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Rapport

Pour un quinquennat européen

La multiplicité des critiques portées à l’encontre de l’Union européenne témoigne d’un sentiment d’omniprésence autant que d’inefficacité. L’Europe se mêlerait de tout, sans être décisive sur l’essentiel. Elle se noierait dans les détails sans offrir de projet commun. Où est la prospérité promise ? Où est l’esprit de coopération et de rapprochement ? Le premier message politique que les Européens doivent aujourd’hui faire passer est que l’Europe sait se préoccuper de l’essentiel. Qu’elle peut hiérarchiser ses interventions. Se recentrer sur ses priorités. Etre forte sur les sujets forts. Or, si l’enjeu fédérateur était hier d’apporter la paix dans un monde qui sortait de la guerre et la circulation dans un monde cloisonné, il consiste aujourd’hui à protéger des citoyens bousculés par l’accélération des échanges et la révolution numérique. Pour cela, son message doit changer d’échelle. L’objectif européen n’est plus de consolider un continent géographique morcelé, trop longtemps divisé et affaibli par des guerres fratricides. Il pourrait désormais consister à présenter un pôle de stabilité dans une géopolitique mondiale déstabilisée. En matière économique et sociale, par son attractivité et sa puissance exportatrice, par ses normes et son mode de vie, l’Union européenne reste une voix écoutée, dont la parole est attendue. Les décisions qu’elle prend pour elle-même ont d’emblée un impact global. Dans les cinq années qui viennent, elle doit imprimer sa marque en particulier dans la régulation du capitalisme financier et l’orientation vers une croissance durable. C’est sur ce chemin que s’engage le rapport de Terra Nova.
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Le prochain quinquennat sera européen ou ne sera pas. L’Europe, comme la France, est en crise. La France, en tant que pays fondateur de la Communauté européenne, a une responsabilité majeure de proposer des orientations pour sortir l’Union européenne de l’ornière. Mais elle a aussi besoin que l’Europe se réforme pour préserver les valeurs auxquelles elle croit et agir sur des évolutions d’ampleur mondiale que seul le niveau européen peut l’aider à influencer.                                 

La polycrise que connaît l’Union Européenne depuis près d’une décennie – crise de l’euro et de la dette, stagnation économique, crise des réfugiés, crise sécuritaire, crises géopolitiques à ses portes, méfiance délétère des citoyens – la met en danger. A ces crises du niveau européen s’ajoute une crise profonde de la représentation politique et de la politique dans l’ensemble des pays européens. La combinaison de ces crises suscite la crainte, voire le rejet de l’altérité, et alimente les populismes aux réponses simplistes. Dans ce contexte, l’Union européenne devient une victime expiatoire toute désignée.

Par ailleurs, la construction européenne est fragilisée par le fait que le projet de solidarité sur lequel elle s’est bâtie depuis soixante ans semble remis en cause aujourd’hui dans certains secteurs des opinions publiques, et par certains gouvernements. Sans sursaut, l’Union européenne, collectivement, et ses Etats membres – dont la France – se préparent à des déconvenues plus grandes encore. Pour la première fois, l’inquiétude quant à la stabilité et sécurité européenne ne vient pas uniquement de l’Est ou de Proche et Moyen Orient, mais aussi de l’Ouest, avec l’élection de Donald Trump et le triomphe du populisme réactionnaire à la tête des Etats-Unis.

L’élection présidentielle française au printemps 2017 est de ce point de vue un moment électoral majeur en Europe. Dans le scénario du pire, elle aussi pourrait sombrer dans le repli sur soi, entraînant avec elle le repli européen. L’Europe deviendrait au mieux spectatrice de la compétition entre les trois grandes puissances continentales que sont les Etats-Unis, la Russie et la Chine, au pire l’enjeu de la nouvelle connivence entre M. Trump et M. Poutine.

Terra Nova ne se place pas dans cette perspective. Ce rapport se fonde sur un constat et un engagement : le XXIème siècle a besoin d’une construction européenne forte et renouvelée, pour ses Etats membres comme pour le monde. Pour cela, la France doit proposer aux Français un projet pour l’Europe, à l’Allemagne – qui votera aussi en 2017 – un projet de relance franco-allemande de l’Europe, et aux Européens un autre avenir que le retrait de la France du projet d’intégration européenne.

Terra Nova se veut porteur d’un projet progressiste pour l’Europe. Ce n’est pas par le repli national que l’on apportera une réponse à des défis d’ampleur séculaire. Mais il s’agit aussi de mettre un terme à l’inefficacité actuelle. Des vices anatomiques originaux mettent en péril les réalisations phares de l’Union européenne (euro, Schengen, marché intérieur). Des institutions communes affaiblies par l’intergouvernementalisme sont devenues inopérantes. De ce fait, les promesses non tenues (gestion des crises géopolitiques, réguler la mondialisation) débouchent sur un procès en illégitimité de la part de citoyens en attente d’efficacité.

Ce rapport vise à dessiner ce que pourrait être ce nouveau projet européen. Nous proposons que l’Union européenne soit le protagoniste d’un nouvel équilibre mondial, que ce soit en matière économique, sociale ou géopolitique, car seul le poids d’une Europe unie et renforcée dans ses moyens d’action peut faire changer le cours du monde. C’est cette mission — après la paix et la prospérité — que nous proposons d’assigner à l’Union européenne du XXIe siècle.

Pour y arriver, il s’agira de recentrer l’Union européenne sur des priorités claires, en nombre limité, sur lesquelles les efforts doivent se concentrer dans la prochaine décennie. Quatre priorités sont proposées :

  • Une Europe qui protège ;
  • Une gouvernance économique commune centrée sur la régulation du capitalisme financier ;
  • Une Europe de la transformation positive, fondée sur une croissance durable et équitable ;
  • La réponse à l’urgence démocratique.

La future négociation du Brexit, malgré tous les risques qu’elle implique, imposera d’ailleurs de réexaminer l’ensemble de l’édifice européen. Il faudra prendre la mesure des conséquences du Brexit sur les politiques européennes et les réformer en conséquence. Il faudra ramener l’UE à l’essentiel: agir plus là où c’est essentiel pour son avenir, rendre des compétences aux Etats membres dans les domaines où, à l’heure actuelle, l’UE a peu d’influence. Face aux possibles divisions entre Etats membres, il faudra si nécessaire assumer une intégration différenciée.

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