La petite enfance : un secteur à bout de souffle en mal d’attractivité
Le secteur de la petite enfance fait face à des difficultés de recrutement depuis plusieurs années. Les raisons sont multiples : faibles rémunérations, métier difficile et peu valorisé, perspectives d’évolution insuffisantes, course à l’équilibre économique induite par de nouveaux modes de financement. Pourtant l’évolution des connaissances en neurosciences, en économie et en sciences sociales a souligné l’importance de la qualité de l’accueil des jeunes enfants et l’investissement social dans la petite enfance est désormais un levier reconnu dans la lutte contre les inégalités sociales.
Alors que les élus, les partenaires sociaux, les politiques s’accordent sur la nécessité de créer de nouvelles places en crèches, et à quelques semaines de la mise en place du service public de la petite enfance, dans lequel les communes auront une place prépondérante, Terra Nova formule dans ce rapport plusieurs propositions pour revaloriser financièrement et culturellement le rôle des professionnels de la petite enfance, mieux reconnaître leur apport à la société et donner envie aux jeunes femmes et aux jeunes hommes de s’engager dans cette voie.
Aujourd’hui environ 1,3 millions d’enfants entre 3 mois et 3 ans[1] sont pris en charge par des professionnels de la petite enfance, jusqu’à leur entrée à l’école. Les solutions d’accueil du jeune enfant sont variées pour répondre aux différents besoins des familles. Les modes d’accueil formels peuvent être individuels (assistantes maternelles ou gardes d’enfants à domicile) ou collectifs (crèches). Pourtant, les besoins ne sont pas tous satisfaits. Plus de 160.000 parents sont empêchés de prendre ou reprendre un emploi faute de mode d’accueil adapté à leurs besoins et à leurs moyens, malgré la baisse de la natalité quasi continue depuis 2010. Le départ à la retraite d’ici 2030 de la moitié des assistantes maternelles – premier mode d’accueil des 0 – 3 ans – risque de renforcer la pression sur les crèches et accentuer le déficit de places.
Le périmètre du présent rapport est limité à l’accueil collectif des jeunes enfants. Il est centré sur les professionnels des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE), qu’ils soient privés, publics ou associatifs. Une grande majorité des crèches est marquée par des fortes difficultés de recrutement de personnel qualifié. Ces tensions pèsent sur leur fonctionnement, sur les conditions de travail et d’accueil des enfants. Les disparités territoriales sont fortes, conséquence notamment de la baisse du cofinancement du bloc communal. Le mode de financement des crèches, basé aujourd’hui majoritairement sur la participation de la Caisse d’Allocation Familiale (CAF), des collectivités locales et des familles ne couvre pas l’augmentation des coûts de fonctionnement, ce qui déstabilise l’équilibre économique des structures.
Pour répondre à la pénurie de personnel – pénurie qui touche plus généralement de nombreux métiers du soin – plusieurs dispositifs ont été mis en place ces derniers mois dans le cadre du service public de la petite enfance. Le gouvernement d’Elisabeth Borne s’était engagé à ajouter 5 milliards € (Mds€) supplémentaires pour la petite enfance avant la fin du quinquennat et de nouvelles dispositions ont été présentées pour revaloriser les salaires et améliorer les conditions de travail. Le bonus attractivité, essentiellement porté par la branche famille de la sécurité sociale, qui concerne les salariés des crèches publiques et privées financées par la PSU, est effectif[2]. Même s’il est soumis à accord de branches, et qu’il n’est pas encore appliqué dans l’ensemble des crèches, c’est un premier pas vers une meilleure revalorisation salariale. Cela ne répond pas néanmoins à l’ensemble des difficultés rencontrées.
Le comité de filière petite enfance a été créé en 2021, il réunit les partenaires sociaux, les représentants des collectivités locales et la CNAF. En juin 2023, il préconisait la création d’un socle social commun en faveur des professionnels de la petite enfance. L’hétérogénéité du secteur le rend complexe à réglementer et difficile à comprendre pour les professionnels. Avec 9 branches professionnelles (dont aucune ne concerne exclusivement les salariés de l’accueil des jeunes enfants), 9 conventions collective, auquel il faut ajouter le statut de la fonction publique territoriale, et 70 000 salariés[3] qui ne dépendent d’aucune convention collective (une majorité de salariés du privé marchand et du privé coopératif), l’uniformisation des niveaux de salaires bruts et des conditions de travail est difficile à opérer. La multiplicité des acteurs complique l’obtention de données tangibles, aujourd’hui dispersées et limite de fait la lisibilité du secteur.
Depuis la conférence des familles en 2003, la politique familiale a toujours été orientée vers la création de nouvelles places d’accueil, quelle que soit l’orientation politique du gouvernement. S’il est essentiel de répondre aux besoins des familles et permettre aux parents de concilier vie personnelle et vie professionnelle, cela s’est parfois fait au détriment des conditions de travail des professionnels et du souci de la qualité du service rendu.
Pour répondre aux difficultés de recrutement, généralisées dans le secteur de l’aide à la personne, deux voies sont possibles : baisser les exigences réglementaires en matière de formation et qualification des personnels dans l’espoir de faciliter le recrutement et de baisser les coûts d’exercice pour fournir un service quantitativement plus abondant, ou élever ces exigences dans l’espoir de rendre ces métiers plus attractifs et d’augmenter la qualité du service, mais avec le risque de resserrer le canal de recrutement. Depuis des décennies, la première option a été privilégiée pour créer rapidement des places supplémentaires sans que cela ne permette de résoudre la question de l’attractivité des métiers. Le chômage élevé et le faible niveau d’activité des femmes ont permis au secteur de recruter, mais le changement de contexte économique révèle désormais une tension sur le recrutement. Les établissements ont rapidement peiné à embaucher et à maintenir leurs effectifs.
Nous plaidons, dans ce rapport, pour la deuxième approche : produire un service quantitativement et qualitativement satisfaisant, ce qui nécessite avant tout d’avoir du personnel formé et qualifié.
Depuis les travaux de la Commission des 1 000 premiers jours, l’objectif de socialiser les enfants avant leur scolarisation se place désormais à égalité avec celui de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Des travaux en sciences cognitives, en économie et en sciences sociales, ont souligné le rôle crucial de la petite enfance dans le développement des individus et l’importance de la qualité de l’accueil des jeunes enfants. L’ambition éducative et pédagogique des EAJE mérite d’être revalorisée. Les pratiques professionnelles et le socle de compétences demandés doivent être enrichis et homogénéisés pour mieux prendre en compte ces nouvelles dimensions. Cette politique présente des coûts significatifs. L’impact économique à court terme est important. Un choc d’investissement est nécessaire pour former davantage, mieux et plus rapidement mais il convient de reconnaître le travail par la rémunération et par une meilleure gestion des mobilités au cours de la carrière. Cette transition devra – c’est un défi essentiel – se faire dans le respect des équilibres économiques des structures (privées mais aussi associatives et publiques) qui ont souvent dû faire face aux besoins d’investissements et à l’inflation.
Malgré les nombreux rapports de commissions parlementaires, des travaux de l’IGAS et de la Cour des Comptes et des récentes enquêtes journalistiques, les faibles rémunérations et la dégradation des conditions de travail au sein de certains EAJE continuent d’alimenter la pénurie de professionnels.
Nous soulignons ici la nécessité d’une double revalorisation financière et culturelle du rôle des professionnels de la petite enfance afin de mieux reconnaître leur apport à la société, et donner envie aux jeunes de s’engager dans cette voie. Pour cela, nous formulons dans ce rapport plusieurs propositions.
[1] 1 306 600 places en 2021 au sein des modes d’accueil formels – Rapport Assemblée Nationale : Microsoft Word – i2660_rect.docx (assemblee-nationale.fr)
[2] Circulaire n°2024 – 096 – Création du bonus “Attractivité” au bénéfice des Eaje financés par la Prestation de service unique – Annexe
Synthèse des propositions
Améliorer les conditions de travail | |
Proposition 1 | Généraliser, lors d’un recrutement (interne ou en externe), la mise en place de dispositifs de matching intégrant le lieu de travail du salarié et son lieu d’habitation afin de réduire les trajets domicile-travail des salariés, notamment dans les grandes villes. |
Proposition 2 | A long terme, une fois les effectifs renforcés, aligner les obligations de qualification des professionnels des micro-crèches sur celles des autres établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE)[1] et rendre obligatoire dans les micro-crèches la présence d’au moins 1 ETP de personnel diplômé (auxiliaire de puériculture, EJE, infirmier, psychomotricien, puériculteur) parmi les effectifs encadrants les enfants. |
Améliorer la qualité de la formation initiale et continue et prendre davantage en compte les avancées des neurosciences | |
Proposition 3 | Créer un cadre national de formation pour uniformiser les enseignements et y ajouter plus de pratiques, plus de stages. Ce cadre de formation devra être basé sur un référentiel national clair et régulièrement actualisé et sur la Charte nationale pour l’accueil du jeune enfant. Y Intégrer les avancées en sciences cognitives et les nouvelles connaissances sur les besoins fondamentaux de l’enfant. |
Proposition 4 | Investir dans la formation initiale et continue sur le développement précoce dans toutes ses dimensions (communication, langage, motricité, régulation émotionnelle, attachement), avec les « 1000 jours » comme socle commun, de tous les professionnels travaillant auprès de jeunes enfants. |
Miser sur le temps hors enfants et faire primer le programme éducatif | |
Proposition 5 | Augmenter le temps d’équipe et la préparation pédagogique, au-delà des 3 journées pédagogiques. Formaliser le temps hors enfant ; imposer a minima une fermeture anticipée hebdomadaire par unité d’accueil, mettre en place une journée pédagogique à intervalle régulier et au moins une séance mensuelle d’analyse de la pratique par professionnel. |
Proposition 6 | Prendre davantage en compte, dans les appels d’offres, les critères qualitatifs, le projet pédagogique, les niveaux de diplômes des personnels, le respect de la charte nationale de l’accueil du jeune enfant et/ou intégrer dans le cahier des charges, comme le font déjà certaines collectivités territoriales des taux d’encadrement plus élevés. Prévoir des pénalités pour les communes qui ne respecteraient pas leurs obligations prévues dans la loi Plein emploi en matière d’accueil de jeunes enfants. |
Instaurer davantage de contrôles dans l’ensemble des EAJE | |
Proposition 7 | Intégrer dans le schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant des obligations d’évaluation de la qualité d’accueil dans les établissements a minima tous les deux ans. Aujourd’hui, Les EAJE doivent, selon l’article L.2324–2–4 du code de la santé publique, faire l’objet d’une évaluation a minima tous les 5 ans sur le fondement des principes mentionnés au sein de la charte nationale pour l’accueil du jeune enfant. |
Un métier qui nécessite d’être davantage valorisé et mieux rémunéré | |
Proposition 8 | Afin d’accélérer la mise en œuvre des revalorisations pour tous, autoriser la mise en œuvre des revalorisations salariales grâce à des accords d’entreprise et non des accords de branche. |
Proposition 9 | Imposer à toutes les branches professionnelles un socle social commun en faveur des professionnels de l’accueil du jeune enfant (rémunération minimale, temps de travail, formation, prévoyance). Définir les emplois repère du secteur de la petite enfance (intitulés, descriptifs, compétences associées, règles communes relatives aux passerelles entre ces emplois), les intégrer dans les classifications de branche et aider à la définition des salaires d’entrée de grille associés aux emplois repères. |
Proposition 10 | Ouverture de plans de reconversion en milieu de carrière, entre 35 et 45 ans, lorsque l’usure professionnelle commence à se profiler ou risque de se profiler. |
Proposition 11 | Plafonner le travail en intérim en début de carrière, comme à l’hôpital et dans les établissements sociaux et médico sociaux pour les médecins et les paramédicaux afin de stabiliser les équipes et d’assurer une continuité pour les enfants |
Renouveler le modèle de financement des crèches | |
Proposition 12 | Dans la prochaine COG, supprimer ou modifier la tarification à l’activité à l’activité des crèches et rétablir une approche forfaitaire simplifiée. |
Mobiliser des moyens supplémentaires pour financer les hausses de salaires | |
Proposition 13 | Outre leur contribution générale au financement de la branche famille, création d’une obligation de prise en charge partielle par les employeurs des frais d’accueil des jeunes enfants de leurs salariés. |
Des formations encore trop peu attractives | |
Proposition 14 | Création de bourses pour inciter les étudiants à se diriger vers ces formations, sous réserve d’exercer ensuite durant plusieurs années. |
Proposition 15 | Une formation obligatoire à l’entrée en EAJE, pour le personnel « qualifié » (notamment les titulaires d’un CAP). Instaurer une obligation d’un stage en EAJE dans le cadre du diplôme d’Etat d’auxiliaire de puériculture, peu formés spécifiquement aux enjeux de l’accueil collectif (DEAP). |
Proposition 16 | Créer un diplôme de niveau bac dans la filière éducative dédié à l’accueil de jeunes enfants entre le CAP AEPE et le diplôme d EJE. |
Proposition 17 | Changer le regard sur ces métiers : une communication sur ces métiers devrait être faite dès le collège pour les valoriser, attirer très tôt les potentiels talents et diversifier les profils dans le secteur en attirant notamment davantage d’hommes. S’éloigner de la perception très maternante du secteur de la petite enfance en accentuant la dimension pédagogique et cognitive de ces métiers est un levier indispensable pour diversifier les profils qui s’impliquent dans le secteur et notamment attirer davantage d’hommes (actuellement, ils représentent moins de 5% de la masse salariale dans le secteur). |
Proposition 18 | Faciliter l’accès à la VAE en simplifiant les démarches et en augmentant la fréquence des sessions, aider les gestionnaires de crèches à valoriser et accompagner la VAE (via par exemple un engagement d’exercice du diplômé auprès du gestionnaire.) |
Proposition 19 | Multiplier les passerelles de formation pour que ceux qui entrent avec peu de qualifications puissent obtenir les qualifications nécessaires. Créer un socle commun de formation aux métiers du « prendre soin » afin de favoriser la mobilité entre les métiers et les réorientations en cours de carrière au sein d’une même famille de métiers. |
Proposition 20 | Mise en place d’un CAP évolutif pour permettre aux AEPE de passer AP (sous réserve d’avoir 3 à 4 ans d’expérience dans leur poste). Ils pourraient bénéficier d’un programme de formation en alternance (des formations modulaires avec maintien dans l’emploi et donc du salaire) qui déboucherait sur un CAP bonifié qui deviendrait un diplôme de catégorie 1. |
Proposition 21 | Diffusion chaque année par la CAF d’un questionnaire sur les postes vacants, comme celui réalisé à l’été 2022, pour centraliser et mieux cartographier les besoins selon les communes et les métiers. |
Introduction
Convaincu que l’égalité des chances se joue dès le plus jeune âge et que l’investissement social dans la petite enfance est un levier essentiel dans la lutte contre les inégalités sociales et pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, Terra Nova plaide depuis de nombreuses années pour le renforcement des politiques publiques en faveur de la petite enfance et a fait plusieurs recommandations[2] en ce sens. Dans un rapport publié en 2017, nous avions ainsi préconisé l’ouverture de 40 000 places de crèches en 5 ans dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les départements ruraux sous-dotés[3].
Depuis, le gouvernement s’est engagé, pour « garantir l’accueil de chaque jeune enfant », à créer 100 000 places supplémentaires d’ici 2027, et 200 000 à l’horizon 2030. Or, pour parvenir à ouvrir 200 000 places de crèches, il faudra, selon le rapport de l’IGAS[4] publié en février 2023, former 70 000 professionnels, qui viendront s’ajouter aux 400 000 qui travaillent actuellement dans le secteur de la petite enfance. Ces objectifs sont, en l’état, inatteignables. Les filières de formation n’attirent pas suffisamment de candidats, les métiers concernés souffrant d’un manque d’attractivité manifeste. Quel que soit le statut juridique ou le type d’établissement considérés, le secteur est aujourd’hui en sous-effectif constant : il peine non seulement à recruter mais aussi à garder ses professionnels. Une spirale négative est ainsi enclenchée : moins les personnels sont nombreux, plus leurs conditions de travail se dégradent, moins les métiers sont attractifs et plus la pénurie s’aggrave, ce qui entraîne des démissions, des arrêts maladie et fragilise la qualité de l’accueil.
Le rapport de la Mission Flash[5] de l’Assemblée nationale lancée à l’automne 2023 sur « les perspectives d’évolution de la prise en charge des enfants dans les crèches » estime à 10 000 le nombre de professionnels manquants dans le secteur aujourd’hui. Cette pénurie est d’autant plus inquiétante que près de la moitié des assistantes maternelles en activité partiront à la retraite d’ici 2030 : soit environ 120 000 personnes. Autre motif d’inquiétude, de nombreux professionnels quittent le secteur après quelques années. Faible rémunération, pénibilité physique et mentale, flux tendus qui empêchent les équipes de suivre des formations continues, course à l’équilibre économique induite par de nouveaux modes de financement… Les raisons de ce turnover sont multiples et, malgré l’hétérogénéité des situations, la situation empire quasiment partout.
