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Note

Pour la liberté de disposer de son corps – Promouvoir et garantir l’accès aux droits et à la santé sexuels et reproductifs des femmes en Afrique subsaharienne

En amont du Forum Génération Égalité qui se déroulera à Paris du 30 juin au 2 juillet, la Fondation Jean-Jaurès et Terra Nova, avec le soutien de Focus 2030, présentent six recommandations pour répondre aux priorités des droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR) et analysent l’engagement financier français dans cinq pays d’Afrique subsaharienne (Mali, Sénégal, Burkina Faso, Niger et République démocratique du Congo). Le rapport donne la parole aux acteurs et actrices de terrain qui développent concrètement des programmes de promotion des Droits à la santé sexuels et reproductifs. Grâce à de nombreuses auditions de responsables politiques et institutionnels, des représentant.e.s d’ONG locales basées dans les cinq pays étudiés et d’associations féministes françaises, nous identifions plusieurs leviers d’action qui restent à développer pour permettre aux femmes de faire valoir leurs droits, et y faisons de nombreuses recommandations dans ce sens à destination du gouvernement français.
Publié le 

Juliette Clavière , directrice de l’Observatoire Égalité femmes-hommes, Alexandre Minet, coordinateur du secteur international, en charge de l’Afrique subsaharienne

Ce rapport écrit par Deborah Rouach est issu d’un groupe de travail qui a réuni Amandine Clavaud, Juliette Clavière et Alexandre Minet pour la Fondation Jean-Jaurès et Suzanne Gorge et Marc-Olivier Padis pour Terra Nova.

L’aide publique au développement via l’Agence française de développement 56

Liste des sigles

AFD : Agence française de développement

APD : Aide publique au développement

CAD : Comité d’aide au développement

CNJFL : Cellule nigérienne des jeunes filles leaders

DSSR : Droits et santé sexuels et reproductifs

ECS : Éducation complète à la sexualité

FFM : Fonds français Muskoka

FGE : Forum Génération Égalité

FNUAP : Fonds des Nations unies pour la population

IDH : Indice de développement humain

IST : Infection sexuellement transmissible

MGF : Mutilation génitale féminine

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques

ODD : Objectif du développement durable

ONG : Organisation non gouvernementale

ONU : Organisation des Nations unies

OSC : Organisation de la société civile

PF : Planification familiale

RDC : République démocratique du Congo

RNB : Revenu national brut

SSR : Santé sexuelle et reproductive

SRMNI : Santé reproductive, maternelle, néonatale et infantile

SRMNIA : Santé reproductive, maternelle, néonatale, infantile et des adolescent·e·s

UA : Union africaine

VBG : Violences basées sur le genre

VIH : Virus de l’immunodéficience humaine

Avant-propos

L’année 2021 représente une année charnière pour la défense des droits des femmes et des filles, et notamment celui à disposer librement de leur corps. En effet, alors que la crise du coronavirus a accentué les fragilités des services de santé dans le monde, les attaques menées contre les droits et la santé sexuels et reproductifs (DSSR) [1] des femmes et des filles prennent de l’ampleur, menacent de mettre en péril et bafouent ces droits fondamentaux dans plusieurs régions du monde.

La tenue du Forum Génération Égalité (FGE) à Mexico en mars 2021, puis à Paris en juin 2021, place la défense de l’égalité femmes-hommes au cœur de l’agenda politique international et constitue en ce sens un événement majeur. Bien qu’il n’ait pas pour objectif d’adopter un texte normatif, le Forum Génération Égalité offre un cadre de discussion pour les gouvernements, la société civile, le secteur privé et l’ensemble des personnes et des organismes impliqués dans la défense des droits des femmes. Il donne également le cadre d’engagements concrets de la part des participant·e·s, notamment de l’État français qui a pris une position de « champion » au sein de la coalition sur le sujet des DSSR.

Pour contourner les blocages des négociations multilatérales, le Forum Génération Égalité propose une méthode alternative à travers les « coalitions d’action » qui rassemblent sur un pied d’égalité une multitude d’acteurs privés et publics du monde entier dont les représentations et les actions politiques convergent. La question des droits et de la santé sexuels et reproductifs sera abordée spécifiquement dans le cadre d’une de ces coalitions d’action, une prise de position forte alors que, depuis la Conférence mondiale sur les femmes à Pékin en 1995, « aucune conférence mondiale, aucune discussion sur ce [sujet] n’ont été jugées possibles par les États et la société civile, dans la crainte d’un recul sur ces droits [2]  ». En effet, en l’absence de perspective politique et de consensus international au sujet des DSSR, aborder cette thématique dans le cadre du Forum Génération Égalité peut renforcer des initiatives impliquant une multiplicité d’acteurs.

Le format du Forum Génération Égalité marque un certain nombre de décalages par rapport à la diplomatie internationale traditionnelle. Il n’est pas ici question d’un cadre multilatéral engageant par obligation les parties prenantes, mais d’une participation volontaire permettant la collaboration entre partenaires. Ainsi, il favorise la mise en place d’innovations, d’avancées concrètes et d’engagements financiers pour y parvenir et assurer une irrigation plus vaste allant au-delà des seules instances gouvernementales.

La France, de par son rôle historique de pays défenseur des droits des femmes à disposer de leur corps et de bailleur de l’aide publique au développement en Afrique, devrait être incitée à prendre des engagements concrets et durables en faveur des droits et la santé sexuels et reproductifs lors du Forum Génération Égalité.

Introduction

Le 8 mars 2021, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, Phumzile-Mlambo-Ngcuka, directrice exécutive à ONU Femmes déclarait : « Alors que des progrès ont été réalisés au cours des vingt-cinq dernières années, aucun pays n’a atteint l’égalité entre les femmes et les hommes [3] . » Plus encore, selon des premiers bilans de la crise sanitaire en cours, celle-ci se traduit par un recul important en matière de DSSR : « 47 millions de femmes pourraient perdre l’accès à la contraception, ce qui entraînerait 7 millions de grossesses non désirées [4] . »

L’égalité entre les femmes et les hommes et la santé sexuelle et reproductive (SSR) des femmes sont pourtant reconnues comme des droits fondamentaux par les instances internationales. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 1979, la Conférence internationale sur la population et le développement en 1994, la Déclaration et le Programme d’action de Pékin en 1995, conférence mondiale sur les droits des femmes, dont le Forum Génération Égalité fêtera les vingt-six ans, ainsi que les Objectifs de développement durable (ODD) en 2015 dans le cadre de l’Agenda 2030 constituent des textes fondateurs en la matière. Toutefois, le sujet des DSSR cristallise de nombreuses tensions tant au sein des États qu’au niveau international. Dans les instances multilatérales, certains États contestent la reconnaissance de ces droits et la mise en œuvre de programmes visant à les soutenir. Au sein même de la société civile, des représentants religieux défendent des représentations de la famille et du rôle procréateur des femmes qui s’opposent à leur autonomie de choix. C’est pourquoi il existe un rapport de force entre gouvernements et au sein des organisations intergouvernementales au sujet de la protection des droits des femmes à disposer librement de leur corps. En l’absence de consensus, il s’avère extrêmement difficile de faire adopter des engagements contraignants en faveur des DSSR.

L’accès aux DSSR fait l’objet de disparités significatives selon les régions du monde. La France s’est fortement engagée à porter un discours sur cette question au niveau international et à promouvoir une progression globale et pérenne des DSSR dans les pays en développement où elle est impliquée et où les besoins sont les plus élevés, notamment en Afrique subsaharienne. L’adoption du concept de DSSR dans le langage officiel du gouvernement français remonte aux années 2010. Pendant longtemps, les politiques d’aide au développement ont mis l’accent sur la protection de la santé materno-infantile, puis le discours officiel a évolué vers une approche fondée sur le dividende démographique [5] à l’intention de l’Afrique subsaharienne. Ce discours qui conduisait souvent à mettre en avant un « risque » démographique pouvait être reçu comme une forme d’ingérence d’un autre temps par les partenaires de la France. Plus récemment, la France a donné la priorité aux DSSR dans le document-cadre L’Action extérieure de la France sur les enjeux de population, de droits sexuels et reproductifs 2016–2020 [6] , attestant d’un changement de perspective, en adéquation avec les recommandations d’organisations de la société civile (OSC). Cette nouvelle approche participe plus largement de la promotion d’une diplomatie féministe défendue par la France. Dans le cadre de sa coprésidence du Forum Génération Égalité avec le Mexique et de son leadership au sein de la coalition « Le droit à disposer de son corps et la santé et les droits sexuels et reproductifs », des engagements concrets sont attendus de la part de la France pour initier des changements tangibles en termes d’égalité femmes-hommes et d’accès aux DSSR pour les cinq prochaines années.

Ce rapport analyse donc les implications de cette démarche diplomatique nouvelle, notamment l’engagement financier français en matière de DSSR dans cinq pays d’Afrique subsaharienne : le Mali, le Sénégal, le Burkina Faso, le Niger et la République démocratique du Congo [7] . Dans ces États, les droits des jeunes filles et des femmes à disposer librement de leur corps sont fragiles, menacés, voire bafoués. Or, il s’agit de droits inaliénables des femmes qui sont indispensables à leur autonomisation. En effet, les DSSR constituent un élément crucial en vue d’atteindre l’égalité femmes-hommes et d’assurer un avenir équitable à l’ensemble d’une population. Dans un contexte souvent dramatique pour les filles et les femmes de cette région, nous rappelons dans le présent rapport la nécessité de la promotion active et de la défense du libre accès aux DSSR et à une éducation complète à la sexualité (ECS) pour les femmes et l’ensemble de la population. Nous étudions également les multiples obstacles économiques, culturels, religieux, sécuritaires ou liés à la crise sanitaire contre lesquels une large mobilisation des États et des sociétés civiles est, plus que jamais, nécessaire. Enfin, nous donnons la parole aux acteurs et actrices mobilisés sur le terrain qui témoignent de l’importance de l’approche en termes d’accès aux droits pour accompagner les aspirations et les transformations de la vie dans ces pays.

Ce rapport se conclue sur six recommandations à destination du gouvernement français s’agissant de son aide publique au développement pour les DSSR en Afrique subsaharienne.

1. Répondre aux priorités des droits et de la santé sexuels et reproductifs en Afrique subsaharienne [8]

A. Définition des droits et de la santé sexuels et reproductifs

Tout d’abord, l’avancée proposée par la notion des DSSR est de les considérer comme un tout, selon une approche holistique [9] . En effet, les DSSR regroupent sous un même intitulé un ensemble de notions différentes mais complémentaires. Il s’agit de lier une approche sanitaire à une approche de liberté à travers l’accès à un certain nombre de droits. Les DSSR comprennent donc respectivement la santé sexuelle, la santé reproductive, les droits sexuels, ainsi que les droits reproductifs. Les thématiques auxquelles ces notions font référence sont multiples et peuvent se décliner comme suit :

– la planification familiale ;

– le droit à disposer de son corps ;

– le droit à choisir d’avoir une relation sexuelle ou non, de se marier, ou non, et avec qui, d’avoir un enfant, ou non, combien et quand ;

– l’accès aux soins de santé sexuelle et reproductive ;

– le droit à l’avortement sûr et légal ;

– le respect de l’intégrité du corps, à savoir la lutte contre les mutilations sexuelles féminines [10] ainsi que toutes les autres formes de violences sexuelles fondées sur le genre ;

– l’accès à l’éducation complète à la sexualité (ECS) et à l’information sur les DSSR ;

– l’information sur l’ensemble des thématiques des DSSR ;

– le droit à avoir une vie sexuelle sûre, à savoir la lutte contre les infections et les maladies sexuellement transmissibles (IST).

Un effort de définition des DSSR a été développé au niveau international par le groupe de travail de haut niveau pour la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) [11] .

Source tableau : Recommandations pour la CIPD après 2014 : Santé et droits pour tous en matière de sexualité et de procréation, Groupe de travail de haut niveau pour la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD), High- Level Task Force for ICPD, 2013, p.4.

En raison de l’imbrication de ces thématiques, on parle de « continuum de soins ». Cette expression permet de privilégier une approche intégrée et transversale des DSSR perçus comme un tout sans hiérarchie et sans exclusion. Cette démarche insiste sur une offre de soins et d’informations pour les DSSR qui s’inscrit dans la continuité, à savoir dès l’enfance, par l’intermédiaire de l’école, et à destination de l’ensemble de la population sans discrimination fondée sur le genre, l’âge, la religion ou la classe sociale. Elle met en avant une conception des DSSR selon laquelle le bien-être des femmes et des filles est perçu comme un ensemble incluant le bien-être physique, mental, émotionnel et social. Le décloisonnement des services de soins en SSR est une autre particularité de cette approche et répond aux réalités de l’autonomie corporelle où les besoins ne peuvent pas être segmentés tant ils sont pluriels et souvent liés les uns aux autres.

Il en découle que l’engagement en faveur des DSSR ne se traduit pas par un seul type de programme ou d’action d’aide, mais par une multiplicité de programmes concernant chaque aspect. Les DSSR impliquent donc à la fois une diversité d’engagements et une cohérence à rechercher à travers tous ces programmes. L’accès à l’éducation et aux systèmes de santé est la base de cette démarche, mais se décline à travers des projets d’ampleur variable et parfois des actions de terrain très ciblées, de taille modeste à l’impact toutefois déterminant pour les populations visées.

B. Présentation du contexte régional en matière de DSSR

L’Afrique subsaharienne est une des régions au monde où l’accès aux services de SSR et le droit des femmes à disposer de leur corps sont les plus précaires. L’organisation patriarcale des sociétés marque les mentalités et la participation à la vie sociale et le plein exercice des droits sont limités par de multiples formes d’inégalités de genre et de discriminations envers les femmes et les filles.

La région souffre, en outre, d’un terrible manque de moyens pour répondre à une forte demande. Les atteintes portées à l’intégrité de ces droits s’en voient donc renforcées. Elles peuvent prendre la forme d’un mariage d’enfant ou d’un mariage forcé pour les femmes majeures, d’une grossesse chez une mineure et/ou d’une grossesse non désirée, de mutilations génitales féminines (MGF), de violences basées sur le genre (VBG), mais aussi d’une insuffisance ou d’une absence de soins en SSR (prévention, information, lutte contre les IST, éducation complète à la sexualité, manque de soins, de suivi et de prise en charge pendant la grossesse, l’accouchement et la période néonatale et postnatale, etc.). Ces dénis de droits touchant les adolescentes et les femmes constituent autant d’entraves à leur autonomie et se répercutent sur l’ensemble de leur vie.

En Afrique centrale et de l’Ouest, les populations sont confrontées à des crises multiples. Parmi elles, la situation sécuritaire de certains pays étudiés constitue un obstacle considérable pour le respect des DSSR. Les femmes et les filles en zones de conflits sont exposées aux violences de guerre et en particulier aux violences sexuelles (viols, mutilations génitales, prostitution, etc.). L’insécurité a donc des répercussions majeures sur l’accès aux soins et sur l’information relatifs aux DSSR et en conséquence sur le respect du droit des femmes à disposer librement de leur corps. Que ce soit le Mali, le Sénégal, le Burkina Faso, le Niger ou la République démocratique du Congo (RDC), ces États sont, à des niveaux différents, le théâtre de violences aux conséquences terribles pour les populations. En raison des ressources consacrées à la stabilisation des zones en conflit et à la lutte contre le terrorisme, les services publics de base, comme ceux de santé, sont défaillants, voire inexistants, et les populations démunies. Les services en matière de SSR sont directement affectés par l’insécurité et l’instabilité politique qui entravent l’instauration de programmes de santé efficaces et durables. De plus, les régions difficiles d’accès ou dangereuses sont délaissées tant par les membres des associations ou ONG inquiets des attaques [12] qu’ils pourraient subir à cause de leurs actions en matière de DSSR que par les bailleurs de fonds qui redoutent notamment le manque de transparence sur l’utilisation des financements.

En Afrique de l’Ouest, entre 2007 et 2018, seules 38 % des adolescentes et des femmes âgées de quinze à quarante-neuf ans étaient en mesure de prendre leurs propres décisions en matière de santé, de contraception et de rapport sexuel avec leur partenaire ou leur conjoint, ces trois critères permettant de caractériser l’autonomie corporelle [13] . Cependant, ce chiffre chute drastiquement lorsque l’on s’intéresse aux pays de notre étude avec 7 % pour le Sénégal et le Niger, 8 % pour le Mali et 20 % pour le Burkina Faso [14] . La RDC est plus proche de la moyenne pour l’Afrique centrale (33 %) avec 31 % de femmes et filles de quinze à quarante-neuf ans qui déclaraient disposer de leur autonomie corporelle [15] . Pour la période de 2015–2019, plus de 6,5 millions de grossesses non désirées ont été recensées en Afrique de l’Ouest [16] . En outre, d’après les données de Guttmacher [17] , entre 2015 et 2019, 8 millions d’avortements ont été pratiqués en Afrique subsaharienne, dont les trois quarts n’étaient pas sécurisés pouvant entraîner des complications médicales, voire la mort de la femme. Au Burkina Faso, 72 % des avortements étaient réalisés par un personnel non médicalisé, c’est également le cas pour 63 % des avortements au Sénégal.

Le cadre législatif concernant les DSSR en Afrique de l’Ouest et centrale

La mise en place d’un cadre légal apparaît dès lors comme un préalable indispensable pour assurer aux femmes et aux filles un environnement où leurs droits sont protégés. Des traités régionaux ont été adoptés pour garantir un cadre légal favorable au respect des DSSR dans la région. Ainsi en est-il du Protocole de Maputo signé en 2003 par l’Union africaine (UA) afin de promouvoir l’égalité des droits pour les filles et les femmes qui reconnaît l’avortement comme un droit fondamental dans le cas où la grossesse provient d’un viol, d’un inceste, met en danger la santé mentale et physique de la femme ou sa vie et si le fœtus présente des anomalies dangereuses.

En 2011, le Partenariat de Ouagadougou [18] est créé entre les neuf pays francophones de l’Afrique de l’Ouest, le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Togo, et les bailleurs de fonds, dont l’Agence française de développement (AFD), pour instituer et consolider la planification familiale (PF). L’objectif est de permettre une plus large utilisation des moyens de contraception et de coordonner les projets entre les pays et leurs partenaires financiers. Ces traités sont d’autant plus importants qu’ils permettent de consolider une législation uniforme pour protéger les droits des femmes et des filles de l’ensemble de cette région.

Toutefois, les engagements des États dans le cadre de ces traités régionaux ne sont pas toujours transposés en droit interne. C’est notamment le cas de la RDC qui avait signé le Protocole de Maputo sans le publier dans son Journal officiel , ce qui entravait son application par les tribunaux des pays. Il a fallu attendre 2018 pour que cette transcription du Protocole de Maputo soit adoptée et que celui-ci prévale sur le droit national. Elle reste néanmoins peu connue par la population. Au Sénégal, le protocole a été transposé dans la loi du pays, mais les associations locales relèvent qu’il n’est pas respecté [19] .

Le cadre légal est donc encore loin d’être homogène dans l’ensemble de la région, comme le montre par exemple le cas de la législation sur l’avortement (voir l’encadré ci-dessous). Même quand la loi autorise l’avortement sous certaines conditions, son application demeure un combat et l’accès à un centre médical ou à un personnel compétent reste difficile. L’accès à la contraception et l’ensemble du paquet DSSR dépendent également de la politique en vigueur dans chaque État.

Source : Akinrinola Bankole et al., De l’avortement non sécurisé à sécurisé en Afrique subsaharienne: des progrès lents mais constants, New York: Guttmacher Institute, 2020, https://www.guttmacher.org/fr/report/from-unsafe-to-safe-abortion-in-subsaharan-africa

Ainsi, la loi impose, par exemple, au Mali, la signature de trois médecins pour pouvoir recourir à l’avortement, ce qui entrave son accès déjà restrictif dans les délais légaux et cela d’autant plus que les médecins invoquent la clause de conscience. Au Burkina Faso, il faut attendre l’autorisation d’un tribunal statuant qu’un viol ou un inceste a entraîné une grossesse si bien que le délai du nombre de semaines pour pouvoir avorter légalement ne peut être respecté [20] .

L’hétérogénéité des cadres législatifs dans les pays étudiés joue de plus en défaveur des droits des femmes. On l’observe, par exemple, dans le cadre de la lutte contre les violences basées sur le genre. Le Mali est le seul pays de la région qui n’interdit pas les violences basées sur le genre, ce qui laisse libre cours aux pratiques telles que les mutilations génitales féminines, par exemple. Il suffit donc de faire franchir une frontière à une Sénégalaise, une Nigérienne ou une Burkinaké pour procéder à une excision sur sa personne. D’après le rapport du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), 86 % des Maliennes de quinze à dix-neuf ans ont été mutilées sur la période de 2004 à 2018. Les femmes de quinze à quarante-neuf ans sont 45 % à avoir subi des violences physiques et/ou sexuelles selon l’Institut national de la statistique du Mali [21] .

Un autre défi à surmonter réside dans l’accès à l’information en matière de législation, les populations disposant de peu d’information et de connaissance sur les lois en matière de SSR et donc de leurs droits dans ce domaine. Au Sénégal, la loi relative à la santé de la reproduction date de 2005 et permet « de décider librement et avec discernement du nombre de leurs enfants et de l’espacement de leurs naissances. Elle implique également le droit de disposer des informations nécessaires, le droit pour tous à une meilleure santé et aux services prévus à cet effet [22]  ». Néanmoins, les associations locales estiment qu’elle n’est pas mise en application [23] . Au Mali, il existe une loi sur la SSR adoptée en 2002 garantissant l’accès à la planification familiale et interdisant le refus de prescrire ou de forcer l’usage d’un moyen de contraception d’une personne quel que soit son âge. Cette loi reste également méconnue par la population [24] .

En outre, lorsque des cadres législatifs existent en faveur des DSSR dans les pays étudiés, ils se heurtent toutefois au poids des traditions, parfois renforcées par un contexte sécuritaire régional qui ne cesse de se dégrader. Les violences basées sur le genre envers les femmes et les filles peuvent aussi prendre la forme de mariages forcés et de mariages de mineures qui constituent un obstacle majeur à l’émancipation des femmes. Selon le rapport du FNUAP, 39 % des filles sont mariées avant leur majorité en Afrique centrale et de l’Ouest [25] . La région demeure celle où les dispositions pour mettre fin aux mariages d’enfants sont les moins efficaces et où ceux-ci sont les plus pratiqués au monde [26] .

Source : Unicef, La situation des enfants dans le monde, 2016. Infographie : Le Figaro.

Ces pratiques touchent particulièrement les plus vulnérables, notamment les personnes déplacées et celles vivant dans une zone de conflit. Les mariages de mineures sont, en effet, la plupart du temps pratiqués pour des raisons économiques par les familles ne pouvant subvenir aux besoins de leurs enfants et entraînent nombre de grossesses chez les mineures et forcées. En 2020, 5,5 millions de personnes étaient des déplacées internes en RDC, le nombre le plus important au monde [27] . Ces personnes qui vivent dans des camps constituent une frange de la population à risque en raison de la perte de leurs repères, de la rupture des liens familiaux et sociaux liés au déplacement et du poids renforcé de la communauté au sein du camp. C’est pourquoi elles sont ciblées et intégrées dans les actions d’ONG qui mettent en place des séances de sensibilisation sur la SSR. Les gouvernements s’efforcent également, avec l’aide de partenaires extérieurs, de mettre en œuvre des plans nationaux pour répondre aux besoins spécifiques de ces populations et développer des services intégrés en matière de SSR.

Au Niger, la loi autorise le mariage des jeunes filles à partir de quinze ans, contre dix-huit ans pour les garçons, mais elles sont souvent mariées à douze ans [28] . La principale explication réside dans les coutumes et la dimension liée à l’honneur que recèle le mariage pour les familles qui souhaitent à tout prix éviter une grossesse hors mariage [29] . Il faut également prendre en compte le fait qu’un nombre élevé d’enfants dans les foyers est perçu comme un signe de bonne réputation. En outre, dans un contexte de grande pauvreté, le mariage apparaît comme une voie vers la prospérité économique et vers une amélioration du statut social au sein de la communauté. Enfin, malgré les progrès de la scolarisation, le mariage apparaît encore souvent à de nombreuses familles comme un choix sans alternative pour la fille [30] .

Le poids des coutumes et de la religion

Les obstacles au développement des DSSR dans cette région sont nombreux. Parfois liés aux contingences politiques et aux agendas des responsables politiques, ils sont aussi la conséquence d’une prévalence très forte des règles religieuses et du poids d’une vision patriarcale de la société.

En effet, certains gouvernements et différents responsables politiques n’ont pas fait de l’égalité entre les femmes et les hommes une priorité en termes de politiques publiques, et en particulier les DSSR qui touchent des sujets encore tabous dans les sociétés et qui cristallisent les débats. Quand un domaine des DSSR est pris en compte par les autorités, celles-ci préfèrent alors user d’une sémantique amoindrissant la portée du sujet visé : l’éducation complète à la sexualité (ECS) devient « l’éducation à la vie familiale » au Burkina Faso.

Les gouvernements ou personnalités politiques qui seraient favorables aux DSSR peuvent être l’objet de critiques, voire de menaces, de la part de segments de la société et de groupes conservateurs influents tels que certains leaders religieux et communautaires. Au Sénégal, par exemple, des lobbys religieux sont actifs auprès du gouvernement et font barrage aux discours progressistes en faveur de la légalisation de l’avortement en cas de viol et d’inceste et au sujet de la santé sexuelle et reproductive de manière générale.

Au Mali, où la population est à 90 % musulmane, plusieurs initiatives en lien avec les DSSR ont été annulées. Une tentative d’intégrer les questions de SSR dans les manuels scolaires a été dénoncée par certains leaders religieux auprès du président Ibrahim Boubacar Keïta, estimant que « l’acceptation des différences » énoncée dans ces manuels inciterait à l’homosexualité [31] . L’État malien a donc été forcé d’abandonner le projet. En 2021, l’avant-projet de loi contre les violences basées sur le genre proposé par la ministre de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, Bintou Founé Samaké, a subi le même sort.

D’après l’ONG Initiative Pananetugri pour le bien-être de la femme, au Burkina Faso, « en 2018 le ministre de la Santé, Nicolas Meda, abordait l’idée d’accorder le droit à l’interruption sécurisée de la grossesse avec le président de l’Assemblée nationale. Une fois que cela a été évoqué publiquement dans la presse, il y a eu de vives réactions obligeant le gouvernement à revenir sur ces propos [32]  ». Ainsi, face aux coutumes et aux pressions d’une partie de la société et de certains leaders religieux, les tentatives législatives échouent et les DSSR sont passés sous silence. Or, il est crucial de convaincre les élus politiques qu’investir dans la santé et les DSSR est un droit et un besoin, mais surtout un investissement à long terme qu’il faut défendre face aux traditions et aux mœurs dominantes [33] .

L’influence des chefs coutumiers et religieux et des règles coutumières sur la société s’observe tant dans le quotidien des citoyen·ne·s que dans l’espace public ou les rapports de pouvoir. Au Burkina Faso, la chefferie, omniprésente dans les territoires ruraux du Centre et de l’Est, n’est pas moins absente des grands centres urbains. Mais, leur influence exprime moins une substitution aux pouvoirs publics qu’une superposition d’autorités morales et sacrées, voire parfois politiques. Pour les ONG étrangères et locales, ou pour les interlocuteurs·trices internationaux, toute visite et/ou mise en œuvre de projets doivent être précédées d’un échange préliminaire avec les autorités coutumières et religieuses, afin de se présenter et de favoriser l’acceptation et l’appropriation dudit projet. Ce cérémonial protocolaire s’effectue en sus de celui qui garde néanmoins la primauté, avec les autorités politiques locales (gouverneur, président de conseils régionaux, maire, etc.). « À chaque fois que nous faisons une mission à l’extérieur de la capitale du Burkina Faso, nous visitons en premier lieu les autorités administratives, politiques, coutumières et religieuses afin de leur présenter la raison de notre présence et notre mission. L’influence des autorités religieuses est très importante sur la société [34] . » D’ailleurs, « les représentants des autorités coutumières et religieuses font partie des membres du Comité de coordination des subventions du Fonds mondial de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme (CCM) au même titre que la France et d’autres partenaires [35]  ».

En effet, les leaders communautaires et religieux, presque toujours des hommes, ont une influence importante sur la sphère de l’intime et le quotidien des personnes. Les femmes et les filles sont donc particulièrement vulnérables dans les zones géographiques où le poids des valeurs religieuses et culturelles pèse sur la vie de la population. De nombreuses communautés religieuses et conservatrices définissent les comportements acceptables ou non. Elles perpétuent des représentations de rôles genrés inégalitaires et discriminatoires envers les femmes et les filles qui doivent être soumises au chef de famille et remplir leur fonction d’épouse et de mère [36] . Se marier et avoir des enfants ne relève pas du choix de la femme, mais d’un devoir. Les communautés imposent, de plus, des pratiques dangereuses pour le corps des femmes et des filles, telles que les mutilations génitales féminines (MGF), dont l’excision est la forme la plus courante, qui violent leur intégrité physique et sont motivées par des raisons culturelles, religieuses ou sociales [37] . En Afrique de l’Ouest, les MGF sont largement pratiquées bien que leur prévalence varie selon les pays (voir illustration ci-dessous).

En outre, lorsque la loi coutumière, les pratiques religieuses et la loi civique s’accordent, les droits des femmes et des filles se voient négligés et bafoués. C’est notamment le cas dans l’ensemble des pays de notre étude qui autorisent juridiquement la polygamie, sauf pour le Niger. L’Afrique de l’Ouest est la région où la polygamie est la plus fréquente au sein de la population : au Burkina Faso, sa proportion est de 36 %, au Mali, elle est de 34 %, de 29 % au Niger et de 23 % au Sénégal pour la période de 2010–2018 [38] . Quant à la RDC, la polygamie est peu pratiquée, puisqu’elle ne concerne que 2 % de la population. La version la plus courante de cette pratique est la polygénie, soit le mariage d’un homme à plusieurs épouses, ce qui participe de fait à instaurer une inégalité entre femmes et hommes.

Dans ce contexte où l’inégalité et les discriminations subies par les femmes, voire la misogynie, est généralisée, la sexualité contrôlée par les hommes et une pression sociale exercée sur la fertilité, les femmes et les filles peuvent difficilement avoir accès aux soins et aux informations relatives à la SSR, parler librement et en confiance de leurs droits en matière de sexualité et de reproduction ou encore revendiquer ces droits. Il est aussi souvent ancré dans les mentalités que la SSR est un principe occidental contraire aux valeurs locales. La force de ces préjugés pèse particulièrement sur les femmes et les filles. Des changements progressifs apparaissent néanmoins au sein des nouvelles générations qui sont plus à même de revendiquer leurs droits et disposent d’outils tels que les réseaux sociaux pour se renseigner [39] .

Les systèmes de santé en Afrique de l’Ouest et centrale

S’agissant du système de santé dans ces pays, les constats sont multiples. Les premiers obstacles qui se dressent entre les femmes et les adolescentes et les services de soins pour leur SSR sont d’ordre financiers et géographiques, surtout pour les populations vivant en zones rurales, soit entre 50 % et plus de 70 % des personnes en fonction des pays ici étudiés [40] . La présence de services de soins pour la SSR est hétérogène, les périphéries étant moins équipées que les centres urbains. Étendre les programmes nationaux de santé en SSR à l’ensemble du territoire représente un véritable défi, notamment en raison du manque de moyens et de l’instabilité de certaines zones. Les priorités sont de renforcer les systèmes de santé lorsqu’ils existent et d’assurer la qualité des services délivrés.

