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Revue de presse

La réglementation bancaire en Europe est-elle trop sévère ?

À quelles motivations les règles qui encadrent les banques répondent-elles et sont-elles allées trop loin? La réponse de trois think tanks.
Publié le 

« On bute encore sur la question des risques systémiques »

Christian de Boissieu, vice-président du Cercle des économistes  

Trop sévère par rapport à la gravité de la crise financière mondiale enclenchée en 2007–2008? Non! Cette crise a conduit à resserrer les boulons réglementaires et a obligé tous les opérateurs, dont les banques, à mieux connaître et gérer leurs risques. L’exercice mené via le G20, le Conseil de stabilité financière, le Comité de Bâle ou la Commission européenne est à la fois ambitieux et forcément partiel (cf. la difficile régulation du shadow banking). Autre défi important: on prend des mesures réglementaires pour avoir des banques plus capitalisées, moins risquées, mieux gérées, mais on continue de buter sur la très délicate question des risques systémiques.  

Trop sévère par rapport à la conjoncture, à la nécessité d’amplifier la reprise et la lutte contre le chômage? Se pose ici la question centrale de la « qualité » de la réglementation bancaire et financière, plus essentielle que sa « quantité ». Une réglementation de qualité parvient à concilier deux objectifs distincts et potentiellement antinomiques, la stabilité financière et le financement adéquat de l’économie réelle. Qu’il s’agisse de Bâle III (qui se veut mondial) pour les banques ou de Solvabilité II (seulement européen) pour les assurances, le curseur n’a pas été fixé de façon optimale, cédant trop à des considérations de financement et de croissance. Il faudra évaluer « à froid » le nouveau dispositif et l’améliorer en conséquence.  

Trop sévère par rapport aux autres? L’Europe fait preuve d’une certaine naïveté réglementaire: elle manque de croissance et, alors que la crise bancaire de 2007–2008 venait des Etats-Unis, elle en a rajouté en matière de réglementation prudentielle des banques! Il faut dire que la crise de la zone euro y a poussé…  

La coordination internationale vise à se rapprocher d’une concurrence loyale (le level playing field), mais, en pratique, avec des Américains qui vont choisir ce qu’ils veulent dans Bâle III et d’autres dispositifs, suivis par d’autres pays, nous en sommes loin, et parfois nous nous en écartons encore plus. Il est grand temps d’avoir d’autres ambitions pour la gouvernance financière mondiale!  

« Le problème de profitabilité des banques tient à d’autres facteurs »

Christophe Nijdam, secrétaire général de Finance Watch  

Répondre à cette question nécessite de la clarifier: qu’entend-on par trop sévère, et trop sévère pourquoi? La décision récente du Comité de Bâle de corriger certaines des failles du cadre réglementaire explique pourquoi cette question revient dans le débat: depuis Bâle II, la réglementation prudentielle autorise les plus grosses banques à utiliser leurs propres modèles pour calculer le montant de capital minimal avec lequel elles financent leurs activités.  

Une mesure qui oblige les banques à réduire leur effet de levier

Cela a conduit certaines banques à faire des évaluations très optimistes et différentes de l’une à l’autre, nuisant à la confiance dans leur solvabilité. Le Comité de Bâle a donc récemment interdit l’usage des modèles internes pour certaines catégories d’actifs, une mesure tardive et partielle, mais qui va dans le bon sens. Cette mesure risquant d’avoir pour conséquence la nécessité pour certaines banques de réduire leur effet de levier, celles-ci se plaignent de l’excessive sévérité des règles qui sont, selon elles, responsables de leur faible profitabilité actuelle.  

A titre de rappel, la réglementation bancaire impose aux banques européennes un plafond d’effet de levier de 33 fois, ce qui signifie qu’une banque qui prête 100 euros doit financer ce prêt au minimum avec 3 euros de son propre capital et peut emprunter les 97 euros restants. Cela signifie aussi que si 3% des prêts ne sont pas remboursés, la banque est en faillite. Du point de vue de la stabilité financière, c’est un niveau insuffisant, et s’il est vrai qu’un secteur bancaire profitable est nécessaire, un secteur bancaire robuste l’est tout autant, étant donné le coût énorme des crises financières pour les contribuables et l’économie.  

Plus généralement, il y a un réel problème de profitabilité bancaire, mais celui-ci est essentiellement imputable à d’autres facteurs, tels que le faible niveau des taux d’intérêts et le manque de croissance de l’économie qui entraîne des niveaux élevés de prêts non performants. 

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