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Revue de presse

La franchise poursuit son ascension malgré la crise

A 45 ans, Thierry Thomas a déjà eu plusieurs vies. Ancien directeur après-vente dans l’automobile, gérant de camping puis vendeur de piscines, ce commerçant dans l’âme tente depuis quelques semaines une nouvelle aventure. Le 10 mars, il a ouvert un restaurant La Pataterie à Vaux-sur-Mer (Charente-Maritime).
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Avec les seize personnes qu’il a embauchées, il propose, midi et soir, des pommes au four, des gratins ou encore des fondues. Les recettes ont été mitonnées par La Pataterie, dont M. Thomas est le dernier franchisé à ce jour. La carte, les tarifs, tout est fixé par l’enseigne. « Pour un entrepreneur, c’est un peu de la conduite accompagnée, s’amuse-t-il. Le concept a déjà été bien étudié, on n’a plus qu’à l’appliquer. Et si cela ne marche pas, on peut toujours demander de l’aide au réseau. »

De La Pataterie à GrandOptical ou à Eram en passant par les pompes funèbres Roc-Eclerc, les franchises constituent aujourd’hui l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie française. Chaque année, de plus en plus de Français se lancent, comme M. Thomas. Nombre d’entre eux se retrouveront au Salon de la franchise, qui se tient du 22 au 25 mars à la porte de Versailles à Paris, et où 37 000 visiteurs sont attendus ; c’est la plus grande manifestation du genre en Europe.

En une décennie, le nombre de points de vente fonctionnant selon ce système a bondi de 85 %, pour dépasser 68 000, selon la Fédération française de la franchise. Ensemble, ils emploient désormais plus de 300 000 personnes, et réalisent 51 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

« C’est un bon moyen de changer de métier pour les salariés qui sont fatigués des grands groupes ou pour ceux qui doivent se reconvertir, analyse Chantal Zimmer, la déléguée générale de la fédération. Cela permet aussi d’être indépendant tout en bénéficiant de la force d’une marque, de son savoir-faire, et d’une formation. »
Ces atouts ont un prix. A La Pataterie, par exemple, les nouveaux franchisés doivent acquitter un droit d’entrée de 45 000 euros, apporter à titre personnel au moins 120 000 euros pour financer la création du restaurant, et reverser ensuite 5,5 % de leur chiffre d’affaires à l’enseigne pendant toute la durée du contrat.
Un coût qui ne décourage visiblement pas les candidats. Dans les zones périphériques des villes moyennes de l’Hexagone, les restaurants à cette enseigne sans chichis ont poussé comme des champignons après l’averse : vingt-six points de vente en 2008, environ 215 aujourd’hui. Le cap des 350 est visé pour 2017. Tous sont tenus par des entrepreneurs indépendants.

Si la franchise se développe autant en France, « c’est que ce système présente un intérêt bien compris pour les deux parties », soulignent les analystes de Xerfi. En s’appuyant sur un réseau, avec une marque connue, les commerçants indépendants réduisent les risques. Et pour les enseignes, « la franchise permet un développement rapide sur l’ensemble du territoire tout en limitant les investissements, largement supportés par les adhérents. »

De plus en plus de sociétés choisissent ce moyen pour s’étendre. Franck Provost (salons de coiffure), Celio (prêt-à-porter), Babychou Services (garde des enfants), Ibis (hôtellerie), 5 à Sec (pressings), Shiva (services à la personne), etc. : pas moins de 1 796 réseaux sont aujourd’hui recensés par la fédération. Un chiffre qui a plus que doublé en dix ans.
La crise n’a pas ralenti l’essor de ce système. Elle a au contraire prouvé sa solidité. Guy-Noël Chatelin, spécialiste de la distribution chez OC & C, décrypte le mécanisme. « Dans la franchise, ce sont des entrepreneurs qui dirigent les magasins, explique-t-il. Ils ont en général un sens commercial plus aiguisé que dans une chaîne intégrée. Quand ils voient les comptes virer au rouge, c’est leur argent, donc ils réagissent, quitte à supprimer des postes et à ne pas compter leurs heures, voire celles de certains membres de leur famille. » Alexandre Maizoué, le directeur général de La Pataterie, est sur la même longueur d’onde : « En période de crise, c’est un modèle économique qui permet de faire le dos rond. »

Cette efficacité n’empêche évidemment pas les difficultés, ni les tensions entre franchiseurs et franchisés. Dans l’immobilier, le groupe Foncia est ainsi en conflit avec plusieurs de ses ex-partenaires indépendants. La justice, saisie, a annulé en décembre 2014 des clauses qui interdisaient aux franchisés de s’engager dans un autre réseau à la fin de leur contrat, et elle a accordé à ceux-ci d’importants dommages et intérêts.

Anne Leitzgen, la patronne des cuisines Schmidt et Cuisinella, est elle aussi consciente des limites du dispositif. Grâce à la franchise, cette grosse fabrique de meubles s’est dotée d’un réseau de distribution qui fait aujourd’hui sa force, et compte 520 cuisinistes. Pour bien mailler le territoire français, elle estime qu’il faudrait monter à 350 points de vente pour chacune de ses deux enseignes.

Mais tous les franchisés ne font pas l’affaire. « Dans notre métier, tout se joue sur le bouche-à-oreille, quand les clients recommandent le cuisiniste dont ils sont satisfaits à leurs amis, explique Mme Leitzgen. Dans notre réseau, ceux qui ont un bon taux de recommandations obtiennent des avantages. A l’inverse, on peut retirer l’enseigne à ceux qui ont un mauvais taux. Nous l’avons encore fait en septembre 2014 pour quatre magasins. »

Enfin, les salariés des franchisés sont « les grands perdants de l’affaire », estime la fondation de gauche Terra Nova dans une note publiée en décembre 2014. « Ils font, de fait, partie d’un groupe, souvent de taille conséquente. Mais la réalité de leur situation professionnelle est celle de salariés de petites entreprises », souligne l’étude : peu de promotion interne possible, pas de comité d’entreprise, etc. Terra Nova propose de créer un statut juridique propre à la franchise pour « mettre fin à cette hypocrisie sociale ». Mais tant les franchiseurs que les franchisés y sont hostiles. Il a donc peu de chances de voir le jour.

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