Les systèmes de santé de la région reposent principalement sur des dons. Bien que les pays se soient engagés en 2001 lors de la déclaration d’Abuja de l’Union africaine à consacrer 15 % de leur budget national pour financer le secteur de la santé, dont 20 % dédiés aux DSSR, cela n’est toujours pas le cas pour le Niger, le Burkina Faso, le Mali, le Sénégal et la RDC [41] . Les ressources nationales affectées à la santé étant insuffisantes pour répondre à la demande, la population doit payer pour recevoir des soins. Ainsi, les dépenses de la population consacrées à la santé sont faibles en raison du coût des soins médicaux que cela représente pour la population [42] . En 2018, l’indice de développement humain (IDH) des pays de notre étude est extrêmement faible : l’IDH du Mali est de 0,422/1, celui du Niger de 0,341/1, celui du Sénégal de 0,494/1, celui du Burkina Faso est de 0,434/1, celui de la RDC de 0,459/1. Récemment, au Burkina Faso, depuis septembre 2020, un engagement fort a été pris par le gouvernement pour assurer la gratuité des consultations médicales, des services de planification familiale et des contraceptifs.

Toutefois, les populations restent confrontées aux décisions discrétionnaires des agents de santé, surtout en zones rurales. Dans les centres de soins, les femmes et les filles peuvent être victimes des préjugés et des représentations morales du personnel médical sur les questions de SSR, venant interférer sur le diagnostic et les soins prodigués. Certains refusent de prescrire ou donner accès à un moyen contraceptif si la personne n’est pas mariée en considérant que les relations sexuelles hors mariages sont interdites, alors que les textes de loi n’affirment rien de tel. Comme le rappelle par exemple Fatou Ndiaye Turpin, directrice exécutive du Réseau Siggil Jigéen, « la loi de 2005 sur la santé de la reproduction reconnaît que le droit à la santé reproductive “est un droit fondamental et universel garanti à tout être humain sans discrimination fondée sur l’âge, le sexe, la fortune, la religion, la race, l’ethnie, la situation matrimoniale ou sur toute autre situation”. Il n’existe aucune restriction légale à l’accès des jeunes à la contraception et à d’autres services de santé élémentaires, tels que les tests de grossesse et des IST, sauf la nécessité d’avoir au moins quinze ans pour consentir au test du VIH [43]  ». Le taux de prévalence à la contraception est donc un véritable défi dans le contexte où la sexualité hors mariage reste mal considérée. Les besoins en contraceptifs de femmes âgées de quinze à quarante-neuf ans sont satisfaits à 58 % au Burkina Faso, 56 % au Sénégal, 49 % au Niger, 45 % au Mali et à 28 % en RDC pour l’année 2021 [44] .

Dans d’autres cas, les soins médicaux ne prennent pas en compte la souffrance mentale et physique des femmes. Il en découle une défiance courante de la population envers le personnel de santé [45] . C’est notamment le cas au Mali, où, dans les hôpitaux, « il n’y a pas de prise en charge de la douleur des femmes lors de l’accouchement : dans les salles de naissance communes, elles sont allongées sur des tables en position gynécologique, sans considération ni de leur intimité, ni de leur bien-être physique et mental, elles ne peuvent pas être accompagnées dans les hôpitaux donc elles accouchent seules et parfois elles se voient mourir les unes les autres [46]  ».

L’éducation et la scolarisation des filles constituent un élément déterminant de l’autonomie des filles et des femmes. Elles leur donnent les clés pour s’affirmer, gagner en autonomie et prendre des décisions relatives à leur corps. Maintenir les filles à l’école permet d’éviter les grossesses de mineures et de leur assurer un avenir où elles obtiennent des compétences pour entrer sur le marché de l’emploi et contribuer au développement socio-économique du pays [47] .

L’école représente aussi pour les jeunes l’espace privilégié pour disposer d’informations et de conseils sur la sexualité. Dispenser une éducation complète à la sexualité (ECS) en milieu scolaire est donc crucial pour sensibiliser les plus jeunes. Cependant, dans l’ensemble des pays étudiés par notre rapport, l’éducation sur la santé sexuelle et reproductive est largement perçue comme incitant les jeunes à avoir des relations sexuelles. Parce que la sexualité demeure taboue et empreinte de préjugés au sein des familles et de la société, ce sujet est passé sous silence, participant à l’exposition des jeunes à de nombreux dangers, à la désinformation et à la persistance de fausses croyances. En ce sens, les besoins en contraception de 47 % des Sénégalaises célibataires âgées de quinze à quarante-neuf ans n’étaient pas satisfaits en 2017 [48] . En 2018, au Mali, cela était le cas pour 52 % des femmes et filles célibataires [49] .

Bien que les parents sachent que leurs enfants ont des relations sexuelles au cours de leur adolescence, pour éviter l’éventualité d’une grossesse hors mariage, ils incitent, voire obligent, leur fille à se marier tôt et par conséquent à quitter l’école. La scolarisation des filles et l’information sur la SSR apparaissent indispensables pour assurer leur émancipation et leur capacité à faire des choix enrichis de la connaissance de leurs droits. Le mariage des filles va de pair avec l’arrêt de leur scolarisation ce qui a des conséquences immédiates et à long terme sur leur bien-être physique et mental et leur autonomisation économique : elles se retrouvent séparées de leur famille, exposées aux violences sexuelles et dépendantes de leur mari. Le tableau ci-dessous expose la baisse importante de la présence des filles entre le collège et le lycée, âge auquel elles sont souvent retirées de l’école pour être mariées. Un constat qui est confirmé par le faible taux d’alphabétisation des femmes dans les pays étudiés dans ce rapport : en 2018, plus de 50 % des femmes âgées de quinze ans et plus étaient analphabètes dans ces États [50] .

Source : Base de données de l’UNESCO

Les conséquences du Covid-19 sur les DSSR en Afrique de l’Ouest et centrale

Les conséquences économiques de la pandémie se feront particulièrement sentir dans la région. Selon la Banque mondiale, l’Afrique subsaharienne serait, après l’Asie du Sud, la deuxième région la plus touchée par les effets du Covid-19 avec environ 34 millions de pauvres supplémentaires dans la région [51] . Le contexte de la crise sanitaire liée au Covid-19 a aggravé la situation déjà alarmante s’agissant des services de santé sexuelle et reproductive (SSR) qui ont été jugés « non essentiels ». Ils ont donc été invisibilisés et les ressources financières ont principalement été dédiées aux préoccupations prioritaires des gouvernements. La fermeture des services en SSR, dont ceux pour la santé materno-infantile, s’explique en raison de cas de contamination dans les centres de prestations de services de soins, d’une pénurie de ressources en matière de planification familiale particulièrement dans les zones rurales, d’une insuffisance de personnel qui a été mobilisé sur les unités de traitement du Covid-19 ou de leur abandon de poste par peur d’être contaminé, ainsi que la perte de revenus désormais alloués aux services dédiés à la lutte contre le Covid-19 [52] . Du côté de la population, il y a également eu une baisse de fréquentation des centres due aux restrictions de déplacement, à la peur de contracter le virus, au manque de confiance dans le système de soins de santé et à la baisse de revenus causée par la crise sanitaire. L’offre, comme la demande de services, en SSR ont donc été marquées par la crise sanitaire.

Par ailleurs, les femmes et les jeunes filles ont été les premières à subir les conséquences de la pandémie puisque le contrôle social qui pèse sur leur corps a été renforcé. L’étude menée par Equipop sur les conséquences du Covid-19 sur les droits et la santé des femmes en Afrique de l’Ouest révèle qu’il y a « un retour d’une certaine parole moralisatrice et conservatrice à l’égard de la sexualité des jeunes, entre promotion de l’abstinence et culpabilisation des femmes [53]  ». Une posture qui décourage les femmes et les filles, surtout les plus jeunes, à se rendre dans les centres médicaux pour recevoir des services de soins ou demander de l’information. Par ailleurs, les femmes et les filles qui se procuraient des contraceptifs en toute confidentialité sont exposées au risque de subir la réprobation de leur conjoint ou de leur famille si cela venait à se savoir. La rupture des services et de l’information concernant les DSSR intensifie la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent les jeunes et les femmes. En outre, avec la fermeture des écoles, les couvre-feux et les confinements conduisant à l’enfermement des femmes et des hommes dans la sphère de l’intime, les violences basées sur le genre, tels que les viols, les mutilations génitales féminines, les mariages forcés et les mariages d’enfants, ont connu une augmentation sans précédent. Les témoignages recueillis auprès d’ONG locales sont unanimes à ce sujet : les femmes et les filles subissent de plein fouet les conséquences négatives de la pandémie qui affectent leur liberté à pouvoir disposer de leur corps.

En effet, d’après l’ONU « 47 millions de femmes pourraient perdre l’accès à la contraception, ce qui entraînerait 7 millions de grossesses non désirées [54]  ». En outre, d’après les prédictions de l’ONU d’avril 2020, « on peut s’attendre à ce que 31 millions de cas supplémentaires de violence fondée sur le sexe se produisent si le confinement se poursuit pendant au moins six mois [55]  ». À cela viennent s’ajouter « 13 millions de mariages d’enfants supplémentaires entre 2020 et 2030 [56]  » et « 2 millions de cas de mutilations génitales féminines qui auraient pu être évités [57]  » pour la prochaine décennie. Le rapport d’ONU Femmes publié en septembre 2020 conclut en ce sens que l’on « risque de perdre en un an

de pandémie des décennies de progrès en faveur de l’égalité femmes-hommes [58]  ».

Ainsi, la pandémie a fortement fragilisé les progrès effectués au cours de ces dernières années en matière de DSSR, les acteur.ice.s de la société civile s’efforcent donc de poursuivre leurs efforts en trouvant des stratégies innovantes.

C. Actions menées par les organisations de la société civile locale, les communautés et les instances politiques pour répondre aux besoins en matière de DSSR de la région

Face aux barrières légales, religieuses, sociétales, financières, sécuritaires et géographiques qui entravent la liberté des femmes et des filles à disposer pleinement de leur corps et l’instauration de services de soins adaptés à la demande en SSR, les ONG locales spécialisées dans ces domaines s’efforcent d’initier et de pérenniser des changements positifs. De par la nature même du domaine des DSSR, les ONG adoptent des approches multisectorielles où l’accès à l’éducation, la protection sociale, la santé et le droit sont imbriqués dans la mise en œuvre de leurs actions en faveur de l’amélioration des conditions de vie des filles et des femmes et du plein exercice de leurs droits [59] .

Plaidoyer des ONG locales envers les gouvernements

Leur travail de plaidoyer auprès des institutions gouvernementales appelle principalement à l’établissement d’un cadre légal qui protège les droits des femmes (notamment l’avortement légal et sécurisé), ainsi que leur intégrité physique et morale s’agissant des soins médicaux prodigués en SSR et qui interdit les discriminations et les violences fondées sur le genre. Elles agissent en collaboration avec les parlementaires et les représentant·e·s des ministères chargé·e·s de la santé, de l’éducation et des questions relatives aux femmes et aux filles en faveur du changement du cadre légal. Cela permet aux ONG de disposer d’allié·e·s au sein du gouvernement pour porter leurs combats et soutenir des avancées légales et concrètes en termes de DSSR . L’enjeu principal est de parvenir à une appropriation nationale des questions de DSSR. Dans cette même perspective, les ONG réclament que les États prennent leurs responsabilités et assument leurs engagements vis-à-vis des traités internationaux ou régionaux signés qui garantissent les droits des femmes afin qu’ils soient respectés et intégrés à la législation nationale [60] . Aussi, il est indispensable pour les ONG, les gouvernements et les institutions politiques locales de travailler ensemble afin de proposer « une co-construction de la réponse par rapport aux besoins en DSSR du terrain et assurer la durabilité des projets en permettant aux collectivités locales de prendre le relais par la suite [61]  ».

Dans certains pays de notre étude, il arrive que le gouvernement soutienne des projets d’ONG. Ainsi, au Niger, l’Assemblée nationale héberge le projet du « Parlement junior » de la Cellule nigérienne des jeunes filles leaders (CNJFL) qui instaure un système de mentorat et de formation au leadership entre des femmes qui ont un parcours brillant et des jeunes filles réussissant à l’école [62] . En RDC, le nouveau gouvernement compte près de 30 % de femmes. Le président Félix Tshisekedi s’est exprimé en faveur de la promotion des droits des femmes et a fait mention du Protocole de Maputo dans son discours d’investiture [63] . Par ailleurs, « le nouveau gouvernement a mis en place un programme d’actions prioritaires pour le mandat dont la planification familiale et la lutte contre les violences basées sur le genre sont mentionnées. On constate que le Protocole de Maputo est mis en œuvre à travers un cadre normatif et un référentiel technique sur les soins complets d’avortement centrés sur les femmes en RDC. Ainsi, au niveau de la sous-région, la RDC joue progressivement un rôle moteur concernant les DSSR, une influence qui est renforcée par la présence du président Tshisekedi à la présidence actuelle de l’Union africaine [64]  ».

Au Burkina Faso, champion de la coalition d’action « Le droit à disposer de son corps et la santé et les droits sexuels et reproductifs » dans le cadre du Forum Génération Égalité, le gouvernement se démarque par un discours politique affirmé et engagé sur les DSSR. Lors de la Commission de la condition de la femme des Nations unies en 2021, le ministre de la Santé Charlemagne Ouédraogo a assuré l’engagement du Burkina Faso pour promouvoir et garantir le bien-être et l’autonomie des femmes via l’accès gratuit aux services de contraception et de planification familiale. Il a aussi défendu un plaidoyer progressiste au sujet de l’avortement et de l’importance de développer une éducation sexuelle complète dans les milieux scolaires pour préparer les générations futures. Le ministre de la Santé a mis également en avant la place centrale des ONG dans la stratégie des gouvernements en proclamant qu’elles devraient être chargées du suivi de la redevabilité des pays en termes de DSSR.

Plaidoyer des ONG locales envers les communautés

Les organisations de la société civile (OSC) effectuent également un important travail de plaidoyer en direction des communautés via des « dialogues communautaires autour des DSSR pour engager des discussions sur les impacts d’un engagement ou non des communautés pour la promotion des DSSR. Ces moments d’interaction favorisent les discussions intergénérationnelles, ainsi qu’entre femmes et hommes, des groupes qui n’abordent pas entre eux le sujet de la santé sexuelle et reproductive [65]  ». Lorsque ces ONG s’adressent aux communautés, les leaders religieux et communautaires sont tout particulièrement ciblés et sensibilisés à l’importance de l’autonomisation des femmes, de la scolarisation des filles et de l’éradication de pratiques néfastes, telles que les MGF, les mariages de mineures et les mariages forcés. Pour cela, les ONG identifient des leaders réceptifs qui seront écoutés de par leur influence et leur connaissance de la communauté, facilitant la transmission des informations et la libération de la parole sur certains sujets délicats des DSSR. En effet, « la voix des leaders religieux et communautaires compte tellement que s’ils approuvent une chose, la communauté l’accepte. Les leaders religieux qui sont identifiés et ralliés à la cause portent ensuite le discours de l’ONG contre le mariage des enfants, par exemple, et perpétuent les actions dans la communauté même après le départ de l’ONG. Ils ont le pouvoir de faire changer les comportements dans la communauté [66]  ».

La force des ONG locales réside dans leur capacité à relayer leur message de sensibilisation concernant les DSSR à travers des ambassadeurs et ambassadrices au sein des communautés, participant à créer un réseau pour lutter contre la désinformation et les superstitions. L’intention étant d’engager l’ensemble des parties prenantes de la communauté afin de leur transmettre les bonnes informations sur les DSSR et de les inclure dans les actions entreprises pour promouvoir les DSSR. Une stratégie d’autant plus pertinente que le renouvellement régulier de la classe politique annule le travail effectué auprès des représentants politiques. En s’investissant au niveau de la communauté, une continuité du travail de plaidoyer des ONG est possible [67] .

En outre, « l’appropriation communautaire des DSSR est cruciale car il reste encore des zones où il est impossible de parler des DSSR et de faire accepter le fait que de nombreux adolescent·e·s sont sexuellement actif·ve·s. Des imams siègent au sein de nombreux réseaux et plateformes d’OSC au niveau national et régional et facilitent ce travail de plaidoyer au sein des communautés et avec les autorités. Un exemple est la collaboration du partenariat de Ouagadougou avec le réseau des chefs religieux en Afrique de l’Ouest. On perçoit un changement dans l’acceptation culturelle sur le droit à la contraception et à l’avortement médicalisé sous certaines conditions (cas de viol, inceste ou danger pour la mère). Des progrès sont à noter, même s’ils se mettent en place lentement. De plus, la pression et le plaidoyer exercés par les mouvements des jeunes prennent tant d’ampleur et font de plus en plus pression qu’ils ne peuvent être ignorés pour longtemps [68]  ». Le dynamisme des revendications des jeunes pour une information fiable et l’accès à des services en DSSR ne permet plus aux communautés de passer ces sujets sous silence.

Ainsi, que ce soit au niveau des gouvernements ou de la société civile, des progrès s’affirment à travers une ouverture progressive du dialogue sur les DSSR. Celle-ci doit être poursuivie et pérennisée. En effet, si « au début des années 2010, le sujet de la planification familiale était tabou, désormais le sujet est évoqué auprès de la communauté et des décideurs politiques [69]  ». Le plaidoyer effectué par des institutions, telles que le Partenariat de Ouagadougou, l’Union africaine, l’Organisation ouest-africaine de la santé et la CEDEAO, participe à la révision de politiques nationales pour intégrer de nouvelles stratégies favorisant l’accès à l’information et aux services de PF à l’ensemble de la population, y compris dans les zones difficiles d’accès. La prise de conscience de l’importance d’agir pour les DSSR s’est donc concrétisée par des actions à l’échelle régionale, nationale et locale. Il reste néanmoins de nombreux défis pour faire face aux oppositions et aux barrières qui s’érigent à l’encontre des DSSR.

Les programmes des « écoles des maris » mis en place dans l’ensemble des pays étudiés entendent mettre fin à une entrave à l’information et à l’accès aux soins de santé sexuelle et reproductive (SSR). Au cours de ces moments d’échange et de sensibilisation, les hommes sont impliqués et responsabilisés sur les questions des droits des femmes, de leur autonomisation et des DSSR. En effet, la fécondité concerne tout aussi bien les hommes que les femmes. Bien que cela puisse entraîner une évolution encourageante de l’acceptation des discussions sur la planification familiale, ainsi qu’un rehaussement du nombre de femmes fréquentant les centres de santé [70] , les avis des femmes actives au sein des ONG auditionnées [71] sont néanmoins partagés concernant l’apport positif de ces programmes. Si les hommes sont engagés à s’intéresser à des sujets qui précédemment étaient sciemment gardés sous silence, cela leur confère une tribune où ils peuvent, une fois de plus, avoir l’ascendant sur les femmes et leur corps. En effet, dans les pays étudiés, les hommes contrôlent en majorité la sexualité de leur partenaire féminine, notamment l’utilisation d’une méthode de contraception. Or, il revient en premier lieu aux jeunes filles et aux femmes de prendre librement les décisions qui les concernent. Le Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest pour le Mali soutient de plus qu’il revient à l’ensemble de la population de « ne plus laisser les leaders religieux et l’État prendre des décisions sur les DSSR afin de ne pas permettre à une minorité d’hommes d’hypothéquer l’avenir de la jeunesse [72]  ».

Actions des ONG locales avec et pour la jeunesse

S’agissant des jeunes, les ONG multiplient des actions avec eux et pour eux, condition indispensable pour insuffler des changements au sein des mentalités et des pratiques culturelles et sociales, ainsi que pour renverser les anciens modèles dans une région où les personnes âgées de moins de vingt-cinq ans représentent plus de 50 % de la population nationale. La promotion du leadership féminin et de l’autonomisation auprès des jeunes filles est une condition nécessaire pour donner la possibilité aux nouvelles générations de femmes de pouvoir faire leur choix et exprimer leurs besoins en termes de DSSR. Leur pleine émancipation passe par la réalisation de leur potentiel, ce qui doit être transmis dès le plus jeune âge au sein de l’école.

Parmi les actions menées au sein des écoles en vue de la sensibilisation des jeunes à leurs DSSR et de l’ouverture du dialogue sur des sujets considérés comme tabous, la normalisation du discours sur l’hygiène menstruelle constitue pour certaines ONG, telle que la CNJFL [73] , la clé de voûte de leur plaidoyer. La CNJFL propose en ce sens un espace sûr d’échange avec les jeunes filles pour lutter contre la précarité menstruelle. Les filles qui ont leurs règles sont plus susceptibles de quitter l’école par manque de moyens pour se payer des protections hygiéniques, à cause de l’absence de latrines séparées à l’école ne leur donnant aucune intimité et du tabou qui entoure le sujet. Les jeunes garçons sont également impliqués au travers de projets où ils sont formés aux questions de DSSR et de l’émancipation des filles et deviennent des « ambassadeurs ». Ils sont ainsi en mesure de transmettre à leur tour ces connaissances et de devenir acteurs de changements.

Prodiguer une éducation complète à la sexualité (ECS) dans les écoles constitue un autre domaine de l’action de ces ONG à destination des jeunes. En dépit d’un manque de consensus sur l’appellation de ce programme et des crispations communautaires et religieuses qu’il provoque, il est primordial d’inclure l’ECS dans le curriculum de formation des enseignements délivrés. Les ONG insistent sur l’importance d’éduquer les plus jeunes sur la SSR afin de leur donner les connaissances adaptées pour faire leur propre choix dans ce domaine et les protéger de pratiques néfastes et dangereuses, telles que les rapports sexuels non protégés, les mutilations génitales féminines, ainsi que les mariages et grossesses chez les mineures.

La scolarisation des filles et leur maintien dans le système scolaire sont donc des éléments clés du plaidoyer des ONG qui luttent contre les mariages d’enfants et les mariages forcés et contre la dépendance des femmes et des filles aux hommes pour subvenir à leurs besoins. Les associations locales tentent d’exposer aux familles et aux communautés, via des débats communautaires, qu’une fille qui reçoit une éducation longue peut prétendre à une indépendance économique qui permet d’éviter à la famille de prendre des décisions allant contre l’intégrité physique et morale de leurs filles par manque de moyens financiers [74] .

Résilience des ONG locales

Dans un contexte où de nombreuses langues locales sont identifiées dans les pays d’Afrique de l’Ouest et centrale, la langue constitue une autre limite à la diffusion de l’information sur les DSSR au sein des communautés. La transmission de l’information dans les zones rurales où les langues parlées sont différentes a donc demandé un travail de traduction aux ONG par l’intermédiaire de personnes relais afin de remédier à l’écart de connaissances basés sur la langue et de parvenir à une appropriation de l’information par la communauté [75] .

En outre, pour lutter contre le manque d’informations concernant les DSSR et favoriser leur accessibilité et leur bonne compréhension, les ONG utilisent les radios et les réseaux sociaux pour diffuser plus largement les connaissances dans ce domaine. Ces pratiques ont été intensifiées du fait de la crise sanitaire. Les organisations de la société civile actives pour la promotion et la défense des DSSR au sein des pays étudiés ont une fois de plus attesté de leur résilience. Les ONG ont, en effet, redoublé de stratégies innovantes pour assurer la continuité des services et des informations pour les populations. Les réseaux sociaux ont été mis à profit pour propager des programmes de santé connectée et de télémédecine. Les femmes et les filles ont, par exemple, pu procéder à l’auto-administration d’injections de DMPA sous-cutanées, une méthode de prévention de la grossesse, grâce à un suivi par téléphone [76] .

Que ce soit par le biais des applications smartphones, des réseaux sociaux ou de la radio, l’objectif reste le même : remédier aux obstacles créés par la crise sanitaire afin de permettre aux femmes et aux filles de continuer à recevoir des soins [77] . Après la fermeture des écoles, les réseaux sociaux se sont avérés la plateforme idéale pour maintenir la communication avec les jeunes et fournir des informations et des conseils aux jeunes. Par ailleurs, cela permet de généraliser l’accès aux soins et une meilleure diffusion de l’information sur les DSSR. S’agissant des zones reculées sans accès à Internet, les relais communautaires et les équipes mobiles ont été renforcés afin de compenser la fracture numérique [78] .

2. Stratégie de l’aide publique au développement de la France pour les DSSR en Afrique de l’Ouest et centrale

A. Évolution de l’intégration des DSSR dans l’aide publique au développement de la France

Pour comprendre les changements opérés au sein de la politique d’aide publique au développement (APD) de la France concernant l’intégration des concepts liés au genre, dont les DSSR, il faut s’intéresser à la première Stratégie genre et développement publiée en 2007 par le gouvernement. Dans ce document, la France fait état pour la première fois de l’adoption d’une perspective genrée de son action extérieure d’aide au développement. L’égalité femmes-hommes et les droits des femmes sont inclus dans les prises de position et les programmes défendus par la France dans les instances internationales et l’accès aux services de SSR est défini comme un objectif de la stratégie. Suite à l’évaluation de ce document par l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes [79] , il est recommandé au gouvernement de favoriser une approche transversale [80] des sujets relatifs au genre dans ses politiques de développement. Pour cela, « la formation des agents, […] la mise à disposition d’outils méthodologiques adaptés et […] la réforme des procédures d’instruction, de suivi et d’évaluation des projets et des programmes [81]  » sont préconisés. Le manque de moyens et de visibilité constitue un autre élément à corriger.

En 2010, le Fonds français Muskoka est créé. Il a pour mandat d’agir en faveur de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) s’agissant de la réduction de la mortalité materno-infantile et de l’accès aux soins de santé de la reproduction pour neuf pays d’Afrique de l’Ouest et centrale (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Sénégal, Tchad et Togo). Le Fonds français Muskoka est un mécanisme de coordination innovant entre l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ONU Femmes, le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), pour le renforcement des systèmes de santé de ces pays et la mise en place de programmes dans les secteurs de la santé de reproduction maternelle, néonatale, infantile et des adolescent.e.s (SRMNIA). Fondatrice et principal bailleur de ce fonds, la France s’est engagée à verser 500 millions d’euros de 2011 à 2015 via les canaux multilatéraux et bilatéraux [82] . Plus récemment, la France finance ces différents organismes à hauteur de 10 millions d’euros par an dans le cadre du Fonds français Muskoka de 2017 à 2022, année prévue pour la clôture de ce fonds [83] . En 2011, le Partenariat de Ouagadougou vient s’ajouter à cet engagement de la France qui y participe via l’Agence Française pour le développement (AFD), un des bailleurs du partenariat. Depuis 2020, l’AFD finance des projets en Afrique de l’Ouest, au Bénin, au Mali, au Niger, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Sénégal et au Togo dans le cadre du Partenariat de Ouagadougou [84] .

En 2014, sous le quinquennat de François Hollande, la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem porte la loi n o 2014–873 en faveur de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes adoptée le 4 août 2014. La même année, la loi n°2014–773 du 7 juillet sur l’orientation et la programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale donnait une orientation stratégique claire aux politiques de développement de la France en incluant l’égalité des sexes et en envisageant le genre comme une question transversale à tous les secteurs de la coopération française. Cette loi affirme, entre autres, l’importance accordée à la santé sexuelle et reproductive par le gouvernement français. La même année, l’AFD se dote d’un cadre d’intervention transversal centré sur le genre et la réduction des inégalités femmes-hommes qui adopte une approche sectorielle. L’importance de l’accès « des femmes et des filles aux informations, produits et services de santé essentiels, en priorité en matière de santé sexuelle [85]  » est ainsi mise en évidence.

Source : L’Action extérieure de la France sur les enjeux de population, de droits et santé sexuels et reproductifs 2016–2020, ministères des Affaires étrangères et du développement international, p.16.

Deux ans plus tard, un premier rapport est consacré aux DSSR dans le document L’Action extérieure de la France sur les enjeux de population, de droits sexuels et reproductifs 2016–2020 porté par Jean-Marc Ayrault, alors ministre des Affaires étrangères et de développement international, et André Vallini, secrétaire d’État chargé du Développement et de la francophonie. Les trois axes majeurs sont le plaidoyer politique, la réduction des pratiques néfastes et la planification familiale. Ce document est annoncé comme un outil de référence pour la diplomatie française où les DSSR apparaissent comme un domaine incontournable du plaidoyer politique de la France en faveur de l’égalité femmes-hommes et de la défense des droits des femmes. L’approche du discours du gouvernement privilégiait en premier lieu la dimension démographique des DSSR pour ensuite insister sur leur importance pour l’émancipation des jeunes femmes et l’égalité des chances entre les femmes et les hommes. Le rôle de la France, en tant que pays leader au sein des instances multilatérales et régionales, est souligné comme un axe structurant de son engagement politique au sujet des DSSR. En 2017, à la Commission de la condition de la femme à l’ONU, la ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, Laurence Rossignol, a tenu un discours engagé sur « la reconnaissance universelle des droits sexuels et reproductifs comme un préalable essentiel de l’autonomisation des femmes [86]  ». Le renouvellement de cette stratégie pour 2021–2024 constitue une étape cruciale dans le positionnement du gouvernement sur cette question et devrait lui permettre d’affermir son approche par les droits.

Si L’Action extérieure de la France sur les enjeux de population, de droits sexuels et reproductifs 2016–2020 exposait l’émergence d’une connaissance du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères à propos des DSSR, la stratégie en cours d’élaboration a pour enjeu d’appréhender l’ensemble des thématiques relatives aux DSSR et d’attester d’une évolution de la compréhension de l’ensemble des thématiques du « paquet » DSSR en prenant notamment en compte l’hygiène menstruelle et la lutte contre les masculinités toxiques, thématiques qui étaient jusqu’ici peu abordées [87] . Les progrès constatés et à venir concernant les DSSR s’accordent avec ceux identifiés au sein du débat public et portés par la société civile en France et qui influencent le portage international sur ces sujets [88] .

Ces dernières années, l’engagement pour l’égalité femmes-hommes de la France a été renforcé sous la présidence d’Emmanuel Macron qui a fait de cette thématique « la grande cause de son quinquennat [89]  ». La politique française d’aide publiqe au développement, outil de mise en application de cette priorité, a connu un changement en 2018 suite à la réunion du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement [90] . Il est indiqué que l’APD poursuit entre autres l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) grâce à l’identification d’indicateurs sectoriels, budgétaires et géographiques. Dès lors, l’égalité femmes-hommes est considérée comme « un principe directeur et transversal de l’action extérieure de la France [91]  » où l’approche par les droits est privilégiée. Il est également prévu que l’APD atteigne 0,55 % du revenu national brut (RNB) pour la période de 2018–2022. Pour y parvenir, des engagements financiers sont pris envers ONU Femmes, le FNUAP et le Fonds français Muskoka [92] . Les financements de l’APD à destination de l’égalité femmes-hommes seront identifiés via le « marqueur genre » établi par le Comité d’aide au développement (CAD) afin de garantir leur suivi et l’exercice de la redevabilité. Concernant les zones géographiques ciblées par l’APD, l’Afrique fait l’objet d’une attention particulière, dont les cinq pays de notre étude. Néanmoins, il faut souligner que les actions menées en faveur de la SSR restent associées à des objectifs liés à la transition démographique [93] , alors que les deux approches peuvent être dissociées dans la mesure où le respect des droits individuels est inconditionnel, indépendant de toute finalité de politique publique, sanitaire ou démographique.

La Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2018–2022 prône une approche du genre intégrée par les droits dans l’ensemble de l’action extérieure de la France. Les objectifs présentés en matière de financements visent à atteindre « 50% d’APD bilatérale programmable, en volume de financement, ayant comme objectif principal ou significatif la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes d’ici à 2022 (marqueurs 1 et 2 de l’OCDE) [94]  ». En outre, « l’AFD disposera d’un objectif chiffré minimum de volume de financement de programmes marqués 2 en valeur absolue, selon une trajectoire progressive qui aura pour objectif un montant de 700 millions d’euros annuels en 2022 [95]  ».

