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Rapport

Réformer le crédit à la consommation

Le gouvernement s’apprête à présenter un projet de loi visant à encadrer le crédit à la consommation. Ce projet est une occasion manquée : en transposant a minima la directive européenne sur le crédit à la consommation, le gouvernement ne saisit pas l’opportunité de réguler ce marché majeur (il représente 140 milliards d’euros) mais porteur de risques de surendettement critiques. Laurence Girard, Franck Nicolaieff et Jean Delour, en partenariat avec Nicole Bricq, Sénatrice de Seine-et-Marne, et le groupe socialiste du Sénat, présentent ici cinq propositions pour éviter les dérives du « crédit revolving » et faciliter l’accès des plus démunis au crédit « classique ».

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Le crédit à la consommation est un enjeu majeur pour l’économie.


C’est un moteur de la consommation, et donc de la croissance : près de 10% de la consommation est adossée à un crédit à la consommation (100 Md€ sur 1.100 Md€). Il représente 40% du chiffre d’affaires de la vente par correspondance, 25% pour la distribution spécialisée, 10% pour les grands magasins.


C’est aussi un outil dangereux. Il peut aboutir au surendettement des ménages. Voire à des dérèglements macroéconomiques : les subprimes ont provoqué aux Etats-Unis une bulle du crédit immobilier et du crédit à la consommation dont l’éclatement est à l’origine de la crise globale actuelle.


La régulation de ce marché est donc une priorité. Il s’agit à la fois de faciliter l’accès le plus large au crédit tout en encadrant les risques de dérives. La situation française n’est aujourd’hui pas satisfaisante :


L’accès au crédit à la consommation « classique » (ou « amortissable ») est étroit : il est réservé aux clients fortement solvables, et quasi-impossible pour au moins 25% des Français, notamment les familles modestes et les jeunes.


Ces populations sont reléguées vers le crédit « renouvelable » (revolving), un crédit extrêmement cher qui constitue une « trappe à endettement » pour les Français les plus pauvres. Le crédit revolving représente plus de 20% du crédit à la consommation. Son encours est élevé : 1.105€ par ménage, ce qui place la France au 3ème rang européen derrière le Royaume Uni et les Pays-Bas. La commercialisation de ces crédits est souvent « agressive », aboutissant à leur accumulation chez ceux les moins à même de les rembourser : 20 millions de comptes sont aujourd’hui ouverts, et 6 millions de Français ont des difficultés à rembourser leurs crédits.


Dans ces conditions, la transposition de la directive européenne du 23 avril 2008 sur le crédit à la consommation, qui doit être effective avant le 12 mai 2010, aurait du être l’occasion de réformer la régulation du crédit à la consommation, avec le double objectif d’élargir le crédit « classique » et de mettre fin aux abus de faiblesse du crédit revolving.


C’est une occasion manquée. Le gouvernement français prévoit en effet de transposer cette directive a minima, sans s’attaquer au crédit revolving.


Les cinq propositions suivantes contribueraient à le faire et à mieux réguler le fonctionnement du marché du crédit à la consommation :


Informer clairement le consommateur.


Obliger les établissements prêteurs à s’assurer de la bonne compréhension par leurs clients des mécanismes du crédit est une antienne jamais réalisée. L’idée serait d’instaurer, comme cela a été fait en novembre 2007 pour les placements financiers, un questionnaire rapide à remplir avec le client avant toute contractualisation d’un crédit à la consommation (amortissable ou renouvelable).


Réglementer la durée du crédit revolving afin d’éviter les « trappes à endettement ».


Le mécanisme du crédit renouvelable aboutit, pour les ménages les moins solvables, à étaler sur une durée très longue les remboursements. Conséquence : les échéances sont constituées dans leur quasi-totalité du paiement des intérêts, le capital n’est plus remboursé, le client est prisonnier dans une « trappe à endettement ». Nous proposons de plafonner la durée des crédits renouvelables en imposant un minimum d’amortissement du capital dans chaque échéance ou des échéances constantes, empêchant ainsi les phénomènes de « trappes ».


