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Note

Réorienter massivement nos finances publiques

Que faire face à cette crise en ciseaux – surendettement et sous-investissement – des finances publiques ? La polémique sur le grand emprunt a opposé deux camps : les « rigoristes » contre les « volontaristes ». Les deux ont raison.

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Désendetter la France : nous n’avons plus le choix. Cela signifie qu’il faut résorber le déficit structurel actuel (5% du PIB) pour les plus vertueux à zéro, pour les plus souples au minimum au plancher de Maastricht (3%), soit un effort moyen de 3.5 points : il faut donc trouver 70 milliards d’euros de recettes supplémentaires ou de coupes budgétaires pérennes.

A cette aune, la politique budgétaire menée par la droite depuis 2002 est gravement fautive. Elle a certes gelé les dépenses publiques en termes réels, mais elle a accumulé les baisses d’impôts pour un total de 1.5 point de PIB (30 milliards par an) : elle a dégradé d’autant le déficit structurel.

Désendetter, mais aussi investir. Le programme d’investissements exceptionnel pour 2010 issu de la commission Juppé-Rocard est une mesure conjoncturelle à un problème structurel. La réalité, c’est qu’il faut faire 35 Md€ d’investissements d’avenir, non pas une seule fois en 2010, mais tous les ans. Il faut un « grand emprunt » par an.

Impossible ? La France n’est pas (pas encore) surendettée en soi. Elle est surendettée parce qu’elle emprunte pour financer des dépenses de fonctionnement, et non pour investir.

L’endettement est légitime pour financer les investissements : il est gagé sur des actifs ; il donne lieu à un retour sur investissement. Il finance la croissance de demain, qui permettra son remboursement. En revanche, le recours à l’emprunt pour financer les dépenses courantes est injustifié : la génération actuelle vit à crédit et fait financer son train de vie par les générations futures. Le cas le plus aberrant est le déficit du régime des retraites : les salaires de demain financent les retraites d’aujourd’hui. Une telle fuite en avant est interdite pour les collectivités locales : les règles budgétaires des collectivités locales (« M14 ») bannissent le recours à l’emprunt pour financer le fonctionnement. Songeons qu’à l’inverse 90% du déficit budgétaire de l’Etat sert à financer des dépenses de fonctionnement !

La comparaison avec un ménage est parlante. La France a une dette de 80% du PIB. Mais une banque prêtera beaucoup plus que 80% des revenus annuels pour l’achat d’un appartement car c’est un investissement. Elle ne prêtera en revanche pas plus de 2–3.000 euros pour un prêt-relais à la consommation.

Au total, 70 milliards pour résorber le déficit structurel et 35 pour l’investissement : il faut une réorientation massive des finances publiques de l’ordre de 100 milliards d’euros par an.

Comment faire ?

Les spécialistes de finances publiques renvoient souvent à un mot magique : la « RGPP », la revue générale des politiques publiques. Ces revues permettent d’identifier des économies dans la gestion administrative des politiques publiques. C’est une bonne chose – même si elles sont parfois menées à la serpe et se résument trop souvent à des suppressions de postes. Mais la RGPP n’a permis jusqu’ici que d’économiser 4 milliards par an. On est loin du compte !

On ne peut pas se contenter d’améliorer la gestion  des politiques. Il faut s’attaquer aux politiques elles-mêmes.

On peut commencer par revenir sur les dépenses budgétaires et fiscales inutiles et injustes accumulées depuis 2002 : les réformes fiscales au profit des seuls ménages aisés (bouclier fiscal, ISF, droits de succession, fiscalité des dividendes, une partie de la réforme de l’impôt sur le revenu), la TVA sur la restauration, le financement des heures supplémentaires… Au total, près de 30 milliards par an.

Au-delà de ces mesures politiques symboliques, il y a d’autres dépenses budgétaires à l’efficacité douteuse. Par exemple, l’inspection des finances, dans un rapport sur les aides publiques aux entreprises en 2006, a identifié près de 65 milliards d’aides annuelles – sept fois plus que les aides officiellement déclarées à Bruxelles ! Elle estime à plus de 5 milliards les aides que l’on peut aisément supprimer.

Il faudra aussi faire des choix de politique publique. Les exonérations de charges pour les bas salaires représentent plus de 30 milliards par an. Elles s’inscrivent dans une logique de compétitivité-prix : en abaissant le coût du travail de nos industries les plus exposées, on prétend leur permettre de résister à la concurrence internationale des pays émergents. Mais ne faut-il pas au contraire opter pour un transfert de cet effort budgétaire vers les investissements d’avenir, la compétitivité-qualité dans le cadre d’une concurrence avec les pays les plus avancés ? En d’autres termes : choisir entre le soutien à l’économie industrielle d’hier et le développement de l’économie de demain.

La droite voudrait s’attaquer aux budgets locaux. Il y a bien sur quelques marges, mais ces budgets ont une taille limitée. A l’inverse, la Sécurité sociale est, de loin, le plus gros budget public : plus de 400 milliards d’euros par an. Son expansion n’est toujours pas maîtrisée. Là se trouvent les plus grosses marges de manœuvre. La droite tente de faire des économies « par le bas », en déremboursant les plus modestes. Une limitation « par le haut », en rendant le système plus redistributif (plafonnement des indemnités chômages et des pensions les plus élevées, déremboursements des médicaments de base pour les ménages aisés), serait plus juste et à fort rendement.

Sans doute faudra-t-il aller plus loin encore. Le rapport Juppé-Rocard évoque la possibilité de règles contraignantes de réduction du déficit, sur le modèle que vient d’adopter l’Allemagne. Certes, il relève avant tout de la responsabilité politique d’assurer des finances publiques saines. Et des règles, même constitutionnelles, ne garantissent en rien leur mise en œuvre effective : les critères de Maastricht, qui ont valeur constitutionnelle, ne sont pas respectés. Mais la question se pose car force est de constater qu’en France, depuis 1974, aucun budget n’a jamais été exécuté en équilibre.

La solution efficace réside peut-être moins dans des objectifs contraignants, qu’on ne se donne pas les moyens de respecter, que dans des procédures contraignantes. Les Pays-Bas avaient ainsi mis une procédure efficace dans les années 90. Le budget était préparé sur la base d’une prévision économique volontairement basse (le bas de la fourchette du consensus des économistes). Il ne pouvait donc y avoir que des « bonnes surprises » dans l’exécution budgétaire. Et le surplus budgétaire ainsi généré faisait l’objet d’une affectation automatique, à travers une clé arrêtée préalablement (il s’agissait à l’époque de 1/3 pour les dépenses supplémentaires, 1/3 pour les baisses d’impôts et 1/3 pour le désendettement). On pourrait par exemple envisager d’affecter 1/3 du surplus à des investissements d’avenir supplémentaires et 2/3 au désendettement.

L’étau de la contrainte budgétaire a eu comme première conséquence le tarissement de l’investissement public. La réorientation durable de nos finances publiques passe peut-être aussi par une règle contraignante fléchant obligatoirement une partie des dépenses publiques vers les investissements d’avenir.

  Quoi qu’il en soit, après 35 ans de procrastination, c’est à une véritable « révolution budgétaire » qu’il va falloir s’atteler. C’est un défi herculéen qui attend la gauche, en 2012, si elle revient au pouvoir.

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