Aller au contenu de la page
Note

Crise grecque : première fusée avant le feu d’artifice européen?

La crise que traversent la Grèce et la zone Euro en général doit être comprise dans ses multiples dimensions. Une crise des finances publiques, une conséquence de la crise financière de 2008, une attaque spéculative contre l’Euro, cette situation a mis à l’épreuve la solidarité européenne. Selon Julia Cagé, économiste à l’École d’Économie de Paris, une réforme profonde de la gouvernance économique européenne et du rôle des agences de notation doit impérativement être lancée.
Publié le 

1 – Comprendre la crise grecque

1.1 – Le feu aux poudres

La trajectoire des comptes publics grecs a volé en éclat depuis la crise . Le déficit a atteint 12,7% du produit intérieur brut (PIB) en 2009. Il est même estimé à près de 16% si l’on réintègre les dépenses liées au secteur hospitaliser. La dette s’élève à plus de 294 milliards d’euros. Pour boucler son budget 2010, la Grèce a prévu d’emprunter cette année… presque 53 milliards d’euros, soit près de 20% de sa richesse nationale ! Cette situation révèle une situation macroéconomique désastreuse. Le taux de chômage a atteint 10,6% en novembre 2009, son plus haut niveau depuis près de cinq ans, avec une hausse de 2,8 points en un an.

La Grèce ne pourra s’en sortir seule . Alors que le gouvernement de gauche actuel a hérité d’un déficit près de quatre fois supérieur à celui annoncé par des statistiques sur lesquelles existe un fort soupçon de manipulation, il a immédiatement engagé un plan d’austérité et de restriction budgétaire, alors même qu’il avait été élu sur un programme de relance, qui mettra toutefois du temps à produire ses effets.

L’Europe n’a pas le choix : elle doit éteindre l’incendie aussi vite que possible en apportant à la Grèce les financements nécessaires pour accommoder la transition (et pour éviter qu’elle ait à se tourner vers les marchés financiers qui lui font payer très cher son refinancement, du fait de la hausse des taux d’intérêt…).

En réalité, le « problème grec » ne date pas d’aujourd’hui . Le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a reconnu lui-même que l’Eurogroupe avait commis une « erreur de négligence » en ne s’étant pas préoccupé suffisamment tôt de la situation financière du pays. Les institutions européennes semblent également avoir failli en ne détectant pas la fraude du précédent gouvernement grec, accusé d’avoir manipulé les statistiques des comptes publics. Le New York Times a ainsi révélé que Goldman Sachs aurait, en 2001, juste après son adhésion à l’Union monétaire européenne, aidé la Grèce à contourner les règles du Pacte de stabilité, en utilisant des instruments financiers complexes, comme ceux à l’origine de la crise financière américaine, pour l’aider à dissimuler l’ampleur de sa dette. Et lui permettre ainsi d’emprunter davantage sur les marchés financiers.

Face à des marchés sceptiques sur la cohésion de la zone euro, les dirigeants européens vont devoir convaincre du sérieux de leurs engagements et de ceux de la Grèce, au besoin en durcissant les exigences envers Athènes. L’Union européenne n’a guère le choix . La crise grecque constitue, de fait, la première grande crise de la zone euro. Le succès et la stabilité de la monnaie unique ont pu un temps créer l’illusion qu’elle mettait les gouvernements totalement à l’abri de la contrainte que constitue leur crédibilité vis-à-vis des marchés financiers. Si l’euro a bien eu cet effet protecteur, la crise grecque montre aujourd’hui qu’il a des limites. Les autorités européennes ainsi que les autres Etats membres de la zone euro doivent impérativement prendre la mesure de la crise actuelle pour (ré)affirmer de nouveaux principes de solidarité et de fonctionnement de la zone euro, dont les règles actuelles apparaissent obsolètes et peu crédibles.

Dernier élément du diagnostic, la crise grecque met en lumière le rôle des agences de notation et la portée du choix de la Banque Centrale Européenne d’intégrer les notations de ces dernières dans ses propres critères d’éligibilité. C’est en effet la décision de deux agences de notation, Standard & Poor’s (S&P) and Fitch Ratings, de dégrader (de A- à BBB+) la note de la dette publique à long terme en décembre 2009 qui a mis le feu aux poudres.


