qualité de vie au travail » en favorisant l’expression directe des salariés, la reconnaissance, la négociation intégrative sur les différents volets de la qualité du travail, le renforcement des CHSCT, la professionnalisation du management et la prise en compte du facteur humain dans la conduite du changement et la gouvernance des entreprises.

Améliorer la sécurisation de l’emploi

La loi sur la sécurisation de l’emploi (adoptée le 14 mai 2013 et issue de l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2013) est aussi importante par la dynamique de dialogue social constructif qu’elle crée que par son contenu et ses conséquences immédiates. Elle permet de sortir de l’immobilisme social qui a caractérisé la seconde moitié du quinquennat précédent, après un accord sur le marché du travail dangereux pour les salariés (janvier 2008) et un accord interprofessionnel sur la formation vide de contenu (janvier 2009). Ce faisant, elle pose les bases d’une nouvelle démocratie sociale et marque l’inversion de la logique de mépris exprimé à l’égard des partenaires sociaux, et plus généralement de tous les corps intermédiaires et contre-pouvoirs.

Cette loi constitue une avancée dans sa dimension de protection : en instaurant une flexibilité « négociée », elle protège les emplois et l’avenir. Elle permet la création de nouveaux droits individuels et collectifs (complémentaire santé, droits rechargeables, droits collectifs quant au plan de formation, accords de maintien dans l’emploi). Même si ses impacts se jugeront sur la durée, elle concrétise d’ores et déjà de nombreuses innovations positives pour lesquelles Terra Nova a activement milité :

Les accords de maintien dans l’emploi, qui constituent « des outils de modération salariale et de contrôle des coûts (…) utiles en cas de ralentissement conjoncturel de l’activité, » qui doivent être « accompagnés de contreparties et de garanties (…), d’engagements réciproques de la part du management en termes de maintien de l’emploi, d’investissement et de revalorisations salariales lors de l’amélioration de la conjoncture [50] . »

La priorité donnée à la négociation car « il faut encourager le dialogue et la négociation entre les partenaires sociaux » et « privilégier la recherche d’une solution négociée. [51]  »

L’entrée de représentants des salariés dans les Conseils d’administration, pour « affirmer une logique : l’entreprise n’appartient pas à ses seuls actionnaires [52] .

Le partage des informations sur la stratégie de l’entreprise, qui constitue un progrès, de même que la possibilité pour les représentants du personnel de proposer des orientations alternatives [53] .

Le couplage du plan de formation à la GPEC car « le plan de formation doit constituer un levier pour préserver et améliorer le capital humain et faire l’objet d’une véritable négociation avec les syndicats représentatifs de l’entreprise » [54] .

La création de droits à la formation transférables car « les évolutions vers un monde d’emplois moins stables amènent à ne plus envisager les droits des salariés uniquement dans le cadre du contrat de travail et d’un emploi donné, mais à leur donner des droits les accompagnant tout au long de leur vie professionnelle » [55] .

La nouvelle approche de dialogue social sera mise à l’épreuve au second semestre 2013 par trois négociations difficiles à venir : celle sur les retraites, celle sur la formation professionnelle et celle sur la renégociation de la convention UNEDIC (indemnisation du chômage).

Déployer les outils de la politique de l’emploi

La crédibilité du discours d’inversion de la courbe du chômage avant la fin de l’année, malgré la « boîte à outils » (emplois aidés, contrats jeunes, accord du 11 janvier, CICE, etc.) manque de consistance. Les propres données du gouvernement (scénario de Bercy publié le 16 avril 2013) misent sur un recul de l’emploi salarié marchand de 0,6 % en 2013. Pour de nombreux observateurs, ce recul apparaît d’ailleurs optimiste puisque l’on considère, compte tenu des gains de productivité et des effets démographiques, qu’il faut une croissance de 1 à 1,5 % pour stopper la destruction d’emplois, et de 1,5 % à 2 % pour commencer à faire diminuer le chômage… avec 6 mois de délais pour que la hausse de la croissance commence à se répercuter sur le taux de chômage. La prévision gouvernementale concernant la croissance pour 2013 est actuellement de… 0,1 %. A plus long terme, on peut espérer au mieux 1,5 % en 2015… et encore, le Haut Conseil des finances publiques juge ces prévisions de croissance trop optimistes !

Selon la dernière révision des prévisions de la Commission européenne, rendue publique le 3 mai 2013, le taux de chômage en France atteindra en moyenne sur l’année 2013, 10,6 % de la population active et passera à 10,9 % en 2014. L’Unedic, qui a publié ses propres prévisions pour 2014 en mai 2013, table sur 128 700 chômeurs supplémentaires en 2014 et ne voit pas le chômage diminuer avant – au mieux – la fin 2014.

Cette quasi-impossibilité d’atteindre un objectif maintes fois réaffirmé pose la question de la crédibilité de la parole publique. Elle est d’autant plus problématique que l’acteur que les Français attendent en priorité pour résoudre le problème du chômage est l’Etat, même si – et c’est une évolution positive – les Français attendent désormais beaucoup plus qu’auparavant des entreprises :

Face à une situation de chômage, qui devrait apporter des solutions à votre avis ?

L’Etat 41 %

Les entreprises 38 %

On devrait surtout compter sur soi-même 29 %

Les collectivités locales 18 %

L’Europe 17 %

La famille 8 %

Les amis 6 %

Les associations 5 %

Source : « France 2013 : crise économique, psychologies collectives », Étude Viavoice, avril 2013 ; interviews effectuées en février 2013

Cela étant, François Hollande a rappelé l’importance de la « trajectoire » : on peut être moins pessimiste sur la courbe du chômage dans la mesure où la baisse des effectifs se ralentit, ce qui peut préfigurer une évolution plus favorable du chômage. Le rythme des destructions d’emplois, 20 300 au premier trimestre 2013, est inférieur à celui des deux trimestres précédents durant lesquels plus de 40 000 emplois ont disparu.

A leur crédit, les contrats de génération et emplois d’avenir concernent les deux extrémités les plus touchées : les « plus de 55 ans » et les « jeunes ». Ils valorisent la transmission de l’expérience aux jeunes générations. A cet égard, l’exemple de Boeing qui a supprimé l’équivalent de ses contrats de génération, et a rencontré de graves problèmes de carence en compétences, souligne les bénéfices futurs de cette mesure.

Les emplois d’avenir diffèrent sensiblement des emplois jeunes, avec une évolution positive : le dispositif est plus exigeant en matière d’accompagnement professionnel et a plus de consistance concernant la formation. En contrepartie, il est plus lent à se mettre en place (20 000 seulement étaient signés fin avril) et sa limitation au secteur public et associatif ne constitue pas forcément un atout pour l’insertion durable des jeunes dans le monde de l’entreprise. La raison de cette limitation tient à la crainte de favoriser des effets d’aubaine dans le secteur privé. Terra Nova a proposé d’étendre les emplois d’avenir au secteur marchand, mais en focalisant cette mesure sur les PME. Le gouvernement s’est engagé dans ce sens (notamment en faveur des emplois d’enseignants et de services). Mais les décisions tardent à s’appliquer sur le plan local. Pourquoi les PME ? Parce que beaucoup d’entre elles ont l’opportunité de créer des emplois, mais cette ambition est freinée par un manque de moyens ; parce qu’elles constituent un segment du tissu productif qu’il faut aider en priorité pour retrouver la croissance.

