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Rapport

Business inclusif : quand les entreprises mettent l’inclusion au cœur de leur développement

Business inclusif : le thème pourrait paraître à la mode. Avec quatre milliards d’individus qui vivent avec moins de 3000 dollars par an, il promeut pourtant un renouvellement des approches commerciales. C’est à cette observation, plus complexe et nuancée, que convie le rapport de Terra Nova, issu d’un groupe de travail présidé par Frédéric Massé. L’objectif est de présenter aux décideurs publics des initiatives qui ont fait la preuve de leur efficacité économique et de leur impact social, sans omettre les points de blocage qui limitent le changement d’échelle souhaité par les entrepreneurs et les autres acteurs de ce secteur.

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Le business inclusif a pour objectif d’intégrer les populations pauvres tout au long de la chaîne de valeur (de la création à la consommation des biens et services en passant par leur distribution). C’est un phénomène récent qui cible des publics jusqu’alors exclus des modèles de business traditionnels. Il permet d’introduire de nouveaux savoir-faire et de nouvelles technologies tout en améliorant les qualifications des personnels et partenaires issus des populations pauvres. Il contribue ainsi à l’amélioration des conditions nécessaires à l’accroissement de l’activité économique dans les pays émergents et en développement.

Il faut distinguer business inclusif et entrepreneuriat social par le fait que le premier a pour mission de créer des activités rentables ayant un impact social alors que le second a pour vocation première l’impact social en ne recherchant qu’une rentabilité limitée.

Que ce soit dans les pays développés ou les pays en développement, les projets dits de « business inclusif » poursuivent deux objectifs complémentaires : la performance économique et la recherche d’un impact social significatif. Dans cette perspective, depuis une quinzaine d’années, de nombreuses initiatives ont été lancées notamment par des entreprises françaises comme Danone, Lafarge ou Schneider Electric.

Le marché potentiel offert par ces populations, souvent qualifié de Bottom of the pyramide (BoP) est gigantesque puisque quare milliards d’individus dans la pauvreté consomment à hauteur de 5 000 milliards de dollars chaque année. Sur ce marché, l’Asie s’impose avec un potentiel de 2,86 milliards d’individus, qui consomment annuellement pour 3 470 milliards d’euros et qui connaissent d’importants problèmes sociaux. L’Europe n’est pas en reste avec 16% de sa population qui vit en dessous du seuil de pauvreté. La France elle-même est très directement concernée par les initiatives liées à la lutte contre la pauvreté : en 2011, pas moins de 8,7 millions de personnes vivaient en dessous de ce seuil (14,3% de la population française), dont la moitié avec moins de 790 euros par mois.

Néanmoins, les entreprises françaises connaissent des difficultés pour répondre aux besoins de ces populations. La méconnaissance des comportements de consommation des populations pauvres et vulnérables entraînent souvent un marketing de produits inadapté, soit parce qu’il promeut une stigmatisation des populations concernées soit parce qu’il aboutit à une cannibalisation des offres dites classiques.

Très souvent portés au sein des entreprises par des « intrapreneurs » transdisciplinaires, ces projets sont, jusqu’à présent, des cas isolés. L’enjeu est désormais celui du changement d’échelle. L’absence de cadre et de méthodologie suffisamment validés pour évaluer l’impact social et la rentabilité de ces projets rend leur développement complexe. Les entreprises qui se lancent dans le business inclusif doivent faire face à de nombreuses difficultés liées notamment à une profitabilité limitée, à l’asymétrie d’information sur ces marchés, à l’économie informelle[1], à la forte concurrence et aux nombreux coûts cachés. Il existe donc aujourd’hui un réel besoin d’évaluation de l’opportunité des projets inclusifs et de leur bénéfice économique et social.

Malgré toutes ces difficultés, un certain nombre de bonnes pratiques ont déjà été identifiées. Elles concernent l’intégration dans la stratégie de membres des populations ciblées pour mieux prendre en compte les contraintes culturelles, économiques et adapter les produits à leurs besoins. Elles reposent également sur la mise en place d’une organisation alliant flexibilité et gestion décentralisée ainsi que sur la constitution de réseaux locaux de distributeurs et de partenaires institutionnels et associatifs.

La question du financement des projets inclusifs qui présentent souvent une rentabilité limitée est centrale. De nouveaux outils de financement sont actuellement imaginés tels que :

  • La mise en place d’un système de financement centré sur le « tiers-investisseur »
  • La création d’incubateurs mixtes
  • Le développement de « prêts inclusifs » en lien avec « l’impact investing »
  • La création de fonds d’investissement solidaires avec des taux de rentabilité moins élevés que ceux générés par le capital-risque traditionnel.

L’un des principaux enjeux des projets « business inclusif » est aujourd’hui de passer d’une logique de pilote à une véritable dimension industrielle générant des projets de grande envergure. Les entreprises qui se sont lancées dans le business inclusif ont dû faire face à de nombreuses difficultés. Néanmoins l’enthousiasme pour ces projets reste toujours présent, aucune entreprise ou presque n’a renoncé totalement aux projets dans lesquels elle a investi.

Liste des principales propositions

  • Eviter de généraliser un modèle de financement statique des pouvoirs publics reposant sur des investissements directs dans les entreprises (ex : les Fonds sociaux européens – FSE) et privilégier une approche incitative avec des soutiens différents selon les phases du processus ; 
  • Eviter la multiplication d’aides trop complexes, trop éloignées des entrepreneurs, donc mal perçues et sous-utilisées ; 
  • Mettre en place un groupe de travail chargé de réfléchir à la question d’un assouplissement des catégories juridiques existantes pour permettre aux différents acteurs de structurer leurs projets au plus près de leurs besoins ; 
  • Réfléchir à la structuration des outils et méthodes existants pour mesurer l’impact économique et sociétal des projets de business inclusif ; 
  • Créer un cadre juridique pour les fonds d’investissement solidaire ; 
  • Fabriquer et diffuser des outils pédagogiques (notamment numériques) pour tous les âges afin de montrer que l’entreprise peut être un instrument au service de l’inclusion des plus pauvres ; 
  • Soutenir les entreprises dans la création d’incubateurs et de fonds d’investissement dédiées à l’entrepreneuriat social, notamment la création d’incubateurs mixtes, des pépinières mixtes (Ex : ASPEN Institute aux US) avec à la fois un accompagnement de spécialistes (Ex : Ashoka) et un soutien financier au projet ; 
  • Mieux prendre en compte la dimension sociale dans les réponses aux appels d’offres publics pour pousser les entreprises à développer des offres prenant mieux en compte leur impact social ; 
  • Encourager les prêts inclusifs. Les compagnies d’assurance pourraient placer une partie de l’argent sur des projets type « business inclusif ». Faire en sorte de sécuriser la rentabilité de ces marchés en faisant des prêts à des taux moins importants; 
  • Privilégier le financement des initiatives publiques/privées par les institutions internationales ou nationales d’aide au développement.

[1] Danielle Echaudemaison définit l’économie informelle comme « l’ensemble des activités productrices de biens et services qui échappent au regard ou à la régulation de l’État » (D Echaudemaison : Dictionnaire d’Économie et des Sciences sociales, Nathan Paris 1993)

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