Pour pallier le manque de personnel, anticiper les départs et répondre à la demande de place dans les années qui viennent, il est primordial de former de nombreux professionnels. Mais les formations aux métiers de la petite enfance sont peu attractives et trop peu d’étudiants en sortent diplômés chaque année. Le manque d’intérêt pour ces filières a des impacts sur le recrutement dans les crèches et la vacance de postes. Une crèche sur deux souffre d’un poste non pourvu dans son équipe[6]. Deux métiers sont particulièrement touchés par cette pénurie : les auxiliaires de puériculture (AP) et les éducateurs de jeunes enfants (EJE).
Jusqu’à récemment, la politique de la petite enfance a souvent été pensée comme une politique au service des familles dans une logique essentiellement quantitative et capacitaire qui se préoccupait peu des conditions de travail des professionnels[7]. L’objectif principal était d’accueillir plus d’enfants : pour cela, il fallait – ce qui reste nécessaire – créer des places. Cette ambition a mis les décideurs publics devant un dilemme assez classique. Pour recruter plus de professionnels, fallait-il baisser les exigences réglementaires en matière de formation et de niveau de qualification afin d’élargir le vivier de candidats potentiels au risque de proposer des emplois moins bien rémunérés et tout aussi pénibles ? Ou bien, au contraire, fallait-il revaloriser ces métiers et les niveaux de formation requis afin de les rendre plus attractifs mais au risque de resserrer les canaux de recrutement et d’alourdir tout à la fois la masse salariale des établissements et le coût pour les finances publiques ?
C’est la première option qui a été privilégiée ces dernières années : des mesures de dérogations[8] et d’urgence ont été mises en œuvre afin de permettre l’embauche de personnels peu ou pas qualifiés. Dans un contexte de chômage de masse, un grand nombre d’actifs peu ou pas qualifiés allait ainsi affluer vers le secteur, ce qui permettrait aux établissements de consolider leur modèle économique et de se rapprocher des objectifs quantitatifs. En réalité, cette politique a eu des conséquences souvent contraires aux effets attendus. En outre, alors même que le chômage reculait et que les actifs visés pouvaient trouver des opportunités d’emploi plus attractives ailleurs, ce choix n’a pas été de nature à revaloriser ces métiers. Enfin, il s’est fait au détriment du souci de la qualité du service rendu et de la dévalorisation des professionnels.
Au total, ce pari s’est avéré largement perdant et c’est aujourd’hui la deuxième option qui doit être considérée. D’autant que la qualité du service rendu est désormais appelée à augmenter. Depuis quelque temps, en effet, le regard porté sur le secteur évolue :
- De nombreux rapports[9] et enquêtes ont mis en lumière le lien indissociable entre qualité de l’accueil des enfants, d’une part, et, de l’autre, qualité des conditions de travail et reconnaissance des professionnels. Pour pouvoir s’occuper au mieux des enfants, public particulièrement dépendant et vulnérable, les professionnels doivent être correctement formés et rémunérés, en nombre suffisant dans un environnement de travail sain et stable. La première mesure d’amélioration des conditions de travail et de la qualité d’accueil est de pourvoir tous les postes et de permettre à chaque professionnel d’effectuer ses missions sans avoir à compenser sans cesse des sous-effectifs.
- L’objectif de socialiser les enfants avant leur scolarisation est désormais affiché comme aussi important que la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle pour les parents. C’est ce qui est fortement ressorti des travaux de la Commission des 1 000 premiers jours et du séminaire « Premiers pas »[10]. Des travaux en sciences cognitives, en économie et en sciences sociales ont particulièrement souligné le rôle crucial de la petite enfance dans le développement des individus et l’importance de la qualité de l’accueil des jeunes enfants. Pour prendre réellement en compte ces nouvelles dimensions, les référentiels de formation et de pratiques professionnelles ainsi que le socle de compétences requises devraient être enrichis et homogénéisés. La Charte nationale pour l’accueil du jeune enfant, désormais inscrite dans la loi, doit être déclinée en référentiel opérant.
Les défis de la politique de la petite enfance ne consistent donc plus seulement à favoriser une meilleure conciliation entre vie professionnelle et familiale pour les parents et une meilleure participation au marché du travail pour les femmes en particulier. Ils consistent désormais également à soutenir le développement social et cognitif des enfants et à créer les conditions pour que les professionnels du secteur soient suffisamment nombreux, compétents et motivés. Autrement dit, la politique de la petite enfance doit concilier au mieux les intérêts des enfants, des professionnels et des familles.
Une telle ambition appelle un investissement significatif. Le gouvernement Borne s’était engagé à ajouter 5 milliards € (Mds€) supplémentaires pour la petite enfance avant la fin du quinquennat[11] dans le cadre du « Service public de la petite enfance » et de nouvelles dispositions ont été présentées pour revaloriser les salaires du secteur et améliorer les conditions de travail. En dépit de l’état des finances publiques et des incertitudes liées à la crise politique issue de la dissolution de juin 2024, il est éminemment souhaitable que ces orientations soient maintenues. La nouvelle méthode de calcul de la prestation de service unique (PSU) à partir de janvier 2025 est une première étape[12]. Le « bonus attractivité » qui doit permettre d’augmenter les salaires et qui représentera à terme un budget annuel de près de 240 millions € (M€) est d’ores et également une bonne nouvelle pour le secteur même si, à ce jour, il ne concerne pas l’ensemble des professionnels. Une réelle amélioration des conditions de travail et une augmentation des rémunérations sont en effet deux leviers indispensables pour redynamiser le secteur et répondre au déficit d’attractivité.
Cette ambition appelle également une clarification de la gouvernance du système. Avec la publication de la loi pour le plein emploi en décembre 2023, remaniée à plusieurs reprises, ce sont désormais les communes[13], désignées comme « les autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant », qui seront compétentes pour soutenir la qualité des modes d’accueil. Les communes de plus de 10 000 habitants devront prévoir un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant et définir les modalités de développement quantitatif et qualitatif. Néanmoins, aucune pénalité n’est prévue à ce jour pour les communes qui ne respecteraient pas ces obligations.
L’objectif principal de ce rapport est d’identifier les voies et moyens d’une meilleure attractivité des métiers de la petite enfance et d’une montée en compétence des professionnels afin d’améliorer la qualité du service tout en continuant à ouvrir de nouvelles places.
Nous rappelons dans une première partie pourquoi l’action publique dédiée à la petite enfance, multidimensionnelle, est essentielle, avant de dresser, dans une seconde partie, un état des lieux du secteur (cartographie des besoins des familles, de l’offre et des acteurs du secteur). Dans un troisième temps, nous décrivons les raisons de la faible attractivité de ces métiers (pénibilité, rémunération, manque de formation). Nous analysons ensuite les évolutions règlementaires et législatives mises en œuvre ces dernières années pour répondre à la pénurie de main d’œuvre avec un focus sur le Service public de la petite enfance. Enfin, nous formulons des propositions pour rendre plus attractifs les métiers de la petite enfance et attirer de nouveaux professionnels tout en améliorant les conditions de travail des professionnels déjà en activité et en permettant un accueil de très bonne qualité.
Il est important de noter que nous nous concentrons ici sur les professionnels travaillant dans des modes d’accueil collectifs. Les enjeux liés aux autres types d’accueil, notamment les assistantes maternelles qui, d’après l’enquête « Mode de garde » de la Drees de 2020, restent le principal mode d’accueil formel pour les 0–3 ans après les parents, y sont évidemment évoqués mais sans être analysés en profondeur.
I. Une politique publique à la croisée des grandes problématiques sociales
L’histoire des structures d’accueil de la petite enfance met en exergue la façon dont les institutions ont conçu l’enfance et la manière dont l’évolution des représentations a conduit à la reconnaissance de l’enfant comme sujet[14]. Il faut en effet se souvenir des transformations majeures qu’ont connues les lieux d’accueil des jeunes enfants en quelques décennies : dans les crèches du milieu du XXe siècle, les normes hygiénistes prévalent, les bébés sont souvent attachés à leur berceau, séparés par tranches d’âge ; les activités d’éveil sont inexistantes, les parents tenus à l’écart et les professionnelles voient les liens affectifs avec les bébés comme un problème à circonvenir.
Ce regard sur la petite enfance a considérablement évolué ces cinquante dernières années. Il est désormais évident que se jouent aussi dans l’accueil des jeunes enfants bien d’autres enjeux sociopolitiques. L’action publique dédiée à la petite enfance est désormais un véritable carrefour politique où se nouent d’autres normes sociales et d’autres politiques publiques : hygiène et santé publique bien sûr, mais aussi emploi des femmes et égalité des sexes, lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales, égalité des chances, lutte contre l’échec scolaire et développement psycho-cognitif, soutien à la parentalité… La politique d’accueil de la petite enfance est à la croisée d’objectifs dont elle endosse successivement les cadres cognitif et normatif. Le paradoxe est qu’il en résulte un morcellement des objectifs et des moyens qui, au lieu d’enrichir les formations et les représentations sociales liées à ces métiers, finit par nuire à la cohérence des politiques publiques.
A. Un impact favorable pour l’égalité hommes/femmes
L’accueil des jeunes enfants est d’abord un enjeu clé du travail des parents, et notamment des mères. Selon l’Insee, en 2018, 96% des personnes qui arrêtaient de travailler pour prendre soin d’un enfant (ou d’un parent) étaient des femmes. En 2020, la part des mères dites « inactives » atteignait 17,8% à la naissance du premier enfant (contre 12% sans enfant), 25 % avec deux enfants dont au moins un de moins de 3 ans, et même à 52,5 % avec trois enfants (voir infra, Annexe 4, Etat des lieux du travail des mères). Le taux d’« inactivité » des pères en revanche suit une évolution inverse : il baisse à mesure que les enfants naissent. Il passe de 6,2 % à 5,3% avec l’arrivée d’un bébé et à 3,5 % seulement avec deux enfants. Les femmes ont également plus souvent tendance à diminuer leur temps de travail que les hommes : 30 % des mères sont ainsi à temps partiel, contre seulement 4,8 % des pères, selon l’Insee.
Le recours croissant aux modes d’accueil formels accompagne la hausse du taux d’emploi des mères de jeunes enfants : selon l’enquête Emploi en continu de l’Insee[15], le taux d’emploi des mères d’au moins un enfant de moins de 3 ans est passé de 55 % en 2003 à 63 % en 2020. En parallèle, le recours à un mode d’accueil formel augmente sur la même période, de 9 % pour les structures d’accueil et de 7 % pour les assistantes maternelles. L’accueil des enfants en crèche doit permettre aux mères de trouver plus facilement un emploi ou de se maintenir en emploi et d’accroître le revenu du ménage. Néanmoins, une étude de l’INSEE[16] a montré que, depuis 20 ans, les ouvertures de crèches ont eu un impact quasi-nul sur l’emploi des mères : les nouvelles places sont attribuées à des parents qui auraient de toute façon trouvé un mode de garde. La création de nouvelles places de crèches n’a pas permis de diminuer le recours au congé parental des mères les plus éloignées du marché du travail.[17] En revanche, elle a diminué la demande pour des modes de garde plus individualisés, comme les assistantes maternelles ou la garde à domicile.
Source : Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements – Mai 2024
B. Lutter contre les inégalités sociales dès le plus jeune âge
Les historiens ont retracé la façon dont progressivement, dans les dernières décennies du XXe siècle, les représentations sociales de la toute petite enfance se sont enrichies pour reconnaître, au-delà des besoins physiologiques du bébé, ses besoins en termes affectifs et cognitifs. De là, l’action publique de la petite enfance a pris en compte l’éveil des très jeunes enfants, et s’est connectée à l’ensemble de la politique éducative. L’enjeu du poids des inégalités sociales dans la trajectoire scolaire est ainsi entré de plain-pied dans les crèches et l’action publique de la petite enfance car la France est marquée par un fort déterminisme de la pauvreté sur les inégalités éducatives[18].
Selon les résultats PISA de 2022, si les enfants français sont dans la moyenne de l’OCDE, l’écart de niveau entre les élèves issus de milieux favorisés et ceux issus de milieux défavorisés est le plus important des pays de l’échantillon[19]. Or, de la même manière, la France est l’un des pays les plus inégalitaires en termes d’accès aux modes de garde. On relève en effet de grandes disparités d’accès entre les familles les plus riches et les familles les plus pauvres : 64% des enfants issus des familles du quintile le plus aisé ont accès à un mode de garde formel, contre seulement 8% des enfants issus des familles du quintile le plus modeste (soit –56 points de pourcentage)[20]. Selon les données de l’Observatoire national de la petite enfance 2023, les familles les plus modestes recourent trois fois moins souvent que les autres à un mode d’accueil formel. Les enfants des familles allocataires les plus modestes sont 23 % à être confiés à au moins un mode d’accueil formel en 2021, contre 70 % de ceux dont les familles ont des revenus plus élevés. Ainsi, les enfants vivant dans une famille à bas revenu ne représentent que 18 % des enfants accueillis en structure d’accueil et 6 % des enfants gardés par une assistante maternelle ou une salariée à domicile, alors qu’ils représentent 29 % des enfants de moins de 3 ans des familles allocataires en 2021. Ces chiffres sont stables entre 2019 et 2021.
Source : Observatoire national de la petite enfance – L’accueil des jeunes enfants – Édition 2023
On observe également une forte disparité d’accès aux modes d’accueil selon les territoires[21], avec une offre plus rare dans des territoires socio-économiquement défavorisés. Ainsi, si l’on dénombre 88 places pour 100 enfants en Haute-Loire, le ratio n’est plus que de 10 places pour 100 enfants en Guyane. Ces disparités territoriales s’expliquent notamment par le fait que les communes ne disposent pas toutes des mêmes ressources à allouer au secteur de la petite enfance. Ces disparités sont visibles sur de nombreux plans : moyens budgétaires, formation des personnels, qualité du bâti… C’est ainsi qu’un tiers des QPV n’ont pas d’établissement d’accueil pour leurs enfants[22].
Cette géographie a des conséquences sur la répartition des postes vacants dans les établissements d’accueil de jeunes enfants (crèche/EAJE), principalement dans les grandes métropoles et les grandes aires urbaines, ainsi que sur la fermeture de places. La région Ile-de-France concentre 75% des 9 500 places fermées en 2022. 12 départements ont des taux de couverture inférieurs à 50% et 25% des communes sont dans une situation très tendue[23]. C’est d’ailleurs, on le verra, pour lutter contre les inégalités et pour plus d’égalité des chances dès le plus jeune âge que le Service public de la petite enfance a été créé.
Focus sur la cohorte ELFE L’Étude Longitudinale Française depuis l’Enfance (ELFE)[24] suit le développement d’une cohorte d’enfants nés en 2011. Elle représente une avancée significative dans la recherche française sur la petite enfance et fournit des données précieuses qui ont déjà éclairé certains aspects de l’accueil en France. Pilotée par l’Institut national d’études démographiques (Ined) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), en partenariat avec l’Établissement Français du Sang (EFS), l’étude Elfe est soutenue par un ensemble de ministères et d’institutions publiques. Deux chercheuses de l’INED, Lidia Panico et Anne Solaz, accompagnées de Lawrence M. Berger, ont mobilisé les données de cette enquête pour déterminer si les modes d’accueil collectifs étaient à raison mis en avant par les décideurs politiques comme un moyen de réduire les inégalités sociales dès le plus jeune âge. La littérature internationale a abondamment étudié l’effet de l’accès à la crèche sur le développement de l’enfant mais les résultats divergent parfois en raison de la variabilité dans la qualité de cet accueil. Leur travail, publié dans les cahiers de l’INED en 2020, vise à évaluer si le recours au mode d’accueil de l’enfant lorsque qu’il a un an affecte son développement dans différentes dimensions : langagières, motrices et socio-émotionnelles mesurées un an plus tard, à l’aide d’une stratégie de variables instrumentales qui tire parti de la variation exogène du mois de naissance et de l’offre locale de crèches. Leur conclusion est que la fréquentation des crèches améliore les compétences linguistiques, particulièrement pour les enfants issus de milieux défavorisés et, dans une moindre mesure, également leurs capacités motrices. Dès lors, concluent les auteurs, une politique qui favoriserait l’accès à la crèche pour les familles défavorisées pourrait réduire les disparités socio-économiques langagières du jeune enfant. |
C. Accompagner le développement cognitif des enfants
Plus récemment, le progrès des connaissances en psychologie, en sciences cognitives et en neurosciences[25] a transformé la compréhension des besoins du jeune enfant. Dès lors qu’un enfant ne doit plus être seulement considéré comme un objet de soin, que ses besoins ne sont pas uniquement physiologiques, le modèle hygiéniste de la prise en charge, historiquement dominant jusque dans les années 1970 au moins, apparaît comme dépassé au tournant de ce siècle. Les recherches scientifiques en pédiatrie, néonatologie, neurosciences, sciences cognitives, psychologie et psychopathologie, les progrès en psychologie du développement ont en effet montré que les apprentissages pendant les 1 000 premiers jours vont bien au-delà de ce que l’on pensait il y a encore trente ans. La précocité et l’intensité des capacités cérébrales et sensorielles du tout-petit prouvent que beaucoup se joue pendant les premiers mois qui suivent la naissance et que le secteur de la petite enfance doit s’organiser pour répondre au mieux à ces enjeux.
