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Note

Une politique pour développer l’économie de l’impact et construire un nouveau capitalisme

Cette note synthétise les réflexions et propositions d’un financier et d’un entrepreneur travaillant au cœur de l’économie de l’impact. Elle est constituée d’un volet politique, qui fait le lien entre l’économie de l’impact et les préoccupations de nos concitoyens, et d’un volet programmatique qui détaille les mesures qu’un ministère de l’Économie de l’impact pourrait prendre rapidement pour développer une action publique pérenne dans ce domaine au travers de cinq axes : fédérer les acteurs, clarifier le cadre, accompagner les organisations, développer l’écosystème de financement, porter le sujet en Europe.
Publié le 

Une économie compétitive et contributive, en même temps

Volet politique

Nous sommes confrontés à des défis tels que nous n’en avons pas connus depuis près d’un siècle. Le retour de la guerre en Europe remet en cause la sécurité du continent et du monde. Elle s’attaque directement à notre modèle de démocratie libérale. La crise climatique et l’effondrement de la biodiversité font peser des dangers encore plus globaux sur la façon même d’habiter notre planète.

Dans ce contexte, la cohésion de notre modèle de société est la condition première pour trouver les solutions et répondre à ces défis. Parmi les constituants de ce modèle, l’organisation économique autour d’un « capitalisme social » a été fortement remise en cause ces dernières décennies par « un capitalisme devenu fou » comme le disait le Président de la République lui-même dans son discours du 11 juin 2019 devant l’Organisation Internationale du Travail (OIT).

Dès lors, nombreux sont ceux qui appellent à la construction d’un nouveau capitalisme. Lors de la présidence française du G7 en janvier 2019, le ministre de l’économie Bruno Le Maire déclarait ainsi : « le capitalisme ne peut plus se donner comme seul objectif de générer du profit. Il doit avoir un sens politique et social. »

Une élection présidentielle est un moment propice pour fixer un cap ambitieux. Comme le disait le Président de la République devant l’OIT : « Nous devons réussir à ce que notre modèle productif change en profondeur pour retrouver ce que fut l’économie sociale de marché, une manière de produire, de créer de la richesse indispensable, mais en même temps de porter des éléments de justice et d’inclusion et une manière d’organiser l’innovation partout dans le monde et l’ouverture mais de faire que chacun y trouve sa part… »

Comment construire alors ce nouveau capitalisme en France et en Europe ?

De premières inflexions ont été posées ces dernières années. D’une certaine façon, le développement d’un écosystème d’entrepreneurs et le décollage de la French Tech concourent à changer de perspective, en mettant l’initiative et l’entrepreneuriat d’une nouvelle génération en valeur. De même, la volonté de ré-industrialiser notre territoire va à l’encontre d’une répartition du travail spécialisée à l’excès dans une économie mondialisée dont on a vu les limites pendant la pandémie de Covid-19. Enfin, les évolutions de la loi Pacte, la modification du code civil, l’introduction de la raison d’être et de la société à mission ouvrent la voie à une conception renouvelée de l’entreprise.

Il faut désormais passer à la vitesse supérieure. Cela implique le développement d’une économie de l’impact.

N’en déplaise à certains, nous ne vivons pas isolés. Le monde économique est le théâtre d’une compétition exacerbée. Si nous voulons conserver les moyens de notre prospérité et de notre souveraineté, nous devons tenir notre rang. Depuis cinq ans, de nombreuses actions ont été menées pour renforcer la compétitivité de l’économie française. Nous n’avons pas ménagé nos efforts pour aider l’écosystème français de la Tech à devenir l’un des plus dynamiques en Europe. La startup nation est aujourd’hui une réalité. Plusieurs dizaines de licornes, ces startups valorisées plus d’1Md€, ont vu le jour en France.

Mais ce dynamisme a peut-être parfois fait un peu d’ombre à une autre dimension fondamentale de notre économie. Il faut le dire aujourd’hui avec force : l’économie française ne fonctionne pas uniquement sur le ressort de la compétitivité. Depuis plus de deux cents ans, elle se développe aussi grâce aux efforts d’hommes et de femmes dont le mobile principal est la résolution de problèmes sociaux, sociétaux, et plus récemment environnementaux. Les caisses d’épargne, les banques populaires, les caisses de crédit mutuel, les mutuelles d’assurance…Tous ces services essentiels de notre quotidien existent parce que l’économie sociale et solidaire les a développés.