Source : Manuel relatif au marqueur de la politique d’aide à l’appui de l’égalité homme-femme établi par la CAD-OCDE, OCDE, décembre 2016.

Peu après, la France annonce l’adoption d’une diplomatie féministe s’intégrant à l’impulsion nouvelle donnée à l’APD du pays. La diplomatie féministe avait été, au préalable, portée en 2016 par Pascale Boistard, secrétaire d’État aux droits des femmes, sur l’égalité professionnelle, la parité et les droits des femmes, qui soutenait les implications positives de la mise en place d’une diplomatie promouvant l’égalité femmes-hommes et les droits des femmes sur les sociétés [96] .

La diplomatie féministe de la France Nouveau concept politique, seuls quatre pays s’en revendiquent, à savoir la Suède, le Canada, la France et le Mexique. La diplomatie féministe en France a été revendiquée pour la première fois par le ministre des Affaires étrangères et de l’Europe, Jean-Yves Le Drian, le 8 mars 2018. Elle repose sur les principes de l’inclusion de l’égalité femmes-hommes dans la stratégie de la politique extérieure de la France, ce qui inclut la lutte contre les inégalités fondées sur le genre, la défense des droits des femmes, la mobilisation de ressources humaines et financières pour y parvenir et la féminisation des acteurs des relations internationales.La diplomatie féministe de la France est caractérisée comme « pragmatique et évolutive [97]  » par le Haut Conseil à l’égalité. Bien que l’approche soit générale, des thèmes prioritaires ont été retenus : les droits sexuels et reproductifs, la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, l’éducation des filles et l’autonomisation économique des femmes. La mise en application de la stratégie s’effectue principalement par le biais de l’aide publique au développement.

Le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, proposé en mars 2021, s’inscrit dans le cadre de la nouvelle diplomatie féministe. Ce projet de loi stipule que 20 % des engagements de l’APD bilatérale doivent avoir pour objectif principal de promouvoir l’égalité femmes-hommes. En ce sens, les concepts d’égalité femmes-hommes et de respect des droits des femmes sont intégrés de manière transversale à l’ensemble des programmes et des interventions de la France. Cette loi remplace celle du 7 juillet 2014 et prévoit l’augmentation de l’APD à 0,55 % du RNB d’ici à 2022, puis à puis 0,7 % du RNB en 2025. La région de l’Afrique subsaharienne est tout particulièrement concernée par cette révision de l’APD. En effet, il est précisé que l’AFD « accorde une importance croissante à l’approche par les DSSR, à la lutte contre les mutilations sexuelles et aux dynamiques démographiques en Afrique subsaharienne [98]  ».

Dans le cadre de ces diverses initiatives prises pour promouvoir l’égalité femmes-hommes au sein des actions extérieures de la France, les ambassadeurs et les ambassadrices constituent des acteurs et actrices indispensables à la mise en application des engagements pris par le gouvernement et à la défense du discours du pays sur les questions relatives aux droits et à la SSR. Pour que la politique extérieure soit à l’image des engagements énoncés par le gouvernement, les ambassadeurs et les ambassadrices doivent porter et valoriser les thématiques définies auprès des gouvernements des pays de résidence tout en prenant en compte leur sensibilité pour maintenir un dialogue ouvert et réaliser progressivement des avancées.

Suite au Forum Génération Égalité qui se clôturera au début du mois de juillet 2021, l’ambassade de France continuera à « accompagner et soutenir les initiatives prises sur ces thématiques dans le but de contribuer à mobiliser de nouveaux financements pour mener à bien les engagements du Burkina Faso pris au Forum Génération Égalité », en lien avec ONU Femmes qui est en première ligne dans la défense des femmes et des filles avec les gouvernements et la société civile. À ce sujet, « le Burkina Faso devrait bénéficier de financements additionnels dès 2021 grâce à son retour au sein du Fonds français Muskoka qui vise à améliorer la santé des femmes, nouveaux-nés, enfants et adolescents en Afrique de l’Ouest et centrale » [99] .

Sur la scène internationale, la France affirme une volonté de défendre un plaidoyer politique fort et engagé en faveur de l’égalité femmes-hommes et du droit des femmes à disposer de leur corps. Néanmoins, depuis plusieurs années, l’environnement international a été marqué par un regain de conservatisme et de traditionalisme défendu dans les instances internationales par une coalition de pays tels que l’Arabie Saoudite, la Russie, le Brésil et, plus récemment, par les États-Unis sous la présidence de Donald Trump, entraînant une régression des droits des femmes (un backlash ) dans le monde [100] . L’ancien président des États-Unis a mené une véritable guerre contre les droits des femmes, notamment les DSSR, dans les instances multilatérales. En 2017, la politique de Mexico, aussi appelée la « règle du bâillon mondial », était rétablie par Donald Trump. « Cette règle interdit l’attribution de fonds fédéraux américains aux organisations de la société civile travaillant à l’étranger qui proposent des conseils ou un aiguillage en matière d’avortement, militent en faveur de la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse ou développent les services d’avortement disponibles – même lorsque les États-Unis ne financent pas eux-mêmes ces services. [101]  » Les conséquences de cette mesure ont été désastreuses sur les financements pour le secteur de la santé et de l’aide publique au développement dédiée aux DSSR, entraînant des pertes financières considérables pour les services de SSR. Suite à l’annonce des États-Unis, il était estimé que les ONG concernées subiraient une perte de 600 millions de dollars [102] . Pour y faire face, une campagne de levée de fonds, She Decides , a été lancée en 2017. La France a annoncé son soutien en engageant 1,5 million d’euros supplémentaires pour le FNUAP et, en 2018, le gouvernement français a fait savoir qu’il « allouerait 10 millions d’euros supplémentaires pour les DSSR, en marge de la 62 e session de la Commission sur la condition de la femme des Nations unies [103]  ».

En avril 2019, les États-Unis refusaient de voter une résolution des Nations unies contre les violences sexuelles en temps de conflits armés au prétexte que la mention de la santé sexuelle et reproductive revenait à soutenir l’avortement [104] . Enfin, en octobre 2020, le secrétaire d’État des États-Unis, Mike Pompeo, tirait parti de l’influence du pays pour inciter une trentaine d’États à signer la Déclaration du consensus de Genève [105] qui statue que l’avortement relève de la loi nationale et non du domaine de la juridiction internationale. L’élection de Joe Biden à la présidence des États-Unis en 2021 a été l’occasion de lever l’ensemble de ces mesures attaquant les droits des femmes.

Face à la montée en puissance du plaidoyer et des prises de décisions brutales de groupes conservateurs et religieux à travers le monde, la France a décidé de réagir et d’intensifier son plaidoyer sur les DSSR [106] aussi bien au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, au G7, à la Commission de la population et du développement des Nations unies, à l’Assemblée générale des Nations unies qu’à la Commission sur le statut de la femme de l’ONU. Dans le rapport de redevabilité à mi-parcours sur L’Action extérieure de la France sur les enjeux de population, de droits sexuels et reproductifs 2016–2020, il est d’ailleurs fait mention de l’initiative de la France de la rédaction « d’un communiqué endossé par trente et un États membres des Nations unies qui regrettait l’échec des négociations et appelait à la reconnaissance des droits sexuels et reproductifs, y compris à l’interruption volontaire de grossesse, comme droits humains à part entière [107]  ».

Le Forum Génération Égalité, co-présidé par le gouvernement français, se présente comme une opportunité de créer une coalition d’action engagée dans la défense des DSSR via la collaboration d’acteurs multiples, tels que des gouvernements, des ONG et des entreprises. Cette configuration permet de contourner les blocages habituels qui prévalent au sein des instances multilatérales s’agissant des droits des femmes et en particulier de la thématique des DSSR. C’est l’occasion également de susciter une synergie à travers le monde en faveur de la mise en place d’initiatives concrètes pour les DSSR à travers des financements dédiés sur cinq ans.

Le Forum Génération Égalité Le Forum Génération Égalité est organisé par ONU Femmes et co-présidé par la France et le Mexique. Il s’agit d’un rassemblement mondial pour l’égalité entre les femmes et les hommes qui place au cœur de son action la société civile et toutes les parties prenantes. Ce rendez-vous s’inscrit essentiellement dans la même logique ayant rendu possible, il y a [vingt-six ans], l’avancée décisive qu’a constituée l’adoption du Programme d’action de Pékin. Ce programme et ses avancées incarnent le pouvoir de l’activisme, de la solidarité féministe et du rôle moteur de la jeunesse afin d’atteindre un changement qui transforme véritablement nos sociétés. Le Forum Génération Égalité est un temps fort de l’engagement des défenseures et défenseurs de l’égalité entre les femmes et les hommes de tous les horizons (gouvernements, société civile, secteur privé, entrepreneurs, syndicats, artistes, universitaires et personnes influentes), qui sera à l’origine d’un débat public mondial sur la nécessité d’une action urgente et d’une responsabilisation de tous les acteurs en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.(Source : https://forum.generationequality.org/fr .)

B. Les financements de la France pour les droits et la santé sexuels et reproductifs

La mise en application de ces multiples engagements et initiatives définis par la France en faveur de la défense des droits des femmes et des DSSR passe par l’attribution de fonds. Alors qu’en est-il des financements de l’aide publique au développement (APD) de la France à destination des DSSR en Afrique subsaharienne ? Ici, les financements dédiés aux DSSR par le gouvernement français seront présentés de la manière la plus complète possible, mais non exhaustive, en raison de la difficulté de la traçabilité et de l’identification de ces fonds. `

En effet, le rapport présenté par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères dans la Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018–2022) fait état de la difficulté à synthétiser l’ensemble des données relatives à l’APD. Les données sont publiques, mais les programmes des DSSR, comme on l’a vu, sont transversaux, et peuvent donc être comptabilisés à travers différents programmes, qu’ils concernent la santé, l’éducation ou encore la lutte contre les discriminations. En outre, les indicateurs de suivi des programmes sont par nature analytiques, alors que les DSSR suivent des objectifs multiples, qui peuvent donc être comptés plusieurs fois. À cela s’ajoute la diversité des différentes méthodologies employées pour comptabiliser les financements de l’APD française consacrés aux DSSR. Il existe de ce fait une marge d’imprécision relative à l’identification et la comptabilisation de ces financements. En outre, la diversité des méthodologies de comptabilisation ne permet pas la comparaison des données chiffrées correspondant à l’APD française allouée aux DSSR.

Il n’en reste pas moins que ces difficultés techniques de suivi des programmes en limitent la compréhension pour les observateurs extérieurs, les partenaires de l’action publique et, plus encore, pour les citoyen.ne.s. En termes de redevabilité, il faudrait réussir à définir une méthode, partagée avec l’ensemble des parties prenantes (ministères, opérateurs, associations, société civile, etc.) pour recouper les informations et donner des évaluations permettant de vérifier que les programmes d’aide sont conformes aux engagements pris par la France sur la scène internationale, particulièrement quand elle se fait le héraut d’une cause majeure. Le défaut de visibilité est, en effet, « un enjeu majeur pour la compréhension et la légitimité des politiques de coopération au développement, mais également pour renforcer l’efficacité de l’aide [108]  ». En 2016, le Planning familial, Equipop et Médecins du monde publiaient un document [109] de positionnement commun à propos des financements français pour les DSSR où ils s’accordaient à dire qu’il est complexe d’identifier précisément ces financements. En 2020, l’Agence française de développement (AFD) expose dans son évaluation sur l’engagement français Muskoka « l’hétérogénéité des finalités des exercices de redevabilité, des procédures de collecte et des indicateurs [110]  » qui rend difficile l’analyse des financements pour cette thématique.

Méthodologies de comptabilisation des ressources financières attribuées aux DSSR par la France

Les financements dédiés aux DSSR sont pour la plupart agrégés et insérés dans des projets plus généraux qui ont une visée transversale, contribuant ainsi au défaut de leur traçabilité. Le fléchage des financements attribués aux DSSR est donc indispensable pour identifier précisément les ressources dédiées à cette thématique. Le système retenu qui permet de retracer les fonds spécifiques destinés à la Santé reproductive, maternelle, néonatale et infantile (SRMNI) et à ses sous-composantes est celui du CAD de l’OCDE. Il permet d’identifier chaque secteur grâce à un code, par exemple 13020 pour les soins de santé génésique ou encore 13030 pour la planification familiale. Mais encore faut-il que ces instruments de redevabilité soient bien employés, ce qui n’est pas toujours le cas [111] .

La méthodologie du CAD a été critiquée en raison de l’interprétation trop importante qui entre en jeu dans la classification et l’attribution des codes à un projet s’agissant des DSSR, de la difficulté d’octroyer un code spécifique à un projet dont les aspects sont multiples et de catégoriser l’appui budgétaire général à destination de la SSR, ainsi que la planification familiale [112] .

Selon la méthodologie de redevabilité Muskoka, les versements français sont estimés à 437 millions d’euros anticipés en 2022 sur les 500 millions d’euros d’engagements annoncés en 2010 [113] . Cette méthodologie de comptabilisation des dépenses destinées au Fonds français Muskoka définit des taux de pondération pour chaque organisation internationale à laquelle

les États du G7 contribuent financièrement.

La méthodologie de redevabilité Muskoka comporte des défaillances en raison de la manière dont elle est appliquée et de sa difficile compréhension. En effet, le taux de pondération n’est pas correctement suivi ni adapté puisque « cette méthodologie prévoit d’appliquer un taux unique par projet, alors que les projets comportent plusieurs composantes différentes [114]  ». En plus de cela, l’application des indicateurs fait l’objet d’interprétations et souffre du manque de connaissance des équipes responsables de la déclaration de l’APD. La comptabilisation des financements à destination des DSSR est également affectée par la communication des engagements financiers et non des décaissements de ces fonds. Enfin, la lourdeur du processus de circulation de l’information entre les multiples acteurs chargés de la collecte des données et du suivi de la redevabilité morcelle la méthodologie [115] .

En 2020, une nouvelle méthodologie a été adoptée sous le nom de « méthodologie Muskoka2 ». Cette méthodologie recourt à une partie des codes « Creditor Reporting System [116]  » de l’OCDE mais elle leur attribue des pourcentages différents. Elle permet d’obtenir une estimation de l’APD totale allouée à la SRMNI tout en disposant des montants désagrégés s’agissant de la SRMNI, ce qui n’était pas envisageable avec l’ancienne méthodologie.

Enfin, il existe une autre méthodologie employée par Countdown 2030, un consortium d’ONG européennes œuvrant pour la promotion des droits humains et l’investissement dans la planification familiale. Leur méthodologie est basée sur des indicateurs plus précis que l’OCDE pour la santé sexuelle et reproductive et la planification familiale. Les trois indicateurs retenus sont les suivants : l’ensemble des contributions au FNUAP, les financements multilatéraux consacrés à la SSR/PF et l’intégralité des « flux de financement de la SSR/PF rapportés par les partenaires aux multilatéraux + financement de projets aux multilatéraux + financement aux organisations / initiatives / recherche internationales [117]  ».

Countdown 2030 s’appuie sur les données délivrées par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. De manière générale, ces méthodologies dépendent de la capacité des bailleurs à reporter correctement les financements versés et reçus en fonction des indicateurs et des taux de pondération retenus. Or, on l’a évoqué précédemment, la comptabilisation et l’identification des financements pour cette thématique qui recouvre des multiples domaines s’avèrent complexes.

À cela s’ajoute la nécessité de suivre la méthodologie de redevabilité des engagements qui seront pris au sein du Forum Génération Égalité et d’impliquer toutes les parties prenantes – ONU Femmes, États et société civile.

Financements de la France pour les DSSR depuis 2011

D’après le rapport de redevabilité à mi-parcours de L’Action extérieure de la France sur les enjeux de population, de droits sexuels et reproductifs 2016–2020, de 2011 à 2016, « la France a consacré plus de 300 millions d’euros annuels en moyenne aux droits et à la santé sexuels et reproductifs [118]  ».

Dans le contexte du G7 en 2010, le gouvernement français s’est engagé à financer la santé des femmes, des enfants et des adolescent·e·s et la lutte contre la mortalité maternelle et infantile à hauteur de 500 millions d’euros répartis sur la période de 2011–2015. Ces financements ont été distribués via le canal bilatéral piloté principalement par l’AFD et le canal multilatéral à destination du Fonds français Muskoka, du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et de l’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation (GAVI).

Le diagnostic réalisé en 2020 concernant le Fonds français Muskoka affirme que les moyens financiers mobilisés par le gouvernement français sont loin de répondre aux besoins du terrain et ne sont pas à la hauteur des engagements politiques de la France pour la santé de reproduction maternelle, néonatale, infantile et des adolescent·e·s [119] .

Évolution des financements de la France pour la SRMNIA-N pour le Fonds français Muskoka

Canal bilatéral

Canal multilatéral

2011–2014

18 000 000 € par an

44 300 000 € par an

2015–2018

10 000 000 € par an

10 000 000 € par an

Source : Évaluation formative sur l’engagement français Muskoka (2010–2017), Technopolis, 2019.

Ventilation des financements du Fonds français Muskoka par organisme

État des lieux des engagements et des versements effectués par la France au fonds Français Muskoka de 2011 à 2015

Les financements de la France dédiés aux DSSR transitent ainsi à travers différentes plateformes, telles que le FNUAP, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l’AFD.

Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP)

Le FNUAP est l’agence des Nations unies chargée des fonds de développement à destination des questions de santé sexuelle et reproductive (SSR). Son rôle est de lutter contre la mortalité maternelle et les violences basées sur le genre (VBG), ainsi que de répondre aux besoins en matière de planification familiale. Les services proposés en matière de DSSR englobent l’ensemble du continuum de soins : l’éducation complète à la sexualité (ECS), l’accès aux SSR pour les jeunes et les adolescent·e·s, la planification familiale volontaire et les soins de santé maternelle. En vue d’assurer l’accessibilité des services complets des DSSR, la France apporte également son soutien financier à UNFPA Supplies qui délivre des contraceptifs modernes. Cet engagement devrait être renouvelé dans le cadre du Forum Génération Égalité, comme cela a été annoncé lors de la première phase du Forum à Mexico en mars 2021.

Financements de la France au FNUAP en dollars (2014–2019)

Année

Activités principales

Activités non principales

UNFPA Supplies

Urgences

Autres

Total

2014

5 882 353

752 394

-

-

-

6 634 747

2015

3 947 871

623 583

-

-

-

4 571 454

2016

3 311 258

835 897

-

-

-

4 147 155

2017

597 117

-

1 074 114

530 786

3 976 436

6 178 453

2018

674 847

3 703 704

-

580 720

-

4 959 271

2019

1 251 422

4 183 448

-

556 174

-

5 991 044

Sources : Donor Rankings 2019, UNFPA.

Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme

Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme canalise les ressources des acteurs privés et publics du monde pour investir stratégiquement dans des programmes avec pour objectif de mettre fin à ces épidémies. Cependant, les actions menées dans le cadre du mandat du Fonds mondial incluent également les thématiques des DSSR dans les financements pour la santé mondiale. Les femmes et les jeunes filles sont particulièrement exposées au VIH, à la tuberculose et au paludisme. D’après le site officiel du Fonds mondial, en « Afrique subsaharienne, plus de 25 % des infections touchent [les filles et les jeunes femmes], alors qu’il ne représente que 10 % de la population. Le risque de contracter le VIH est plus de deux fois supérieur chez les adolescentes comparativement aux adolescents [120]  ». Le Fonds mondial investit plus de 4 milliards de dollars par an.

Les montants relativement faibles des financements de la France destinés aux DSSR sont légitimés par les importantes sommes allouées au Fonds mondial, dont une part conséquente est consacrée aux DSSR. Dans le document sur l’ Action extérieure de la France sur les enjeux de population, de droits sexuels et reproductifs de 2016–2020 , il est en ce sens évoqué que « le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme consacre 41 % de son budget aux services de santé sexuelle et et reproductive [121]  ». Mais, d’après la méthodologie Muskoka 2, ce sont 20 % des financements à destination du Fonds mondial qui sont dédiés aux DSSR [122] .

Il est important de préciser qu’il ne s’agit aucunement ici de mettre en cause les financements attribués à ce fonds – qui sont fondamentaux –, mais plutôt d’inciter le gouvernement à être plus précis dans l’identification des fonds à destination des DSSR de manière générale pour permettre une meilleure comptabilisation.

Engagements et financements de la France au Fonds mondial (2014–2022)

Période

Engagement (€)

Contribution (€)

2014–2016

1 080 000 000

1 026 000 000

2017–2019

1 080 000 000

1 004 400 000

2020–2022

1 296 000 000

266 370 000 [123]

Source : Government and Public Donors, The Global Fund.

L’aide publique au développement via l’Agence française de développement

Les financements de l’aide publique au développement (APD) de la France dans la région d’Afrique subsaharienne s’inscrivent dans la perspective des ODD fixés par les États membres des Nations unies d’ici à 2030. La France, qui consacrait 0,4 % de son RNB à l’APD en 2017, augmente progressivement son effort et vise 0,7 % en 2027. En 2019, 10,9 milliards d’euros étaient consacrés à l’APD, soit 0,44 % du RNB. En 2020, l’APD était de 12,4 milliards d’euros, soit 0,53 % du RNB [124] . Pour 2022, son engagement est de 0,55 %. S’agissant des indicateurs qui guident l’APD de la France, elle est dirigée à 70 % vers l’Afrique subsaharienne et à 41 % pour la thématique DSSR [125] .

D’après le document d’enregistrement universel de l’AFD, les projets consacrés à la santé de la reproduction, à la santé des mères, des nouveau-nés, des enfants et des adolescent.e.s et de la nutrition (SRMNIA+N) par l’AFD [126] s’élevaient à 43 millions d’euros en 2019 [127] . La même année, suite au G7 présidé par la France, celle-ci a lancé l’initiative du Fonds de soutien aux organisations féministes pour financer des projets d’égalité femmes-hommes menés par des organisations de la société civile féministes des pays partenaires de la coopération internationale et du développement de la France.

Le fonds est doté de 120 millions d’euros pour une durée de trois ans à compter de 2020 et privilégie une répartition homogène des montants alloués de 40 millions d’euros par an. Il est copiloté entre le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et l’AFD pour la gestion de trois canaux de financements : des projets et des appels à projet de l’AFD orientés vers les organisations de la société civile féministes des pays partenaires, le dispositif initiatives OSC de l’AFD destiné aux OSC françaises et le mécanisme de financement Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain (FSPI)/Projet innovant d’appui à la société civile et communauté d’acteurs (PISSCA) porté par les ambassades françaises à l’étranger pour les OSC féministes des pays partenaires. Ce fonds répond à un critère géographique, « les projets doivent être a minima dédiés à 65 % au continent africain, ce qui répond aux priorités de l’agenda français de la coopération internationale [128]  ». Pour la région de l’Afrique de l’Ouest francophone, Equipop fait partie du consortium d’associations qui agissent sur le terrain avec les ONG locales.

En 2020, cinq projets [129] d’un montant total de 35,5 millions d’euros ont été lancés pour le premier canal. Dans le cadre de l’appel à projet de 15 millions d’euros alloués à un consortium d’associations, la thématique des DSSR doit être ciblée à 50 %. Les DSSR sont également pris en compte dans les projets tels que le Fonds genre Sahel à hauteur de 5,5 millions d’euros et l’appel à projets pour l’amélioration des DSSR des adolescentes et des jeunes au Sénégal porté par un consortium d’associations à hauteur de 8 millions d’euros. Quant au deuxième canal [130] , dix projets en faveur des DSSR, de la lutte contre les violences, du renforcement du pouvoir économique, du leadership social et politique ont été approuvés pour un montant de 5,279 millions d’euros.

L’originalité de ce fonds est caractérisée par trois changements majeurs [131] . Tout d’abord, l’AFD travaille directement avec des ONG féministes. L’enjeu était aussi de proposer des montants modestes et donc adaptés aux capacités des OSC féministes de terrain. Enfin, il est question d’un vrai travail de co-construction avec les ONG afin de comprendre leurs besoins et leur écosystème. En outre, dans le cas des consortiums d’ONG, le Fonds joue le rôle d’intermédiaire en vue du renforcement des capacités.

Cette démarche de financement des ONG locales est d’autant plus pertinente qu’elle subvient aux besoins de l’écosystème local et agit au plus près des populations [132] . En effet, financer les associations féministes permet d’atteindre directement la société civile. En outre, les bailleurs de fonds ne peuvent privilégier uniquement des financements d’intervention, par exemple la création d’une clinique pour l’accès des jeunes filles à la planification familiale. Il est important de soutenir des actions qui s’inscrivent dans une perspective d’impact à long terme, telle que la formation du personnel, et qui engagent les acteur.rice.s de terrain permettant une appropriation par les communautés [133] .

Canaux de financements employés

L’aide publique au développement de la France à destination des DSSR est en majorité concentrée dans le canal bilatéral. Le tableau ci-dessous, qui emploie la méthodologie de Countdown 2030 et les indicateurs du CAD de l’OCDE, le démontre.

Source : European donor support to sexual & reproductive health & family planning. Trends analysis 2019–2020, Countdown 2030 Europe, janvier 2021.

Sur la base des données recueillies par le Creditor Reporting System de l’OCDE, employant les codes du CAD présentés auparavant, on trouvera ci-dessous l’aide publique bilatérale de la France en dollars pour l’année 2019 à destination de la santé et des DSSR, comparée à celle des autres donateurs.

S’agissant du canal multilatéral, la France a financé des programmes en faveur de la santé sexuelle et reproductive et de la planification familiale à hauteur de 13 709 775 d’euros en 2019 selon la méthodologie de Countdown 2030 [134] . Le rapport de Countdown 2030 Europe propose également le montant de l’intégralité des financements pour la SSR/PF incluant le financement aux organisations et initiatives internationales, ainsi que le secteur de la recherche, hors canal bilatéral, une somme qui s’élève à 40 358 775 d’euros [135] .

Comparaison des financements nationaux alloués aux DSSR

La France fait partie depuis des décennies des pays leaders engagés pour porter un discours fort sur les DSSR au sein des instances internationales. Toutefois, les financements alloués aux DSSR par la France témoignent d’une inadéquation entre ses engagements politiques et financiers, alors même que l’égalité femmes-hommes a été définie comme la grande cause du quinquennat par le président de la République. Pour cette raison, l’impact du plaidoyer français est atténué en comparaison de l’action de ses partenaires internationaux qui accordent davantage de financements à ce secteur.

Financements des DSSR 2016 (millions $)

Financements des DSSR 2017 (millions $)

Financements des DSSR 2018 (millions $)

Allemagne

323,111

310,788

313, 281

Canada

193,908

255,367

300,851

France

181,605

193,369

197,566

Pays-Bas

297,534

261,904

310,619

Royaume-Uni

671,191

794,803

808,27

Suède

215,1

230,648

242,977

Source  : Delivering Report 2020, Forum du Parlement européen pour les droits sexuels et reproductifs.

Il est donc nécessaire de revoir à la hausse les financements de la France en engageant plus de ressources par année pour la période de 2021–2026 dans le cadre de la nouvelle stratégie sur les enjeux de population et de DSSR. Une posture qui permettrait de remédier aux effets de long terme du retrait des financements pour les DSSR des États-Unis via le rétablissement du Global Gag Rule lors du mandat de l’ancien président Donald Trump, ainsi qu’aux attaques menées contre les DSSR dans le monde et accentuées avec la crise sanitaire liée au Covid-19 depuis 2020.

Répercussions du Covid-19 sur les financements destinés aux DSSR

Les craintes soulevées par la crise sanitaire liée au Covid-19 sont nombreuses s’agissant des financements à destination des DSSR.

En raison de la crise sanitaire liée au Covid-19, le Forum Génération Égalité ne pourra se tenir pleinement en présentiel comme cela était prévu à l’origine. La configuration virtuelle de l’événement risque d’avoir des conséquences non négligeables sur les fonds mobilisés pour les différentes causes du Forum dont celle des DSSR. Les organismes impliqués dans le financement de cette thématique, ainsi que les bénéficiaires des subventions espèrent néanmoins que le Forum aura l’effet mobilisateur escompté.

Concernant les financements, le Covid-19 a exacerbé les manquements dans ce domaine : les droits des femmes à disposer de leur corps ont été plus que jamais menacés et l’accès aux soins liés aux DSSR considérés comme non essentiels, et par conséquent entravés. À l’instar du retrait des financements des États-Unis pour les DSSR, la crise du coronavirus a mis en lumière la dépendance des pays bénéficiaires aux aides extérieures en matière de santé et les difficultés de ces pays à soutenir et à répondre à la demande de soins en SSR. En outre, la rupture de soins engendrée dans les pays ciblés par notre rapport témoigne du manque d’intégration des programmes sur les DSSR dans les systèmes locaux.

Au cours de l’épidémie, les programmes d’aide ont rencontré de nouveaux obstacles, les populations visées étaient plus difficiles à atteindre et les autorités locales mobilisées sur les urgences du Covid-19. Des projets en cours de lancement ont été suspendus et leurs budgets réalloués à la réponse sanitaire. En effet, « les efforts des bailleurs semblent se focaliser sur le Covid-19 mettant en veille leurs investissements sur d’autres enjeux plus structurels [136]  ». La pandémie risque en ce sens de compromettre et d’annuler les avancées qui avaient été entreprises en matière de DSSR pour les populations en Afrique subsaharienne. Mais cela rappelle la nécessité de soutenir d’autant plus des systèmes de santé résilients pour favoriser la santé sexuelle et reproductive. L’investissement dans la santé doit s’inscrire dans un temps long, il faut attendre de nombreuses années avant de pouvoir constater des changements conséquents, encore plus lorsqu’il s’agit des droits des femmes. Les répercussions d’une baisse ou d’un arrêt des aides à destination des DSSR seraient en ce sens désastreuses pour les droits des femmes et des jeunes filles à disposer librement de leur corps.

D’après le rapport mené par Equipop [137] auprès de ses partenaires au Bénin, Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, Guinée, au Mali, Niger et au Sénégal, l’aide financière apportée par les pays bailleurs de fonds a été sujette à deux approches différentes au cours de la pandémie. Certaines ONG locales témoignent « d’une souplesse au niveau de l’adaptation des activités, des échéances des rapports ou de l’extension des projets [138]  » tandis que d’autres ont révélé la négligence, voire l’abandon, de leurs donateurs. Or, « [l]’attitude des bailleurs et leur capacité à comprendre les enjeux “du terrain” conditionnent fortement la capacité des associations à être réactives et à apporter des réponses pertinentes aux publics qui en ont besoin [139]  ».

La démarche consistant à imposer l’atteinte de résultats préalablement définis pour l’obtention de financements n’est pas appropriée dans le cas de crise où les actions doivent être réévaluées. C’est pourquoi il est essentiel de miser sur la qualité et non sur la quantité des actions menées [140] , ainsi que sur la pérennité des financements et des stratégies de riposte face au coronavirus qui affecte tant les droits des femmes et des filles. La crise sanitaire aura donc mis en évidence la nécessité pour les pays de réexaminer les systèmes de financements alloués aux DSSR dans le cadre de l’APD pour répondre aux besoins du terrain.

3. Recommandations

Au regard des observations faites sur les financements français à destination des DSSR et grâce aux auditions menées avec divers acteurs politiques, institutionnels, économiques et sociétaux impliqués dans cette thématique en Afrique subsaharienne, nous proposerons ici de présenter quelques recommandations en accord avec les priorités du terrain.