Proposition n°13 : donner aux DIRECCTE et aux préfets de régions davantage de moyens pour pouvoir adapter les critères d’éligibilité (entreprises et bénéficiaires) des contrats de génération et des emplois d’avenir dans les territoires où la lenteur de la montée en charge reflète une inadéquation entre l’offre et la demande d’emplois. Etendre plus résolument les emplois d’avenir aux PME du secteur privé.

Concevoir le temps de travail tout au long de la vie

Si, comme nous l’anticipons, la « boîte à outils » actuelle se révèle insuffisante pour parvenir à l’inversion de la courbe du chômage, il faudra bien rouvrir le chantier tabou de l’aménagement du temps de travail, et éviter à cet égard les oppositions frontales que notre pays a connues lors de la période d’application des 35 heures, en cherchant des modes de réduction du temps de travail cohérents avec le besoin de montée en gamme des entreprises et de sécurisation des parcours des salariés.

Nous suggérons d’aborder la question sur une échelle de temps plus vaste. C’est ce que propose Guillaume Duval [56] , qui plaide pour une réduction de 10 % du temps de travail  « tout au long de la vie » : un congé sabbatique de formation de six mois tous les cinq ans ou d’un an tous les dix ans, par exemple.

Il faudra aussi dépasser la vision caricaturale du temps de travail qui fait des « 35 heures » la cause de tous nos maux. Guillaume Duval [57] rappelle justement que selon les données d’Eurostat, les salariés en France travaillent aujourd’hui chaque semaine plus longtemps que la moyenne de la zone euro (chiffres 2012 : 35,1 heures en France contre 35,0 pour la zone euro) et notamment plus longtemps qu’en Allemagne (34,6 heures), mais aussi qu’en Suède, Belgique, Danemark, Irlande, Pays-Bas. Dans une analyse comparative, la DG Trésor [58] souligne que « le recours important au chômage partiel et la réduction sensible de la durée du travail en Allemagne expliquent certainement pour beaucoup la bonne tenue de l’emploi à travers la crise ».

En allant plus loin, il est temps d’adopter une approche plus créative de l’aménagement du temps de travail « tout au long de la vie », en brisant la séquentialité linéaire héritée du taylorisme :

Entrée tardive et précarisée sur le marché du travail

Travail excessivement intensif et pénalisant les équilibres (personnels, familiaux, sociaux) entre 30 et 45 ans

Formation initiale

Activation des droits à la retraite

Sortie prématurée et douloureuse du marché du travail

A l’heure de la société de la connaissance, des nouveaux équilibres sociétaux et familiaux, il faut davantage accompagner les alternances et les chevauchements de ces temps d’apprentissage, de travail, de repositionnement professionnel, de soin donné aux autres, de réalisation de projets personnels.

Il faut également relever que l’obsession française en faveur de la substitution capital/travail, notamment dans les services, n’existe dans aucun autre pays. A moyen et long terme, la recherche exacerbée de productivité n’est pas conciliable avec le plein emploi, sauf à retrouver des marges de croissance considérables qui n’existent plus aujourd’hui que dans les pays émergents. L’adaptation entre temps de travail et gains de productivité s’est toujours opérée au cours du 20 e siècle, jusqu’à une période récente au cours de laquelle une sorte de crispation de la société vis-à-vis de la concurrence exacerbée due à la mondialisation semble avoir bloqué toute adaptation économique : la productivité française (la plus élevée au monde avec celle des Norvégiens et des Américains), symbole de l’efficacité et produit de l’intelligence collective française, devient en l’absence de réduction du temps de travail contre-productive et créatrice d’un chômage de masse. Plutôt que des temps partiels subis, pourquoi ne pas envisager une souplesse du temps de travail généralisée, afin par exemple que le choix d’un temps de travail moindre ne soit pas considéré comme un manque de motivation et d’ambition professionnelles ? Pourquoi aussi ne pas ouvrir une concertation avec les partenaires sociaux sur le temps partiel de façon à ce que celui-ci puisse être véritablement choisi et n’hypothèque pas les perspectives professionnelles ?

Proposition n°14 : ouvrir une négociation interprofessionnelle sur l’aménagement du temps de travail, le travail à temps partiel choisi et le temps de travail tout au long de la vie, en articulant les différents moments (éducation, formation, congés parentaux, repositionnement professionnel, accompagnement d’un ascendant en fin de vie…).

Réorienter la politique de la formation professionnelle

Ceci nous amène à un autre facteur qui handicape la compétitivité de notre pays : l’insuffisant investissement dans le « capital humain » et notamment dans la formation professionnelle. Dans le cadre du suivi de la Stratégie européenne pour l’emploi puis du programme Éducation et formation 2020, la Commission européenne a défini un indicateur qui permet de comparer l’effort des différents pays. Cet indicateur, la part des adultes de 25 à 64 ans ayant participé à des actions de formation au cours des quatre semaines précédant l’enquête, a permis de confirmer certaines intuitions. Un objectif de 12,5 % pour l’Union européenne avait été fixé pour 2010 ; il a été porté à 15 % pour 2020. En 2011, ce taux était de 8,9 % pour l’Union européenne et de 5,5 % seulement pour la France. En 2010, il était de 9,1 % pour l’Union européenne et de 5,0 % pour la France. Par comparaison, il était de 7,7 % en Allemagne, 6,2 % en Italie, 10,8 % en Espagne (donnée non disponible pour la Grande-Bretagne). Le Danemark, la Suède et la Finlande se distinguaient par des proportions considérablement plus élevées de population participant à l’apprentissage tout au long de la vie (entre un cinquième et un tiers), le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Slovénie étaient les seuls autres États membres où le taux de participation dépassait déjà l’objectif de 15 % en 2010. Déjà peu élevé en France, cet indicateur diminue, puisqu’il était de 7,1 % en 2005.

La formation professionnelle, en lien avec la décentralisation, est un des domaines où existe un gisement important d’efficacité. Il est assez désespérant que des industriels délocalisent parce qu’ils ne trouvent pas les salariés formés en France. Il est aussi extrêmement problématique de constater que malgré une force de frappe financière très importante (plus de 31,5 milliards d’euros annuels), l’effort de formation est mal réparti à double titre :

Dans les entreprises, il finance la formation de ceux qui en ont le moins besoin (cadres et techniciens). Les ouvriers y accèdent 2,5 fois moins souvent que les cadres et ce ratio est stable sur longue période (2006 : 2,6). Les moins employables, ceux qui ont le plus de mal à ne pas « rester sur le carreau » à la suite d’une restructuration, sont aussi ceux qui bénéficient le moins du principal outil d’amélioration des qualifications.

A l’échelle de la société, il ne bénéficie pas assez aux demandeurs d’emplois (seuls 4 milliards sur le total de 31,5 leurs sont destinés).