L’économie française a toujours marché sur ces deux jambes et cela doit guider notre politique de soutien. D’un côté, il faut aider les entreprises qui le souhaitent à être toujours plus compétitives, pour être à la pointe de l’innovation et gagner des parts de marchés à l’international. D’un autre côté, il faut encourager et accompagner les entreprises à être toujours plus contributives, c’est-à-dire à apporter des réponses aux enjeux sociaux et environnementaux.

On a trop souvent opposé ces deux modèles, laissant croire que l’économie sociale et solidaire (ESS) était une « niche », représentant certes 10% de notre PIB, mais destinée à demeurer une exception à côté de l’économie « classique ». Il faut dépasser cette opposition. L’économie de l’impact que nous souhaitons est à la fois un dépassement de l’ESS et une profonde mutation de notre modèle de capitalisme. Ces deux mondes doivent cohabiter, échanger, s’enrichir, pour créer de la valeur économique, environnementale et sociale.

Cette économie de l’impact, nous n’en avons jamais eu autant besoin, face aux crises que nous traversons !

Nous avons besoin d’entreprises au service des territoires, pour offrir des services sociaux de proximité et réduire les déserts médicaux, pour développer de nouveaux modes de transport et de production d’énergie décentralisée, pour développer des circuits courts alimentaires et des activités basées sur l’économie circulaire. Les enjeux de cette économie sont différents. Elle place l’impact au cœur de son modèle. Elle est indispensable pour lutter contre les inégalités et donner sa chance à chacun. Elle est indispensable si l’on veut faire de la France la « grande nation écologique » qui sera la première à vaincre sa dépendance aux énergies fossiles.

L’urgence climatique, les inégalités territoriales, la détresse sociale sont des réalités qui préoccupent nos concitoyens, les plus jeunes notamment. Nombre d’entre eux se posent la question de l’utilité sociale de leur travail. On entend parler de « grande démission ». Faisons de cette nouvelle donne une opportunité. Une génération aspire à changer le monde. Donnons-lui les moyens de le faire ! Aidons-là à construire l’Impact Nation ! A ceux qui démissionnent, proposons de nouvelles missions ! Ce ressenti présent en chacun d’entre nous, cet appel à contribuer, à « faire sa part », transformons-le en mobile d’action. Ne le laissons pas se dégrader en ressentiment !

Les fondamentaux sont déjà là. L’économie sociale et solidaire est bien en place, forte de son histoire et de ses valeurs. L’Impact Nation, ce sont aussi les sociétés à mission, qui ont été créées avec la loi PACTE, qui cherchent à se mettre au service de projets d’intérêt collectif. Ce sont tous les efforts à l’œuvre pour transformer les grands groupes, faire en sorte qu’ils incarnent face aux crises une partie de la solution, et non plus une partie du problème. L’Impact Nation, ce sont aussi de nombreuses PME et ETI, ancrées dans leurs territoires, dont la contribution mérite d’être valorisée. L’Impact Nation, c’est enfin l’écosystème de la finance à impact qui accompagne les acteurs de l’impact social ou environnemental.

Nous pouvons cependant aller beaucoup plus loin. Ces outils de l’économie de l’impact ne sont pas bien connus de tous. Nous devons en faire la promotion comme nous avons fait la promotion de la French Tech. Tous les Français qui souhaitent travailler au service de l’Impact Nation, comme entrepreneurs, comme financiers, comme salariés, doivent en avoir l’opportunité. Nous proposons qu’un Ministère dédié à l’économie de l’impact développe l’écosystème d’accompagnement et de financement nécessaire. Les statuts juridiques des entreprises contributives, qui mettent l’impact au cœur de leur modèle, devront être clarifiés. L’État jouera son rôle pour qu’ils soient utilisés avec transparence et exigence, qu’ils ne soient pas dévoyés par des acteurs opportunistes qui n’y verraient qu’une occasion de verdir leur communication.