1. Revoir à la hausse les financements de la France pour les DSSR

Il faut reconnaître les efforts de la France en termes de financements mobilisés à destination des DSSR. En revanche, il est crucial de fournir des subventions plus importantes en direction de l’ensemble du paquet de soins relatif aux DSSR pour pouvoir répondre aux besoins du terrain dans un contexte de régression des droits des femmes, accentuée par la crise sanitaire et le désengagement progressif de certains bailleurs de fonds. La France, pays champion des partenaires de la coalition d’action du droit à disposer de son corps et des DSSR au Forum Génération Égalité, n’en serait que plus crédible sur la scène internationale. La nouvelle stratégie du gouvernement sur l’action extérieure pour les enjeux de population et de droits sexuels et reproductifs sera en ce sens déterminante.

2. Déployer l’ensemble des thématiques des DSSR pour répondre aux besoins sur le terrain, une priorité pour le respect des droits fondamentaux des femmes et des filles

Les priorités en matière de DSSR sont similaires au sein des pays étudiés dans ce rapport : favoriser la scolarisation des jeunes filles, promouvoir l’éducation complète à la sexualité (ECS), favoriser l’accès aux méthodes de contraception et à l’avortement sûr et légalisé, lutter contre les violences basées sur le genre (VBG), les mutilations génitales féminines (MGF) et soutenir l’autonomisation et le leadership des jeunes filles et des femmes. Ce sont autant de domaines clés à cibler pour permettre aux femmes et aux jeunes filles d’avoir les moyens de disposer librement de leur corps, condition de leur émancipation et qui constituent des droits humains fondamentaux et universels.

3. Simplifier le processus d’identification et de comptabilisation des financements pour les DSSR

Il s’agit ici de rendre plus transparent et de faciliter la compréhension des financements dédiés aux DSSR que ce soit via le canal bilatéral ou multilatéral. Les méthodologies de redevabilité, les processus de notation et la comparabilité des données doivent être simplifiées afin de permettre un meilleur suivi des subventions françaises à destination des DSSR. Le fléchage des financements a besoin d’être appliqué avec plus de lisibilité pour faciliter l’analyse des financements consacrés par la France aux DSSR. À cela s’ajoute la nécessité de suivre la méthodologie de redevabilité des engagements qui seront pris au sein du Forum Génération Égalité et d’impliquer toutes les parties prenantes – ONU Femmes, États et société civile.

4. Privilégier le financement de projets avec une temporalité longue

Pour permettre une amélioration durable des indicateurs en termes de DSSR, il est nécessaire d’investir auprès de la jeunesse, des organismes de la société civile, du personnel médical et de poursuivre un plaidoyer engagé sur les problématiques des DSSR auprès des représentants politiques. Cet investissement se doit de valoriser le transfert de connaissance et l’appropriation locale des savoirs et des compétences pour assurer des transformations continues dans les communautés. Il est également indispensable de maintenir le financement de projets qui fonctionnent sur le long terme et de minimiser les projets à courte durée ou l’arrêt des engagements afin d’engendrer des gains notables et durables. Le prolongement des engagements financiers de la France auprès des initiatives telles que le Fonds français Muskoka, le Partenariat de Ouagadougou et le Fonds de soutien aux organisations féministes participerait à pérenniser les avancées réalisées en Afrique subsaharienne.

5. Adapter les procédures d’éligibilité aux financements pour les ONG locales et féministes

Les critères d’éligibilité aux financements pour les jeunes associations gagneraient à être assouplis pour permettre à un plus grand nombre d’ONG, et surtout à une plus grande diversité d’organismes, de pouvoir prétendre aux subventions. Les petites structures peinent à recevoir des subventions en raison des demandes de suivi et d’évaluation qui sont inadaptées par rapport aux ressources humaines financées. Or, ces ONG sont indispensables dans les zones reculées où les services de santé se font rares.

6. Investir dans le potentiel de la jeunesse

L’APD de la France à destination des pays ciblés doit davantage être orientée vers des stratégies de financement en faveur d’ONG locales et féministes qui agissent pour et avec les jeunes afin de renverser la tendance en termes de DSSR. Représentant la moitié de la population dans les pays ciblés, il est urgent que la jeunesse dispose de l’appui technique et financier pour répondre aux besoins en services et en informations en matière de DSSR. Alors qu’auparavant les bailleurs de fonds étaient réticents à financer des ONG créées et animées par des jeunes, sous prétexte de leur manque d’expérience et de leur incapacité à absorber les fonds reçus, ces organisations ont su faire preuve de résilience et mener des actions concrètes lors de la pandémie [141] .

ANNEXES

1. Contributions

Contributeurs·rices

Hervé Le Bras , démographe et historien, directeur d’études à l’EHESS et directeur de recherches émérite à l’Ined.

Irmine Ayihounton , membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest au Bénin. Le Réseau des Jeunes Féministes d’Afrique de l’Ouest regroupe des militant·e·s féministes d’Afrique de l’Ouest francophone qui portent la voix des filles et des femmes dans les instances de décision au niveau local, régional, national et international.

Wendyam Micheline Kabore , directrice exécutive de l’Initiative Pananetugri pour le bien-être de la femme (IPBF). IPBF vise à promouvoir l’épanouissement de la femme et de la jeune fille au Burkina Faso et dans la sous-région ouest-africaine.

Oumou Salif Touré , membre du Réseau des Jeunes Féministes d’Afrique de l’Ouest au Mali. Le Réseau des Jeunes Féministes d’Afrique de l’Ouest regroupe des militant·e·s féministes d’Afrique de l’Ouest francophone qui portent la voix des filles et des femmes dans les instances de décision au niveau local, régional, national et international.

Nafissa Hassan Alfari , présidente de la Cellule Nigérienne des jeunes filles leaders (CNJFL). La CNJFL agit en faveur de la promotion de l’éducation de ses jeunes filles et femmes, le leadership et l’entrepreneuriat féminin.

Jean-Claude Mulunda , directeur d’Ipas pour la République démocratique du Congo. Ipas est une organisation non gouvernementale internationale qui travaille à l’échelle mondiale pour élargir l’accès à l’avortement et à la contraception.

Fatou Ndiaye Turpin , directrice exécutive du réseau Siggil Jiggéen. Le réseau Siggil Jiggéen est une ONG engagée pour l’amélioration du statut de la femme ainsi que pour la promotion et la protection des droits des femmes au Sénégal.

Transition démographique, situation et évolution dans cinq pays d’Afrique subsaharienne, Hervé Le Bras (EHESS/INED) 21/04/2021

Les cinq pays qui font l’objet de cette étude sont tous situés en Afrique subsaharienne, et plus précisément entre les deux tropiques. Cette région est la dernière au monde à connaître une forte croissance démographique. Parmi les 81 millions de personnes qui se sont ajoutées à la population mondiale entre 2019 et 2020, 27 millions se trouvaient en Afrique intertropicale, soit un tiers de l’accroissement mondial, alors que moins de 13 % de l’ensemble des humains y vivent. Selon la projection moyenne de la Division de la population des Nations unies, cette même zone serait vouée à concentrer les trois quarts de la croissance mondiale en 2050.

Quel que soit l’angle sous lequel on envisage la situation démographique des cinq pays qui sont représentatifs de leur région, les chiffres sortent complètement de la moyenne mondiale (pour le détail, voir le tableau 1 en annexe) . La croissance démographique annuelle de chacun des autres est supérieure à celle de tout pays de n’importe quel autre continent : 2,8 % au Sénégal, 2,9 % au Burkina Faso, 3 % au Mali, 3,2 % en République démocratique du Congo (RDC), 3,8 % au Niger (soit un doublement tous les 18 ans). Entre 1950 et 2020, la population du Sénégal a été multipliée par 7, celle du Mali et du Burkina par 5, celle de la RDC par 7 et celle du Niger par 9.

Ces multiplicateurs vont encore croître si l’on se reporte à la projection moyenne des Nations unies pour 2050. À cette date, on compterait 33 millions de Sénégalais, 43 millions d’habitants au Mali, idem au Burkina, 65 millions au Niger et 195 millions en RDC. On peut donner une autre image de l’ampleur du changement qui pourrait survenir en un siècle : entre 1950 et 2050, la population du Niger serait multipliée par 25, et celle de la RDC par 16. De tels bouleversements sont causés par une fécondité élevée, alors que la mortalité infantile et juvénile qui en limitait l’ampleur jusqu’à une époque récente est devenue assez faible, si bien qu’au moins 90 % des nouveau-nés parviennent à l’âge adulte.

Les composantes intermédiaires de la fécondité des cinq pays

Par « composante intermédiaire », on se réfère au terme anglais «  intermediate components [142]  » qui caractérise la forme de la fécondité, avant d’en rechercher les causes profondes. L’indice conjoncturel de fécondité, souvent appelé nombre moyen d’enfants par femme, est très élevé dans les cinq pays. Alors que, dans le monde entier, il est descendu en moyenne à 2,5 enfants par femme, il s’établit à 5 au Burkina, à 6 au Mali et en RDC, et à 7 enfants par femme au Niger, le record mondial [143] .

Trois composantes intermédiaires suffisent à rendre compte de l’allure de la fécondité par âge et de son niveau général : l’âge auquel la femme se met en couple, la prévalence de la contraception et la durée de l’allaitement. On voit aussitôt sur la figure ci-dessous que plus la fécondité est élevée, plus l’âge auquel les femmes commencent à avoir des enfants est précoce. Selon les données d’enquête, la première naissance ont lieu quand la mère a 21,9 ans au Sénégal et 20 ans en RDC. Par contraste, les mères françaises sont en moyenne âgées de 28 ans quand elles ont leur premier enfant. La deuxième composante, la fréquence de la contraception, joue le rôle le plus important. Or, elle est peu utilisée. Les enquêtes estiment qu’elle est utilisée par environ 20 % des femmes à un moment donné, aussi bien au Mali, au Sénégal qu’au Niger et au Burkina. Le préservatif n’est presque pas utilisé. Ce sont la pilule (4 % d’utilisatrices), les lavements et les implants qui sont les plus fréquents (7 à 8 %) [144] .

La troisième composante, l’intervalle entre naissances successives, est souvent ignorée car elle a eu traditionnellement peu d’importance en Europe. En Afrique et dans une partie de l’Asie, au contraire, les allaitements longs ont longtemps maintenu la fécondité en équilibre avec la mortalité. Dans les populations qui ont gardé des pratiques traditionnelles, par exemple les Bochimanes du Kalahari, qui ne sèvrent leurs enfants qu’au bout de 30 à 36 mois, cela maintient la fécondité autour de 4,5 enfants par femme. En effet, durant l’allaitement, les femmes sont moins fertiles, voire évitent les rapports sexuels. L’irruption des méthodes européennes d’alimentation des enfants a eu pour effet de raccourcir les intervalles entre les naissances. Il s’est ensuivi une augmentation de la fécondité. On a pu dire que le principal obstacle au contrôle des naissances était le lait en poudre Nestlé [145] . Effectivement, dans les cinq pays, la fécondité a augmenté à partir des années 1970 pour atteindre un maximum au début des années 1980, puis a commencé à décroître. La référence à prendre pour mesurer la baisse actuelle de fécondité est donc ce maximum puisque, depuis lors, les pratiques d’allaitement n’ont pas changé. Par exemple, au Burkina Faso, la fécondité, qui était de 6,1 enfants par femme dans les années 1950, s’est progressivement élevée à 7,2 au début de 1980 pour redescendre maintenant à 5,2. La différence de 2 enfants n’est pas négligeable. Idem au Sénégal où, après un maximum à 7,3 enfants, l’indice vaut maintenant 4,7, soit la moitié du chemin pour arriver au taux de remplacement de 2,1. Pour d’autres pays, la redescente a été plus faible : de 6,8 à 6 en RDC, de 7,9 à 7 au Niger. Les conditions sociales, politiques et économiques, donc les déterminants profonds de la fécondité, varient en effet nettement selon le pays.

Les facteurs sociaux et politiques de la fécondité en Afrique subsaharienne

Trois facteurs contribuent à une haute fécondité : le mariage précoce, dont on vient de voir l’effet sur la première naissance, le fait de résider en ville et l’éducation.

Fécondité urbaine, fécondité rurale

Au Sénégal [146] , en RDC [147] et au Mali [148] , la différence de fécondité en ville et à la campagne s’élève en moyenne à 2 enfants par femme et au Burkina Faso [149] à 3 enfants. L’écart est encore plus grand dans les capitales. Par exemple, à Kinshasa, la fécondité est de 4,2, dans les villes, de 5,4 et en zone rurale de 7,3. Plusieurs raisons concourent à cela : les femmes vont plus longtemps et en plus forte proportion à l’école, la pression du milieu est plus faible, l’adoption d’un mode de vie occidental, avec donc une famille réduite, plus répandue. On reste cependant assez loin encore des niveaux de fécondité observés dans les pays hors de l’Afrique. Avec 4,9 enfants en moyenne, par exemple, les Maliennes qui vivent en ville sont encore loin devant les pays des autres continents, urbains et ruraux confondus. Pour mémoire, la fécondité est maintenant de 2,2 en Inde, de 1,7 au Brésil et en Chine.

Éducation

La relation entre la fécondité et le niveau d’éducation est quasiment universelle. Dès les années 1980, les enquêtes mondiales de fécondité ont montré que celle-ci commençait à diminuer dès que les femmes avaient suivi quelques années d’études secondaires. Lorsqu’elles avaient obtenu un diplôme de fin d’études secondaires, leur fécondité était deux fois plus faible que celle des femmes qui n’avaient pas fait d’études. En revanche, le fait d’avoir suivi des études primaires avait peu d’impact. Or, la proportion de femmes qui suivent des études secondaires (secondary school enrollment ratios) reste modeste dans les pays étudiés. On dispose de données homogènes établies par l’Unesco pour cinq d’entre eux (tableau 2) et d’une estimation fragile, tous sexes confondus, en RDC. Le Sénégal est le plus avancé avec 39 % des femmes en âge de suivre des études secondaires y étant inscrites. Vient ensuite le Burkina avec 32 %, puis le Mali avec 27 %. Le plus en retard est le Niger (17 %). En RDC, on ne connaît, et encore peu précisément, que le taux pour les deux sexes (27 %). La hiérarchie observée est assez proche de celle des indices de fécondité. La proportion de femmes suivant des études primaires est nettement plus élevée, mais encore assez loin des 100 %. C’est aussi au Sénégal et au Burkina Faso que l’on s’en approche le plus (respectivement 81 et 78 %). Dans ces deux pays se profile également un phénomène qui s’est généralisé dans les pays développés : les femmes font plus d’études que les hommes.

À l’autre extrémité du spectre scolaire, une fraction non négligeable de la population reste illettrée. L’Unesco fournit le nombre d’illettrés âgés de 15 à 24 ans en 2018 [150] . En le rapportant à l’ensemble de la population indiqué par les Nations unies, on obtient les valeurs suivantes dans quatre pays : 30 % au Sénégal, 40 % au Burkina et au Mali, 55 % au Niger. À nouveau, les statistiques de la RDC sont erratiques sur ce point. Ces valeurs, qu’il est difficile de comparer exactement avec les gross enrollment ratios , confirment cependant la hiérarchie des niveaux de fécondité.

Pour quelle raison l’éducation joue-t-elle un tel rôle dans la baisse de fécondité ? Un anthropologue de l’Afrique de l’Ouest, John Caldwell, a donné une raison convaincante [151] . Dans la société traditionnelle, les enfants sont rapidement rentables, parce qu’ils remplacent les adultes dans des tâches peu contraignantes, telles que garder le petit bétail ou assister leur mère pour la vente de ses produits sur le marché. C’est pourquoi l’éducation est souvent mal vue en milieu rural. S’ajoute un fait biologique. Lorsqu’elles poursuivent leurs études secondaires, les filles atteignent l’âge de fertilité et doivent se prémunir d’une conception si elles veulent les terminer car les naissances hors union sont en général très mal vues, particulièrement dans les pays où l’islam domine. Elles acquièrent donc une certaine pratique du contrôle de la reproduction, soit par abstinence, soit par des procédés contraceptifs traditionnels ou modernes.

Les mariages précoces

On a vu sur la figure des taux de fécondité par âge la précocité des naissances dans chacun des cinq pays. Cela est dû à la jeunesse des femmes lors de leur première union. Les trois quarts des Nigériennes sont mariées avant 18 ans, et c’est le cas de 50 % des Maliennes et Burkinabées, de 37 % des Congolaises et de 30 % des Sénégalaises. Ici encore, le rapport avec la fécondité totale est net. L’âge moyen des femmes lors de leur première union est de 20,3 ans au Sénégal et de 19,5 ans au Burkina Faso. Au Mali, l’âge médian est de 17,8 ans, ce qui signifie bien qu’avant 18 ans, plus de la moitié sont déjà mariées, et confirme les premiers chiffres de fréquence des unions avant cet âge. En ville, les unions sont un peu plus tardives, de deux ans en moyenne. Ainsi, au Sénégal, les femmes ont 22,5 ans en moyenne au moment du mariage.

Une enquête détaillée, effectuée au Niger sur les mariages d’adolescentes [152] , donne leur répartition par âge ainsi que celle de leurs maris. 17 % ont quinze ans ou moins. Leurs maris sont nettement plus âgés, 32 % ayant entre 25 et 29 ans et 21 % plus de 30 ans. L’écart médian d’âge entre les époux est de 7 ans. De tels déséquilibres laissent supposer que l’homme a tous les pouvoirs dans le couple, ce qui est souvent qualifié de patriarcat. On verra plus loin que la situation est plus subtile, d’autant que l’enquête portait à 94 % sur des ménages d’agriculteurs.

Les facteurs expliquant le niveau de la fécondité

Certains facteurs sont surévalués, d’autres minimisés ou passés sous silence. Ils vont du domaine anthropologique au domaine politique.

L’information

Les populations africaines sont souvent considérées comme peu informées. Il n’importe pas ici de juger la qualité de l’information, mais les moyens de s’informer sont nombreux et se sont développés rapidement. On en a connaissance grâce aux enquêtes démographiques et de santé à indicateurs multiples menées dans les cinq pays en 2012, 2013 ou 2018 selon le cas.

Le tableau 3 montre le taux de possession d’une radio, d’une télévision ou d’un téléphone portable, ainsi que l’année de la collecte pour les cinq pays concernés par les enquêtes. Dès 2018, 97 % des ménages possédaient au moins un portable au Sénégal, à la ville comme à la campagne. 72 % étaient également dans ce cas au Mali à la même date. En 2013, ils n’étaient que 40 % en RDC et, en 2012, 59 % au Burkina Faso et 50 % au Niger [153] . Par comparaison, on peut estimer qu’en 2020, le taux de possession atteint au moins 80 % dans tous les pays (et presque 100 % au Sénégal). Les ménages possèdent aussi souvent un poste radio (66 % au Sénégal et 68 % au Burkina, 52 % au Niger et 50 % au Mali, 43 % en RDC). Seules les télévisions sont plus rares, possédées par environ 15 % des ménages.

La polygamie

La polygamie est assez largement pratiquée dans les cinq pays. On a indiqué sur le tableau 5 la proportion de femmes et d’hommes âgés de 15 à 49 ans vivant en union polygame. Le Burkina Faso vient en tête avec 42 % de femmes vivant avec des coépouses, et la RDC en dernier, avec 22 %. La proportion est aussi assez élevée dans les trois autres pays (de 32 % à 37 %). Proportionnellement, les hommes vivent moins souvent en union polygame (de 10 % à 22 % selon le pays). La polygamie diminue, mais lentement. Au Niger, entre 2006 et 2012, elle a baissé de deux points. Au Burkina Faso, où l’on possède des observations plus anciennes, elle concernait 45 % des femmes en 1987, 42 % en 2001 et 42 % en 2012. La proportion de femmes vivant en polygamie augmente aussi rapidement avec l’âge, dépassant parfois la moitié (57 % au Burkina à 45–49 ans).

Dans quelle mesure la polygamie influe-t-elle sur l’évolution de la fécondité ? Il faut d’abord écarter l’idée selon laquelle les femmes vivant avec un mari polygame seraient nettement moins fécondes que les monogames. Au Sénégal, où l’on a pu calculer la fécondité selon la nature du ménage à la fin des années 1990, les femmes monogames engendraient en moyenne 7,4 enfants, les premières épouses, 6,9, les secondes épouses, 6,6 et les épouses ultérieures, 6 enfants, soit des différences minimes [154] . Le maintien de la polygamie signifie plutôt celui de structures familiales traditionnelles, lesquelles sont favorables à une fécondité élevée. De fait, quand on demande aux couples le nombre d’enfants qu’ils souhaitent avoir ou le nombre idéal d’enfants dans un ménage, les réponses donnent des chiffres élevés.

Nombre d’enfants idéal et désiré

Deux idées fausses ont longtemps circulé à ce propos. L’une est que les Africains n’étaient pas capables de contrôler leur fécondité, l’autre, que les hommes souhaitaient une famille nombreuse, mais non les femmes. Les enquêtes ont tordu le cou à ces lieux communs. Comme les cinq pays présentent des traits similaires, on va donner seulement les deux cas d’un bout à l’autre de l’éventail, celui de la RDC en 2013 et celui du Sénégal en 2018. Pour une femme sénégalaise, en moyenne, la taille idéale de la famille est de 5,4 enfants et de 5,9 si elle vit avec un conjoint. En RDC, les chiffres évoqués sont respectivement de 6,1 et 6,6 enfants. Le décalage avec la réalité est faible : 0,7 enfant de plus dans l’idéal au Sénégal, 0,5 en RDC [155] . On pourrait penser que l’on rationalise le fait d’avoir eu de nombreux enfants en estimant que l’on est dans la norme. Ce n’est pas ce que montre le détail par âge et par nombre d’enfants déjà nés. Les femmes âgées de 20 à 24 ans donnent un idéal de 5,1 enfants au Sénégal et de 5,7 en RDC. Dans ce même pays, 63 % de celles qui ont déjà 5 enfants souhaitent aller au-delà de 6 (52 % au Sénégal).

Pour les hommes, le nombre idéal d’enfants est plus élevé que celui cité par les femmes, mais la différence est faible : 7 enfants en moyenne pour les Congolais (c’était 6,1 pour les Congolaises), 6,5 pour les Sénégalais (c’était 5,4 pour les Sénégalaises). On peut ergoter sur la différence en raison de la polygamie. Logiquement, les polygames devraient déclarer un plus grand nombre d’enfants comme idéal. Il se peut d’ailleurs que le modèle de la polygamie incite les monogames à s’en rapprocher avec un nombre idéal d’enfants élevé. Si l’on revient à l’explication de Caldwell, les hommes comme les femmes tirent parti d’une main-d’œuvre enfantine. L’anthropologue ajoute un autre élément : chaque enfant représente une chance, même faible, de réussir, par exemple d’être appelé à seconder en ville un parent qui a réussi.

Outre le nombre d’enfants idéal, qui concerne l’image que l’on se fait de la société, les enquêteurs ont posé dans les cinq pays la question du nombre d’enfants désiré personnellement. Les résultats sont proches de ceux du nombre idéal : 5,7 en RDC contre 6,6 réellement observés à l’époque, 4 contre 4,4 au Sénégal (et en 2012, 4,6 contre 5,3 observés). Les valeurs calculées au Burkina Faso, au Niger et au Mali s’insèrent entre celles du Sénégal et de la RDC. En cohérence avec ces résultats, le nombre déclaré de naissances non désirées est très faible (4,8 % en RDC, 2,1 % au Sénégal).

On constate aussi une grande cohérence entre les nombres idéaux et les nombres observés quand on entre dans le détail. Par exemple, en RDC, les nombres idéaux sont de 5,2 en ville et de 6,7 en milieu rural, de 7,2 pour les femmes sans instruction, de 6,7 si elles ont fréquenté le primaire, de 5,4 si elles sont allées dans le secondaire et de 4,3 si elles ont suivi des études universitaires.

Une autre famille

La fécondité est élevée dans les pays considérés parce que les parents souhaitent avoir de nombreux enfants. Dans des pays pauvres, la famille prend une place essentielle. Elle sert d’assurance sociale quand moins de 5 % de la population sont pris en charge par celle de l’État. Elle permet à la sociabilité de s’épanouir. Plus une famille est large, mieux elle est adaptée à ces rôles. L’économiste Gary S. Becker a opposé ce mode de vie à celui des pays développés sous la forme du dilemme de la quantité (d’enfants) contre leur qualité, c’est-à-dire leur niveau d’éducation [156] . D’autres éléments viennent compléter la composition des familles africaines au sein des cinq pays : polygamie, écart d’âge entre les conjoints, rôle étendu de la parentèle, mise en couple précoce des filles, par exemple.

L’enquête Child Marriage, Fertility, and Family Planning in Niger menée par le groupe Promundo a permis d’interroger 1 200 femmes mariées âgées de moins de vingt ans. À la question de savoir qui avait décidé du mariage, 29 % des jeunes femmes ont répondu qu’elles avaient pris la décision, 53 % que c’était une décision commune avec le futur conjoint, 9 % que leur famille l’avait décidé et 7 % que c’était leur belle-famille. 13,5 % des enquêtées étaient des coépouses. Le rapport de l’enquête indique : «  Polygamy is so accepted that women can be shamed for not having co-wives [157] .  » Concernant la question des relations entre conjoints, 94 % indiquent qu’elles discutent souvent avec leur mari des problèmes rencontrés, 97 % que leur époux les aime et les apprécie. Ce tableau idyllique a toutefois un envers. 90 % des décisions sont prises par le mari et il existe une stricte séparation des tâches : 66 % des interviewées estiment, par exemple, qu’elles s’attireraient la honte de leur village si leur mari cuisinait ou faisait le ménage.

On doit préciser que l’enquête a été menée en milieu rural et que 45 % des adolescentes n’avaient fait aucune étude. Aussi, comme des exemples l’ont montré plus haut, le changement viendra de l’installation en ville et des études.

Troubles politiques

Un nouvel obstacle au changement est survenu récemment dans tous les pays concernés, à part le Sénégal. Des groupes terroristes ont pris de l’envergure ou bien des troubles civils ont éclaté. Au Mali et au Burkina Faso, la pression des groupes affiliés à Al-Qaida ou à l’État islamique sème le désordre sur des périmètres de plus en plus vastes. Au sud du Niger, Boko Haram accentue sa pression en attaquant des villages. Des troubles graves et récurrents se poursuivent en RDC. Quel rapport avec une fécondité élevée, pourrait-on se demander. Il ne s’agit pas d’une coïncidence. Dans la région, les autres pays où la fécondité est la plus forte sont la Somalie et le Burundi, en proie aussi à des troubles graves. Sur un autre continent, mais à un jet de pierre de l’Afrique, le Yémen, où la guerre civile fait rage, a la plus forte fécondité de toute l’Asie.

Une particularité nouvelle de ces conflits est leur idéologie antiféministe, qui se manifeste par une régression des droits des femmes, notamment à travers la destruction des écoles et le rapt de jeunes femmes, souvent pour procurer des épouses aux terroristes [158] . Hors de l’Afrique, les talibans et l’État islamique à Mossoul ont montré la voie. De tels mouvements rencontrent le soutien de certaines fractions de la population qui refusent le mode de vie occidental, dont les campagnes pour le contrôle de la fécondité sont perçues comme une de ses manifestations les plus visibles. Le fondateur de la polémologie, Gaston Bouthoul, soutenait que la surpopulation entraînait la guerre. La causalité est en train de s’inverser : c’est la guerre qui pourrait entraîner l’accroissement de population dans les prochaines années.

Conclusion

La fécondité a évolué au rythme des facteurs qui la conditionnent, donc assez lentement, comme on le constate sur le tableau suivant. On a pu parler de pays à très lente transition [159] .

Pays

Date de fécondité maximale

Niveau de fécondité maximale

Fécondité en 2020

Baisse de la fécondité

RDC

1990

6,8

6

–0,8

Burkina Faso

1990

7

5,2

–1,8

Mali

1980

7,2

6,4

–0,8

Niger

1980

7,9

7

–0,9

Sénégal

1975

7,3

4,7

–2,6

On peut calculer qu’à eux seuls la hausse de la proportion de population urbaine et les progrès de l’éducation secondaire rendent compte de la baisse de fécondité dans chacun des cinq pays et continueront à exercer leur influence à cet égard au cours des prochaines années. Cela signifie aussi qu’il n’y a pas eu de modification du mode de vie familial en milieu rural. En ville, une nouvelle organisation familiale se met en place, intermédiaire entre le modèle occidental et le modèle local traditionnel. L’effort devra donc porter sur l’éducation secondaire des filles et sur la modernisation de l’agriculture, qui accentuera l’urbanisation en mobilisant une plus faible main-d’œuvre dans les champs.

Dans le détail, les différences d’importance de la baisse reflètent bien les différences entre pays. Le Sénégal, qui a la plus faible fécondité parmi les cinq pays examinés, connaît une croissance importante de l’éducation secondaire et de l’urbanisation. Le Burkina Faso est deuxième en raison de ses campagnes de scolarisation. Les trois autres pays restent à des niveaux plus faibles. Leur pauvreté et leur désorganisation du fait des troubles qu’ils connaissent limitent leurs possibilités d’accroître les capacités d’enseignement secondaire et de moderniser l’agriculture.

Ces remarques permettent d’insister sur la grande diversité entre les cinq pays. D’abord, entre les quatre du Sahel et celui d’Afrique équatoriale, dont l’environnement physique est radicalement différent. Au Sahel, l’agriculture est soumise à des aléas climatiques importants et les sols sont assez pauvres. Ainsi, au Niger, la couverture de la consommation de céréales est passée de 112 % en 2014 à 88 % en 2017 et 108 % en 2018. La RDC, avec 40 habitants par kilomètre carré, dispose au contraire d’abondantes ressources en eau et peut faire face à une augmentation importante de sa population.

À l’intérieur de ces deux groupes de pays, les différences ne portent pas seulement sur l’éducation, l’urbanisation et la fécondité, mais aussi sur les mœurs. Pour donner un exemple, 21 % des femmes ont été excisées au Sénégal, 58 % au Burkina Faso et 86 % au Mali, mais presque aucune en RDC. L’acceptation de cette pratique suit les mêmes écarts. En outre, chacun des cinq pays est loin d’être homogène. Les différences provinciales atteignent souvent l’ordre de grandeur des différences entre pays. Au Mali, par exemple, 59 % des hommes de la préfecture de Kidal sont alphabétisés, mais seulement 38 % pour celle de Sikasso ; 3 % seulement des femmes de Kidal utilisent un moyen moderne de contraception, contre 19 % pour celles de Sikasso. 46 % des femmes de moins de vingt ans ont déjà eu un enfant dans la province de Tombouctou, 28 % dans celle de Ségou. À cela s’ajoute la qualité des statistiques, qu’il faut souvent prendre avec des pincettes. Les politiques s’adressant aux femmes et à la fécondité ne doivent donc pas seulement êtres calibrées par pays, mais à l’intérieur des pays, par région.

Terminons par un dernier point qui a une grande importance pour les cinq pays : le changement climatique. Tous risquent d’être violemment affectés, tant à cause de la hausse des températures déjà très élevées qu’à cause des variations de la pluviosité. Or, ces pays n’ont pas de responsabilité dans l’élévation de la teneur en CO 2 de l’atmosphère, tant leurs émissions sont faibles. Un Congolais moyen émet 0,03 tonne de CO 2 , un Nigérien, 0,10, un Malien ou un Burkinabé, 0,18, un Sénégalais, 0,73. Par comparaison, un Américain moyen émet 15,5 tonnes. Un doublement de la population des cinq pays à leur rythme actuel d’émission produirait 24,8 millions de tonnes supplémentaires de CO 2 , soit l’équivalent de ce qu’émettent actuellement 1,6 million d’Américains. On comprend l’amertume, et c’est un euphémisme , des cinq pays face aux responsabilités dans la crise climatique, car ils risquent de payer les conséquences de l’industrialisation des pays développés ou émergents.