Cette dégradation n’aurait pas débouché sur une crise d’une telle ampleur si elle ne s’était accompagnée de l’affirmation concomitante par la BCE du rehaussement de ses critères d’éligibilité pour le rachat des titres de créances collatéraux dès la fin de l’année (à la faveur de la crise, la BCE avait adopté des critères plus accommodants, mais a affirmé qu’ils ne seraient pas étendus en 2011) rendant envisageable la possibilité que les titres de dette de la Grèce ne soient plus éligibles. Si Moody’s, qui affiche pour l’heure une notation supérieure, rejoint le niveau de notation des deux autres agences – comme elle menace de le faire si la Grèce ne renforce pas ses mesures d’austérité – alors à la fin de l’année la dette grecque ne sera plus éligible en collatéral à la BCE, rendant presque impossible le refinancement du pays.

Tel est bien le paradoxe de cette crise : des institutions européennes qui non seulement révèlent leur impuissance à assurer un contrôle efficace du dérapage des finances publiques grecques, mais qui ont concouru à allumer l’étincelle de la crise.

2 – Sauver la Grèce aujourd’hui, repenser la zone euro demain

2.1 – Quand l’Europe prend (enfin) ses responsabilités

Lors de la réunion de l’Eurogroupe et des Ministres des Finances de l’euro mi-février, la Grèce a été mise officiellement en demeure de ramener son déficit sous 3% du PIB d’ici 2012, tout en prenant des mesures drastiques pour réformer en profondeur ses systèmes de retraite et de santé. Le gouvernement grec devra rendre des comptes selon un calendrier précis : il lui faudra présenter un rapport à la mi-mars, un deuxième à la mi-mai, puis un autre tous les trois mois.

En affirmant qu’ils prendront des mesures coordonnées pour assurer la stabilité financière de la zone euro – à condition bien sûr que la Grèce mette en œuvre son plan d’austérité budgétaire avec détermination et rigueur – les Etats membres de l’Union ont fait le choix d’affirmer le principe de solidarité . L’alternative aurait été d’abandonner la Grèce à son sort en la laissant demander une aide au Fonds monétaire international.

Il faut espérer que cette déclaration – dont le principe même a fait l’objet de résistances, en particulier de l’Allemagne – n’ait pas seulement été destinée à calmer les mouvements de spéculation sur les marchés financiers mais soit suivie d’effets. Cela implique de définir précisément les modalités pratiques du soutien européen à la Grèce , ce qui n’a toujours pas été fait. Modalités pour lesquelles les Vingt-Sept sont techniquement contraints du fait de l’article 125 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) (introduit par le Traité de Maastricht) qui interdit en principe à un Etat membre de répondre des engagements financiers d’un autre.

.

Les modalités d’intervention concrètes des pays de la zone euro pourraient prendre plusieurs formes : des prêts bilatéraux coordonnés accordés par les Etats volontaires – principale solution envisagée par la France et l’Allemagne – ; l’accélération par l’Union européenne du versement des fonds structurels en principe réservés à la Grèce d’ici à 2013 ; la mobilisation de la Banque européenne d’investissement (BEI) ; enfin, pour éviter la nouvelle crise qui se profile à l’horizon de la fin de l’année, accepter de prolonger pour la Grèce les conditions plus conciliantes d’éligibilité au refinancement de la BCE. L’article 122 du TFUE permet au Conseil d’accorder à un Etat membre une assistance financière en cas de graves difficultés « en raison de catastrophes naturelles ou d’événements exceptionnels échappant à son contrôle », mais il n’est pas sûr que l’Union puisse contourner l’article 125 sur un tel fondement.

La solution qui semble se profiler à l’horizon aujourd’hui est celle d’un programme d’achat d’obligations grecques par l’Allemagne, la France et les Pays-Bas. Cet achat permettrait d’aider la Grèce à affronter à son immense déficit budgétaire. Et surtout de lui fournir les liquidités nécessaires pour faire face à l’arrivée de deux échéances de refinancement de dettes en mars et avril. Les marchés redoutent en effet que la Grèce ne soit pas en mesure d’emprunter à des taux abordables pour se refinancer.