Plus largement, une étude conjointe DARES-CEREQ-INSEE nous apprenait en 2010 que seulement 10,5 % des entreprises en France avaient une réelle politique de développement des compétences et de l’employabilité.

La formation des demandeurs d’emploi est un chantier important : un tiers des demandeurs d’emplois le sont depuis plus d’un an ; plus de 10 % de personnes entrent et sortent des listes de Pôle emploi chaque mois. On assiste au double phénomène d’un chômage de longue durée et du développement de la précarité. Ce constat est connu depuis fort longtemps. Un récent rapport de la DARES [59] vient de le rappeler: en 2011, 566 000 demandeurs d’emploi sont entrés en formation, ce qui représente une baisse de 4,5 % par rapport à 2010. Sur l’ensemble de l’année 2011, les demandeurs d’emploi ayant débuté une formation ne représentent que 20,3 % du nombre moyen de chômeurs au sens du BIT sur l’année, soit 0,7 point de moins qu’en 2010. Sur ce point, François Hollande a fixé un objectif – ambitieux – lors d’un déplacement à Blois le 4 mars 2013 : « Au moins un chômeur sur deux doit se voir proposer une formation moins de deux mois après avoir perdu son emploi ».

D’ores et déjà, la loi de sécurisation de l’emploi (qui transpose l’accord du 11 janvier 2013) prévoit l’obligation de négocier la programmation pluriannuelle prévisionnelle des plans de formation (jusqu’ici prérogative exclusive de l’employeur), qui devront être davantage tournés vers les moins qualifiés et les salariés qui occupent des emplois menacés. Mais il convient d’aller beaucoup plus loin.

Il est indispensable d’engager un audit du système de formation, qui se trouve à la fois éclaté (quelque 55 000 organismes de formation) et mal évalué. Il est aussi mal utilisé du fait de l’éviction de certaines populations et, au contraire, d’une logique de « remplissage » des formations du côté de Pôle Emploi. Il manque aussi de vision partagée, du fait des relations complexes entre l’État, les partenaires sociaux, Pôle emploi et les régions, ces dernières voyant leurs responsabilités s’étoffer sans forcément disposer des leviers d’action. Enfin, il faut souligner l’absence d’un véritable service public de l’orientation unifié, déployé sur tout le territoire, avec la Région comme chef de file.

François Hollande et le gouvernement ont indiqué leur intention de lancer prochainement une réforme de la formation professionnelle. Le calendrier social, qui inclut une nouvelle réforme des retraites et celle de l’indemnisation chômage, va donc être fortement chargé de réformes non consensuelles.

Proposition n°15 : débuter sans attendre une démarche de concertation avec les partenaires sociaux visant à préparer la réforme de la formation professionnelle par la co-construction d’un diagnostic aussi partagé que possible. Mettre Pôle emploi et l’AFPA en capacité de proposer à au moins un chômeur sur deux une formation moins de deux mois après avoir perdu leur emploi. Les entreprises et les administrations publiques doivent être beaucoup plus impliquées dans l’accompagnement et la construction des parcours professionnels de leurs collaborateurs.

Agir sur le coût du logement et la mobilité géographique

Louis Gallois [60] exprimait récemment son regret d’avoir oublié, dans son rapport sur la compétitivité, de mentionner la question du logement. Il indiquait que ce poste représente aujourd’hui de 25 à 28 % du budget des ménages français, contre 12 à 15 % pour les ménages allemands [61] . La modération salariale pratiquée en Allemagne a été rendue possible par la stabilité de ce poste, alors qu’il augmentait de façon importante dans les dépenses des ménages en France. L’étude d’Alain Trannoy et Etienne Wasmer pour le CAE [62] note pour 2012, un prix au mètre carré à l’achat en moyenne supérieur de 60 % en France par rapport à l’Allemagne et supérieur de 10 à 20 % à la location. On notera a contrario que le coût de l’énergie est plus élevé en Allemagne.

La structure fédérale de l’Etat allemand favorise une meilleure répartition de la population et des opportunités d’emploi sur le territoire. A l’inverse, en France, l’immobilier est un frein à la mobilité. Une étude du Credoc de 2011 montrait que 70 % des Français qui travaillent refuseraient un meilleur emploi si cela nécessitait de déménager avec un surcoût financier. Les Français sont réputés casaniers. En fait ils aiment leur région, tout comme les autres Européens. Interrogés [63] sur les efforts qu’ils seraient prêts à consentir pour lutter contre les effets de la crise, seulement un actif européen sur quatre se dit prêt à déménager plus souvent pour changer de poste ou d’emploi (24 % dont 28 % en France).

Un plan d’urgence en faveur du logement a été annoncé par François Hollande (21 mars 2013), qui prévoit une baisse de TVA sur le logement social, un moratoire sur les normes et un plan de rénovation des logements. La politique du logement a identifié quatre défis à relever :

la production de l’offre, à des conditions abordables pour tous ;

l’accès au logement des personnes mal logées, sans abri ou vulnérables ;

l’effectivité du Droit au logement opposable (DALO) ;

la rénovation du parc existant, notamment sur le plan énergétique.

Par ailleurs, c’est la première fois qu’un accord (celui du 11 janvier 2013 transposé par la loi de sécurisation de l’emploi) prévoit un accompagnement financier pour favoriser le logement provisoire et réduire le frein à la mobilité lors de la recherche d’emploi [64] .

Proposition n°16 : Intégrer la politique du logement et l’accompagnement de la mobilité géographique à la démarche d’amélioration de la compétitivité, de sécurisation de l’emploi et de réduction du chômage.

Réintégrer la génération perdue

Le candidat François Hollande avait voulu faire de la jeunesse l’enjeu prioritaire de sa campagne. Il avait vu juste. « Une élection présidentielle, c’est le moment démocratique qui permet de rassembler la nation autour d’un thème fédérateur, » déclarait-il à l’été 2010 [65] . « Chaque grand rendez-vous a correspondu à une grande ambition ; on pouvait la contester, elle exprimait néanmoins une aspiration largement majoritaire : la volonté de changement en 1981, la France unie en 1988, la fracture sociale en 1995, la sécurité en 2002, le « travailler plus » en 2007. À chaque fois, un sujet prend le pas sur les autres ou plutôt les résume tous. On dit souvent qu’un pays qui sacrifie sa jeunesse n’a pas d’avenir ; à l’inverse, une nation qui consacre sa jeunesse se construit un futur. » Au soir du 6 mai, dans son allocution prononcée place de la Bastille à Paris, il demandait à être jugé sur deux objectifs, la justice et la jeunesse.

Or, au fil des difficultés économiques et sociales, cette orientation prioritaire s’est estompée, au point de ne plus apparaître clairement. Certes, des actions ont été entreprises vis-à-vis de la jeunesse. On peut citer notamment :

La création de 4 000 postes dans l’Education nationale pour la lutte contre le décrochage scolaire dans les collèges en difficulté et les lycées professionnels.

A la suite de l’accord du 11 janvier 2013, la sur-taxation des abus de CDD, qui permet de financer une exonération des cotisations chômage pour les CDI signés avec des jeunes de moins de 26 ans [66] .