Tableaux

Tableau 1 : Données démographiques

Pays

Fécondité

Population

en 2020

Population en 2050

Taux de croissance

Population en 1950

P2020/

P2050

P2050/

P1950

Monde

2,5

7 800

9 700

1,1 %

3 100

3,1

3,9

Sénégal

4,7

16,7

33,2

2,8 %

6,7

6,7

13,3

Mali

5,9

20,3

43,6

3 %

4,9

4,9

9,3

Burkina Faso

5,2

20,9

43,4

2,9 %

4,9

4,9

10,1

Niger

7

24,2

65,6

3,8 %

9,3

9,3

25,2

RDC

6

89,6

194,4

3,2 %

7,3

7,3

15,9

Fécondité : nombre moyen d’enfants par femme. Population : en millions.

Tableau 2 : Proportions d’inscrits dans l’éducation (school enrollment ratios)

Primaire

Secondaire

Illettrisme

(15–24 ans)

Pays

Garçons

Filles

Garçons

Filles

Burkina Faso

80

78

30

32

40

RDC

**

**

27

**

Mali

62

56

33

27

41

Niger

69

58

23

17

54

Sénégal

72

81

36

39

29

Tableau 3 : Médias des ménages

Pays

Avec radio

Regarde la télé

Avec portable

RDC (2013)

43

15

40

Mali (2018)

50

40

72

Sénégal (2018)

66

61

97

Burkina Faso (2012)

68

16

59

Niger (2012)

52

12

50

Tableau 4 : Fécondité

Pays

Taux de fécondité

15–19 ans

Mariées

avant 18 ans

Contraception

15–49 ans

Burkina Faso

0,132

52

29

RDC

0,138

37

22

Mali

0,164

54

17

Niger

0,154

76

16

Sénégal

0,068

29

22

Tableau 5 : Fréquence de la polygamie (% 15–49 ans)

Pays

Femmes

Hommes

Sénégal

32

10

Burkina Faso

42

22

RDC

22

15

Niger

36

21

Mali

37

19

Situation régionale en Afrique subsaharienne, Irmine Ayihounton

Irmine Ayihounton est membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest au Bénin. Le Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest regroupe des militant.e.s féministes d’Afrique de l’Ouest francophone qui portent la voix des filles et des femmes dans les instances de décision au niveau local, régional, national et international.

Comment peut-on décrire, dans votre pays, la situation de l’accès des femmes au droit à la santé sexuelle et reproductive ? Pouvez-vous nous présenter les actions que vous menez en ce sens ?

Le protocole de Maputo [160] représente aujourd’hui l’un des documents incontournables auquel on a recours pour parler des droits des femmes en Afrique. Ce protocole stipule que les droits à la santé des femmes, y compris la santé sexuelle et reproductive (SSR), comprennent : le contrôle sur la fécondité ; le pouvoir de décision en matière de maternité ; le libre choix des méthodes de contraception ; l’information et la protection contre les infections sexuellement transmissibles (IST) et l’éducation sur la planification familiale (PF). Cependant, en Afrique de l’Ouest, la situation des femmes reste encore très insatisfaisante. En 2019, selon les données fournies par Guttmacher Institute [161] , 33 millions de femmes en âge de procréer désirent éviter une grossesse et 19 millions d’entre elles ont un besoin non satisfait de contraception moderne. Parmi ces femmes, ce besoin est plus grand chez les adolescentes âgées de quinze à dix-neuf ans que pour l’ensemble des femmes en âge de procréer, de quinze à quarante-neuf ans (64 % contre 56 %). En outre, chaque année, 14 millions de femmes accouchent en Afrique de l’Ouest sans recevoir, majoritairement, les soins requis et 2,4 millions optent pour des avortements clandestins, car l’avortement n’est légal que lorsqu’il s’agit d’inceste, de viol ou que la grossesse représente un danger pour la mère. Il est donc évident que le manque ou l’insuffisance de soins de qualité et de lois relatives à la SSR met les femmes en danger. Dans certains contextes, les contraceptifs sont inaccessibles du fait d’un manque de moyens financiers ou de l’indisponibilité de ces produits dans les centres de santé communautaire ou encore à la pharmacie.

Par ailleurs, la sexualité dans certains contextes ouest-africains reste encore un tabou limitant ainsi la possibilité des filles et des femmes d’exprimer aisément leurs besoins et de jouir d’une liberté individuelle dans les choix qu’elles opèrent. Toutefois, ces dernières années, plusieurs associations et projets communautaires qui visent à améliorer les connaissances et renforcer les capacités des filles et femmes à accéder à leurs droits y compris ceux relatifs à la SSR ont émergé. Grâce à ces initiatives, on constate beaucoup d’avancées, mais il reste encore des défis à relever, comme la réduction des grossesses non désirées, l’utilisation massive des méthodes de contraception, l’accès à l’information de qualité et la reconnaissance des droits des femmes à disposer librement de leur corps et à opérer des choix en phase avec leurs aspirations. C’est à cela que se consacre le Réseau des jeunes féministes de l’Afrique de l’Ouest depuis 2018 à travers plusieurs initiatives. Notre mission principale est de faire entendre les voix des femmes et des filles, notamment celles ouest-africaines, dans les processus de décisions au niveau national, sous-régional et international, et y porter nos valeurs féministes pour contribuer activement à l’amélioration des conditions de vie des femmes et des filles. Pour y arriver, nous veillons à ce que les engagements pris soient respectés. Nous mettons également en place des actions de terrain pour impliquer les femmes et les filles d’Afrique de l’Ouest dans la définition de nos priorités et nous avons créé un mouvement collectif féministe pour l’égalité, en collaborant avec les autres membres de la société civile et en diffusant nos valeurs. À titre illustratif, le Women 7, le Women Deliver et le Nairobi Summit sont des espaces que nous avons utilisés pour défendre nos intérêts et proposer les solutions optimales. Par ailleurs, nous sommes présents sur les réseaux sociaux, ainsi nous avons organisé des séries de Facebook Live, tweetup et aussi des happenings féministes dans trois pays de la sous-région autour de discours poignants sur le féminisme.

Comment est-il possible selon vous de promouvoir l’accès des filles et des femmes dans votre pays à un meilleur suivi médical en termes de santé sexuelle et reproductive ? Quels sont les obstacles rencontrés pour sa mise en œuvre ?

Le système de santé en Afrique de l’Ouest, notamment celui relatif à la SSR, est caractérisé, entre autres, par un manque d’infrastructures sanitaires pour une prise en charge adéquate, un faible investissement dans la formation et la prise en charge du personnel de santé et la stigmatisation des filles et femmes par le personnel de santé [162] . Dans ces conditions, le suivi médical des filles et des femmes durant la grossesse, après l’accouchement ou à la suite d’un avortement, lors du traitement d’une IST ou encore après une complication obstétricale majeure devient complexe. Pour promouvoir l’accès des filles et des femmes de la région à un meilleur suivi médical en termes de SSR, il s’avère important que tous les acteurs de la société intervenant dans le domaine sanitaire se mobilisent ensemble autour d’un seul objectif, celui d’améliorer la SSR des filles et des femmes de façon à atteindre les objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030. Cette action commune impliquerait une coordination entre les acteurs publics (gouvernements) et privés (société civile, notamment les associations de jeunes féministes, ONG, les filles et les femmes) et une combinaison de leurs efforts dans un seul programme de santé sous-régional qui soit bien clair en termes d’objectifs, avec une mobilisation de ressources budgétaires plus importantes. Au-delà du secteur de la santé, ce mouvement collectif devrait impliquer d’autres secteurs, tels que l’éducation, pour renforcer les connaissances grâce à des activités de sensibilisation et d’information, le développement pour une bonne gouvernance des politiques publiques et les finances pour une valorisation des ressources humaines de santé et leur répartition équitable à l’intérieur de chaque pays. Par ailleurs, adopter une assurance maladie universelle dans tous les pays de l’Afrique de l’Ouest pourrait également favoriser une meilleure accessibilité aux soins curatifs et préventifs, y compris ceux liés à la SSR.

Bien que nous considérions dans le cadre de cette réflexion l’Afrique de l’Ouest comme une seule entité, il demeure néanmoins une sous-région composée de plusieurs pays ayant chacun un contexte culturel. Toutefois, ces contextes culturels se ressemblent beaucoup et jouent un rôle très important sur la santé. En effet, les programmes de SSR dans les pays ouest-africains sont souvent confrontés aux barrières culturelles et sociétales, telles que le sexisme, les rumeurs sur la contraception, la religion, le tabou entourant la sexualité, le manque de choix reproductif ou d’accès à l’éducation. Loin d’être un obstacle pour la mise en œuvre des propositions évoquées, le contexte culturel représente un défi ; le défi d’adapter les programmes au contexte culturel et de surmonter les barrières. De plus, dans certains pays, la SSR ne figure pas au premier plan des priorités gouvernementales. Nos programmes pourraient donc ne pas bénéficier de l’attention des décideurs politiques et des ressources nécessaires pour leur mise en œuvre. D’autres difficultés fréquentes dans notre mission de promotion de l’accès des filles et des femmes aux soins de SSR sont la discrimination et les préjugés à l’égard des activistes. En outre, les normes sociales qui veulent que la femme à un âge donné construise sa vie de couple, porte et s’occupe des enfants font que certaines femmes, surtout en milieu communautaire, accordent peu d’intérêt à nos interventions.

Quelles actions seraient, selon vous, prioritaires pour que davantage de filles et de femmes aient accès à des structures de soin et aux informations leur permettant de connaître leurs droits et lutter ainsi contre les mariages et grossesses chez les mineures, les mutilations génitales féminines, les violences basées sur le genre, etc. qu’elles subissent ?

En Afrique de l’Ouest, certaines populations rencontrent encore des difficultés pour discuter des questions relatives à la sexualité et les filles et femmes sont encore traitées comme des citoyens de seconde classe malgré les nombreuses initiatives. Elles sont victimes de plusieurs types de violences sexistes et sexuelles, tels que le mariage des enfants, les mutilations génitales féminines (MGF) et les violences basées sur le genre (VBG), qu’elles considèrent parfois comme étant la norme parce qu’elles ignorent leurs droits. Afin d’aider les filles et les femmes à prendre conscience de leurs droits, à les défendre et à les revendiquer, il est urgent d’améliorer leur niveau de connaissances, d’augmenter leur autonomie décisionnelle et d’améliorer leur statut par des changements sociaux et politiques.

Pour ce faire, nous suggérons :

– l’accompagnement technique et financier des organisations communautaires pour distribuer les informations et services par le biais des éducateurs en santé qualifiés qui utilisent des moyens attractifs et adaptés aux réalités de la cible ;

– la disponibilité et l’accessibilité des services de PF leur permettant de prendre des décisions concernant leur propre vie, comme celles de se marier quand elles le désirent, de choisir le moment de leurs grossesses et le nombre d’enfants qu’elles souhaitent ;

– des politiques d’amélioration des soins de santé, de meilleures opportunités d’éducation et d’emploi qui les motivent à opter pour des familles moins nombreuses ;

– le financement des associations de jeunes féministes pour continuer à plaider pour l’égalité femmes-hommes dans toutes les sphères, développer et conduire des programmes de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles, les stéréotypes sexistes et les normes sociales discriminantes.

Ces actions prioritaires devraient favoriser l’autonomie décisionnelle des filles et des femmes, la reconnaissance de leurs droits et la réduction des agressions et des violences.

Par ailleurs, les filles et les femmes doivent être impliquées dans la planification et la mise en œuvre des programmes et des politiques qui leur sont destinées afin que leurs besoins et leurs préférences soient réellement pris en compte. Mais cela ne sera possible que si les États investissent dans le potentiel des acteurs de la société civile, notamment les associations de jeunes féministes qui travaillent aux côtés des filles et des femmes et agissent pour déconstruire les rapports de pouvoir. Les États devraient également rendre disponibles les infrastructures adéquates, améliorer le système de soins de santé et remédier au manque de personnel de santé qualifié dans les zones rurales.

L’engagement en faveur de l’égalité femmes-hommes se traduit aussi par des programmes d’information touchant aussi bien les hommes que les femmes et des projets de sensibilisation sur les droits des femmes impliquant la participation des hommes. Quels types de programmes faudrait-il financer ?

Impliquer les hommes dans les actions pour l’égalité femmes-hommes est l’occasion pour prouver à la gent masculine que la cause que nous défendons n’est pas contre eux, mais plutôt avec eux pour l’émancipation de l’ensemble de la société et en particulier celle des femmes. Les types de programmes à financer à cet effet seraient à destination des mouvements féministes au sein desquels les hommes militent auprès des femmes. Faire connaître ces initiatives dans la sous-région et donner les moyens pour que ces derniers communiquent leur passion pourrait contribuer à un changement de mentalité. Il convient également d’investir dans plusieurs autres programmes. Il s’agit entre autres :

– des programmes de déconstruction des stéréotypes masculins dès le bas âge pour mettre en avant un monde plus égalitaire pour les générations futures ;

– des programmes d’éducation et de sensibilisation pour les garçons et les hommes sur la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles ;

– des actions de plaidoyer pour prolonger et rendre obligatoires les congés de paternité ;

– des programmes d’écoute et de conseils pour accompagner les garçons et les hommes dans leur processus de changement de comportements et les aider à intégrer la notion d’égalité femmes-hommes ;

– des initiatives d’encouragement des garçons et des hommes qui s’engagent pour un réel partage des responsabilités domestiques.

En dehors des types de programmes à financer, il serait intéressant de penser à l’élaboration de politiques intégrées d’égalité entre femmes-hommes mettant l’accent sur les femmes et les hommes plutôt que des politiques séparées relatives aux femmes et aux hommes. Il s’agira alors de se référer explicitement aux hommes et aux garçons dans les politiques d’égalité entre les sexes en précisant quelles peuvent être leurs responsabilités pour atteindre l’égalité entre les sexes.

Quels ont été les impacts de la crise sanitaire du Covid-19 sur l’accès à l’information et aux services de santé à disposition des jeunes et des femmes dans la région ?

Selon les données fournies par les gouvernements et les autorités sanitaires, l’Afrique de l’Ouest est peu touchée par la pandémie du Covid-19, ce n’est pas pour autant sans conséquence.

En effet, concernant l’accès à l’information, les mesures sanitaires mises en place par les gouvernements pour protéger les populations ont incité certains partenaires techniques et financiers lors de la première vague en 2020 à mettre en pause des projets de DSSR. De ce fait, dans certaines régions, les activités de sensibilisation, d’éducation et d’amélioration des connaissances sur la thématique ont été suspendues. Cette situation a donc freiné la dynamique d’information continue pour mettre les populations vulnérables à l’abri des grossesses non désirées, des IST, des avortements clandestins et des violences. À l’exception des données relatives à la crise sanitaire, il n’existe pas, à ce jour, de données pour apprécier avec exactitude les effets du Covid-19 sur les indicateurs de SSR. On pourrait dire que le coronavirus a volé la vedette à toutes les autres préoccupations urgentes de santé publique.

En ce qui concerne l’accès aux services de santé, il a été noté dans la sous-région que, malgré la pandémie, les centres hospitaliers offraient toujours des services. Mais les couvre-feux, l’isolement, la distanciation sociale, la peur d’être contaminé par le coronavirus, le coût élevé des médicaments et du transport représentent quelques éléments qui limitent l’accessibilité des jeunes et des femmes aux services de santé. La réaffectation des ressources et des priorités de tous les secteurs, y compris celui des services de SSR, pour développer un meilleur système de riposte contre le Covid-19 a également des répercussions sur l’accès aux services de santé. Cela peut entraîner une hausse de la mortalité et de la morbidité maternelles, ainsi qu’une hausse des taux de grossesses chez les adolescentes, des besoins non satisfaits en matière de PF, d’infections au VIH et aux maladies sexuellement transmissibles. De plus, les données disponibles dans la presse révèlent une hausse des violences conjugales et une potentielle hausse des grossesses non désirées qui sont attribuables au confinement [163] .

Quels programmes sont ou pourraient être développés au niveau régional pour y remédier ?

Il y a eu, dans plusieurs pays, la création des lignes d’écoute pour permettre aux femmes et aux filles victimes de violences de pouvoir dénoncer leur agresseur ou signaler une situation de violences sans sortir de chez elles.

Nous proposons que des dispositions soient prises pour que les services de santé habituels soient maintenus même en temps de pandémie, en particulier les soins de SSR par le biais de programmes de soutien financier pour les filles et les femmes afin de mieux faire face à la crise économique engendrée par la pandémie. Nous proposons également des programmes de renforcement des systèmes de prestations sanitaires pour éviter que les services de santé autres que ceux mobilisés contre la pandémie ne soient interrompus et des programmes de visite à domicile pour les groupes particulièrement à risque, tels que les femmes enceintes, les personnes vivant avec le VIH et les personnes handicapées.

Quels engagements concrets attendez-vous du Forum génération égalité, notamment de la partie consacrée à la promotion des droits sexuels et reproductifs ?

L’objectif du Forum génération égalité (FGE) étant de dresser un bilan des progrès accomplis et d’élaborer un programme de mesures concrètes pour atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes avant 2030, nous attendons concrètement que :

– les États s’engagent à faire de l’éducation complète à la sexualité, une réalité ;

– les États déploient au niveau international, un financement pour la mise en œuvre d’interventions adaptées aux besoins des filles et des femmes sur un temps relativement long ;

– les États augmentent significativement leur soutien financier aux organisations de la société civile, notamment aux associations de jeunes féministes et s’appuient sur leurs compétences en matière de DSSR pour agir en conséquence ;

– les États lèvent les barrières administratives actuelles qui rendent complexe l’accès des associations féministes aux financements et que les modalités d’octroi de ces financements soient flexibles, accessibles, multi-annuels, définies de commun accord avec les associations féministes et qu’ils s’adaptent aux réalités, aux priorités d’actions et aux besoins des féministes. Ce faisant, les États garantissent la mise en œuvre des plans d’actions des associations féministes, le renforcement de leurs structures et une synergie d’action pour de plus grands impacts.

– les États garantissent la protection des féministes et les associent à la table des discussions.

Quels sont les meilleurs canaux de financement dans ce domaine ?

Pour les projets de DSSR, on pourrait penser à des accords de partenariats, des subventions, des conférences et évènements à tous niveaux, des parrainages et des appels à projets.

Il convient de préciser qu’actuellement les associations féministes bénéficient de peu d’accompagnement financier, notamment sur la question des violences faites aux femmes et aux filles. Le FGE représente alors un canal idéal et un moment approprié pour que les États s’engagent auprès des associations féministes.

Quelles enceintes internationales vous apparaissent comme les plus efficaces pour promouvoir les DSSR ?

– la réunion annuelle du partenariat de Ouagadougou ;

– l’UNAIDS, spécifiquement sur la question du VIH/sida qui pousse pour une approche basée sur les droits humains ;

– le FGE ;

– la Commission sur la condition de la femme des Nations unies (CSW) ;

– le Women Deliver.

Burkina Faso, Wendyam Micheline Kaboré

Wendyam Micheline Kabore , directrice exécutive de l’Initiative Pananetugri pour le bien-être de la femme (IPBF). IPBF vise à promouvoir l’épanouissement de la femme et de la jeune fille au Burkina Faso et dans la sous-région ouest-africaine.

Comment peut-on décrire, dans votre pays, la situation de l’accès des femmes au droit et à la santé sexuelle et reproductive ? Pouvez-vous nous présenter les actions que vous menez en ce sens ?

Au Burkina Faso, la situation de l’accès des femmes aux droits et à la santé sexuelle et reproductive (DSSR) s’est beaucoup améliorée ces dernières années, mais plusieurs défis restent à relever. Le droit des filles et des femmes à jouir de leur corps et à prendre des décisions les concernant continue d’être ignoré dans ce pays à forte dominance patriarcale. De jeunes filles abandonnent l’école parce qu’elles sont tombées enceintes ou sont précocement mariées. Des femmes décèdent à la suite d’accouchements rapprochés ou d’avortements clandestins. Face à cette situation, l’État burkinabè et des organisations de la société civile (OSC) mettent un point d’honneur à promouvoir les droits des femmes et des jeunes en matière de santé sexuelle reproductive (SSR). Les différentes parties travaillent notamment à réduire le taux des avortements, surtout ceux clandestins, à travers la mise en œuvre de politiques et d’actions préventives. En 2015, le pays a adopté une loi autorisant l’avortement, notamment en cas de viol, d’inceste, ou si la santé de la mère ou du fœtus est en danger. Cependant, les actes tardent à suivre. En effet, cette loi reste encore méconnue du grand public et elle est aussi ignorée par le corps médical et non appliquée en raison de jugements personnels. Les procédures d’accès à la justice sont également très complexes et les victimes mal outillées et sous-informées sur les procédures légales en la matière, d’où la persistance des pratiques néfastes pour les femmes, dont les avortements clandestins aux conséquences terribles pour les femmes, comme la stérilité, voire la mort.

L’Initiative Pananetugri pour le bien-être de la femme (IPBF) ne saurait rester insensible à cette situation. Consciente que la lutte pour l’amélioration de l’accès des femmes aux DSSR implique une synergie d’actions, notre organisation apporte sa pierre à l’édifice à travers plusieurs actions. Nous menons notamment des actions de sensibilisation et de plaidoyer. Aussi mettons-nous en place un vivier de jeunes filles et jeunes femmes leaders sensibles aux DSSR. Celles-ci aguerries sur les questions liées aux DSSR sont aptes à sensibiliser leurs pairs.

La mise en place des clubs de leadership dans les lycées, collèges, centres de formation professionnelle et associations de jeunes filles constitue une approche privilégiée par l’IPBF. Les jeunes filles leaders en charge de l’animation de ces clubs sont formées en leadership et outillées sur les questions de violences basées sur le genre (VBG), santé sexuelle reproductive (SSR) et compétences de vie courante (CVC) [164] afin d’assurer un bon fonctionnement des clubs, ainsi que la formation d’autres jeunes filles membres de ces clubs.

En termes de plaidoyer, un accent important est mis sur le droit à la santé sexuelle et reproductive des jeunes et principalement des jeunes filles. Les grossesses précoces et non désirées, les avortements clandestins sont néfastes pour les jeunes filles et handicapent considérablement leur avenir.

Comment est-il possible selon vous de promouvoir l’accès des filles et des femmes dans votre pays à un meilleur suivi médical en termes de santé sexuelle et reproductive ? Quels sont les obstacles rencontrés pour sa mise en œuvre ?

Pour promouvoir l’accès des filles et des femmes à un meilleur suivi médical en termes de santé sexuelle et reproductive au Burkina Faso, nous misons beaucoup sur trois principaux domaines : le plaidoyer, la sensibilisation et le renforcement des capacités. En effet, les défis en lien avec le suivi médical se situent à plusieurs niveaux.

Nous mettons en place des plaidoyers en direction de l’État et de ses partenaires afin qu’ils prennent davantage en compte les besoins spécifiques des filles et des femmes en matière de santé sexuelle et reproductive (SSR), investissent davantage dans la SSR, mettent en œuvre des politiques pour mieux satisfaire ces besoins et améliorer la qualité des soins offerts ainsi que l’accès des filles et des femmes aux services de santé sexuelle et reproductive. Des rapports d’études, d’enquêtes et d’activités, il ressort des insuffisances du corps médical à assurer un service efficace et adapté aux besoins en santé sexuelle et reproductive des filles et des femmes. Les jugements personnels, la réticence à offrir certains services aux jeunes filles et le manque de compétences dans certains domaines spécifiques de la SSR constituent des freins à la fréquentation des services de SSR par les adolescents et les jeunes adultes. Ce qui entraîne par conséquent un faible taux de suivi médical en SSR, car les jeunes viennent en consultation quand ils y sont contraints, mais dès qu’une solution est trouvée, ils ne reviennent plus pour le suivi.

La sensibilisation permet notamment d’apporter les informations justes sur les DSSR, de déconstruire, un tant soit peu, les normes sociales qui perpétuent les inégalités dans l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive et d’informer les populations sur les bonnes pratiques en matière de santé sexuelle et reproductive, pour le bien-être de la communauté, des femmes et des filles, en particulier. Pour y parvenir, nous organisons plusieurs activités, utilisons divers canaux de sensibilisation et nous impliquons tous les acteurs.

Enfin, nous travaillons au renforcement des capacités des leaders de jeunesse afin d’appuyer les actions de plaidoyer et de sensibilisation. Une jeunesse consciente constitue une grande richesse, d’où l’importance de développer les aptitudes, connaissances et capacités des jeunes – filles et garçons – à conduire leur vie par des choix judicieux et des comportements responsables à même de leur assurer un avenir meilleur.

Cependant, nous sommes confrontées à plusieurs difficultés dans le cadre de la mise en œuvre de ces différentes actions. Nous pouvons citer, entre autres, les normes sociales et culturelles, et les réticences individuelles. Certaines pratiques néfastes à l’encontre des femmes ont la peau dure. Elles sont engendrées et entretenues par le système patriarcal et ses corollaires qui sont des vecteurs de discriminations et de violations des droits des femmes au Burkina Faso. L’hostilité du contexte constitue un grand frein aux respects des droits des filles et des femmes. Certains sujets demeurant tabous à ce jour, ils occasionnent de fait la perpétuation des violences basées sur le genre (VBG).

Quelles actions seraient, selon vous, prioritaires pour que davantage de filles et de femmes aient accès à des structures de soin et aux informations leur permettant de connaître leurs droits, et lutter ainsi contre les mariages et grossesses chez les mineures, les mutilations génitales féminines, les violences basées sur le genre, etc. qu’elles subissent ?

Au Burkina Faso, la volonté politique a permis l’adoption de politiques favorables aux DSSR. Le ministère de la Santé, en collaboration avec des départements sectoriels du ministère, a mis en place des mesures phares, maintenant ainsi le leadership du pays en la matière.

En effet, le Burkina Faso a fourni d’importants efforts sur le plan politique et programmatique : politique de la délégation des tâches en planification familiale (PF), prise en compte de la PF dans le Plan national de développement économique et social (PNDES) et élaboration du plan national d’accélération de la PF (PNAPF 2017–2020) en révision. Il continue cette lancée à travers la récente adoption de la politique de la gratuité des soins et services de planification familiale, la révision du Code de santé publique et les politiques, les normes et protocoles en santé sexuelle et reproductive et les différentes politiques et initiative de lutte contre le cancer du col de l’utérus – dont la gratuité du dépistage et du traitement des lésions précancéreuses depuis 2016, la perspective d’introduction du vaccin contre les infections au papillomavirus dans la vaccination générale, etc.

Par ailleurs, le pays est partie prenante de plusieurs engagements en faveur des DSSR et a pris activement part à plusieurs instances de concertations sur les DSSR au niveau régional et international : partenariat de Ouagadougou, Family Planning 2020, Conférence internationale sur la PF, etc.

Ce tableau très reluisant peut laisser croire que les actions gouvernementales couvrent les besoins réels de la population. Or, malheureusement, des insuffisances sont toujours observées à tous les niveaux de la chaîne d’intervention.

Nous estimons certaines actions primordiales et nécessaires pour le respect des droits des filles et des femmes au Burkina Faso, à savoir :

– l’intégration de l’éducation complète à la vie sexuelle (ECS) dans le système de l’enseignement formel et non formel, en favorisant une sensibilisation à grande échelle des élèves et du corps enseignant sur la SSR et sur les VBG ;

– le renforcement de l’accès des adolescents et des jeunes adultes aux services de SSR avec la formation des prestataires de santé en l’approche spécifique des jeunes populations, afin d’accroître leurs capacités à offrir des services ciblés et adaptés aux besoins des jeunes ;

– la création d’espaces dédiés aux jeunes et équipement de ces espaces afin de permettre aux jeunes de bénéficier d’espaces récréatifs pour leurs activités ludiques et éducatives ;

– la sensibilisation/communication pour le changement de comportement. En plus de développer les capacités et les aptitudes des jeunes à prendre leur destin en main, il est primordial de renforcer les campagnes de communication grand public, afin de participer et de contribuer à la déconstruction des stéréotypes sexistes et de genre et ainsi favoriser un contexte respectueux des droits des filles et des femmes ;

– la réalisation d’actions de plaidoyer. L’application d’un système juridique qui dispose de tous les textes et décrets d’application nécessaires pour protéger les victimes de VBG est primordiale ;

– la mise en place de cliniques juridiques proposant l’assistance nécessaire aux victimes pour le respect de leurs droits et la réparation des dommages.

L’engagement en faveur de l’égalité femmes-hommes se traduit aussi par des programmes d’information touchant aussi bien les hommes que les femmes et des projets de sensibilisation sur les droits des femmes impliquant la participation des hommes. Quels types de programmes faudrait-il financer ?

Dans l’analyse du contexte réalisé par l’IPBF en 2019, il ressort comme principales au profit des jeunes filles et des femmes et réaliser des campagnes d’information à l’endroit des parents, leaders coutumiers et religieux sur la connaissance et le respect des droits des jeunes filles. Ces campagnes sont essentielles pour changer les attitudes néfastes et les normes sociales sous-jacentes qui handicapent le plein épanouissement des filles et des femmes. Il faut mener des actions de plaidoyer auprès des structures gouvernementales pour le vote et/ou l’application de textes favorables à la promotion des droits de la jeune fille et de la jeune femme.

En traduisant ces deux recommandations en actions, nous pouvons articuler des programmes spécifiques, aussi bien à destination des adolescents et des jeunes adultes, filles et garçons, qu’à destination de toute la population générale, hommes et femmes, pour atteindre les objectifs de l’égalité femmes-hommes. À ce titre, les financements doivent davantage cibler des programmes spécifiques pour les jeunes, pensés par les jeunes et mis en œuvre par eux- mêmes. L’implication des jeunes est primordiale, principalement les jeunes filles, qui sont les mieux indiquées pour parler de leurs difficultés et exprimer au mieux leurs besoins spécifiques. La question de la mobilisation des ressources est un point central de notre travail, d’où la mise en place par l’IPBF du fonds Pananetugri, première recommandation de l’étude diagnostique de 2019. En réponse aux défis de mobilisation des ressources accrus au sein des organisations dirigées et composées de jeunes filles et de jeunes femmes, nous confirmons que le financement d’initiatives développées et mises en œuvre par des jeunes femmes est essentiel.

Il va falloir promouvoir et soutenir des programmes sensibles au genre, des programmes inclusifs, car, aujourd’hui, il est très important de miser sur l’approche intégrée de la dimension de genre ( gender mainstreaming ). Le financement de programmes intégrant des approches impliquant les hommes et les femmes, tout en tenant compte de leurs spécificités, est à encourager. Il faut développer des hommes et des femmes, en mettant l’accent sur les programmes de sensibilisation à destination de toute la population, des plaidoyers spécifiques qui ciblent toutes les catégories sociales. Les programmes qui luttent contre les pesanteurs sociales et culturelles, qui contribuent à la déconstruction des stéréotypes sexistes et de genre et apportent un changement considérable du contexte sont complémentaires et nécessaires.

Enfin, il faut financer des programmes d’amélioration de l’environnement juridique burkinabè en soutenant l’adoption de textes juridiques favorables aux droits des filles et des femmes et en formant les acteurs de la justice pour optimiser leur travail.

L’école a aussi un rôle à jouer dans la lutte contre les discriminations en raison du genre, de l’orientation sexuelle, etc. et en faveur de l’éducation complète à la sexualité. Quels programmes sont ou pourraient être développés dans ce sens dans votre pays, et si cela existe, y’a-t-il des collaborations avec votre pays au niveau régional ?

