La France est-elle en faillite ?
La Grèce en témoigne : la crise est entrée dans sa phase ultime et menace le dernier maillon, les Etats eux-mêmes. Ils sont massivement intervenus – sauvetage des banques, plans de relance économique, transferts sociaux – et se sont mis « dans le rouge ». L’Islande, la Géorgie, l’Ukraine, la Hongrie ont fait appel au FMI pour se renflouer. La zone euro est touchée : la Grèce aujourd’hui, le Portugal et l’Espagne demain. La France est-elle, à terme, sur la liste ?
La Grèce en témoigne : la crise est entrée dans sa phase ultime et menace le dernier maillon, les Etats eux-mêmes. Ils sont massivement intervenus - sauvetage des banques, plans de relance économique, transferts sociaux – et se sont mis « dans le rouge ». L’Islande, la Géorgie, l’Ukraine, la Hongrie ont fait appel au FMI pour se renflouer. La zone euro est touchée : la Grèce aujourd’hui, le Portugal et l’Espagne demain. La France est-elle, à terme, sur la liste ?
Il est temps, indiscutablement, de s’en préoccuper. Les chiffres relèvent du jamais vu. Le déficit public annuel de la France a bondi de 3.4% du PIB en 2008 à 8% en 2009 et 2010. Le plancher de bonne gestion budgétaire prévu par l’Union européenne (un déficit maximum de 3%) est enfoncé. Conséquence, la dette publique s’envole : elle se dégrade de 20 points de PIB, de 63% fin 2007 à 83% prévu fin 2010. Elle atteint ainsi 1.600 milliards d’euros, soit la bagatelle de 26.000 euros par Français.
Certes, l’endettement actuel de notre pays est encore supportable. Après tout, il est dans la moyenne de l’OCDE, au même niveau que les Etats-Unis ou l’Allemagne. Plusieurs pays européens supportent une dette supérieure à 100% (Grèce, Italie, Belgique). L’endettement du Japon dépasse même aujourd’hui 180% du PIB, on en est encore très loin !
Mais un tel endettement commence à poser problème.
Premier problème : la vitesse d’accumulation. Elle est impressionnante. 275 milliards d’euros de titres de dette ont été émis sur les marchés par le Trésor français en 2009. On atteint près de 500 milliards d’endettement supplémentaire depuis le début de la crise. La moitié du budget 2010 est financée par emprunt ! La France n’est pas encore surendettée mais à ce rythme elle le deviendra très rapidement.
Second problème : l’érosion des marges de manœuvre budgétaires. La France doit rembourser la dette accumulée dans le passé et payer les intérêts. Elle y consacre des moyens croissants. La charge des intérêts de la dette atteint 45 milliards d’euros : c’est le premier poste de dépense du budget de l’Etat, l’équivalent des recettes de l’impôt sur le revenu. Et elle s’alourdira encore fortement dans les années à venir : à cause de l’effet « boule de neige » (le supplément d’endettement entraîne un surcroît d’intérêts) ; et lorsque les taux d’intérêt, historiquement bas, vont remonter.
Troisième problème : la spéculation. Alors même que la dette publique française reste encore « objectivement » soutenable, la psychologie des marchés financiers peut en décider autrement. Aujourd’hui, le « spread », c’est-à-dire l’écart de taux d’intérêt demandé pour l’achat de la dette française (OAT) face à la dette de référence allemande (le Bund), est faible : une trentaine de points de base (3.5% pour les taux longs français contre 3.2% pour les taux longs allemands). Mais ce « spread » s’accroîtra si la France alimente l’inquiétude des marchés en ne donnant pas de signe tangible de mise sous contrôle de son endettement. C’est typiquement le cas de la Grèce, avec un spread de 400 points de base, et désormais un risque de défaillance globale.
Au total, c’est donc la dynamique de dégradation, tout autant que le montant de l’endettement, qui peut provoquer une attaque des marchés et mettre en danger la pérennité de nos finances publiques. C’est cette dynamique qu’il faut casser sans attendre.
Comment en est-on arrivé à cette situation critique ? Face à la crise, le gouvernement a-t-il laissé filer les déficits de manière inconsidérée ? Non, il a bien fait. C’était une nécessité pour soutenir l’économie. S’il a pêché, c’est plus par timidité que par excès. Le plan de relance aurait pu être plus volontariste. La France n’a pas mobilisé ses finances publiques au-delà du raisonnable. Leur dégradation conjoncturelle pour faire face à la crise est plutôt en-dessous de la moyenne de ses partenaires : le chiffre de 4.5 points de PIB en France est à comparer à une moyenne OCDE de 6 points, 7 aux Etats-Unis, 10 au Royaume Uni, 11 en Espagne. Le niveau de déficit en sortie de crise (8%) est un peu supérieur à la moyenne OCDE (7%), mais reste très comparable (8 au Japon, 0 aux Etats-Unis, 13 au Royaume Uni).
Le problème, c’est que ces déficits conjoncturels viennent se surajouter à un endettement déjà élevé. Avant la crise, en 2007, la dette publique de la France atteignait déjà 63% du PIB. Elle avait déjà franchi le seuil plafond (60%) fixé par les critères de Maastricht.
La dérive de la dette publique est structurelle. Depuis 1974, aucun budget n’a jamais été exécuté à l’équilibre. Cela signifie que, chaque année depuis 35 ans, la France voit augmenter inexorablement son endettement. Même en période de croissance économique, elle n’arrive pas à équilibrer son budget. Son déficit structurel se situe désormais à près de 5 points de PIB : en moyenne sur le cycle économique, elle creuse sa dette de presque 100 milliards d’euros par an.
C’est à cette dérive structurelle de long terme qu’il faut s’attaquer. Nous ne pouvons plus repousser les réformes nécessaires.