Le dispositif d’« emplois francs », expérimenté sur dix sites pilotes et concernant 2 000 emplois dès 2013, pour aider les entreprises qui emploieront un jeune issu des quartiers sensibles.

La réunion sous l’égide du Premier ministre du Comité interministériel de la jeunesse qui a adopté 47 mesures concrètes (21 février 2013)… mais dont on est bien en peine d’en citer une seule…

Et bien sûr les contrats de génération et emplois d’avenir (destinés aux jeunes peu ou pas qualifiés).

Tous ces dispositifs manquent d’ampleur et d’appropriation par les jeunes. Alors que le taux de chômage des jeunes dans notre pays atteint le niveau de 26 % (contre 23 % pour la moyenne de l’UE et 24 % pour la zone euro [67] ) et que les jeunes se sont massivement détournés de tout espoir vis-à-vis de l’action politique, il est indispensable de remettre cette priorité au centre de l’action gouvernementale de façon forte et visible. Là encore, il n’y a pas de fatalité : le taux d’emploi des 15–24 ans en France (30 %) est deux fois plus faible qu’au Danemark et 1,5 fois plus faible qu’en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis.

Pour cela, il faut reconnaître les difficultés spécifiques à la jeunesse, que l’on peut résumer en trois points : accès à l’emploi, au logement et à un revenu décent. Plus que pour d’autres catégories d’âge, ces trois difficultés se cumulent pour les jeunes. Il est donc temps de lancer un grand plan d’action pour l’accès à ces trois ressources clés. On peut pour cela miser sur des dispositifs existants qu’il convient d’accélérer, d’amplifier et de mieux coordonner.

Le diagnostic est sévère. La Commission européenne, jamais avare d’acronymes, a créé celui de « NEET [68]  » pour désigner les jeunes de 15 à 29 ans qui ne sont ni en emploi, ni en éducation ni en formation. La France compte aujourd’hui près de 1,9 million de ces jeunes « NEET », soit 17 % de la tranche d’âge. Cette proportion très élevée montre bien que la France ne parvient pas à surmonter ce problème, particulièrement aigu dans notre pays : parmi l’ensemble des pays de l’OCDE, la France se classe en fin de peloton sur ce critère, qui n’est dépassé que par l’Italie, l’Espagne et la Grèce.

Plus préoccupant encore, environ la moitié de ces jeunes, soit 900 000, sont abandonnés et ne cherchent pas (ou plus) d’emploi. Ils proviennent en forte proportion des couches sociales les plus défavorisées. Le taux de NEET parmi les jeunes issus de l’immigration est deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Il en va de même pour les jeunes vivant en ZUS [69] , dont le taux de chômage atteint 45 %, soit environ deux fois plus que la moyenne nationale des jeunes. Un nombre important de jeunes se trouvent en situation de précarité croissante. En 2008, plus de 20 % des 18–25 ans disposaient de revenus inférieurs au seuil de pauvreté, contre 13 % pour l’ensemble de la population.

Bien sûr, la dégradation des performances de notre système scolaire a sa part de responsabilité. Avec 12 % de « sorties précoces » du système scolaire [70] en 2011, la France ne dispose plus que d’une mince avance sur ses voisins : sa performance n’a que très peu évolué depuis 2005 (alors que celle de la moyenne des 27 pays de l’UE a progressé) et nous ne faisons désormais qu’à peine mieux que la moyenne de l’UE (13,5 %). Mais le fonctionnement du marché du travail doit aussi être interrogé.

On peut se féliciter de l’emphase placée récemment par François Hollande sur l’enjeu de l’emploi des jeunes en Europe. Le 28 mai, il a annoncé une initiative franco-allemande sur ce thème, et les deux pays ont fait aboutir cette initiative lors du sommet européen des 27 et 28 juin (déblocage de 6 milliards d’euros) et de la réunion des ministres de l’emploi des 28 Etats membres le 3 juillet. On peut cependant regretter le caractère tardif de cette prise de conscience sur un problème dont les effets délétères sont connus de longue date. Sur un plan strictement financier, on peut rappeler qu’Eurofound attirait l’attention depuis un rapport de juillet 2011 [71] sur le coût représenté par le gâchis humain de l’exclusion des NEET du marché du travail, évalué à plus de 100 milliards d’euros, soit un coût social de 14 000 euros par jeune.

Accepter la situation en l’état n’est pas une option. Cela reviendrait à entériner, pour reprendre les mots du sociologue Louis Chauvel et de l’économiste Pierre-André Imbert, la formation d’une nouvelle génération sacrifiée [72]  : « Une génération a donc été sacrifiée au front de la guerre économique, sans grands scrupules. Devenus des adultes trentenaires et quadragénaires aujourd’hui, ils ont alterné des périodes de chômage, des conditions d’emplois dégradés, et profitent moins de la reprise actuelle que les nouveaux entrants. Le fonctionnement du marché du travail est ainsi fait que, lorsqu’on a raté son entrée, on ne rattrape jamais véritablement ce handicap ».

On peut donc se féliciter également des mesures annoncées par le gouvernement dans le cadre du « Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale » de janvier 2013. La création d’une « garantie jeunes » a pour objectif d’inscrire 100 000 jeunes NEET en situation de pauvreté dans un parcours contractualisé d’accès à l’emploi ou à la formation. Celui-ci repose sur une évolution de l’actuel CIVIS (contrat d’insertion dans la vie sociale). Le SPE (service public de l’emploi) sera tenu de faire des propositions adaptées d’emploi ou de formation aux jeunes concernés. Ceux-ci devront s’y engager pour bénéficier d’une garantie de ressources différentielle d’un montant équivalent au RSA, intégrant un mécanisme d’incitation vers la formation, l’apprentissage ou l’emploi. Cette mesure repose sur un engagement réciproque entre État et jeunes, à travers un contrat signé avec le SPE, notamment au travers des Missions locales.

Cette notion d’engagement réciproque nous semble prometteuse. Selon Martin Hirsch [73] , « il faut un lien plus fort que le lien habituel du contrat d’insertion des allocataires du RSA de plus de 25 ans. Le Danemark est le pays le plus intéressant, à mon avis, sur l’emploi des jeunes. C’est un pays qui a renversé la situation en trois ans. Il l’a fait avec un soutien financier aux jeunes assorti d’obligations strictes. On peut aller plus loin dans la contractualisation. » On peut également s’inspirer de l’exemple de la Finlande, qui a lancé en 1996 un programme garantissant aux jeunes une formation ou une expérience professionnelle, avec des résultats probants : le taux de chômage des jeunes dans ce pays a été divisé par deux entre 1993 et 2007.

Proposition n°17 : Amplifier le dispositif de « garantie jeunes » associé à un parcours contractualisé et lui donner une priorité dans la communication et les actions gouvernementales dès le second semestre 2013. Accroître les ressources mises à sa disposition afin de viser l’accompagnement d’au moins 300 000 jeunes.

