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Étude

Le capital patient – un horizon pour la France et pour l’Europe

Beaucoup d’observateurs font aujourd’hui le constat d’une forme d’épuisement du modèle de croissance qui a prévalu ces dernières décennies et qui reposait en grande partie sur un capitalisme financiarisé, court-termiste et peu responsable vis-à-vis des générations futures. Pour sortir de cette impasse, il faut trouver les moyens de favoriser un autre modèle : le capital patient. Ce modèle considère que le capitalisme n’a de sens et d’avenir qu’inscrit dans une perspective de long terme et remis au service du financement des besoins essentiels (infrastructures, innovation, accès aux ressources rares), au bénéfice de tous, et sans sacrifier les générations futures. Terra Nova présente dans cette étude les contours de cette révolution encore silencieuse et propose, pour l’accélérer, plusieurs réformes clés, dans les champs institutionnels, juridiques et de la gouvernance des entreprises.

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Le capitalisme court-termiste est dénoncé à la fois sur le terrain de la performance (le capitalisme financier dominant est jugé de moins en moins performant, c’est-à-dire capable de créer de la valeur et de la richesse pour tous) et de son acceptation sociale, du fait notamment d’une prise en compte croissante des dommages sociaux et environnementaux de ce modèle. Le capital patient s’inscrit, lui, dans une perspective de long terme : il est remis au service du financement des besoins essentiels (infrastructures, innovation et accès aux ressources rares) au bénéfice de tous, sans sacrifier les générations futures. En un mot : le capital comme moyen et non plus comme fin.

Terra Nova présente ici les contours de cette révolution encore silencieuse et propose cinq réformes clés, dans les champs institutionnels, juridiques et de la gouvernance des entreprises, visant à l’accélérer.

Notre première recommandation propose la discussion et l’adoption par le parlement, au début de chaque législature, d’un document d’orientation des politiques industrielles et du financement des grands besoins de l’économie (infrastructure, transformation écologique) assise sur une vision longue de ces besoins et servant de cadre de référence pour les acteurs économiques. Ce document serait débattu en amont par toutes les parties prenantes. Adopté par loi organique, ses grandes orientations (relance des investissements dans les infrastructures, transition écologique et numérique) s’appliqueraient à l’ensemble des investisseurs publics français.

L’évolution vers un capitalisme patient doit aussi s’appliquer dans la gouvernance des entreprises. Nous recommandons dans ce cadre la création d’une agence indépendante de conseil en vote publique, qui matérialiserait cette orientation et à laquelle chaque citoyen (ou investisseur privé) pourrait céder ses droits de vote tout en gardant la propriété de son action. Une telle proposition, qui n’a encore jamais été mise en œuvre en Europe, permettrait de résoudre le problème de dilution des petits actionnaires et leur désengagement tout en réduisant la pression court-termiste s’exerçant sur les dirigeants.

Nous proposons également, à destination des investisseurs institutionnels et individuels privés l’extension du mécanisme des droits de vote double dès leur entrée au capital qui permet de consolider l’actionnariat stable par rapport aux investisseurs de court terme. La condition serait un engagement, ex ante, de garder les actions pendant deux ans au moins à travers la signature d’un pacte d’actionnaires, envoyant ainsi un signal clair aux dirigeants de l’entreprise quant à la stabilité de leur structure actionnariale.

La révolution du capitalisme patient nécessite ensuite une réallocation de l’épargne des ménages vers l’investissement de long terme dans les entreprises, une réforme de l’épargne en faveur du risque « actions », une mobilisation des acteurs institutionnels de la retraite et de la prévoyance en France (FRR, caisses de retraite), ainsi que la mise en œuvre de nouveaux outils de financements longs (dette perpétuelle, mécanisme d’association au capital public et privé comme l’augure le Plan Juncker en Europe, émissions obligataires souveraines carbone et/ou vertes, etc.) pour permettre la création d’un fonds souverain européen, comme l’ont fait d’autres grands Etats dans le monde. Ce fonds serait dédié au financement de la transition écologique et aux investissements dans les infrastructures stratégiques et doterait l’Europe d’une force de frappe financière cruciale à l’heure où on estime à plus de 300 milliards d’euros le déficit d’investissements en Europe d’ici 2020.

Afin de favoriser une meilleure allocation des capitaux vers le financement des infrastructures stratégiques efficientes énergétiquement et plus généralement vers l’économie verte, nous proposons que les institutions financières mettent en place des charges en capital d’autant plus fortes que les risques à long-terme auxquels nous faisons collectivement face (liés au changement climatique) sont élevés. Ces charges seraient obtenues grâce au calcul de « stress scénarios » axés sur le long terme.

Le chantier de la transition vers le capitalisme patient peut sembler considérable. Il est en réalité à portée de main, car la plupart de ces évolutions sont en germe dans les pays de l’OCDE. A l’Europe de leur en donner toute la portée. La relance de l’économie européenne, et la mise en place d’un avantage concurrentiel durable par l’investissement et l’innovation, sont à ce prix. 

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