C’est ainsi que le rapport de la commission des 1 000 premiers jours[26] appelle l’action publique à favoriser dans les représentations et les pratiques ce tournant crucial[27]. Présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, la commission était composée de 18 experts reconnus (pédopsychiatres, psychologues, chercheurs en neurosciences…). En 2020, ils ont remis un rapport qui synthétisait les connaissances scientifiques et formulait des recommandations pour favoriser le bon développement des très petits enfants. Ce rapport rappelait combien cette période des 1 000 jours est centrale dans le développement de l’enfant et déterminante pour sa vie et sa santé futures. En effet, c’est au cours de ces premières années que se construisent les bases psychiques et cérébrales de l’individu. Acquisition des compétences sociales, du langage, de la motricité ; développement affectif, émotionnel et cognitif : dans cette période, le cerveau est en chantier et l’adulte en devenir se construit. C’est pourquoi les interactions sociales sont primordiales pour le développement de l’enfant, de même que les stimulations cognitives. L’environnement de l’enfant et les stimulations reçues dans ce cadre jouent un rôle crucial dans la stabilité émotionnelle du sujet autant que pour la formation de ses connexions neuronales et ses capacités cognitives.
Et c’est en partie dans la qualité de cet environnement que les inégalités scolaires et sociales plongent leurs racines les plus profondes.[28] Comme souligné dans un précédent rapport de Terra Nova[29] sous la signature de Florent de Bodman en 2017, avant même l’entrée en maternelle, une forte proportion d’enfants est déjà touchée par des difficultés que l’école peinera souvent à résorber au cours des dix années suivantes. A quatre ans, un enfant issu d’une famille défavorisée a entendu 30 millions de mots de moins qu’un enfant de famille aisée[30]. Il maîtrise aussi deux fois moins de mots en moyenne qu’un enfant de milieu favorisé, ce qui ralentira son apprentissage ultérieur de la lecture. C’est ainsi particulièrement pour les familles socialement défavorisées que l’accueil collectif des très jeunes enfants engage un enjeu fondamental de lutte pour l’égalité des chances.
Cet enjeu est désormais au cœur de l’action publique de la petite enfance. A ce titre, et comme il est consensuel d’y appeler depuis le rapport de la commission des 1 000 premiers jours, l’ambition éducative et pédagogique des EAJE mérite d’être revalorisée. D’où la nécessité d’impulser des politiques publiques ambitieuses en la matière, en particulier pour accompagner les professionnels dans leurs pratiques quotidiennes pour soutenir les compétences psychosociales des jeunes enfants, socle du développement global.
D. Une politique publique éminemment « rentable »
Selon le prix Nobel d’économie James Heckman, qui a mené une analyse coûts-bénéfices détaillée de ces programmes, il s’agirait de l’investissement éducatif le plus « rentable » pour la société : les montants considérables investis dans la requalification professionnelle, la lutte contre le décrochage ou la prévention de l’échec scolaire au collège bénéficieraient davantage aux individus s’ils étaient investis 10, 15 ou 20 ans en amont, dans des initiatives de haute qualité à destination de la petite enfance. Selon cet économiste, un dollar investi dans les meilleurs programmes éducatifs pour la petite enfance rapporte 7,3 dollars à la société[31] (revenus accrus pour les futurs adultes, moindres dépenses futures d’allocations sociales, moindres dépenses de santé, etc.). En rapportant ces bénéfices à la longue période où ils se produisent, on obtient un « taux de rendement social » de 13% par an pour ces investissements publics précoces.
Cette vision selon laquelle les inégalités peuvent être corrigées dès le plus jeune âge, de façon éminemment bénéfique pour la justice sociale, se fonde en particulier sur les évaluations, dès les années 1960, du célèbre dispositif Perry Preschool Project (programme de préscolarisation intensif à destination d’enfants défavorisés âgés de 3 à 5 ans : sessions de lecture individualisées, jeux autour du langage à l’occasion des repas, insistance sur le développement social et émotionnel en même temps que cognitif, implication très forte des parents), et, dix ans plus tard, du Carolina Abecedarian qui reprend et approfondit cette démarche pour des enfants de 0 à 5 ans, en commençant dès la crèche. Rappelons que chaque enfant ayant bénéficié de ces programmes a été suivi pendant plusieurs décennies, selon une méthode scientifique (comparaison avec un groupe témoin constitué par tirage au sort) afin de pouvoir mesurer l’impact du dispositif sur la destinée de ces individus. Les enfants ont été suivis jusqu’à l’âge de 40 ans et les résultats sont saisissants : meilleure réussite scolaire, accès à l’enseignement supérieur plus large, chômage plus faible, meilleurs revenus, meilleure santé, moindre risque de délinquance.
Ce constat est partagé par Gosta Esping-Andersen et Bruno Palier. Dans l’ouvrage Trois leçons sur l’Etat providence[32], ils soulignent combien un accueil de qualité permet de mieux intégrer les enfants dans le système scolaire et dans le monde du travail, de faciliter l’accès à l’emploi des mères, d’accroître le revenu du ménage et de faire baisser la pauvreté. Les travaux de James Heckman ont en outre prouvé que l’utilité sociale des investissements publics dans l’éducation décroît fortement avec l’âge des enfants : les investissements faits à la sortie de l’école sont moins rentables que ceux réalisés en amont de la scolarisation.
Qu’en est-il en Europe ? Le niveau d’investissement public En moyenne, en 2017, les pays de l’OCDE ont consacré 0.86 % de leur produit intérieur brut (PIB) à l’EAJE, contre 1.46 % et 1.95 % à l’enseignement primaire et secondaire respectivement (OCDE, 2020[33]), dont seulement 0.2 % pour le développement éducatif de la petite enfance (et 0.6 % pour l’enseignement pré-primaire destiné aux enfants à partir de 3 ans jusqu’à l’âge officiel d’entrée à l’école primaire). D’un pays à l’autre, l’investissement public varie largement car les modèles de financement des structures, d’aides aux parents et le nombre d’années passées dans les structures d’EAJE diffèrent considérablement[34]. Alors que le Japon, l’Irlande et la Suisse consacrent moins de 0.2 % du PIB au développement éducatif de la petite enfance, on y consacre plus de 1 % au Chili, au Danemark, en Finlande, en Islande, en Israël, en Norvège, en Slovénie et en Suède. Le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Suède ou encore le Portugal misent beaucoup sur le secteur de la petite enfance et ont accru leur engagement avec une augmentation de 61% de dépenses pour le secteur dans ces pays entre 2005 et 2015, contre 19% en France[35]. Ainsi, dans les années 1990, la Suède[36] a mis en œuvre des politiques ambitieuses en matière de petite enfance. L’école obligatoire ne commençant qu’à sept ans, une classe préparatoire pour les enfants de 6 ans, fréquentée par la quasi-totalité des individus de cette tranche d’âge a été mise en place en 1998 pour favoriser la transition entre les services d’accueil préscolaires et l’école primaire. La scolarisation y est gratuite. Les structures préscolaires, qui concernaient les enfants de 1 à 6 ans avant ce changement de politique, sont devenues le premier niveau du système éducatif et se consacrent aujourd’hui aux enfants d’1 à 5 ans, avec leur programme national propre. Ces changements ont été suivis d’une décision du gouvernement d’accroître l’accès à l’éducation préscolaire à tous les enfants, que leurs parents travaillent ou non. Selon Eurostat, la France a consacré 2,2 % de son PIB aux dépenses sociales en faveur de l’enfance et de la maternité en 2021, la situant au niveau de la moyenne européenne (2,4 % en 2021 – Indicateur n°1–1– 2). L’Angleterre, le Danemark, la Suède, la Finlande, l’Islande et l’Allemagne ont mis en place un droit opposable à un mode accueil pour les enfants de 1 à 3 ans ainsi que pour les enfants de moins d’un an lorsque leurs parents travaillent, suivent une formation professionnelle ou sont bénéficiaires de prestations d’insertion professionnelle. Les autorités locales sont tenues d’offrir un nombre suffisant de places sur le territoire et, en cas de manquement, les familles peuvent saisir le juge administratif pour obtenir une indemnisation.[37] Comparativement à certains autres pays de l’OCDE, la France a un taux de recours aux modes de garde élevé. Néanmoins, il reste encore du chemin à parcourir car les inégalités d’accès aux EAJE sont parmi les plus élevées des pays européens, aux côtés du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de l’Irlande. Il est dès lors indispensable de changer de logique sur la prise en charge des enfants en bas âge : elle doit être comprise, non seulement comme un moyen de conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale des parents, mais aussi comme un levier de bien-être et d’éducation, d’apprentissage et d’égalité des chances pour les enfants eux-mêmes. |
II. Une offre insuffisante, morcelée et peu adaptée aux besoins des parents
Les attentes sociales et politiques à l’égard des métiers de la petite enfance sont devenues en quelques décennies un condensé des enjeux les plus fondamentaux de notre société : même si la locution « mode de garde » reste dominante, la mission des professionnels de la petite enfance n’est clairement plus d’assurer une garderie hygiénique et pratique des bébés mais bien d’actionner dans leurs organisations et leur pratiques un levier d’action publique crucial pour promouvoir à la fois l’égalité entre les sexes chez les parents et l’égalité des chances chez les enfants. Les familles, de fait, s’emparent de ce changement de paradigme et leur demande s’accroît, si l’on en croit l’explosion de la part d’enfants qui sont aujourd’hui accueillis en crèche ou chez des assistantes maternelles. Mais l’organisation de l’offre d’accueil tout comme celle de la formation et de l’accompagnement des professionnels peinent clairement à prendre le tournant et l’accueil des tout-petits reste marqué par des déficits de quantité et de qualité au regard des besoins des familles et de la société.
A. La part des enfants de moins de 3 ans confiés à une assistante maternelle ou une crèche a presque doublé entre 2002 et 2021
En 2021, on comptait 2,1 millions d’enfants de moins de 3 ans en France métropolitaine[38]. Ce nombre est en baisse depuis 2011[39], avec une diminution des naissances ces dernières années : en 2023, il y a eu 678 000 naissances soit 6,6% de moins qu’en 2022 et 20% de moins qu’en 2010[40].
D’après l’enquête Modes de garde de la Drees en 2021, 56% des enfants de moins de 3 ans sont gardés par leurs parents (ou leurs grands-parents) la majeure partie du temps. Un enfant sur deux combine garde parentale et mode d’accueil formel (assistante maternelle, EAJE ou garde à domicile) à titre principal ou complémentaire. L’âge de l’enfant joue évidemment de façon importante sur sa garde ou son accueil en journée : avant l’âge d’un an, sept enfants sur dix sont gardés principalement par leurs parents contre moins de la moitié (46%) des enfants âgés de 2 à 3 ans.
L’autre variable clé est naturellement le travail des parents. Sept enfants sur dix dont les deux parents travaillent à temps plein sont confiés à une assistante maternelle ou à une crèche et 85 % des enfants dont au moins un des parents ne travaille pas sont gardés à titre principal par leurs parents. Au total, depuis 2002, la garde assurée à titre principal par les parents, en journée les jours de semaine, est en net recul (-14 points)[41]. Ainsi près de 9 enfants sur 10 dont la mère n’a jamais travaillé sont gardés principalement par leurs parents contre un quart des enfants dont la mère est cadre ou exerce une profession intellectuelle supérieure.
La hausse des besoins ne s’est pas accompagnée d’une augmentation de l’offre.
Certes, le taux d’accueil formel est bien en hausse continue (55,1% en 2016 à 59,9% en 2019) en dépit d’un léger décrochage en 2020. Mais ceci n’est dû en réalité qu’à la baisse continue du nombre d’enfants de moins de 3 ans car le nombre de places offertes, lui, est en baisse depuis dix ans avec, tous modes de garde confondus (hors Mayotte), 1,3 millions de places en 2020.
Nombre de places d’accueil formel (en milliers) et taux de couverture des enfants de moins de 3 ans par des modes d’accueil formel (en %) de 2013 à 202
Plus de 160.000 parents sont empêchés de prendre ou reprendre un emploi faute de mode d’accueil adapté à leurs besoins et à leurs moyens. De fait, la DREES a montré que l’évolution de l’offre ne correspondait pas à celle des besoins des parents.
En effet, le mode d’accueil principal des enfants ne correspond pas toujours au premier choix des parents : si tous les parents obtenaient leur premier choix, les enfants seraient moins souvent gardés principalement par leurs parents et bien plus souvent accueillis en EAJE. Les crèches et les haltes-garderies sont le plus souvent le premier choix des parents
Source : Drees – Enquête modes de garde et d’accueil des jeunes enfants
B. Les préférences des familles
Globalement, la part des enfants de moins de 3 ans confiés à un EAJE ou une assistante maternelle a presque doublé en près de 20 ans. Pour mieux comprendre la hausse de la demande des parents, la DREES a enquêté sur leurs motivations et leur niveau de satisfaction dans son enquête de 2021 sur les modes de garde. Dans 81 % des cas, les parents sont pleinement satisfaits des conditions du mode de garde ou d’accueil principal de leurs enfants, même si c’est encore plus le cas lorsque c’est leur premier choix (87 %) que lorsque ça ne l’est pas (67 %), et plus souvent quand ils sont accueillis chez une assistante maternelle (86 %) qu’en EAJE (74 %) ou gardés principalement par leurs parents (82 %).
Lorsqu’on interroge les parents sur l’inconvénient le plus important du mode de garde principal auquel ils ont recours, près de la moitié d’entre eux ne citent aucun inconvénient, que ce soit pour les assistantes maternelles (44 %) ou pour les crèches (47 %). Pour les assistantes maternelles, les parents citent le plus souvent comme inconvénient principal que ce n’est pas financièrement le plus intéressant (23 %) et que l’enfant n’est pas suffisamment en contact avec d’autres enfants du même âge (10 %). Pour les crèches, les parents citent également le plus souvent, même si c’est dans une bien moindre mesure, le fait que ce n’est pas financièrement le plus intéressant (14 %) mais aussi que les horaires d’ouverture ne sont pas adaptés à leurs horaires de travail (12 %).
C. Les évolutions quantitatives des différents types d’accueil
Parmi les places offertes, les assistantes maternelles sont majoritaires avec 770 00 places d’accueil en 2023, suivies par les crèches collectives (dont les micro-crèches, les crèches parentales et les crèches familiales) avec 507.000 places en 2022[42], selon l’Observatoire national de la petite enfance (Onape), dont 420 600 au sein d’établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) financés par la prestation de service unique (PSU), et 84 000 au sein de micro-crèches indirectement financées par la Paje.
Les évolutions respectives des différents types d’accueil sont contrastées. Le nombre de places offertes par les assistantes maternelles[43] a baissé́ en continu depuis 2015, tandis que le nombre de places en accueil collectif a augmenté́ de façon régulière sur la même période. Mais la création de places de crèches supplémentaires depuis 2016 ne suffit plus à compenser la baisse continue des places d’assistantes maternelles[44].
D. L’accueil collectif : des acteurs dispersés
Le système français de garde des enfants est un système complexe en matière de financement, de gouvernance, de normes et de conventions collectives.
17.190 établissements d’accueil collectif ont été recensés en France (hors Mayotte) par la DREES en 2020. Les gestionnaires de ces établissements sont publics, marchands et privés non-lucratifs (associatifs ou mutualistes).
En 2020, selon les données du rapport du HCFEA[45] , les gestionnaires publics représentent près de 52% des places (249 700 places), le secteur privé marchand (entreprises de crèches, micro-crèches) gère 24% (115 000 places) et le secteur privé non-lucratif (associatif et mutualiste) gère les 20% restant (95 300 places.)
Source : Rapport Assemblée nationale – Modèle économique des crèches mai 2024
- Gestionnaires publics (52%) : les régions, les départements, les communes et groupements de communes, les centres communaux d’action sociale, les services de l’Etat peuvent être gestionnaires publics des EAJE. Les crèches municipales sont financées par les communes (36% du prix de revient moyen), par la branche famille de la sécurité sociale (47%) et par les familles (17%)[46].
- Secteur privé non-lucratif (20%) : Les crèches associatives, gérées par une association, sont souvent rattachées par convention à la mairie de la ville où elles se trouvent[47]. Les prestations de ce type de crèches sont similaires à celles des crèches publiques mais elles ne bénéficient pas toutes des aides de la CAF (notamment les micro-crèches) et certaines sont libres de fixer leurs tarifs, ce qui rend les coûts variables[48] pour les parents en fonction des territoires. Depuis quelques années, l’engagement financier des collectivités à destination des établissements associatifs tend à diminuer. La baisse des subventions communales engendre des tensions budgétaires pour ce type de structures. Les crèches mutualistes sont également des acteurs privés non lucratifs. On dénombre près de 200 établissements collectifs gérés par des acteurs mutualistes, présents dans 35 départements et tous financés par la Prestation de service unique (PSU)[49]. Les gestionnaires mutualistes gèrent également 50 relais petite enfance, des ludothèques et des pouponnières. Ils représentent près de 2% de l’offre totale[50]. Plus de 53% des structures sont gérées en délégation de service public.
