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Note

Rejet d’un budget européen d’austérité : une bataille stratégique pour 2014

Le budget proposé à l’issue du Conseil européen du 7 février 2013, réduit à 1 % du PIB européen, revoit notamment à la baisse les investissements d’avenir mutualisés et les dépenses de solidarité : ce budget d’austérité laisse dubitatif au vu de l’examen des prévisions de croissance publiées aujourd’hui par la Commission européenne, et alors que des investissements d’avenir communs n’ont jamais été aussi nécessaires pour relancer la croissance en Europe.
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Le Parlement européen devrait continuer à s’opposer à cet accord en restant ferme sur ses conditions pour, à un an des élections européennes de 2014, réaffirmer son rôle et son poids politiques, et donner au projet qui sera choisi par les électeurs la possibilité de se concrétiser.

Pour la première fois, le Conseil propose un budget européen en baisse, qui retrouve ainsi son niveau du temps de l’Europe des 15, sans autant de politiques communes. Pour la première fois également, les quatre principaux groupes du Parlement européen ont fait aussitôt bloc contre un accord trouvé si douloureusement. L’intervention du Président François Hollande devant le Parlement européen, regrettant les orientations de la majorité conservatrice du Conseil et mobilisant les députés, juste avant de rejoindre ses pairs, était également inédite. Une séquence importante se joue dans ces négociations, non seulement pour l’avenir de l’Union, mais également pour la démocratie européenne.

Deux visions du budget et du rôle de l’Union s’opposent dans ces négociations : l’imposition de la rigueur à l’Union pour contribuer aux efforts budgétaires nationaux est à juste titre contestée par les défenseurs d’un instrument de solidarité entre Européens et d’une plus grande mutualisation des investissements d’avenir pour, justement, réduire les dépenses nationales. Le raisonnement de la majorité conservatrice maintient l’Union dans la crise et le budget européen dans un cercle vicieux. Son refus de nouvelles ressources propres ne fait qu’accroître l’importance des contributions des Etats et leur focalisation sur un « juste retour » condamne à diminuer le budget. S’éloignent ainsi les perspectives de relance européenne. Le Conseil a, de plus, utilisé paradoxalement comme variables d’ajustement les postes budgétaires qui auraient dû être prioritaires en cette période de crise : les investissements d’avenir mutualisés et les dépenses de solidarité.

Si le compromis qui fait office d’accord au Conseil ne laisse pas d’interroger, la séquence politique pourrait être vivifiante pour la démocratie européenne. Le Parlement européen doit pour cela rester exigeant pour faire accepter ses conditions et préparer au mieux les futures élections européennes. Car le refus des présidents des quatre grands groupes européens a une portée qui dépasse le cadre de ces négociations budgétaires. Grand absent de la réforme de la gouvernance économique européenne, le Parlement doit aussi réaffirmer son rôle politique à un an des élections. La menace de son veto rappelle au Conseil que l’orientation souhaitée par les citoyens devra pouvoir se concrétiser, et que c’est de ses rangs que sera issu le futur Président de la Commission. C’est également le sens du discours de François Hollande aux eurodéputés qui conclut par ces mots « pour faire cette nouvelle étape, pour accomplir le projet européen, pour faire avancer la démocratie, c’est vous qui allez décider ».

A court terme, le Conseil devrait accepter ces exigences du Parlement européen, qui sont un minima :

  • L’augmentation de la flexibilité du cadre financier est essentielle pour transférer des sommes non dépensées d’une année et d’un poste à l’autre, et non les réattribuer aux Etats ;
  • une profonde révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel s’impose également ; la réforme devrait d’ailleurs être plus radicale et faire coïncider la durée du cadre financier, qui peut tout à fait se limiter à 5 ans, avec le mandat du Parlement européen et de la Commission, pour permettre son adoption après les élections.
  • la mise en place de nouvelles ressources propres est un autre impératif : cet enjeu est le nœud gordien de la crise budgétaire européenne. Le Parlement européen a accepté le budget 2011 en échange de l’engagement du Conseil de réformer le financement de l’Union. La menace d’un véto collectif sur le cadre financier est son seul levier, puisque qu’il n’a qu’un rôle de consultation pour les décisions sur les ressources propres. La taxe sur les transactions financières (TTF) et les euro-obligations seraient indispensables, mais les seconds recueillent encore moins de soutien que la première. D’autres options proposées depuis des années doivent aussi être considérées : l’allocation à terme d’une part d’un impôt sur les sociétés harmonisé, le développement d’une fiscalité environnementale européenne, l’affectation d’une taxe sur le transport aérien ou sur les revenus générés par la bourse d’échange des quotas d’émission de CO2.
  • enfin, l’augmentation de la rubrique dédiée à la compétitivité est indispensable pour soutenir la relance européenne et mettre en œuvre la stratégie Europe 2020. L’amputation de 10 milliards de l’enveloppe du mécanisme pour les infrastructures est particulièrement insensée au regard des besoins d’investissements dans les infrastructures européennes, tout aussi stratégiques que colossaux. Le réseau transeuropéen de transport (RTE-T), les infrastructures énergétiques, la stratégie numérique européenne 2020 sont autant de projets clés pour la croissance européenne qui requièrent dans leur ensemble 1500 milliards d’euros minimum pour la prochaine décennie. 29 milliards leur sont aujourd’hui alloués…

La simplification du financement du budget européen est également indispensable à terme, en premier lieu pour garantir sa lisibilité et sa compréhension par les citoyens européens.

À plus long terme, il serait positif pour l’intérêt général de l’Union de dépasser l’exigence d’unanimité au Conseil. Si le passage à une majorité qualifiée requiert une modification des traités et prendra du temps, la détermination d’un budget spécifique pour la zone euro, déjà débattue, aurait le double avantage d’obéir à d’autres règles de gouvernance et de pouvoir potentiellement répondre à un niveau d’ambition plus élevé. La division institutionnelle entre les différents Etats et au sein du Parlement serait problématique, mais pourrait être une incitation à intégrer la zone euro et pourrait être atténuée par une perméabilité du processus décisionnel pour les Etats candidats et volontaires.

Décisions de long terme encore, la suppression du plafond qui limite le budget européen à 1,23 % du RNB européen et la création d’un impôt européen direct, une fois que la démocratie européenne se sera modernisée et le Parlement européen, doté d’un pouvoir fiscal, devraient rester des horizons politiques à réaffirmer.

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