Le succès du dispositif de « garantie jeunes » repose sur trois facteurs clés de succès :

La mise en place d’un accompagnement resserré, avec des conseillers spécialisés. Pour garantir la qualité de cet accompagnement, il faut créer des équipes spécialisées intégrant des agents de Pôle emploi, de l’AFIJ [74] et des collaborateurs des missions locales. Ces équipes spécialisées pourraient ainsi élaborer et déployer des méthodes d’accompagnement spécifiques pour aller au-devant des jeunes et prendre en charge un accompagnement renforcé. A titre d’exemple, l’Agence fédérale allemande pour l’emploi possède une structure dédiée aux jeunes chômeurs de 18 à 25 ans. Ces derniers doivent se déclarer pour ouvrir leurs droits à des allocations et signer un contrat d’intégration dans lequel est fixé l’inventaire des droits et devoirs qui leurs incombent. L’Agence fédérale prévoit qu’un conseiller gère un portefeuille de 75 jeunes, c’est-à-dire beaucoup moins que pour un conseiller d’adultes.

La possibilité d’orientation vers des formations en alternance longues et coûteuses. Or la formation des jeunes est aujourd’hui un angle mort des dispositifs de formation professionnelle, dont il faut en conséquence réorienter une partie des fonds. Les besoins au sein de la population des NEET sont criants : 85 % d’entre eux n’ont pas dépassé le niveau du lycée, et 42 % n’ont pas dépassé celui du collège.

Le renforcement des moyens dévolus aux dispositifs permettant d’accélérer l’insertion professionnelle des jeunes : apprentissage (qui concerne 45 % des jeunes allemands et 50 % des jeunes autrichiens contre 12 % des jeunes français), écoles de la 2 e chance.

Proposition n°18 : Accroître les capacités des dispositifs d’insertion professionnelle des jeunes

L’ensemble de ces mesures seront financées par le redéploiement d’une partie des allègements de charges sur les bas salaires, dont nous proposons la suppression (voir ci-avant). En période de ressources budgétaires rares, on pourrait douter de la pertinence d’une focalisation des ressources nouvelles sur la jeunesse. Mais il ne s’agit en fait que d’un rééquilibrage. Dans leur ouvrage, Jean-Hervé Lorenzi, Jacques Pelletan et Alain Villemeur [75] ont analysé les transferts financiers entre les générations, opérés par l’intermédiaire des pouvoirs publics et de la politique de redistribution. Leur conclusion est nette : « On se rend compte que la France se trouve être une exception parmi les pays développés, tant par l’ampleur de ces transferts en faveur des seniors que par la faiblesse de ces transferts en faveur des jeunes. (…) Les jeunes français sont ceux qui bénéficient le moins des transferts financiers en leur faveur, exception faite des jeunes italiens. En part du PIB, ils sont à égalité avec les jeunes allemands qui sont cependant moins nombreux, mais sont loin derrière tous les autres pays, que ce soit le Royaume-Uni, la Suède ou encore les États-Unis. Par rapport à la Suède, ils bénéficient d’un transfert financier moindre de 2,1 % du PIB, soit l’équivalent en France de 42 milliards d’euros annuellement. Cette différence provient de moindres dépenses sociales et d’éducation mais aussi de prélèvements obligatoires plus lourds ».

Il ne s’agit surtout pas d’entrer dans une logique d’opposition des générations entre elles – le contrat de génération mise justement sur l’effet inverse – mais de constater que la jeunesse ne peut rester une oubliée du quinquennat.

Recréer des solidarités dans l’entreprise

Le gouvernement Ayrault a commencé à traiter la question de la gouvernance de l’entreprise mais beaucoup reste à faire. Lorsque François Hollande, à l’occasion de son discours du Bourget (22 janvier 2012) a pointé son « ennemi » comme étant « la finance », certains ont voulu y voir un anathème vis-à-vis d’une profession. Il s’agissait bien plus de la volonté de s’affranchir des excès d’un système : celui d’une vision caricaturale de l’entreprise soumise à la volonté des seuls actionnaires et à la « dictature » du court-termisme. De ce point de vue, l’entrée des représentants des salariés dans les Conseils d’administration (ou de surveillance) des grandes entreprises va contribuer à rééquilibrer les stratégies en y intégrant davantage les facteurs humains. De même, la volonté de poser des limites aux rémunérations excessives des dirigeants est désormais concrétisée dans le secteur public (écart maximal de rémunérations de 1 à 20) et devrait aboutir par le biais de plusieurs mécanismes (taxe sur les salaires dépassant un million d’euros payée par les entreprises, mise en œuvre du « say on pay », limitation des parachutes dorés, intégration de critères plus stricts dans la charte AFEP-Medef) dans le secteur privé [76] .

La loi de sécurisation de l’emploi permet l’entrée de représentants des salariés dans les Conseils mais favorise aussi le débat stratégique au sein des entreprises, et en fait un objet de dialogue social. Le Comité d’entreprise (CE) sera informé et consulté annuellement sur les orientations stratégiques de l’entreprise et leurs conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers, des technologies et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à des contrats temporaires et à des stages. Il aura l’occasion de formuler des orientations alternatives qui seront transmises au Conseil d’administration ou de surveillance, lequel devra y répondre de façon argumentée. À son tour, le CE pourra répondre au conseil. Il est de la responsabilité des partenaires sociaux de se saisir de ces nouvelles opportunités pour nourrir un vrai dialogue.

La mise en œuvre de contrôles renforcés et de sanctions vis-à-vis des entreprises qui ne respectaient pas les obligations légales en matière de négociation sur l’égalité professionnelle a produit des résultats. Depuis le mois de janvier 2013, 300 entreprises ont été mises en demeure, et 1 200 plans sur l’égalité professionnelle ont été conclus et enregistrés. La gouvernance, c’est aussi s’assurer que les lois sont appliquées… Cela n’empêche aucunement de poursuivre l’effort sur le plan de la pédagogie et des incitations.

D’autres mesures proposées par Terra Nova permettraient d’aller plus loin dans l’évolution de la gouvernance :

adopter un taux réduit d’impôt sur les sociétés pour les bénéfices réinvestis [77]  ;

mettre en œuvre des droits privilégiés pour les actions de long terme : droits de vote double et majoration des dividendes en fonction de la durée de détention des titres (idem) ;

alternativement, créer un statut de société par lequel seuls les actionnaires détenant leurs titres depuis une certaine durée ont le droit de vote (les spéculateurs « de passage » peuvent donc espérer bénéficier des plus-values, mais ils ne définissent pas la stratégie de l’entreprise) ou encore laisser la liberté aux statuts d’organiser une gouvernance (et éventuellement des droits à dividendes) dépendant de la « fidélité » des actionnaires ;

concrétiser la RSE (responsabilité sociale des entreprises) en développant la notation sociale des entreprises (cette proposition a été reprise par François Hollande alors candidat [78] ).

Proposition n°19 : différencier les taux d’imposition sur les sociétés en fonction du réinvestissement et les droits attachés aux actions en fonction de la durée de détention ; concrétiser la notation sociale des entreprises.

Une prochaine loi permettra d’apporter un soutien au développement de l’économie sociale et solidaire, secteur potentiellement créateur d’emplois, notamment par le levier des emplois d’avenir, dans un délai court, si l’amélioration de l’apport en financement est concrétisé.