- Secteur marchand (24%) : Depuis 2013, le privé contribue à l’essentiel des créations de places en France.[51] Quatre acteurs génèrent la majorité des places de crèches : Les Petits Chaperons Rouges, Babilou, People&Baby et La Maison Bleue.
- Le groupe Babilou, présent dans dix pays, gère un réseau de plus de 3 400 établissements sur toute la France (500 crèches Babilou et 2 900 crèches partenaires).[52]
- Le groupe Grandir – Les Petits Chaperons Rouges[53], gère 800 établissements en France, où sont accueillis plus de 20 000 enfants chaque jour. Le groupe est présent à l’international (Canada, Royaume-Uni, États-Unis, Allemagne).
- Le groupe La Maison Bleue gère 500 crèches en propre en France, au Luxembourg, en Suisse et au Royaume-Uni avec l’aide de plus de 6 000 collaborateurs et accueille plus de 20 000 enfants tous les jours.
- Enfin, le groupe People&Baby gère 762 structures dans 10 pays dont 583 en France et accueille 31 500 enfants.
III. Les raisons de la faible attractivité des métiers de la petite enfance
Plus de 400.000 professionnels formés accueillent chaque jour en France de très jeunes enfants âgés de 2.5 mois à 3 ans. Le personnel des EAJE se répartit en deux catégories : les personnels diplômés de catégorie 1 (infirmier puériculteur, EJE, auxiliaire de puériculture, infirmier diplômé d’Etat ou psychomotricien) et les personnels ayant une qualification définie par arrêté (CAP Accompagnant éducatif petite enfance). À la suite des évolutions réglementaires[54], au sein d’un EAJE, le personnel chargé de l’encadrement des enfants doit être constitué au minimum de 40% de personnels diplômés de catégorie 1, contre 50% auparavant. Les personnels détenteurs d‘un CAP d’accompagnant éducatif petite enfance (AEPE) peuvent donc représenter jusqu’à 60% de l’effectif total.
Catégorie 1 :
Les éducateurs de jeunes enfants (EJE) : Ils sont chargés d’accompagner les enfants et leurs familles en mettant en place un projet éducatif, pédagogique et social au sein de l’établissement dans lequel ils travaillent. Ils aménagent l’espace et conçoivent des activités qui permettent le développement et les interactions du jeune enfant au sein du groupe. Ils occupent généralement des postes de manager et veillent à la cohésion de l’équipe, à la gestion administrative et financière de l’établissement. Ils peuvent rapidement évoluer vers des postes de direction ou direction adjointe.
Infirmier puériculteur (IP) ou puériculteur : Ils évaluent le développement physique et psychologique et veillent à la bonne santé de l’enfant. Ils accompagnent également les parents en les aidant à réaliser des soins, de la prévention. Ils impulsent et évaluent le projet pédagogique de l’établissement. Ils peuvent être amenés à exercer des fonctions de direction également.
Les auxiliaires de puériculture (AP) : Ils sont amenés à réaliser des activités d’éveil et de soin visant au bien-être, à l’autonomie et au développement de l’enfant. Ils exercent sous la responsabilité d’un directeur.
Catégorie 2 :
Les accompagnants éducatifs petite enfance (AEPE) : Ils répondent aux besoins fondamentaux et quotidiens de l’enfant, à son développement affectif et intellectuel, et sont en charge de l’entretien et de l’hygiène dans les espaces de vie. L’intitulé des postes varie : ils sont agents de crèche, animateurs petite enfance, aide-auxiliaires de puériculture ou agents d’animation.
A. De faibles rémunérations qui ne permettent pas d’attirer ou de fidéliser les professionnels
Les métiers de la petite enfance, quelle que soit la catégorie d’emploi, sont mal rémunérés.
Les éducateurs de jeunes enfants (EJE) touchent un salaire mensuel brut de 1 900€ en moyenne en début de carrière et 3 000€ en fin de carrière dans la fonction publique. Pour donner un point de comparaison, le salaire mensuel net médian en France s’élève à 2010€ dans le privé et à 2180€ dans le public. A la ville de Paris, ils touchent 2400€ bruts mensuels en début de carrière, mais leur pouvoir d’achat réel n’est pas tellement plus élevé compte tenu du coût de la vie dans l’agglomération parisienne.
Infirmier puériculteur (IP) ou puériculteur : En début de carrière et dans le service public, une puéricultrice touche environ 2 000€ (brut) par mois et jusqu’à 3500€ (brut) en fin de carrière. A la ville de Paris, ils touchent 2600€ bruts mensuels en début de carrière. Dans le privé, le salaire est fixé par convention collective mais oscille entre 2 200€ et 2 800 € brut par mois en début de carrière.
Les auxiliaires de puériculture (AP) : Ils touchent en moyenne en début de carrière 1 800€ (brut) et 2 400€ (brut) par mois en fin de carrière dans la fonction publique. Le salaire varie selon les structures mais n’atteint que rarement 1 900€ (brut) en début de carrière.
Les accompagnants éducatifs petite enfance (AEPE) : Ils touchent en moyenne l’équivalent d’un SMIC soit 1 650€(brut) par mois et jusqu’à 2200€ (brut) en fin de carrière. Le salaire moyen se situe aux alentours de 1 950€ (brut). Les AEPE ont peu de perspectives d’évolutions, ils ne peuvent pas prétendre à évoluer vers un poste avec plus de responsabilité à moins d’engager un projet de validation des acquis de l’expérience (VAE), long et fastidieux. Rien ne permet aujourd’hui de valoriser leur expérience acquise au fur et à mesure des années.
B. Les risques professionnels sur la santé physique et mentale des professionnels[55]
Les conditions de travail des professionnels de la petite enfance sont connues pour être difficiles mais la pénibilité réelle du secteur et les impacts sur la santé des professionnels peinent encore à être reconnus. Les professionnels de la petite enfance sont tout d’abord sujets à des risques physiques parmi lesquels arrivent au premier rang les maux de dos – dus à des postures contraignantes impliquant le port de charges lourdes. S’ajoutent à ces risques physiques, des risques d’ordre psychologiques/psychosociaux (le stress, le bruit, la charge émotionnelle…) ainsi que des risques dus au contact régulier avec des enfants potentiellement malades. Ces risques se traduisent par des taux relativement élevés d’accidents de travail et de maladies professionnelles dans le secteur. On note de fait une augmentation récente des accidents de travail (+1.8% entre 2018 et 2019) et des maladies professionnelles (+12% entre 2018 et 2019[56]). La grande majorité (93%) des maladies professionnelles sont dues à des affections périarticulaires (mieux connues sous le nom de TMS) tandis que 41% des accidents de travail sont dus à des chutes dans l’exercice des fonctions. Selon la CNAM[57], un accident du travail entraîne en moyenne dans le secteur 66 jours d’arrêt pour le professionnel et une maladie professionnelle 255 jours d’arrêt.
La pénibilité physique touche l’ensemble des professionnels du secteur quel que soit leur âge mais le taux d’absence double selon l’ancienneté pour les auxiliaires de puériculture (de 3 % à 6,2 %) et pour les EJE (de 1,9 % à 4,8 %), selon qu’ils justifient d’un an ou de 10 ans ou plus d’ancienneté[58].
Ces nombreux arrêts pour accidents de travail ou maladies professionnelles ont des conséquences sur l’organisation et l’équilibre des structures, les coûts et donc sur la qualité de l’accueil des enfants. Ils engendrent une gestion difficile des absences du personnel. La vacance du poste a des conséquences sur le personnel qui demeure : risque de burn-out, sollicitations trop importantes car plus d’enfants à charge par personne. Le recrutement, nécessaire et urgent pour remplacer les professionnels absents, est plus difficile à organiser s’il manque déjà des agents dans la structure. L’amplitude horaire importante qu’implique ce type de métiers a également un impact sur les conditions de travail, la fatigue des professionnels et leur propre organisation familiale : les jeunes enfants sont accueillis très tôt le matin pour permettre aux parents de les déposer avant de commencer leur journée de travail, et ils quittent l’établissement tard le soir. Cela a notamment des conséquences importantes sur l’équilibre vie professionnelle/personnelle de ces agents, qui sont en très grande majorité des femmes (à plus de 95%)[59]. L’inégale répartition géographique des établissements d’accueil a également un impact sur les trajets que les professionnels doivent effectuer pour se rendre sur leur lieu de travail et revenir à leur domicile. L’accès au logement, notamment dans les grandes aires urbaines, reste un obstacle majeur à la mobilité[60]. Certains professionnels passent plusieurs heures par jour dans les transports. Les difficultés rencontrées dans les grandes agglomérations par certaines crèches pour recruter leur personnel en constituent le meilleur exemple.
C. Des professionnels insuffisamment diplômés et issus de formations peu professionnalisantes
Un constat unanime rassemble les spécialistes du secteur de la petite enfance : les qualifications sont trop inégales selon les corps de métiers. En 2023, un rapport marquant de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS)[61] fait état du manque d’harmonisation des qualifications des professionnels et dénonce un « niveau global de qualification des professionnels [qui] tend à se dégrader par un mouvement d’aspiration vers le haut, à la faveur d’un assouplissement continu des exigences réglementaires ».
Les niveaux de formation des personnels sont en effet caractérisés par des différences marquées :
Les éducateurs de jeunes enfants (EJE) : pour exercer ce métier, il faut obtenir le diplôme d’État d’éducateur de jeunes enfants (DEEJE), qui se prépare en 3 ans après le baccalauréat. Le diplôme d’EJE est passé de bac + 2 à bac + 3 en 2019
Infirmier puériculteur (IP) ou puériculteur : pour obtenir le diplôme d’Etat de puéricultrice, les candidats doivent réussir le concours et être titulaire d’un diplôme d’Etat d’infirmier ou de sage-femme (bac + 3).
Les auxiliaires de puériculture (AP) : pour exercer ce métier, il faut obtenir le diplôme d’État d’auxiliaire de puériculture (DEAP), qui se prépare en 1 an après le baccalauréat.
Les accompagnants éducatifs petite enfance (AEPE) : pour devenir accompagnants éducatifs petite enfance, il faut intégrer un CAP Accompagnant éducatif petite enfance (anciennement CAP petite enfance) qui s’effectue en 2 ans après la 3e, ou 1 an après un premier diplôme (autre CAP, bac professionnel…) ou une 2de professionnelle, sous statut scolaire ou par apprentissage. Le CAP Petite Enfance a été revu en 2017 pour devenir accompagnant éducatif petite enfance.
Les accompagnants éducatifs petite enfance sont majoritaires : 60% des personnels de crèche sont aujourd’hui diplômés d’un CAP, obtenu après seulement 16 semaines de formation[62]. Les titulaires du CAP Accompagnement éducatif petite enfance sont principalement des jeunes femmes, aux parcours scolaires parfois difficiles et à qui on propose de s’orienter dans le secteur de la petite enfance[63]. Selon les retours de nombreux professionnels[64], cette formation est insuffisante car les étudiants manquent de cours pratiques et de connaissances sur les enjeux liés au développement cognitif et affectif de l’enfant. L’insuffisance de stages pratiques entraîne des difficultés pour les équipes et des démissions dues au manque de préparation. Ce manque de formation et les difficultés à évoluer professionnellement tout au long de la carrière pèsent sur les professionnels de la petite enfance et ont un impact global sur la perception sociale de ces emplois. Le développement de passerelles de formation continue pour que les professionnels montent en compétence et en rémunération au fil de leur carrière est indispensable.
D. Des représentations sociales pour ces métiers qui n’évoluent pas avec les attentes
Les EAJE restent considérés aujourd’hui, notamment par les parents, prioritairement comme un service de garde. A cet égard, une mission de l’IGAS de 2023 souligne par exemple combien « le « amusez-vous bien ! » prononcé par nombre de parents déposant leur enfant est quasi unanimement relaté par les professionnels rencontrés comme significatif de cette perception réductrice de leur métier, plus proche du baby-sitting que de l’accompagnement au développement harmonieux de l’enfant ». Cela a un impact sur la quête de sens dans l’exercice de ces métiers et semble laisser les professionnels dans une impossibilité de « bien faire » qui entraîne une crise des vocations. L’analyse des métiers fait apparaître des marqueurs très clairs du sentiment de « qualité empêchée » qui constitue aujourd’hui l’une des principales entrées descriptives des enquêtes de sociologie du travail, notamment chez les soignants, qui décrivent le désarroi d’agents amenés à ne plus se reconnaître dans le service qu’ils assurent[65] : incapacité à justifier les règles appliquées, impossibilité de proposer une organisation adaptée au service que l’on veut rendre, inadéquation des moyens avec les objectifs du service, impuissance à mettre en conformité ses pratiques et ses aspirations, inquiétude devant une conflictualité croissante avec les usagers. Ces ressentis sont les coordonnées désormais bien renseignées de conditions de travail en perte d’attractivité.
La revalorisation de ces métiers va requérir un changement culturel que l’action publique peine à enclencher, faute de s’emparer réellement de l’enjeu de la formation. En l’absence de pilotage national clair, l’évolution nécessaire des métiers en lien avec le développement psycho-cognitif de l’enfant n’est pas encore suffisamment prise en compte dans les pratiques quotidiennes des professionnels et dans les socles de formation. Ces aspects restent-ils au fond considérés comme un aspect secondaire de la politique d’accueil ?
Qu’en est-il en Europe ? L’investissement dans la formation En France, l’importance de la formation dans le secteur reste en-deçà de nombreux pays. La Suède et le Portugal sont très exigeants sur le niveau de formation des professionnels. En Suède, depuis 1996, les établissements préscolaires ont des programmes d’enseignement et leur personnel reçoit la même formation que le personnel des écoles, c’est-à-dire trois années d’études universitaires. Au Portugal, les travailleurs exerçant dans un établissement d’accueil de jeunes enfants sont tenus de détenir un diplôme de niveau Master en enseignements y compris pour l’accueil des enfants de moins de trois ans » . Le Royaume-Uni prévoit « un plan d’investissement dans la formation de 95 millions de livres sterling qui bénéficiera au financement de la formation de professionnels de la petite enfance ». L’OFSTED, l’organisme gouvernemental chargé des inspections des écoles et des crèches, a mis en place « un système de notation publique transparent sur la qualité de l’accueil dans ces établissements ». Il n’existe cependant qu’une offre privée au Royaume-Uni. |
IV. L’action publique a favorisé la dérégulation et les logiques marchandes
A. Le constat de départ : une pénurie de personnels
Depuis une dizaine d’années, l’action publique a pour objectif l’augmentation des capacités d’accueil formel collectif. Le Gouvernement a annoncé un objectif de 100 000 places supplémentaires d’ici 2027 et de 200 000 pour 2030. En pratique, seule la moitié des 30.000 créations de places annoncées ont été ouvertes pour le quinquennat 2017–2022. Surtout, la pénurie de personnel empêche en pratique d’assurer un encadrement satisfaisant pour les places existantes et freine la créationde nouvelles places.
Même si le sujet excède le cadre de ce rapport concentré sur l’accueil formel collectif public, il est à noter que la même préoccupation de pénurie prévaut du côté des assistantes maternelles, premier mode d’accueil des jeunes enfants. En 2020, 241.000 assistants maternels étaient en exercice, un nombre en baisse continue après avoir atteint un sommet (318 000) en 2012 : selon les données URSSAF, la France a donc perdu un quart de ses effectifs d’assistants maternels entre 2012 et 2020. De plus, le ministère de la santé a annoncé en janvier 2023[66] que 120.000 assistants maternels seront amenés à prendre leur retraite d’ici à 2030, soit l’équivalent de 480.000 enfants gardés ; une estimation convergente avec celle de la Fepem (Fédération des Particuliers Employeurs de France) qui affirme qu’il manquera d’ici 2030 près de 125.870 professionnels pour maintenir une capacité d’accueil individuel des jeunes enfants identique à celle d’aujourd’hui[67]. Par ordonnance du 19 mai 2021 relative aux services aux familles, le Gouvernement a souhaité faire face à l’érosion de l’attractivité de cette profession en clarifiant le cadre législatif du métier d’assistant maternel. Le texte simplifie en particulier les règles sur le nombre maximal d’enfants qui peuvent être accueillis dans le cadre de l’agrément. Ce nombre est de quatre. Il reconnaît également et encadre la diversité des lieux d’exercice du métier, à domicile mais aussi en maison d’assistants maternels, et ouvre à ces professionnels la médecine du travail de droit commun. |
La CNAF a conduit, en avril 2022, une enquête auprès de l’ensemble des crèches à la demande du Comité de filière « Petite enfance ». L’objectif était double : mesurer l’ampleur des pénuries de personnel et leurs conséquences sur le nombre de places fermées. L’enquête portait sur 15.986 crèches collectives offrant 411.959 places d’accueil. 48,6%[68] des crèches collectives ont déclaré un manque de personnel auprès d’enfants. 8.908 postes auprès d’enfants sont déclarés durablement vacants ou non remplacés à la date du 1er avril 2022, soit entre 6,5% et 8,6% de l’effectif total de professionnels auprès d’enfants. Ce constat alarmant explique pour l’essentiel par un déficit majeur d’attractivité pour les métiers qualifiés de la petite enfance. Au niveau national, la pénurie touche en priorité les auxiliaires de puériculture (AP), un des métiers clefs de l’accueil du jeune enfant. 45% des besoins d’AP ne sont pas couverts, soit 3 972 postes. En ce qui concerne les Éducateurs de jeunes enfants (EJE), le pourcentage descend à 17% soit 1 550. En outre, 334 postes d’infirmières-puéricultrices sont vacants. Les autres métiers ne sont pas précisément renseignés par l’enquête mais ils correspondent à 1 516 postes vacants. L’étude a interrogé les EAJE sur le nombre de places durablement fermées ou inoccupées faute de personnel pour encadrer les enfants conformément à la réglementation en vigueur. 9 512 places (soit 2,3% du total des places recensées dans le cadre de l’enquête) n’ont pu être attribuées. Avec, là encore, une forte concentration territoriale : la région Île-de-France concentrant 75 % des places fermées. Paris (9 % des places en France) représente à elle seule 39 % des fermetures. Les trois départements de la première couronne proposent 12 % des places de crèche mais constituent 34 % des fermetures.