Nous devons aussi réfléchir par secteur. De quel capitalisme voulons-nous dans les secteurs directement liés à l’intérêt général, comme la santé, le médico-social ou l’éducation ? Nous avons assurément besoin d’entreprises et de financement qui ont des objectifs de rentabilité raisonnables et qui se projettent à long terme. Le profit doit être pour eux un moyen de servir les bénéficiaires dont ils prennent soin, et non une fin en soi. Nous avons vu dans l’accompagnement du grand âge les effets néfastes d’un capitalisme trop spéculatif, tourné uniquement vers l’actionnaire. Dire que nous n’avons pas à subir cela, ça n’est pas être anti-capitaliste ! L’État et les investisseurs institutionnels qui placent l’épargne ou les produits d’assurance des Français ont largement les moyens de développer un capitalisme contributif pour ces secteurs. Sans régulation contraignante, mais par des contrats de secteur, nous pourrons généraliser la société à mission, c’est-à-dire une gouvernance qui met l’entreprise autant au service de ses clients et de ses salariés que de ses actionnaires. Ce cadre permettra un dialogue social de qualité qui placera les syndicats de salariés au cœur des décisions de l’entreprise. Il sera progressivement exigé par les investisseurs institutionnels.

L’économie contributive n’est pas nécessairement une économie de la taille, de la puissance, pourtant son impact est essentiel sur la société, qualitativement et quantitativement. Nous ne compterons pas les licornes de l’impact, mais nous applaudirons les réussites de l’Impact Nation : dans les associations, dans les coopératives, dans les mutuelles, dans les entreprises d’insertion, dans les entreprises adaptées, dans les entreprises solidaires d’utilité sociale, dans les entreprises à mission, mais aussi dans l’économie plus classique. N’opposons pas ces deux mondes dans un dialogue contradictoire. Soyons pragmatiques. Notre économie s’inscrit à la fois dans un territoire, une réalité sociale mais aussi dans un contexte de compétition mondiale. Nous devons marcher sur deux jambes. La rendre « en même temps » plus compétitive et plus contributive !

Ce défi de l’économie de l’impact n’est pas une mode. C’est un projet civilisationnel. En France comme en Europe, nous avons toujours eu à cœur de mettre l’économie au service d’un projet démocratique, qui offre à tous les citoyens des opportunités d’émancipation et qui ne creuse pas les inégalités. Cet idéal, il vient de la France des Lumières, de la Révolution française. Soyons-en fier et renouons avec son énergie ! Parce que nous voulons vivre dans une Europe prospère, apaisée et vaincre les menaces populistes… Parce que nous voulons que ce modèle rayonne dans le monde et combatte ceux qui mettent l’économie au service de projets impérialistes qui menacent nos libertés et la planète.

Accélérer le développement de l’économie de l’impact

Volet programmatique

L’incarnation de cette économie de l’impact s’est renforcée au cours du quinquennat. Dans un premier temps, le Haut-Commissariat à l’économie sociale et solidaire – au sein du Ministère de la transition écologique et solidaire – avait un périmètre réduit et était cantonné au volet solidarité de la transformation écologique. Pour autant, Christophe Itier a réussi à élargir cet objectif en lançant l’initiative French Impact, dépassant ainsi le périmètre restreint de l’économie sociale et solidaire. Dans un deuxième temps, la création d’un secrétariat d’Etat à Bercy a marqué un changement de cap : en élargissant son périmètre à l’économie durable, en le positionnant au cœur de la transformation de l’économie. Olivia Grégoire a porté plusieurs initiatives fortes autour de la définition de l’investissement à impact, accompagné le sujet essentiel des normes comptables extra-financières et œuvré pour un renforcement de la transparence de l’information des entreprises et pour le développement des sociétés à mission.

Le prochain quinquennat doit passer à la vitesse supérieure. Les acteurs de l’économie et de la finance, la société civile, les citoyens y sont prêts, notamment les plus jeunes. Une action forte et rassembleuse est nécessaire pour développer la dimension contributive de l’économie française. Elle pourrait être pilotée par un Ministère dédié à l’économie de l’impact, avec un périmètre  d’attribution élargi (économie sociale et solidaire, économie de l’impact, développement de la finance à impact et de la finance verte…), qui aurait en charge de développer un écosystème, d’y associer des modes de financement publics et privés efficaces, d’accompagner la transition écologique et numérique et ses conséquences sur notre modèle productif, et enfin de porter ces messages et ces dispositifs au niveau européen.

Ce Ministère pourrait viser un impact rapide, grâce à des changements législatifs et la mise en œuvre d’outils pérennes à fort effet de levier sur le secteur privé. Son action se construirait autour de 5 axes :

1. Fédérer les acteurs de l’économie de l’impact

L’écosystème de l’économie de l’impact a évolué ces dernières années, mais il reste encore trop fragmenté et souvent peu lisible.