Harmoniser les taux d’usure.


Le taux de l’usure est mal régulé. Il est très élevé pour le crédit revolving : 21.32%. Il est à l’inverse relativement bas pour les prêts « classiques » à la consommation : 9.92% (pour les montants supérieurs à 1.524€). Soit un différentiel massif de plus de 11 points. Conséquence : ces taux incitent les banques à n’octroyer des prêts « classiques » qu’aux ménages fortement solvables (car leur rémunération est basse) et à basculer le maximum de clients, et notamment tous les clients à risque, sur les crédits revolving for-tement rémunérés. Il y a là un effet d’aubaine très contre-productif. Une réforme utile consisterait à harmoniser ces taux, pour cesser d’inciter les établissements prêteurs à « pousser au crime » du crédit revolving.


Mettre en place un fichier positif.


Il n’y a pas aujourd’hui de fichier recensant tous les encours de crédit des personnes physiques possédant un compte bancaire. Cette absence de fichier consolidé aboutit à la multiplication des crédits revolving par un même consommateur, et donc au surendettement. Elle accroît également le risque des établissements bancaires, qui se couvrent en augmentant leur rémunération. Un fichier unique serait simple à mettre en place, sur le principe du fichier Fiben géré par la Banque de France pour les entreprises. Sa consultation (de même que celle du fichier des incidents de paiement) serait obligatoire avant tout octroi de crédit.

Créer un crédit social à la consommation.


C’est la mesure phare. L’idée serait d’inciter les banques à octroyer un crédit à la consommation « classique » pour les personnes disposant de ressources limitées, en mettant en place un dispositif de soutien public permettant de couvrir les surcoûts liés aux taux de défaillance et aux coûts de gestion (prêts de faibles montants) supérieurs de cette clientèle. Le Crédit municipal vient de lancer une expérimentation en ce sens, financée en partie par la Ville de Paris. Le soutien public pourrait prendre la forme d’une réduction du coût de la ressource (par l’octroi d’une garantie de l’Etat), d’une diminution du coût du risque en créant un fonds de garantie dédié et/ou d’une contribution à la prise en charge des frais de suivi (assuré directement par les établissements bancaires ou plus vraisemblablement par des organismes dédiés ou par les travailleurs sociaux). Les banques y auraient aussi intérêt pour l’effet d’image positif qui découlerait de leur participation, comme le montre l’expérience du Crédit municipal.


Dans un contexte financier, économique et social où le crédit a joué un rôle de détonateur avec les subprimes, la directive européenne du 23 avril 2008, que les Etats membres doivent appliquer avant le 12 mai 2010, va permettre de renforcer les règles concernant surtout l’information des consommateurs, la transparence de cette information et la responsabilisation des établissements de crédit.


Le gouvernement français prévoit de transposer cette directive a minima, sans saisir l’opportunité, tout en reconnaissant le rôle joué par le crédit dans la consommation, de réguler ce marché qui représente près de 140 milliards d’euros (avec un encours de crédit renouvelable par ménage de 1 105 € qui situe la France au troisième rang européen) et de répondre à la double problématique de son accès :


-    un accès au crédit renouvelable souvent trop facile pour les 6 millions de Français qui reconnaissent aujourd’hui avoir des difficultés à rembourser leurs crédits


-    un accès au crédit à la consommation quasi-impossible pour au moins 25% des Français, et notamment les jeunes.


Après avoir étudié les avancées de la directive européenne, nous creuserons la composante crédit renouvelable qui, par ses caractéristiques financières, sa distribution principalement dans les lieux de vente, est souvent un produit « par défaut » qui favorise le surendettement. Nous conclurons sur des propositions: mise en place d’un devoir d’information par l’établissement prêteur (sous la forme d’un questionnaire comme pour les instruments de placement), amortissement minimum des crédits renouvelables, harmonisation des taux d’usure, création d’un fichier positif, mise en place d’un crédit à la consommation social.

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