A ces constats s’ajoute le fait, même si cette étude de la CNAF ne le mesure pas, que nombre des gestionnaires, sans fermer de places, ont été contraints de réduire les amplitudes d’horaires d’ouverture de leurs structures.
B. Des évolutions démographiques à prendre en compte
Anticiper les besoins de création de places nécessite de prendre en compte les évolutions démographiques des prochaines années. Selon le bilan démographique de l’Institut national d’études démographiques (Ined), le nombre de naissances diminue de manière continue depuis treize ans. En 2023, on comptabilisait 150 000 naissances de moins qu’en 2010[69], soit près de 19 % de naissance en moins. L’indicateur conjoncturel de fécondité s’établit à 1,68 enfant par femme en 2023, après 1,79 en 2022. Le ralentissement de la natalité est susceptible d’atténuer les tensions actuelles. Les initiatives à prendre ne sont pas les mêmes s’il s’agit de faire face à un besoin structurel et durable ou s’il s’agit de faire face à une tension moins durable.
A contrario, le renforcement de l’offre de l’accueil de la petite enfance pourrait enrayer cette tendance et répondre, selon certains, à la priorité donnée par le Président de la république au « réarmement démographique ». Dans le rapport de l’Assemblée Nationale publié en mai 2024[70], sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements, la rapporteure Sarah Tanzilli considère que la dynamique créée par la réforme de la qualité d’accueil dans les crèches « est à même de contribuer à relancer la dynamique démographique de la France » Selon elle, « poser les bases d’un accueil de qualité, garantir l’égalité d’accès des enfants à ces solutions d’accueil, et créer des conditions économiques sécurisantes pour garantir l’existant et relancer une dynamique de création de places, sont des éléments essentiels de la politique de relance de la démographie dans notre pays ».
C. Une réponse publique à la pénurie pilotée par dérogations successives…
Cette pénurie, si elle a été clairement objectivée dans l’étude de la CNAF de 2022, n’est pas un phénomène nouveau. Plusieurs dispositions ont été prises depuis quinze ans pour y répondre. Leur point commun a été d’assouplir, par dérogations successives, le poids des normes d’encadrement tant en termes qualitatifs que quantitatifs.
2010, le décret Morano
Le décret dit « Morano » a constitué une première réponse à ce problème dès 2010. Pour répondre aux besoins de main d’œuvre, les normes réglementaires ont assoupli les critères d’encadrement et de qualification au sein des personnel des EAJE, entraînant une diminution des niveaux de diplôme des professionnels, notamment dans les établissements d’accueil collectifs. Le décret Morano du 7 juin 2010 a réduit l’exigence de 50% d’effectif diplômé de catégorie 1 à 40%.
2021–22, la réforme NORMA
Plus récemment, la réforme des normes applicables à la petite enfance (NORMA) d’août 2021 a introduit la possibilité d’opter pour un taux d’encadrement unique d’un professionnel pour 6 enfants (contre 1 pour 5 nourrissons et 1 pour 8 qui marchent)[71]. Un arrêté, encadrant une disposition existante depuis 2000[72] a été adopté à l’été 2022. Il autorise de manière dérogatoire, sur autorisation de la PMI, à embaucher du personnel non qualifié, à condition d’avoir échoué à recruter du personnel qualifié, et dans la limite de 15 % des effectifs[73] – arrêté fustigé par nombre de professionnels. Selon l’IGAS dans son rapport de 2023, cette mesure dérogatoire « a eu un impact délétère sur les professionnels, renforçant encore le sentiment de déclassement de leur métier ».
Si le fonctionnement par dérogation a pu pendant quelques temps limiter les conséquences du manque de main d’œuvre, il ne permet pas de répondre de manière satisfaisante et pérenne à la crise du secteur. Ces dispositifs n’ont d’ailleurs pas toujours été utilisés du fait de l’accompagnement qu’ils nécessitent.
D. L’ouverture au secteur privé marchand et à la concurrence
Pour répondre au manque de places, le secteur de la petite enfance a été ouvert aux acteurs privés marchands dès 2003. Cette diversification des acteurs, dans un contexte de décentralisation a permis d’augmenter l’offre de crèches, exclusivement tenue jusqu’au début des années 2000 par des structures publiques (crèches communales et départementales) et associatives.
Le privé contribue aujourd’hui à l’essentiel, voire à la quasi-totalité, des créations de places en France, et connaît une croissance à deux chiffres depuis 2005. Les entreprises françaises présentes sur ce secteur se sont également développées à l’étranger (Allemagne, Pays-Bas, Canada…). Aujourd’hui, les crèches du secteur marchand comptent pour près de 24 % des places proposées en France et en constituent le segment le plus dynamique, à un moment où les crèches publiques et associatives n’augmentent plus leur potentiel d’accueil. L’arrivée de fonds d’investissement au capital de certaines de ces entreprises a apporté de nouvelles sources de financement, leur permettant ainsi de se développer. Le groupe People & Baby par exemple, pour se développer à l’international, a sollicité en 2018 le fonds d’investissement britannique Alcentra, désormais filiale du fonds américain Franklin Templeton. En 2020, le fonds Antin Infrastructure a pris une place majoritaire au capital des crèches Babilou et en 2021, InfraVia a pris le contrôle de Grandir.
Les crèches privées se sont d’abord implantées à proximité de grandes entreprises. Elles ont pu répondre, conformément à une directive européenne[74], aux appels d’offres des collectivités locales et entrer en concurrence avec les crèches publiques. Certaines collectivités locales ont souhaité se tourner vers des crèches privées, notamment dans le cadre de délégations de service public, afin de s’alléger des lourdeurs administratives parfois chronophages d’une gestion directe, de pouvoir recruter plus facilement des professionnels et d’ouvrir rapidement de nouvelles crèches.
Cette situation, qui répondait à des besoins, a néanmoins engendré une pression concurrentielle et a parfois fragilisé le financement de certains gestionnaires. Dans un contexte financier contraint pour les collectivités, notamment lorsque la dotation globale de fonctionnement diminue, certains acteurs privés, pour être plus compétitifs et remporter des appels d’offres, proposent des tarifs bas (car ils peuvent compenser avec d’autres crèches plus rentables) sur lesquels les autres acteurs ne peuvent pas toujours s’aligner s’ils souhaitent conserver le même niveau d’encadrement et de qualification au sein des établissements. En effet, la masse salariale est le premier poste de dépense d’un EAJE (environ 70% des charges).
En 2004 le crédit d’impôt famille (Cifam) a été instauré. Il constitue une composante majeure du modèle économique des crèches marchandes. Les entreprises sont incitées à réserver des places de crèche au bénéfice de leurs salariés car le montant des dépenses engagées est pris en charge à hauteur de 50 % par le Cifam et peut être déduit du résultat fiscal de l’entreprise avant impôt sur les sociétés. Selon les chiffres de la Fédération française des Entreprises de Crèches (FFEC), entre 2018 et 2023, la réservation de places de crèches par les TPE-PME a progressé de + 5% en nombre d’employeurs et de + 7% en nombre de places de crèches réservées au bénéfice de leurs salariés. Les grands groupes ne représentent que 4% des bénéficiaires du CIFAM et 17% des places de crèches réservées. Toutefois, l’ensemble des parents ayant des enfants en crèche ne travaillent pas dans une entreprise pouvant bénéficier du Cifam, les indépendants par exemple ne sont pas éligibles au dispositif.
Le rapport de l’Assemblée nationale publié en mai 2024 préconise sa suppression estimant qu’il n’est pas compatible avec le service public de la petite enfance.
E. Le forfait horaire : une réforme qui impacte fortement les conditions de travail
Le modèle financier et organisationnel des crèches a changé avec la mise en place de la Prestation de Service unique (PSU). Depuis 2014, le montant de la PSU versée par les Caf aux EAJE dépend du volume horaire d’accueil facturé aux familles (financement à l’activité). Le modèle de tarif à la journée ou à la demi-journée a été remplacé par un forfait horaire choisi par les parents. La mise en place de la PSU répondait à plusieurs objectifs : disposer d’un service plus personnalisé et mieux ajusté aux besoins des familles, facturer aux familles les heures effectives, permettre une plus grande souplesse aux établissements, une augmentation de l’offre et donc un meilleur remplissage des crèches (notamment pour compenser le manque de places de crèches et s’assurer que les crèches existantes soient bien remplies).
Près de 89% des établissements du jeune enfant sont actuellement financés par la PSU. Outre les complexités qu’elle induit en gestion, cette logique de paiement « ultra-personnalisée » a entraîné des effets pervers et n’est pas forcément efficace. Depuis la mise en place de ce mode de paiement, il n’y a pas eu d’augmentation significative du taux de fréquentation des crèches[75] alors qu’il s’agissait d’un des objectifs centraux de cette réforme.
Cette tarification horaire, basée sur une logique de remplissage, induit une instabilité financière et organisationnelle pour les gestionnaires. Les demandes des familles peuvent évoluer en cours d’année créant ainsi plus d’instabilité et d’incertitude. Comment réussir à trouver un autre enfant pour remplir un créneau de 16h à 19h par exemple ? Ces modalités de financement mettent sous tension le fonctionnement des établissements : la complexité a engendré des coûts de gestion supplémentaires, plus de charge administrative et implique une grande rigidité dans le rapport aux familles avec le calcul du taux de facturation. L’arrêt de la tarification au forfait a entraîné, une baisse du chiffre d’affaires pour l’ensemble des gestionnaires (public, privé, associatif).
Elle impacte également l’organisation quotidienne et le projet pédagogique. La tarification au forfait permettait aux équipes davantage de temps « hors enfants », par exemple pour organiser des réunions et développer des temps de réflexions internes.
F. Le « bonus attractivité » : un effort de revalorisation des rémunérations qui reste peu lisible
Avec la mise en place du « bonus attractivité », dans le cadre de sa Convention d’objectifs et de gestion (COG) pour la période 2023–2027, la Cnaf a souhaité renouveler le modèle de financement des crèches financées par la Prestation de service unique (PSU) en renforçant la part forfaitaire de leur financement.
La revalorisation des rémunérations est une des préconisations des travaux du Comité de filière Petite enfance[76]. La Convention d’objectifs et de gestion pour la période 2023–2027 a ainsi engagé la branche Famille à contribuer à soutenir l’attractivité de la filière en participant à la prise en charge des coûts résultant des efforts de revalorisations salariales au sein des crèches financées par la prestation de service unique (Psu) des gestionnaires publics comme privés.
Les Caf versent depuis 2024 un bonus « attractivité » aux partenaires gestionnaires de crèches financées par la Psu qui revalorisent le niveau moyen des rémunérations. Le montant de ce bonus forfaitaire est calculé par place sur la base d’un montant représentant, en 2024, 66% du coût moyen pour l’employeur de ces revalorisations. Selon les attendus des partenaires sociaux dans la négociation, ces revalorisations devraient correspondre, pour les professionnels, à des augmentations de 100€ nets mensuels pour le secteur public et de 150€ nets mensuels pour le secteur privé. Cet accompagnement aux revalorisations salariales interviendra uniquement sous réserve de trois critères [77]et en particulier l’application de Conventions collectives nationales (CCN – pour le secteur privé) ou d’un régime indemnitaire (pour le secteur public) révisés. L’éligibilité des CCN sera déterminée par les administrations d’Etat ; les Caf seront chargées sur cette base d’identifier les crèches éligibles et de verser le montant du bonus, qui s’établit à 970€ par place pour le secteur privé et à 475€ par place pour le secteur public.
Dans un communiqué, la CNAF s’est félicitée que ce « bonus attractivité » représente à terme un budget annuel de près de 240 M€. Il permettra d’accompagner dès cette année les augmentations de salaires des personnels de crèches[78]. ». Concernant les crèches publiques, la revalorisation passera par une augmentation du Rifseep (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel). Ces augmentations doivent toutefois être votées par les collectivités.
La CNAF a également adopté, en juillet 2024, la mise en œuvre de nouvelles modalités de calculs de la PSU. Le taux de facturation dans le calcul de la PSU sera réformé, afin de supprimer les effets de seuil et leurs conséquences observées pour les gestionnaires, les équipes et les familles.
V. La création d’un service public de la petite enfance
La création d’un service public de la petite enfance a été évoquée par les majorités successives depuis plus de quinze ans. C’était également une promesse réitérée du Président de la République dans le cadre de la campagne électorale de 2022 : offrir à chaque enfant les mêmes chances, quel que soit son lieu de naissance ou de vie, répondre aux besoins des parents, permettre une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, et donner de meilleures conditions de travail aux professionnels. Pour répondre à cette ambition et mettre en œuvre ce projet d’un service public de la petite enfance, des discussions sont engagées depuis plusieurs années avec les élus locaux, les parlementaires, les professionnels et les représentants de la société civile, que ce soit dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) Petite enfance ou du Comité de filière petite enfance (CFPE).
Installé en novembre 2021, le CFPE est une instance qui a pour objectif de répondre à la grave pénurie de professionnels et de proposer des solutions pour restaurer l’attractivité des métiers de la petite enfance. Pour ce faire, le CFPE rassemble les associations d’élus et les représentants syndicaux et associatifs des professionnels des modes d’accueil du jeune enfant, individuel (assistants maternels, gardes d’enfants à domicile) ou collectif, du secteur public (crèches municipales, crèches hospitalières) comme privé marchand (entreprises de crèche) ou non-marchand (crèches associatives ou mutualistes).
De son côté, le CNR Petite enfance est une concertation territoriale lancée en novembre 2022 dont l’objectif était de repenser l’organisation du système d’accueil des jeunes enfants en France, en prenant pour boussole les besoins des parents, des enfants et des professionnels. Cette concertation, menée à l’échelle territoriale, devait permettre d’avoir une représentativité la plus juste possible des difficultés et d’identifier des dispositifs innovants qui ont fait leur preuve.
Suite à ces différentes concertations, des premières annonces autour du service public de la petite enfance ont été faites en juin 2023. Parmi ces annonces, un objectif de création de 100.000 nouvelles places d’accueil d’ici 2027, la création d’un fonds de 70 M€ dédié à l’amélioration de la qualité d’accueil, en complément du « Fonds d’innovation pour la petite enfance » doté de 10 M€, destiné à financer les territoires accélérateurs de la nouvelle politique d’accueil du jeune enfant.
La mise en place du Service public de la petite enfance est d’ailleurs la première ambition de la Convention d’objectifs de gestion de la branche famille (COG) 2023–2027[79]. Les Caf mobiliseront d’ici à 2027 1,5 Md € de plus par an (soit près de 6 Mds € sur la période 2023–2027) pour permettre à chaque enfant de 0 à 3 ans de bénéficier d’une solution d’accueil individuel ou collectif de qualité. Afin d’accompagner tous les parents pour en trouver une, elles financeront 450 animateurs de Relais petite enfance supplémentaires. Les Caf pourront s’appuyer sur de nouvelles modalités de conventionnement plus incitatives avec les collectivités locales.
La loi pour le plein emploi du 18 décembre 2023 comprend un titre IV intitulé « Gouvernance en matière d’accueil du jeune enfant », créant un nouveau « service public de la petite enfance ». Ce texte qui révise les modalités d’autorisation et de contrôles des crèches a été débattu vivement au Parlement, et a bien failli ne pas voir le jour. Le pilotage est désormais confié aux communes.
Quelques mois après la publication de l’article 18 de la loi pour le plein emploi, la ministre déléguée Sarah El Haïry a lancé le premier contrôle d’un grand groupe de crèches en se saisissant des nouveaux pouvoirs confiés aux inspections. Les résultats n’ont pas encore été rendus publics.
VI. Comment mieux accueillir tous les enfants : nos propositions
Entre le départ en retraite des assistantes maternelles et l’ouverture de nouvelles places de crèche, ce sont 70 000 professionnels[80] de la petite enfance qu’il va falloir former d’ici 2030. Voici quelques propositions pour assurer partout un accueil plus qualitatif et répondre au manque de main d’œuvre dans le secteur.