La création du mouvement Impact France, à partir du MOUVES, mouvement de l’ESS et de TechforGood est l’illustration d’une volonté de sortir l’économie à impact d’une « niche » trop restreinte. La création de ce mouvement réunissant l’ESS, la technologie et les entrepreneurs à impact est emblématique du nouveau capitalisme que nous pouvons construire. De même, la création de la Communauté des entreprises à mission ou la fusion de Finansol et de l’Impact Lab, pour donner naissance à Fair, montrent le dynamisme de cette économie de l’impact et son désir d’ouverture. Elle a une capacité de pollinisation du reste de l’économie qu’il faut désormais utiliser. La puissance publique a le pouvoir d’agir comme un fédérateur de ces différents mouvements, pour s’assurer qu’ils travaillent en synergie et éviter que des revendications catégorielles prennent le dessus.

Création d’un Conseil national de l’économie contributive (sur le modèle du Conseil National du Numérique). Il regroupera les représentants des différents mouvements qui cherchent à rendre le capitalisme plus solidaire, écologique et responsable : ESS, Entreprises à mission, Finance à impact, acteurs de la RSE, de la notation extra-financière. Il sera un lieu pour co-construire la politique de l’économie de l’impact, bien expliquer les choix et faire converger les intérêts.

2. Clarifier le cadre des acteurs de l’impact

Différents statuts coexistent aujourd’hui pour les entreprises qui souhaitent avoir une contribution forte : société à mission (loi PACTE 2019), Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale (loi Hamon 2014). Certains statuts, comme les ESUS, sont associés à des avantages en termes d’accès au financement (finance solidaire). Trop longtemps, on a opposé cette ESS « historique » aux nouveaux modèles entrepreneuriaux et aux entreprises à impact.

Il est impératif de mettre ces différents statuts en cohérence. Une refonte des labels et des statuts est nécessaire. Elle doit montrer l’objectif commun de ces entreprises, les modalités différentes pour y parvenir et les niveaux d’ambition différents.

Des propositions ont été faites par le Mouvement Impact France et par la Communauté des entreprises à mission. Nous pensons que la société à mission peut devenir un cadre de référence pour l’économie de l’impact, créant à la fois un socle commun et une émulation saine et des perspectives de collaboration entre tous ces acteurs. Dans ce contexte, le cadre de la mission, créé par la loi PACTE, ne doit pas être l’apanage des entreprises privées lucratives. Son adoption par de nombreuses mutuelles et coopératives montre qu’il est aussi utile pour renouveler la gouvernance des acteurs traditionnels de l’ESS.

Pour que ces statuts aient une réelle pertinence, il est important de s’assurer que ceux qui les utilisent sont bien contrôlés par des tiers indépendants ou par l’État, et qu’ils remplissent leurs obligations déclaratives.

Enfin, il faut maintenir des efforts importants de R&D dans les domaines de la gouvernance, des statuts, des labels et des normes comptables. La France a la chance d’avoir des chercheurs de haut niveau dans le domaine et elle doit s’assurer qu’ils peuvent travailler dans de bonnes conditions.

  • Nous recommandons que la société à mission soit le socle de base de toute entreprise contributive.
  • Développement d’incitations supplémentaires (voir le plaidoyer du Mouvement Impact France) pour encourager le développement d’entreprises à Impact, telles que définies par le Mouvement Impact France, et les structures appartenant de fait à l’ESS (entreprises d’insertion, entreprises adaptées…).
  • Création d’une qualité d’association à mission, pour que les associations qui le souhaitent puissent, grâce au cadre de la mission (raison d’être, comité de mission, OTI) renforcer leur gouvernance et la mettre au service de toutes leurs parties prenantes.
  • Renforcement des mécanismes de contrôle et des obligations déclaratives. Création d’une équipe dédiée au sein de l’administration et amélioration en continu des dispositifs réglementaires concernant les statuts d’entreprises contributives.
  • Fléchage de fonds de soutien à la recherche vers les thèmes clés de l’économie à impact (gouvernance, labels, normes comptables…)

3. Favoriser le développement d’organisations contributives

De nombreux Français, dont beaucoup de jeunes, aspirent à avoir un impact positif via leur travail. L’économie de l’impact doit être promue de manière au moins aussi intense que l’est la création de startups de la Tech et du numérique. Ce qui a été réussi au niveau de la French Tech doit être mis en œuvre pour l’économie de l’impact. Le rayonnement relativement limité de l’initiative French Impact est dû pour l’essentiel à un manque d’outils et de moyens. Cette dynamique doit être relancée.