Cet achat s’accompagnerait de la fourniture de garanties par la France et l’Allemagne pour que d’autres banques achètent des obligations grecques. En contrepartie, le gouvernement grec se serait engagé à prendre des mesures d’austérité supplémentaires.

Ces mesures d’urgence, toutefois, ne suffiront pas. Elles doivent être suivies de la mise en œuvre d’un véritable plan de soutien, définissant des modalités d’intervention et annonçant des garanties concrètes quant au sauvetage du pays, et précisant notamment les réformes structurelles indispensables au retour de la Grèce sur une trajectoire plus soutenable des comptes publics.

2.2 – Repenser la zone euro

Au-delà de la situation grecque, la crise actuelle invite à réformer les mécanismes de mise en œuvre d’une véritable « solidarité européenne » – avènement d’un « gouvernement économique » européen, évolution des statuts de la Banque Centrale Européenne –, mais aussi à s’interroger sur une réforme du rôle joué par les agences de notation dans les critères d’éligibilité de la BCE.

Réfléchir dès maintenant à modifier à terme les règles de l’UEM

L’une des principales difficultés des pays de la zone euro aujourd’hui face à la crise grecque provient du fait que les Etats membres se trouvent face à une situation dans laquelle les traités ne permettent pas d’aider la Grèce . Si la réforme des règles inscrites dans les Traités n’est pas envisageable à court terme, au vu de l’extrême difficulté politique de toute modification, la crise grecque doit conduire à entamer une telle réflexion.

En effet, les traités européens interdisent un sauvetage de la part des pays de la zone euro. Cette clause a été introduite dans le traité de Maastricht (1991) à la demande des Allemands, qui ne souhaitaient pas être placés dans l’obligation de payer pour l’indiscipline budgétaire des pays du sud de l’Union monétaire et ont voulu distinguer clairement la politique monétaire commune de la politique budgétaire, soumise à des règles mais dont les Etats devaient continuer à assumer la responsabilité. Avec la proclamation de la part des chefs d’Etat et de gouvernement de la solidarité de l’UE vis-à-vis de la Grèce, malgré la lettre et l’esprit du Traité, cette stricte séparation vient de subir une entorse. Or, pour la crédibilité de l’UEM, des règles claires seraient préférables à des mécanismes « ad hoc » permettant de contourner le cadre juridique de l’UEM.

La BCE, de son côté, n’a statutairement pas le droit d’acheter à l’émission une dette publique (article 101 du TFUE). Remettre en question une telle interdiction pourrait faire sens, d’autant que dans la plupart des pays du monde – à commencer par les Etats-Unis – les Banques centrales ont un tel droit. En dix ans d’existence, la BCE a suffisamment apporté la preuve de son indépendance pour autoriser une telle évolution.

Cela permettrait de plus de mettre fin à une certaine hypocrisie résidant dans le fait que si en effet la BCE ne peut pas acheter la dette à l’émission, elle peut en revanche racheter à des banques ces titres – ce qui revient à contourner l’interdiction –, à condition que ceux-ci soient suffisamment bien notés (notation définie par les agences de notation…). Ainsi, certains ont proposé face à la crise actuelle la formation d’un consortium de banques allemandes, françaises, britanniques qui rachèterait la dette grecque – voire la constitution des banques grecques elles-mêmes en syndicat pour « porter » la dette souveraine –, et irait la porter à la Banque centrale, qui la réescompterait.

Au-delà de cette seule question, il semble nécessaire de trouver en Europe le bon équilibre entre le fait (légitime) de ne pas vouloir créer de risque d’aléa moral en ne faisant pas de la BCE un simple guichet et d’assurer ainsi la stabilité monétaire de la zone, et la solidarité européenne qui fait que l’Union économique et monétaire – au risque d’ailleurs sinon d’éclater – ne peut abandonner l’un de ses membres.

Instaurer un gouvernement économique qui coordonnerait l’action européenne

Les règles du « pacte de stabilité », seul mécanisme de coordination contraignant, ont perdu toute crédibilité car elles ont trop rarement été respectées. Inadapté aux réalités économiques de l’UEM, le Pacte a été fortement assoupli en 2005, puis mis en sommeil avec la crise. Pour autant, l’Union ne s’est pas encore dotée d’un mécanisme alternatif.