A. Comment améliorer la qualité de l’accueil ?
La qualité a pendant longtemps été tenue pour un aspect relativement secondaire de la politique d’accueil du jeune enfant. Elle semble se heurter à des contraintes structurelles et organisationnelles. Or, la qualité de l’accueil dépend des professionnels et des conditions dans lesquelles ils exercent tous les jours leur métier. La définition des bonnes pratiques dans le secteur de l’accueil collectif du jeune enfant reste embryonnaire, malgré l’évolution significative apportée par la charte de qualité de l’accueil du jeune enfant[81]. Contrairement au secteur médico-social et à l’accueil en milieu spécialisé, aucun référentiel de bonnes pratiques ni approche par curricula, comme dans les politiques scolaires, n’ont été mis en place pour l’accueil collectif des jeunes enfants. En conséquence, les pouvoirs publics n’ont pas instauré de dispositif global d’évaluation des établissements. C’est pour répondre à ce besoin que l’IGAS a été mandatée en septembre 2023 par Aurore Bergé. Cette mission, pilotée par Nicole Bohic, a pour objectif d’élaborer un référentiel des pratiques professionnelles susceptible d’entrer en vigueur en 2025. Une première version est actuellement testée par des professionnels. Ce document est voué à devenir un support de référence pour la qualité des pratiques professionnelles et organisationnelles du secteur de la petite enfance.
Améliorer les conditions de travail
- Proposition 1 : Généraliser, lors d’un recrutement (interne ou en externe), la mise en place de dispositifs de matching intégrant le lieu de travail du salarié et son lieu d’habitation afin de réduire les trajets domicile-travail des salariés, notamment dans les grandes villes.
- Proposition 2 : A long terme, une fois les effectifs renforcés, aligner les obligations de qualification des professionnels des micro-crèches sur celles des autres établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE)[82] et rendre obligatoire dans les micro-crèches la présence d’au moins 1 ETP de personnel diplômé (auxiliaire de puériculture, EJE, infirmier, psychomotricien, puériculteur) parmi les effectifs encadrant les enfants.
Améliorer la qualité de la formation initiale et continue et prendre davantage en compte les avancées des neurosciences
L’IGAS a recommandé qu’un socle de compétences commun soit mis en place. L’élaboration de de ce socle a été confiée à la mission menée par Nicole Bohic, en collaboration avec le comité de filière. Pour rappel, cette mesure était déjà préconisée dans le rapport Giampino de 2016.
- Proposition 3 : Créer un cadre national de formation pour uniformiser les enseignements et y ajouter plus de pratiques, plus de stages. Ce cadre de formation devra être basé sur un référentiel national clair et régulièrement actualisé et sur la Charte nationale pour l’accueil du jeune enfant. Y intégrer les avancées en sciences cognitives et les nouvelles connaissances sur les besoins fondamentaux de l’enfant.
Il est indispensable de mieux prendre en compte les enseignements du rapport sur les 1000 premiers jours et les avancées des sciences cognitives dans les référentiels de formation. L’IGAS a souligné la disparité des contenus des formations initiales des professionnels, parfois même leur obsolescence par rapport aux avancées de la recherche. La connaissance des processus et des étapes du développement socio-affectif et cognitif du très jeune enfant semble aujourd’hui incontournable pour tous les professionnels et doit faire partie de leur cursus initial. Une évolution importante a déjà eu lieu avec la refonte du CAP AEPE. Le programme a été revu pour mieux intégrer les notions concernant l’éveil de l’enfant, son développement et le relationnel avec la famille. L’amélioration de la qualité des pratiques ne peut être un axe véritable de l’action publique que si, comme cela a pu être le cas dans les secteurs sanitaire et médico-social, un pilotage national clair assume la définition de recommandations de bonnes pratiques en y associant les chercheurs du secteur. Comme l’a souligné l’IGAS, le fait que la formation des professionnels de la petite enfance soit assurée par les IFSI, les IRTS ou l’éducation nationale, sans lien avec un laboratoire de recherche dédié à la petite enfance, entrave le développement d’une culture commune entre chercheurs et professionnels du secteur. Par ailleurs, les recherches scientifiques sont principalement basées sur des études américaines, la recherche française étant insuffisamment développée dans ce domaine. La qualité des établissements d’accueil gagnerait également à une meilleure adéquation entre qualification et réalité du métier : les formations devraient contenir plus de stages, plus d’évaluation des stages pendant la formation, moins de théorie et plus de pratique.
- Proposition 4 : Investir dans la formation initiale et continue sur le développement précoce dans toutes ses dimensions (communication, langage, motricité, régulation émotionnelle, attachement), avec les 1000 jours comme socle commun, de tous les professionnels travaillant auprès de jeunes enfants et associer davantage des laboratoires de recherche spécialisés dans la petite enfance aux instituts de formation.
Miser sur le temps hors enfants et faire primer le programme éducatif
La pénurie de personnels et les tensions permanentes liées au turn over peuvent avoir des impacts négatifs sur la qualité du recrutement. Les personnes chargées du management et de la gestion sont mobilisées par le recrutement, ou doivent, en raison de la pénurie, effectuer elles-mêmes les missions d’accompagnement et de soin des enfants. Faire face collectivement à la pénurie a un impact sur le temps de repos, les temps dédiés à l’analyse de la pratique, et aux temps d’échanges et de rencontres avec les parents. Il apparaît essentiel de laisser du temps en équipe pour travailler au projet pédagogique général de la structure. Miser sur le temps hors enfant, c’est mieux préparer le projet éducatif de l’établissement.
- Proposition 5 : augmenter le temps d’équipe et la préparation pédagogique, au-delà des 3 journées pédagogiques. Formaliser le temps hors enfant ; imposer a minima une fermeture anticipée hebdomadaire, mettre en place une journée pédagogique à intervalle régulier et au moins une séance mensuelle d’analyse de la pratique par professionnel.
- Proposition 6 : Prendre davantage en compte, dans les appels d’offres, les critères qualitatifs, le projet pédagogique, les niveaux de diplômes des personnels, le respect de la charte nationale de l’accueil du jeune enfant et/ou intégrer dans le cahier des charges, comme le font déjà certaines collectivités territoriales des taux d’encadrement plus élevés.
Instaurer davantage de contrôles dans l’ensemble des EAJE
- Proposition 7 : Intégrer dans le schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant des obligations d’évaluation de la qualité d’accueil dans les établissements a minima tous les deux ans et rendre publique la notation globale. Aujourd’hui, Les EAJE doivent, selon l’article L.2324–2–4 du code de la santé publique, faire l’objet d’une évaluation a minima tous les 5 ans sur le fondement des principes mentionnés au sein de la charte nationale pour l’accueil du jeune enfant. Prévoir des pénalités pour les communes qui ne respecteraient pas ces obligations.
B. Comment recruter davantage ?
Un métier qui nécessite d’être davantage valorisé et mieux rémunéré
Le « bonus attractivité » contribuera aux deux tiers des coûts supportés par les employeurs pour atteindre une augmentation moyenne de 150€ net par mois pour les salariés (en tenant compte des mesures récentes de revalorisation dans la fonction publique). Ce bonus a été instauré à compter du 1er janvier 2024, au bénéfice des salariés des crèches publiques et privées financées par la PSU, dont les conventions collectives ont été renégociées pour augmenter significativement les salaires de la branche professionnelle, pour atteindre une augmentation moyenne de 150€ nets. Des renégociations sont en cours mais les revalorisations salariales évoquées plus haut ne concernent pour l’instant, hors secteur public, que les professionnels rattachés à la convention collective Alisfa et ceux des crèches appliquant les CCN51, 66 et Croix Rouge ( depuis début juillet 2024, avec effet rétroactif au 1er janvier 2024). On dénombre aujourd’hui 9 conventions collectives dont les taux de couverture et les niveaux de protection varient. Près de 70 000 salariés ne dépendent d’aucune convention collective (privé et lucratif principalement). Les organisations d’employeurs et de salariés représentatifs ont demandé une harmonisation des conditions de travail, du niveau de rémunération et des perspectives d’évolution de carrières. Ce travail a été entamé dans le cadre du groupe de travail » droit conventionnel » du comité de filière « petite enfance »
- Proposition 8 : Afin d’accélérer la mise en œuvre des revalorisations pour tous, autoriser la mise en œuvre des revalorisations salariales grâce à des accords d’entreprise et non des accords de branche.
- Proposition 9 : imposer à toutes les branches professionnelles du secteur d’ouvrir des négociations en vue de mettre en place un socle social commun en faveur des professionnels de l’accueil du jeune enfant (alignement des salaires minimum d’entrée de grille, temps de travail, formation, prévoyance). Définir les emplois repères du secteur de la petite enfance (intitulés, descriptifs, compétences associées, règles communes relatives aux passerelles entre ces emplois), les intégrer dans les classifications de branche et aider à la définition des salaires d’entrée de grille associés aux emplois repères.
- Proposition 10 : Ouverture de plans de reconversion en milieu de carrière, entre 35 et 45 ans, lorsque l’usure professionnelle commence à se profiler ou risque de se profiler. Ce « droit à la reconversion », sera accessible aux personnels de crèche qui auraient exercé 15 années pour l’accompagnement vers une nouvelle étape de la carrière professionnelle. La personne pourra bénéficier d’une formation tout en restant salariée de son entreprise et en conservant son salaire.
- Proposition 11 : plafonner le travail en intérim en début de carrière, comme à l’hôpital et dans les établissements sociaux et médico sociaux pour les médecins et les paramédicaux afin de stabiliser les équipes et d’assurer une continuité pour les enfants. [83]
Renouveler le modèle de financement des crèches
- Proposition 12 : Dans la prochaine COG, supprimer ou modifier la tarification à l’activité à l’activité des crèches et rétablir une approche forfaitaire simplifiée.
Mobiliser des moyens supplémentaires pour financer les hausses de salaire
Alors que les professionnels des crèches n’ont pas bénéficié du Ségur, le « bonus attractivité » est une première réponse mais, vu la situation des finances publiques, l’Etat seul ne pourra pas financer l’ensemble des moyens nécessaires. Il faut mobiliser davantage de moyens privés. Même si certaines entreprises se sont dotées de structures réservées aux enfants de leurs salariés, et que la branche famille est financée en grande partie par les cotisations des employeurs (33% en 2021 des recettes soit 33.1 Md€)[84], l’investissement global en faveur du service public de la petite enfance reste néanmoins insuffisant, alors même que ce dernier contribue significativement à l’augmentation de la population active et donc au dynamisme du marché de l’emploi.
De la même manière que les entreprises contribuent à l’effort en faveur du logement de leurs salariés (via la Participation de l’employeur à l’effort de construction (PEEC) et Action Logement notamment) et au financement du service public des transports (via le « versement transport » qu’elles acquittent aux collectivités territoriales exerçant la compétence transports et à la prise en charge partielle des frais de transport de leurs salariés), la situation actuelle plaide pour un renforcement de leur rôle dans le financement du secteur de la petite enfance. C’est en effet également l’intérêt des employeurs d’assurer à leur salarié un accueil qualitatif. L’enquête jeunes au travail publiée en février 2024 par Terra Nova montrait que l’arrivée des enfants ne modifiait pas fondamentalement le rapport au travail des jeunes actifs, mais singulièrement celui des femmes. Compte tenu des inégalités de répartition des tâches domestiques, la question des trajectoires professionnelles des femmes, de leur motivation, de leur productivité, de leur maintien en emploi est sous-jacente à ces débats. Faciliter un accueil quantitatif et qualitatif satisfaisant, c’est aussi l’intérêt des managers de ce point de vue. Or ils passent trop souvent à côté de ces aspects.
- Proposition 13 : Outre leur contribution générale au financement de la branche famille, création d’une obligation de prise en charge partielle par les employeurs des frais d’accueil des jeunes enfants de leurs salariés.
Cette obligation pourrait prendre plusieurs formes, au choix des employeurs : accueil dans une crèche d’entreprise, versement direct d’une participation aux salariés-parents, ou financement de places d’accueil dans des crèches mutualisées entre plusieurs employeurs.
Les entreprises qui ne financent pas déjà des places d’accueil des jeunes enfants pour leurs salariés paieraient un socle de base relativement indolore auquel s’ajouterait une contribution temporaire calculée sur la base du nombre de salariés employés ayant des enfants en bas âge. La contribution additionnelle est donc modulée selon le nombre de personnels ayant des enfants en bas âge et temporaire. Cette disposition concerne aussi bien les salariés hommes que les salariées femmes et s’applique aussi aux employeurs privés et publics.
Afin de faciliter l’essor de cette dernière option, une structure dédiée pourrait être créée sur le modèle d’Action logement, un véritable « Action crèche ». Cet organisme, dont la gouvernance reposerait sur les partenaires sociaux, aurait pour mission de financer la création de places d’accueil des jeunes enfants supplémentaires, soit en finançant les projets des collectivités territoriales, soit en finançant la création d’établissements d’accueil (ou le cas échéant la reprise de structures en difficulté) dont elle aurait la responsabilité.
Des formations encore trop peu attractives
Pour réussir à former 70 000 professionnels d’ici 2027, il faudra remplir toutes les formations existantes, puis, si cela ne suffit pas, ouvrir de nouvelles places de formation. Contrairement aux formations en CAP, toutes les écoles d’EJE et d’AP sont payantes – ce qui rend plus difficile l’entrée de certains candidats dans ces formations notamment dans des grandes aires urbaines ou le coût de la vie est élevé.
- Proposition 14 : Création de bourses pour inciter les étudiants à se diriger vers ces formations, sous réserve d’exercer ensuite durant plusieurs années.
- Proposition 15 : Instaurer une obligation de stage en EAJE dans le cadre du diplôme d’Etat d’auxiliaire de puériculture, peu formé spécifiquement aux enjeux de l’accueil collectif (DEAP).
- Proposition 16 : Créer un diplôme de niveau bac dans la filière éducative dédiée à l’accueil de jeunes enfants entre le CAP AEPE et le diplôme d EJE
- Proposition 17 : Changer le regard sur ces métiers : une communication sur ces métiers devrait être faite dès le collège pour les valoriser, attirer très tôt les potentiels talents et diversifier les profils dans le secteur en attirant notamment davantage d’hommes. S’éloigner de la perception très maternante du secteur de la petite enfance en accentuant la dimension pédagogique et cognitive de ces métiers est un levier indispensable pour diversifier les profils qui s’impliquent dans le secteur et notamment d’attirer davantage d’hommes (actuellement, ils représentent moins de 5% de la masse salariale dans le secteur).
Il faut également accompagner celles et ceux qui souhaitent se reconvertir et anticiper leur départ. Comment permettre aux professionnels de se réorienter ? Il existe aujourd’hui de nombreux dispositifs de VAE mais l’indisponibilité des jurys complique le recours à ce système pour un grand nombre de personnes. Ces dispositifs sont parfois complexes. France VAE, qui propose un accompagnement personnalisé à tous les métiers de l’humain va dans ce sens et vise à faciliter et accélérer la certification de compétences par le dispositif de validation des acquis.
- Proposition 18: Faciliter l’accès à la VAE en simplifiant les démarches et en augmentant la fréquence des sessions, aider les gestionnaires de crèches à valoriser et accompagner la VAE.
- Proposition 19 : Multiplier les passerelles de formation pour que ceux qui entrent avec peu de qualifications puissent obtenir les qualifications nécessaires. Créer un socle commun de formation aux métiers du « prendre soin » afin de favoriser la mobilité entre les métiers et les réorientations en cours de carrière au sein d’une même famille de métiers.
Pour réhausser le taux de personnes diplômées dans les structures et tendre progressivement vers une interdiction des personnes non qualifiées dans les EAJE, il faut permettre aux salariés entrés sans diplôme et avec peu de qualifications de se former au cours de leur carrière et d’obtenir les qualifications nécessaires. Chaque professionnel doit pouvoir bénéficier de formations continues tout au long de sa carrière afin de lui ouvrir de nouvelles perspectives d’évolution. Aujourd’hui les AEPE ont des parcours de carrière très limités. Il n’est pas possible pour eux de progresser sans dispositifs de VAE qui, on l’a vu, sont longs.
- Proposition 20 : Mise en place d’un CAP évolutif pour permettre aux AEPE de passer AP (sous réserve d’avoir 3 à 4 ans d’expérience dans leur poste). Les AEPE pourraient bénéficier d’un programme de formation en alternance (des formations modulaires avec maintien dans l’emploi et donc du salaire) qui déboucherait sur un CAP bonifié qui deviendrait un diplôme de catégorie 1.
- Proposition 21 : Diffusion chaque année par la CAF d’un questionnaire sur les postes vacants, comme celui réalisé à l’été 2022, pour centraliser et mieux cartographier les besoins selon les communes et les métiers.