L’écosystème de l’impact et de l’entrepreneuriat contributif mérite une stratégie ambitieuse orchestrée par la puissance publique, avec une thèse claire : accompagner et financer ceux qui permettent la résilience environnementale et sociale du pays. L’objectif serait de favoriser la création d’entreprises contributives mais aussi de valoriser la contribution de nombreuses PME des territoires, dont l’impact peut être valorisé et démultiplié.

Bpifrance est un grand succès de l’action publique. En associant les activités d’Oseo, du FSI et de CDC Entreprise au sein d’une seule structure et d’une seule marque, en communiquant avec énergie et audace, et en développant de nouvelles activités de gestion de fonds, Bpifrance a contribué au développement de l’écosystème Tech en France, et plus largement au dynamisme du tissu de PME & ETI. Dans un contexte de crise sociale et environnementale, les entreprises, associations et collectivités engagées qui développent des projets à fort impact environnemental et social, doivent disposer d’une offre d’accompagnement aussi claire que celle de Bpifrance pour la Tech.

L’exemple récent d’Orpea montre aussi qu’une partie de l’économie se heurtera à de gros problèmes – y compris financiers – si les parties prenantes ne sont pas beaucoup plus impliquées dans la gouvernance. Dans ces secteurs qui jouent un rôle de service public, comme la santé ou l’éducation par exemple, l’intérêt général doit redevenir le cœur du modèle économique.

  • Unification sous une seule marque et renforcement massif des actions de soutien financier et non financier au profit des entreprises à impact de la Banque des Territoires (CDC) et de ses satellites (France Active, Avise), et de French Impact. Nous proposons que l’unification et le renforcement des actions de soutien à l’économie à impact dépendant de la CDC, soit intégrées à la feuille de route qui sera discutée entre le Président de la République, le Parlement et l’équipe qui prendra la direction de la CDC fin 2022.
  • Création d’un programme de Volontariat en Entreprise Contributive pour attirer des talents vers les entreprises contributives (exemple du VTE), avec un volet permettant d’en réduire spécifiquement le coût pour les entreprises à impact et les structures de l’ESS.
  • Amplification de la communication et de la formation autour des nouveaux modèles d’entreprises (à mission, à impact…) pour qu’elles représentent une part de plus en plus importante des créations et des passages à l’échelle d’entreprises. Les événements BIG organisés par Bpifrance nous montrent où il faut placer la barre en termes d’ambition.
  • Création de modules de formation à destination des écoles, universités et réseaux de dirigeants d’entreprise (ex : fresque de l’économie de l’impact). Participation à un mouvement global de réforme de l’enseignement supérieur pour qu’il intègre mieux les enjeux environnementaux et l’économie de l’impact dans les programmes.
  • Actions sectorielles dans les secteurs par essence plus contributifs que compétitifs, comme la santé, l’agriculture, l’éducation : contrats de secteur pour généraliser les statuts d’entreprises contributives.

4. Renforcer l’écosystème de financement des entreprises contributives

La finance durable est un outil puissant au service de la transformation du capitalisme. Il reste encore beaucoup à faire pour accélérer son développement et sa connexion avec l’écosystème de l’économie de l’impact.

Un important travail a été effectué pour donner une définition à l’investissement à impact, malgré des divergences parmi les acteurs, et assurer la crédibilité du secteur. La réglementation européenne SFDR et sa classification « article 9 » (3% des fonds actuellement) peut devenir un standard européen, notamment s’il est complété de labels pertinents, la France peut jouer un rôle pionnier en la matière.

L’investissement à impact se développe, mais reste limité. Les fonds à impact sont au nombre d’une ou deux douzaines tout au plus en France, avec des encours relativement faibles. En pratique, à quelques exceptions près, les principales initiatives récentes de fonds d’impact sont dans le secteur de la transition environnementale. Ce sont donc surtout des fonds d’innovation et de technologie ; l’innovation sociale et sociétale trouve beaucoup moins de financement, tout comme les initiatives territoriales dans le domaine de la mobilité, de l’efficacité énergétique des bâtiments ou de l’économie circulaire. Ces innovations ont souvent du mal à répondre aux exigences de rentabilité du marché ; lorsque c’est le cas, ces entreprises subissent la pression du marché ou d’actionnaires trop focalisés sur le court-terme (marchés financiers ou fonds de Private Equity à rotation trop fréquente). Les actions du secteur public pour accélérer sont restées trop limitées à l’ESS (fonds NOVESS de la CDC, fonds de fonds de la banque des territoires).