La Commission européenne, par la voix de son commissaire sortant aux Affaires économiques et monétaires, Joaquin Almunia, demande depuis plusieurs mois davantage de moyens de coordination et de surveillance budgétaire. Dans son rapport sur la première décennie de l’Union économique et monétaire publié il y a deux ans, elle proposait également d’élargir cette surveillance aux politiques économiques, en particulier aux réformes structurelles. C’était avant la crise. Malheureusement, les Etats membres, jaloux de leur souveraineté, n’ont pas suivi ces propositions. Il est aujourd’hui temps de transformer les paroles en actes et de faire de cette crise le début d’une nouvelle ère de la gouvernance économique européenne.

En effet, la première décennie de l’UEM montre que le problème de sa soutenabilité à long terme ne se réduit pas à la question de la limitation des déficits budgétaires , comme le pensaient les architectes du Traité de Maastricht. Les divergences de compétitivité (dues notamment au coût du travail) et d’inflation ont été trop fortes pour garantir la cohésion de la zone et un degré satisfaisant d’adéquation du cadre macroéconomique commun avec les besoins propres à chaque pays. Cette situation se traduit par des différences importantes entre les soldes commerciaux des Etats membres. De plus, la situation de certains Etats membres face à la crise prouve que des modèles de croissance « insoutenables », comme ceux de l’Espagne et de l’Irlande, peuvent très vite se traduire par une forte dégradation des finances publiques. Pour garantir la pérennité à long terme de la zone euro et tirer tous les bénéfices de l’existence d’une monnaie unique, c’est bien l’ensemble des choix de politique économique qui doivent faire l’objet d’une coordination au niveau européen.

Une solution optimale consisterait évidemment à doter l’Union d’une forme de fédéralisme budgétaire . On pourrait ainsi donner la possibilité à l’Union européenne de lever des impôts, ce qui lui permettrait d’augmenter son budget (qui ne représente aujourd’hui que 1% du PIB de l’Union) et d’avoir la capacité d’intervenir en cas de crise. L’économiste Pierre-Cyrille Hautcoeur a ainsi proposé de créer un impôt, qui porterait par exemple sur les revenus financiers, s’élevant à environ 1% du PIB européen – soit une centaine de milliards d’euros – qui permettrait de fournir à l’Union les moyens d’une véritable politique budgétaire. Moyens qu’elle n’a pas aujourd’hui du fait d’un budget beaucoup trop faible dont le rôle de stabilisation du cycle économique est quasi nul. Une autre possibilité, politiquement sans doute plus réaliste, serait la création d’un outil européen de stabilisation, similaire aux « rainy-day funds » utilisés aux Etats-Unis, afin de mutualiser une partie des excédents dans les périodes de prospérité et de venir en aide à un pays subissant un choc.

Que ces solutions fédéralistes finissent ou non par être envisagées à terme, la transition vers un « gouvernement économique » de la zone euro s’impose. Ce débat doit aujourd’hui être abordé de manière dépassionnée et moins incantatoire que par le passé.

La solution qui vient le plus vite à l’esprit serait d’institutionnaliser les sommets des chefs d’Etat de la zone Euro , à l’image de celui qui s’est tenu en octobre 2008 pour définir une position commune face à la crise financière – et qui a néanmoins montré toute la difficulté de parvenir à des décisions communes, même face à une crise touchant l’ensemble des Etats. L’idée derrière cette proposition est qu’un tel conseil aurait une légitimité politique plus forte que les seuls ministres des Finances, réunis au sein de l’Eurogroupe, pour dialoguer avec la BCE et décider d’orientations communes de politique économique. Quant à l’Eurogroupe, au départ simple instance informelle, il s’est vu institutionnalisé et doté d’un rôle renforcé par le Traité de Lisbonne, mais son efficacité jusqu’à présent s’est révélée faible. Il n’existe toutefois aujourd’hui pas d’alternative crédible à la capacité des gouvernements eux-mêmes à prendre des engagements en commun et à s’y tenir. Cette collégialité des décisions doit s’appuyer sur le rôle d’impulsion du président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, mais aussi sur une expertise et un rôle « d’avertissement » renforcés de la Commission européenne en matière de surveillance macroéconomique. Celle-ci doit être à la fois recentrée, pour ce qui concerne les finances publiques, sur la soutenabilité de la dette, et étendue aux autres déséquilibres internes (croissance, inflation, commerce) et aux politiques structurelles. Pour être crédibles, il est souhaitable que de tels objectifs soient contraignants. La question d’un éventuel mécanisme de sanctions « par les pairs » peut donc se poser, même si les mésaventures du pacte de stabilité ont montré la difficulté politique d’appliquer concrètement de tels dispositifs. Enfin, d’autres outils sont imaginables pour compléter ce mécanisme de coordination, comme, à terme, l’émission de titres de dette communs, ou, dans l’immédiat, un système de supervision financière efficace et contraignant à l’échelle européenne (dont le projet, qui fait suite au rapport Larosière, fait l’objet de discussions actuellement).