Conclusion
Les préconisations citées dans la partie précédente s’inscrivent dans un contexte particulier. Les perspectives dans le secteur du travail social et dans les métiers du soin ne sont pas réjouissantes. Elles nécessitent la mise en œuvre rapide de nouvelles politiques publiques plus volontaristes en la matière car c’est l’ensemble du secteur qui est aujourd’hui en crise. Pourtant, comme le rappelle Mathieu Klein, Président du Haut Conseil du Travail social, sans ces professionnels, « il n’y a pas de politiques sociales, d’Etat-providence, il n’y a pas de solidarité ». Il paraît juste, de « remettre le travail social à sa juste place, dans sa mission profonde, celle des premières lignes qui orientent en profondeur notre société vers plus d’égalité, de reconnaissance et de dignité pour tous. » Les professionnels de crèches, qui s’occupent des tout petits, un public extrêmement vulnérable, et dont l’apport à la société est essentiel, ont pourtant vu leurs conditions d’exercice se dégrader fortement. Leur mission est néanmoins indispensable et doit être mieux valorisée. Cela passera par de meilleures rémunérations mais également par un accompagnement plus personnalisé dans la formation initiale et continue. La création d’un socle commun de compétences des métiers de la petite enfance incluant les questions de développement du jeune enfant et la prévention des maltraitances est indispensable. Le déploiement d’un programme national de recherche en petite enfance pour développer les connaissances sur le développement du jeune enfant et garantir leur diffusion auprès des professionnels qui les accueillent est également nécessaire.
Les nombreux travaux pilotés par l’IGAS, l’Assemblée nationale et de récentes enquêtes journalistiques pointent les limites de la politique familiale menée depuis 2003, principalement focalisée sur la création de nouvelles places de crèches et sur un meilleur taux d’occupation. L’aspect qualitatif a constitué, jusqu’ à récemment, un impensé de politiques familiales. Il faut désormais changer de paradigme et se concentrer sur la qualité d’accueil des jeunes enfants, qui va nécessiter de repenser le modèle économique du secteur, offrir une meilleure reconnaissance aux professionnels qui y travaillent, et mettre en place un pilotage de la qualité d’accueil de jeunes enfants en EAJE. La pénurie de main d’œuvre ne pourra être résolue sans une analyse attentive et des préconisations ambitieuses en faveur de la qualité et des conditions de vie au travail des professionnels de la petite enfance.
Enfin, à côté de la question des métiers stricto sensu, il semble que, tôt ou tard, la question des rythmes de l’enfant devra être posée. Certains enfants, parfois de moins d’un an, sont accueillis en crèche plus de 40 h par semaine, quasiment toute l’année dans un environnement souvent bruyant. Comme l’a montré le rapport des 1 000 premiers jours, une révision des règles des congés maternel, paternel et des congés parentaux devrait être envisagée pour favoriser le temps passé entre les enfants et les parents et offrir la possibilité de mieux concilier la vie privée et la vie professionnelle.
Auditions/contributions
- Jean-Baptiste Frossard, Inspecteur général, IGAS, en charge de la mission sur « la qualité de l’accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches »
- Hortense C, éducatrice jeunes enfants en crèche associative
- Clémence Duchesne, Directrice des Opérations, Les petits chaperons rouges
- Samantha Ducroquet, Chargée de missions, Expérimentations ANACT
- Antoine Guillou, Adjoint à la Maire de Paris, en charge de la propreté, de la réduction des déchets et de l’assainissement, auparavant en charge des RH, du dialogue social et de la qualité du service public
- Elsa Hervy, déléguée Générale, Fédération Française des Entreprises de Crèches
- Bruno Lamy, Secrétaire confédéral à la politique familiale, CFDT
- Aurélie Lainé, Directrice des Ressources Humaines, Groupe Babilou
- Céline Legrain, Directrice Générale Déléguée à la petite enfance et à l’Education, Groupe Crescendo, groupe SOS
- DM, Directrice, crèche Léo Lagrange – Multi accueil Beaudelique
- Anaïs Perelman, Responsable petite enfance et initiatives sociales, Mutualité Française
- Martine VIGNAU, Secretaire Nationale Unsa, Presidente Groupe Unsa au Cese
Remerciements
Un grand merci à Agathe Renault, Alizée Ostrowski, Nadia Picon et Mélanie Heard.
Annexes
- Annexe 1 : les 9 branches professionnelles principales du secteur de la petite enfance et leur convention collective associées
- Annexe 2 : Le service public de la petite enfance : une “réforme sans précédent” de la politique d’accueil du jeune enfant ?
- Annexe 3 : Dépenses de la branche famille en faveur de la petite enfance en 2023
- Annexe 4 : Les 1000 premiers jours de l’enfant
- Annexe 5 : Etat des lieux de l’emploi des mères
- Annexe 6 : La petite enfance en France : un secteur complexe et multipartite
- Annexes 7 : Les modes de garde du jeune enfant en France
- Annexe 8 : évolutions des besoins ces dernières années
- Annexe 9 : Financement de l’offre
Annexe 1 : les 9 branches professionnelles principales du secteur de la petite enfance et leur convention collective associée
CCN 3127 convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 (étendue) | FESP / FEDESAP / FFEC |
CCN 1261 convention collective nationale des acteurs du lien social et familial du 4 juin 1983 (étendue) | ALISFA |
CCN 1518 convention collective nationale des métiers de l’éducation, de la culture, des loisirs et de l’animation agissant pour l’utilité sociale et environnementale, au service des territoires (ÉCLAT) du 28 juin 1988 (étendue) | ECLAT |
CCN 0029 convention collective des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 (non étendue) | FEHAP |
CCN 2941 convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010 (étendue) | USB |
Domicile CCN 3239 convention collective nationale des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile du 15 mars 2021 (étendue) | FEPEM |
CCN 2128 convention collective nationale de la mutualité du 31 janvier 2000 (étendue) | ANEM |
Annexe 2 : Le service public de la petite enfance : une “réforme sans précédent” de la politique d’accueil du jeune enfant ?
7 juin 2023 : le projet de loi pour le plein emploi a été présenté en conseil des ministres. Il comprenait une clarification de la gouvernance de l’accueil du jeune enfant et désignant les communes comme « autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant »
29 juin 2023 : l’ancien ministre Jean-Christophe Combe a présenté le volet « qualité d’accueil » du SPPE, prévoyant l’accompagnement financier de revalorisations salariales dans le secteur, une évaluation du référentiel national relatif aux locaux et à l’aménagement des crèches, l’établissement de référentiels nationaux relatifs aux pratiques professionnelles et organisationnelles, la définition de la trajectoire de relèvement de l’offre de formation et la création du programme national de recherche « petite enfance »
Été 2023 : conclusion de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion (COG) entre l’État et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) afin de permettre dès la rentrée 2023–2024 un renforcement massif et qualitatif et un renouvellement profond des leviers de soutien à l’offre d’accueil du jeune enfant, à la fois pour permettre aux places de crèche actuelles de continuer d’exister et pour en développer rapidement de nouvelles.
Avril 2024 : Un « bonus attractivité » ou « bonus RH » a été voté par le CA de la CNAF[85] . Ce bonus accompagne les revalorisations salariales prévues dans les Conventions collectives nationales révisées ou résultant d’une mesure d’augmentation du régime indemnitaire (pour le secteur public). Il s’élève à 970 € par place et par an pour le secteur privé et à 475€ pour le secteur public. Ces montants permettent de contribuer aux deux-tiers des coûts supportés par les employeurs pour atteindre une augmentation moyenne de 150 € nets par mois pour les salariés (en tenant compte des mesures récentes de revalorisation dans la fonction publique). Il est instauré à compter du 1er janvier 2024 au bénéfice des crèches publiques et privées financées par la PSU. Il représentera à terme un budget annuel de près de 240 M€. Tous les salariés du secteur ne seront pas bénéficiaires. Cela ne concerne que les salariés des crèches publiques et privées financées par la PSU dont les conventions collectives ont été renégociées pour s’aligner sur la convention collective la plus protectrice du secteur (Alisfa).
Annexe 3 : Dépenses de la branche famille en faveur de la petite enfance en 2023
Annexe 4 : Les 1000 premiers jours de l’enfant
Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et Président de la commission d’experts du rapport des 1000 premiers jours, a montré que la période des 1000 jours qui court de la grossesse aux 2 ans révolus de l’enfant était centrale dans son développement et déterminante pour sa vie et sa santé futures.
C’est pourquoi les interactions sociales – en plus de celles dans le cercle familial restreint – sont primordiales pour la croissance de l’enfant. L’accueil collectif des nourrissons et très jeunes enfants de moins de 3 ans participe en ce sens au développement neurologique de l’enfant et au développement de ces capacités sociales. La qualité de l’accueil dans les premiers mois, voire années de la vie de l’enfant aura un impact indéniable sur l’avenir, c’est pourquoi il faut s’engager pour une prise en charge de très bonne qualité dès les premiers mois de vie de l’enfant et impulser des politiques publiques ambitieuses en la matière .
Lors d’une enquête en 2022 menée par ‘Les pros de la petite enfance’ sur la perception de l’utilité des crèches dans le développement social, moteur, cognitif, langagier et affectif de l’enfant : plus de 9 parents sur 10 estiment que le passage en crèche est une étape indispensable ou souhaitable pour leur enfant dans leur développement et pour 71% des parents le développement social est celui pour lequel le passage en crèche est jugé le plus indispensable.
Annexe 5 : Etat des lieux de l’emploi des mères
Selon l’enquête Emploi en continu de l’Insee[86], le taux d’emploi des mères d’au moins un enfant de moins de 3 ans est en hausse, il est passé de 55% en 2003 à 63% en 2020. Cette hausse ne doit néanmoins pas masquer de fortes inégalités selon la situation géographique, économique et sociologique des femmes concernées. Le taux d’emploi des mères a tendance à diminuer avec le nombre d’enfants en bas âge à charge[87]. En effet, sept enfants sur dix dont les deux parents travaillent à temps plein sont confiés à une assistante maternelle ou à une crèche alors que près de neuf enfants sur dix dont la mère n’a jamais travaillé́ sont gardés principalement par leurs parents.
Le recours aux différents modes d’accueil dépend très fortement de l’activité́ et du temps de travail des parents. Les modes d’accueil utilisés par les parents varient fortement selon leur catégorie socioprofessionnelle, actuelle ou antérieure. Seuls 25 % des enfants dont la mère est cadre ou exerce une profession intellectuelle supérieure sont gardés principalement par leurs parents, contre 88 % de ceux dont la mère n’a jamais travaillé́.
Si les parents recourent à un mode d’accueil formel, le choix de ce mode dépend lui aussi de leur catégorie sociale. En effet, selon l’enquête Modes de garde 2013 de la DRESS, une fois toutes les aides déduites, le reste à charge des parents peut être plus élevé́ pour un recours à une assistante maternelle que pour un EAJE : il dépend de la durée d’accueil et du salaire horaire de l’assistante maternelle (Villaume, 2015). L’emploi d’une assistante maternelle nécessite, en outre, d’avancer des sommes plus importantes avant de recevoir les allocations et de bénéficier des réductions d’impôts.
Lorsque la mère est profession intermédiaire, employée ou ouvrière, les enfants sont plus souvent confiés à une assistante maternelle (23 %) qu’à un EAJE (18 %). Quand elle est cadre ou exerce une profession intellectuelle supérieure, les enfants sont à̀ peu près aussi souvent confiés à un EAJE (35 %) qu’à une assistante maternelle (32 %) et sont aussi plus souvent que les autres enfants confiés à une garde à domicile (4 %), même si ce mode d’accueil reste rare.
Annexe 6 : La petite enfance en France : un secteur complexe et multipartite
La politique d’accueil de la petite enfance a connu une accélération à partir des années 70[88] avec l’entrée massive des femmes sur le marché du travail. En 1982, Georgina Dufoix alors Secrétaire d’État chargée de la Famille, a commandé un rapport sur la mise en œuvre d’une Politique de la Petite Enfance[89]. Son objectif était de mettre en place un dispositif de qualité capable d’accueillir les jeunes enfants dans le respect de leur personne et le souci de leur épanouissement. En 1983, la Caisse nationale des Allocations Familiales (Caf) a mis en place les “contrats-crèches” pour encourager les collectivités locales à développer le parc de crèches car le nombre de places offertes dans ces établissements était trop faible. Des dispositifs fiscaux (réductions fiscales et Allocations Garde d’Enfant à Domicile (Aged)) pour les parents ont également été mis en place.
En 2003, alors que 800.000 familles étaient en attente d’une place[90], les décideurs publics ont décidé d’ouvrir le secteur, jusque-là exclusivement public, au privé. Le système a été complété un an plus tard par un dispositif fiscal, le crédit d’impôt famille (CIF), pour encourager les entreprises à réserver des places en crèches pour leurs salariés, quelles que soient leur activité et leur forme juridique. Ce crédit d’impôt famille, créé par l’article 98 de la loi n° 2003–1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, visait à « inciter les entreprises à s’impliquer davantage dans la politique familiale » afin de « répondre à une attente des familles et de permettre aux salariés de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale ». Ainsi aujourd’hui, les entreprises bénéficient d’un crédit d’impôt (CIF) de 50 % pour les dépenses engagées pour des places de crèches, et d’une déduction de l’IS au titre des charges. En 2019, le montant de la dépense fiscale imputable au CIF était 131 M€ et ce dispositif a bénéficié à 12 347 entreprises[91].
En juin 2010, Nadine Morano, Secrétaire d’Etat à la famille, a lancé par décret les micro-crèches. Avec 12 enfants[92] au maximum gardés par deux professionnels, ces structures ont été à l’origine de 80 % des ouvertures de places pendant près de dix ans. Les parents paient la totalité des frais et sont ensuite remboursés par la Caisse d’allocations familiales sous conditions de revenus. Ils ont également droit à un crédit d’impôt. La micro-crèche permet un cadre plus léger que les structures dites classiques. Par exemple, elles peuvent être ouvertes sans personnels diplômés de catégorie 1 à condition de nommer un référent technique qui lui dispose d’un diplôme dans le domaine.
Une directive européenne de 2004[93] a permis aux crèches privées de répondre aux appels d’offres des collectivités locales, les mettant directement en concurrence avec les associations.
Annexes 7 : Les modes de garde du jeune enfant en France
Cette étude se concentre sur les modes de garde collectif (EAJE) mais il existe d’autres modes de garde des enfants de moins de trois ans en France, il convient de dresser un rapide tableau des différents modes de garde des enfants de moins de trois ans en France.
– les parents : le père ou la mère de l’enfant ainsi que ses éventuels beaux-parents ;
– les assistantes maternelles et maisons d’assistantes maternelles (MAM) : il s’agit d’un ou d’une professionnel(le) de la petite enfance qui accueille des enfants mineurs généralement agés de moins de 6 ans, employé(e) par les parents. L’accueil se fait à son domicile ou dans une maison d’assistantes maternelles. La personne doit obligatoirement avoir été agréée par les services du département ;
– les auxiliaires parentales : il s’agit d’une garde d’enfants à domicile qui seconde les parents ou les remplace quand ils ne sont pas là. A ce jour, il n’est pas obligatoire de détenir un diplôme, ou d’obtenir un agrément pour exercer le métier d’auxiliaire parentale : une déclaration de l’employeur à l’URSSAF suffit.
– les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) les crèches municipales et départementales, les crèches d’entreprise, les crèches parentales (les parents assurent la gestion de la structure et interviennent pour garder les enfants) et les crèches familiales (assistantes maternelles employées par la commune et non par les parents), ainsi que les haltes-garderies ;
– les grands-parents ou des membres de la famille ;
– la garde à domicile : la garde simple, au domicile d’une seule famille, ou à̀ la garde partagée, entre le domicile de l’enfant et celui d’une autre famille ;
– le cadre scolaire ou préscolarisation : dans certaines communes, la scolarisation dès 2 ans est proposée. Par ailleurs, la borne des 3 ans recoupe également l’entrée en école maternelle, désormais obligatoire.
– les autres modes de garde ou d’accueil : les travailleuses familiales ou aides ménagères, les jeunes filles au pair, les baby-sitters, les amis, voisins et toute autre personne extérieure à la famille. Cette catégorie comprend également les jardins d’enfants, les gardes périscolaires, les centres de loisirs et les établissements spécialisés.
Annexe 8 : évolutions des besoins ces dernières années
Une baisse du nombre de places depuis 2017 liés au départ des assistants maternels
L’offre d’accueil des assistants maternels s’est réduite ces dernières années (- 72 000 places entre 2016 et 2020), reflétant la baisse du nombre d’assistants maternels agréés (- 55 600 entre 2016 et 2019) et en activité (- 33 400 entre 2016 et 2019).
La part des enfants de moins de 3 ans confiés principalement à une assistante maternelle ou une crèche a presque doublé entre 2002 et 2021
La part des jeunes enfants confiés à un EAJE (crèche, halte-garderie…) ne cesse de progresser (+9 points) depuis 2002. Cette hausse est portée par l’accueil en crèche municipale ou départementale, en crèche parentale et par le développement des micro-crèches.
La hausse du recours aux EAJE à titre d’accueil principal a été progressive sur les vingt dernières années. Par ailleurs, l’enquête annuelle Aide sociale de la DREES pointe que le nombre de places offertes par les assistantes maternelles employées directement par des particuliers[94] qui avait connu une hausse importante entre 2002 et 2007 (+5 points) a baissé́ en continu depuis 2015, tandis que le nombre de places en accueil collectif a augmenté́ de façon régulière sur la même période.
Annexe 9 : Financement de l’offre
En 2021, près de 14 Mds € de dépenses publiques ont été consacrées au financement de l’accueil des enfants de moins de 3 ans. Ce financement est principalement assuré sur cette tranche d’âge par la branche famille de la sécurité sociale à hauteur de 64% mais également par les collectivités locales à hauteur de 21% et l’Etat dans une moindre mesure (15%).