Les créateurs de projet d’entreprises à impact sont de plus en plus accompagnés, notamment par des accélérateurs comme Makesense ou Antropia. Cette tendance peut être renforcée par un soutien public encore plus fort, à l’image de ce qui se fait dans la Tech.

Le succès de Bpifrance vient de son orientation vers le marché et les acteurs privés avec un but d’intérêt général. L’effet de levier est maximal. A l’inverse, la Banque des territoires et la CDC sont des outils orientés vers le secteur public et les collectivités, avec bien sûr un but d’intérêt général, mais peu d’effet de levier. Nous avons besoin d’un acteur public qui se consacre à l’économie à impact en cherchant à créer un écosystème privé. Par exemple, dans le domaine de la santé ou d’autres services d’intérêt général, il serait très pertinent pour l’Etat d’intervenir aux côtés de fonds d’investissement à impact en apportant des garanties. De la même façon que les fonds 90/10 (épargne salariale) ont permis d’apporter du financement peu coûteux au secteur de l’ESS, des outils de finance mixte permettraient de mobiliser du capital de long terme dans des secteurs à impact fort. Dans le domaine des infrastructures, la durée de détention des fonds est aujourd’hui de 20 à 30 ans parce que les revenus futurs permettent de limiter les risques pour l’investisseur, on pourrait imaginer un modèle similaire pour certaines activités de service avec l’aide de garanties publiques.

La mesure de l’impact reste également un facteur limitatif. Les acteurs de terrain manquent de moyens humains et d’un accès à des données publiques ouvertes de qualité pour mesurer la contribution réelle de leurs actions. En évaluant mieux les coûts évités pour la puissance publique ou les externalités positives de leurs actions, ils faciliteraient le développement de la finance à impact et d’outils innovants comme les contrats à impact social. Peu à peu, le secteur de l’analyse d’impact doit se renforcer, comme s’est développée l’analyse financière quand nos économies se financiarisaient.

  • Créer un dispositif d’amorçage équivalent à la bourse French Tech pour toutes les entreprises contributives qui souhaitent se lancer
  • Soutenir financièrement le développement d’incubateurs/accélérateurs d’entreprises à impact sur l’ensemble du territoire.
  • Stimuler la création de fonds d’impact (approche sectorielle, horizons de temps longs, objectifs de rentabilité mesurés) pour apporter plus de financement à ces secteurs et diminuer la pression du marché, comme cela a été fait avec succès pour l’écosystème de la Tech. Cela pourrait notamment passer, comme chez BPI France, par le renforcement d’une activité de fonds de fonds. Elle pourrait se faire au sein de la Banque des Territoires ou d’une autre institution.
  • Accélérer le développement de la finance solidaire fléchée spécifiquement vers les entreprises à impact ou structures de l’ESS
  • Développer des outils innovants de finance mixte permettant de modifier la perception du risque des projets ou de créer un capital patient.
  • Uniformiser les labels de fonds d’investissement responsables.
  • Stimuler l’innovation dans l’Impact Tech de manière prioritaire. Améliorer la diffusion de données publiques en open source et favoriser la création de startups fin-impact-tech.

5. Porter le sujet au niveau européen

Bien entendu, une grande partie de ces transformations sont à conduire au niveau européen. La France a montré que les avancées réalisées au niveau national pouvaient inspirer des Directives européennes, notamment dans le cas de la finance durable. Le plan d’actions de l’UE est directement dérivé des lois et des initiatives que la France a prises depuis 2015. De la même façon, la Communauté des entreprises à mission s’engage aujourd’hui à porter cette réussite française au niveau de l’UE.

L’autre grand combat européen doit être celui des normes comptables extra-financières, cela doit continuer à être une priorité de la France au sein de l’UE. L’Europe a la capacité d’imposer ses normes au niveau international, la Directive RGPD sur la sécurité des données en est un exemple marquant. On doit faire de même dans le domaine de la finance et de l’économie à impact. Si l’économie à impact a vocation à devenir une perspective de transformation du modèle de capitalisme, cela passera par une véritable révolution de la mesure de l’activité des entreprises et donc par le développement d’une nouvelle comptabilité.

  • Soutenir les efforts de la Commission Européenne pour créer des normes de reporting des entreprises avec une exigence de « double matérialité »
  • Oeuvrer pour la création d’un statut de l’entreprise à mission au niveau européen.
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