L’éducation au Burkina Faso est à la croisée des chemins, après plusieurs expériences et réformes touchant aussi bien la forme que le fond. L’éducation burkinabè poursuit sa restructuration, avec à la clé des réformes récentes, qui sont sources de polémiques.

Elle est également éprouvée par les catastrophes naturelles, comme les inondations, et la crise sécuritaire que connaît le pays ces dernières années. Les données recueillies auprès du secrétariat technique de l’éducation en situation d’urgence indiquent, à la date du 5 février 2021, que 2 212 établissements sont fermés. Ces fermetures d’écoles affectent directement 316 040 élèves, soit 168 463 garçons et 147 577 filles, ainsi que 12 366 enseignants, soit 7 889 hommes et 4 481 femmes.

Cette situation alarmante a conduit à mettre en place plusieurs initiatives pour réintégrer les élèves dans le système scolaire. Plusieurs acteurs sont impliqués, le ministère en premier plan, les partenaires au développement, ainsi que les organisations intervenant sur les questions de l’éducation. Les organisations de défense des droits des filles et des femmes, dont l’IPBF, s’intéressent aussi à la question en créant des projets spécifiques. Par exemple, la stratégie de scolarisation accélérée (SSA/P), adoptée depuis 2006 par le ministère de l’Éducation et, au titre des organisations de la société civile, l’IPBF, met en œuvre un projet de plaidoyer guidé par les données en faveur de l’éducation des filles dans les situations de crise en Afrique. On peut compter beaucoup d’autres initiatives, mais peu d’entre elles intègrent la question des droits, principalement la lutte contre les discriminations en raison du genre, ou la problématique de l’éducation complète à la sexualité. Ce dernier point soulève des oppositions au Burkina Faso. En effet, en avril dernier, une déclaration du ministre de l’Éducation a laissé sans voix les acteurs qui militent en faveur de l’introduction de l’éducation complète à la sexualité. Ainsi, lors d’une interview, le ministre a déclaré : « Il y a la question de la sexualité en milieu scolaire qui est un phénomène aussi grave, surtout, de plus en plus, avec les tentatives de certains partenaires techniques et financiers qui veulent nous amener à accepter l’éducation complète à la sexualité. Dans le mot “complète”, c’est de nous faire admettre l’homosexualité [165] . »

Au vu des interventions sur le sujet, nous estimons qu’il est urgent qu’une communication spécifique voie le jour à travers un programme afin d’apporter les éclaircissements nécessaires sur l’introduction de l’éducation complète à la sexualité dans notre système scolaire. Nous, organisations de la société civile, adhérons aux recommandations des bénéficiaires et autres acteurs de projets, de contextualiser les différentes thématiques, concepts et stratégies en lien avec le sujet.

Il est nécessaire que les réponses soient en adéquation avec le contexte, et surtout que le langage utilisé par les acteurs soit compréhensible pour le plus grand nombre.

Des programmes de sensibilisation, de plaidoyer en faveur de « l’introduction de l’éducation à la vie familiale » (formulation adoptée par le Burkina Faso à la place de « l’éducation complète à la sexualité ») sont à encourager et à appliquer dans les plus brefs délais, afin de protéger la santé et d’améliorer l’avenir des jeunes filles et des jeunes garçons.

Il faut donc élaborer des politiques éducatives sensibles au genre, revoir les curricula de formation des enseignant-e-s en y intégrant l’éducation à la vie familiale, ainsi que des matières pouvant permettre d’enseigner les valeurs d’égalité et d’équité en milieu scolaire. Aussi faut-il retirer des programmes d’enseignement les manuels scolaires qui perpétuent les stéréotypes sexistes, les discriminations et les inégalités de genre. Pour ce faire, la réforme des formations des enseignants s’impose.

Quels engagements concrets attendez-vous du Forum génération égalité, notamment sur la partie consacrée à la promotion des droits sexuels et reproductifs ? Quels sont les meilleurs canaux de financement dans ce domaine ? Quelles enceintes internationales vous apparaissent comme les plus efficaces pour promouvoir les DSSR ?

Depuis la Conférence mondiale sur les femmes (Beijing en 1995), aucune action mondiale d’envergure en faveur de la SSR n’avait été posée par les États et la société civile. Craignant un recul sur ces droits, la France, le Mexique et ONU Femmes ont décidé de célébrer les vingt-cinq ans de ce temps clé à travers le Forum génération égalité (FGE) initialement prévu en juillet 2020, mais reporté en raison de la crise liée à la Covid-19. Cet évènement international se tiendra à Paris du 30 juin au 2 juillet 2021 et réunira, majoritairement en visioconférence, des acteurs de la société civile, des mouvements féministes, mais également des États, des chercheurs, des fondations et des entreprises. De ce fait, le forum à venir constitue un temps fort de l’engagement des défenseurs de l’égalité entre les femmes et les hommes de tous les horizons. Ce cadre de concertation mondial des défenseurs des droits des filles et des femmes est une occasion de mener des actions concrètes et de réaliser immédiatement et durablement des changements au profit des filles et des femmes. À travers la mise en place des six coalitions d’actions, la problématique des droits des filles et des femmes dans sa globalité sera traitée.

Nous attendons du Forum génération égalité des recommandations à l’endroit des différentes parties (États, organisations non étatiques, partenaires techniques et financiers, société civile…) pour une meilleure protection des droits à la santé sexuelle et reproductive. Cela inciterait les États à adopter des mesures fortes et concrètes, qui permettraient de réduire les inégalités de genre dans l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive et de mieux lutter contre les pratiques néfastes pour les filles et femmes, comme les avortements clandestins, les mutilations génitales féminines.

Ces engagements, qui seront pris principalement par les acteurs étatiques, les partenaires au développement et les autres parties prenantes, devront être traduits en actes ; matérialisés par des programmes clairement définis et formulés en vue de venir à bout des difficultés que rencontrent les filles et les femmes dans leur quête quotidienne d’accès aux droits sexuels et reproductifs.

En Afrique, et principalement dans la partie Ouest, région exposée à plusieurs maux – catastrophes naturelles, crise sanitaire et crise sécuritaire –, les défis sont énormes. Malheureusement, l’importance des besoins non satisfaits en lien avec la précarité des populations pose la question de la priorisation des enjeux nationaux. Les partenaires au développement, le système des Nations unies, les représentations diplomatiques constituent, à ce jour, les principaux pourvoyeurs de ressources du Burkina Faso.

Plusieurs projets sont développés par les grandes puissances mondiales, mais ils sont axés sur les questions sécuritaires, laissant malheureusement la question du développement à la responsabilité de l’État burkinabè, qui peine considérablement à soutenir cet enjeu. Pour les acteurs de la société civile, les ONG internationales sont les plus ciblées dans la mobilisation des ressources. La Banque mondiale, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), les ONG internationales travaillant sur la thématique, les institutions régionales africaines, l’Union africaine (UA) sont des structures, organisations ou instances à même de porter haut le combat pour l’accès de toutes et tous aux services des DSSR, au Burkina Faso et dans la sous-région.

Mali, Oumou Salif Touré

Oumou Salif Touré est membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest au Mali qui regroupe des militantes et militants féministes d’Afrique de l’Ouest francophone qui portent la voix des filles et des femmes dans les instances de décision au niveau local, régional, national et international.

Comment peut-on décrire, dans votre pays, la situation de l’accès des femmes au droit et à la santé sexuelle et reproductive ? Pouvez-vous nous présenter les actions que vous menez en ce sens ?

Le Mali présente des indicateurs assez faibles en matière de santé sexuelle et reproductive (SSR), notamment en termes de réalisation des droits sexuels et reproductifs (DSSR) pour les jeunes et adolescentes et encore plus pour les femmes. Les taux d’accès à la planification familiale et aux méthodes contraceptives y sont globalement bas, les taux de grossesses et mariages précoces et de violences liées au genre sont élevés, avec de fortes disparités régionales.

D’après le dernier recensement du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) publié en 2019, le Mali est classé au 184 e rang (sur 189) dans l’indice de développement humain (IDH). À cela s’ajoute une grande insécurité depuis 2012 liée aux attaques djihadistes et aux conflits intracommunautaires. Ce constat est le reflet de profondes inégalités économiques, sanitaires et sociales qui minent la croissance du pays et le bien-être de la population.

Bien que le contexte soit hostile, des actions ciblées sont menées sur ces sujets, avec un cadre légal relativement étoffé, bien que largement non appliqué, une société civile active et rassemblant un large panel d’acteurs et d’actrices.

Les sensibilités culturelles et les tabous entourant la sexualité empêchent souvent les citoyens de s’informer sur la santé et les soins en matière de santé sexuelle et reproductive, rendant difficile le traitement de ces questions par les gouvernements.

Comment est-il possible selon vous de promouvoir l’accès des filles et des femmes dans votre pays à un meilleur suivi médical en termes de santé sexuelle et reproductive ? Quels sont les obstacles rencontrés pour sa mise en œuvre ?

Malgré ce climat hostile, caractérisé par l’incapacité du gouvernement à faire passer le projet de loi pour l’éducation sexuelle complète, la démarche machiavélique de certains leaders religieux qui hypothèquent l’avenir de toute une génération et l’inaction d’une grande partie de cette jeunesse, certains jeunes sont sur le terrain dans la journée aux camps de déplacés internes, dans les établissements scolaires, dans les gares, à la radio et à la télé, la nuit dans les familles, au grin autour d’un thé, toutes les occasions sont bonnes pour informer, sensibiliser et orienter sur les questions de santé sexuelle et reproductive.

Certains des obstacles résultent des restrictions d’âge qui exigent le consentement des parents ou personnes décisionnaires pour les mineures tandis que d’autres sont issus des normes sociales qui freinent surtout la capacité des jeunes femmes à se renseigner sur leur sexualité et leur santé sexuelle et reproductive. Ces barrières dissuadent les adolescents à chercher une assistance médicale ou des informations au moment où ils commencent à avoir une vie sexuelle active et ont besoin d’avoir de telles informations pour leur propre sécurité. Le mariage d’enfant et la grossesse précoce ont de sérieuses répercussions négatives sur la capacité des filles à jouir de leur droit à l’éducation et à la santé.

L’exigence du consentement d’un tiers est un autre problème non négligeable. Les adolescents sont souvent confrontés à la difficulté de ne pouvoir accéder aux informations et aux services de santé reproductive et sexuelle qu’avec le consentement du parent, tuteur, époux ou docteur. L’accès des femmes aux services de santé ou aux cliniques qui fournissent ces services est entravé sous prétexte que la femme n’a pas l’autorisation du mari, du partenaire, des parents ou des autorités sanitaires, parce qu’elle est célibataire ou, simplement, parce que c’est une femme, ce qui est contraire à la loi n° 02–044 relative à la santé sexuelle et reproductive au Mali.

Pour s’assurer que les femmes et les filles sont bien accueillies et que leurs besoins sont pris en compte, il est nécessaire de développer un plaidoyer pour la création d’une ligne budgétaire spécifique à l’achat des produits contraceptifs afin que le coût soit amoindri, car le prix exorbitant proposé par les services de santé publique est dissuasif. Il faut aussi communiquer sans relâche sur l’existence de la loi SR au Mali, la majorité des acteurs travaillant dans ce domaine semblent l’ignorer. Cette méconnaissance a pour conséquence la violation des droits des bénéficiaires au vu et au su de tous.

Les nombreux défenseurs des droits de l’homme, organisations de la société civile et professionnels de santé qui œuvrent en faveur de la santé et des droits sexuels et reproductifs des femmes au Mali sont aussi touchés par ce problème. Dans certains contextes, des violences, des menaces, des propos haineux et des campagnes de dénigrement, notamment de la part de certains religieux, continuent de viser à la fois les défenseurs des droits de l’homme qui plaident pour l’égalité de genre et pour la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes et les professionnels de santé qui prodiguent des soins dans ce domaine.

Trop souvent, l’accueil hostile des prestataires dans les centres de santé, la discrimination par rapport à l’âge, le jugement des choix de la bénéficiaire du service ou carrément le refus d’octroyer une méthode contraceptive poussent les femmes et les filles dans le besoin à fuir les hôpitaux publics. En y allant, elles prennent aussi le risque de croiser des connaissances. Ainsi, la discrétion dont elles font preuve pour adopter une méthode contraceptive se volatilise complètement. C’est pourquoi il est important de souligner la nécessité de créer et d’animer des centres spécialisés en santé sexuelle et reproductive, avec des prestataires qualifiés au service des femmes dans le besoin.

Bien que chaque individu travaillant dans une structure sanitaire ait le droit d’avoir ses propres valeurs en ce qui concerne le comportement sexuel des jeunes et des adolescents, il est impératif que les prestataires reconnaissent que les adolescents et les jeunes, tout comme les adultes, ont des droits sexuels et reproductifs fondamentaux, dont le droit d’être traité avec dignité et respect, le droit d’avoir accès à une gamme de services, dont la contraception, accessibles et abordables et le droit à des services privés et confidentiels. Ces droits impliquent que les prestataires fassent la part des choses entre leurs valeurs personnelles et leur devoir professionnel afin d’offrir aux jeunes et aux adolescents des services de santé sexuelle et reproductive de qualité.

Quelles actions seraient, selon vous, prioritaires pour que davantage de filles et de femmes aient accès à des structures de soin et aux informations leur permettant de connaître leurs droits, et lutter ainsi contre les mariages et grossesses chez les mineures, les mutilations génitales féminines, les violences basées sur le genre, etc. qu’elles subissent ?

En termes de priorité, il faut miser sur la communication pour le changement de comportement générationnel. Il ne s’agit pas du schéma classique qui consiste à communiquer, sensibiliser pour le changement de comportement, mais plutôt du processus de protection de la nouvelle génération. Un terrain d’entente ne sera pas trouvé dans une société patriarcale et conservatrice comme le Mali.

Il est important que les programmes soient mis en œuvre dans toute la communauté, et pas uniquement pour les jeunes femmes ou les jeunes hommes. La constitution de systèmes de soutien solides et cohérents autour des jeunes peut prendre de nombreuses formes. Les adolescents et les jeunes ne sont pas un groupe hétérogène, les besoins peuvent varier en fonction de l’âge, du statut matrimonial ou encore des moyens de subsistance…

Il est important d’orienter la sensibilisation vers des cibles plus jeunes mais futures citoyens, les parents ont déjà été victimes de ce système obscurantiste qui consiste à les maintenir liés à des pratiques traditionnelles néfastes sous le couvert de la religion ou en accusant les rares défenseurs de droits humains de « prendre l’argent du Blanc ». Une nouvelle génération émerge, qui a besoin d’aide et a envie de se démarquer. C’est elle qui doit être au cœur des projets de sensibilisation, c’est à elle qu’il faut adresser les messages pour le changement de comportement, il faut lui faire comprendre l’importance d’étudier, de devenir responsable, indépendant, de s’acquitter de ses devoirs, de connaître et de réclamer son droit. Voilà comment la future génération sera protégée et fera front contre les maux qui minent notre société (violence basée sur le genre, mariage d’enfants, grossesse précoce…).

L’utilisation des réseaux sociaux comme canaux de sensibilisation ouvre de nouvelles possibilités d’accès aux informations. Les filles et les femmes peuvent découvrir leur corps de façon ludique ou non et prendre connaissance des différentes méthodes modernes de contraception ; elles peuvent également apprendre des mesures simples qui peuvent sauver la vie des enfants, des jeunes filles et des femmes. De nombreux exemples existants montrent, par exemple, comment la diffusion de témoignages de femmes victimes de violences basées sur le genre (VBG) et ayant pu reconstruire leur vie a été un moyen d’éducation puissant pour d’autres femmes, en les poussant à oser dénoncer les violences. Le fait aussi de montrer des femmes peu ou non éduquées devenues des modèles ou des leaders influentes qui participent aux décisions prouve que les femmes et les filles sont capables de gagner en confiance et ainsi discuter avec le conjoint et la famille des décisions qui concernent, entre autres, la santé, l’éducation des filles, lutter contre le mariage des enfants et militer pour le travail des femmes.

L’engagement en faveur de l’égalité femmes-hommes se traduit aussi par des programmes d’information touchant aussi bien les hommes que les femmes et des projets de sensibilisation sur les droits des femmes impliquant la participation des hommes. Quels types de programmes faudrait-il financer ?

Nous sommes tous responsables d’une vision plus féministe. L’égalité entre les femmes et les hommes est une exigence de la démocratie, la lutte pour l’égalité est une lutte universelle. Tout le monde doit s’impliquer : l’État, les collectivités territoriales, les élues et les élus, les enseignantes et les enseignants, les parents, les services jeunesse, les associations…

Il ne s’agit aucunement d’annuler la différence biologique entre l’homme et la femme, mais bien de travailler à plus d’égalité et de lutter contre les violences sexistes et sexuelles.

Et ce n’est pas qu’« une affaire de femmes » justement, c’est une affaire de justice sociale, d’où la nécessité d’impliquer les hommes dans les projets et les programmes exécutés. L’engagement des hommes peut être une approche utile dans cette lutte. La masculinité positive doit se trouver au cœur des actions, les hommes et les garçons sont vus comme des partenaires et des agents de changement afin de promouvoir activement l’égalité́ entre les sexes et de transformer les normes de genre inéquitables ou préjudiciables, y compris les formes nocives de masculinité. En fin de compte, cette approche vise à améliorer nos résultats afin que les hommes et les femmes puissent vivre en harmonie tout en respectant le libre arbitre des femmes.

Il faut insister sur le libre arbitre, parce qu’on a parfois tendance à croire que, sans les hommes, les projets pour l’égalité, les droits sexuels et reproductifs sont voués à l’échec. Cela reviendrait à perpétuer la logique patriarcale. Nos vies n’en dépendent pas. Les femmes et les filles sont plus qu’une minorité puissante qui peut s’imposer en élevant des «  he for she  » en forgeant le caractère des futurs hommes. Les stéréotypes seront déconstruits et une société égalitaire s’imposera, avec ou sans l’aide des hommes.

Quels ont été les impacts de la crise sanitaire liée à la Covid-19 sur l’accès à l’information et aux services de santé à disposition des jeunes et des femmes dans la région ?  Quels programmes sont ou pourraient être développés au niveau régional pour y remédier ?

L’éducation sexuelle complète à la malienne est un vrai casse-tête ! Malgré les efforts consentis par la société civile, le projet d’insertion de l’éducation sexuelle complète a été balayé d’un revers de main par les leaders religieux et leurs fidèles sous prétexte que nous voulons apprendre aux enfants à être des « homosexuels » ! À la suite d’un vaste mouvement de protestation médiatique sur les réseaux sociaux accompagné de meeting et marches sur les places publiques de la capitale, le projet est resté à l’état embryonnaires.

Les adolescents doivent bénéficier d’une information sur la santé sexuelle et reproductive et d’une éducation à cet égard qui soient médicalement exactes, complètes et adaptées à leur niveau. Il est démontré que l’éducation complète à la sexualité peut accroître les comportements propices à la protection de la santé sexuelle.

L’accès à l’information est crucial pour sensibiliser les adolescentes et les adolescents sur la santé et les droits sexuels et reproductifs. Au Mali, les cours de reproduction en biologie ne suffisent pas, ni les cours d’éducation à la vie familiale. Peu d’informations portent sur les violences basées sur le genre, le viol, la planification familiale. Les connaissances des jeunes restent souvent superficielles et incomplètes et empreintes de croyances ou d’idées reçues erronées de la personne qui enseigne. La véracité des faits dépend de son humeur, de sa croyance ou même parfois de son orientation politique.

L’éducation sexuelle en milieu scolaire est une nécessité à partir du moment où les parents ont démissionné. C’est à l’école de prendre le relais et briser le tabou lié à la sexualité, en s’adaptant à l’âge de l’enfant ou de l’adolescent.

Pour accompagner une nouvelle génération de jeunes capables de faire des choix éclairés, il faut au préalable leur fournir des informations objectives sur leur sexualité. Il faut écouter les adolescents dans le cadre de cette éducation complète à la sexualité. Ils ne sont pas de simples récipiendaires de programmes ; ce sont les premiers acteurs. Ils doivent être en possession d’informations actualisées et pertinentes pour devenir des alliés plus tard. Le gouvernement doit comprendre que l’investissement dans l’éducation complète à la sexualité garantit une éducation de qualité à ces jeunes, en particulier aux jeunes femmes et aux jeunes filles. Si plus de filles restent à l’école et sont dotées des connaissances nécessaires pour prendre des décisions cruciales, les répercussions seront inestimables.

Au-delà des aspects techniques et biologiques de la conception et de la maternité, il est primordial d’aborder les questions de droits en matière sexuelle et de la procréation des jeunes, les relations entre garçons et filles, les inégalités de genre et les stéréotypes qui dictent le modèle de société et de rôle en fonction du sexe. Toutefois, il faudrait s’assurer de la compétence et de la maîtrise des sujets par les animateurs, enseignants ou agents de santé qui en sont chargés et il faut surtout remettre sur la table l’insertion de l’éducation sexuelle complète dans les programmes scolaires.

Quels engagements concrets attendez-vous du Forum génération égalité, notamment sur la partie consacrée à la promotion des droits sexuels et reproductifs ? Quels sont les meilleurs canaux de financement dans ce domaine ? Quelles enceintes internationales vous apparaissent comme les plus efficaces pour promouvoir les DSSR ?

La politisation des questions des droits sexuels et reproductifs contribue à en faire un secteur négligé par les donateurs, alors que la santé des filles et des femmes est considérée comme une condition pour l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) et l’accélération de la croissance économique qui peut résulter d’une baisse rapide de la fécondité du pays et l’évolution ultérieure de la structure par âge de la population.

Dans les pays en développement, les besoins non couverts sont considérables et les financements insuffisants. La pandémie de la Covid-19 a contribué à accentuer les difficultés.

La réadoption de la politique de Mexico [166] (Global Gag Rule) par les États-Unis en 2017, a eu un impact désastreux sur le niveau du financement international disponible pour les DSSR. De nombreux jeunes ont été privés d’informations, de méthodes de contraception, beaucoup de centres d’information dédiés à la santé sexuelle et reproductive ont été fermés.

Le leadership français sur la Coalition d’action DSSR représente une opportunité majeure pour renforcer les engagements politiques en faveur de la réalisation des DSSR et pour assurer la concrétisation de ces engagements à travers des financements suffisamment ambitieux pour contribuer à combler le manque de financement au niveau international.

Niger, Nafissa Hassan Alfari

Nafissa Hassan Alfari est présidente de la Cellule nigérienne des jeunes filles leaders (CNJFL). La CNJFL agit en faveur de la promotion de l’éducation de ses jeunes filles et femmes, le leadership et l’entrepreneuriat féminin.

Comment peut-on décrire, dans votre pays, la situation de l’accès des femmes au droit et à la santé sexuelle et reproductive ? Pouvez-vous nous présenter les actions que vous menez en ce sens ?

Au Niger, la question de l’accès des femmes aux droits à la santé sexuelle et reproductive est en pleine évolution. Des progrès sont engagés parce qu’aujourd’hui les femmes et les jeunes filles affirment leurs droits à la santé sexuelle et reproductive (DSSR). Le tabou sur des questions, comme la gestion des menstruations, est en train d’être levé. Nous avons un taux de prévalence contraceptive au-delà de 20 % et notre ambition est de le voir doubler. Les femmes utilisent de plus en plus les méthodes contraceptives et ont accès aux services de santé et aux méthodes contraceptives en milieu urbain. Les communautés commencent à prendre conscience de l’importance de parler de la santé sexuelle et reproductive (SSR), mais également du fait que l’accès à la santé sexuelle et reproductive est un droit fondamental pour les femmes. Nous avons également une loi sur la santé de la reproduction, datée du 24 mai 2006 [167] . Mais, malgré toutes ces avancées, les femmes et les filles n’ont pas un accès complet à tous leurs droits en matière de santé sexuelle et reproductive. Par exemple, en ce qui concerne la planification familiale, le mari doit donner son approbation pour que la femme puisse accéder à la planification familiale. Il arrive même souvent que le mari se présente au centre de santé avec sa femme pour choisir la méthode contraceptive et impose son avis. Du fait d’une mauvaise interprétation, aujourd’hui, les femmes qui utilisent la contraception sont susceptibles d’être jugées par la société, qui imagine qu’elles veulent cesser les naissances ou qu’elles ne veulent pas être mère alors que la planification familiale est tout simplement un espacement des naissances. Le droit au plaisir des femmes n’est pas reconnu totalement parce qu’il existe encore des pratiques de mutilation génitale, même si elles sont de moins en moins fréquentes. L’enjeu est fort, parce qu’au Niger une femme sans enfant est stigmatisée par la société, la norme étant que les femmes enfantent beaucoup. Dans le cadre de l’accès des femmes au droit à la santé sexuelle et reproductive, nous menons des activités de sensibilisation sur la gestion de l’hygiène menstruelle et sur le développement et le fonctionnement reproductif de la femme, nous avons aussi mis en place des cercles d’influences où les femmes et les jeunes filles se réunissent pour discuter de ces questions avec un ou une spécialiste de la santé qui leur donne les informations nécessaires en matière de santé sexuelle et reproductive. Nous siégeons également à la coalition nationale des jeunes ambassadeurs sur la santé sexuelle et reproductive et travaillons avec d’autres structures, comme Lafia Matassa, sur les sensibilisations des jeunes et des femmes en matière de santé sexuelle et reproductive.

Comment est-il possible selon vous de promouvoir l’accès des filles et des femmes dans votre pays à un meilleur suivi médical en termes de santé sexuelle et reproductive ? Quels sont les obstacles rencontrés pour sa mise en œuvre ?

Pour promouvoir l’accès des filles et des femmes du Niger à un meilleur suivi médical en termes de santé sexuelle et reproductive, il faut faire comprendre aux femmes qu’elles ont des droits en matière de SSR, qu’elles ont la possibilité de jouir de ces droits et, pour cela, il faut les sensibiliser à la santé sexuelle et reproductive. Il faudrait mettre en place les conditions nécessaires pour qu’elles puissent avoir accès à de meilleurs services médicaux en la matière. Et cela passe forcément par la création des centres de santé qui prennent en charge les questions de santé sexuelle et reproductive et répondent spécifiquement aux besoins des femmes, dans les villages les plus reculés. Il faut que toutes les femmes, où qu’elles soient, puissent avoir accès à ces services, afin de pouvoir les suivre. En, effet, les longues distances qu’elles doivent parcourir pour être prises en charge dans les centres les dissuadent de revenir régulièrement, souvent, elles ne reviennent pas avant un an ou deux après leur premier rendez-vous. Le personnel médical doit être formé pour pouvoir prendre en charge les femmes en toute confidentialité, sans jugement, et, surtout, il doit savoir reconnaître leurs problèmes, les mettre à l’aise quand elles se présentent dans les services afin de répondre à leurs besoins en matière de santé sexuelle et reproductive.

Dans la mise en œuvre des projets et programmes pour promouvoir l’accès des femmes à la santé sexuelle et reproductive, il faut impliquer les maris, les hommes, les garçons, les leaders religieux et coutumiers pour qu’ils puissent, eux aussi, porter ce message de droit en santé sexuelle et reproductive des femmes, afin d’amener toute la communauté à adopter un comportement favorable aux droits à la santé sexuelle et reproductive des femmes et des jeunes filles. Cette implication permettra aux femmes d’aller librement dans les services de santé sans peur du jugement et de jouir librement de ce droit fondamental. Le premier et plus grand obstacle que rencontrent les projets et programmes qui traitent de l’accès des femmes et jeunes filles à la santé sexuelle et reproductive dans leur mise en œuvre est la mauvaise interprétation de la formule « santé sexuelle et reproductive ». Car, quand on parle de santé sexuelle et reproductive, les communautés imaginent qu’il s’agit d’empêcher la femme d’accoucher ou d’arrêter les naissances, autant de préjugés alimentés par un système patriarcal. Parallèlement, il y a aussi le fait que les femmes et les filles manquent d’informations sur la santé sexuelle et reproductive parce qu’elles habitent trop loin des centres de santé. Pour finir, il y a aussi le fait que les jeunes filles sont généralement stigmatisées dans les centres de santé à cause de leur situation matrimoniale.

Quelles actions seraient, selon vous, prioritaires pour que davantage de filles et de femmes aient accès à des structures de soin et aux informations leur permettant de connaître leurs droits, et lutter ainsi contre les mariages et grossesses chez les mineures, les mutilations génitales féminines, les violences basées sur le genre, etc. qu’elles subissent ?

Pour que davantage de filles et de femmes aient accès à des structures de soin et aux informations leur permettant de connaître leurs droits et pour lutter contre les mariages et grossesses précoces, les mutilations génitales féminines et les violences basées sur le genre, les actions concernent en premier lieu le cadre juridique. Il est urgent de mettre en place d’une loi spécifique pour lutter contre les violences basées sur le genre et veiller à sa vulgarisation et à son application effective. Au-delà du cadre législatif, il faut aussi mettre en œuvre des politiques et programmes pour que les communautés prennent en compte le droit des femmes à la santé sexuelle et reproductive. Ce qui permettrait un éveil de la conscience collective, car la femme doit être considérée comme un être humain à part entière avec des droits, condition nécessaire à leur émancipation et à leur épanouissement au sein de la société. Il faut également mettre l’accent sur le leadership féminin en initiant les filles dès leur plus jeune âge à prendre conscience de leur potentiel, à reconnaître leurs droits et exiger le respect. Au Niger, un décret porte sur la protection, le soutien et l’accompagnement de la jeune fille dans sa scolarité, l’État s’engage ainsi à promouvoir l’éducation des jeunes filles. Malheureusement, la mise en application de ce décret n’est pas effective. C’est pourquoi il est important de mobiliser et d’impliquer toutes les parties prenantes qui œuvrent dans le domaine de l’éducation afin de soutenir le gouvernement du Niger dans sa lutte pour la promotion de l’éducation des filles.

Il est aussi crucial d’amplifier le plaidoyer pour la lutte contre le mariage des enfants et les grossesses précoces auprès des acteurs intervenant dans le domaine, des leaders communautaires et religieux, parce qu’ils sont la porte d’entrée pour toucher les communautés. Les actions de plaidoyer doivent concerner aussi les autorités nigériennes, les élus nationaux parce que ce sont eux qui proposent et votent les lois. Il serait aussi préférable, pour avoir un impact plus important, que ces actions de plaidoyer soient portées par les filles elles-mêmes, parce qu’elles sont plus légitimes à mener leurs revendications. Il faut responsabiliser les femmes en les impliquant dans les instances de décision pour qu’elles portent les préoccupations qui concernent les femmes en matière de santé sexuelle et reproductive. Il faut aussi mettre en place des numéros verts qu’elles peuvent appeler gratuitement pour avoir des informations sur la santé sexuelle et reproductive et aussi sur les violences basées sur le genre. Enfin, il faut privilégier les dialogues communautaires qui traitent des droits des femmes et des violences basées sur le genre.

L’engagement en faveur de l’égalité femmes-hommes se traduit aussi par des programmes d’information touchant aussi bien les hommes que les femmes et des projets de sensibilisation sur les droits des femmes impliquant la participation des hommes. Quels types de programmes faudrait-il financer ?

L’engagement en faveur de l’égalité femmes-hommes se traduit par des programmes d’information touchant aussi bien les hommes que les femmes et des projets de sensibilisation sur les droits des femmes impliquant la participation des hommes. Pour cela, les types de programmes qu’il faut financer sont, entre autres, les projets qui prennent en compte l’aspect du genre et qui impliquent les leaders communautaires, les leaders religieux, qui sont écoutés dans les communautés, car il est plus facile d’aborder une communauté, de la faire évoluer, quand on lie ces leaders à notre cause. Il faut prendre en compte les programmes de sensibilisation qui mettent un accent particulier sur les jeunes garçons pour que les changements de comportements puissent voir le jour, parce que tout commence par les plus jeunes et l’éducation.