Redonner à l’Europe un rôle mobilisateur d’entraînement

Le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, complété par les mesures récentes consécutives aux Assises de l’entrepreneuriat, améliore incontestablement les conditions de développement et le contexte micro-économique des entreprises. Les entrepreneurs l’ont souligné. Pour autant, c’est la perspective de croissance des ventes qui tire les décisions d’investir, d’innover, d’embaucher. Cette dynamique de croissance, c’est au niveau de l’Europe qu’elle fait défaut et qu’elle est à reconstruire. Or, le dernier ouvrage de Patrick Artus [79] révèle l’hétérogénéité croissante de la zone euro.

Un travail sur la conjoncture doit être entrepris sérieusement : il faut se demander comment la politique budgétaire impacte le niveau d’emploi (les prévisions de l’OCDE sont assez pessimistes à cet égard). C’est une réflexion essentielle qui peut orienter de manière plus efficace les dépenses publiques. Traditionnellement, le moteur de la croissance en France est la consommation des ménages. Pour la première fois depuis l’après-guerre, celle-ci a reculé en 2012 (baisse de 0,4 % du fait d’un recul du pouvoir d’achat individuel de 1,5 %, pour la première fois depuis 1984) puis en ce début 2013, sous l’effet des politiques budgétaires et fiscales. La crainte du chômage pousse les Français, dont le taux d’épargne est parmi les plus élevés de l’UE, à accentuer leur épargne de précaution. Dans les enquêtes de conjoncture de l’INSEE auprès des ménages, l’écart entre la proportion des Français qui estiment que c’est le bon moment d’épargner et ceux qui pensent l’inverse atteint 37 %, le plus haut niveau observé depuis près de deux décennies.

Proposition n°20 : Poursuivre le dialogue avec les chefs d’Etat européens et la Commission pour convaincre de l’intérêt bien compris de l’UE de desserrer la contrainte budgétaire lorsque celle-ci conduit à l’étouffement, pour favoriser les mesures de croissance concertée

Cela ne signifie pas pour autant qu’une relance à la mode du début des années 1980 soit la solution : on connaît les limites de cette politique. En revanche, le levier européen n’est pas assez mobilisé aujourd’hui, de même que le drainage de cette épargne abondante vers « des investissements conséquents dans les domaines de l’innovation, de l’éducation, de la formation professionnelle, des infrastructures, ainsi que dans la restructuration du tissu industriel [80] . »

Le contexte européen pèse lourdement sur le contexte national. La concurrence avec d’autres pays menant une politique de réduction des coûts agressive (pays du Sud de la zone euro) change la donne car elle interdit à la politique industrielle française de persister à ne pas choisir. Elle l’oblige à opter résolument pour une politique de haut de gamme, de forte valeur ajoutée. L’économiste Jean-Luc Gaffard [81] analyse les indicateurs de prix de la valeur ajoutée et montre ainsi que la France est « prise en tenaille » entre l’Allemagne et l’Espagne. L’Allemagne impose ses prix sans difficultés et l’emporte sur la France grâce à la qualité de ses produits ; l’Espagne améliore la qualité tout en bénéficiant d’une compétitivité-prix bien établie.

Cela nécessite-t-il une coordination des politiques industrielles en Europe ? Ou bien doit-on considérer que nos « concurrents » sont d’abord les Chinois et les Américains ? De nombreux pays permettent aux entreprises de contracter des conventions de branche (exemple de Fiat). En France, on ne peut pas déroger aux minima en termes de branches. La guerre des prix intra-européenne est mortelle ; il faut relancer l’activité mais en dépassant la logique du « chacun pour son pays ».

Si la cohésion des 28 (ou des 17 pays de la zone euro) n’est pas suffisante, la mise en œuvre du modèle des coopérations renforcées apporterait une réponse pertinente.

Proposition n°21 : définir et exécuter une politique sélective d’investissements d’avenir à l’échelle européenne dans le cadre de programmes transversaux structurants pour la compétitivité (énergie, transition écologique, réseaux numériques…) favorisant les retombées industrielles.

La question de la transition écologique, pour aboutir à des mesures efficaces, doit être traitée à l’échelle européenne plutôt que nationale. Sur ces problématiques, la question est posée d’une forme de taxation des produits dont la production est polluante indépendamment du lieu de leur production. Cette taxation serait réduite si le producteur prouve qu’il utilise des procédés moins polluants, moins émetteurs de gaz à effet de serre ou moins consommateurs de ressources rares que les procédés de référence. Ainsi, tous les pays seraient incités à mettre en œuvre des modes de production plus responsables, alors que taxer seulement les producteurs en France nuit à leur compétitivité et pousse à aller produire ailleurs les mêmes biens dans des conditions moins écologiques. Or la France est très en retard par rapport à la plupart des pays européens sur la fiscalité écologique. On pourrait aussi évoquer la relance du marché des émissions de CO2 dont l’effondrement n’a profité qu’aux gisements de lignite allemands, a conduit les installations françaises de génération au gaz à être arrêtées et a relancé la consommation de charbon au détriment de la réduction des émissions.

Proposition n°22 : mettre en place une fiscalité écologique à l’échelle européenne. Poursuivre sous forme d’une coopération renforcée la mise en place de la taxation sur les transactions financières.

Parmi les pistes à avancer au niveau européen, il faut aussi poursuivre sur les sujets sociaux (un SMIC pour chaque pays européen) et fiscaux : une base commune de calcul pour l’impôt sur les sociétés, même si des taux communs restent aujourd’hui du domaine de l’utopie ; une politique déterminée de lutte contre la fraude fiscale et l’optimisation fiscale, forme légale de la fraude fiscale.

En l’absence de ces politiques, qui permettent de montrer aux citoyens que l’UE est protectrice, ces derniers continueront à se détourner de l’Europe et à chercher des solutions non coopératives. De ce point de vue, il est urgent d’inverser la tendance. Au début des années 2000, les Britanniques apparaissaient comme les eurosceptiques. Parmi les six plus grands pays de l’UE, ils étaient les seuls à présenter un taux de défiance (proportion des citoyens qui déclarent ne pas faire confiance à l’UE) proche de 50 % (47 % précisément). En 2012, leur taux de défiance a bondi à 75 %, mais celui des autres pays a dépassé ou s’approche du seuil de 50 % : 72 % en Espagne, 62 % en Italie, 61 % en Allemagne, 56 % en France et 46 % en Pologne [82] . La cohésion européenne résistera-t-elle à la crise ? Tout dépend de sa capacité à répondre aux attentes des citoyens.

Conclusion : consolider l’offensive de l’an I dans une vision de long terme

Un paradoxe apparaît au terme de ce point d’étape. La mise en œuvre du changement par François Hollande président se déroule conformément aux engagements pris par François Hollande candidat. Cette conformité concerne à la fois le contenu du changement (un nombre conséquent de réformes ont été lancées, qui concrétisent la plupart des 60 engagements du candidat [83] ) et sa forme : le gouvernement, comme François Hollande l’avait indiqué, réforme non pas par l’injonction et la précipitation, mais en donnant le temps à la concertation en amont des décisions (grande conférence sociale, rôle dévolu au Haut conseil du financement de la protection sociale, missions d’étude confiées à des experts…) et en associant les corps intermédiaires et le Parlement. Cette approche constitue une rupture. Souvenons-nous des attaques incessantes menées par Nicolas Sarkozy à l’encontre des syndicats, des élus locaux, des diplomates, des magistrats, des policiers, des enseignants, des médias, des intellectuels, du parlement… et jusqu’à son propre gouvernement.