Cette coordination des politiques économiques en amont permettrait de prévenir les crises de solvabilité des Etats et rendrait acceptable aux contribuables le sauvetage par les autres Etats membres d’un Etat susceptible d’être défaillant comme la Grèce aujourd’hui. Elle pourrait potentiellement s’attaquer à bien des difficultés économiques des Etats membres de la zone, telles que l’inadéquation entre la politique monétaire de la BCE et la situation d’un pays, la lenteur de certains gouvernements à mettre en œuvre une politique de renforcement de leur compétitivité, ou encore les conséquences négatives pour les autres de stratégies fiscales ou salariales non coopératives menées par certains pays. Ce « gouvernement économique » pourrait aussi ouvrir la voie à l’adoption d’orientations permettant à la zone de mener une véritable politique de change face à la Chine ou aux Etats-Unis.

Remettre en cause l’omnipotence des agences de notation

Dernier enjeu : celui de la réforme des agences de notation et de leur rôle dans les décisions de la Banque centrale européenne.

La BCE fixant ses propres critères d’éligibilité en fonction des notes des agences de notation, il est surprenant qu’au cœur du dispositif européen se trouve l’opinion d’agences privées, alors même que ces dernières se sont retrouvées sur le banc des accusés pendant la crise des subprimes.

Une possibilité serait que la BCE évalue elle-même les actifs souverains, définissant ainsi complètement les critères d’éligibilité plutôt que de s’en remettre aux agences, mais cela pourrait la mettre dans une situation politique dangereuse. En effet, elle pourrait se trouver ainsi clairement en situation de conflit d’intérêt, étant à la fois celle qui rachète aux banques des titres de dette publique et celle qui, en déterminant la notation de ces titres, détermine en partie le niveau des taux d’intérêt sur cette dette. De plus, elle subirait dès lors de fortes pressions politiques de la part des Etats – pression que les Etats ne peuvent pas exercer sur des agences de notation privées – une baisse de la notation entraînant automatiquement pour ces Etats un alourdissement du coût des emprunts. Plusieurs autres pistes sont dès lors envisageables. Thomas Philippon estime que le problème est surtout lié à l’absence de concurrence du secteur. Dès lors, l’une des voies d’amélioration du dispositif actuel serait d’ouvrir la notation à la concurrence, de mettre en face de ces agences de notation privées des agences publiques, adossées aux Etats ou, par exemple, au FMI.

Au-delà, il apparaît plus que jamais nécessaire de mieux réguler le système de notation [1] . Le nouveau règlement européen sur les agences de notation, en vigueur depuis le 7 décembre 2009 et qui sera appliqué fin 2010 pour encadrer les agences, constitue certes un progrès vers plus de rigueur et une meilleure prise en compte des responsabilités – avec, notamment, l’imposition d’un enregistrement auprès des autorités boursières nationales, une rotation accrue des analystes sectoriels, des règles strictes de gouvernance et l’obligation de définir des indicateurs spécifiques pour les notes de produits structurés – mais est loin d’être une solution suffisante.

  1. A ce sujet, voir la note Terra Nova « Pour une réglementation et une supervision efficaces des agences de notation », du 20 avril 2009 ( http://www.tnova.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=718:agences-de-notation&catid=4:notes&Itemid=204 )

Site Internet fabriqué avec  et  éco-conçu pour diminuer son empreinte environnementale.
Angle Web, Écoconception de site Internet en Savoie