L’école a aussi un rôle à jouer dans la lutte contre les discriminations en raison du genre, de l’orientation sexuelle, etc. et en faveur de l’éducation complète à la sexualité. Quels programmes sont ou pourraient être développés dans ce sens dans votre pays, et si cela existe y a-t-il des collaborations avec votre pays au niveau régional ?

Actuellement, au Niger, l’éducation à la santé de la reproduction des adolescents et des jeunes est enseignée à l’école, elle est présente dans le curriculum de formation des enseignements de SVT (science de la vie et de la terre) et d’économie familiale. Au début, on avait milité pour un cours d’éducation complète à la santé sexuelle, mais les communautés se sont opposées à l’initiative. De ce fait, les autorités ont impliqué les leaders religieux dans les démarches du projet, ils ont réussi à contextualiser le sujet pour ne pas heurter la sensibilité des uns et des autres. C’est pourquoi il devrait être possible de porter ces initiatives au niveau régional pour que chaque pays les intègre dans les programmes d’enseignement. Il est également important de cibler les élèves et les écoles dans les programmes et les projets de sensibilisation de lutte contre les discriminations en milieu scolaire, en mettant l’accent sur le vivre-ensemble et l’importance d’accepter les différences pour inclure tout le monde.

Quels engagements concrets attendez-vous du Forum génération égalité, notamment sur la partie consacrée à la promotion des droits sexuels et reproductifs ? Quels sont les meilleurs canaux de financement dans ce domaine ? Quelles enceintes internationales vous apparaissent comme les plus efficaces pour promouvoir les DSSR ?

Nous attendons du Forum génération égalité qu’il soit l’occasion de renforcer les engagements de la part de tous les acteurs qui interviennent dans le domaine, qu’il soit également l’opportunité de mobiliser des financements pour mettre en œuvre des projets et des initiatives de façon décentralisée, c’est-à-dire des actions au plus près des communautés. Nous souhaitons également que ce forum puisse permettre à l’État du Niger de mobiliser assez de bailleurs pour la mise à l’échelle des bonnes pratiques que nous avons développées au Niger. Les meilleurs canaux de financement dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive passent par le financement au niveau local, c’est-à-dire les organisations de la société civile au niveau local, surtout les organisations dirigées par les jeunes et les femmes. Parmi les enceintes internationales qui sont les plus efficaces pour promouvoir les droits à la santé sexuelle et reproductive, il y a le partenariat de Ouagadougou sur la DSSR, la société civile en faveur de la planification familiale, la Conférence internationale sur la planification, le comité de haut niveau en faveur de l’éducation complète à la sexualité de l’Unesco en Afrique de l’Ouest et du Centre.

République démocratique du Congo, Jean-Claude Mulunda

Jean Claude Mulunda , directeur d’IPAS pour la République démocratique du Congo. IPAS est une organisation non gouvernementale internationale qui travaille à l’échelle mondiale pour élargir l’accès à l’avortement et à la contraception.

Comment peut-on décrire, dans votre pays, la situation de l’accès des femmes au droit à la santé sexuelle et reproductive ? Pouvez-vous nous présenter les actions que vous menez en ce sens ?

La situation concernant l’accès aux droits à la santé sexuelle et reproductive (DSSR) en République démocratique du Congo reste complexe et confuse. En effet, les lois sur les DSSR, dont celles relatives à la contraception, à l’avortement sécurisé, à la prévention et à la prise en charge des violences sexuelles et basées sur le genre se contredisent au lieu de se compléter. Dans le même temps, le pays fait face à une guerre dans sa partie Est (Nord et Sud Kivu) qui n’en finit pas et qui s’est même étendue au centre du pays (phénomène Kamuina Nsapu au Kasai). De plus, une des stratégies utilisées par le groupe armé est la violence sexuelle, basée sur le genre. Il y a quelques années, la République démocratique du Congo a même été qualifiée de « capitale mondiale du viol ». Le système sanitaire est très fragile, avec très peu d’affectation budgétaire au niveau national, dépendant ainsi, en majeure partie, des apports extérieurs, eux aussi sujets à des restrictions diplomatiques, sécuritaires ou sanitaires (comme en témoignent la crise liée à la Covid-19 et les épidémies à répétition, dont celles d’Ebola).

Le contexte de la santé publique

La situation de la santé de la mère demeure préoccupante au regard des ratios de mortalité maternelle (693 femmes pour 100 000 naissances vivantes [168] ). Cette situation est en partie le résultat de la prévalence élevée des grossesses à risque due à la faible utilisation des services de planification familiale (7,8 % de femmes en union utilisent les méthodes contraceptives modernes [169] ). Les violences sexuelles et basées sur le genre, l’inceste, le mariage précoce et forcé, le faible accès à l’information de qualité, particulièrement pour les jeunes, la faible considération des droits dans les services de santé de la reproduction, qui ne garantit pas le choix aux femmes et aux jeunes filles, les us et coutumes, la religion, le faible pouvoir de décision pour les femmes, y compris sur leur corps et leur santé sont autant de freins au plein accès aux DSSR. Malgré la tendance vers une amélioration, avec 18 % de la prévalence contraceptive [170] , les besoins non satisfaits en planification familiale et en contraception restent élevés. Ceci explique le besoin pour le plus grand nombre de femmes à recourir à l’avortement. L’inexistence des soins sécurisés conduit malheureusement toutes ces femmes à recourir à des soins non sécurisés, à l’avortement à risque, avec toutes les conséquences immédiates et tardives que l’on peut imaginer sur le bien-être de la femme, sa vie et ses droits. L’avortement clandestin non sécurisé représente la deuxième cause de mortalité maternelle dans le pays. Une étude de 2016 réalisée par l’École de santé publique de Kinshasa en collaboration avec l’institut Guttmacher sur l’incidence des avortements provoqués à Kinshasa [171] a montré que deux grossesses sur cinq se sont terminées par un avortement dans la capitale congolaise avec une moyenne de 146 700 avortements par an, soit 400 avortements par jour et 17 par heure. La même source indique que le pourcentage de grossesses non désirées qui se terminent par un avortement est estimé à 43 % et que près de deux tiers de ces femmes ayant subi un avortement dans les conditions non sécurisées ont souffert des complications allant de modérées à graves.

Le contexte légal

Le Code pénal congolais criminalise la contraception (articles 165 et 166) et l’avortement en même temps (article 178) : toute promotion de la contraception, publicité, vente des produits contraceptifs ou offre des services dans les hôpitaux ou dans la communauté y est prohibée. L’accès à l’avortement sécurisé n’est pas autorisé non plus, même pas pour les cas de risques vitaux mettant en danger la santé ou la vie de la mère et/ou du fœtus. Le viol est considéré comme un acte d’attentat aux mœurs et non un crime indescriptible. Aucun droit n’est reconnu à la femme, pas même celui d’avoir accès à l’information de qualité afin d’opérer des choix éclairés.

Le Code de déontologie médicale ne reconnaît pas non plus le droit pour les femmes et les jeunes filles à recourir à l’avortement sécurisé. À la différence du Code pénal, le Code de déontologie médicale reconnaît aux femmes le droit d’accès à l’avortement sécurisé pour des cas de risques d’atteinte à la santé physique de la mère ou en cas de malformation fœtale incompatible avec la vie. Mais, même dans ces cas, il faut une évaluation préalable de trois médecins différents et une autorisation d’un officier de l’état civil. Ce qui rend le processus long et ne permet pas souvent aux femmes de bénéficier de cette exception. Certaines femmes obtiennent les différents documents exigés alors que la période d’interruption de grossesse est déjà passée. Elles ont alors souvent recours à la clandestinité et aux soins non sécurisés.

La nouvelle loi sur la santé publique publiée en 2018, quelques mois après la publication du Protocole de Maputo au Journal officiel , faisant de ce dernier une loi immédiatement applicable, n’a pas intégré les indications de ce protocole, énoncées en son article 14. La loi sur la santé publique a repris les restrictions controversées du Code pénal sur l’accès à l’avortement et ne laisse aucun choix à la femme à part celui de recourir à la contraception.

Le Protocole de Maputo, c’est-à-dire le « Protocole à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes », a été, dès sa ratification par le pays, une chance unique pour les femmes et les jeunes filles congolaises d’avoir accès à leurs droits de santé sexuelle et reproductive, y compris la possibilité d’avoir accès à l’avortement sécurisé. Malheureusement, il a fallu attendre près de dix ans avant que le protocole ne soit mis en œuvre. En effet, conformément à la loi congolaise, le Protocole de Maputo devait d’abord être publié au Journal officiel. D’où le plaidoyer engagé par les organisations internationales et nationales entre 2008 (année de ratification) et 2018 (année de publication au Journal officiel ) pour obtenir sa publication, qui a marqué la suprématie de cette loi sur les lois internes de la République démocratique du Congo conformément à la Constitution de la République démocratique du Congo (article 215). Le Protocole de Maputo a le mérite d’élargir les choix de la femme en autorisant l’avortement sécurisé en cas de viol, en cas d’inceste, ou de problèmes de santé mentale ou de santé physique de la mère et ou de malformation fœtale incompatible avec la vie. Comme dit précédemment, le Protocole de Maputo appliqué immédiatement après sa publication au Journal officiel fait de lui une loi au-dessus des lois locales.

En pratique : Applications des lois

Au niveau judiciaire, l’application des lois, dont le Code pénal, le Code de déontologie médicale, la loi sur la santé publique et le Protocole de Maputo dépend :

– du niveau de connaissances dont dispose le juge et, bien entendu, du Code pénal et du Code de déontologie médicale, qui, par leur ancienneté, sont les plus connus et les plus appliqués, condamnant ainsi par défaut les femmes, les jeunes filles et les prestataires cliniques, ainsi que les agents de santé communautaires impliqués dans la recherche des soins (clients), l’orientation (agents communautaires) et l’offre des soins d’avortement sécurisé dans le cadre de l’application du Protocole de Maputo dans le pays ;

– de la réticence face à l’avortement. En effet, des juges, connaissant l’existence du Protocole de Maputo, préfèrent l’ignorer et prononcent leur jugement en se référant uniquement aux lois restrictives, dont le Code pénal, le Code de déontologie médicale et la loi sur la santé publique. Ceci à cause des pesanteurs sociales et de la stigmatisation contre les droits de santé sexuelle et reproductive, notamment l’avortement sécurisé ;

– de la faible connaissance des nouveaux textes légaux par les avocats censés défendre les clientes.

Au niveau du système de santé, grâce au plaidoyer conduit par les organisations nationales et internationales en faveur de la mise en application du Protocole de Maputo, le ministère de la Santé a élaboré et validé les normes et directives des soins complets d’avortement qui constituent une étape importante vers l’accès à l’avortement sécurisé suivant les indications du Protocole de Maputo. Les normes et directives qui sont, dans leur contenu, les plus progressistes possible, offrant à la femme plus de choix et de pouvoir, indiquent qui, quand, où et comment les soins d’avortement sécurisé peuvent être offerts en République démocratique du Congo.

Si ces normes sont prêtes pour être utilisées afin de répondre aux besoins des femmes et des jeunes filles en matière d’avortement, quelques préalables sont à considérer et constituent des points d’actions sur lesquels nous travaillons avec les différentes parties prenantes, à savoir :

– la dissémination de ces normes et directives au sein du système de santé, touchant à la fois les gestionnaires et les prestataires cliniques des soins dans le secteur public et dans le privé. Cette étape est importante, car elle permet aux prestataires cliniques disponibles de proposer des soins d’avortement sécurisés suivant les méthodes et les technologies reconnues par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ceci réduit aussi le recours à des méthodes déclarées obsolètes, comme le curetage ;

– la formation des prestataires cliniques aux nouvelles normes qui nécessitent le développement préalable des outils de formation. Les prestataires ont été jusqu’ici formés pour apporter les soins après l’avortement, donc la prise en charge des complications après avortement non sécurisé, et ce en usant de méthodes obsolètes. D’où la nécessité de les former sur l’utilisation des nouvelles méthodes incluant l’avortement médicamenteux ;

– la disponibilité des commodités d’avortement qui est aussi un gros défi pour l’accès aux soins dans le pays, non seulement d’avortement, mais de tous les autres soins de santé de base ;

– la lutte contre la stigmatisation au sein des formations sanitaires, particulièrement pour les jeunes et les personnes vivant avec un handicap, personnes qui sont considérées comme ne devant pas avoir de rapports sexuels suivant les normes sociales.

Au niveau communautaire, le plus important est l’acceptation de l’acte d’avortement, la reconnaissance des droits de la femme à recourir à l’avortement quand elle le souhaite, ainsi que le référencement communautaire pour les soins de qualité et l’appui psychosocial aux clients et aux prestataires cliniques [172] . Plusieurs actions en cours doivent être renforcées :

– la vulgarisation du Protocole de Maputo ;

– la clarification des valeurs et transformation des attitudes face à l’avortement, particulièrement pour les leaders communautaires ;

– la communication pour la transformation des normes sociales ;

– la promotion des droits de la femme et des droits de santé sexuelle et reproductive ;

– le dialogue sur les droits sexuels et reproductifs incluant les religieux ;

– le dialogue intergénérationnel impliquant les jeunes pour la prise en compte de leurs besoins.

Comment est-il possible selon vous de promouvoir l’accès des filles et des femmes dans votre pays à un meilleur suivi médical en termes de santé sexuelle et reproductive ? Quels sont les obstacles rencontrés pour sa mise en œuvre ?

Au-delà de la loi qui restreint l’accès des femmes et des jeunes filles à leur DSSR dans le pays, on relève d’autres obstacles. Premièrement, la faible connaissance des femmes et des filles de leurs droits, particulièrement ceux relatifs à la santé et aux DSSR. Ceci est dû au fait que tout ce qui concerne le sexe et la reproduction est un tabou. Les jeunes filles n’ont pas accès aux informations sur les différentes transformations que subit leur corps et ce à quoi ceci les expose, entre autres, à la prédation des adultes véreux, elles ne sont pas non plus informées sur leurs menstruations et la manière de les gérer.

Deuxièmement, les us et coutumes ne promeuvent pas les droits de la femme en général, et les DSSR en particulier. Ceci explique l’accroissement des cas de violences sexuelles et basées sur le genre, les mariages forcés et précoces, ainsi que l’inceste.

Il faut noter aussi l’influence de la religion et des religieux sur la vie sociale et politique. Le système religieux conservateur maintient et accroît son influence sur les politiques et les autres leaders communautaires, ce qui retarde la mise en place des politiques qui favorisent la promotion des DSSR.

Enfin, le faible engagement communautaire en faveur des droits de la femme en général, des DSSR en particulier, prive la femme et la jeune fille victimes des abus (mariage forcé, viol, avortement clandestin…) du soutien social, gage de sa réinsertion au niveau de sa communauté et de son autonomisation.

Quelles actions seraient, selon vous, prioritaires pour que davantage de filles et de femmes aient accès à des structures de soin et aux informations leur permettant de connaître leurs droits et lutter ainsi contre les mariages et grossesses chez les mineures, les mutilations génitales féminines, les violences basées sur le genre, etc. qu’elles subissent ?

Les actions prioritaires en République démocratique du Congo devraient être, à mon sens :

– la mise en place des stratégies de plaidoyer pour l’amélioration du cadre légal, entre autres, l’application des pactes et protocoles internationaux, comme le Protocole de Maputo, le Comité pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (CEDEF), ainsi que leur harmonisation avec les lois locales à travers la mise à jour de ces dernières ;

– le renforcement de l’appropriation nationale du processus de promotion et de protection des droits de la femme et des DSSR à travers l’implication des leaders communautaires et religieux, dont les capacités doivent être au préalable renforcées et les valeurs clarifiées ;

– le renforcement de la cohésion communautaire autour des DSSR à travers la mise en place de dialogues entre leaders et communautés et la mise en place de dialogues intergénérationnels. Ceci permet de mettre l’accent sur les récentes évolutions (de valeurs, de technologies…) et d’adapter les lois et les considérations sociales ;

– le développement des stratégies de communication et de sensibilisation visant les femmes et les jeunes filles afin qu’elles puissent connaître leurs droits, les revendiquer et en jouir ;

– le renforcement du pouvoir et de l’autonomie de la femme à travers la promotion des soins auto-gérés d’avortement et de contraception, la redevabilité du système de santé et de la communauté ;

– l’intégration des DSSR dans tous les programmes de promotion du genre.

L’engagement en faveur de l’égalité femmes-hommes se traduit aussi par des programmes d’information touchant aussi bien les hommes que les femmes et des projets de sensibilisation sur les droits des femmes impliquant la participation des hommes. Quels types de programmes faudrait-il financer ?

Il faudrait financer des programmes qui favorisent la participation des hommes, dont ceux relatifs à la masculinité positive et à la promotion du genre. La violence, le manque d’empathie dont font montre les hommes sont les fruits de la masculinité toxique. Ces stéréotypes sont l’héritage transmis de génération en génération ignorant les conséquences néfastes sur le bien-être de la femme, son autonomie et la contribution au développement du pays. Il faut favoriser les programmes intégrés, ceux qui traitent des DSSR dans leur ensemble comme faisant partie des droits humains, sans en exclure aucun.

L’école a aussi un rôle à jouer dans la lutte contre les discriminations en raison du genre, de l’orientation sexuelle, etc. et en faveur de l’éducation complète à la sexualité. Quels programmes sont ou pourraient être développés dans ce sens dans votre pays, et si cela existe y a-t-il des collaborations au niveau régional ?

L’école joue un rôle important dans l’éducation des jeunes. En République démocratique du Congo, il y a lieu de plaider en faveur de la mise à jour du cours d’éducation à la vie afin d’intégrer les notions du genre, d’éducation sexuelle complète, des DSSR en général. L’actuel cours d’éducation à la vie renforce la masculinité toxique et ne donne pas des informations complètes aux jeunes. Il n’offre en l’état ni choix ni autonomie, au contraire, il crée un décalage entre ce que les jeunes apprennent à l’école et la réalité que ces derniers vivent au quotidien.

Quels engagements concrets attendez-vous du Forum génération égalité, notamment sur la partie consacrée à la promotion des droits sexuels et reproductifs ? Quels sont les meilleurs canaux de financement dans ce domaine ? Quelles enceintes internationales vous apparaissent comme les plus efficaces pour promouvoir les DSSR ?

Le contexte de l’Afrique subsaharienne en général, celui de la République démocratique du Congo en particulier, montre qu’il faut passer par les instruments juridiques internationaux pour favoriser la promotion des DSSR dans les pays du Sud. Dans ce cas, il faut harmoniser les lois nationales afin de les adapter aux engagements internationaux du pays. Ceci nécessite un plaidoyer au plus haut niveau à travers les missions diplomatiques, l’aide au développement, la coopération bilatérale et multilatérale. Pour ce qui est des canaux de financement, il est préférable d’accroître les financements aux organisations locales pour lesquelles les organisations internationales apportent appui technique et renforcement des capacités. Il faut donc alléger les conditions de financement des organisations locales particulièrement, les organisations féministes et les coalitions qui militent pour les DSSR, encourager les projets qui renforcent l’appropriation nationale à travers la participation communautaire et, enfin, favoriser les programmes qui intègrent les DSSR.

Sénégal, Fatou Ndiaye Turpin

Fatou Ndiaye Turpin est championne de la Planification familiale et directrice exécutive du Réseau Siggil Jigéen (RSJ). Le Réseau Siggil Jigéen est une ONG engagée pour l’amélioration du statut de la femme, ainsi que pour la promotion et la protection des droits des femmes au Sénégal.

Comment peut-on décrire, dans votre pays, la situation de l’accès des femmes au droit à la santé sexuelle et reproductive ? Pouvez-vous nous présenter les actions que vous menez en ce sens ?

En dépit des efforts concertés du gouvernement, des ONG et de la communauté internationale, le taux de mortalité maternelle demeure trop élevé au Sénégal, avec plus de 236 femmes pour 100 000 naissances vivantes selon les estimations du Système des Nations unies (SNU) en 2017 [173] . Le taux élevé de mortalité maternelle peut être imputé non seulement à l’insuffisance des infrastructures de soins sanitaires, mais aussi aux forces sociales et culturelles qui privent la femme du droit à la santé tout au long de son cycle de vie. Le mariage et les grossesses précoces, les mutilations génitales féminines/l’excision (MGF/E) et le fait que la maternité soit considérée comme un devoir pour la femme sont des facteurs contribuant à un taux élevé de la mortalité maternelle. Le gouvernement du Sénégal doit prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir aux femmes leur droit à une maternité sans risque.

L’avortement provoqué est illicite et puni d’une peine d’emprisonnement et d’une amende. L’avortement thérapeutique est autorisé par le Code de déontologie médicale, mais n’est pas explicitement reconnu par le Code pénal. Le Sénégal a conservé ces lois répressives en dépit de l’augmentation des avortements provoqués pratiqués de manière clandestine, alors que ces derniers contribuent au taux élevé de la mortalité maternelle, particulièrement chez les adolescentes. Il est important que le gouvernement du Sénégal adopte une loi moins restrictive concernant l’avortement.

Pour la fécondité des adolescentes, les grossesses précoces sont généralement associées à des risques élevés de décès, que ce soit chez les mères ou chez les nouveau-nés. Les conséquences sociales de la grossesse chez les adolescentes peuvent aussi être graves, car elles peuvent compromettre leur scolarité et, par conséquent, leur développement personnel et leur indépendance. Pour ces raisons, l’indice de leur fécondité occupe une place importante dans l’élaboration des politiques et la mise en œuvre des stratégies et des programmes de la santé de la reproduction.

On constate que 14 % des adolescentes – de dix à dix-sept ans au Sénégal – ont déjà commencé leur vie procréative [174]  : 10 % d’entre elles ont eu au moins un enfant et 4 % sont enceintes du premier enfant. La proportion d’adolescentes ayant déjà commencé leur vie féconde augmente rapidement avec l’âge, passant de 1 % à quinze ans à 33 % à dix-neuf ans, âge auquel 26 % des jeunes filles ont déjà eu au moins un enfant. Cette proportion de jeunes filles ayant déjà commencé leur vie procréative est nettement plus élevée en milieu rural (18 %) qu’en milieu urbain (9 %) et nettement plus faible dans la région Ouest que dans les autres (8 % contre un maximum de 20 % dans la région Sud). La précocité de la fécondité varie fortement avec le niveau d’instruction, en effet, 25 % des jeunes filles sans niveau d’instruction ont déjà commencé leur vie procréative tandis que 17 % parmi elles ont atteint le niveau primaire et elles sont 7 % parmi les plus instruites. Par ailleurs, les jeunes filles sénégalaises vivent des inégalités et des discriminations, à la fois parce qu’elles sont femmes, mais aussi parce qu’elles sont jeunes. Cela les rend particulièrement vulnérables face aux réalités sociales, qui laissent peu d’espace d’expression à leurs besoins. Des attentes spécifiques pèsent sur la sexualité de ces dernières, la tradition est soucieuse de la préservation de la virginité, et donc de la non- procréation, jusqu’au mariage.

Le taux de prévalence contraceptive au Sénégal se situe à 26 %, contre 10 % en 2010–2011 [175] . Le Réseau Siggil Jigéen a développé plusieurs programmes pour mobiliser de ressources domestiques auprès des collectivités territoriales pour le financement de la planification familiale. Nous avons ainsi obtenu 107 millions de francs CFA de contribution des maires comme engagement sur le financement direct de la planification familiale. Le Réseau Siggil Jigéen a également obtenu le recrutement de plus de 1 000 femmes [176] en âge de reproduction (FAR) pour jouer un rôle dans la planification familiale au niveau des communes engagées et la signature des protocoles avec les mutuelles de santé pour appuyer la planification familiale post-partum jusqu’à 2019 dans leur localité. Le Réseau Siggil Jigéen a également mis en place le plaidoyer pour l’augmentation du budget destiné à l’achat des contraceptifs, afin que le budget soit arrêté à la somme de 300 millions francs CFA contre 200 millions en 2016.

L’association a aussi développé de nombreuses autres activités. Dans le cadre de la campagne Deliver for GOOD, elle a mis en place un comité directeur et un comité du Conseil qui a regroupé sept ministères, en plus du secrétaire d’État auprès du Garde des Sceaux : le ministère de la Santé et de l’Action sociale, le ministère de l’Éducation nationale, le ministère du Pétrole et des Énergies, le ministère de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection de l’enfant, le ministère de la Culture et de la Communication et le ministère de la Justice. Ainsi, la ministre de la Famille, de la Femme, du Genre et de la Protection de l’Enfant s’était engagée à appuyer la campagne Deliver for Good Sénégal, cette campagne mondiale de plaidoyer qui milite pour mettre les femmes et les filles au centre de la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD). Aussi, le Réseau Siggil Jigéen a aidé au renforcement des capacités des membres et alliés de la coalition Deliver For Good à travers son programme « Enjeux des ressources énergétiques propres et fossiles : impacts et opportunités pour les femmes et les filles au Sénégal », qui permet de mobiliser les ressources issues du pétrole pour financer les gaps en matière de santé et d’éducation. L’association a, en outre, produit un rapport final de la revue documentaire portant sur l’accès à l’information des jeunes sur la santé de la reproduction des adolescents et des jeunes (SRAJ) dans les lycées et les collèges des communes de Mbao, Keur Massar et Rufisque. L’association a également validé le prérapport de la revue documentaire pour la réactualisation de l’étude menée en 2017 sur la relecture du cadre stratégique national PF (Plan additionnel PF des jeunes). À cet effet, il a recruté deux consultants experts certifiés pour mener une étude sur le pétrole et le gaz. Enfin, l’association a veillé à ce que les candidats à présidentielle intègrent les objectifs de développement durable ODD3 [177] , ODD4 [178] et ODD7 [179] dans leur programme.

Comment est-il possible selon vous de promouvoir l’accès des filles et des femmes dans votre pays à un meilleur suivi médical en termes de santé sexuelle et reproductive ? Quels sont les obstacles rencontrés pour sa mise en œuvre ?

L’accès aux services de santé sexuelle et reproductive pour les filles et les femmes nécessite beaucoup d’innovations et de synergies de la part de toutes les parties prenantes pour une gestion multisectorielle efficace de la santé sexuelle et reproductive. Le but est de mettre en place une dynamique socio-sanitaire permettant une réflexion des acteurs quant à leurs raisons d’agir, de fonder des dialogues et ainsi travailler sur les rapports de genre et accompagner de façon cohérente les difficultés des adolescentes et des adolescents et des jeunes et des femmes et des hommes. Il faut également renforcer le maillage entre les acteurs qui travaillent dans le domaine de la santé de la reproduction des adolescentes et des adolescents et des jeunes et ainsi créer de meilleures synergies entre le ministère de l’Éducation, de la Jeunesse, des Femmes et de la Santé, tant au niveau politique qu’au niveau opérationnel.

Le Réseau Siggil Jigéen et d’autres organisations de la société civile y travaillent. Il y a toutefois des obstacles qui rendent difficile l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive aux filles et aux femmes. L’un des premiers obstacles demeure l’environnement des politiques de santé, notamment la loi sur la santé de la reproduction (loi n°2005–18 du 5 août 2005) qui ne dispose d’aucun décret d’application. Il n’existe aucune restriction légale à l’accès des jeunes à la contraception et à d’autres services de santé élémentaires, tels que les tests de grossesse et des IST, sauf la nécessité d’avoir au moins quinze ans pour consentir au test du VIH. Le Code pénal du Sénégal indique que l’avortement provoqué n’est pas légal, même pour sauver la vie d’une femme, et impose de lourdes peines de prison et des amendes. Beaucoup de jeunes femmes recourent cependant à l’avortement clandestin qui peut, souvent, compromettre leur santé. La question de l’inégalité de genre et des normes sociales, ainsi que le manque d’informations constituent les obstacles majeurs entravant l’accès des femmes aux services de santé sexuelle et reproductive.

Quelles actions seraient, selon vous, prioritaires pour que davantage de filles et de femmes aient accès à des structures de soin et aux informations leur permettant de connaître leurs droits et lutter ainsi contre les mariages et grossesses chez les mineures, les mutilations génitales féminines, les violences basées sur le genre, etc. qu’elles subissent ?

Il faut développer les actions de sensibilisation au niveau de la population en les aidant à déconstruire certaines croyances et idées reçues. Il faut aussi continuer de renforcer le plaidoyer au niveau du gouvernement pour obtenir la signature du décret d’application de la loi SR et la mise en application des textes contre les mariages forcés et les MGF. Il faut également que l’État facilite l’accès aux mutuelles en réduisant les coûts et en y intégrant les services de planification familiale. Il faut aussi continuer le plaidoyer pour la mobilisation des ressources auprès des collectivités territoriales, étant donné que ces dernières peuvent contribuer au relèvement du taux de prévalence contraceptive du pays en acceptant de financer la santé sexuelle et reproductive et la planification familiale. Dans les actions de sensibilisation, il faut s’allier avec les religieux et les chefs traditionnels et coutumiers, mais également impliquer les hommes. De manière générale, les priorités peuvent être listées ainsi :

Au niveau des jeunes, il faudrait :

– les impliquer à toutes les étapes d’élaboration, de mise en œuvre et de suivi des plans et stratégies les concernant ;

– prendre en compte les jeunes et les adolescentes et adolescents déscolarisés et non scolarisés dans les activités de proximité sur les droits et santé sexuel et reproductifs (DSSR) ;

– mobiliser les jeunes filles, y compris les jeunes filles mariées (cible prioritaire) ;

An niveau des communautés et des leaders d’opinion, il faudrait :

– poursuivre et renforcer les expériences de mobilisation sociale à travers notamment les campagnes multicanaux innovantes ;

– mobiliser les leaders religieux et coutumiers en faveur de la planification familiale pour impulser le changement des normes sociales ;

– renforcer les espaces de dialogue sur les questions de population et développement en y intégrant les groupes religieux influents ;

– renforcer les mécanismes d’identification et référencement des cas de mariages d’enfants au niveau communautaire.

Au niveau politique, il faudrait :

– réviser les instruments législatifs qui limitent la réalisation des DSSR des adolescentes et des adolescents et des jeunes ;

– rendre opérationnels les engagements pris en faveur des adolescentes et des adolescents et des jeunes dans le plan planification et lors du sommet Family Planning 2020 de Londres ;

– institutionnaliser le renforcement et le passage à l’échelle des approches à base communautaire pour l’offre de services DSSR/PF ;

– soutenir les programmes relatifs à l’éducation complète à la sexualité adaptés et respectueux de nos valeurs ;

– soutenir la décentralisation des politiques et programmes de DSSR/PF au niveau des collectivités locales.

Au niveau des structures de santé, il faudrait  :

– mettre en œuvre au niveau de tout type de structure sanitaire une offre complète et intégrée de services DDSR/PF/VIH adaptée aux adolescentes et des adolescents et aux jeunes ;

– rendre les centres de santé publics et privés conviviaux et adaptés aux adolescentes et aux adolescents et aux jeunes ;

– former une masse critique de personnels de santé en DSSR, en approche genre et en approche jeune, les soutenir et assurer leur supervision formative ;

– poursuivre et renforcer les expériences d’offre de DSSR/PF à base communautaire pour mieux atteindre les jeunes.

Au niveau scolaire, il faudrait :

– poursuivre l’intégration des modules d’éducation complète respectueux de nos valeurs à la SR dans le système éducatif comme prévu dans le plan stratégique de santé sexuelle et de la reproduction des adolescentes et des adolescents et des jeunes ;

– renforcer les capacités des enseignants en matière de DSSR.