Il faut donc bien se poser la question : malgré la conformité de ses actes avec ses engagements, pourquoi ce gouvernement n’est-il soutenu que par une fraction réduite de l’opinion ? Nous voyons cinq raisons à ce décalage.

1 – « Le changement, c’est maintenant » : le slogan de campagne a une seconde signification, celle qui colle le changement sur l’instant ; celle qui dévalorise « l’avant-changement » et « l’après-changement », alors que ces deux temporalités sont essentielles à la pédagogie du changement.

2 – François Hollande n’a pas changé la donne sur la question du travail ministériel. Les échanges entre les ministères sont importants, mais les échanges entre ministres le sont moins. Le Conseil des ministres est demeuré un moment formel de l’action gouvernementale. En d’autres termes : l’action gouvernementale est le résultat de celle des ministres qui lancent leurs initiatives sous l’arbitrage du Premier ministre ou du Président. D’où l’apparence de désordre et de confusion : il y a autant d’initiatives lancées que de « tendances » au sein du principal parti de gouvernement. D’où également l’apparence d’un manque de cohérence et le déficit d’autorité : les ministres se considèrent davantage comme porteurs des priorités de leur domaine ministériel que comme membres d’une équipe solidaire. On aurait pu, avec un gouvernement plus resserré, concevoir une autre approche : une équipe ministérielle soudée qui choisit ensemble ses priorités et déploie les réformes par le biais d’un travail collectif.

3 – L’équipe gouvernementale n’a pas pris le temps de définir le sens et les objectifs du changement dans des termes à la fois ambitieux et accessibles pour les Français. Quelle société voulons-nous ? Quelle est la finalité des efforts demandés ? Faute de cette vision collective, les réformes apparaissent trop souvent comme une suite désordonnée d’initiatives manquant de cohérence. Les quelques tentatives de mise en perspective (par exemple le « modèle français », essai de théorisation par Matignon) n’ont pas convaincu et l’équipe gouvernementale n’a malheureusement pas insisté. Comme elle n’a pas réussi à articuler les objectifs du changement, il est difficile d’en assurer la « promotion » auprès des Français. Le gouvernement se doit de synthétiser les résultats de son action et d’en rendre compte aux Français dans une communication plus continue et plus pédagogique.

4 – Le délai d’un an est ingrat : beaucoup de mesures ont été prises, les efforts ont été consentis mais les résultats ne peuvent encore se traduire de façon visible.

5 – François Hollande a éprouvé des difficultés à tirer les leçons de la réforme des institutions ramenant la durée du mandat présidentiel à cinq ans. Dans une première phase, il a cru à un partage des rôles entre lui-même et son Premier ministre plus conforme à la lettre des institutions de la V e République. Il a du se rendre à l’évidence : les Français veulent voir le Président qu’ils ont élu en première ligne. Mais sa communication n’a pas évolué en cohérence.

Aucune de ces raisons n’est irréversible. Entre fatalité ou volontarisme, le gouvernement a choisi le second. Dans le flux nourri des enquêtes et études d’opinion produites sur l’état de la France à l’occasion du bilan de l’an 1, l’une retient l’attention, réalisée par Viavoice [84] . Au-delà de la déception et de l’insatisfaction exprimées par les Français, déjà bien documentées, cette enquête montre tout d’abord qu’une très large majorité de Français (71 %) estiment que « la France a la possibilité d’enrayer son déclin ». Et pour trouver une voie de sortie de la crise actuelle, les personnes interrogées proposent de miser sur l’attachement à de grandes valeurs. Pour les années qui viennent, elles distinguent trois registres de valeurs prioritaires dont la France et les Français ont besoin. La première, nettement devant les autres, est la « valeur travail » : 44 % des Français la citent comme valeur d’avenir. La deuxième valeur d’avenir est celle de « justice sociale » (34 %) suivie par celle, en nette progression, de « respect des gens » (30 %), à entendre non seulement comme une exigence formelle, mais également et peut-être surtout comme un besoin d’attention à l’autre et enfin la « protection, la sécurité » (25 %). C’est entre ces valeurs fortes qu’il faut trouver un chemin.

L’an I constitue un socle solide pour le déploiement du changement. L’an II sera riche en chantiers : nouvelle réforme des retraites, financement du chômage, formation professionnelle, allocations familiales et plus largement, financement de la protection sociale, réforme de la dépendance, lutte contre les licenciements boursiers, acte 3 de la décentralisation, sans oublier des réformes de nature plus politique comme le droit de vote des étrangers, le non-cumul des mandats et la réforme constitutionnelle…

Le changement, ce n’est pas seulement maintenant. Ce n’est pas une discipline pour sprinter. C’est une course de fond, un effort de cinq ans. Le départ est plutôt réussi, même si les haies sont hautes et si quelques coureurs ont trébuché. La course est à peine engagée.

  1. Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi

  2. Crédit d’impôt compétitivité emploi

  3. Commissariat général à l’investissement

  4. Comité d’hygiène, de sécurité, et des conditions de travail

  5. Association nationale pour la formation professionnelle des adultes

  6. Dans Les Echos du 3 mai 2013

  7. L’Etat pyromane , éditions Delavilla, février 2010 ; « Nicolas Sarkozy 2007–2012 : le dépôt de bilan » , février 2012 (rapport Terra Nova) :

  8. « Mes 60 engagements pour la France », Brochure de François Hollande en vue de l’élection présidentielle du 22 avril 2012

  9. Le Monde du 7 décembre 2012

  10. Josh Bivens, “Updated employment multipliers for the US economy” , EPI Working Paper #268, August 2003. Voir également Daniel Atlan, « La classe ouvrière ira-t-elle au paradis ? » , La Fabrique de l’industrie, février 2013

  11. Ernst & Young’s 2013 European attractiveness survey Europe, “Coping with the crisis, the European way” , June 2013

  12. Le Seuil, janvier 2013

  13. La documentation française, février 2013

  14. « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française » , 5 novembre 2012

  15. « Le défi de la France : une ambition industrielle portée par un Etat stratège ; Rapport d’information sur les coûts de production en France », Assemblée nationale, Rapport n° 843 , 27 mars 2013

  16. « Investir dans l’avenir : une politique globale de compétitivité pour la France » , rapport de Terra Nova, juin 2012

  17. Thomas Chalumeau, « Budget 2013 : quelle stratégie face à la crise ? » , note de Terra Nova, octobre 2012

  18. « La compétitivité française 2012 » , document de travail n° 38, novembre 2012. Cette enquête consiste à interroger les grands acheteurs européens – en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Belgique et au Royaume-Uni – sur leur perception des produits qu’ils achètent à l’étranger.

