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Note

Combien coûterait une perte du AAA ?

Malgré les tentatives de banalisation de la majorité, la perte de sa note triple A par la France aurait de lourdes conséquences. Dans une tribune publiée sur Le Monde.fr, Thomas Chalumeau montre que, si l’on observe d’ores et déjà une dégradation des taux d’intérêt servis à l’émission de la dette française, la perte officielle du triple A confirmerait un mouvement de réajustement à la hausse du risque français, avec un impact très conséquent sur les charges annuelles de notre dette. Les mécanismes de solidarité européens, difficilement mis en place pour contenir la crise de la zone Euro, seront également affectés. En tout état de cause, une telle dégradation constituerait une lourde remise en cause de la politique du gouvernement.
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L’agence Standard and Poor’s a placé il y a une semaine les notes de 15 Etats de la zone euro sous surveillance avec implication négative. Le délai entre un placement sous surveillance et une décision sur la note est généralement de trois mois environ, mais, dans le cas de la zone euro, et tout particulièrement de la France, S&P a laissé entendre qu’il pourrait être beaucoup plus court. 

La majorité tente de banaliser l’impact d’une perte du triple A. En réalité, une telle dégradation de la note souveraine de notre pays en pleine tempête sur les marchés contre la zone Euro constituerait un évènement politique majeur à quelques semaines de l’élection présidentielle. Et la fin d’une époque pour notre pays, habitué depuis la création de la zone Euro à bénéficier de taux d’emprunt très bas pour financer la dérive de ses déficits.  

1. Sur le plan financier, tout d’abord, les implications d’une perte du triple A seraient réelles sur les charges annuelles de la dette, dans les prochains budgets de l’Etat.  

Certes, les taux d’intérêt servis à l’émission de la dette française se sont déjà dégradés : le « spread » OAT-Bund, qui mesure l’écart de taux d’intérêt entre les emprunts d’État français à dix ans (les obligations assimilables du Trésor) et les emprunts d’État allemands de même durée et qui indique donc la différence de solidité financière que les grands créanciers internationaux établissent entre les deux pays, s’établit déjà à 125 points de base (1,25 %), contre 30 points en mai : les marchés nous notent donc déjà en « BBB+ ». C’est aujourd’hui la prime réclamée par les investisseurs pour acheter de la dette française plutôt qu’allemande.  

Toutefois, une dégradation « officielle » de la note de la France, qui plus est de deux crans comme il est possible, constituerait une étape décisive d’un mouvement de réajustement à la hausse du risque français. Ce réajustement pourrait atteindre rapidement jusqu’à 1 % d’intérêt supplémentaire (100 points de base). Dans cette hypothèse, réaliste, les taux français à 10 ans, actuellement de 3.1 %, quitteraient la proximité des rives des taux allemands (aujourd’hui de 1,85 %) pour se rapprocher, à 4 %, voire plus, des niveaux de taux appliqués à l’Espagne (5,4 %) ou à l’Italie (6,7 %).   L’impact de ce point d’intérêt supplémentaire sur nos charges d’intérêts annuelles serait très conséquent, et ce rapidement : de l’ordre de 2,5 à 3 milliards d’euros annuels à l’horizon de 12 à 18 mois, avant d’atteindre possiblement près de 15 milliards d’euros par an à l’horizon 2017 ans, une fois répercuté sur l’ensemble de notre stock de la dette publique, dont la maturité est proche de 5 ans. 15 milliards, soit l’équivalent de deux points de TVA, ou encore de la somme des budgets alloués au ministère de la culture, de l’agriculture, des affaires étrangères, de l’écologie et des transports…  

L’incidence d’une perte du triple A est donc très loin d’être négligeable. Elle serait également probablement durable, la position de la France par rapport aux autres grands Etats européens étant également peu favorable sur les autres critères d’appréciation retenus par les marchés que sont le déficit primaire, le rythme de l’ajustement, la flexibilité de ses dépenses, ses marges de manœuvre fiscales ou encore la situation de sa balance des paiements. Nous pourrions donc mettre plusieurs années à en retrouver le niveau.   Et tout ceci chargerait encore un peu plus la barque du programme d’ajustement nécessaire pour revenir à une trajectoire soutenable des finances publiques, déjà estimé selon les économistes à près de 80 milliards d’euros. 

 2. La perte de son triple A par la France aurait également un impact majeur sur les mécanismes de solidarité européens qui viennent d’être difficilement mis en place pour contenir la crise de la zone Euro.  

Un éventuel abaissement de la note française, deuxième contributeur au Fonds européen de soutien aux pays en difficulté (FESF), pèserait inévitablement sur la notation de cet instrument financier indispensable pour gérer la crise de la dette.  

Elle aggraverait sans nul doute les risques d’assèchement du marché du crédit en Europe, au moment où la zone Euro y est plus que jamais confrontée, contraignant la Banque centrale européenne à jouer les pompiers de service.  

Les entreprises françaises, notamment les moins bien notées d’entre elles, souffrent déjà depuis plusieurs semaines de la nervosité des marchés sur les incertitudes des mois à venir. Une perte du triple A de la France se traduirait immédiatement par des implications négatives sur leurs conditions de financement et des difficultés accrues à accéder au marché, au moment où elles planifient leurs investissements pour l’année à venir. Et alors même qu’elles s’apprêtent à affronter un ralentissement de leurs commandes et de leurs exportations en Europe, dans un contexte de marges laminées par la hausse des prix des matières premières et du pétrole.  

3. Enfin, la dégradation de la note de la France sur les marchés constituerait un évènement politique majeur à quelques semaines de l’élection présidentielle.  

Elle remettrait en cause le discours asséné par la majorité depuis près de 18 mois, qui a présenté le maintien de la crédibilité financière de notre pays sur la scène internationale comme la contrepartie du  « plus d’impôt et de rigueur » mis en œuvre depuis un an et demi en France et accru depuis août dernier dans le cadre du programme « anti-déficit » du Gouvernement.  

Dans le domaine fiscal, les prélèvements ont déjà augmenté d’une vingtaine de milliards d’euros cette année et augmenteront encore de 20 milliards supplémentaires en 2012, avant une dizaine de milliards de plus en 2013. 20 + 20 + 10 = 50. D’ici la fin de l’année 2013, la France subira avec 50 milliards d’euros de plus en 3 ans, la hausse d’impôts la plus importante jamais enregistrée depuis la création de la Cinquième République.  

Le Gouvernement avait jusqu’ici tenté d’occulter la réalité de ce choc fiscal considérable, en privilégiant la multiplication de nouvelles taxes ou mesures d’assiettes à la hausse générale des taux des grands impôts d’Etat, une première « ligne Maginot » qui s’est effondrée avec les hausses du dernier budget 2012 sur la TVA et l’impôt sur le revenu….  

La perte du triple A viendrait remettre en cause la seconde ligne de défense du Gouvernement : la nécessité de maintenir la notation de la France sur les marchés. D’ici quelques semaines, les Français pourraient donc malheureusement se retrouver confrontés à la fois à la hausse très importante des impôts, et à la dégradation de notre note sur les marchés. Sans plus de visibilité sur la manière de se sortir de ce piège de la dette, qui menace aujourd’hui son économie.

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