Au niveau médiatique, il faudrait :

– développer des campagnes de mobilisation sociale et politique multicanal, avec un accent particulier sur les réseaux sociaux ;

– utiliser la série C’est la vie ! comme outil support de campagnes de communication multicanal (radio, spots radio et TV, talk-shows, caravanes de sensibilisation, projections débats…).

L’engagement en faveur de l’égalité femmes-hommes se traduit aussi par des programmes d’information touchant aussi bien les hommes que les femmes et des projets de sensibilisation sur les droits des femmes impliquant la participation des hommes. Quels types de programmes faudrait-il financer ?

Les programmes des organisations de la société civile devraient sensiblement être orientés sur les points suivants :

– élargissement de l’offre de santé sexuelle et reproductive grâce à des stratégies innovantes et adaptées au contexte et au public et améliorer la qualité à travers le renforcement de compétences et la mobilisation communautaire ;

– amélioration des connaissances et aptitudes des adolescentes et des adolescents et des jeunes en matière de droits et santé sexuels et reproductifs dans une optique de diminution des inégalités de genre, des discriminations et des violences et dans une perspective d’autonomisation ;

– renforcement d’un environnement social et légal favorable à travers des actions de sensibilisation, de plaidoyer auprès des acteurs clés (chefs religieux et coutumiers, famille) et la production de connaissances nécessaires au dialogue politique.

En d’autres termes, il faut renforcer les programmes qui visent l’égalité femmes-hommes qui appellent à travailler en consortium. Les domaines de la santé, de l’entreprenariat, de l’éducation et de l’agriculture sont des domaines pertinents. Il faut aussi financer les programmes d’envergure visant le changement social de comportement pour amener les populations à davantage comprendre la notion d’égalité, de genre, d’équité. Le plaidoyer mené au niveau des décideurs politiques pour l’adoption d’une réglementation favorable à l’épanouissement des femmes et des jeunes filles mérite d’être davantage renforcé en termes de financement.

L’école a aussi un rôle à jouer dans la lutte contre les discriminations en raison du genre, de l’orientation sexuelle, etc. et en faveur de l’éducation complète à la sexualité. Quels programmes sont ou pourraient être développés dans ce sens dans votre pays, et si cela existe y a-t-il des collaborations au niveau régional ?

Nous nous sommes engagés dans le plaidoyer au niveau régional, au niveau de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) avec la proposition d’un acte juridique actionnel pour que l’égalité femme-homme soit effectif dans cet espace. Aujourd’hui, l’effectivité de la mise en œuvre de cet instrument juridique pourrait grandement contribuer à renforcer le plaidoyer pour l’intégration de ce curriculum dans les programmes scolaires. En effet, en Afrique de l’Ouest, on remarque une évolution, notamment la participation des femmes à la vie publique et la volonté politique affichée par les États.

Cependant, beaucoup de lenteurs, de difficultés d’harmonisation et d’insuffisance d’application des instruments juridiques sont perceptibles. Cette situation est due essentiellement à l’absence de textes spécifiques à la sous-région, rendant difficile une synergie d’action entre les États et un suivi efficace.

Ce qui a conduit les réseaux de femmes, les organisations de lutte pour les droits humains et leurs partenaires techniques et financiers à engager un mouvement dont l’objectif était l’adoption par les États membres de la CEDEAO d’un protocole pour promouvoir les droits des femmes dans cet espace, à l’image de celui de la SACD (Communauté de développement de l’Afrique australe). Ainsi, au terme d’un processus de plaidoyer soutenu en direction des États de l’Afrique de l’Ouest pour l’adoption d’un protocole proposé par des organisations de femmes et de droits humains de treize pays, dont le Burkina Faso, la Guinée Conakry, le Mali, le Niger et le Sénégal, les États membres de la CEDEAO ont adopté un instrument juridique très important pour les peuples.

En effet, le 47 e sommet des chefs d’États et de gouvernements de la CEDEAO, tenu le 19 mai 2015 à Accra au Ghana, a adopté l’acte additionnel sur l’égalité des droits entre les femmes et les hommes qui n’a pas été assez vulgarisé.

Quels engagements concrets attendez-vous du Forum génération égalité, notamment sur la partie consacrée à la promotion des droits sexuels et reproductifs ? Quels sont les meilleurs canaux de financement dans ce domaine ? Quelles enceintes internationales vous apparaissent comme les plus efficaces pour promouvoir les DSSR ?

Il faut renforcer les financements destinés à la santé sexuelle et reproductive. Cet engagement pourrait aider les pays en raison des nombreux défis auxquels les pays sont confrontés, dont notamment l’accès à des services et soins de santé de qualité. Il faut appuyer les organisations locales qui ont de solides expériences et qui peuvent générer des résultats concrets. Le système des Nations unies, l’AFD, la coopération canadienne constituent des enceintes internationales qui apparaissent comme efficaces pour la promotion des DSSR.

2. Liste des personnes auditionnées

Équipe de Delphine O, ambassadrice et secrétaire générale du Forum Génération Égalité : Benjamin Bechaz, secrétaire général adjoint au Forum Génération Égalité, Julie Vignon, rédactrice droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR), représentante point focal DSSR pour la France, ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, auditionné·es le 22 janvier 2021.

Mar Merita Blat, chargée de mission genre, Lucie Broechler, division Santé, Anne Isambert, référente genre, département transition démographique à l’AFD auditionnées le 15 février 2021.

Collectif Générations féministes : Nicolas Rainaud, responsable plaidoyer à Equipop, Sharlene Sezestre, responsable plaidoyer international au Planning familial, Christine Mauget, chargée des questions internationales au Planning familial, Marie Lussier, chargée de programmes SSR à Médecins du monde, auditionné·es le 10 mars 2021.

Hubert Chauvet, délégué général du bureau France d’Amref Health Africa, auditionné le 15 mars 2021.

Laurianne Desquesses, chargée de plaidoyer, Yann Illiaquer, coordinateur analyse et plaidoyer, pour Action santé mondiale, auditionné·es le 23 mars 2021.

Bruno Rivalan, responsable du plaidoyer pour le Global Financing Facility hébergé à la Banque Mondiale, auditionné le 26 mars 2021.

Maty Dia, responsable des partenariats pour le groupe de la société civile du Global Financing Facility, auditionné le 1 er avril 2021.

Fatou Ndiaye Turpin, directrice exécutive du Réseau Siggil Jiggéen du Sénégal, auditionnée le 2 avril 2021.

Wendyam Micheline Kaboré, directrice exécutive de l’Initiative Pananetugri pour le bien-être de la Femme au Burkina Faso, auditionnée le 2 avril 2021.

Ousmane Kadri Nouhou, directeur exécutif de la Fondation Guri-Vie meilleure du Niger, auditionné le 8 avril 2021.

Clémence Schantz, sage-femme et docteure en sociologie à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), auditionnée le 9 avril 2021.

Mélanie Vion, responsable de Projets-Mobilisation Communautaire/Partenariats société civile pour Solthis, auditionnée le 13 avril 2021.

Lesia Radelicki, membre du cabinet d’Helena Dalli, Commissaire européenne en charge de l’Égalité, auditionnée le 14 avril 2021.

Oumou Salif Touré, membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest, auditionnée le 15 avril 2021.

Nafissa Hassan Alfari, présidente de la Cellule nigérienne des jeunes filles leaders, auditionnée le 19 avril 2021.

Anaïs Kintgen, chargée de mission, mobilisation société civile – Forum Génération Égalité au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et au ministère de l’Égalité femmes-hommes, auditionnée le 22 avril 2021.

Julie Vignon, rédactrice droits et santé sexuels et reproductifs, population et démographie, ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, auditionnée le 22 avril 2021.

Jean-Claude Mulunda, directeur d’Ipas pour la République démocratique du Congo (RDC), auditionné le 23 avril 2021.

Sam Ntelamo, chef du bureau d’Adis-Abeba, Paulin Tra, responsable données, stratégie et gouvernance à Nairobi, IPPF Afrique, auditionnés le 26 avril 2021.

Pierre Crozier, conseiller régional en santé mondiale à l’amabssade de France en Angola, au Congo-Brazzaville, au Gabon et en République démocratique du Congo (RDC), auditionné le 29 avril 2021.

Jane Medor, chargée de programme et mobilisation des ressources pour JED (Sénégal), membre du Réseau Alliance Droits et Santé, auditionnée le 30 avril 2021.

Norbert Coulibaly, responsable technique senior du Partenariat de Ouagadougou, auditionné le 30 avril 2021.

Abou Bakary Traoré, gynécologue obstétricien à Bamako au Mali, auditionné le 6 mai 2021.

Irmine Ayihounton, membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest, auditionnée le 7 mai 2021.

Pierre-Alain Rubbo, conseiller régional en santé mondiale à l’ambassade de France au Burkina Faso en charge du Burkina Faso, Mali et Niger, auditionné le 10 mai 2021.

Fleur Vernat, secrétariat du Fonds français Muskoka, auditionnée le 11 mai 2021.

Mar Merita Blat, chargée de mission genre à l’AFD, auditionnée le 17 mai 2021.

Laurence Rossignol, sénatrice, ancienne ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, auditionnée le 20 mai 2021.

Perri Sutton, programme Officer dans l’équipe de Planification familiale à Bill & Melinda Gates Foundation, auditionnée le 3 juin 2021.

  1. Définition du terme DSSR : « La santé et les droits sexuels et reproductifs signifient que les individus devraient avoir le droit et les moyens de prendre des décisions concernant leur vie reproductive et leur sexualité, à l’abri de toute contrainte, de toute discrimination et de toute violence. » Source : Fédération internationale pour la planification familiale, « La santé et les droits sexuels et reproductifs : la clé à l’égalité entre les genres et à l’autonomisation de la femme », IPPF, 2015.

  2. Les droits et la santé sexuels et reproductifs au cœur des politiques étrangères féministes , Note de positionnement commune Médecins du monde, Equipop, Planning familial, mai 2020.

  3. « 3 questions to Phumzile-Mlambo-Ngcuka, UN Women’s executive director on gender equality around the world ahead of the Generation Equality Forum », Focus 2030, 8 mars 2021.

  4. « Covid-19 : l’ONU prévoit un impact désastreux de la pandémie sur la santé des femmes », ONU Info, 29 avril 2020.

  5. L’Action extérieure de la france sur les enjeux de population, de droits et santé sexuels et reproductifs 2016–2020. Rapport de redevabilité à mi-parcours, Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international, décembre 2018.

  6. Ibid.

  7. Au vu de la disparité de chaque pays de l’Afrique subsaharienne sur la question des DSSR, nous ne pouvons prétendre à l’exhaustivité. Nous avons donc privilégié des pays d’Afrique de l’Ouest et centrale dont la population souffre tout particulièrement de l’insuffisance de moyens consacrés aux DSSR et avec qui la France a une relation bilatérale privilégiée.

  8. Pour les pays ciblés par notre étude : le Mali, le Sénégal, le Burkina Faso, le Niger et la République démocratique du Congo (RDC).

  9. Définition du terme « holistique » : « qui relève de l’holisme, qui s’intéresse à son objet comme constituant un tout ». (Sources : Centre national de ressources textuelles et lexicales.)

  10. Les mutilations sexuelles féminines recouvrent toutes les interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou toute autre lésion des organes génitaux féminins qui sont pratiquées pour des raisons non médicales. (Sources : OMS.)

  11. Recommandations pour la CIPD après 2014 : Santé et droits pour tous en matière de sexualité et de procréation, Groupe de travail de haut niveau pour la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD), High- Level Task Force for ICPD, 2013.

  12. Auditions menées avec Oumou Salif Touré, membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest pour le Mali, le 15 avril 2021 et avec Pierre Crozier, conseiller régional en santé mondiale à l’ambassade de France en Angola, au Congo-Brazzaville, au Gabon et en RDC, le 29 avril 2021.

  13. Mon corps m’appartient. Revendiquer le droit à l’autonomie et à l’autodétermination , Fonds des Nations unies pour les populations (FNUAP), 2021, pp.18–19.

  14. Ibid .

  15. Ibid ., p. 21.

  16. Akinrinola Bankole et al. , De l’avortement non sécurisé à sécurisé en Afrique subsaharienne : des progrès lents mais constants , Guttmacher Institute, décembre 2020.

  17. Ibid.

  18. La République démocratique du Congo n’en fait pas partie.

  19. Audition menée avec Fatou Ndiaye Turpin, directrice exécutive du réseau Siggil Jigéen au Sénégal, le 2 avril 2021.

  20. Auditions menées avec Initiative Pananetugri pour le bien-être de la femme (IPBF), le 2 avril 2021 et avec Oumou Salif Touré, membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest pour le Mali, le 15 avril 2021.

  21. Olivier Dubois, « Au Mali, qui a peur du grand méchant genre », Libération , 16 février 2021.

  22. Loi n°2005–18 relative à la santé de la reproduction.

  23. Audition menée avec Fatou Ndiaye Turpin, directrice exécutive du réseau Siggil Jigéen au Sénégal, le 2 avril 2021.

  24. Audition menée avec Oumou Salif Touré, membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest pour le Mali, le 15 avril 2021.

  25. Mon corps m’appartient. Revendiquer le droit à l’autonomie et à l’autodétermination , op. cit., p.136.

  26. Child Marriage: Latest trends and future prospects, UNICEF , juillet 2018, p. 4.

  27. « Des milliers de personnes fuient les attaques des groupes armés dans l’est de la RDC », UNHCR, 9 octobre 2020.

  28. Ginevra Vagliani, « Le mariage d’enfants en Afrique subsaharienne : le cas du Niger », Humanium, 01 décembre 2020, url : https://www.humanium.org/fr/le-mariage-denfants-en-afrique-subsaharienne-le-cas-du-niger/

  29. Audition menée avec Nafissa Hassan Alfari, présidente de la Cellule nigérienne des jeunes filles leaders (CNJFL), le 19 avril 2021.

  30. Information délivrée par Ousmane Kadri Nouhou, directeur exécutif de la Fondation Guri-Vie meilleure du Niger le 8 avril 2021.

  31. Audition menée avec Oumou Salif Touré, membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest pour le Mali, le 15 avril 2021.

  32. Audition menée avec Wendyam Micheline Kaboré, directrice exécutive de l’IPBF, le 2 avril 2021.

  33. Audition menée avec Maty Dia, responsable des partenariats pour le groupe de la société civile du Global Financing Facility, le 1 er avril 2021.

  34. Audition menée avec Pierre-Alain Rubbo, conseiller régional en santé mondiale à l’ambassade de France au Burkina Faso en charge du Burkina Faso, Mali et Niger, le 10 mai 2021.

  35. Ibid.

  36. Mon corps m’appartient. Revendiquer le droit à l’autonomie et à l’autodétermination, op. cit., p. 27.

  37. Ibid., p. 46 et p. 53.

  38. « In some African coutries, sizable minorities of people live in polygamous households », Pew Research Center, 7 décembre 2020.

  39. Audition menée avec Maty Dia, responsable des partenariats pour le groupe de la société civile du Global Financing Facility, le 1 er avril 2021.

  40. Fiches réalisées dans le cadre du Fonds français Muskoka, site officiel d’Equipop : https://equipop.org/nos-publications/

  41. Audition menée avec le Fonds français Muskoka, le 11 mai 2021.

  42. Voir PopulationData.net.

  43. Informations délivrées par Fatou Ndiaye Turpin, directrice exécutive du Réseau Siggil Jigéen au Sénégal, mars 2021.

  44. Mon corps m’appartient. Revendiquer le droit à l’autonomie et à l’autodétermination , op. cit.

  45. Audition menée avec Clémence Schantz, sage-femme et docteure en sociologie à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), le 9 avril 2021.

  46. Audition menée avec Clémence Schantz, sage-femme et docteure en sociologie à l’IRD, le 9 avril 2021.

  47. Audition menée avec Irmine Ayihounton, membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest le 7 mai 2021.

  48. Akinrinola Bankole et al. , De l’avortement non sécurisé à sécurisé en Afrique subsaharienne: des progrès lents mais constants , op.cit.

  49. Ibid.

  50. D’après les statistiques de l’UNESCO.

  51. Norbert Fiess et Arthur Gautier, « Le financement du développement de l’Afrique subsaharienne à l’épreuve de la pandémie », Trésor-Eco, n° 278, Direction générale du Trésor, 9 mars 2021.

  52. Droits et santé des femmes à l’épreuve du Covid-19. Témoignages et perspectives féministes de la société civile ouest-africaine, Equipop, 2020.

  53. Ibid.

  54. « Covid-19 : l’ONU prévoit un impact désastreux de la pandémie sur la santé des femmes », ONU Info, 29 avril 2020.

  55. Ibid.

  56. Ibid.

  57. Ibid.

  58. « Comment un an de crise sanitaire et économique est venu accentuer les inégalités femmes-hommes », Oxfam France, 5 juin 2021.

  59. Audition menée avec Maty Dia, responsable des partenariats pour le groupe de la société civile du Global Financing Facility, le 1 er avril 2021.

  60. Audition menée avec Fatou Ndiaye Turpin, directrice exécutive du Réseau Siggil Jigéen au Sénégal, le 2 avril 2021.

  61. Audition menée avec Jane Medor, chargée de programme et mobilisation des ressources pour Jeunesse et développement (JED) au Sénégal et membre du Réseau Alliance droits et santé, le 30 avril 2021.

  62. Audition menée avec Nafissa Hassan Alfari, présidente de la CNJFL, le 19 avril 2021.

  63. Audition menée avec Dr Jean-Claude Mulunda, directeur d’IPAS pour la RDC, le 23 avril 2021.

  64. Audition menée avec Pierre Crozier, conseiller régional en santé mondiale à l’ambassade de France en Angola, au Congo-Brazzaville, au Gabon et en République démocratique du Congo, le 29 avril 2021.

  65. Audition menée avec Jean-Claude Mulunda, directeur d’IPAS pour la RDC, le 23 avril 2021.

  66. Audition menée avec Irmine Ayihounton, membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest, le 7 mai 2021.

  67. Audition menée avec Jean-Claude Mulunda, directeur d’IPAS pour la RDC, le 23 avril 2021.

  68. Audition menée avec Maty Dia, responsable des partenariats pour le groupe de la société civile du Global Financing Facility, le 1 er avril 2021.

  69. Audition menée avec Norbert Coulibaly, responsable technique senior du Partenariat de Ouagadougou, le 30 avril 2021.

  70. Audition menée avec Ousmane Kadri Nouhou, directeur exécutif de la Fondation Guri-Vie meilleure du Niger le 8 avril 2021.

  71. Auditions menées avec Nafissa Hassan Alfari, présidente de la CNJFL le 19 avril 2021 et Oumou Salif Touré, membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest pour le Mali, le 15 avril 2021 et avec Ousmane Kadri Nouhou, directeur exécutif de la Fondation Guri-Vie meilleure du Niger le 8 avril 2021.

  72. Audition menée avec Oumou Salif Touré, membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest pour le Mali, le 15 avril 2021.

  73. Audition menée avec Nafissa Hassan Alfari, présidente de la CNJFL, le 19 avril 2021.

  74. Audition menée avec Oumou Salif Touré, membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest pour le Mali, le 15 avril 2021 et avec Nafissa Hassan Alfari, présidente de la CNJFL, le 19 avril 2021.

  75. Audition menée avec Oumou Salif Touré, membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest pour le Mali, le 15 avril 2021.

  76. Audition menée avec Norbert Coulibaly, responsable technique senior du Partenariat de Ouagadougou, le 30 avril 2021.

  77. Audition menée avec Hubert Chauvet, délégué général du bureau France d’Amref Health Africa, le 15 mars 2021.

  78. Audition menée avec Oumou Salif Touré, membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest pour le Mali, le 15 avril 2021.

  79. Désormais connu sous le nom du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

  80. La Stratégie genre et développement de 2013–2017 met en ce sens l’accent sur des indicateurs sectoriels dont les droits et la santé sexuels et reproductifs.

  81. Stratégie genre et développement 2013–2017 , direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, p. 9.

  82. Évaluation formative sur l’engagement français Muskoka , ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, 2020, p. 4.

  83. Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international, Rapport de redevabilité à mi-parcours, L’action extérieure de la France sur les enjeux de population, de droits sexuels et reproductifs 2016–2020 , décembre 2018, p.14.

  84. Voir la carte des projets du Partenariat de Ouagadougou : https://map.partenariatouaga.org/?country=SN .

  85. Le Genre et la réduction des inégalités femmes-hommes. Cadre d’intervention transversal 2014–2017 , AFD, 2013, p. 20.

  86. «  Communiqué de presse de Laurence Rossignol lors de la 61 e session de la Commission de la Condition de la femme à l’ONU à New York, lundi 13 mars 2017  », ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes.

  87. Audition menée avec Julie Vignon, rédactrice en droits et santé sexuels et reproductifs, population et démographie au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, le 22 avril 2021.

  88. Ibid.

  89. Voir le «  Discours d’Emmanuel Macron à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et du lancement de la grande cause du quinquennat  », Élysée, 25 novembre 2017.

  90. Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) est une instance de coordination, sous l’autorité du Premier ministre, qui fixe les orientations de la politique d’aide au développement de la France. Voir « La politique d’aide au développement de la France », Focus 2030, 21 avril 2021.

  91. Voir « Relevé de conclusions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) », Direction du Trésor, 8 février 2018.

  92. Ibid.

  93. Ibid.

  94. Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018–2022) , ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, p. 31.

  95. Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018–2022) , op.cit. , p. 32.

  96. « Déclaration de vœux de Pascale Boistard, secrétaire d’État aux droits des femmes, sur l’égalité professionnelle, la parité et les droits des femmes, Paris le 26 janvier 2016 », Vie publique.

  97. Brigitte Grésy, Martine Storti, Cléa Le Cardeur, Coline Real et Anaëlle Schimberg, La Diplomatie féministe. D’un slogan mobilisateur à une véritable dynamique de changement ? , Rapport n°2020–09–22, Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 4 novembre 2020.

  98. Projet de loi nº 574, adopté par l’Assemblée nationale de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, Assemblée nationale.

  99. Audition menée avec Pierre-Alain Rubbo, conseiller régional en santé mondiale à l’ambassade de France au Burkina Faso en charge du Burkina Faso, Mali et Niger, le 10 mai 2021.

  100. Susan Faludi, Backlash. La guerre froide contre les femmes , Paris, Éditions des femmes-Antoinette Fouque, 1993.

  101. Erika Guevara-Rosas, « Le bâillon mondial de Trump : une catastrophe pour les droits des femmes », Amnesty International, 25 janvier 2017.

  102. Delphine Sitbon, « Décret anti-avortement : Trump signe, les députés européens s’indignent  », Le Courrier du Parlement , 20 mars 2017.

  103. L’Action extérieure de la France sur les enjeux de population, de droits sexuels et reproductifs 2016–2020 , op. cit.

  104. « Les États-Unis refusent de laisser passer une résolution de l’ONU contre le viol comme arme de guerre », Le Monde , 23 avril 2019.

  105. Julien Lecot, « Trente-deux pays se liguent contre le droit à l’avortement », Libération , 23 octobre 2020.

  106. Audition menée avec Julie Vignon, rédactrice en droits et santé sexuels et reproductifs, population et démographie au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, le 22 avril 2021.

  107. L’Action extérieure de la France sur les enjeux de population, de droits sexuels et reproductifs 2016–2020 , op. cit.

  108. Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018–2022) , op. cit., p. 35.

  109. L’indispensable engagement de la France pour les droits et la santé sexuelle et reproductive. Positionnement Equipop, MDM et le Planning, Planning familial, 17 janvier 2019.

  110. Francie Sadeski, Soheir Dani, Anne-Gaëlle Muths, Morgane Veillet Lavallée, Matthieu Lacave, Évaluation formative sur l’engagement français Muskoka, AFD, mars 2020, p. 7.

  111. Évaluation formative sur l’engagement français Muskoka (2010–2017), Technopolis, 30 octobre 2019.

  112. Donors Delivering Report, Forum du Parlement européen pour les droits sexuels et reproductifs , 2020.

  113. Évaluation formative sur l’engagement français Muskoka (2010–2017), op. cit., p. 69.

  114. Ibid.

  115. Ibid. , p. 7.

  116. Le Creditor Reporting System est une base de données du CAD de l’OCDE.

  117. Donors Delivering Report 2020, op. cit .

  118. L’Action extérieure de la France sur les enjeux de population, de droits sexuels et reproductifs 2016–2020 , op. cit.

  119. Évaluation formative sur l’engagement français Muskoka, op. cit., p. 17.

  120. « Femmes et jeunes filles », Le Fonds mondial.

  121. L’Action extérieure de la france sur les enjeux de population, de droits et santé sexuels et reproductifs 2016–2020, op. cit .

  122. Audition menée avec Laurianne Desquesses, chargée de plaidoyer, Yann Illiaquer, coordinateur analyse et plaidoyer, pour Action santé mondiale, le 23 mars 2021.

  123. La période est en cours donc ce chiffre correspond aux contributions de la France pour l’année 2020 uniquement.

  124. « Les chiffres de l’aide française », ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

  125. Audition menée avec Laurianne Desquesses, chargée de plaidoyer, Yann Illiaquer, coordinateur analyse et plaidoyer, pour Action santé mondiale le 23 mars 2021.

  126. Rappelons rapidement ici que l’AFD est une banque publique de développement qui constitue le principal organe pour la mise en œuvre de la politique du gouvernement français en matière de développement et de solidarité internationale.

  127. Document d’enregistrement universel , Agence française de développement, 2019, p. 30.

  128. Audition menée avec l’AFD, le 17 mai 2021.

  129. Compte-rendu de la réunion de consultation avec la société civile. Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF) , AFD, 31 mars 2021.

  130. Ibid.

  131. Audition menée avec l’AFD, le 17 mai 2021.

  132. Audition menée avec Equipop, Médecins du monde et le Planning familial, le 10 mars 2021.

  133. Audition menée avec Bruno Rivalan, responsable du plaidoyer pour le Global Financing Facility hébergé à la Banque Mondiale, le 23 mars 2021.

  134. European donor support to sexual & reproductive health & family planning. Trends analysis 2019–2020, Countdown 2030 Europe, janvier 2021.

  135. Ibid.

  136. Droits et santé des femmes à l’épreuve du Covid-19. Témoignages et perspectives féministes de la société civile ouest-africaine, op. cit.

  137. Ibid.

  138. Ibid.

  139. Ibid.

  140. Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018–2022), op. cit.

  141. Audition menée avec Maty Dia, responsable des partenariats pour le groupe de la société civile du Global Financing Facility, le 1 er avril 2021.

  142. John Bongaarts et Robert G. Potter, Fertility, Biology, and Behavior: An Analysis of the Proximate Determinants , New York, Academic Press, 1983.

  143. John Bongaarts, « Africa’ unique fertility transition », Population and Development Review , vol. 43, 2016, p. 39–58.

  144. Les évaluations proviennent d’enquêtes menées dans les cinq pays et donnent donc une photographie de la situation au moment de l’enquête, mais l’utilisation au cours de l’ensemble de la carrière féconde . Pour les sources, se reporter aux notes 5, 6, 7, 8 et 12, correspondant à chacun des cinq pays.

  145. Frank Lorimer et Meyer Fortes, Culture and Human Fertility: A Study of the Relation of Cultural Conditions to Fertility in Non-Industrial and Transitional Societies , Paris, Unesco, 1954 (Frank Lorimer était alors le directeur de l’Office of Population Research de l’université de Princeton et Meyer Fortes, spécialiste des Ashanti, professeur d’anthropologie sociale à Cambridge.

  146. Sénégal : Enquête de démographie et de santé continue 2018 , Dakar, ANSD, 2019.

  147. République démocratique du Congo : Enquête de démographie et de santé 2013–2014 , Kinshasa, ministère du Plan, 2014.

  148. Mali : Enquête de démographie et de santé 2018 , Bamako, INSTAT, 2019.

  149. Burkina Faso: Enquête de démographie et de santé et à indicateurs multiples 2010, Ouagadougou, INSD, 2012.

  150. « Alphabétisme », Institut de statistique de l’Unesco, www. http://uis.unesco.org/en/topic/literacy

  151. John Caldwell, Theories of Fertility Decline (Population and social structure) , Londres, Academic Press, 1982.

  152. Child Marriage, Fertility, and Family Planning in Niger , Washington, Promundo, 2019.

  153. Niger : Enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples 2012 , Niamey, INS, 2013.

  154. Solène Lardoux et Étienne Van de Walle, « Polygyny and fertility in rural Senegal », Population , 2003, p. 717–743.

  155. En 2013, rappelons-le.

  156. Gary S. Becker, A Treatise on the Family, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1981.

  157. Op. cit. , p. 50.

  158. Hervé Le Bras, « Après l’explosion démographique », Politique étrangère , n°1, printemps 2019, p. 107–121 (version en anglais : « After the population explosion » sur Cairn international).

  159. Hamidou Issaka Maga et Jean-Pierre Guengant, « Countries with very slow or incipient fertility transition » dans Hans Groth et John F. May (éd.) : Africa’s Population: In Search of a Demographic Dividend , New York, Springer, 2017, pp. 147–154.

  160. Voir Marita Kongo et Chardin Carel, Le protocole à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique : état des lieux, université de Laval, avril 2019.

  161. Elizabeth A. Sully et al., Adding It Up : Investing in Sexual and Reproductive Health 2019, New York, Guttmacher Institute, 2020.

  162. Rapport 2018 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur l’état de la santé dans les régions africaines.

  163. Note de synthèse : L’impact du Covid-19 sur les femmes, Nations unies, 9 avril 2020.

  164. Les capacités qui nous permettent de faire face aux exigences et aux défis de la vie quotidienne.

  165. Armand Kinda, « Introduction de l’homosexualité dans l’éducation : “C’est impossible !” (Stanislas Ouaro) », Minute.bf, 26 avril 2021.

  166. Cette politique est largement connue sous le nom de « règle du bâillon mondial » en raison des restrictions qu’elle impose à la gestion par les organisations concernées des fonds qui ne proviennent pas du gouvernement américain, y compris en limitant les conversations que les prestataires de santé peuvent avoir avec leurs patientes et en les empêchant de plaider en faveur de changements sur le plan juridique dans leur propre pays.

  167. https://www.prb.org/wp-content/uploads/2018/05/Loi-Sur-la-Sante%CC%81-de-la-Reproduction-au-Niger-2006.pdf .

  168. Selon le Rapport de la Banque mondiale, 2016.

  169. Voir la Deuxième enquête démographique et de santé (EDS-RDC II 2013–2014) , ministère du Plan et Suivi de la mise en œuvre de la révolution de la modernité et ministère de la Santé, septembre 2014.

  170. Voir le Rapport MICS RDC 2018 , Comité directeur de l’École de santé publique de Kinshasa.

  171. Sophie Chae, Patrick Kayembe, Jesse Philbin, Crispin Mabika et Akinrinola Bankole, The incidence of induced abortion in Kinshasa, Democratic Republic of Congo , Guttmacher Institute, octobre 2017.

  172. Les prestataires cliniques regroupent les cliniciens (médecins spécialistes ou généralistes, infirmiers, sages-femmes), tous ceux qui sont formés pour offrir des services cliniques à l’hôpital ou dans les structures sanitaires.

  173. Selon le Plan national de développement sanitaire et social 2019–2028 , ministère de la Santé et de l’Action sociale, République du Sénégal.

  174. Voir Enquête démographique et de santé continue (EDS-continue), Rapport sur les indicateurs clés, 2019, Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), Dakar, Sénégal, novembre 2020.

  175. Ibid.

  176. Projet AFP SMART, Rapport Réseau Siggil Jigéen.

  177. « Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge. »

  178. « Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie. »

  179. « Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable. »

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