  19. « Un choc de compétitivité en baissant le coût du travail ? Un scénario bancal qui évince des pistes alternatives », note du CEPREMAP , octobre 2012, révisée en février 2013

  20. L’Usine Nouvelle , 24 janvier 2013

  21. « Évaluation de l’impact économique du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi » , Revue de l’OFCE , 126, 2012

  22. Défini comme le pourcentage du chiffre d’affaires provenant de produits nouveaux pour l’entreprise et pour les marchés pour les entreprises de 10 salariés et plus.

  23. Enquête communautaire sur l’innovation ; chiffres pour 2008

  24. OECD, “Drawing the benefits from global value chains” , 21–22 March 2013

  25. Conseil d’orientation pour l’emploi

  26. « Nicolas Sarkozy 2007–2012 ; le dépôt de bilan » , rapport de Terra Nova, février 2012

  27. Philippe Askenazy et Rokhaya Diallo, « Face à la précarisation de l’emploi, construire des droits pour tous » , rapport de Terra Nova, avril 2013

  28. Sondage effectué auprès de 6 198 personnes (France, Allemagne, Espagne, RU, Italie, Pologne) du 14 mars au 7 avril 2013. Publié dans Le Monde du 7 mai 2013

  29. « Rapport annuel 2012 des commissaires au redressement productif » , ministère du Redressement productif, mars 2013

  30. Voir les propositions de Terra Nova : Nelly Fesseau, « Numérique : renouer avec les valeurs progressistes et dynamiser la croissance » , rapport Terra Nova, 15 octobre 2012

  31. Dorothée Kohler et Jean-Daniel Weisz, Pour un nouveau regard sur le Mittelstand, La Documentation française, octobre 2012

  32. Op. cit.

  33. Les Echos , 15 avril 2013

  34. Juliette Ponceau et Stéphane Balan, « Les PME et l’exportation », OSEO, 2012

  35. « Des stratégies automobiles différentes en France et en Allemagne » , Le chiffre du commerce extérieur, Etudes et éclairages, n°30, avril 2012

  36. Voir : Maurice Schwob, Le danger allemand : étude sur le développement industriel et commercial de l’Allemagne , 1896

  37. 56 e enquête semestrielle , OSEO, Janvier 2013

  38. Etude DG Trésor et Ubifrance, « Coupler l’offre commerciale française à la demande des pays » , ministère du Commerce extérieur, décembre 2012

  39. Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France

  40. Voir : « Idée reçue : Les Français n’aiment pas les entrepreneurs » , Les Echos , 13 mars 2013

  41. Jeune entreprise innovante

  42. Dite « Commission Attali »

  43. Source : rapport annuel 2012 de l’Observatoire des délais de paiement

  44. Rapport sur l’évolution des PME en 2012. Observatoire des PME – La documentation française

  45. Les désordres du travail – Enquête sur le nouveau productivisme , Le Seuil, 2005

  46. Olivier Ferrand, « Le Sarkozysme, une idéologie de rupture » , introduction de L’Etat pyromane , éditions Delavilla, février 2010

  47. Source : “Fifth Working Conditions Survey” , Eurofound, 2012

  48. Voir par exemple Antoine Valeyre, « Conditions de travail et santé au travail des salariés de l’Union européenne : des données contrastées selon les formes d’organisation » , Centre d’études de l’emploi, 2006 et “Fifth Working Conditions Survey – Overview report” , Eurofound, April 2012

  49. Voir : Martin Richer, « "Bien-être et efficacité" : pour une politique de qualité de vie au travail » , note de Terra Nova, 18 mars 2013

  50. Louis Schweitzer et Olivier Ferrand, « Investir dans l’avenir : une politique globale de compétitivité pour la France » , rapport de Terra Nova, juin 2012

  51. Juliette Méadel, « Marché du travail : le mauvais procès fait aux juges » , Les Echos , 12 mars 2013

  52. Marc Deluzet, « Une vision progressiste de l’Entreprise » , rapport de Terra Nova, mai 2012

  53. Henri Rouilleault, « 2012–2017 : Renforcer la négociation collective et la démocratie sociale » , rapport de Terra Nova, septembre 2011

  54. Martin Richer, « Formation des salariés ou des chômeurs : le rapport LARCHER dans l’impasse » , note de Terra Nova, avril 2012

  55. « Sécurisation des parcours professionnels : pour un compromis social ambitieux » , rapport de Terra Nova, décembre 2012

  56. Voir par exemple : « Travailler moins pour travailler tous », Alternatives économiques , avril 2013

  57. « Comment inverser la courbe du chômage », Alternatives Economiques , mars 2013

  58. « Comparaison France-Allemagne des systèmes de protection sociale » , Les Cahiers de la DG Trésor, n° 2012–02, août 2012

  59. « La formation professionnelle des demandeurs d’emploi en 2011 » , avril 2013

  60. « Un regret, le logement » , Le Monde , 5 mars 2013

  61. Source : rapport de Daniel Goldberg sur les coûts de production en France , mars 2013

  62. « Comment modérer les prix de l’immobilier ? » , note du CAE, février 2013

  63. « Les Européens et la sortie de crise » , enquête Ipsos / CGI pour Publicis, avril 2013

  64. Voir également les propositions de Terra Nova sur le logement : « Politique du logement : et les investisseurs institutionnels ? » , note du pôle Logement et Ville de Terra Nova, 7 mai 2013

  65. Discours de Bourg-lès-Valence, 28 juin 2010

  66. Pendant trois mois pour les entreprises de plus de 50 salariés et quatre mois pour les plus petites entreprises

  67. Chiffres portant sur février 2013

  68. Acronyme de « Not in Education, Employment or Training »

  69. Zone urbaine sensible

  70. C’est-à-dire la part des 18–24 ans ne suivant ni études ni formation et sans diplôme de l’enseignement secondaire de second cycle autre que le brevet des collèges

  71. “€100 billion – the cost of youth exclusion” , Eurofound News July 2011

  72. « Les nouvelles générations sacrifiées » , note Démocratie Egalité, n°2, 2002

  73. Source : Jean-Baptiste Prévost, « L’emploi des jeunes » , rapport du CESE, septembre 2012

  74. Association pour faciliter l’insertion professionnelle

  75. Rajeunissement et vieillissement de la France – Une politique économique pour la jeuness e, Descartes & Cie, avril 2012

  76. Voir les propositions de Terra Nova : Martin Hirsch, Gaby Bonnand et Sandra Desmettre, « Pour une régulation des hautes rémunérations » , rapport de Terra Nova, décembre 2011

  77. Voir « Investir dans l’avenir : une politique globale de compétitivité pour la France » , déjà cité

  78. Voir « Mes 60 engagements pour la France », Engagement n°24

  79. Patrick Artus et Isabelle Gravet, La crise de l’euro , Armand Colin

  80. Romain Perez, « Marquons une pause » , Le Monde , 9 avril 2013

  81. OFCE et SKEMA Business School

  82. Source : European Council on Foreign Relations, Eurobarometers 2004–2012

  83. Le quotidien Libération propose un suivi de ces 60 engagements sur son site internet . A début mai, 31 engagements sont déjà tenus ou en bonne voie.

  84. « France 2013 : crise économique, psychologies collectives », avril 2013

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