- 6,8 Mds € pour les EAJE pour un prix annuel moyen par place de 16 154 €,
- 4,9 Mds € pour les modes d’accueil individuel
- 1,7 Mds € de dépense fiscale
- 513 M € pour accueillir près de 75 000 enfants à l’école pré-élémentaire/maternelle
Sources : Cnaf (Données tous régimes 2021, Vfdas 2021, Allstat – FR2 et FR6 2021, ERFS 2019, méthodologie), CCMSA, Depp, Direction du budget (Voies et moyens), DGFIP (Comptes des communes) pour les communes de plus de 10 000 habitants.
Dans les EAJE, la prise en charge est effectuée par les familles, les employeurs réservataires et les acteurs publics (CNAF, collectivités territoriales). Il existe deux modes de financements concurrents : PSU et PAJE.
Prestation de service unique (PSU)
Le modèle de droit commun en matière de financement est la prestation de service unique qui a été créée le 31 janvier 2002 par la lettre circulaire de la Caisse Nationale des Allocations Familiales 2002–025. Il s’agit d’une aide au fonctionnement versée par les caisses d’allocations familiales aux gestionnaires d’établissements d’accueil de la petite enfance. Les frais sont avancés directement au gestionnaire par la branche famille de la CNAF.
Cela permet aux établissements de proposer des coûts réduits aux familles selon un barème unique. Les coûts pour les familles sont proportionnels aux revenus des parents. Les établissements financés par la PSU représentent 89 % de l’offre d’accueil collectif en 2022[95]. La CAF peut aussi verser une aide complémentaire dans le cadre d’un contrat enfance et jeunesse (CEJ) qui correspond à 12% de la prise en charge du coût de l’établissement. Ces deux aides représentent environ 47% de la prise en charge du coût de revient de l’établissement.
Pour résumer, ce modèle repose sur un tiers financement et sur un système de financement a priori :
- La CNAF finance une partie des dépenses de fonctionnement de l’établissement par le biais de la PSU, calculée selon le coût de revient horaire
- Les parents financent l’établissement selon un tarif horaire calculé par le barème de la branche famille. Le tarif est décroissant en fonction des revenus des ménages.
Les financements cumulés de la branche famille et des parents ne peuvent excéder 66% du coût de revient horaire, dans la limite d’un plafond. Le reste à financer revient à :
- Un tiers financeur qui a réservé les berceaux de la crèche (employeur ou collectivité): une personne publique (ministère, organisme public, ou dans l’immense majorité des cas une commune) ou une entreprise pour les crèches d’entreprise (les entreprises réservent des berceaux dans des crèches pour leurs employés et constituent à ce titre le tiers financeur).
Prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE)
La tarification PAJE, est née en 2010 en parallèle de la création du modèle de micro-crèches. La prestation d’accueil du jeune enfant est un modèle dérogatoire, ouvert uniquement aux micro-crèches pour les établissements d’accueil collectifs et qui repose sur le remboursement des familles a posteriori par la CNAF. Les familles paient directement l’établissement sans tarif réduit. Le financement PAJE représente 7% des places en crèches.
- Les parents concluent un contrat avec l’établissement précisant la durée hebdomadaire d’accueil et le tarif horaire, librement fixé par l’établissement
- La branche famille, lorsque le tarif n’excède pas dix € de l’heure, et que les familles concluent un contrat minimal de 16 heures mensuelles d’accueil, finance une partie des dépenses par le biais du complément mode de garde (CMG)[96], qui est une composante de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE).
- Les personnes publiques (ministère, organisme public, EPCI, commune…) ou les entreprises peuvent réserver des places dans les micro-crèches.
La dynamique de création de nouvelles places est nettement du côté des micro-crèches financées par la PAJE. Entre 2017 et 2021, la CNAF a accordé des aides à l’investissement pour la création de 24 423 places en PSU, contre un objectif COG de 26 199, et pour 5 776 places en Paje (micro-crèches), contre un objectif COG de 3 572[97].
[1] Voir rapport IGF Janvier 2024 Microcrèches
[2] Petite enfance : que devrait faire le prochain président de la République ? | Terra Nova (tnova.fr)
[3] Aujourd’hui, on estime à 460 000 le nombre de places en établissement collectif en France[3], dont 60% de places en crèches publiques).
[4] Rapport IGAS
[5] Rapport mission Flash, Les perspectives d’évolution de la prise en charge des enfants dans les crèches, novembre 2023, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/dde/l16b1842_rapport-information
[6] Informations fournies par la CNAF au comité de filière Petite enfance le 1er avril 2022.
[7] https://lesprosdelapetiteenfance.fr/vie-professionnelle/conditions-de-travail/petite-enfance-ce-que-sera-le-futur-observatoire-de-la-qualite-de-vie-et-des-conditions-de-travail
[8] Tels que l’arrêté du 29 juillet 2022 relatif aux professionnels autorisés à exercer dans les modes d’accueil du jeune enfant
[9] IGAS – Rapport Mars 2023– « Qualité de l’accueil et prévention de la maltraitance dans les crèches » 2022–062r_tome_1.pdf (igas.gouv.fr)
[10] La Caisse nationale des Allocations familiales (Cnaf), France Stratégie (FS) et le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) ont organisé un cycle de séminaire intitulé « Premiers pas » du 1er décembre 2020 à l’été 2021 prennant appui sur les enjeux du développement de l’enfant et du rôle de son environnement social et familial pour dégager des lignes d’orientation possibles d’une politique publique concertée de la première enfance.
[11] Discours d’Elisabeth Borne le 1er juin à la clôture du CNR petite enfance
[12] Le conseil d’administration de la Caisse nationale d’allocations familiales a adopté, le 2 juillet 2024, la mesure de linéarisation de la prise en compte du taux de facturation dans le calcul de la prestation de service unique (PSU), afin de faciliter le travail des gestionnaires de crèches en supprimant, au 1er janvier 2025, les effets de seuil
[13] A compter du 1er janvier 2025
[14] Knibiehler, Yvonne. « Modes de garde : permanences et changements à travers l’histoire », Spirale, vol. no 30, no. 2, 2004, pp. 15–22.
[15] Enquête Emploi en continu, INSEE.
[16] Pierre Pora, « Accroître l’offre de places en crèche : peu d’effet sur l’emploi, une baisse du recours aux autres modes de garde », INSEE Analyses, n° 55, 7 septembre 2020
[17] Sur le marché du travail, les mères ne profitent pas de la création de places en crèche | Les Echos
[18] Investissons dans la petite enfance. L’égalité des chances se joue avant la maternelle, Terra Nova, 2017
[19] OCED, PISA 2022 Results : https://www.oecd.org/publication/pisa-2022-results/
[20] Garde d’enfants : ce sont les familles aisées qui s’en sortent le mieux, Le Point, 2013, https://www.lepoint.fr/economie/garde-d-enfants-ce-sont-les-familles-aisees-qui-s-en-sortent-le-mieux-28–11–2013–1762939_28.php
[21] Enquête Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants (MDG) 2021, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES)
[22] https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/dp_mesures_petite_enfance_2021_vf.pdf
[23] Dossier de presse, CNR, 1er juin 2023
[24] Berger, L. M., Panico, L., & Solaz, A. (2021). The impact of center-based childcare attendance on early child development: Evidence from the French Elfe cohort. Demography, 58(2), 419–450.
[25] Laudine Carbuccia, Carlo Barone, Catherine Collombet, Clémence Helfter. Les politiques d’accompagnement au développement des capacités des jeunes enfants. Caisse nationale des allocations familiales. 2022.
[26] Ce concept des 1 000 jours, promu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), désigne la période allant du début de la grossesse jusqu’aux 2 ans de l’enfant.
[27] rapport-1000-premiers-jours.pdf (sante.gouv.fr)
[28] Investissons dans la petite enfance. L’égalité des chances se joue avant la maternelle, Terra Nova, 2017
[29] Investissons dans la petite enfance – L’égalité des chances se joue avant la maternelle | Terra Nova (tnova.fr)
[30] Chiffres tirés de l’étude américaine « The Early Catastrophe » de Betty Hart et Todd Risley menée au domicile d’un échantillon représentatif de familles (2004, Education Review, 77 (1), 100–118)
[31] Jorge Luis García, James J. Heckman, et al., “The Life-cycle Benefits of an Influential Early Childhood Program”, NBER Working paper, décembre 2016. Cette évaluation est faite quand les enfants participant au programme ont atteint l’âge de 35 ans.
[32] Esping-Andersen G., avec Palier. B, Trois leçons sur l’Etat providence, 2008, La République des idées, Paris
[33] Rapport OCDE -Petite enfance, grands défis VI : Soutenir des interactions constructives dans l’éducation et l’accueil des jeunes enfants
[34] L’âge d’entrée à l’école diffère selon les pays de l’OCDE
[35] https://lesprosdelapetiteenfance.fr/la-ffec-publie-une-etude-comparative-europeenne-sur-laccueil-collectif-des-jeunes-enfants
[36] Note de l’Unesco sur la politique de la petite enfance en Suède : Intégrer la petite enfance à l’éducation: le cas de la Suède – UNESCO Bibliothèque Numérique
[37] Collombet C. et al. (2017), « Places en crèche : pourquoi l’Allemagne fait-elle mieux que la France depuis dix ans ? », Note d’analyse de France Stratégie
[38] Jeunes enfants : des modes de garde en évolution, février 2023, https://www.vie-publique.fr/en-bref/288316-jeunes-enfants-des-modes-de-garde-en-evolution
[39] Rapport L’accueil du jeune enfant en 2020, ONAPE, 2021, https://acepp83.fr/wp-content/uploads/2022/01/Onape-Rapport-2021-accueil-du-jeune-enfant.pdf
[40] Démographie : les naissances continuent leur chute, l’espérance de vie se redresse en France | Les Echos
[41] Enquête Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants (MDG) 2021, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES)
[42] Dossier de presse, CNR
[43] Le nombre de places potentiellement offertes par les assistantes maternelles est estimé en multipliant le nombre d’assistantes maternelles effectivement employées par des parents (source IRCEM) par le nombre moyen d’enfants autorisés par agrément. Il convient néanmoins de noter que certaines assistantes maternelles disposent d’un agrément pour plus de 3 enfants et que d’autres prennent moins d’enfants que ne leur permet leur agrément particulièrement lorsqu’elles accueillent des très jeunes enfants.
[44] Baromètre de satisfaction 2022 sur la qualité des services de crèches, IPSOS, https://lesprosdelapetiteenfance.fr/sites/default/files/ffec-2022-rapport-global-20220607-vpresse_compressed.pdf
[45] hcfea_-_rapport_-_accueil_du_jeune_enfant_-_mars_2023.pdf (strategie.gouv.fr)
[46]La nouvelle architecture des financements petite enfance- Intercommunalités de France : Support-Copart-19-octobre-2023.pdf
[47]https://www.babilou.fr/aide-contact/famille/les-autres-types-de-creches/quest-ce-quune-creche-collective-associative
[48] Il existe un écart-type de 3,3€ selon l’enquête CNAF de 2016. Prix de revient moyen horaire est ainsi de 11,54 euros si le gestionnaire est une entreprise privée, de 10,64€ s’il s’agit d’une structure publique et de 9,25€ en cas de gestion associative. Le prix de revient moyen horaire va de 9,84€ en zone rurale à 10,02€ en zone urbaine. Mais il grimpe à 11,28€ en agglomération parisienne.
[49] Audition de la Mutualité française
[50] https://www.mutualite.fr/actualites/accueil-de-la-petite-enfance-la-mutualite-francaise-en-premiere-ligne/
[51] Source France info ENQUETE FRANCEINFO. Crèches : comment l’essor de groupes privés a bousculé le secteur de la petite enfance
[52] Qui sommes-nous ? – Babilou
[53] Notre mission d’entreprise engageante (lpcr.fr) / Grandir Group
[54] Article R2324–46–5 du Code de la santé publique
[55] https://www.ameli.fr/entreprise/sante-travail/votre-secteur/aide-soins-personne/petite-enfance
[56] Sinistralité 2019, Assurance Maladie – Risques Professionnels
[57] https://www.ameli.fr/entreprise/sante-travail/votre-secteur/aide-soins-personne/petite-enfance
[58] Santé des salariés – panorama 2019 – Alisfa
[59] https://www.cairn.info/revue-la-nouvelle-revue-de-l-adaptation-et-de-la-scolarisation-2016–1-page-181.htm?contenu=resume
[60] Voir à ce sujet le rapport Terra Nova sur les logements de fonction
[61] Rapport “Qualité de l’accueil et prévention de la maltraitance dans les crèches » de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), 2023, disponible ici
[62] Soit 12 semaines de plus que les assistantes maternelles qui sont formées 80heures avant l’accueil puis 40h en formation continue.
[63] Audition de l’IGAS menée par la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale le 24 janvier, la question de la formation des équipes été au cœur des échanges.
[64] Cf. Liste des auditions
[65] Marc Loriol, « La souffrance au travail. Construction de la catégorie et mise en forme de l’expérience », Pensée plurielle, 2015/1 (n° 38), p. 23–33. DOI : 10.3917/pp.038.0023. URL : https://www.cairn.info/revue-pensee-plurielle-2015–1-page-23.htm
[66] https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/01/17/le-chantier-du-service-public-de-la-petite-
enfance-sur-les-rails_6158198_3224.html
[67] https://www.lemonde.fr/argent/article/2022/07/07/combien-coute-aux-parents-une-garde-d-
enfants-assistante-maternelle-ou-nounou-a-domicile_6133686_1657007.html
[68] https://www.moselle.gouv.fr/Actualites/Entreprise-et-emploi/Les-metiers-de-la-petite-enfance-nous-font-grandir
[69] Institut national d’études démographiques (Ined), L’évolution démographique récente de la France 2022, Collection conjoncture démographique, 2022.
[70] RAPPANR5L16B2660 (assemblee-nationale.fr)
[71] Pourtant les travaux universitaires sur le sujet encouragent des taux beaucoup plus bas : 1 professionnel pour 3 enfants de moins de deux ans et 1 professionnel pour 4 enfants de plus de deux ans.
[72] Cf arrêté 26 décembre 2000, article 5 : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000768507/
[73] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046138910 ;
[74] Transposition, en France, de la directive 2006/122/CE, du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. L’État français aurait pu faire le choix d’exclure les services de la petite enfance du champ d’application de cette directive, et donc de ne pas les soumettre au droit européen de la concurrence. Pourtant, le choix a été fait d’inclure le secteur de la petite enfance dans le champ d’application de cette directive, avec pour effet de mettre les collectivités territoriales, historiquement en charge de cette compétence, en concurrence avec des prestataires privés.
[75] Rapport Qualité de l’accueil et à la prévention de la maltraitance dans les crèches, IGAS, mars 2023, https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2022–062r_tome_1.pdf
[76] Crèches : le ministre des solidarités annonce des revalorisations salariales (lemonde.fr)
[77] Non tassement des grilles / revalorisation salariale / emplois repères
[78] https://www.lesprosdelapetiteenfance.fr/le-conseil-dadministration-de-la-cnaf-vote-le-bonus-attractivite
[79] Voir le document de synthèse « COG 2023 – 2027 : 2 enjeux principaux et 10 ambitions majeures »
[80] Rapport Qualité de l’accueil et à la prévention de la maltraitance dans les crèches, IGAS, mars 2023, https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2022–062r_tome_1.pdf
[81] Charte nationale pour l’accueil du jeune enfant | solidarites.gouv.fr | Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités
[82] Voir rapport IGF Janvier 2024 Microcrèches
[83] L’article 29 de la loi n° 2023–1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels interdit aux professionnels de santé l’exercice en qualité d’intérimaire en début d’exercice. Le présent décret fixe les modalités d’application de cette interdiction pour les professions paramédicales et les sage-femmes.
[84] 2022_PlaquettePresentationBrancheFamilleFrancaisBasseDef.pdf (caf.fr)
[85] CP Cnaf revalorisation salaires.pdf (caf.fr)
[86] https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/operation/s2127/presentation
[87] Rapport L’accueil du jeune enfant en 2020, ONAPE, 2021, https://acepp83.fr/wp-content/uploads/2022/01/Onape-Rapport-2021-accueil-du-jeune-enfant.pdf
[88] La politique d’accueil de la petite enfance en France : ombres et lumières – Publication de Jeanne Fagnani
[89] Rapport commandé à Bernadette Roussille et Nicole Bouyala
[90] Comment le secteur des crèches s’est ouvert au privé en 3 dates clés | Les Echos
[91] Rapport de Matignon – 282578.pdf (vie-publique.fr)
[92]https://www.caf.fr/sites/default/files/medias/671/partenaires/petite%20enfance/Tout%20savoir%20sur%20les%20micro-cr%C3%A8ches%20-%20janvier%202023%20(1).pdf
[93] Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services [abrogée par la directive 2014/24/UE]
[96] Le CMG est une allocation forfaitaire versée aux familles, dont le plafond varie en fonction des revenus du ménage, et dont le montant global ne peut excéder 85 % des dépenses de la famille