Où en est le pouvoir d’achat ? par Thierry Pech – Ouest-France


Le pouvoir d’achat s’est installé depuis plusieurs mois comme la première préoccupation des Français. Une large majorité d’entre eux est en effet convaincue qu’il s’est dégradé. Le bilan du présent quinquennat affiche pourtant des gains de pouvoir d’achat significatifs pour la plus grande partie de la population selon les analyses du Trésor et de l’Institut des politiques publiques, et même supérieurs aux deux mandatures précédentes en dépit de la crise sanitaire et de son impact sur l’économie.
« Le petit plus que l’on s’offre quand on a tout payé »
Comment expliquer alors l’écart entre les faits décrits par ces études et la perception des Français ? En réalité, les statisticiens et les Français ne parlent pas de la même chose. Quand les premiers mesurent l’augmentation du revenu disponible brut, les seconds se focalisent sur leur budget librement arbitrable une fois payés les taxes et impôts, mais aussi les dépenses pré-engagées (loyer, remboursement d’emprunt, abonnements…) et peu compressibles (alimentation, transports…).
« Le pouvoir d’achat, c’est le petit plus que l’on s’offre quand on a tout payé », soulignaient plusieurs membres de la communauté citoyenne interrogés sur les thèmes de campagne par Terra Nova1.
C’est à la lumière de ce « reste » qu’ils jugent l’évolution de leur pouvoir d’achat. Or, même si le revenu disponible brut augmente, ces gains peuvent être partiellement recouverts, temporairement ou plus durablement, par la hausse des dépenses pré-engagées ou peu compressibles et donner à beaucoup le sentiment que leur liberté de consommer a reculé.
Le public sensible aux variations de prix des produits
Cette perception peut notamment être alimentée par les hausses soudaines sur les produits énergétiques ou alimentaires, comme on l’a vu dernièrement. Elles sont particulièrement ressenties par ceux des ménages modestes qui cumulent des charges d’emprunt pour la maison et la voiture, des coûts de transport liés à l’éloignement du lieu de travail, des coûts de chauffage liés à un habitat mal isolé, des coûts de garde d’enfants liés au fait que les parents rentrent tard le soir, etc.
Le public est aussi plus sensible aux variations de prix des produits qu’il consomme régulièrement et dont il connaît précisément la valeur, qu’à des dépenses prélevées annuellement ou réalisées plus rarement. Une augmentation conjoncturelle de quelques centimes du litre d’essence est ainsi plus immédiatement ressentie qu’une baisse, même drastique, de la taxe d’habitation.
Une politique économique porteuse de croissance
Dès lors, que faire ? Certains suggèrent d’augmenter le Smic et/ou le salaire des fonctionnaires. Mais ces initiatives ne résoudraient pas mécaniquement la question pour ceux qui gagnent plus que le Smic ou travaillent dans le privé. D’autres proposent d’alléger les cotisations sociales qui pèsent sur le salaire net. Mais il faut dire alors au détriment de quelles prestations sociales et, s’il n’est pas question de diminuer ces prestations, aux frais de qui (l’État, c’est-à-dire le contribuable ?). Une troisième solution consiste à promouvoir une politique économique porteuse de croissance et d’emplois de qualité bien rémunérés. C’est sans doute la seule qui ferait augmenter durablement le revenu par habitant et nous rapprocherait de celui de nos voisins allemands, vis-à-vis desquels nous avons décroché. Mais cette politique doit être compatible avec la lutte contre le changement climatique et elle ne paiera que progressivement. Pas le plus populaire dans une campagne…